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OGGO Rapport du Comité

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ÉTUDE RELATIVE AU BUREAU DU
COMMISSAIRE À LA VIE PRIVÉE

PRÉFACE

La confiance est au cœur de la relation entre un haut fonctionnaire du Parlement et le Parlement lui-même. Lorsque la crédibilité est entamée, la confiance est brisée. Dans ce rapport, les membres du Comité constatent que la conduite de M. George Radwanski en tant que commissaire à la protection de la vie privée n’est pas conforme à l’exigence raisonnable d’honnêteté.

INTRODUCTION

Le 13 juin 2003, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a déposé son Quatrième rapport à la Chambre des communes, dans lequel il formule ses constatations et ses conclusions relativement au commissaire à la protection de la vie privée et au Commissariat (annexe 1).

La conclusion centrale du rapport est que le Comité a cessé de croire que l’information que lui fournissait le commissaire était exacte et complète. En conséquence, les membres du Comité ont constaté unanimement qu’ils avaient perdu confiance dans la parole du commissaire.

De plus, le Comité a conclu qu’il y avait motif suffisant pour s’inquiéter des pratiques de gestion financière et de ressources humaines du commissaire et soumettre ces dossiers à la vérificatrice générale et à la Commission de la fonction publique pour des vérifications détaillées. En outre, il a demandé que la Commission de la fonction publique utilise ses pouvoirs pour faire en sorte que le personnel du Commissariat ne fasse pas l’objet d’intimidation ou de sanctions à la suite d’une comparution devant le Comité.

Le rapport présente à la Chambre un énoncé des faits obtenus par le Comité, ainsi que le raisonnement qui l’a mené aux résultats et aux conclusions qu’il formule dans le Quatrième rapport, notamment aux quatre constatations suivantes :

Les membres du Comité croient que le commissaire a trompé le Comité concernant : a) les circonstances dans lesquelles le Commissariat a fourni copie d’une lettre dont l’un des paragraphes de l’original avait été rayé; b) un ensemble de rapports de dépenses dont le caractère incomplet n’était pas signalé dans la lettre d’accompagnement; c) des formulaires de frais de déplacement dans lesquels, par l’application d’un matériau correcteur, on avait tenté de dissimuler de l’information; d) les raisons pour lesquelles le commissaire n’a pas comparu en personne à l’audience sur le Budget principal du Commissariat. Lorsque ces préoccupations ont été portées à l’attention du commissaire ou de représentants du Commissariat, des documents supplémentaires ont été produits mais le commissaire a continué de tromper le Comité, tant dans des lettres que dans des témoignages, par rapport à ces questions.

Le présent rapport s’inspire également de l’information supplémentaire fournie au Comité depuis le 13 juin 2003. L’information reçue depuis cette date va dans le sens des conclusions formulées dans le Quatrième rapport, et ne contient rien qui permette de modifier ou d’atténuer les résultats ou les conclusions formulées dans ce rapport. Le Comité reste unanimement convaincu que M. Radwanski a agi de façon inopportune lorsqu’il a tenté d’induire le Comité en erreur, utilisé de façon abusive ses privilèges de commissaire et instauré une culture d’intimidation au sein du Commissariat.

CONTEXTE

La conduite du commissaire à la protection de la vie privée doit être considérée à la lumière des caractéristiques distinctives conférées à ce poste de haut fonctionnaire du Parlement.

Les hauts fonctionnaires du Parlement

Le vérificateur général, le directeur général des élections, le commissaire aux langues officielles et les commissaires à l’information et à la protection de la vie privée sont des hauts fonctionnaires du Parlement du Canada1. Leur poste a été créé par le Parlement pour lui fournir information, conseils et autres services nécessaires pour tenir le gouvernement responsable de ses actions dans des domaines particuliers. Les hauts fonctionnaires du Parlement font des contributions précises par leurs fonctions d’enquête et de vérification et jouent souvent un rôle d’ombudsman dans leur champ de responsabilités.

Une exigence centrale de l’efficacité des hauts fonctionnaires du Parlement est leur indépendance par rapport au gouvernement en exercice. Leur rôle comme serviteurs du Parlement, auquel ils font directement rapport par le Président de la Chambre des communes (et également, dans le cas des trois commissaires, par le Président du Sénat) illustre leur indépendance. Cette indépendance est garantie par des procédures de rapport et de révocation, par une garantie d’indépendance financière, par les conditions fixes de leur nomination et par le contrôle général qu’ils exercent sur les opérations de leur bureau.

En même temps, le degré d’indépendance accordé aux hauts fonctionnaires du Parlement reste controversé et impose à celui-ci de disposer d’un recours dans le cas où l’indépendance conférée au poste est compromise. Comme ces fonctionnaires relèvent du Parlement, ce recours prend normalement la forme de dispositions législatives faisant en sorte que ni le Parlement ni le gouvernement ne peut révoquer unilatéralement un haut fonctionnaire : il faut une action conjointe à cet égard. Une garantie supplémentaire est fournie par l’exigence d’une entente entre le Sénat et la Chambre des communes.

Le commissaire à la protection de la vie privée

Le commissaire à la protection de la vie privée est chargé d’appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels entrée en vigueur en même temps que la Loi sur l’accès à l’information le 1er juillet 1983. Cette loi vise à protéger des données, et a déjà été définie comme un «  code de déontologie pour le manipulateur d’information  ». La Loi :

garantit aux individus le droit à l’accès à l’information personnelle détenue à leur sujet par le gouvernement fédéral;
impose des obligations d’information au gouvernement fédéral pour la façon qu’il recueille, garde, utilise et divulgue l’information personnelle en sa possession;
crée un poste d’ombudsman indépendant, le commissaire à la protection de la vie privée, pour résoudre les différends et voir au respect de la Loi.

Le commissaire est également chargé de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, loi plus récente qui régit la cueillette, l’utilisation et la divulgation de l’information personnelle par le secteur privé, mais seulement dans le cours des activités commerciales. Le 1er janvier 2004, la Loi couvrira également les organismes et les activités régis par les provinces, sauf dans une province disposant d’une loi très semblable. À ce jour, seul le Québec est dans ce cas.

En plus d’enquêter sur les plaintes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le commissaire peut mener des vérifications des pratiques d’information des institutions gouvernementales et des organismes du secteur privé quand il peut les justifier.

La Loi sur la protection des renseignements personnels éloigne le commissaire du gouvernement en exercice en définissant les rôles du gouvernement et du Parlement pour ce qui est de sa nomination et, s’il y a lieu, de sa révocation. Les dispositions de la Loi à cette fin se lisent comme suit :

53. (1) Le gouverneur en conseil nomme le commissaire à la protection de la vie privée par commission sous le grand sceau, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.

(2) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le commissaire à la protection de la vie privée occupe sa charge à titre inamovible pour un mandat de sept ans, sauf révocation par le gouverneur en conseil sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes.

(3) Le mandat du Commissaire à la protection de la vie privée est renouvelable pour des périodes maximales de sept ans chacune.

(4) En cas d'absence ou d'empêchement du Commissaire à la protection de la vie privée ou de vacance de son poste, le gouverneur en conseil peut confier à toute personne compétente, pour un mandat maximal de six mois, les pouvoirs et fonctions conférés au titulaire du poste par la présente loi ou une autre loi fédérale et fixer la rémunération et les frais auxquels cette personne aura droit.

Mandat du Comité

Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a été créé en mai 2002 afin de trancher deux questions. Tout d’abord, la majorité des députés croyaient que la Chambre des communes devait renforcer sa surveillance des ministères et l’examen annuel des prévisions budgétaires. Ces préoccupations se sont traduites par l’adoption d’une motion de l’Opposition demandant au gouvernement de donner suite aux recommandations du Rapport Catterall/Williams intitulé L’étude des crédits : Boucler la boucle du contrôle et d’une motion visant l’élection libre des présidents de comité.

L’autre question touchait la nécessité pour la Chambre des communes de s’occuper davantage des questions entourant l’application des nouvelles technologies de l’information et des communications à la gestion publique. On croit généralement que ces «  outils  » auront une incidence considérable sur la gestion publique et le fonctionnement d’une démocratie saine.

En conséquence, la Chambre a décidé de créer le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires et de lui confier le mandat de surveiller les ministères et les organismes centraux du gouvernement, les hauts fonctionnaires du Parlement qui ont des responsabilités de gestion de l’information et la gamme d’autres organisations qui reçoivent des fonds publics et ne relèvent pas d’un comité en particulier.

L’alinéa 108(3)c) du Règlement énonce les responsabilités particulières du Comité (le mandat est présenté au complet à l’annexe 2) :

(vi) l’étude des rapports du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire à l’information, de la Commission de la fonction publique et du Conseiller en éthique sur les responsabilités qui lui incombent aux termes de la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, rapports tous réputés être renvoyés en permanence au Comité dès leur dépôt sur le Bureau de la Chambre, et la présentation de rapports à ce sujet.

Prévisions budgétaires et rapports annuel du Commissariat

Conformément à ce mandat, la Chambre des communes a renvoyé au Comité les Budgets supplémentaires des dépenses (A) et (B) de 2002-2003 et le Budget principal des dépenses de 2003-2004 (annexe 3).

Le Comité a également tenu des audiences auprès du commissaire et de ses fonctionnaires à compter du mois de mars 2003 au sujet du rapport annuel et du Budget supplémentaire du commissaire. Le Budget principal des dépenses du Commissariat a été examiné par le Comité le 27 mai 2003. Comme le précise ailleurs le rapport, ces réunions ont entamé le processus qui a mené au résultat divulgué dans le Quatrième rapport du Comité.

DÉMARCHE SUIVIE PAR LE COMITÉ

La présente section du rapport décrit les événements qui ont éveillé les inquiétudes des membres du Comité concernant le commissaire à la protection de la vie privée et la démarche suivie par le Comité pour réagir à ces préoccupations.

Chronologie des événements

Le 18 mars 2003, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires à tenu une réunion avec le commissaire sur le rapport annuel du Commissariat récemment publié. Lors de cette rencontre, M. le député John Bryden a prié le commissaire de lui remettre une série de renseignements, soit :

une explication écrite quant à la raison pour laquelle le Commissariat devait échapper à l’application de la Loi sur l’accès à l’information (dont il avait été question pendant la réunion);
un organigramme du Commissariat ainsi que les descriptions de travail pour chaque poste;
des données sur les comptes de dépenses des deux derniers exercices pour le commissaire et les cadres de son bureau;
une liste des destinataires habituels des communiqués publiés par le Commissariat.

Quand le commissaire s’est montré inquiet à l’idée de dévoiler de l’information sur les postes et les comptes de dépenses, M. Bryden a donné avis au Comité d’une motion pour demander officiellement les renseignements souhaités.

Le 21 mars 2003, le greffier du Comité a reçu une lettre signée par le directeur exécutif du Commissariat (annexe 4). Selon la lettre, le commissaire avait chargé son directeur exécutif de fournir :

1)copie d’une lettre du 2 août 2002 (Rosenberg-Radwanski) concernant le rapport du groupe de travail sur l’accès à l’information (annexe 4);
2)copie des demandes de remboursement de dépenses du 1er avril 2001 au 18 mars 2003;
3)copie de l’organigramme et une description des postes du Commissariat au 18 mars 2003.

Une autre lettre, datée du 24 mars 2003, fournissait des renseignements supplémentaires, dont des descriptions de travail et un énoncé général sur l’acheminement des communiqués de presse du Commissariat (annexe 5).

Peu après l’obtention des documents, le président a reçu un appel d’une personne qui prétendait travailler au Commissariat et qui a déclaré que la copie de la lettre fournie au Comité avait été falsifiée. Plutôt que de réagir à une information anonyme, le président a mis M. Bryden au courant de l’appel téléphonique et ils ont décidé que M. Bryden demanderait une copie de la lettre originale au sous-ministre de la Justice, ce qu’il a fait. Selon des témoignages recueillis par le Comité, des discussions ont alors eu lieu entre le Commissariat et le bureau du sous-ministre de la Justice. M. Radwanski a refusé d’autoriser la transmission de l’original jusqu’à ce que le ministère de la Justice l’informe que la Loi sur l’accès à l’information ne fournit aucun motif permettant de refuser de présenter ladite lettre et que le sous-ministre de la Justice avait l’intention de la transmettre.

Morris Rosenberg, sous-ministre de la Justice, a par la suite fourni cette lettre à M. Bryden, soit le 29 mai 2003 (annexe 6). La comparaison entre l’original et la copie remise au Comité a révélé que dans cette dernière, la page 1 de l’original avait été refaite : le dernier paragraphe avait été supprimé et le timbre-dateur indiquait la date de l’original, soit le 2 août 2002. Les autres pages de la lettre fournie au Comité, y compris la page finale portant la signature de M. Radwanski, étaient des photocopies de l’original.

Dans une lettre à M. Bryden datée également du 29 mai 2003, et dont copie a été transmise aux membres du Comité, le commissaire disait avoir eu connaissance que M. Rosenberg, allait fournir l’original de sa lettre à M. Bryden, et il disait avoir consenti à cette transmission, alors que ce consentement n’était pas nécessaire, comme l’indique ce qui précède (annexe 7). Le commissaire poursuivait en expliquant pourquoi le paragraphe avait été supprimé (nous étudierons cette question plus en détail dans une autre section du rapport).

Occasion pour le commissaire de répondre

Le 3 juin 2003, les membres du Comité ont adopté une motion pour convoquer le commissaire devant le Comité afin de discuter de la question de la lettre modifiée et de questions connexes. La réunion a eu lieu le 9 juin 2003; même si le commissaire a eu droit à plusieurs heures pour élaborer sur l’explication donnée dans la lettre du 29 mai 2003, il n’a pas répondu aux préoccupations des membres. Entre-temps, certains d’entre eux avaient été contactés directement par plusieurs employés, anciens et actuels, du Commissariat et d’autres personnes qui exprimaient tout un éventail de préoccupations concernant les pratiques administratives et financières du commissaire.

À la suite de la réunion du 9 juin, le président a communiqué avec M. Robert Walsh, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, afin de lui demander des conseils sur la façon dont le Comité devrait procéder, compte tenu de la nature très grave des allégations. Comme une grande partie des renseignements provenaient de dénonciateurs, il a été décidé que M. Walsh rencontrerait l’un d’eux afin d’établir la crédibilité de la personne.

Dénonciateurs

Le 10 juin 2003, M. Walsh a été contacté par une personne qui avait d’abord téléphoné au président; le lendemain, il a informé le Comité qu’un employé du Commissariat avait communiqué avec lui en disant avoir des renseignements sur les circonstances entourant la lettre modifiée ainsi que sur l’information contenue dans un ensemble de documents fourni en mars par le commissaire. Après s’être entretenu avec le président, M. Walsh a interrogé la personne en question afin de déterminer si elle était une source crédible, dépourvue de préjugés ou d’intérêts personnels pouvant miner la véracité de ses propos. Au cours des échanges, le conseiller parlementaire a reçu le nom d’autres témoins qui pouvaient confirmer les dires de l’employé, ainsi que de titulaires de postes au Commissariat qui leur conféraient des connaissances utiles pour les travaux du Comité.

Décision de tenir des audiences à huis clos

Étant donné la gravité potentielle des questions entourant la lettre modifiée et d’autres renseignements communiqués aux membres dans l’intervalle, le Comité a décidé de tenir une série de rencontres à huis clos avec le commissaire et des employés du Commissariat, dont l’employé qui s’était manifesté au tout début pour dévoiler des renseignements concernant la lettre, d’autres personnes qui s’étaient montrées prêtes à fournir des renseignements et certains employés du Commissariat dont les témoignages étaient pertinents en raison des postes qu’ils occupent.

Dans la façon d’aborder les audiences, les membres du Comité ont reconnu la nécessité de régler rapidement toutes les questions préoccupantes, puisque des audiences prolongées risquaient de nuire à la crédibilité du commissaire à la protection de la vie privée et à sa capacité d’exercer ses fonctions. Si les préoccupations étaient anodines ou fondées sur de fausses informations ou sur des malentendus, elles devaient être considérées sans délai.

De plus, les membres du Comité étaient extrêmement inquiets pour les employés du Commissariat, tant ceux qui ont offert spontanément de l’information que les autres. Dans certains cas, ces employés avaient des raisons légitimes de croire que leur emploi ou leur avenir au Commissariat est en danger. En fait, selon un témoignage recueilli subséquemment par le Comité, lors d’une réunion de gestion tenue au cours de la semaine des audiences intensives, le commissaire à la protection de la vie privée aurait déclaré, d’une façon vue par les employés comme menaçante et intimidante, que si le coupable était découvert, il n’aurait plus aucun avenir dans la fonction publique.

Dans la journée (et la soirée) du 12 juin 2003, le Comité a tenu une séance marathon en présence de plusieurs témoins. Tous ceux qui ont comparu devant le Comité ont été avisés que la réunion se tenait à huis clos, c’est-à-dire que ni la teneur des délibérations ni l’identité des témoins ne serait rendue publique.

La principale raison du huis clos était d’éviter de divulguer des renseignements pouvant exposer les employés à des représailles, à des menaces ou à d’autres conséquences fâcheuses. Les témoins ont également été informés de leur obligation à respecter le huis clos et la confidentialité des témoignages et des questions des membres du Comité. Notons cependant que cette restriction n’est pas un bâillon et ne peut être invoquée par M. Radwanski comme prétexte pour refuser de répondre aux questions des médias sur les formules de dépenses, les contrats et les autres pratiques qui ont attiré l’attention depuis quelques semaines. Cela ne s’applique pas non plus aux séances publiques du Comité tenues avec M. Radwanski et les cadres du Commissariat, ni aux documents produits à ces réunions.

La décision de tenir des audiences à huis clos a eu un impact important sur la structure et le contenu du présent rapport, ainsi que sur le processus de recherche lui-même. La nécessité de protéger les témoins nous a empêchés de les citer et de citer les sources anonymes faciles à identifier. En outre, en donnant nos sources, nous avons pris soin d’éviter les détails accessoires pouvant révéler les identités. La principale exception à cette règle concerne M. Radwanski lui-même, dont on ne peut cacher l’identité dans ce rapport pour des raisons évidentes.

Notre démarche garantit une grande crédibilité dont sont dépourvus d’autres procédures et peut-être d’autres modes de huis clos. Cette démarche a obtenu l’aval des membres représentant tous les partis à la Chambre des communes, tant pour les conclusions du rapport que pour le contenu des témoignages sur lequel elles se fondent. Étant donné l’important rôle d’opposition au gouvernement conféré aux partis par le parlementarisme britannique, l’unanimité du Comité ne peut se justifier que par le fait que les témoignages fournis ici représentent fidèlement ceux que nous ont fournis les témoins et qui inspirent nos conclusions.

De même, tous ceux qui ont témoigné ont été informés que leur témoignage devant le Comité avait valeur de témoignage sous serment; ils ont accepté le fait qu’ils témoignaient sous serment et qu’ils étaient tenus de dire la vérité.

Nous mettons en valeur le fait que toutes les personnes qui témoignent devant un comité parlementaire sont tenues de dire la vérité, qu’elles prêtent serment ou non de le faire. Les fonctionnaires fédéraux ont une obligation professionnelle de dire la vérité étant donné que leur serment relatif à l’emploi prévoit qu’ils «  jurent qu’ils rempliront fidèlement et honnêtement les fonctions que leur confère leur emploi  ». On s’attend des ministres et des hauts fonctionnaires indépendants du Parlement qu’ils aient une honnêteté à toute épreuve et un sens aigu du devoir. En tant que haut fonctionnaire du Parlement, M. Radwanski était bien placé pour connaître l’exigence absolue d’honnêteté et de transparence dans sa relation avec le Parlement par l’entremise du Comité permanent.

Les audiences

Les audiences sur les questions traitées en propre dans ce rapport ont commencé avec la rencontre publique entre le Comité et M. Radwanski le 9 juin 2003. Celle-ci a été suivie par une pleine journée et une soirée d’audiences à huis clos le 12 juin, qui ont donné lieu à une deuxième rencontre avec M. Radwanski au cours de la matinée du 13 juin. M. Radwanski a été invité à nouveau par le Comité expressément pour lui donner l’occasion d’entendre nos doléances et de reconsidérer ses positions antérieures.

Le commissaire à la protection de la vie privée a affirmé ne pas avoir été informé des allégations à son endroit et donc qu’il lui avait été impossible de se défendre. Cependant, la lettre du commissaire au Comité du 11 juin (voir annexe 8) donne une réponse détaillée aux doléances exprimées à la réunion du 9 juin, et ne laisse aucun doute sur le fait que le commissaire était pleinement au courant de nos grandes doléances, même avant sa participation aux audiences à huis clos des 12 et 13 juin. Nous sommes convaincus que le commissaire a reçu une information précise sur nos doléances et leur fondement, et a eu amplement l’occasion d’y réagir avant le début des audiences à huis clos et au moment où elles ont pris fin (dans la matinée du 13 juin 2003).

Enfin, le 17 juin, un des témoins s’est présenté à nouveau devant le Comité après avoir soumis une demande écrite de comparution dans le but de fournir des renseignements supplémentaires.

LA LETTRE FALSIFIÉE

Comme nous l’écrivions plus tôt dans le présent rapport, la réception d’une copie de lettre que le commissaire à la protection de la vie privée a envoyée au sous-ministre de la Justice, copie dont un paragraphe avait été supprimé, a été l’un des événements décisifs qui nous ont convaincus de rédiger notre rapport. Nous croyons fermement, de par les témoignages que nous avons entendus et les preuves matérielles que nous avons reçues, que le commissaire à la protection de la vie privée a constamment induit le Comité en erreur quant aux circonstances dans lesquelles cette modification s’est produite et à son rôle dans toute cette affaire.

La lettre de présentation qui accompagnait la documentation, datée du 21 mars 2003 et signée par le directeur exécutif du Commissariat à la protection de la vie privée au Canada, mentionne «  les documents suivants, que l’on a réclamés [au commissaire] lors de sa récente comparution devant le Comité  » (annexe 2). Parmi les documents énumérés, notons une «  copie d’une lettre datée du 2 août 2002 (Radwanski-Rosenberg) concernant le rapport du Groupe d’étude de l’accès à l’information  ». Précisons qu’il n’est indiqué nulle part que la lettre a été modifiée ou que le paragraphe mentionné plus-tôt en a été retranché. On indique simplement qu’il s’agit d’une «  copie  ».

Dans sa lettre du 29 mai à M. Bryden (annexe 7), le commissaire à la protection de la vie privée a tenté d’expliquer pourquoi le paragraphe a été supprimé. Il écrit que, en raison de déplacements prévus, il a dû donner par téléphone ses instructions relatives à la documentation. Les fonctionnaires du Commissariat n’ont pas compris qu’il voulait que la lettre soit utilisée pour préparer une note d’information. Selon lui, il a accepté que le paragraphe soit supprimé parce qu’il n’était pas lié aux renseignements demandés par M. Bryden et cet accord a été perçu par les fonctionnaires comme étant des instructions pour modifier la lettre. Le commissaire a cependant fait savoir que ce qu’il désirait, c’était qu’on omette ce paragraphe d’une note d’information à préparer à l’intention du Comité.

Le commissaire a maintenu son explication dans des lettres subséquentes et dans son témoignage devant le Comité les 9 et 13 juin 2003. Toutefois, ce témoignage, et la lettre du 11 juin (annexe 8), ont ajouté certains détails, à savoir que la discussion avec les fonctionnaires et la modification de la lettre ont eu lieu le vendredi 21 mars alors que M. Radwanski se trouvait à Vancouver. De plus, la lettre du 11 juin indique que la lettre falsifiée a été produite en réimprimant la première page à partir d’un fichier électronique puis en y apposant la même date que l’original.

Pendant les audiences du 12 juin 2003, un employé du Commissariat a corroboré les principaux points de la version du commissaire. Un deuxième employé a aussi appuyé l’affirmation selon laquelle les changements ont été faits pendant que M. Radwanski était absent, mais il diverge sur des détails importants comme le nom de la personne qui a demandé au personnel de soutien la copie de la lettre dont un paragraphe a été supprimé.

Le Comité a entendu le témoignage de deux autres employés du Commissariat qui contredisent directement des éléments essentiels de la version du commissaire. Ces deux employés nous ont dit avoir vu M. Radwanski au Commissariat lorsque les changements ont été faits, qu’il était présent et a dirigé lui-même les changements — en fournissant une copie de la lettre originale avec le paragraphe en question rayé avec son stylo noir distinctif. Nous avons aussi appris qu’au moins un des conseillers principaux du Commissariat a déconseillé au commissaire d’envoyer la lettre tronquée au Comité, mais que celui-ci a choisi de passer outre à cet avis.

Pendant son témoignage, M. Radwanski a parlé à plusieurs reprises d’un malentendu pour expliquer l’envoi de la lettre falsifiée par le personnel du Commissariat. Toutefois, le témoin qui a déclaré que le commissaire s’était fait conseiller de ne pas envoyer la lettre nous a dit que le personnel de M. Radwanski avait signalé à ce dernier la possibilité de présenter une note d’information s’appuyant sur la lettre et que ce conseil n’avait pas été suivi lui non plus.

De plus, nous avons reçu des preuves matérielles qui appuient cette seconde version des faits. Nous avons obtenu des copies des données sur la date, l’heure et l’accès. Ces données, qui sont automatiquement conservées dans les systèmes informatiques du Commissariat, indiquent clairement que le fichier de la lettre a été ouvert et modifié à partir de l’ordinateur d’un adjoint du commissaire le mercredi 19 mars 2003, jour où, de l’aveu même du commissaire, il était encore à son bureau d’Ottawa.

Le fait que le Comité a reçu des témoignages contradictoires de personnes dont le témoignage, devant le Parlement, suscite des interrogations sérieuses et nécessitera probablement un examen plus poussé dans l’avenir. Cependant, la question au cœur de notre rapport concerne la véracité de la version du commissaire à la protection de la vie privée sur sa participation à la modification de la lettre, car il s’agit essentiellement de savoir si les députés peuvent toujours avoir confiance dans la façon dont le commissaire s’acquitte de ses fonctions.

Quant aux témoignages reçus, les membres du Comité croient tous que la version la plus crédible des événements est celle fournie par les employés qui ont de leur plein gré choisi de raconter que la lettre avait été modifiée et que M. Radwanski en était directement responsable, malgré les risques que cela représente à leurs yeux et le fait qu’ils n’en retiraient aucun avantage personnel. Qui plus est, cette version des événements est confirmée par des preuves matérielles qui indiquent que le fichier électronique de la lettre a été ouvert et modifié deux jours avant la date à laquelle M. Radwanski affirme s’être souvenu de l’existence de la lettre et avoir demandé que son contenu soit inclus dans la documentation destinée au Comité (exception faite du paragraphe supprimé). Pour sa part, M. Radwanski a été incapable ou a refusé d’expliquer cette preuve lorsqu’il en a appris l’existence le 13 juin 2003 et qu’il a eu l’occasion d’y répondre lors du témoignage sous serment qu’il a fait devant le Comité ce jour là.

M. Radwanski a répété à maintes reprises que le paragraphe supprimé n’était pas important, qu’il avait été omis simplement parce qu’il ne fournissait pas d’information pertinente au Comité et que cette omission ne constituait pas une tentative pour soustraire de l’information au Comité. Nous estimons que cette suppression est source de confusion, car cela semble à la fois nier et confirmer la responsabilité du commissaire à la protection de la vie privée devant le public et le Parlement (à l’instar des ministres) et nous ne sommes pas convaincus que le paragraphe a été supprimé seulement parce que jugé non pertinent. Quoiqu’il en soit, la motivation de M. Radwanski ne change rien au fait que la crédibilité future du commissaire à la protection de la vie privée a été minée parce que le document a été falsifié délibérément puis soumis au Comité. Cela ne réduit en rien nos préoccupations face à la complicité apparente de certains employés du Commissariat dans la falsification. Après avoir exploré la question avec minutie, nous ne pouvons accepter la version de M. Radwanski sur son rôle personnel dans toute cette affaire.

RENSEIGNEMENTS INCOMPLETS ET CACHÉS

Renseignements incomplets

La lettre du 21 mars 2003 qui accompagnait la documentation initiale envoyée au Comité, indiquait que des «  copies de ses feuilles de dépenses du 1er avril 2001 au 18 mars 2003  » étaient incluses, en plus de la lettre dont il est question ci-dessus. Ces copies répondaient à une demande d’information sur les dépenses engagées pendant cette période, demande faite par M. Bryden à la réunion du 18 mars 2003 avec le commissaire à la protection de la vie privée.

Le 8 avril 2003, M. Paul Szabo a officiellement présenté la motion de M. Bryden demandant que soient présentés les dépenses et les renseignements connexes pour les exercices allant de 2001 à 2003 ainsi que les mêmes renseignements pour le commissaire à l’information à des fins de comparaison (annexe 9). À la réunion du 9 juin avec M. Radwanski, le témoignage a révélé que les formules de dépenses contenues dans la trousse originale n’avaient pas été signées par le fonctionnaire du Commissariat chargé des finances, et on a demandé à M. Radwanski de les déposer à nouveau avec un document du responsable attestant que le tout était complet. Le 11 juin, un ensemble de demandes de remboursement a été produit par le Commissariat. Il s’agissait des feuilles du 21 mars et de huit autres demandes de remboursement de frais d’accueil pour la période couverte par la documentation du 21 mars, mais qui n’avaient pas été fournies à cette date. Le total des demandes de remboursement des frais d’accueil et des déplacements s’élève à 197 287,78 $.

Il demeure troublant que la documentation sur les dépenses fournie le 21 mars ait été présentée comme une réponse complète à la demande initiale de renseignements de M. Bryden pour cette période et que l’on n’ait pas prévenu les membres du Comité de l’éventualité d’ajouts. Au moment où cette documentation a été envoyée, on a dû continuer de tenter de récupérer les demandes de remboursement (ou de veiller à ce qu’elles aient toutes été retrouvées). Autrement, on n’aurait pas découvert les nouvelles demandes de remboursement fournies au Comité. Il aurait fallu informer ce dernier, par lettre d’accompagnement, que l’ensemble initial de demandes de remboursement n’était peut-être pas complet.

Nous doutons toujours autant que le 11 juin 2003 de l’intégralité des renseignements sur les dépenses fournis par le commissaire à la protection de la vie privée et de la crédibilité des déclarations les accompagnant. Le Comité a obtenu un imprimé directement du système de gestion financière du Commissariat dressant une liste détaillée des frais de voyage engagés en 2001-2002 et 2002-2003 par M. Radwanski et sa directrice générale principale, Communications et Politiques, qui l’a fréquemment accompagné lors de ses voyages à l’étranger. Selon ce document, les frais de voyage de M. Radwanski pour ces deux exercices seraient de l’ordre de 285 000 $ (selon les diverses notes portant sur des menus frais). Il faut tenir compte du fait que ces dépenses couvrent une période plus longue de plusieurs semaines que les renseignements fournis à l’origine par le Commissariat, en réponse à une demande formelle de données complètes, mais cela n’explique pas l’écart entre le total figurant sur l’imprimé et la somme que le commissaire a déclarée directement au Comité. Il est clair que la documentation initialement fournie au Comité était incomplète et sous-estimait le vrai total par plus de 90 000 $, soit plus de 30 % du montant original.

Dissimulation

Notre examen des demandes de remboursement fournies par le Commissariat nous a fait craindre une dissimulation délibérée. Tout a commencé à la réception de demandes de remboursement de frais d’accueil provenant du commissaire à la protection de la vie privée, sur lesquelles il était évident que le nom des autres bénéficiaires avaient été rayés. Dans son récent témoignage devant le Comité, le commissaire a fait savoir que cette mesure visait à protéger la vie privée des personnes concernées et à éviter de compromettre sa propre efficacité pour ce qui était de rencontrer les personnes nécessaires à son travail.

Par contre, il importe de souligner, à ce propos, qu’il n’y a eu aucune tentative visant à dissimuler le fait que des renseignements avaient été masqués. Toutefois, nous avons appris des représentants du Commissariat à l’information qu’il est confirmé en droit que le nom des personnes qui reçoivent des avantages financiers facultatifs et que les renseignements concernant un employé d’une institution fédérale et portant sur ses fonctions ne bénéficient d’aucune protection. Le fait qu’ils aient été dissimulés semble donc refléter une conviction personnelle de M. Radwanski et non une obligation légale.

Le Comité a obtenu copie des demandes originales de remboursement des dépenses (où les noms n’étaient pas rayés) et a remarqué la fréquence avec laquelle M. Radwanski engageait des frais d’accueil au nom de sa directrice générale principale, Communications et Politiques (et avec laquelle cette dernière le faisait au nom du commissaire). En admettant que M. Radwanski doive, comme il le dit, tenir des réunions privées dans le cadre de ses responsabilités, nous ne voyons pas pourquoi un tel principe s’appliquerait à des réunions avec un de ses cadres supérieurs, avec lequel il entretient forcément des relations de travail. De l’avis des membres du Comité, le fait que tous les noms aient été rayés sur les formulaires laisse entrevoir une tendance inacceptable à la dissimulation, alors que les relations entre un haut fonctionnaire du Parlement et un comité parlementaire devraient s’appuyer sur le partage d’une communication complète et intacte de l’information.

Compte tenu des commentaires qu’ont fournis des employés du Commissariat à nos audiences du 12 juin 2003, nous craignons encore bien plus que les renseignements sur les notes de frais du Commissaire à la protection de la vie privée n’aient été ni complets ni exacts. On nous a dit que les demandes de remboursement avaient été soigneusement examinées avant d’être remises, avec les autres renseignements, au Comité et que, sur quatre formulaires, des données avaient été masquées à l’aide d’un matériau correcteur. Le Comité a obtenu des copies des originaux d’un certain nombre de ces demandes de remboursement et s’est rendu compte que des données avaient effectivement été dissimulées. Cette information a été cachée, nous a-t-on dit, sur ordre direct de M. Radwanski.

Sous l’angle financier et administratif, la signification de ces dissimulations doit être établie par la vérificatrice générale; sous celui de la responsabilité envers le Parlement, elle est désormais claire. Il est tout à fait inacceptable de faire disparaître des renseignements sur des documents destinés au Parlement, sans l’indiquer par ailleurs. Lorsqu’il est justifié de tenir des renseignements secrets, la pratique convenue consiste à indiquer que de l’information a été retranchée et de justifier les suppressions.

QUESTIONS INTÉRESSANT LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE ET LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

La présente partie ne vise pas à préjuger de questions techniques qui requièrent l’expertise de la vérificatrice générale et de la Commission de la fonction publique. Elle sert plutôt à énoncer les principales questions que soulèvent les témoignages entendus et qui doivent selon nous faire l’objet d’un examen plus approfondi. Après la parution de notre rapport du 13 juin, des lettres en ce sens ont été envoyées à la vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, et au président de la Commission de la fonction publique, M. Scott Serson (ces lettres figurent à l’annexe 10, avec la réponse de la vérificatrice générale convenant d’entreprendre une vérification et de faire rapport au Parlement cet automne).

Questions intéressant la vérificatrice générale

Le lourd programme de déplacements à l’étranger de M. Radwanski et de sa directrice générale principale, Communications et Politiques, depuis le 1er avril 2001, est documenté dans les demandes de remboursement de frais de voyage du Commissariat. Ce relevé indique également les frais payés par les contribuables : quelque 285 000 $ pour M. Radwanski et 208 000 $ pour sa collègue. Même si les décisions relatives aux déplacements relèvent essentiellement du dirigeant d’une organisation, qui détient un pouvoir discrétionnaire à cet égard, nous croyons que la vérificatrice générale doit examiner de plus près la question afin de savoir si le commissaire a exercé une saine gestion des deniers publics. Plusieurs de nos témoins ont mentionné de brèves apparitions, de courtes allocutions et l’absence d’effort pour établir des liens lors de certaines des activités internationales auxquelles il a participé. Un témoin a également déclaré que le commissaire a déployé beaucoup d’énergie pour obtenir des invitations à des activités internationales et pouvoir ainsi y justifier sa présence; un consultant a même déjà été embauché expressément à cette fin. Seule une vérification de ces activités permettra d’établir la véracité de ces allégations et de déterminer si les voyages de M. Radwanski constituaient une saine gestion des deniers publics.

Il semble également qu’une vérification des frais d’accueil de M. Radwanski soit justifiée. Nous attendons les conclusions de la vérificatrice générale afin de savoir si la pratique qu’avaient M. Radwanski et sa directrice générale principale, Communications et Politiques, de partager de fréquents déjeuners et d’en réclamer tour à tour le remboursement est acceptable. Nous sommes aussi impatients de savoir ce que la vérificatrice générale pense des additions pour des déjeuners s’élevant à des centaines de dollars, en tenant compte de l’optimisation des ressources et en prenant comme point de référence le montant modeste établi par le Conseil du Trésor pour les fonctionnaires (22 $ par personne en moyenne pour un déjeuner)2.

Une vérification des pratiques financières et administratives du Commissariat pourrait également permettre de répondre à une série de questions supplémentaires soulevées par les témoins interrogés et les preuves matérielles examinées. Ces questions portent notamment sur les allégations suivantes : le commissaire aurait approuvé ses propres demandes de remboursement; à certaines occasions, lui et sa directrice générale principale, Communications et Politiques, auraient présenté chacun une demande de remboursement pour les mêmes frais d’accueil; une demande d’avance pour frais de déplacement douteuse de 15 000 $ n’aurait pas été déposée avant la fin de l’exercice visé afin d’éviter que ces frais ne soient portés aux Comptes publics, et aurait ensuite été réactivée au début de l’exercice suivant; enfin, des pratiques du commissaire comme passer des contrats avec des personnes ayant des liens personnels avec lui et conclure un contrat de publicité en fin d’exercice dans le but de dépenser les surplus budgétaires importants. On craint également que le commissaire ait réclamé des frais de séjour tant à Ottawa qu’à Toronto.

Questions intéressant la Commission de la fonction publique

Dans notre rapport du 13 juin 2003, nous avons exprimé notre préoccupation au sujet de la situation des employés du Commissariat à la protection de la vie privée à la suite des événements qui sont à l’origine du présent rapport. La démission de M. Radwanski de son poste et l’annonce de la nomination d’un commissaire intérimaire atténuent grandement nos craintes immédiates que des employés ayant participé à nos audiences ne soient inquiétés ou ne subissent des conséquences négatives. Cependant, nous continuons de croire que l’enquête que nous avons demandée par lettre à M. Serson est justifiée.

Nous demandions à la Commission de la fonction publique d’user de son autorité pour protéger les intérêts des employés du Commissariat parce que certains témoignages présentés au Comité ont signalé un besoin immédiat à cet égard. Tel qu’il est mentionné précédemment dans ce rapport, lors d’une réunion de la direction au cours de la semaine du 8 juin 2003, M. Radwanski a tenu des propos que des employés pourraient interpréter comme une menace. Nous estimions plausible cette interprétation compte tenu des renseignements fournis par plusieurs employés qui ont mentionné une tendance de longue date du commissaire à adopter un comportement autoritaire que les employés subissent comme du harcèlement et de l’intimidation. L’assurance que les employés n’ont pas fait l’objet de pressions et d’intimidation ces derniers jours, et que le comportement des proches de M. Radwanski au Commissariat a été et demeure acceptable demeure justifiée.

Le Comité recommande également à la Commission de la fonction publique de porter attention aux allégations particulières de nos témoins dans le cadre de sa vérification des ressources humaines. Il a entendu des allégations relatives à une manipulation des processus d’embauche, de promotion et de passation de marchés qui a favorisé des personnes liées à M. Radwanski, à la reclassification de certains postes de manière à procurer des augmentations salariales et d’autres avantages à certains titulaires, et au fait de renverser ou de contourner les décisions des fonctionnaires directement responsables afin d’offrir des contrats à des connaissances du commissaire. Ces allégations sont toutes graves et doivent faire l’objet d’une enquête.

Nous recommandons que la Commission de la fonction publique, en plus d’examiner des pratiques particulières touchant les ressources humaines, tienne compte de l’importance de la culture organisationnelle dans le cadre de sa vérification et étudie les incidences générales de toute pratique douteuse établie. Les pratiques sur lesquelles portent les allégations ont des conséquences négatives sur l’efficacité des organisations et des employés. La possibilité que les questions d’honnêteté sur lesquelles porte le présent rapport puissent concerner la conduite d’autres personnes en plus du commissaire nous inquiète. Il semble également possible que des employés aient pu, dans certains cas, être trop découragés pour contester efficacement le comportement du commissaire, même quand il était de leur devoir de le faire. Si la Commission de la fonction publique soulevait une possibilité de conflit d’intérêts aux postes EX, nous demanderions spécifiquement à la vérificatrice générale de faire enquête sur ces cas.

La décision relative à la confiance

Le présent rapport reprend la conclusion unanime du rapport déposé par le Comité le 13 juin 2003, à savoir que les membres du Comité ne font plus confiance au commissaire à la protection de la vie privée. Nous croyons que le commissaire a délibérément induit le Comité en erreur en plusieurs récentes occasions et nous avons cessé de croire sans réserve que les renseignements qu’il a communiqués au Parlement et au Comité sont complets, exacts et intacts.

Au moment d’examiner cette conclusion, il importe d’évaluer non seulement les éléments de preuve fournis dans ce rapport mais aussi la nature du jugement posé en matière de confiance. Le jugement relatif à la confiance peut mettre l’accent sur le rendement opérationnel ou la perception de la capacité, des pratiques de reddition de comptes ou de l’aptitude personnelle, pour ne nommer que quelques-uns des facteurs les plus évidents. À ce titre, le jugement relatif à la confiance peut se comparer au jugement global que le conseil d’administration d’une entreprise est autorisé à porter pour justifier le recrutement et le renvoi de cadres supérieurs. Or, les cadres supérieurs, tant dans le secteur privé que public, reconnaissent que, dans la mesure où ils doivent leur poste à un jugement favorable en matière confiance, ils peuvent être tenus, à titre de personnes honorables, de renoncer à leur poste s’ils n’ont plus la confiance de ceux qui décident de leur maintien en poste.

Comme l’explique clairement ce rapport, ce qui a principalement amené le Comité à ne plus faire confiance au commissaire, est le fait qu’il a fourni au Comité de l’information avec l’intention délibérée de l’induire en erreur. Toutefois, notre compte rendu des délibérations serait incomplet si nous ne précisions pas que les témoignages recueillis au cours des dernières semaines ont aussi soulevé de plus en plus d’inquiétudes au sujet des pratiques financières et administratives du commissaire et du Commissariat. C’est pourquoi nous avons renvoyé ces questions, présentées en détail dans une section précédente du rapport, à la vérificatrice générale et à la Commission de la fonction publique.

De façon générale, les témoignages recueillis auprès de plusieurs employés au sujet du style personnel du commissaire qui recourait fréquemment à l’intimidation et aux menaces a renforcé ces inquiétudes. De même, étant donné l’importance que le commissaire et nous accordons à l’autonomie du commissaire par rapport au gouvernement, nous avons été consternés d’apprendre qu’une entente avait été négociée avec le Bureau du Conseil privé pour une indemnité de résidence de quelque 1 600 $ par mois (1 200 $ après impôt), en sus du salaire déjà généreux du commissaire. Nous estimons que la question se pose de savoir si une telle indemnité, renouvelable à intervalles périodiques à la discrétion du gouvernement, est compatible avec le rôle central du commissaire comme protecteur indépendant du droit à la vie privée.

En bref, en conséquence des éléments de preuve recueillis par le Comité, nous ne faisons pas confiance au commissaire à la protection de la vie privée et à sa capacité de s’acquitter de ses responsabilités envers le Parlement et la population du Canada.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

La démission de M. Radwanski de son poste de commissaire à la vie privée, le 23 juin 2003, modifie le sens de nos recommandations. Nous avons cependant décidé d’inclure la grande recommandation que nous avions préparée dans le cas où M. Radwanski n’aurait pas démissionné. Cette recommandation et sa justification sont un élément de notre transparence dans les événements où nous avons été acteurs. Elle doit également figurer au dossier, car l’action prise par le Comité à l’égard d’un haut fonctionnaire du Parlement est sans précédent.

Après s’être penchés sur les renseignements contenus dans ce rapport, les membres du Comité ont accepté à l’unanimité la conclusion de leur Quatrième rapport du 13 juin 2003. Nous croyons que le commissaire à la protection de la vie privée a délibérément induit le Comité en erreur à plusieurs occasions récemment. En conséquence, nous avons perdu confiance en lui, plus particulièrement parce que nous ne pouvons plus croire sans l’ombre d’un doute que l’information qu’il pourrait avoir présentée au Parlement, s’il avait continué dans son poste, aurait été toujours complète, exacte et intacte.

Le Comité aurait donc recommandé :

Que la Chambre des communes adopte une motion portant adresse à Son Excellence réclamant la révocation de M. Radwanski du poste de commissaire à la protection de la vie privée, et qu’un message soient envoyé au Sénat du Canada pour l’informer de la décision de la Chambre et lui demander son appui pour cette adresse.

Recommandations

Certes, l’investigation qui a mené à ce rapport vise avant tout la conduite de M. Radwanski comme commissaire à la protection de la vie privée, mais elle soulève des questions plus vastes.

D’abord, nous pensons qu’une réponse complète aux problèmes soulevés dans ce rapport exige d’envisager que les procédures institutionnelles actuelles ont pu y contribuer, ou nuire à une découverte et une solution plus hâtive. Les procédures de nomination qui s’appliquent à l’heure actuelle au commissaire à la protection de la vie privée et aux autres hauts fonctionnaires du Parlement sont peut-être déficientes. En pratique, le déséquilibre entre le rôle du gouverneur en conseil et celui du Parlement dans ces nominations justifie un examen. Le manque apparent de diligence raisonnable concernant la relation de M. Radwanski avec l’Agence canadienne des douanes et du revenu, évoqué récemment dans les médias, indique peut-être d’autres problèmes exigeant un suivi. La procédure de nomination ne peut être envisagée convenablement que dans le contexte d’un examen complet de la structure et des fonctions des postes de hauts fonctionnaires du Parlement, incluant le régime de responsabilité redditionnel qui régit leur relation tant avec le gouvernement qu’avec le Parlement. Le Comité recommande donc :

1.Que la Chambre mandate un Comité permanent ou spécial d’étudier et de faire rapport sur le rôle et les fonctions des hauts fonctionnaires du Parlement, et notamment sur :
le processus de nomination des hauts fonctionnaires du Parlement;
l’indépendance et les pouvoirs requis par ces derniers, avec propositions pratiques;
les salaires et avantages, et la façon de les établir;
le cycle budgétaire annuel des Commissariats du Parlement et d’autres éléments de leur reddition de comptes au Parlement;
les mesures de renvoi des titulaires.

Les révélations récentes sur les allocations spéciales de logement et de voyage approuvées annuellement par le Bureau du Conseil privé pour M. Radwanski ont été examinées par le Comité. De l’avis des membres, cette pratique est inacceptable. Il faut noter qu’aucun autre haut fonctionnaire du Parlement ne reçoit ces avantages supplémentaires et le Comité recommande que :

2.Tant que l’étude projetée de la première recommandation ne sera pas terminée et ses recommandations mises en œuvre, aucun arrangement financier personnel ne devrait être passé entre un haut fonctionnaire du Parlement et un ministère ou organisme du gouvernement.

Étapes suivantes pour le Comité

Outre les recommandations ci-énoncées, les constatations du Comité dans ce dossier nous laissent trois autres sujets :

Concernant la nomination d’un successeur permanent à M. Radwanski : nous comptons examiner de près toutes les candidatures éventuelles avant le vote du Parlement à cet égard.
Concernant les dénonciateurs : le Comité a été informé que plusieurs employés du Commissariat ont soulevé des objections sans succès à l’interne. Le Comité compte faire l’examen de l’efficacité des protections actuelles pour les dénonciateurs au sein de la fonction publique fédérale, ainsi qu’une évaluation complète des options. Le Comité poussera ce dossier à l’automne, et fera rapport à la Chambre avec des recommandations.
Concernant les éventuels outrages au Parlement : le Comité demeure très préoccupé par la possibilité que M. Radwanski et certains employés du Commissariat aient commis un outrage au Parlement en mentant délibérément dans leur témoignage devant nous. Cette question est extrêmement grave, et sera considérée par le Comité cet automne, dans une étude qui fera l’examen de la valeur des procédures relatives aux témoignages devant les comités parlementaires, ainsi que des restrictions et des obligations visant les fonctionnaires dans leur relation avec le gouvernement.

Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires traitera de ces questions, afin que les arrangements et pratiques actuelles n’ouvrent pas la porte à de futurs incidents du genre de ceux qui ont nécessité ce rapport.


1Il ne faut pas confondre ces hauts fonctionnaires du Parlement avec d’autres postes de la Chambre des communes, comme celui de greffier et de président, qui jouent un rôle très différent et n’effectuent pas le même genre de «  contrôle  » sur le gouvernement.
2Voir la Politique sur l’accueil du Secrétariat du Conseil du Trésor, art. 3 et autres.