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SC38 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments (Projet de loi C-38)


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 29 octobre 2003




¹ 1535
V         La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.))
V         M. Paul Burstein (directeur, Criminal Lawyers Association)
V         La présidente
V         M. Paul Burstein

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         La présidente
V         Mark Lapowich (membre, Conseil canadien des avocats de la défense)

¹ 1555
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw (directeur des politiques, BC Civil Liberties Association)

º 1600
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw

º 1605
V         La présidente
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

º 1610
V         M. Kirk Tousaw
V         Mme Libby Davies
V         M. Paul Burstein

º 1615
V         Mme Libby Davies
V         La présidente
V         M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne)
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein

º 1620
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw

º 1625
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         M. Mark Lapowich

º 1630
V         M. Randy White
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.)
V         M. Paul Burstein

º 1635
V         La présidente
V         M. Mark Lapowich
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Dominic LeBlanc
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Dominic LeBlanc

º 1640
V         M. Paul Burstein
V         M. Dominic LeBlanc
V         M. Paul Burstein
V         La présidente

º 1645
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Mark Lapowich

º 1650
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Paul Burstein

º 1655
V         La présidente
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Randy White
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Mark Lapowich
V         La présidente
V         M. Paul Burstein

» 1700
V         M. Randy White
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Paul Burstein
V         M. Mark Lapowich
V         M. Randy White
V         M. Paul Burstein
V         M. Randy White
V         La présidente

» 1705
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Dominic LeBlanc

» 1710
V         M. Kirk Tousaw
V         La présidente
V         M. Paul Burstein

» 1715
V         M. Dominic LeBlanc
V         M. Paul Burstein
V         M. Mark Lapowich
V         M. Dominic LeBlanc
V         M. Mark Lapowich
V         M. Dominic LeBlanc
V         La présidente
V         M. Kirk Tousaw
V         M. Paul Burstein
V         La présidente
V         M. Paul Burstein

» 1720
V         M. Mark Lapowich
V         La présidente










CANADA

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments (Projet de loi C-38)


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous sommes le Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments et nous étudions le projet de loi C-38.

    Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui comme témoins, Kirk Tousaw, de la B.C. Civil Liberties Association, Mark Lapowic, du Conseil canadien des avocats de la défense, et Paul Burstein, directeur de la Criminal Lawyers Association.

    Messieurs, avez-vous choisi la personne qui parlerait en premier?

+-

    M. Paul Burstein (directeur, Criminal Lawyers Association): C'est moi.

+-

    La présidente: Très bien. Monsieur Burstein.

+-

    M. Paul Burstein: Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

    Je parle aujourd'hui au nom de la Criminal Lawyers' Association au sujet du projet de loi C-38, qui représente le dernier effort du gouvernement, qui en fait depuis 30 ans, pour atténuer les conséquences des sanctions pénales attachées à la consommation de marihuana.

    Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la Criminal Lawyers' Association représente les avocats de la défense de l'Ontario. La plupart des membres de notre organisme travaillent pour la défense, mais certains travaillent pour le service des poursuites du gouvernement fédéral, notamment dans le domaine des infractions reliées aux drogues. La magistrature ontarienne compte parmi ses membres plusieurs anciens membres de la Criminal Lawyers' Association.

    La Criminal Lawyers' Association a souvent eu le privilège et le plaisir de comparaître devant des comités parlementaires. La Criminal Lawyers' Association publie également régulièrement une revue qui est lue par les professeurs d'université, les avocats, les juges, notamment les juges de la Cour suprême du Canada, dans tout le Canada.

    La CLA a comparu à titre d'intervenante dans de nombreuses affaires importantes et devant divers tribunaux au Canada, notamment, tout récemment, dans l'affaire R. v. J.P., qui, comme vous le savez, est l'affaire de Windsor qui a débouché sur la décriminalisation de la possession de la marihuana dans la province de l'Ontario entre les mois de mai et octobre de cette année. J'ai comparu pour le compte de la CLA tant devant la Cour supérieure que devant la Cour d'appel de l'Ontario.

    Je suis également ici en tant qu'ancien combattant de la guerre contre les stupéfiants. Depuis plus de dix ans, je défends des personnes dont les vies ont été dévastées, non pas parce qu'elles avaient consommé de la marihuana, mais parce qu'on a eu recours au droit pénal pour essayer de les empêcher de le faire.

    Étant donné le peu de temps dont je dispose, je ne vais pas vous raconter l'histoire de toutes les personnes que j'ai rencontrées au cours des batailles que j'ai livrées dans cette guerre, mais je vous dirais qu'il y en a des centaines. C'est à cause de ces tristes histoires que je demande depuis dix ans aux tribunaux canadiens de décriminaliser la possession simple de marihuana.

    J'ai pratiquement été impliqué dans toutes les affaires qui sont mentionnées dans le document préparé par M. Lafrenière, de la direction de la recherche parlementaire, sur le projet de loi C-38. Je me suis intéressé à cette question il y a environ une dizaine d'années, le jour où j'ai rencontré une personne du nom de Christopher Clay. C'était une jeune homme d'affaires de London, diplômé d'université, et un homme très intelligent. Il venait d'une bonne famille. Il avait ouvert son propre magasin, grâce à des subventions du gouvernement du Canada.

    Il voulait changer la loi parce qu'il avait constaté l'effet dévastateur qu'avait la criminalisation de la possession de marihuana sur ses collègues et sur ses concitoyens. Il a tout fait pour se faire accuser de possession simple de marihuana de façon à pouvoir lancer une contestation constitutionnelle, décision très courageuse.

    Au cours des recherches que j'ai effectuées pour appuyer cette contestation constitutionnelle, j'ai découvert que presque tout ce que j'avais appris, et j'utilise ce terme de façon assez lâche, au sujet de la marihuana, au cours de ma jeunesse dans les Prairies, n'était pratiquement que des idées fausses. Le juge qui présidait le procès en première instance, et qui avait à l'époque près de 70 ans, il a depuis pris sa retraite et j'ai le plaisir de le rencontrer dans des congrès, m'a déclaré que lui aussi avait été très surpris d'apprendre la vérité au sujet de la marihuana.

    Par exemple, il est utile de signaler aux membres du comité qu'il a constaté, d'après les preuves présentées, que contrairement à une fausse idée très courante, il existe des preuves convaincantes, même si elles ne sont pas déterminantes, qui montrent que la décriminalisation de la consommation de marihuana n'a pas entraîné une augmentation de l'utilisation de cette substance dans les pays qui ont choisi cette solution. En fait, c'est plutôt le contraire qui s'est produit, il y a eu une diminution de la consommation et certainement une diminution de la consommation des drogues dures par les adolescents.

    En fait, malgré la décriminalisation qu'a connue la province de l'Ontario entre les mois de mai et octobre de cette année à la suite de l'arrêt J.P., vous constaterez qu'aucun chef de police de l'Ontario ne s'est plaint que leur décision de ne plus appliquer le droit pénal pendant cette période avait entraîné un chaos dans notre société. Il n'y a pas eu de pillage dans les rues. La consommation des drogues n'a pas augmenté pendant cette période.

¹  +-(1540)  

    Je vous invite à examiner très soigneusement les conclusions du juge McCart dans l'affaire Clay, ainsi que celles des autres tribunaux qui se sont penchés sur la question de la décriminalisation de la marihuana. Vous constaterez que les preuves démontrent de façon convaincante que l'immense majorité des consommateurs de marihuana ne causent aucun préjudice aux autres, ni à eux-mêmes. Le propre expert du gouvernement, qui a témoigné dans ces affaires, appuyait cette position. Le Dr Kalant, une des sommités canadiennes en matière de dommages psychopharmacologiques associés au cannabis a déclaré que la consommation modérée et occasionnelle de la marihuana était tout à fait inoffensive.

    Cela veut dire qu'à l'heure actuelle, nous criminalisons 95 p. 100 des consommateurs de marihuana, le pourcentage qui n'utilise pas cette substance de façon régulière ou quotidienne et qui ne cause aucun dommage à eux-mêmes, pour l'unique raison que nous voulons protéger contre un risque éventuel une très faible minorité, environ 5 p. 100, des consommateurs qui subissent parfois certains dommages.

    C'est à la lumière de ces conclusions judiciaires, confirmées par celles des comités et des commissions qui ont étudié la question, que la Criminal Lawyers' Association a adopté comme position qu'il ne fallait pas utiliser le droit pénal, et j'insiste sur l'expression droit pénal, pour essayer d'empêcher la consommation de marihuana. Ce recours au droit pénal est inutile, injuste, inefficace et je crois pouvoir dire carrément que ce n'est pas, d'après moi, quelque chose de canadien.

    Je devrais également mentionner que j'ai aussi représenté une bon nombre de plaideurs dans les affaires concernant l'usage médical de la marihuana qui sont mentionnées dans le document de M. Lafrenière. Le Canada est peut-être un des pays de pointe pour ce qui est de l'approche législative à l'usage médical de la marihuana, mais il fait partie d'un groupe de nations de moins en moins nombreuses qui ont décidé de continuer à sanctionner pénalement la consommation de marihuana. Vous trouverez une liste de ces pays dans le document en question; il conviendrait toutefois de noter qu'il faudra très bientôt ajouter à cette liste l'Angleterre et la France. Ces pays se proposent de décriminaliser très bientôt, par voie législative ou administrative, la consommation de la marihuana. Bientôt, il n'y aura plus que le Canada qui sera du côté des États-Unis. Ce n'est pas la position que nous devrions adopter sur cette question.

    Malheureusement, le projet de loi C-38 n'a pas vraiment pour effet d'atténuer les répercussions disproportionnées qui découlent du recours au droit pénal pour empêcher la consommation de marihuana. Ce projet de loi a pratiquement pour seul effet d'éviter aux consommateurs de marihuana de se retrouver en prison, mais ce n'est pas le problème que pose la prohibition pénale qui vise actuellement la marihuana. Je le sais parce que ce sont les avocats du procureur général du Canada qui me disent depuis huit ans que je m'occupe de ces questions : « Personne ne va en prison dans les cas de possession de marihuana; par conséquent, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de l'atteinte portée à la liberté des citoyens, parce qu'elle n'est pas en fait touchée ».

    S'il ne s'agit pas d'éviter la prison, alors le projet de loi C-38 ne fait rien pour remédier à ce problème. Les véritables problèmes que soulève l'interdiction pénale de la consommation de marihuana sont les conséquences qui découlent du recours au droit pénal pour mettre en oeuvre cette interdiction. Tout d'abord, le fait qu'un fumeur de pot occasionnel puisse voir des policiers s'introduire chez lui, le jeter au sol, lui passer les menottes et l'amener au poste de police est tout simplement inacceptable. Cela sera toujours possible avec la Loi sur les contraventions, ne vous y trompez pas. Les policiers conservent tous leurs pouvoirs en matière d'arrestation et de perquisition.

    Le deuxième problème est le fait que le dossier policier officiel qui est constitué dès qu'une accusation est portée, sans parler d'une condamnation, contre un fumeur de marihuana l'empêche souvent de voyager, de travailler et de s'instruire. Le projet de loi C-38 se donne pour but de dépénaliser la possession de marihuana, mais il est loin de le faire. Il ne tient pas compte du fait que le processus pénal constitue à lui seul une peine, ni du fait que le principal aspect de la peine est le stigmate qui s'attache au fait d'être qualifié de criminel à l'égard des lois sur le cannabis.

    Le principal défaut du projet de loi C-38 est qu'il ne réussit pas à supprimer ce stigmate. Tous les critiques de ce projet de loi ou presque s'entendent sur le fait que le droit pénal a des conséquences disproportionnées sur les consommateurs de marihuana. En fait, il y a 600 000 Canadiens, et peut-être même davantage, qui sont déjà étiquetés comme étant des criminels parce qu'ils ont consommé antérieurement de la marihuana. Ce projet de loi ne fait rien pour eux.

¹  +-(1545)  

    La décision de faire relever la possession de marihuana de la Loi sur les contraventions n'a pas pour effet de supprimer le stigmate qu'entraîne un casier judiciaire, étant donné que la Loi sur les contraventions n'a aucun effet dans ce domaine. Permettez-moi de vous expliquer brièvement cet aspect dans les quelques minutes qui me restent.

    L'article 63 de la Loi sur les contraventions qui semble avoir pour but de régler le problème du casier judiciaire ne le fait pas. Cette disposition énonce deux choses : premièrement, que la déclaration de culpabilité à l'égard d'une contravention ne constitue pas une déclaration de culpabilité à l'égard d'une infraction pénale et, deuxièmement, qu'une contravention ne constitue pas une infraction pour l'application de la Loi sur le casier judiciaire.

    Cela est très bien, mais le problème vient du fait que la Loi sur le casier judiciaire ne définit pas ce qui constitue un dossier, ni un casier judiciaire. Surtout, aucune disposition de la Loi sur le casier judiciaire n'interdit aux employeurs d'interroger les candidats à un emploi au sujet de condamnations qui ne déclenchent pas l'application de la Loi sur le casier judiciaire. Cette dernière loi n'a pas non plus pour effet de limiter l'utilisation du système CIPC de la GRC, le système informatisé d'accès aux casiers judiciaires. Les services de police enregistrent toutes les déclarations de culpabilité, qu'elles visent des actes criminels ou des infractions sommaires.

    La plupart des services de police transmettent cette information à la GRC, qui l'introduit dans le CIPC, même si ce dernier organisme a une politique très vague qui consiste à saisir uniquement les renseignements concernant les infractions donnant lieu à la prise d'empreintes digitales. Il demeure cependant qu'un bon nombre de mes clients, tout comme ceux de mes collègues, ont des dossiers dans le CIPC qui font état de déclarations de culpabilité pour une infraction sommaire relative à la marihuana. Cette information est ensuite transmise aux autorités de l'immigration américaines, ainsi qu'à toutes les personnes qui ont accès au CIPC.

    Malheureusement, aucune disposition du projet de loi actuel n'empêche la transmission de cette information. Si cette nouvelle mesure a réellement pour but de supprimer ce stigmate, elle doit veiller à ce que les dossiers relatifs aux contraventions soient traités comme l'exige l'intention qui sous-tend ce projet de loi. Par conséquent, les dossiers devraient être conservés à part des autres; il devrait y avoir des dispositions précises interdisant la transmission de cette information, et surtout, cette information ne devrait jamais être transmise aux autorités de l'immigration américaines, ni au secteur privé canadien. Bien sûr, ce projet de loi ne peut modifier la façon d'agir des autorités de l'immigration américaines, ni peut-être celle des employeurs du secteur privé.

    Permettez-moi de conclure en disant que ce projet de loi n'a pas vraiment pour effet de décriminaliser cette infraction. Au mieux, il vient assouplir la sanction pénale dont ce comportement est assorti. Ce projet de loi ne répond pas aux grandes préoccupations exprimées par les deux comités parlementaires, ni à celles des nombreux comités et commissions qui ont durement critiqué le recours au droit pénal pour essayer de dissuader les citoyens de fumer de la marihuana.

    Le projet de loi C-38 risque d'aggraver le problème en renforçant les contrôles sociaux, comme cela s'est produit en Australie qui a adopté un régime très semblable à celui-ci. Ce projet de loi risque également de renforcer l'aspect discriminatoire de la répression des personnes en possession de marihuana.

    Je vous remercie.

¹  +-(1550)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Burstein.

    Monsieur Lapowich.

+-

    Mark Lapowich (membre, Conseil canadien des avocats de la défense): Merci.

    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

    J'aimerais commencer par dire que le Conseil canadien des avocats de la défense est heureux d'avoir la possibilité d'assister le comité dans son étude du projet de loi C-38 et de la réforme des dispositions relatives au cannabis. Nous sommes également reconnaissants envers le comité, et en particulier envers sa présidente, pour l'excellent qu'il accomplit.

    Comme vous le savez peut-être, le CCAD est une organisation nationale qui représente près de 2 000 avocats de la défense du Canada. Je suis ici pour le compte de William Trudel, qui est le président du CCAD. Il vous envoie ses excuses, parce qu'il n'a pu être ici aujourd'hui à cause d'un événement imprévu dans sa famille; vous allez donc devoir me supporter.

    Il est évident que la police porte beaucoup trop d'accusations de possession simple, et que cette pratique varie énormément selon qu'on se trouve dans une petite ville ou dans une grande ville. Le CCAD est un organisme national et s'inquiète pour cette raison de cette disparité. Les avocats qui exercent au Nunavut, en Saskatchewan, ou ailleurs dans de petites villes nous indiquent que l'on porte régulièrement des accusations pénales pour la possession de très petites quantités de marihuana et que l'absolution est rarement accordée dans ces régions. Par contre, dans de nombreuses grandes villes comme Toronto et Vancouver, la police ne porte aucune accusation, ou si elle le fait, ce sont des accusions moindres, pour lesquelles les accusés peuvent plus facilement obtenir des absolutions.

    Le CCAD est heureux de constater que ce nouveau projet de loi a pour but de modifier les principes applicables dans ce domaine et d'uniformiser les méthodes d'application de la loi, mais notre critique porte sur le fait que le projet de loi ne supprime pas le caractère illégal de la possession de cannabis. Cela demeure illégal au Canada aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, que les policiers choisissent de procéder par contravention ou autrement. Il y a trop de Canadiens dont les vies et les aspirations professionnelles ont été détruites par des poursuites et par des sentences disparates infligées dans des cas de simple possession. Il est certain qu'en ce moment, au Canada, il y a des futurs députés qui verront leur vie, leurs espoirs, leurs rêves et leur avenir fracassés par la façon dont nous réprimons la possession de cannabis.

    Il faut reconnaître ces faits et agir à partir de cette constatation. De ce point de vue, le projet de loi doit être adopté parce qu'il s'inspire de principes louables. Par contre, ce projet est mauvais parce qu'il tente de faire plaisir aux lobbyistes, comme les services de police et les Mothers Against Drunk Driving, en aggravant les peines. Les policiers qui s'opposent à ce projet de loi souhaitent conserver la faculté de délivrer une contravention ou de porter des accusations pénales. Même avec ce projet, pour la possession simple de 15 et 30 grammes, le policier a la faculté de délivrer un procès-verbal aux termes de la Loi sur les contraventions ou de porter une accusation pénale. Cette faculté et les écarts auxquels elle va donner lieu vont entraîner de graves iniquités et sont contraires à l'esprit du projet de loi.

    Nous nous inquiétons également du fait que cette réforme est associée à d'autres promesses, notamment à l'augmentation du financement de l'éducation en matière de drogues. Il est certain que personne n'est disposé à affecter des crédits à une telle mesure et que les provinces, dont un bon nombre sont contre le principe même du projet de loi, refuseront de collaborer à cette initiative. C'est pourquoi nous craignons que ce projet ne suscite une vive controverse.

    Je n'ai pas grand-chose à ajouter à la plupart des commentaires que vous a présentés mon collègue, M. Burstein, au nom de la Criminal Lawyers' Association. Je vous mentionnerai simplement que certains membres de la CCAD ont des clients dont les casiers judiciaires font état de déclarations de culpabilité pour simple possession qui remontent à plus de 20 ans. Cela les empêche d'occuper certains postes et de se rendre aux États-Unis, un pays qui ne reconnaît pas les réhabilitations accordées au Canada. Il y a également des personnes qui vont être expulsées des États-Unis parce qu'elles ont été condamnées une fois de possession simple de marihuana au Canada.

    Nous pensons qu'il est important de ne pas essayer de faire plaisir à tous les intéressés avec ce projet de loi, parce qu'en fin de compte, il ne plaira à personne. Il faudrait en revenir aux principes qui sous-tendent cette réforme et abandonner cette approche pragmatique. Il faut décriminaliser la possession simple de marihuana et nous devrions mettre en oeuvre cette réforme des dispositions relatives au cannabis.

    Je vous remercie.

¹  +-(1555)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Lapowich.

    Monsieur Tousaw.

+-

    M. Kirk Tousaw (directeur des politiques, BC Civil Liberties Association): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie au nom de la British Columbia Civil Liberties Association, l'association de défense des libertés qui est la plus ancienne et la plus active du Canada. Je vous remercie de nous donner la possibilité de vous présenter notre point de vue aujourd'hui. Je vous remercie également en tant que citoyen qui est touché par cette interdiction et qui risque d'être sanctionné pénalement pour une activité qu'il exerce en privé et qui ne fait de mal à personne.

    Je trouve assez paradoxal de me trouver ici et de vous présenter un mémoire pour le compte de la BCCLA. C'est en effet il y a 34 ans moins un jour que la BCCLA a présenté pour la première fois son point de vue au Parlement sur la décriminalisation ou la légalisation du cannabis à la Commission LeDain. Je n'étais pas encore né à cette époque.

    Les conclusions de la Commission LeDain sont bien connues. La Commission recommandait l'abrogation de l'interdiction de l'usage personnel et de la possession de marihuana. Évidemment, nous nous retrouvons 30 ans plus tard en train de discuter encore de décriminalisation et je trouve cela regrettable. Je trouve cela regrettable parce qu'au cours de ces 30 années, toutes les grandes enquêtes qui ont porté sur cette question en sont arrivées essentiellement à la même conclusion, à savoir que le régime actuel fondé sur l'interdiction, les sanctions pénales, et le recours au droit pénal pour contrôler un problème social n'est pas approprié.

    L'étude la plus récente et la plus complète est celle qu'a effectuée le Sénat, et il est utile de citer directement ses conclusions. Le Sénat a conclu que le maintien de la prohibition du cannabis était beaucoup plus préjudiciable à la santé et au bien-être des Canadiens que la substance elle-même ou que le serait la réglementation du marché de cette substance. En outre, le Sénat estime que le maintien de la criminalisation du cannabis sape les valeurs fondamentales énoncées dans la Charte canadienne des droits et libertés et confirmées par l'histoire de notre pays qui est marquée par la diversité et la tolérance. Ces valeurs sont bien sûr la liberté et l'autonomie, des principes essentiels dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

    Je note que, pendant toute cette période, il n'y a pas eu une seule commission, une seule enquête ou étude gouvernementale qui ait recommandé de préserver le système en vigueur. Je suis donc déçu que le débat auquel nous sommes conviés aujourd'hui porte sur la question de savoir s'il faut réformer les règles juridiques actuelles. Nous devrions avoir ici un débat avec les prohibitionnistes, avec ceux qui veulent justifier le maintien d'un système inique dont il a été prouvé à de nombreuses reprises qu'il est contraire aux valeurs fondamentales et inefficace parce qu'il ne permet pas d'atteindre ses objectifs.

    La liberté et l'autonomie sont des valeurs centrales de la société canadienne. Le droit pénal devrait se borner à interdire les actes qui causent un préjudice aux citoyens ou à la société. Je note que les faits mentionnés dans l'exposé qu'a présenté mon collègue, M. Burstein, sont tout à fait exacts. L'immense majorité des consommateurs de cannabis, et certains diraient tous les consommateurs de cannabis, ne causent aucun dommage aux autres, ni à eux-mêmes. Mais même en acceptant que la consommation de cannabis est dommageable pour certaines personnes, dans une société qui accorde une grande importance à la liberté et à la capacité de prendre des décisions concernant son propre corps, la gravité des dommages que ces personnes se causent à elles-mêmes est presque un élément non pertinent. Il ne faut pas recourir au droit pénal pour empêcher quelqu'un de nuire à sa santé. Ce n'est pas un outil approprié pour ce genre de but. Aucune interdiction ne devrait causer un préjudice plus grave que l'activité qu'elle cherche à empêcher. Il est évident que l'interdiction du cannabis cause à la société un préjudice bien plus grave que la consommation de cannabis a jamais causé ou pourrait causer.

    Lorsque je me suis réveillé ce matin dans ma chambre d'hôtel, j'ai lu le journal et j'ai trouvé intéressant de lire en première page du National Post un article qui parlait d'un rapport de la GRC sur le crime organisé. La GRC concluait que les bénéfices découlant du commerce du cannabis étaient tellement considérables que ce commerce entraînait la perpétration d'actes de violence et même de meurtres. Je pense que l'on pourrait facilement supprimer le mot bénéfice et lui substituer, de façon plus exacte, le mot interdiction parce que finalement, s'il n'y avait pas cette interdiction, ce commerce ne serait pas assez rentable pour intéresser le crime organisé.

º  +-(1600)  

    Si votre comité et le Parlement voulaient empêcher le crime organisé de se financer grâce au commerce de la marihuana, la solution serait facile à trouver. Il faut légaliser cette substance, la réglementer, supprimer le marché noir, supprimer le crime organisé associé au marché noir. Je trouve choquant que nous soyons aujourd'hui en train de parler d'apporter des modifications mineures à une loi qui va uniquement modifier les peines alors que l'interdiction elle-même constitue un grave problème pour la société canadienne.

    Je vais essayer de réfuter très rapidement les principaux arguments qu'avancent les prohibitionnistes pour s'opposer à la réforme de notre droit. L'un de ces arguments est la fausse idée que la consommation du cannabis ouvre la porte à celle des drogues dures. Cet argument a été réfuté des dizaines de fois dans les études scientifiques, mais il continue à être utilisé dans ce débat populaire.

    Il est utile de citer, au sujet de ce mythe de la drogue domino, l'ouvrage du professeur Mitch Earleywine intitulé Understanding Marijuana (comprendre la marihuana), dans lequel il résume les conclusions de centaines d'études portant sur le cannabis, et je cite :

il n'existe aucune preuve qui démontre que le cannabis introduit des changements physiologiques qui augmentent le désir de consommer des drogues. L'idée que la marihuana est à l'origine de la consommation d'autres drogues semble également non fondée [...] seule une minorité de fumeurs de marihuana essaient la cocaïne, le crack ou l'héroïne.

    La théorie des dominos est fausse pour ce qui est de la consommation d'autres drogues, mais il y a quand même un effet domino. L'effet domino associé au cannabis vient du fait que l'interdiction qui pèse sur ces substances oblige les consommateurs à s'adresser au marché noir pour obtenir du cannabis, ce qui leur donne accès à d'autres drogues. Les Pays-Bas ont reconnu ce fait il y a des années et ils ont légalisé la vente du cannabis dans les coffee-shop, ce qui a évité l'interpénétration du marché des drogues douces avec celui des drogues dures. Cela a entraîné une rupture entre la consommation de cannabis et celle des drogues dures. En 1999, l'âge moyen de l'héroïnomane était de 36 ans aux Pays-Bas, ce qui n'est pas plus jeune que dans les pays prohibitionnistes.

+-

    La présidente: Excusez-moi de vous interrompre. Vous nous avez remis un mémoire que nous n'avons pas pu distribuer parce qu'il est seulement en anglais, mais vous avez déjà utilisé sept minutes des dix que nous accordons habituellement. Vous avez sans doute beaucoup de sujets que vous voulez aborder et il vous reste donc un peu plus de trois minutes. C'est à vous de décider comment les utiliser.

    Il y aura du temps pour les questions et les réponses. Il serait peut-être bon d'en préciser quelques-unes.

+-

    M. Kirk Tousaw: Je vous remercie.

    Il faut séparer le marché du cannabis de celui des drogues dures.

    En outre, le message que transmet aux jeunes la réforme de ces lois inquiète certaines personnes. Je pense que le message que nous envoyons actuellement aux jeunes est déjà un message inapproprié. C'est un message trompeur. C'est un message qui ment au sujet des effets du cannabis. C'est un message qui affirme que nous allons continuer à persécuter et à poursuivre des gens qui ne causent aucun dommage aux autres, et ce n'est pas le message qu'il convient d'envoyer aux jeunes Canadiens.

    Du point de vue de la BCCLA, le problème particulier que soulève le projet de loi C-38 est celui de l'aggravation de la répression. L'expérience de l'Australie du Sud indique clairement que l'une des principales raisons pour laquelle la possession de marihuana ne donne pas lieu à autant de poursuites est qu'il est difficile pour la police de procéder à des arrestations, de s'occuper des comparutions, de tout le processus associé à ces poursuites. C'est tout simplement parce que cela n'est pas pratique. Il est par contre facile de rédiger un procès-verbal ou une contravention et en Australie du Sud, le nombre des personnes qui sont entrées en contact avec le système de justice pénale a été multiplié par deux et demi, à cause de ce système de contraventions.

    En fin de compte, aucun citoyen canadien ne devrait être passible de sanctions pénales pour la simple consommation et possession de cannabis.

    Le projet de loi C-38 comporte un autre grave défaut parce qu'il aggrave les peines sanctionnant la culture de grandes quantités de cannabis et parce qu'il ne prévoit pas d'exception pour la culture à des fins personnelles. Les gens devraient pouvoir faire pousser du cannabis pour leur propre usage ou pour le donner gratuitement à leurs amis.

    Le fait est que la peine maximale de 14 ans qui sanctionne la culture de marihuana est supérieure à la peine dont est passible le financement du terrorisme, qui est de 10 ans. Elle est également supérieure à la peine pour le trafic d'armes à feu illégales, qui est de 10 ans. Elle est supérieure à la peine pour le viol qui est de 10 ans. Votre comité et le Parlement ne devraient pas faire croire aux jeunes que la culture d'un plan de marihuana est plus choquant moralement que le fait de violer un autre être humain. Voilà le grave problème que soulève cette mesure législative.

    En fin de compte, il faut partir du fait que l'interdiction du cannabis est plus nuisible qu'avantageuse. Les gens qui consomment du cannabis ne sont pas des criminels et ne devraient pas être traités comme des criminels et être traduits devant les juridictions pénales. Le projet de loi C-38 fera plus de mal que de bien, parce qu'il va augmenter le nombre des personnes qui seront traduits devant les tribunaux.

    Il n'est déjà plus temps de parler de décriminalisation. Il est temps que le Canada décide de s'engager dans la voie de la légalisation. Le moment est venu de montrer, en particulier à nos voisins du Sud, que nous n'allons pas imiter leurs politiques désastreuses. Il est temps de leur montrer que nous sommes prêts à jouer un rôle de leader sur ce continent, comme nous l'avons fait sur la question de l'esclavage, comme nous l'avons fait sur la question du vote des femmes, et comme nous l'avons toujours fait sur les grandes questions sociales. Il est temps de procéder à une véritable réforme. Malheureusement, ce projet de loi n'aura pas cet effet.

    Merci.

º  +-(1605)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Tousaw. Je pense qu'il y a eu des négociations. Libby va prendre les dix prochaines minutes et nous donnerons ensuite la parole à Randy. C'est très généreux de votre part, Randy.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Je vais tout d'abord remercier mon collègue, M. White. En tant que membre de l'opposition officielle, c'est normalement lui qui devrait poser la première série de questions, mais comme je dois m'absenter, il m'a très gentiment permis de prendre la parole avant lui. Je vous en remercie, Randy.

    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui. Vous avez fait d'excellents exposés et j'approuve d'une façon générale l'analyse que vous avez présentée. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur Burstein, lorsque vous dites que le processus pénal constitue souvent une punition. Je pense que vous l'avez tous montré très clairement.

    Hier soir, nous avons eu une discussion très intéressante dans cette salle avec les membres de la GRC qui s'occupent du CIPC. Nous avons commencé à parler de la façon dont le CIPC est utilisé et du fait, que vous avez également signalé, qu'il n'existe aucune garantie que les renseignements qui figurent dans le CIPC, même s'ils ne concernent pas des actes criminels ou des infractions sommaires, ne se retrouveront pas entre les mains des autorités américaines et auront pour effet d'interdire à de nombreux Canadiens de traverser la frontière. Il y a donc beaucoup à faire dans ce domaine pour essayer de régler cette question complexe.

    Il y a une question que j'aimerais vous poser à tous les trois. Certains considèrent que ce projet de loi représente un léger progrès, et je crois que c'est ce que soutient le gouvernement. D'autres, tant du côté des prohibitionnistes que des anti-prohibitionnistes, y voient une mesure rétrograde. Il y en a même qui considèrent qu'il ne sert à rien. De toute façon, c'est le projet de loi qui nous a été soumis. Il est possible qu'il ne soit pas adopté par le Parlement, mais tenons pour acquis pour le moment qu'il le soit. Nous allons examiner les façons de modifier ce projet de loi et j'ai donc quelques questions sur ce sujet.

    À propos des amendes, je suis très sceptique pour ce qui est du but recherché. Recherche-t-on un effet dissuasif avec ces amendes? Représentent-elles seulement une façon de donner un peu d'argent aux services de police locaux? Ont-elles pour but de donner l'illusion que nous faisons respecter la loi? Cela n'est pas clair du tout. Je pense qu'il faudrait soit supprimer les amendes dans certains cas, soit les intégrer davantage aux autres aspects du Code criminel.

    Deuxièmement, pour ce qui est des casiers judiciaires, il est certain que le projet de loi ne contient aucune disposition accordant l'amnistie aux quelque 600 000 personnes qui ont déjà des casiers judiciaires. J'ai interrogé des représentants du ministère à ce sujet et je me demande si vous avez des suggestions sur la façon dont on pourrait s'y prendre.

    Troisièmement, si nous essayons de réduire les peines prévues par le projet de loi pour ce qui est de la culture pour la consommation personnelle, devrait-on se baser sur le nombre des plants, sur l'espace utilisé ou sur le produit final? J'aimerais beaucoup avoir vos commentaires sur ces points.

º  +-(1610)  

+-

    M. Kirk Tousaw: Je suis très heureux de répondre à cette question et je vous remercie de l'appui que vous accordez à la réforme dans ce domaine.

    Pour ce qui est des amendes, je ne sais pas très bien non plus quel est l'objectif recherché. Cela n'est certainement pas la dissuasion. Nous avons constaté que l'interdiction actuelle n'a pas d'effet dissuasif, de sorte qu'une modification mineure de la structure des peines n'aura pas non plus d'effet dissuasif. Il est possible qu'on ait pensé à faciliter le travail des policiers. Il est très facile de rédiger des procès-verbaux, et donc très facile également d'exécuter des sanctions pénales ou quasi pénales. L'amendement que je proposerais serait de supprimer tous les types de sanctions pénales associées à la possession de cannabis à des fins personnelles.

    Pour ce qui est de l'amnistie, c'est une lacune fondamentale du projet de loi. Il devrait contenir une disposition à ce sujet. Toute personne qui a été déclarée coupable d'une infraction relative au cannabis devrait pouvoir la faire effacer. Nous devrions clairement dire aux États-Unis : « Nous pensons que ces personnes ne sont pas des criminels; nous pensons qu'elles ne devraient pas être considérées comme des criminels et qu'on ne devrait pas leur refuser la possibilité de voyager ».

    Troisièmement, pour ce qui est de la culture personnelle et du nombre de plants, cela soulève de nombreux problèmes à cause de la façon dont se cultive le cannabis. Il est impossible de savoir si un plant donné est un plant femelle et donc utilisable, tant qu'il n'a pas commencé à fleurir, et l'approche consistant à limiter le nombre de plants ne donnera aucun résultat. Il faut considérer cela comme une enquête criminelle normale. S'il est possible de rassembler suffisamment de preuves indiquant que la culture est, au-delà de tout doute raisonnable, effectuée dans un but commercial ou de trafic, alors c'est une culture commerciale ou du trafic. S'il n'est pas possible d'obtenir ces preuves, alors cette culture vise uniquement des fins personnelles.

    Il est effectivement possible de concevoir un système où l'on pourrait tirer des déductions à partir du nombre de plants cultivés. S'il y a 2 ou 3 000 plants, on peut être assez sûr que ces plants ne sont pas cultivés pour la consommation personnelle. Mais avec le projet de loi actuel, il n'est pas facile de déduire que 28 ou 30 plantes ne sont pas cultivées pour la consommation personnelle. Ce pourrait être des semis. Ces semis pourraient contenir 80 p. 100 de plantes mâles. Il est possible de cultiver ces plantes dans un espace limité et d'essayer d'obtenir seulement une once de chaque plant. Sur le plan pratique, il est impossible de se fonder uniquement sur le nombre de plants cultivés.

+-

    Mme Libby Davies: Merci.

    Y a-t-il d'autres commentaires?

+-

    M. Paul Burstein: Pour ce qui est des contrevenants qui ont des casiers judiciaires, j'ai fait brièvement allusion à cet aspect dans mes commentaires, mais je me suis dit que je ne devrais probablement pas aborder cette question en détail à cause du peu de temps dont je disposais.

    Je vais répondre à votre question, si vous le permettez, madame Davies, en tenant pour acquis que le projet de loi sera adopté. Autrement dit, même si la CLA estime que ce projet doit être considérablement modifié, je vais être pragmatique et tenir pour acquis que ce projet ne sera guère amélioré.

    Si on part du principe que les poursuivants auront une certaine latitude pour décider de délivrer une contravention ou de recourir au droit pénal, je peux concevoir que le législateur soit réticent à accorder automatiquement la réhabilitation à toute personne qui affirme avoir un casier judiciaire pour possession de marihuana. Il y a des gens qui vont demander : « Comment savons-nous que ce n'est pas sa 20e infraction ou qu'il ne s'agissait pas de 20 livres? »

    Il me semble qu'il faudrait mettre sur pied un mécanisme qui devrait être distinct de la partie de la loi qui traite de réhabilitation. La réhabilitation est un remède anémique pour les déclarations de culpabilité pour possession de marihuana. Cette mesure ne facilite aucunement les voyages aux États-Unis et elle est bien souvent aussi néfaste que la condamnation elle-même, étant donné que la réhabilitation vient en quelque sorte s'ajouter au casier judiciaire. La personne qui examine ce document ne peut pas lire ce qu'il y a d'écrit sous le liquide correcteur, si je peux m'exprimer ainsi, mais elle sait qu'il y a quelque chose. C'est à elle d'imaginer la gravité de ce quelque chose. En fait, on souhaiterait presque que cette personne sache qu'il s'agit uniquement de possession de marihuana et non d'une infraction plus grave.

    Il faudrait prévoir un mécanisme qui serait confié à un genre de commission, devant laquelle l'intéressé pourrait exposer à un poursuivant de la Couronne les circonstances ayant entouré sa première condamnation, à la suite de quoi, la commission pourrait décider de transformer cette condamnation en une infraction à la Loi sur les contraventions, en une condamnation pour contravention ou quelque chose du genre.

    Pour ce qui est des amendes, je me ferais l'écho des commentaires de M. Tousaw et j'attirerais simplement votre attention sur l'excellente recherche qu'a effectuée Patricia Erickson, une scientifique principale du Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui s'appelait à l'époque la Fondation de la recherche sur la toxicomanie. Ces résultats ont été présentés dans l'affaire Clay, et ils sont particulièrement remarquables. Elle a interrogé dans les salles d'audience les personnes inculpées d'infractions relatives au cannabis au début des années 80 et sa recherche a montré que 92 p. 100 des personnes qui faisaient face à des accusations pénales à l'époque reconnaissaient continuer à utiliser le cannabis, la marihuana. Si ce n'est pas là la preuve que le droit pénal n'a aucun effet dissuasif, je ne sais pas ce qui pourrait le démontrer.

    Pour ce qui est du fait que nous voulons atténuer l'effet de la loi et imposer une amende, je ne sais pas si cela donnera des résultats, mais il est certain que cette mesure aura un effet disproportionné sur les classes défavorisées. Nous allons emprisonner les gens pour dettes. Si nous voulons prendre une mesure positive, il faudrait prévoir un genre de service communautaire et en faire une sorte de présomption, en particulier pour les jeunes contrevenants. Il a été démontré que cette forme de peine est beaucoup plus utile que les autres.

    Enfin, sur la culture à des fins personnelles, je me contenterais de rappeler au comité l'arrêt que la Cour suprême du Canada a prononcé en 1986 dans l'affaire R. c. Oakes. C'était une des toutes premières affaires constitutionnelles. Il existait auparavant une présomption selon laquelle le fait d'être trouvé en possession d'un stupéfiant, ou d'une certaine quantité de stupéfiant, établissait que cette possession avait pour but le trafic. Cette présomption a été annulée par la Cour suprême du Canada, parce qu'elle constituait une violation de la présomption d'innocence reconnue à l'alinéa 11d) de la Charte, ce qu'on appelle le renversement du fardeau de la preuve.

    Les avocats comme moi qui vont avoir à appliquer ce projet de loi vont le contester devant les tribunaux pour les motifs que M. Tousaw a exposés très clairement.

º  +-(1615)  

+-

    Mme Libby Davies: Merci.

+-

    La présidente: Monsieur White.

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Il est vrai que le Canada se trouve dans une situation difficile, comme tous les autres pays de nos jours, à l'égard de la marihuana. À vrai dire, je ne pense pas que ce projet de loi apporte grand-chose. Du point de vue des personnes conservatrices, il y a beaucoup de gens comme moi qui se demandent comment résoudre ce problème. La marihuana ne sera pas légalisée, au moins cette fois-ci, et on peut se demander si ce projet de loi sert vraiment à quelque chose. Représente-t-il un progrès ou un recul? Je pense en fait que ce projet de loi va empirer les choses.

    Je vais vous poser quelques questions concrètes, Paul. Vous êtes tous les trois avocats? Très bien, M. Tousaw ne l'est pas. J'ai déjà eu affaire à des avocats, comme vous le savez certainement.

    J'ai posé cette question hier et je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Supposons que quelqu'un se fasse arrêter par un policier dans la rue parce qu'il a 18 joints sur lui. Quelle est la peine que le policier imposerait?

+-

    M. Paul Burstein: Vous voulez dire en ce moment?

+-

    M. Randy White: Non, je veux dire avec ce projet de loi. Quelle est la peine qui serait appliquée? Que ferait-il?

+-

    M. Paul Burstein: Je suis d'accord avec vous dans le sens que la difficulté vient du fait que ce projet de loi accorde une trop grande latitude aux policiers de première ligne. Cela peut créer toutes sortes de problèmes. Supposons que le policier soit de bonne foi, autrement dit, qu'il veuille faire ce que la loi exige. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui puisse l'aider à prendre une décision.

    On peut penser, pour les raisons que M. Tousaw a signalées, que le policier va fortement soupçonner qu'il s'agit là de trafic, ou du moins qu'il y a des motifs de croire que quelque chose n'est pas normal, parce qu'aucun consommateur ne porte sur lui 18 joints. Un consommateur peut avoir sur lui un petit sac de marihuana et ce qu'il faut pour rouler une cigarette de marihuana, lorsqu'il souhaite en fumer une.

    Cela pourrait donc amener le policier à avoir recours au processus pénal. C'est pourquoi je me plaignais du processus. Le policier va être obligé d'arrêter la personne, de la ramener à la station de police et de peser les 18 cigarettes de marihuana, parce qu'il est évident que quelqu'un va dire que cela est très proche de la limite.

    Ce projet de loi ne fait absolument rien pour que le processus pénal ne soit pas à lui seul une punition. La personne sera menottée, placée sur le siège arrière de la voiture de police, non pas parce que le policier est méchant, mais parce que c'est la façon normale de procéder lorsqu'on place quelqu'un à l'arrière d'une voiture de police; il faut lui mettre les menottes. C'est pour des raisons de sécurité. Il est très rare que quelqu'un se trouve dans une voiture de police et ne porte pas de menottes. Je n'ai jamais vécu ça, mais c'est une expérience très pénible. Si vous n'avez jamais eu affaire...

º  +-(1620)  

+-

    M. Randy White: Il impose donc une amende de 300 $ parce qu'il pense qu'il y a plus de 15 grammes. Cette personne va trouver un avocat comme vous qui lui dit : « Il n'y avait pas plus de 15 grammes, il y avait moins de 15 grammes. L'amende imposée est trop forte ». La façon dont le policier a utilisé sont pouvoir discrétionnaire dans la rue va donc donner lieu à une bataille juridique, est-ce bien cela?

+-

    M. Paul Burstein: Si je m'occupais de cette affaire, j'irais trouver le poursuivant et lui expliquerait mon point de vue. Le poursuivant a le pouvoir de procéder par voie de contravention.

    De ce point de vue, le projet de loi fait assez bien les choses. Il donne toujours au poursuivant la possibilité de décider, en dernier recours, s'il convient de procéder par voie de contravention ou de recourir au droit pénal.

+-

    M. Randy White: J'ai déjeuner il n'y a pas très longtemps avec quelqu'un de connu à Vancouver pour défendre les droits des consommateurs de marihuana et qui m'a dit : « Eh bien, imposez des amendes. Nous ne les paierons pas. Nous allons remplir vos salles d'audience. Vous serez obligés de porter des accusations pénales contre nous et nous allons bloquer complètement le processus ». Pensez-vous que c'est une menace gratuite ou une possibilité réelle?

+-

    M. Kirk Tousaw: Je pense que c'est une possibilité réelle. C'est une autre difficulté que soulève le projet de loi C-38.

    J'aimerais revenir sur votre situation initiale qui portait sur 18 joints, parce que je crois qu'il y a une réponse sur le plan des principes, en plus de la réponse pratique. La réponse théorique est que si nous ne pensons pas que le fait de posséder deux joints est mauvais pour la santé, comment peut-on affirmer que ce danger est aggravé lorsque la personne en question a en sa possession, pour son usage personnel, 18, 25 ou 50 joints? La réalité est que le danger est le même et que si cette loi punit le consommateur, elle ne punit pas la substance en question.

    Sur le plan théorique, nous ne pensons pas qu'il y ait de différence entre deux joints, 18 joints ou 80 joints pour ce qui est de la peine à fixer, ou plutôt, à ne pas fixer.

+-

    M. Randy White: Très bien, je passe à l'échelle des peines en matière de culture. Le projet de loi C-38 prévoit une peine qui augmente en fonction du nombre de plants cultivés. La production de cannabis au moyen de trois plants ou moins est une infraction sommaire passible d'une amende de 5 000 $, ou d'une peine d'un an d'emprisonnement, ou des deux peines à la fois.

    Pouvez-vous me dire si ces dispositions visent six plants de trois pouces, six plants de trois pieds ou de six pieds? Si ce genre d'accusation se rend devant un juge, quels seront les arguments?

+-

    M. Kirk Tousaw: Je crois que le projet de loi prévoit que pour trois plants et moins, il y a une peine de x dollars, de trois à 25, c'est une autre peine, de 25 à 50, encore une autre peine, et pour 50 et plus, la peine est supérieure à celle dont sont passibles les crimes graves qui causent un préjudice direct à la personne. Si vous avez trois plants d'un pouce de haut, on pourrait soutenir, aux termes du projet de loi, que vous avez trois plants. Si vous avez huit semis d'un pouce, cela représente huit plants. C'est là un des problèmes que pose le projet de loi. Il ne tient aucun compte des réalités concrètes associées à la culture du cannabis.

+-

    M. Randy White: Je pense que les rédacteurs de ce projet de loi n'ont pas suffisamment réfléchi aux conséquences concrètes de cette mesure.

    Je ne suis pas d'accord avec vous, Kirk, lorsque vous déclarez qu'en légalisant la marihuana, cela supprimerait les activités de crime organisé dans le domaine de la marihuana. Cela toucherait peut-être le commerce de la marihuana, mais il serait, d'après moi, naïf de penser que le crime organisé cesserait ses activités et dirait : « Nous allons quitter la ville parce qu'ils viennent de légaliser la marihuana ». Ils diraient plutôt : « Nous allons vendre autre chose pour faire de l'argent ». N'êtes-vous pas d'accord avec moi?

+-

    M. Kirk Tousaw: Je ne pense pas qu'ils diraient cela, parce que le crime organisé est déjà mêlé à tout ce qui rapporte. Je disais que, si l'on voulait supprimer la marihuana comme source de financement pour le crime organisé, si l'on voulait supprimer les problèmes dont a parlé la GRC, notamment la violence associée à la marihuana, si l'on voulait supprimer le vol d'électricité, si l'on voulait supprimer les risques d'incendie, la moisissure dans les maisons, alors la légalisation et la réglementation de cette substance est la seule solution. Il n'existe aucune autre solution qui permette d'atteindre ce but, aucune.

    Les peines minimales obligatoires ne permettront pas d'atteindre cet objectif. Cela ne s'est pas produit aux États-Unis, et cela ne se produira jamais. Il y aura encore une demande pour ce produit. Les gens qui fournissent ce produit vont continuer à le faire. Il n'existe aucune autre solution, à part la légalisation et la réglementation, capable de supprimer le marché noir et de sortir le crime organisé du secteur de la marihuana.

º  +-(1625)  

+-

    M. Randy White: Du secteur de la marihuana...

+-

    M. Kirk Tousaw: Bien sûr, c'est ce dont nous parlons.

+-

    M. Randy White: Je vous disais que le crime organisé ne va pas cesser ses activités à cause de la marihuana.

+-

    M. Kirk Tousaw: Je suis d'accord avec vous. Le crime organisé ne va pas disparaître s'il n'a plus accès au secteur de la marihuana, mais ce n'est pas une raison pour ne pas réformer les règles applicables au cannabis. C'est tout simplement une mauvaise comparaison.

+-

    M. Paul Burstein: Pour mes clients, la seule chose qui les dissuade de consommer de la marihuana est le fait qu'ils doivent se la procurer sur le marché noir. Je pense que le fait de décriminaliser la culture est peut-être, jusqu'à un certain point, le seul effet qu'aura cette loi, à savoir supprimer un élément dissuasif. La loi n'a pas d'effet dissuasif; c'est le fait que les consommateurs doivent s'approvisionner sur le marché noir qui a cet effet.

    La plupart des personnes qui sont inculpées d'infractions relatives au cannabis ne sont pas des membres du crime organisé. Je m'occupe surtout des infractions relatives au cannabis et il est très rare que des membres du crime organisé soient accusés de culture de cette plante. La plupart des personnes qui commettent des infractions relatives au cannabis sont très mal organisées.

+-

    M. Randy White: Je vous ai parlé plus tôt aujourd'hui et je vais présenter devant le comité la suggestion que j'ai faite au sujet du manque d'uniformité des sentences. Peu importe si l'accusé a ou non des antécédents en matière de vente, d'achat ou de consommation de drogue, il recevra une peine qui ne correspondra pas nécessairement à ces éléments. Il pourrait fort bien se voir infliger un an d'emprisonnement pour une première infraction, et pour la suivante, pour le même genre de chose, un mois, ou une amende, par exemple. La disparité des sentences est un phénomène préoccupant.

    Je crois que deux choses risquent de se produire. Avec les opérations de culture, où on saisit 10 plants de trois pouces et 20 plants de deux pieds, les juges vont commencer à appliquer les critères de façons différentes. Je crois également que le manque d'uniformité des peines va aviver le débat sur la marihuana. En fait, je crois que dans le cas d'un accusé qui était en possession de 32 grammes de cannabis, il va y avoir des juges qui vont dire que pour une différence de deux grammes, ça ne vaut pas la peine d'imposer telle peine, mais une peine plus légère.

    Est-ce bien ce qui risque de se passer?

+-

    M. Paul Burstein: Ce ne sera pas au juge de décider. S'il s'agit de 32 grammes et qu'il y a des preuves pour le démontrer, le juge sera tenu d'appliquer la loi. C'est le poursuivant qui dispose d'une certaine latitude. Il y a des avantages et des désavantages à accorder au poursuivant une telle latitude. Dans certains cas, il y a des poursuivants qui feront semblant de ne pas voir certaines choses, et ces deux grammes vont disparaître comme par magie, et il ne restera que 30 grammes.

    Vous avez tout à fait raison, monsieur White. Chaque fois que l'on accorde un pouvoir discrétionnaire, en particulier dans le cas des infractions reliées aux drogues, cela entraîne toujours des disparités dans l'application de la loi selon que l'on se trouve dans une région rurale ou urbaine, ou dans une province ou une autre. Je pense que M. Tousaw et M. Lapowich ont également abordé cet aspect et souhaitent peut-être intervenir.

+-

    M. Mark Lapowich: Comme je l'ai dit dans mes commentaires tout à l'heure, dès qu'un projet de loi accorde un pouvoir discrétionnaire, tant aux policiers qu'aux poursuivants, cela ouvre la porte à des disparités entre les régions et entre les accusés en fonction de leur profil socio-économique. C'est un aspect dont il faut tenir compte. Pour la possession de la même quantité de marihuana, la personne qui habite dans une petite ville du Nunavut ne sera pas traitée de la même façon que l'homme d'affaires qui travaille au centre-ville de Toronto. C'est un problème.

º  +-(1630)  

+-

    M. Randy White: Mon temps de parole est écoulé. Je vais terminer avec cette déclaration. Je crois que ce projet de loi va surtout enrichir les avocats. Ils vont se faire plaisir et cela va contribuer à encombrer les tribunaux.

+-

    La présidente: Monsieur Tousaw, voulez-vous intervenir, non pas au sujet de l'encombrement des tribunaux, mais sur l'autre...

+-

    M. Kirk Tousaw: Vous voulez dire au sujet des disparités. Le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges en matière de peine est un des principes fondamentaux de notre système juridique et je pense que c'est une bonne chose. C'est au tout début du processus qu'apparaît ce manque d'uniformité. Cela vient du fait que les policiers n'appliquent pas tous la loi de la même manière, soit parce qu'ils sont influencés par le lieu où vous vous trouvez, ce qui s'y passe, le danger que l'activité semble représenter, ou par le statut de l'accusé, qui est peut-être une personne défavorisée, marginalisée ou qui appartient à une minorité ethnique. Nous savons que les lois relatives aux drogues ont un effet disproportionné sur les minorités pauvres et visibles. C'est là un des graves problèmes qui découlent du régime prohibitionniste.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur LeBlanc.

+-

    M. Dominic LeBlanc (Beauséjour—Petitcodiac, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci, messieurs, pour vos exposés. Je suis sensible et favorable à une bonne partie de ce que vous demandez. Une des graves difficultés associée à cette question est sa grande importance pour la population. Je dois me faire réélire, ce qui n'est pas facile. Ce n'est pas quelque chose qui vous préoccupe, mais je m'en inquiète tous les jours. Je le dis un peu à la blague. J'ai fait des études de droit dans une grande ville et je représente une région rurale du Nouveau-Brunswick.

    Le public ne comprend pas très bien tous ces termes. Il y a des gens qui regardent les émissions américaines. Il y a des gens dans ma circonscription et ailleurs qui pensent encore qu'il y a des grand jurys au Canada. Il règne dans ce domaine une confusion extraordinaire qui vient de l'emploi de termes interchangeables, et du fait que les pays n'utilisent pas tous les mêmes expressions. La séance de cet après-midi est télévisée. Je pense qu'il serait utile d'expliquer au public la différence qui existe entre les termes légalisation et décriminalisation. Les gens utilisent ces termes de façon interchangeable.

    Monsieur Burstein, vous travaillez comme avocat de la défense et je pense que vous avez très bien expliqué la notion de sanction pénale, tout comme l'a fait M. Tousaw. Vous avez parlé du fait que les gens ne devraient pas être assujettis à des sanctions pénales et ne devraient pas être traités comme des criminels. Mais n'est-il pas exact qu'aux termes de la Loi sur les contraventions, ces personnes ne seraient pas traitées comme des criminels? Ces personnes seraient traitées comme le conducteur qui est arrêté parce qu'il a commis un excès de vitesse et qui doit payer une contravention. Nous avons tous été arrêtés pour excès de vitesse et nous avons tous payé l'amende. Nous ne nous considérons pas comme des criminels. Nous n'avons pas respecté la loi, mais nous n'avons pas encouru de sanction pénale.

    Pourriez-vous essayer d'expliquer, en termes simples, la différence qui existe entre la décriminalisation et une contravention, par rapport à une infraction sommaire ou à un acte criminel?

+-

    M. Paul Burstein J'aimerais lire un passage du document préparé par la direction de la recherche parlementaire parce que je crois que la définition qu'on y trouve est claire, cohérente et simple. Je partage votre point de vue sur la confusion qui règne dans la population au sujet de l'expression décriminalisation, terme qui est en fait expliqué dans ce document.

     Il convient bien sûr d'inviter les membres du public à se rendre sur le site Web parlementaire pour examiner ce document. Je le recommande vivement aux membres du comité, ainsi qu'au public, parce qu'il analyse très bien les questions en jeu. On peut lire dans ce document :

La décriminalisation ne concerne que le Code criminel et ne signifie pas que l'on retire la compétence du système juridique dans son ensemble;

    Ce n'est donc pas comme si le gouvernement n'avait plus le moyen de déclarer illégal ce comportement. Le document poursuit :

D'autres lois non criminelles peuvent réguler et contrôler le comportement qui a été décriminalisé (infractions civiles, réglementaires, etc.)

     On peut citer comme exemples les contraventions pour excès de vitesse, la conduite dangereuse, ou certaines dispositions en matière de santé et sécurité en milieu de travail. La légalisation est par contre un système de réglementation qui autorise l'exercice de certaines activités, qu'il s'agisse de culture, de possession ou d'autre chose, et qui réglemente simplement les modalités de l'exercice de ces activités légitimes. Autrement dit, il est interdit de boire en public dans les rues et de conduire en état d'ivresse. Cela deviendrait donc une forme d'activité légalisée.

    Je pense également que le public devrait tenir compte de la différence qui existe entre les deux rapports des comités parlementaires. Le comité sénatorial préconisait la légalisation, et je crois que je n'apprends rien au comité, alors que ce comité propose plutôt la décriminalisation.

     En théorie, je suis favorable à la légalisation pour toutes les raisons qu'a données M. Tousaw, mais en pratique, je ne pense pas que l'on puisse la faire accepter par la population. Cela n'est pas très grave parce que la première étape importante consiste à se débarrasser des sanctions pénales. Cela représentera déjà un gros progrès.

º  +-(1635)  

+-

    La présidente: Monsieur Lapowich.

+-

    M. Mark Lapowich: Je ne pense pas que je puisse ajouter quoi que ce soit. J'ai examiné les notes que j'avais sur cet aspect et je constate que M. Burstein a très bien décrit cette différence.

+-

    M. Kirk Tousaw: Permettez-moi d'ajouter quelques commentaires. Je dois commencer par dire que je ne suis pas d'accord avec M. Burstein parce que je pense que la population appuierait peut-être la légalisation et la réglementation de cette industrie si on lui fournissait des renseignements exacts et véridiques au lieu de la désinformation à laquelle on se livre habituellement sur ce sujet.

    En fait, selon un sondage récent de Decima Research, 40 p. 100 de la population est en faveur de la légalisation. Il y avait une question sur la décriminalisation et une autre sur la légalisation, et 60 p. 100 environ des répondants étaient en faveur de la décriminalisation et 40 p. 100 en faveur de la légalisation. Je vous invite donc à expliquer à vos électeurs les dommages que cause la prohibition, pour qu'ils se décident ainsi à appuyer la légalisation.

+-

    M. Dominic LeBlanc: Je fais peut-être partie des 40 p. 100 qui n'appuient aucune de ces deux solutions.

+-

    M. Kirk Tousaw: Dans ce cas, je pense que malheureusement ces personnes n'ont accès qu'à des renseignements faux, inexacts et inappropriés.

    La difficulté que soulève le projet de loi C-38, c'est que la Loi sur les contraventions et le régime de contraventions ne peuvent être utilisés dans toutes les provinces, parce que certaines ne sont pas parties à la Loi sur les contraventions. Ma province d'origine, la Colombie-Britannique, n'est pas partie à la Loi sur les contraventions, de sorte que pour les gens de la Colombie-Britannique, le projet de loi C-38 ne décriminalise absolument rien. Cette infraction est toujours une infraction sommaire.

    Je tiens à rappeler au comité qu'il a lui-même déclaré dans ses conclusions qu'il fallait s'occuper principalement de réduire le préjudice causé par les drogues et faire de cet objectif l'élément central de nos politiques en matière de drogues. Le problème des drogues n'est pas de nature pénale. Il ne devrait pas soulever de questions pénales, ce sont des questions de santé. Les provinces devraient avoir le pouvoir de s'occuper elles-mêmes de cette question.

+-

    M. Dominic LeBlanc: Je pense que vous avez raison. Nous vivons dans un grand pays et votre province d'origine est à plusieurs milliers de kilomètres et à quatre fuseaux horaires de celle où je vis. Le défi consiste à trouver un équilibre qui puisse être acceptable pour la majorité des Canadiens.

    Je suis d'accord avec M. Burstein lorsqu'il affirme que ce n'est pas un projet de loi parfait; loin de là. Dans un monde idéal, toutes ces questions seraient régies par un cadre législatif très différent. Il se trouve que je pense que nous avons ici l'occasion de faire un premier pas important, un pas modeste mais positif. C'est ce que je pense et c'est ainsi que j'ai présenté cette mesure aux citoyens de ma province d'origine qui ont des doutes à l'endroit de ce projet de loi.

    Vous avez, je crois, raison lorsque vous dites qu'il y a beaucoup de fausses informations qui circulent. Il y a un autre aspect au sujet duquel il existe beaucoup de malentendus, nous en avons parlé hier soir, il s'agit des casiers judiciaires. Tout le monde connaît des histoires d'horreur qui concernent des gens qui essaient de passer la frontière. On les renvoie dans leur pays. Les députés reçoivent souvent des appels de personnes désespérées qui essaient de quitter l'aéroport de Toronto avec leur belle-famille pour partir en croisière quelque part. J'ai reçu un appel autour de Noël. Il est humiliant d'être renvoyé à la frontière lorsqu'on est en compagnie d'un beau-père ou d'une belle-mère qui vous ont invité à faire une croisière.

    Il y a beaucoup de fausses idées à ce sujet. Je dois vous dire qu'après avoir entendu les agents supérieurs de la GRC qui étaient ici hier soir, je ne suis pas certain de mieux comprendre tout cela. Ils font très bien ce qu'ils font, et ils décrivent toutes sortes de systèmes différents, complémentaires et incompatibles; mais en fin de compte, personne ne comprend ce qu'ils disent.

    En vous basant sur votre expérience, pouvez-vous décrire en termes simples ce qu'est un casier judiciaire? Comment acquiert-on un casier judiciaire? On pose souvent toutes sortes de questions. « Avez-vous déjà été déclaré coupable d'une infraction pénale? » Ils n'utilisent même pas le mot « condamné », de sorte que si vous avez obtenu une absolution, il faut quand même répondre oui. C'est peut-être un peu technique, mais cela fait partie du problème.

    Ils ont parlé du CIPC hier soir. On nous a dit à un moment donné que le CIPC contenait non seulement des renseignements disant que quelqu'un a été condamné à telle date, mais qu'il contient également les notes des enquêteurs. Ils nous ont également déclaré qu'ils communiquaient ces renseignements à d'autres pays, et que ces pays pouvaient renvoyer ces personnes sans leur donner de motif. C'est pourquoi j'aimerais que vous nous expliquiez simplement ce processus.

    Il y a un dernier aspect qui complique beaucoup les choses pour tous ces Canadiens qui ont des casiers judiciaires pour possession simple. On nous a dit il y a déjà pas mal de temps qu'il y avait beaucoup de personnes qui avaient des condamnations pénales pour possession de cannabis, mais que ces infractions étaient associées à des accusations plus graves. C'est peut-être un mythe, mais si vous avez commis un vol qualifié et que les policiers trouvent dans votre veste quelques cigarettes de marihuana, il est possible que ces policiers ajoutent cette possession aux autres accusations.

    On nous a laissé entendre que les policiers ne déposaient jamais d'accusation portant uniquement sur cette infraction. On nous a dit hier soir que les policiers portaient des accusations de possession en vue de faire le trafic et que les accusés plaidaient coupables à une accusation de possession simple.

    Est-ce que cela est exact, d'après votre expérience?

º  +-(1640)  

+-

    M. Paul Burstein: Permettez-moi de dire ceci. Comme j'y ai fait allusion dans mes commentaires, un des problèmes vient du fait qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne régit la façon dont la GRC utilise le CIPC. La GRC a des politiques dans ce domaine, mais ce n'est pas comme si ce système était réglementé.

    Habituellement, lorsqu'on communique un casier judiciaire dans une instance pénale, que ce soit pour un témoin ou pour l'accusé, on obtient une feuille qui ressemble à un imprimé d'ordinateur. Il y a le plus souvent ce qui apparaît au-dessus de la ligne et au-dessous de la ligne. C'est en fait une ligne composée d'astérisques et sous cette ligne, figurent des choses comme les acquittements et les retraits d'accusations. Voilà comment obtient la communication d'un casier judiciaire. Le poursuivant qui fait imprimer cette page vous remet uniquement la partie supérieure et conserve l'autre partie. Il n'est guère rassurant de savoir que personne d'autre n'a accès à la partie inférieure, qui est remplie d'acquittements et de retraits d'accusations. Ce sont là des accusations qui ne devraient jamais figurer dans le CIPC. Nous parlons ici de retraits et d'acquittements officiels.

    S'il n'existe aucun mécanisme, ni aucune disposition législative qui oblige la GRC à supprimer ces mentions, comment peut-on être sûr qu'une infraction sommaire qui n'aurait pas dû être inscrite dans le système, qu'une absolution inconditionnelle, qui doit être normalement être supprimée après un an, ou une absolution sous condition, qui doit être supprimée après trois ans, ont effectivement été supprimées?

    Le problème vient du fait que le projet de loi C-38 ne vient aucunement renforcer les restrictions applicables au CIPC, à la Loi sur le casier judiciaire, à la Loi sur les contraventions, et à des choses de ce genre. Il n'y a rien qui interdise à la GRC de fournir ces renseignements aux autorités des douanes et de l'immigration des États-Unis.

    J'ai appris comment cela fonctionnait au cours de discussions que j'ai eues avec des avocats d'immigration américains pour le compte de clients. Lorsqu'un Canadien arrive à la frontière américaine et qu'il a déjà fait l'objet d'une accusation, élément qui se retrouve souvent dans le CIPC, même si elle porte sur une infraction sommaire, si cette information figure dans le système CIPC et que les Américains utilisent ce système avec leur ordinateur, c'est terminé. Il n'y a rien à faire. Peu importe que la personne concernée ait obtenu une réhabilitation et que l'infraction ait été supprimée du système canadien. Les Américains vont conserver cette information jusqu'à la fin des temps et il n'y a rien... En tant que députés, vous avez beaucoup de pouvoir, mais malheureusement, vous ne pouvez pas les exercer au sud du 49e parallèle.

+-

    M. Dominic LeBlanc: Ce gars-là n'ira pas en croisière.

+-

    M. Paul Burstein: Voilà ce qui m'inquiète, et qui inquiète certainement les avocats de la défense. Je tiens à préciser que de mon point de vue, ce projet de loi est tout à fait insuffisant. Mais si je veux être pratique et pragmatique, si nous allons être obligés d'accepter ce projet de loi, alors il faudrait l'améliorer pour veiller à ce que les conséquences indirectes de ces infractions soient dépénalisées. Cela veut dire veiller à ce que les condamnations enregistrées aux termes de la Loi sur les contraventions ne puissent être traitées par les Américains et par les employeurs du secteur privé comme s'il s'agissait de condamnations pénales.

    Monsieur LeBlanc, il y a beaucoup de gens, comme dans votre circonscription, à qui il importe peu que nous appelions cela une contravention, une infraction pénale, ou quoi que ce soit. Ces gens vont toujours traiter cette infraction comme une infraction pénale.

+-

    La présidente: Merci.

    Si vous le permettez, j'aimerais poser quelques questions.

    Je vis aussi dans la réalité et je peux vous dire que les gens qui sont en possession de 32 grammes et 25 joints risquent beaucoup plus, du moins aux yeux de mes électeurs. Mais ce qui m'inquiète, c'est le jeune de 20 ans qui a un ou deux joints, qui va à un party et qui se fait arrêter par un policier. Cela m'inquiète pour deux raisons. Dans certaines provinces, le policier va confisquer les joints et le jeune va penser que c'est légal; mais dans la province voisine, ce jeune va avoir un casier judiciaire. C'est là une sanction beaucoup trop sévère.

    Notre comité s'est rendu dans toutes les régions du Canada. Nous avons parlé à des policiers dans nos propres circonscriptions. Ils nous ont dit ce qui se passait. Les policiers sont frustrés de voir que les tribunaux ne sont pas suffisamment sévères, alors il leur arrive de ne pas porter d'accusation, ou alors ils perdent leur temps, ou la peine n'est pas suffisamment grave; ils ont des choses plus importantes à faire. Mais si nous allons adopter ce projet, il faut transmettre un message cohérent.

    J'ai assisté vendredi soir à une cérémonie de remise des diplômes d'études secondaires. Les parents ne savaient pas qu'il était illégal d'avoir de la marihuana au Canada, et il est sûr que les enfants ne le savaient pas. Par conséquent, le jeune de 20 ans qui va à un party va maintenant se faire imposer une amende. Il n'y aura pas de discussion pour savoir s'il a 30 grammes ou 16 grammes. Il ne sera pas menotté ni placé à l'arrière d'une voiture de police. Il va recevoir une contravention et cela sera administrativement facile à faire pour le policier. Ce jeune va comprendre que la marihuana est illégale ici et qu'il faut payer, tout comme lorsqu'on boit en public ou lorsqu'on fait certaines autres choses.

    Il n'y a pas que les cas où il y a 18 ou 20 joints et 32 grammes, il y a aussi d'autres genres de cas. Comme Dominic, j'en ai assez de voir des jeunes qu'on empêche de se rendre aux États-Unis pour y travailler, ou d'aller à l'université lorsqu'ils ont obtenu une bourse. C'est tout à fait inutile. Par contre, tous ces jeunes disent que la loi ne sert à rien. Il faut donc faire un choix. Il ne sera pas parfait, mais je crois qu'il faut faire comprendre clairement les choses.

    D'un autre côté, il faut lutter contre les opérations de culture. Mes policiers me disent qu'ils pourraient faire des décentes dans une soixantaine d'opérations de ce genre dans ma seule région. Ces opérations constituent un risque pour ma collectivité. Randy me disait hier soir qu'il y en avait une dans son quartier. C'est un danger pour sa collectivité, pour son quartier, au cas où il y aurait un incendie. Il faut donc lutter contre les exploitations de culture de marihuana.

    Ce sont là les deux buts que vise le projet de loi. J'espère que vous allez nous dire comment l'améliorer. Si vous avez des modifications précises à nous proposer, nous sommes tout oreilles. Comme Dominic l'a dit, c'est le moment de le faire.

    Monsieur Tousaw, c'est fort bien de penser que nous réussirons peut-être à convaincre 40 p. 100 des Canadiens qu'il faut passer par la légalisation. Mais ce n'est pas le monde dans lequel je vis. Ce serait aller à contre-courant. Il est possible que les Canadiens changent d'attitude à un moment donné, mais entre-temps, nous avons la possibilité de faire quelque chose parce qu'il y a suffisamment de Canadiens qui estiment que les lois actuelles sont trop sévères ou ne sont pas appliquées correctement. Il faut donc agir.

    Comment améliorer ce projet de loi?

º  +-(1645)  

+-

    M. Paul Burstein: Je vous rappelle encore une fois que les jeunes de 18 à 20 ans recevront des contraventions, mais que cela ne veut pas dire qu'ils pourront aller aux États-Unis, fréquenter l'Université de Waterloo ou travailler chez Domtar.

+-

    La présidente: Comment pourrions-nous remédier à ce problème?

+-

    M. Paul Burstein: C'est la raison pour laquelle l'affirme que le projet de loi doit aborder la question du casier judiciaire. Il faut introduire des modifications qui vont renforcer la Loi sur le casier judiciaire. Il faut dire à la GRC que les renseignements qui leur sont confiés sont un bien public. Je ne veux pas dire qu'ils peuvent être divulgués à la population; je veux dire que ces renseignements appartiennent aux Canadiens, de sorte que la GRC n'a pas le pouvoir de décider seule comment les utiliser. Il faut absolument réglementer cet aspect.

    Je pense, pour la même raison pratique que vous avez mentionnée, que ce projet de loi ne fait pas grand-chose dans ce domaine. J'ai présenté mes arguments à la Cour suprême du Canada et c'est peut-être de là que viendra la principale réforme, même si certains d'entre nous ne le pensent pas. Nous avons la possibilité d'améliorer les choses. Je le reconnais, mais ce projet de loi n'y parviendra pas pour les motifs que j'ai indiqués. Il faut absolument traiter du casier judiciaire.

    Très franchement, le document préparé par...

+-

    La présidente: Vous voulez dire celui qui est affiché sur le site www.parl.gc.ca?

+-

    M. Paul Burstein: Oui. Le document qu'a préparé M. Lafrenière traite fort bien de tous ces aspects. Nous n'avons pas suffisamment de temps pour que je passe en revue avec vous tous ces éléments, mais il faudrait que quelqu'un examine de près la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur les contraventionset le projet de loi C-38 pour introduire des modifications qui éviteront que la personne qui a fait l'objet d'un procès-verbal ne se présente pas à la frontière américaine pour entendre un fonctionnaire américain lui dire : « Nous avons tout cela sur notre ordinateur, alors [...] »

+-

    La présidente: Très bien.

+-

    M. Mark Lapowich: Il y a souvent des clients qui nous demandent si, avec un procès-verbal ou une contravention, ils vont avoir un casier judiciaire s'ils plaident coupables et obtiennent une absolution. Le projet de loi ne fait qu'ajouter un autre élément. Il y a les absolutions, les engagements de ne pas troubler l'ordre public et, maintenant, il y aura les procès-verbaux. La question la plus difficile à laquelle un avocat est appelé à répondre est celle de savoir si son client aura un casier judiciaire. Il faut être très prudent avec les clients et leur expliquer qu'il y a des différences entre une condamnation et une déclaration de culpabilité et qu'aucune de ces différences n'est reconnue, d'après ce que je sais, par les autorités américaines.

    De sorte que le jeune qui s'est fait arrêter à 18 ans avec un joint, est allé à l'université, qui a maintenant une belle carrière et qui se voit offrir un excellent poste, bien rémunéré aux États-Unis ne pourra pas aller dans ce pays parce que la situation n'est pas claire. Nous ne sommes pas en mesure de dire à ce jeune que, s'il a eu un procès-verbal pour un joint, il ne pourra pas traverser la frontière américaine, ni même qu'une fois entré aux États-Unis, il risque d'être expulsé comme indésirable si les autorités découvrent son casier. Voilà où est le problème. Il faut le résoudre parce que nous ne sommes pas en mesure à l'heure actuelle d'expliquer à nos clients ce que veut dire avoir un casier judiciaire.

    Nous craignons que les employeurs deviennent rusés. Ils ne demandent plus si vous avez été déclaré coupable d'une infraction pénale ou condamné; ils vous demandent si vous avez déjà été accusé de quelque chose. Il faudra divulguer tous ces renseignements et expliquer à l'employeur ce qui s'est produit, s'il y a eu un acquittement, un procès-verbal, une ordonnance de ne pas troubler l'ordre public, un retrait des accusations par la Couronne pour une raison ou une autre, parfois pour des motifs humanitaires. C'est là le véritable danger.

º  +-(1650)  

+-

    La présidente: Monsieur Tousaw.

+-

    M. Kirk Tousaw: Je vais faire un effort pour abandonner le niveau des principes et me placer sur celui de la réalité, comme vous le suggérez, même si ça ne me dérange pas de continuer à pousser mon rocher.

    Ce projet de loi n'a pas pour effet de supprimer l'infraction de possession de marihuana du Code criminel, de sorte que, sur le plan concret, ce projet de loi devrait supprimer carrément l'infraction de possession de marihuana qui figure dans le Code criminel. Dans les provinces qui ne sont pas parties à la Loi sur les contraventions, comme la Colombie-Britannique, ce projet de loi n'aura pas pour effet de décriminaliser la possession de la marihuana.

    Le projet de loi devrait donc énoncer que la possession d'une quantité inférieure à 30 grammes, ou d'une autre quantité, de marihuana ne constitue pas une infraction. La possession serait alors carrément retirée du Code criminel. Il faudrait ensuite élaborer une loi, semblable à la Loi sur les contraventions, qui mettrait sur pied un mécanisme d'application. Il faudrait que le projet de loi précise très clairement que le fait de recevoir un procès-verbal pour la possession de marihuana ne doit pas figurer dans la base de données du CIPC, ni même dans la base de données PROS, parce qu'il y a une autre base de données de la GRC qui n'a pas encore été mentionnée. Ce sont là deux suggestions pratiques qui permettraient de régler le problème que vous avez soulevé.

    L'autre problème dont vous avez parlé est celui de la culture de la marihuana. Je vais me replacer au niveau des principes parce qu'il est certain que l'aggravation des peines sanctionnant la culture de la marihuana n'empêchera absolument pas ces opérations de culture. J'ai du mal à croire qu'il y a des personnes assises dans cette pièce qui croient vraiment qu'en augmentant les efforts d'application de la loi ou en aggravant les peines sanctionnant la culture de la marihuana, on va empêcher tous ces gens de cultiver cette plante. Cela est ridicule. Cela est contraire à ce qui se passe dans tous les pays du monde.

    La seule façon de protéger votre quartier contre le danger que représentent les opérations de culture est de procéder à une véritable réforme, à savoir la légalisation de cette industrie. Ce n'est certainement pas en aggravant les peines. Cela n'a jamais donné de résultats au Canada; cela ne donne pas de résultats aux États-Unis; cela ne donne aucun résultat dans les pays où la personne qui fait pousser de la marihuana est tuée. Cela n'empêche pas les gens de continuer à faire pousser de la marihuana. Par conséquent, si vous voulez protéger vos quartiers, le comité et le Parlement en général doivent faire preuve de leadership dans ce domaine et proposer une véritable réforme. Je me suis placé au niveau des principes et il est possible que le rocher que je poussais me tombe dessus maintenant.

+-

    La présidente: Monsieur Burstein.

+-

    M. Paul Burstein: M. White a fait remarquer que le projet de loi va tout simplement donner beaucoup de travail aux avocats. J'aimerais préciser bien clairement quelque chose. Il n'y a rien que j'aimerais plus que de ne pas avoir à défendre les personnes accusées d'avoir commis une infraction reliée au cannabis. Je rêve d'en arriver à un point où personne ne viendra dans mon bureau pour me dire : « J'ai besoin de votre aide parce que je viens d'être accusé d'avoir commis une infraction reliée au cannabis ».

    Je vous invite donc, pour vous guider, à vous demander quand vous aurez le projet de loi sous sa forme finale, si la personne qui sera accusée de possession de marihuana par procès-verbal, je ne parle pas de culture, mettons de côté cet aspect, sera encore obligée de retenir les services d'un avocat. Si c'est le cas, cela voudra dire que vous n'avez pas fini votre travail; vous avez encore des choses à faire. Si vous êtes en mesure de dire que cette personne n'aura pas besoin d'un avocat, et que ce genre de procès-verbal pourra être traité comme une contravention pour excès de vitesse, alors vous saurez que vous avez à peu près terminé la première étape.

+-

    La présidente: Si quelqu'un boit de la bière dans la rue et se fait remettre une contravention, est-ce que ces renseignements ne figurent pas dans le CIPC?

+-

    M. Paul Burstein: C'est une infraction provinciale. D'une façon générale, toutes les infractions réglementaires fédérales... mais en fait cela dépend. Autrement dit, il n'y a rien qui empêche ces renseignements de figurer dans ce système. Il s'agit de savoir si en pratique ces renseignements seront enregistrés. Il n'y a pas beaucoup de policiers qui prendront le temps de s'assurer que ces renseignements sont enregistrés. Je crois que c'est ce qui se passe dans la réalité.

º  +-(1655)  

+-

    La présidente: Très bien, merci.

    Monsieur White.

+-

    M. Randy White: Je dois reconnaître que Kirk est tout à fait cohérent dans sa position. Il ne reviendra pas sur son choix de la légalisation.

+-

    M. Kirk Tousaw: C'est la bonne façon de procéder.

+-

    M. Randy White: C'est peut-être la bonne façon pour vous, mais ce n'est pas ce qui va se passer. Cela ne vous plaira peut-être pas, mais c'est comme cela que sont les choses.

    Qu'entend-on par possession d'une petite quantité? Est-ce que cela va de 0 à 30 grammes? Est-ce que pour vous cela représente une petite quantité de marihuana?

+-

    M. Kirk Tousaw: Si je me replace au niveau de la réalité, je dirais que 30 grammes est une bonne façon de tracer la ligne, s'il faut vraiment en tracer une.

+-

    M. Paul Burstein: Je suis d'accord avec M. Tousaw, s'il faut vraiment tracer une ligne. À l'heure actuelle, le poursuivant n'a habituellement aucun problème à déterminer si la possession a pour but le trafic, en se fondant sur les preuves circonstancielles. Mais, pour faciliter l'application de la loi, il faut tracer une ligne entre les infractions donnant lieu à un procès-verbal et celles qui font l'objet d'un régime différent.

    C'est ce qui se fait en Californie depuis plusieurs dizaines d'années. Nous parlons toujours à ce sujet de l'once magique. Pendant longtemps, la Californie a prohibé la culture, alors que la possession ne l'était plus. On parlait de l'once magique parce qu'il y avait toujours la question de savoir d'où venait cette once de marihuana. Personne ne le savait. Une once pèse 28 grammes, de sorte que 30 grammes semblent une quantité raisonnable.

+-

    M. Randy White: On me parle de cas où une personne qui avait deux joints, de deux à cinq grammes, a été déclarée coupable pénalement. Est-ce vraiment exact? Combien y a-t-il de personnes au Canada qui sont déclarées coupables chaque année dans les cas de possession de 0 à 30 grammes? Le savez-vous?

+-

    M. Paul Burstein: Beaucoup.

+-

    M. Randy White: Avez-vous des chiffres?

+-

    M. Paul Burstein: Je suis tout à fait sérieux. Je peux vous dire qu'en dehors de la ville de Toronto, et peut-être de certaines villes comme Brampton, où je pratique également, dans les petits villes comme Oshawa, Barrie, et certainement dans les régions situées à l'est ou à l'ouest de ces villes, j'ai beaucoup de clients qui se voient imposer des amendes ou une ordonnance de probation, ce qui entraîne, comme vous le savez, une déclaration de culpabilité pénale. Même une absolution inconditionnelle ou sous condition pose certains problèmes, parce que la décision est enregistrée dans le CIPC.

    Je dois dire à mes clients, en particulier pour les absolutions sous condition, que la perpétration d'une infraction sanctionnée pénalement leur interdit de se rendre aux États-Unis. L'absolution inconditionnelle leur permet de se rendre dans ce pays, mais pas l'absolution sous condition parce que les autorités américaines considèrent que la partie probation de l'absolution sous condition constitue une peine, et que l'infraction devient ainsi un crime de turpitude morale, pour reprendre leur terminologie. Il y a donc beaucoup de gens qui subissent de graves conséquences à cause de tout cela.

+-

    M. Randy White: Savez-vous quel est le nombre de ces personnes? N'y a-t-il pas une base de données quelque part?

+-

    M. Paul Burstein: Monsieur White, il n'y en a pas parce qu'en 1985, Santé Canada, conjointement avec le ministère de la Justice, a délibérément décidé de cesser de recueillir ces renseignements, parce qu'il semble qu'au cours des années antérieures, ils avaient été gênés de publier des statistiques montrant que jusqu'en 1985, il y avait près de 2 000 personnes qui étaient emprisonnées tout les ans pour la possession simple de marihuana. S'il n'y a donc pas de données à ce sujet, c'est la faute du gouvernement et de ces deux ministères, et non pas celle des personnes qui se plaignent des conséquences de la criminalisation.

+-

    La présidente: C'est peut-être les données que nous obtenons.

+-

    M. Randy White: Très bien.

    Je me demande si vous pourriez tous les trois vous prononcer. Est-ce que ce projet de loi est pire ou meilleur que le statu quo?

+-

    La présidente: Monsieur Tousaw.

+-

    M. Kirk Tousaw: Il est pire. L'effet d'aggravation de l'application de la loi qu'il va entraîner va augmenter le nombre des personnes qui seront poursuivies pénalement, sans aucune raison.

+-

    La présidente: Monsieur Lapowich.

+-

    M. Mark Lapowich: Je dois dire qu'il va empirer la situation.

+-

    La présidente: Monsieur Burstein.

+-

    M. Paul Burstein: À l'heure actuelle, c'est une mesure neutre, mais elle risque fort d'aggraver la situation pour toutes les raisons que nous avons mentionnées. Avec quelques efforts, il pourrait améliorer légèrement la situation actuelle, parce qu'il aurait au moins pour effet de réduire quelque peu les condamnations pénales.

    Pour être franc avec vous, je dirais que c'est l'effet d'aggravation de l'application de la loi qui me fait peur, c'est la raison qu'a mentionnée M. Tousaw. Cela va entraîner une augmentation nette du nombre de déclarations de culpabilité pénale, mais ce projet de loi va néanmoins supprimer les conséquences très graves que peuvent avoir les règles actuelles pour beaucoup de gens. Je dois donc tenir compte de cet aspect positif lorsque je dis que je pense que ce projet est un progrès, mais vous avez encore beaucoup de travail à faire avant d'y parvenir.

»  +-(1700)  

+-

    M. Randy White: Je voudrais résumer ce que j'ai compris au sujet des aspects que vous voudriez voir modifier. Dites-moi si j'ai oublié quelque chose, et n'hésitez pas à nous contacter plus tard.

    Je pense que vous souhaitez trois choses. La première est le problème du casier judiciaire, c'est l'aspect le plus grave. Si le policier utilise un procès-verbal, il ne faut pas enregistrer ces renseignements dans le CIPC et ce genre de chose. Je dirais donc que le casier judiciaire est une de vos préoccupations.

    Deuxièmement, il faut supprimer du Code criminel l'infraction de possession de marihuana.

    Troisièmement, il ne faut pas augmenter les peines pour les opérations de culture.

    Ai-je bien résumé vos trois principales préoccupations? Y en a-t-il d'autres?

+-

    M. Kirk Tousaw: J'ajouterais qu'il faudrait faire une exception pour la culture à des fins personnelles, de façon à ne pas obliger les consommateurs, dont la consommation et la possession seraient décriminalisées, à se procurer sur le marché noir le cannabis qu'ils souhaitent consommer.

+-

    M. Paul Burstein: Il faudrait également fixer un certain seuil sous lequel il existerait une présomption ayant pour effet d'empêcher le policier d'utiliser ses pouvoirs d'arrestation lorsque la personne est en possession d'une quantité suffisamment faible. Il ne faudrait pas donner aux policiers le pouvoir discrétionnaire de décider d'arrêter la personne qui est en possession d'un ou deux joints. Il faut créer une présomption à l'effet contraire. Autrement dit, il faut trouver le moyen de dissuader les policiers d'utiliser leur pouvoir d'arrestation dans ce genre de cas. Cela est très important.

+-

    M. Mark Lapowich: Cela touche peut-être la question du casier judiciaire, mais il y a la question d'une amnistie qui s'appliquerait aux Canadiens qui ont des casiers judiciaires qui font état de condamnations remontant à deux, cinq, et même, pour certains de nos clients, à 20 et 30 ans.

+-

    M. Randy White: Ce projet de loi contient-il des dispositions qui pourraient nuire à la question de l'usage médical de la marihuana?

+-

    M. Paul Burstein: Avons-nous quelques jours pour en parler?

    Je ne le pense pas. J'ai contesté la constitutionnalité du régime actuel devant d'autres instances, mais il demeure que le gouvernement du Canada a été obligé de légiférer et de réglementer le secteur de l'usage médical de la marihuana parce que le Code criminel interdit encore la possession de marihuana. L'usage médical de la marihuana est accepté en Hollande et dans de nombreux autres pays. Les gens n'ont pas besoin de s'inquiéter du fait que la décriminalisation autorise les gens qui en ont besoin à utiliser la marihuana dans un but médical.

    Le document qu'a préparé la direction de la recherche parlementaire examine les conséquences possibles que pourrait avoir cet usage. En fait, les seules conséquences possibles, pour ce qui est de l'accès au produit, seraient celles auxquelles M. Tousaw a fait allusion, à savoir l'effet sur les cultivateurs de marihuana et le risque que cela ne renforce le marché noir à cause de l'aggravation des peines.

    J'espère que le comité a obtenu la décision qu'a récemment prononcée la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Hitzig v. Canada. La Cour d'appel a notamment déclaré dans cette affaire que le règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales adopté par le gouvernement était inconstitutionnel parce qu'il ne permettait pas aux particuliers de cultiver, sur une base contractuelle, de la marihuana pour ceux qui l'utilisent à des fins médicales.

    Je ne sais pas si ce projet de loi risque de causer un problème, mais il est possible que les messages que transmet le gouvernement soient quelque peu contradictoires. La Cour d'appel affirme que je vais pouvoir, en qualité d'utilisateur autorisé de marihuana à des fins médicales, retenir les services d'un tiers qui fera pousser une petite quantité de cannabis pour mon propre usage. Si vous avez des craintes au sujet des messages ou des risque que peuvent entraîner les opérations de culture, je pense que la population risque de ne pas très bien savoir à quoi s'en tenir, pour les motifs donnés par M. LeBlanc. Comment peut-on savoir si la personne qui fait pousser du cannabis chez elle le fait pour des raisons médicales ou autres? Vous souhaiterez peut-être examiner ce que la cour a déclaré dans cette affaire, mais pour le reste, je ne pense pas que cela pose un grave problème.

+-

    M. Randy White: Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur White.

    Le comité a recommandé sur ce point que l'on autorise un à trois plants. La remarque que vous avez faite il y a un instant, monsieur Tousaw, au sujet d'une quantité de 18 à 20 plants, ne serait pas acceptée par mes électeurs. C'est en fait un policier qui m'a suggéré d'autoriser un à trois plants. Il m'a dit que le gars qui fume un joint le samedi soir et ne boit pas de bière ou d'autre chose, n'aurait pas de problème si on lui permettait de faire pousser un à trois plants de marihuana; cela lui éviterait d'entrer en contact avec le crime organisé et ne concernerait pas vraiment qui que ce soit d'autre.

    Y a-t-il quelqu'un parmi vous qui recommanderait de modifier le projet de loi de façon à autoriser la culture d'un à trois plants?

»  +-(1705)  

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    M. Kirk Tousaw: Je dirais que oui. Il faudrait toutefois être prudent et préciser qu'il s'agit de un à trois plants utilisables, parce que si l'on plante trois graines, on peut obtenir trois plantes mâles qui ne sont d'aucune utilité. Je ne sais pas si vous connaissez bien les caractéristiques botaniques du cannabis, mais c'est une espèce qui comprend des plantes mâles et femelles. La plante mâle ne contient pas de...

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    La présidente: N'est-ce pas un peu comme le houx?

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    M. Kirk Tousaw: Oui. Le plant mâle ne contient pas de substance utilisable, il faut donc obtenir des plantes femelles. Il faudrait donc que la disposition autorise de un à trois plants matures, des plants qui sont au stade de la floraison. On pourrait ainsi faire pousser six semis et ramener ce chiffre à deux ou trois plantes femelles, une fois que ces plantes en sont arrivées au stade de la floraison au cours duquel commence à se former la partie utilisable de la plante.

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    M. Paul Burstein: Je crois que l'Australie a adopté une disposition de ce genre, je me fais donc l'écho des commentaires de M. Tousaw. Il serait peut-être utile d'examiner le système d'expiation adopté par les États australiens.

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    La présidente: Pour ce qui est du crime organisé, pensez-vous que cela résoudrait le problème en partie?

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    M. Kirk Tousaw: Si vous donnez aux gens la possibilité de faire pousser eux-mêmes leurs plantes, cela va régler en partie le problème que pose le crime organisé. Bien sûr, il n'est pas toujours facile de faire pousser du cannabis. Cette plante pousse comme une mauvaise herbe mais, pour faire pousser du bon cannabis, il faut avoir certaines connaissances que certaines personnes n'ont pas ou qu'elles n'ont pas le temps d'acquérir.

    Mais ce serait un progrès. Si cette disposition se trouvait dans le projet de loi, je serais moins réticent à donner une légère approbation à ce projet.

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    La présidente: Vous aimez beaucoup patiner.

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    M. Kirk Tousaw: Je cherche à éviter le rocher.

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    La présidente: Oui, c'est cela. Il y a pas mal de rochers qui retombent.

    Monsieur LeBlanc.

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    M. Dominic LeBlanc: Je ne cherche pas à éviter le rocher, mais à tenir compte de mes électeurs.

    Je crois que M. Burstein a parlé d'utiliser le pouvoir en matière pénale, c'était peut-être M. Lapowich, pour empêcher ou dissuader les gens de nuire à leur santé, que le pouvoir en matière pénale concerne les rapports avec les autres et le fait de nuire aux autres dans une société. Je suis très sensible à cet argument parce que je pense qu'il est juste.

    Là où j'ai du mal à expliquer tout cela à un enseignant à la retraite d'une région rurale du Nouveau-Brunswick, c'est quand j'arrive au message que cela transmet aux jeunes. Cela suscite des réactions irréfléchies. Comme je l'ai dit plus tôt, décriminaliser veut dire légaliser. J'estime que le fait que nos collègues du Sénat aient parlé de vendre le cannabis dans les magasins des sociétés des alcools n'a pas aidé les choses. Au lieu d'amener la population à comprendre et à appuyer ces mesures, cela a peut-être compliqué les choses au lieu de les simplifier.

    J'aimerais connaître votre réaction sur ce sujet. Je pense que nous acceptons tous qu'un adulte informé puisse décider de faire des choses susceptibles de nuire à sa santé, comme fumer, boire, trop manger, se bronzer, et ces choses ne sont pas illégales. Il y a aussi le fait que, d'après les exemples que vous avez donnés, l'existence de sanctions pénales n'empêche pas les gens de consommer du cannabis.

    Je suis par contre sensible aux jeunes étudiants du secondaire qui se trouvent en pleine adolescence. Les jeunes que je connais m'ont dit qu'on les poussait à essayer la marihuana avant même qu'ils n'arrivent à l'école secondaire. Je crains que la discussion que nous avons au sujet de la décriminalisation, de la légalisation, notamment, donne aux gens la possibilité de dire que nous envoyons aux jeunes un message inapproprié.

    Je me demande si ce n'est pas là un bon argument. C'est peut-être M. Tousaw qui a parlé de l'aggravation de l'application de la loi. Pour reprendre votre argument, peut-être d'une façon qui n'est pas celle que vous auriez souhaitée, cette aggravation de la répression veut peut-être dire pour cet enseignant à la retraite de ma circonscription que le jeune de 16 ans qui est arrêté par la police avec un joint dans ses poches ne fera peut-être pas l'objet d'accusations. Cependant, s'il y avait un système de contravention, et peut-être c'est surtout la question de l'âge, les policiers ne pourraient-ils pas appliquer la loi de façon plus uniforme et plus constante? Nous pouvons dire aux gens qui pensent que nous envoyons aux jeunes un message inapproprié qu'en fait, nous leur faisons comprendre que cette substance est illégale; elle n'est pas criminelle, mais ce n'est pas une substance légale que l'on peut posséder et consommer à sa guise.

    Hier soir, la GRC a parlé des pouvoirs discrétionnaires que la common law accorde aux policiers. Ses représentants ont parlé du droit et du privilège qu'accordait la common law aux policiers. Je n'ai peut-être pas assisté à mes cours ce jour-là à la faculté de droit, mais je ne me souviens pas de cette notion. Il est possible que je n'aie pas lu ce qu'il fallait ou que cela ne figurait pas dans mon résumé. Je me demande si quelqu'un peut m'expliquer ce que veut dire l'expression les pouvoirs discrétionnaires qu'accorde la common law aux policiers. Ils utilisaient ce terme comme s'il était bien connu et je ne sais pas très bien ce qu'ils voulaient dire par là.

    Voilà mes deux questions.

    Merci, madame la présidente.

»  +-(1710)  

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    M. Kirk Tousaw: J'aimerais d'abord répondre à la première question sur le caractère approprié du message communiqué aux jeunes. À l'heure actuelle, on dit aux jeunes que la consommation de cannabis est très dangereuse. On exagère ce danger et on fait de fausses affirmations. Le message que nous envoyons aux jeunes, qui vont essayer le cannabis quel que soit le message qu'ils reçoivent, est qu'il est normal de leur mentir et de les tromper au sujet du véritable danger de cette substance. Lorsque nous envoyons en prison des gens parce qu'ils ont exercé une activité qui ne peut nuire qu'à eux seuls, nous indiquons à la population que la liberté et l'autonomie personnelle sont des aspects secondaires et qu'il faut donner la priorité à une guerre injustifiée et inefficace contre une plante. Le message que nous leur envoyons actuellement est déjà mauvais.

    Si nous allons de l'avant et disons à la population que nous allons réformer ces lois, que nous allons respecter les décisions que prennent les adultes au sujet de leur santé, cela montre à nos jeunes que nous accordons de l'importance à l'autonomie et à l'indépendance. Nous leur montrons que nous n'avons pas peur de risquer le déplaisir de nos voisins parce que nous n'acceptons pas des politiques qui n'ont donné que de mauvais résultats; nous leur disons qu'il est possible de modifier des lois injustes en faisant preuve de leadership; nous leur montrons qu'il est inacceptable de persécuter les personnes qui exercent une activité privée qui ne cause aucun dommage dans une société pour laquelle la liberté est une valeur. Je pense que la volonté de réformer ces lois transmet un message très positif à notre jeunesse.

    Je parlais de cette question avec un des membres de notre auditoire un peu plus tôt aujourd'hui et il m'a dit « il faut critiquer le péché et aimer le pécheur ». Disons donc à nos jeunes que nous ne souhaitons pas qu'ils essaient le cannabis avant d'être adultes et peut-être même qu'ils s'en passent à ce moment-là parce que cette plante peut nuire à la santé. Entre-temps, nous n'allons pas en faire des criminels s'ils décident de braver l'interdit. Nous n'allons pas ruiner leur avenir et les stigmatiser.

    Il y a une partie de nos jeunes qui veut essayer le cannabis parce que c'est illégal, parce que c'est un fruit défendu. C'est une partie assez important si l'on pense qu'à l'heure actuelle, d'après les statistiques sur les jeunes, il y a entre 60 et 80 p. 100 des adolescents qui ont déjà essayé le cannabis. Il faut leur dire que ce ne sont pas de mauvais jeunes; ce sont des personnes qui devraient, d'après nous, attendre d'être adultes avant de prendre ce genre de décision qui peut avoir des répercussions sur leur vie.

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    La présidente: Merci.

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    M. Paul Burstein: Vous dites que la criminalisation du cannabis ne permettra pas de transmettre un message approprié aux jeunes, mais cette politique nuit en fait à la qualité du message pour deux raisons. Si j'étais enseignant et que je voulais avoir de véritables contacts avec mes étudiants, des jeunes de 13 ou 14 ans, pensez-vous vraiment que je dirais à mes étudiants que j'ai déjà fumé de la marihuana quand j'étais jeune, alors que c'est encore une infraction pénale? Je perdrais mon poste le lendemain. Si la consommation devient d'un seul coup une contravention, il sera beaucoup moins difficile aux gens de parler de leur passé. C'est le genre de message que les jeunes sont prêts à entendre.

    L'autre problème qui découle du caractère trompeur du message communiqué aux jeunes, et dont M. Tousaw a parlé, c'est qu'il a des conséquences pour ce qui est des drogues dures. Les jeunes vont essayer le cannabis quoi que nous fassions. Nous pourrions sanctionner cette consommation par l'emprisonnement à perpétuité et ils le fumeraient quand même. Les adultes leur disent que cette substance est tellement dangereuse qu'elle doit être criminalisée mais lorsque les jeunes l'essaient, ils ne l'aiment peut-être pas beaucoup mais ils ne tombent pas comme des mouches. En fait, ils constatent que ce que disent les experts est vrai, cette substance n'est pas dangereuse. Mais si le même adulte leur dit qu'ils ne devraient pas essayer les drogues dures parce qu'elles sont très dangereuses, l'adolescent se trouve dans une situation très délicate parce qu'on lui envoie des messages imprécis : « S'ils m'ont menti au sujet de cette drogue, ils me mentent sans doute aussi au sujet de cette autre drogue ». Voilà qui est très dangereux.

    Vous parlez d'amendes mais, au lieu de faire payer des amendes aux jeunes, ce seront bien souvent les parents qui les paieront, ou dans les cas où les parents ne peuvent pas payer, alors les jeunes risquent de se retrouver en prison. Ne serait-il pas préférable d'envoyer ces jeunes assister à des séminaires où ils pourraient apprendre ce qu'est le cannabis et découvrir qu'il y a certaines conséquences, comme des problèmes broncho-pulmonaires causés par la fumée?

    Si c'est une question d'argent, nous le faisons déjà pour les personnes qui conduisent en état d'ébriété. Je pense que, dans cette province, les délinquants primaires sont obligés d'assister à un programme de rééducation, Missing You, où on leur montre des films qui décrivent des accidents de voiture horribles. Pourquoi ne pas le faire de façon constructive avec les jeunes? Je ne sais pas qui devrait s'en charger, mais ce serait une sanction bien meilleure pour un adolescent.

    Dites donc à votre enseignant à la retraite que nous pouvons envoyer un message plus vrai et établir la confiance entre les jeunes et les adultes en procédant de cette façon.

»  +-(1715)  

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    M. Dominic LeBlanc: Au sujet des pouvoirs discrétionnaires des policiers, très brièvement...

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    M. Paul Burstein: J'ai peut-être manqué moi aussi cette journée-là à la faculté de droit. Je pense qu'ils disent que les tribunaux ont toujours déclaré qu'il était normal de confier aux policiers le pouvoir discrétionnaire de porter des accusations. Très franchement, je ne pense pas que la common law accorde des droits aux policiers. Les policiers n'ont pas de droits; ce sont des représentants de l'État. Ils ont des obligations et des pouvoirs. Il n'y a rien de mal à confier un pouvoir discrétionnaire aux policiers mais si le gouvernement décide que les policiers ne devraient pas avoir ce pouvoir discrétionnaire, je ne vois pas comment les policiers pourraient invoquer la Charte pour reprocher au gouvernement de leur avoir supprimé leurs droits.

    Il est donc bien établi en common law que les policiers doivent avoir des pouvoirs discrétionnaires, mais ce n'est pas quelque chose que le législateur ne peut pas supprimer en adoptant une loi.

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    M. Mark Lapowich: Je suis content que M. Burstein ait répondu en premier à cette question. Il s'est tourné vers moi et m'a demandé si je voulais parler de cet aspect. J'ai également manqué le cours sur les pouvoirs discrétionnaires accordés par la common law.

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    M. Dominic LeBlanc: Si nous avons tous les trois manqué ce cours, c'est peut-être que la question n'est pas aussi simple qu'ils l'ont dit hier soir.

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    M. Mark Lapowich: Tout à fait. Ils voulaient peut-être faire référence à leur pouvoir discrétionnaire inhérent, particulièrement, dans le cas où ils trouvent un jeune avec un joint et décident de ne pas porter d'accusation. Le policier peut toujours décider de confisquer le joint et de donner un avertissement au jeune lorsqu'il n'y a pas de circonstances aggravantes qui peuvent amener le policier à estimer qu'il est nécessaire de porter une accusation. Il peut très bien laisser partir le jeune en lui donnant un avertissement et ne pas avoir ainsi à suivre le processus habituel : les menottes, les tribunaux, les avocats, la procédure pénale.

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    M. Dominic LeBlanc: Merci.

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    La présidente: Sur ce point, les policiers semblaient au départ être favorables aux dispositions du projet de loi que le comité avait recommandées en décembre. Ils semblent dire maintenant qu'ils veulent avoir le pouvoir de porter des accusations pénales pour les cas de possession de 0 à 15 grammes. Devrions-nous rétablir ces pouvoirs ou conserver le projet de loi tel qu'il est?

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    M. Kirk Tousaw: Il ne faudrait absolument pas rétablir ces pouvoirs. Je ne vois aucune raison pour donner aux policiers le pouvoir discrétionnaire de porter des accusations pénales dans les cas de possession d'une quantité inférieure à 15 grammes de cannabis. Il me paraît tout à fait déraisonnable de leur accorder un tel pouvoir discrétionnaire. Si nous décidons de ne pas voir dans cela une activité criminelle, alors cette activité n'est pas criminelle, et c'est tout.

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    M. Paul Burstein: Ils pensent sans doute aux récidivistes, ou aux personnes qui auraient près de 15 grammes et qui mériteraient peut-être une peine plus sévère. Il est tout à fait possible de répondre à cette préoccupation grâce aux dispositions de la Loi sur les contraventions qui traitent des peines.

    Autrement dit, si l'on veut donner aux policiers un certain pouvoir discrétionnaire, ce que je ne recommande pas, je dirais qu'il n'est pas nécessaire de faire relever cette drogue de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il est possible de trouver une solution en utilisant les dispositions en matière de peines de la Loi sur les contraventions. Il n'est pas nécessaire de procéder autrement.

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    La présidente: Je crains beaucoup que si l'on rétablit ces pouvoirs, les policiers vont prendre les empreintes digitales de tous ces gens, ce qui n'aura pas pour effet de décriminaliser véritablement la possession d'une quantité située entre 0 et 15 grammes. Pouvez-vous nous donner certains conseils sur ce point?

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    M. Paul Burstein: Permettez-moi de dire simplement ceci. Lorsque le gouvernement a modifié le projet de loi C-7 pour en faire le projet de loi C-8 en mai 1997 en vue de faire adopter la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il existait une disposition selon laquelle la première infraction devait toujours être traitée selon la procédure sommaire. Cela n'a pas empêché les policiers de prendre les empreintes digitales de tous les accusés, parce que, lorsque les policiers ont un pouvoir, ils ont tendance à l'utiliser.

    Je ne veux pas dire qu'ils sont de mauvaise foi. Je connais beaucoup de policiers et ce sont d'excellents amis. Mais le fait est qu'en tant qu'institution, les policiers aiment avoir des renseignements sur les gens, parce que cela les aide à protéger la société. Nous ne pouvons pas le leur reprocher. En tant que citoyen, je suis heureux qu'ils le fassent. Par contre, ils ne devraient pas pouvoir le faire pour les personnes qui ont commis des infractions relatives au cannabis.

»  -(1720)  

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    M. Mark Lapowich: C'est exact. Lorsque nous accordons des pouvoirs discrétionnaires, non pas aux juges et aux poursuivants, mais aux policiers, nous nous éloignons des objectifs qui méritent d'être poursuivis, comme l'uniformité de l'application de la loi au Canada. Je n'aime pas beaucoup revenir sur cet aspect, mais il y aura des disparités parce qu'en accordant des pouvoirs discrétionnaires aux policiers, ces derniers vont traiter la même infraction commise par les mêmes personnes de façons très différentes.

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    La présidente: Merci à tous.

    Comme vous le savez, le comité va entendre des témoins pendant les semaines qui viennent. Si vous voulez nous proposer des modifications précises, ou réagir à d'autres témoignages, ou nous envoyer d'autres éléments, nous serions très heureux de recevoir tout cela. Si vous envoyez vos commentaires au greffier, il les fera parvenir à tous les membres du comité.

    Nous sommes heureux que vous soyez venus nous présenter votre expérience et vos idées, malgré un avis très court.

    Nous espérons que l'enfant de M. Trudel se porte mieux.

    Merci encore.

    La séance est levée.