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LANG Rapport du Comité

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Nous utilisons ici le terme «  coopération intergouvernementale  » pour désigner l’ensemble des relations qui existent entre les différents ordres de gouvernement d’une fédération instituée dans le but d’atteindre des objectifs communs.

Il est généralement reconnu que la coopération intergouvernementale dans le domaine des langues officielles est bien établie. Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement fédéral signe depuis 1970 des ententes bilatérales avec chacun des gouvernements provinciaux et territoriaux (ministère de l’Éducation) et fournit un appui financier pour couvrir une partie des coûts supplémentaires encourus pour offrir l’enseignement dans la langue primaire. Le Programme des langues officielles dans l’enseignement était l’une des principales recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton. De plus, le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire du ministère du Patrimoine canadien, signe également des ententes fédérales-provinciales en matière de services dans la langue de la minorité sur une base pluriannuelle avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans des domaines clés pour le développement et l’épanouissement des collectivités minoritaires de langue officielle : l’économie, la justice, les services sociaux et les loisirs, etc.

Le 23 septembre dernier, le directeur général des Programmes d’appui aux langues officielles du ministère du Patrimoine canadien, M. Hilaire Lemoine, a fait un bref retour historique sur le Programme des langues officielles en éducation (PLOE). Depuis 30 ans, l’évolution du Programme s’est faite en accord avec les principes de respect mutuel et de partenariat avec les gouvernements participants. Depuis 1998, l’approche par plan d’action avec indicateurs de rendement a amené une transparence et une imputabilité accrues dans la gestion du programme. M. Lemoine a terminé son exposé en insistant sur le fait que le programme a été cité par le passé «  comme un modèle de collaboration fédérale-provinciale44  ».

Lors des travaux de la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, plusieurs associations francophones45 ont demandé la création d’un programme de coopération intergouvernementale en santé, similaire à ce qui existe actuellement dans le domaine de l’éducation. Cette demande a été réitérée par des associations anglophones et francophones qui ont comparu dans le cadre de nos travaux. Le vice-président de la Régie régionale de Beauséjour (Nouveau-Brunswick), M. Gilles Beaulieu, est venu appuyer une telle proposition :

Cette idée (la création d’un PLOS) va certainement dans le même sens que notre demande pour la création d'un fonds dédié aux services de santé en milieu minoritaire. Mieux encore, cette idée assure un encadrement et un engagement des divers ordres du gouvernement dans le développement des services de santé en milieu minoritaire. Une entente intergouvernementale favoriserait, pour les communautés minoritaires, le développement de secteurs en émergence telles la promotion de la santé, la prévention des maladies, la formation de francophones dans les sciences de la santé. Elle permettrait d'accroître l'utilisation des nouvelles technologies, comme la télémédecine et les technologies de l'information, afin de favoriser l'accès des francophones à des services de santé en milieu minoritaire. Une telle entente devrait aussi permettre aux institutions de conserver leurs acquis, assurer le rattrapage et appuyer leur développement auprès des communautés cibles46.

Le Comité considère que le PLOE constitue un modèle pratique dont il serait possible de s’inspirer, en tout ou en parties, afin d’améliorer l’accès aux soins de santé pour les minorités linguistiques. Nous croyons que cette proposition mérite d’être étudiée attentivement par le gouvernement du Canada.

Toutefois, il est important que les principes de base d’un tel programme soient inspirés de ceux qui ont fait le succès du PLOE. Premièrement, l’instauration d’un tel programme devra se faire en respectant les champs de compétence des provinces; en accord avec les principes de respect mutuel et de partenariat égal entre les gouvernements. Soulignons que le coordonnateur national des Affaires francophones, Edmond LaBossière, a rappelé au Comité que les territoires et les communautés sont rendus à des degrés d’avancement fort différents en matière de soins de santé dans la langue du patient; un programme de la sorte devrait donc offrir toute la souplesse et la flexibilité nécessaires pour accommoder les différences sur le terrain. Le deuxième principe à respecter, c’est la participation constante des communautés minoritaires de langue officielle à toutes les étapes du processus. Les réseaux pourraient jouer ce rôle en identifiant les priorités sur le terrain et en apportant une valeur ajoutée à la gestion du programme. Troisièmement, la transparence et le caractère redditionnel du financement du système devront être assurés. Il s’agit ici pour le citoyen-contribuable d’avoir une idée des coûts associés à l’offre de services de santé dans la langue de la minorité. Quatrièmement, nous estimons qu’un tel programme devrait être administré par Santé Canada compte tenu de son expertise naturelle dans le domaine. Le choix de confier cette responsabilité à cette institution fédérale est conforme à l’esprit et à la lettre de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles. Nous suggérons la ratification d’un protocole d’entente entre Santé Canada et Patrimoine canadien (PCH), sur le modèle de ce qui existe déjà entre le Conseil du Trésor et PCH. Nous faisons référence ici au protocole d’entente signé en 1997 entre le Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine canadien en vue de la mise en œuvre de l'article 41. Cette entente sert à encourager les institutions fédérales à tenir compte, dans leur processus global de planification stratégique et d'évaluation, de l'engagement du gouvernement envers l'épanouissement et le développement des minorités de langue officielle.

Aussi, de par l’importance du dossier de la santé pour le développement et l’épanouissement des minorités linguistiques, le Comité des langues officielles estime que toute la question de l’accessibilité à des soins de santé pour les communautés minoritaires de langue officielle, y compris la création du programme de coopération intergouvernementale, devra être soulevée d’ici deux ans dans le cadre des prochaines conférences fédérales-provinciales-territoriales des ministres de la Santé. Ces discussions devront avoir lieu avant la date d’échéance des ententes fédérales-provinciales-territoriales sur la santé en 2005-2006. Il est temps que cet enjeu fondamental s’inscrive à l’intérieur des grands forums où se discute l’avenir du système de santé.

RECOMMANDATION 11

Le Comité demande au gouvernement du Canada que l’une des prochaines conférences fédérales-provinciales-territoriales des ministres de la santé porte principalement sur la question des soins de santé aux minorités linguistiques.

RECOMMANDATION 12

Le Comité recommande au gouvernement du Canada de créer un programme de coopération intergouvernementale dans le domaine de la santé, géré par Santé Canada, qui viendrait appuyer financièrement les gouvernements provinciaux et territoriaux dans la prestation des soins de santé pour les minorités linguistiques. Ce programme devrait reposer sur les principes suivants : le respect des champs de compétence des provinces, le partenariat égal, la participation des réseaux communautaires de santé et l’imputabilité.

Finances Canada, le TCSPS et la Loi sur les langues officielles

Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) est le plus important transfert fédéral aux provinces et aux territoires. Il contribue au financement des soins de santé, de l’enseignement postsecondaire, ainsi que de l’aide sociale et des services sociaux, sous forme de versements en espèces et de transferts de points d’impôt. Lors de la conférence fédérale-provinciale pour le renouvellement et la viabilité à long terme des soins de santé qui s’est tenue à Toronto en janvier 2003, les premiers ministres se sont entendus pour créer le nouveau Transfert canadien en matière de santé (TCS) en avril 2004. Le TCS, qui remplacera le TCSPS, améliorera la transparence et l’imputabilité de l’aide fédérale aux provinces et aux territoires. En tout, 34,8 milliards de dollars alimenteront les régimes provinciaux en matière de santé et de programmes sociaux au cours des cinq prochaines années47.

Actuellement, le TCSPS confère aux provinces et aux territoires une certaine autonomie pour répartir les paiements entre les programmes sociaux conformément à leurs priorités, tout en respectant les principes de la Loi canadienne sur la santé : la gestion publique, l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité. Ni l’actuel TCSPS ni le futur TCS ne comporte de conditions reliées à la dualité linguistique ou au nombre de francophones ou d’anglophones. Le transfert se fait plutôt selon une formule complexe en partie basée sur le nombre d’habitants par province, sans égard aux statistiques démolinguistiques.

Par ailleurs, Finances Canada a expliqué lors de sa comparution devant notre comité que le TCSPS est régi par la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, ainsi que par certains règlements de comptabilité fédéraux. Au moment de leur comparution, les fonctionnaires de Finances Canada n’étaient pas en mesure de nous confirmer que la Loi sur les langues officielles s’appliquait au TCSPS (hormis l’obligation de rendre leurs documents disponibles au public en anglais et en français). Nous rappelons au lecteur que les engagements énoncés dans l’article 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles s’appliquent à tous les ministères, organismes et sociétés d’État fédéraux.

Le Comité croit que l’Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé représentait une belle occasion pour le gouvernement du Canada de faire connaître à ses interlocuteurs les besoins des communautés minoritaires de langue officielle en matière de soins de santé. Le gouvernement du Canada devrait accorder plus d’attention à cet enjeu dans ses discussions futures avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Les accords à venir ne doivent plus rester muets sur cet aspect. Par exemple, les besoins des communautés minoritaires de langue officielle auraient pu être identifiés comme un secteur prioritaire dans le nouveau Fonds pour la réforme de la santé48. Il en va de même du futur conseil de la santé qui sera créé dans les prochains mois pour faciliter la coopération entre les gouvernements. Nous recommandons que les communautés minoritaires de langue officielle y soient représentées. 

RECOMMANDATION 13

À la lumière de l’Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, où un fonds de 16 milliards de dollars a été créé pour appuyer la réforme des soins de santé, et où on a ciblé spécifiquement la réforme des soins de première ligne, les soins à domicile et les coûts sans cesse croissants des médicaments d’ordonnance, le Comité recommande au gouvernement du Canada de cibler également les soins de santé aux communautés minoritaires de langue officielle à l’intérieur de la présente entente et des ententes à venir.

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande au gouvernement du Canada de s’assurer que les communautés minoritaires de langue officielle soient représentées au sein du Conseil de la santé.

Conclusion

Plusieurs initiatives ont été mises de l’avant dans les dernières années pour améliorer les soins de santé aux minorités linguistiques. Il y a eu une appropriation du dossier par les communautés elles-mêmes. Les réseaux sont en place dans chaque province ou sont en voie de l’être. Le Consortium national de formation en santé est fonctionnel et produit depuis quelques années des diplômés dans les professions en sciences de la santé. Aussi, il est important de réfuter le mythe qu’il en coûte nécessairement plus cher d’offrir des soins de santé dans la langue officielle du patient.  Nous citons ici le témoignage du président-directeur général de l’hôpital Montfort, M. Gérald Savoie, qui est fort révélateur à ce sujet :

Je peux vous dire que l'Hôpital Montfort est l'hôpital le plus efficace de la province ontarienne. Alors, on se compare avec les 138 autres hôpitaux. On offre les services dans les deux langues, c'est-à-dire dans la langue au choix du client etc. […] Nous avons pu démontrer que nous étions capable de l'offrir à un prix très très modique49.

Malgré ces progrès considérables réalisés, la situation demeure fragile et vulnérable aux changements politiques. Le Comité permanent des langues officielles réitère l’importance d’un engagement stable et à long terme des gouvernements pour assurer la pérennité des initiatives actuellement en place. Idéalement, l’accès aux soins de santé pour les minorités linguistiques gagnerait à être protégé ou renforcé par des dispositions législatives claires et solides.


44Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 32, 37e législature, 2e session, 23 septembre 2003, (0930).
45FCFA du Canada, Mémoire présenté à la Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, Regina, 4 mars 2002.
46Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 35, 37e législature, 2e session, 1 octobre 2003, (1535).
47Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 32, 37e législature, 2e session, 23 septembre 2003, (1020).
48Ce nouveau Fonds prévoit des investissements de 16 milliards de dollars pour les soins primaires, les soins à domicile et la couverture des médicaments d’ordonnance.
49Témoignages, Comité permanent des langues officielles, réunion no 35, 37e législature, 2e session, 1 octobre 2003, (1640).