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LANG Rapport du Comité

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La décision de la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario de fermer l’hôpital Montfort en février 1997, et toute la bataille juridique qui s’en est suivie, a fait naître un débat qui est toujours d’actualité aujourd’hui, soit les droits individuels et collectifs à des soins de santé et de services sociaux dans la langue de la minorité. Cette question a été portée à l’attention des commissions qui se sont penchées sur l’avenir des soins de santé au Canada (Kirby et Romanow)4. Le Comité des langues officielles a demandé à quatre experts juridiques de se prononcer sur les fondements constitutionnels et juridiques à des soins de santé dans la langue de la minorité. Plus précisément, nous leur avons demandé de baser leur interprétation sur quatre législations qui nous semblent pertinentes :

La Loi constitutionnelle de 1867, incluant le pouvoir fédéral de dépenser;
La Charte canadienne des droits et libertés;
La Loi canadienne sur la santé;
La Loi sur les langues officielles.

La Loi constitutionnelle de 1867

D’entrée de jeu, il est important de faire un rappel sur la répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement. Comme l’a rappelé André Braën, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, les gouvernements provinciaux ont reçu de vastes pouvoirs dans le domaine de la santé en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Outre leur compétence à l’égard des hôpitaux et des asiles (art. 92 (7)), ils ont reçu des pouvoirs constitutionnels en santé publique en vertu de leur compétence sur les questions locales ou privées que la Constitution confie aux provinces (art. 92 (16)). Ils administrent également les régimes provinciaux d’assurance maladie, conséquence de leur pouvoir de réglementation en matière de propriété et de droits civils (art. 92 (13))5. Bien que les provinces aient une responsabilité prépondérante dans la prestation des soins de santé, il ne faut pas oublier celles qui relèvent du gouvernement du Canada.  Celui-ci intervient dans le secteur de la santé par ses compétences en droit criminel, à la quarantaine, aux hôpitaux de la marine, au commerce interprovincial et international, aux brevets et marques de commerce ou encore, au moyen de son pouvoir relatif à la paix, l’ordre et au bon gouvernement.  Le gouvernement fédéral possède également des responsabilités directes quand vient le temps d’assurer l’accès aux soins de santé à certains groupes, notamment les soins primaires aux Premières nations et aux collectivités inuites, ainsi que d’autres services aux vétérans et au personnel de la GRC, du Service correctionnel Canada et des Forces armées.  De plus, nous verrons plus loin dans cette section que c’est par son pouvoir de dépenser que le gouvernement du Canada a appuyé l’implantation de régimes provinciaux de santé publique.  Le gouvernement du Canada a joué un rôle important dans l’évolution du système de santé canadien et l’on ne peut omettre ce fait dans le sujet que nous traitons.

Le pouvoir de faire des lois concernant l’emploi des langues officielles n’a pas été formellement inscrit dans les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Par conséquent, ce pouvoir appartient aux deux niveaux de gouvernement, à l’intérieur de leurs compétences législatives. La compétence de légiférer sur les questions linguistiques est un pouvoir «  accessoire  » qui est lié à l’exercice de la compétence législative du Parlement ou des législatures provinciales dans les domaines qui leur sont assignés6. Comme l’a affirmé le professeur Pierre Foucher de l’Université de Moncton, «  le droit à des soins de santé dans la langue de la minorité relève des provinces7.  »

Toutefois, depuis 1867, le pouvoir de dépenser est le principal moyen qui a permis au gouvernement central d’exercer son autorité dans le domaine de la santé. La Loi constitutionnelle de 1867 accorde au Parlement fédéral un pouvoir à peu près illimité d’imposer et de dépenser. Ce pouvoir lui a permis d’intervenir dans des domaines de compétence des provinces comme les soins de santé et d’essayer de les amener à se conformer à des normes nationales uniformes, voire même d’orienter l’esprit de politiques qui relèvent de la compétence des provinces.

Tous les experts que nous avons consultés ont exprimé d’une même voix que le Parlement peut utiliser son pouvoir de dépenser pour appuyer les gouvernements provinciaux dans l’offre de soins de santé dans les deux langues officielles. Cette option serait la voie la plus sûre sur le plan juridique bien que plus controversée sur le plan politique. Il pourrait utiliser son pouvoir de dépenser pour faire des paiements directs aux particuliers, à des tiers ou aux provinces, comme il le fait actuellement pour l’éducation en milieux minoritaires, pour améliorer les services sociaux ou les soins de santé. Bien qu’il ne puisse réglementer directement les activités qui sont de compétence provinciale8, le gouvernement du Canada peut les assortir de «  conditions  » sur la façon dont l’argent doit être dépensé9. Cette façon de faire n’a jamais fait l’objet de contestation judiciaire. Par son pouvoir de dépenser, le Parlement canadien pourrait, dans la Loi canadienne sur la santé ou dans la Loi sur les langues officielles, reconnaître un droit à des soins de santé dans sa langue aux minorités linguistiques et son obligation à lui, comme en éducation, serait d’aider les provinces à remplir cette mission.

Dans la décision qu’elle a rendue dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec10, la Cour suprême du Canada déclare que la Constitution canadienne est fondée sur quatre principes : le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme (la primauté du droit) et la protection des droits des minorités11. Pour la professeure Martha Jackman de l’Université d’Ottawa, ce dernier principe non écrit de la Constitution canadienne pourrait être invoqué pour démontrer l’obligation de fournir les services dans les deux langues officielles. Elle reconnaît toutefois que jusqu’à maintenant, les tribunaux ont interprété les principes non écrits du Renvoi relatif à la sécession comme étant des obligations surtout négatives; c’est-à-dire qui empêche l’État d’agir plutôt que de l’obliger à agir. Or, les droits linguistiques de la Charte canadienne des droits et libertés ont ceci de particulier : ils imposent aux gouvernements l’obligation d’agir. Ces principes non écrits qui ressortent du Renvoi relatif à la sécession constituent donc un bon point de départ pour insister sur l’obligation de fournir les services dans les deux langues :

Je pense qu’on a la possibilité d’interpréter ces dispositions ou ces principes comme imposant un devoir d’agir, parce que les droits constitutionnels des minorités linguistiques n’ont pas beaucoup d’effet s’ils n’imposent pas d’obligations positives12.

La Charte canadienne des droits et libertés

Si la Charte canadienne des droits et libertés consacre très clairement les droits à l’instruction dans la langue de la minorité de langue officielle, il est généralement reconnu que ce droit n’est pas présent textuellement dans le domaine de la santé. Toutefois, dans le cadre de différentes commissions sur les soins de santé au Canada (Kirby et Romanow), des témoins ont soulevé l’hypothèse qu’il existerait des droits individuels et collectifs à des soins de santé dans la langue du patient13. Nous présentons ici les points de vue des experts sur la question.

L’article 7 garantit à chacun et chacune le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. On ne peut porter atteinte à ces droits sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale. Selon la professeure Martha Jackman, il y a là un argument intéressant qui pourrait être soulevé, soit que les soins de santé doivent être accessibles dans le sens de la Loi canadienne sur la santé dans la langue de la minorité linguistique pour répondre aux exigences de l’article 714.

D’autre part, le Comité a demandé si le fait de ne pas recevoir des soins de santé dans sa langue pouvait être invoqué comme un motif de discrimination en vertu de l’article 1515 de la Charte. Dans l’arrêt Eldridge c. Colombie-Britannique16, la Cour suprême du Canada a jugé qu’une personne sourde a le droit de recevoir des services de santé dans une langue qu’elle est en mesure de comprendre. Ne pas offrir ces services de traduction constituait une discrimination incompatible avec l’article 15 de la Charte. Est-ce que ce droit s’étend aux locuteurs d’une langue minoritaire? Les avis entendus sur la question varient. Pour la professeure Martha Jackman, l’article 15 offre des possibilités extrêmement intéressantes pour les arguments que le Comité veut faire valoir17. À l’inverse, il est loin d’être certain que la langue maternelle est visée par l’article 15 selon le professeur Pierre Foucher. Le cas échéant, seule la langue maternelle serait touchée. Deuxièmement, une personne bilingue ne pourrait pas profiter de ce droit. Troisièmement, cela s’appliquerait à toutes les langues et pas seulement aux langues officielles. Enfin, cela donnerait droit à des services de traduction et non à des services directs18.

Les experts juridiques ont également exploré les paragraphes 16(1) et 16(3) de la Charte. Le paragraphe 16(1) garantit l’égalité des langues officielles et le paragraphe 16(3) représente ce qu’on appelle le principe de progression : il engage le Parlement et les gouvernements à favoriser la progression vers l’égalité. Jusqu’à présent, ce principe a été interprété de façon à ne pas empêcher les gouvernements d’adopter des mesures qui favorisent la progression vers l’égalité. Toutefois, cela ne les oblige pas à agir. Dans l’arrêt Beaulac19, la Cour suprême a convenu que le paragraphe 16(1), qui consacre l’égalité linguistique, signifie que les droits qui existent à un moment donné doivent être appliqués également. Toutefois, il est important de préciser que cela n’oblige pas les gouvernements à rajouter des droits. Concrètement, si le droit à des soins de santé dans sa langue était rajouté dans une loi, soit la Loi sur les langues officielles ou la Loi canadienne sur la santé, les paragraphes 16(1) et 16(3) auraient alors un impact. Le paragraphe 16(3) ferait en sorte que cette loi ne pourrait être contestée sur la base de d’autres articles de la Charte et le paragraphe 16(1) ferait en sorte que l’égalité linguistique imposerait des obligations positives aux gouvernements pour s’assurer que ce droit soit mis en œuvre également.

Les experts ont examiné l’article 20(1) de la Charte, soit celui qui impose au gouvernement fédéral l’obligation d’offrir des services dans les deux langues dans les bureaux centraux et là où il y a une demande importante. Dans le cas où il offre des services directement à certains groupes (Premières nations, collectivités inuites, vétérans, personnel de la GRC, Service correctionnel, Forces armées canadiennes) les soins de santé que le gouvernement fédéral fournit directement font partie des services visés par l’article 20.

Pour les trois territoires, Tory Colvin, président de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law (FAJEFCL), soutient fermement que les articles 16 et 20 de la Charte obligent les gouvernements territoriaux et canadien à offrir des services de santé à tout parlant français des trois territoires, dans la mesure où ils font l’objet d’une «  demande importante  » ou de par la «  vocation du bureau  ». Toutefois, dans le cas des trois territoires, bien que le gouvernement du Canada soit responsable des soins de santé, il transfère de plus en plus cette responsabilité aux gouvernements territoriaux. Cette dévolution de responsabilités n’est pas sans créer des difficultés quant à l'application de la Loi sur les langues officielles en santé mais aussi dans différents domaines. Il y a ici une zone grise qu’il est nécessaire de clarifier.

RECOMMANDATION 1

Le Comité demande à la commissaire aux langues officielles de faire enquête pour vérifier si le gouvernement du Canada respecte la Loi sur les langues officielles lorsqu’il doit assurer directement des soins à certains groupes ou collectivités ou encore, qu’il s’assure que ses obligations soient rencontrées lorsqu’il transfère ses responsabilités à des tierces parties. Nous demandons à la commissaire de faire rapport au Comité à la suite de ses travaux.

Serait-il possible de modifier la Charte de façon à y enchâsser un nouveau droit à des soins de santé dans sa langue? Les experts s’entendent pour dire qu’il serait très difficile d’aller de l’avant avec une telle modification constitutionnelle. Pour reconnaître un droit à des soins de santé dans la langue de la minorité dans la Constitution canadienne, il faudrait le consentement unanime de l’ensemble des partenaires de la fédération en vertu de la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Toutefois, rien n’empêche le Parlement du Canada et une province consentante d’avoir recours à la procédure bilatérale de la  formule d’amendement pour inclure un tel droit. Le Comité ne peut qu’espérer que des provinces suivront l’exemple du Nouveau-Brunswick sur la voie de l’égalité linguistique. La Proclamation de 1993 modifiant la Constitution (Loi sur le Nouveau-Brunswick) a reconnu constitutionnellement l'égalité des deux communautés linguistiques du Nouveau-Brunswick en modifiant l'article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Nouveau-Brunswick est désormais tenu de protéger et de promouvoir le statut, les droits et les privilèges des deux communautés linguistiques.

La Loi canadienne sur la santé

En troisième lieu, le Comité a demandé aux experts d’examiner la Loi canadienne sur la santé. Dans sa forme actuelle, la Loi canadienne sur la santé énumère cinq conditions que les gouvernements des provinces et des territoires sont tenus de respecter dans le cadre de leur régime public d’assurance maladie pour avoir droit à la totalité des contributions fédérales versées sous le régime du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS). Ces cinq conditions sont l’universalité, l’intégralité, la transférabilité, la gestion publique et l’accessibilité. La FCFAC, ses membres et plusieurs associations communautaires francophones, ont demandé à maintes reprises l’ajout d’une sixième condition qui porterait sur la dualité linguistique. Le Comité a reçu plusieurs mémoires20 à ce sujet où il est demandé au Parlement d’inclure l’accès aux soins de santé dans les deux langues officielles dans la Loi canadienne sur la santé et d’en faire une condition nécessaire au financement fédéral. Le président de la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law est même allé plus loin dans cette argumentation : «  l’ajout du sixième principe d’égalité linguistique est essentiel et même constitutionnellement obligatoire. Comme Parlement, vous avez le pouvoir d’attacher des conditions linguistiques au financement. Je dirais même que vous en avez l’obligation21.  »

Santé Canada exprime des réserves quant à cette proposition. Le Ministère estime que l’approche adoptée jusqu’à présent par le gouvernement du Canada, à savoir le soutien des gouvernements provinciaux et des collectivités dans leurs efforts pour fournir un meilleur accès à des services dans la langue des minorités linguistiques, convient davantage que l’ajout d’un sixième principe à la Loi22. Par ailleurs, les experts juridiques consultés ont mentionné aux membres du Comité qu’il serait très difficile, pour des raisons politiques, d’amender l’actuelle Loi canadienne sur la santé23.

Le Comité a demandé à ces mêmes experts de se pencher sur un des principes énoncés dans la Loi, soit celui sur l’accessibilité. Ce principe exige des provinces qu’elles «  offrent les services de santé assurés selon des modalités uniformes et qu’elles ne fassent pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services24.  » Selon Pierre Foucher, il n’est pas exclu à prime abord que le principe d’accessibilité comprenne un accès à des soins de santé dans la langue du patient, s’il est interprété conformément au principe non écrit de protection des minorités. Toutefois, cette interprétation n’a jamais été validée par les tribunaux.

La Loi sur les langues officielles

En quatrième lieu, les experts ont analysé la Loi sur les langues officielles. La partie VII exprime l’engagement du gouvernement canadien à favoriser l’épanouissement des communautés et la progression vers l’égalité de statut et d’usage des deux langues. Un certain courant de pensée soutient qu’il est inutile d’invoquer la partie VII parce qu’elle serait non exécutoire, c’est-à-dire qu’elle ne créerait pas d’obligation.

C’est l’avis qu’a exprimé le ministre des Affaires intergouvernementales, l’honorable Stéphane Dion, lors de son passage à notre comité le 17 mars 2003 pour présenter le Plan d’action du gouvernement du Canada sur les langues officielles. Il est d’avis que la partie VII est un engagement politique et que le Plan d'action en est l’expression concrète. Selon le Ministre, le libellé de la partie VII, en plus d’être vague, implique directement les provinces dans la mise en œuvre de plusieurs initiatives. Par conséquent, il est difficile de concevoir comment le gouvernement du Canada pourrait être tenu responsable d’initiatives qui relèvent des provinces25.

Or, un jugement récent de la Cour fédérale est venu relancer ce débat. Dans son témoignage du 16 septembre 2003, le professeur Pierre Foucher a fait référence à un jugement de la Cour fédérale rendu le 8 septembre dernier26 dans lequel elle octroie une ordonnance qui force l’Agence canadienne de l’inspection des aliments à respecter la partie VII. La Cour a estimé que cette section de la Loi a une force obligatoire et peut conduire à des ordonnances. Si c’est le cas, le pont est assez facile à faire avec le dossier de la santé. Il serait vraisemblable de croire que le gouvernement du Canada a l’obligation, en vertu de l’article 41 de la Loi, de faire tout en son pouvoir pour favoriser le développement des soins de santé dans les deux langues. Le 14 octobre 2003, le ministère fédéral de la Justice a interjeté appel dans cette cause.

De plus, en vertu de l’alinéa 43(1)d), la ministre du Patrimoine canadien, au nom du gouvernement du Canada, a l’obligation de prendre des mesures pour aider les provinces à fournir des soins de santé dans la langue de la minorité. Il est maintenant reconnu que le gouvernement du Canada dépense pour renforcer l’accès des minorités linguistiques à l’éducation et aux services dans leur langue. La partie VII et l’alinéa 43(1)d) se trouvent à être l’expression du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral que nous avons expliqué précédemment dans cette section. Par conséquent, certains experts pensent qu’il serait beaucoup plus efficace et plus facile, tant en termes politiques que dans son application, d’ajouter un droit à l’accès aux soins de santé à la Loi sur les langues officielles plutôt que d’amender la Loi canadienne sur la santé. La ratification d’un protocole d’entente entre Santé Canada et le ministère du Patrimoine canadien (PCH), sur le modèle de ce qui a été signé en 1997 entre le Conseil du Trésor et PCH, relativement à la mise en œuvre de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles est une avenue possible ici. Nous y reviendrons plus loin dans la troisième section.

Le débat amorcé depuis quelques années sur les fondements constitutionnels et juridiques à des soins de santé pour les minorités linguistiques n’est sûrement pas terminé; le Comité n’a pas non plus la prétention de l’avoir épuisé. Nous espérons avoir apporté un éclairage nouveau à cette question. Nous verrons dans la prochaine section que plusieurs initiatives sont déjà mises en œuvre et que tout le dossier progresse. Toutefois, ces initiatives pour améliorer l’accès ne doivent pas éluder la nécessité de reconnaître le droit fondamental des minorités linguistiques à recevoir des soins dans leur langue. Le Comité estime qu’une garantie juridique devra être inscrite quelque part par souci d’équité et d’égalité, mais aussi pour renforcer les initiatives qui sont actuellement en œuvre sur le terrain. C’est le constat posé par les associations communautaires que nous avons entendues, mais aussi par des administrateurs d’institutions hospitalières qui travaillent sur le terrain. Il faut continuer la discussion et c’est pourquoi le Comité demande à la Commissaire aux langues officielles d’en faire un dossier prioritaire dans les prochaines années.

RECOMMANDATION 2

Le Comité demande à la commissaire aux langues officielles d’organiser la tenue d’un forum national de réflexion où des experts juridiques se pencheront publiquement sur les meilleures options pour renforcer les assises juridiques des services de santé aux minorités linguistiques, y compris la possibilité d’ajouter un sixième principe sur la dualité linguistique à la Loi canadienne sur la santé. Nous demandons à la commissaire de faire rapport au Comité à la suite de ses travaux.


4Nous faisons référence ici à l’étude menée par le Comité permanent du Sénat des affaires sociales, des sciences et de la technologie (Comité Kirby) ainsi que celles de la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada (Commission Romanow) qui ont déposé leurs rapports finaux à l’automne 2002.
5Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 31, 37e législature, 2e session, 17 septembre 2003, (1615).
6C’est ce que la Cour suprême a statué dans l’arrêt Devine en 1988 en affirmant que le Québec avait la compétence législative voulue pour légiférer sur l’aspect de la langue dans les domaines de sa compétence législative. Le juge Michel Bastarache est venu confirmer l’arrêt Devine sur ce point au paragraphe 14 de l’arrêt Beaulac de 1999.
7Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0915).
8Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0940).
9Une décision de la Cour d’appel de l’Alberta vient confirmer cette thèse : Winterhaven Stables Ltd. c. Canada (1988), 53 D.L.R., (4th), p. 434 (traduction).
10Renvoi relatif à la sécession du Québec [1998], 2 R.C.S. 217 p. 248-249.
11Bien qu’ils ne soient pas expressément écrits, ces principes sous-jacents de la Constitution peuvent néanmoins donner lieu à des droits juridiques substantiels. Le principe de la protection des droits des minorités a d’ailleurs été invoqué avec succès dans l’affaire Montfort.
12Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0915).
13Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 23, 37e législature, 2e session, 27 mai 2003, (0905).
14Mme Jackman a fait référence ici à la décision de la Cour suprême du Canada datant du 8 mai 2003 qui a accepté d’entendre l’appel du médecin québécois Jacques Chaoulli, qui veut faire déclarer comme étant inconstitutionnels les articles de loi qui interdisent au secteur privé de concurrencer le secteur public en matière de santé. Le demandeur avait été préalablement débouté en Cour supérieure du Québec et en Cour d’appel.
15«  La Loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques  ».
16Arrêt Eldridge c. Colombie-Britannique (A.G.), [1997], 3 R.C.S. para. 624.
17Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0920).
18Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0910).
19R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S., para. 768
20Douze organismes ont présenté un mémoire au Comité et plusieurs d’entre eux recommandaient l’ajout d’un principe portant sur la dualité linguistique dans la Loi canadienne sur la santé.
21Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0935).
22Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 24, 37e législature, 2e session, 28 mai 2003, (1535).
23Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 30, 37e législature, 2e session, 16 septembre 2003, (0925).
24Loi canadienne sur la santé, 1984.
25Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 14, 37e législature, 2e session, 17 mars 2003, (1610).
26Maires de la péninsule acadienne c. Agence canadienne de l’inspection des aliments (2003 CF 1048).