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SC38 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments (Projet de loi C-38)


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 novembre 2003




¿ 0915
V         La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.))
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)
V         La présidente
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         La présidente
V         M. Richard Marceau
V         La présidente
V         M. Richard Marceau
V         Le greffier du comité (M. Jean-Michel Roy)
V         M. Richard Marceau
V         Le greffier
V         M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne)
V         La présidente
V         M. Randy White
V         La présidente
V         M. John Conroy (À titre individuel)
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. Neil Boyd (professeur de criminologie, Université Simon Fraser)

¿ 0920

¿ 0925
V         La présidente
V         M. John Conroy

¿ 0940
V         M. John Conroy
V         La présidente

¿ 0945
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy

¿ 0950
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White

¿ 0955
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy

À 1000
V         La présidente
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy

À 1005
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Paul Harold Macklin

À 1010
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. John Conroy
V         Mme Marlene Jennings
V         M. John Conroy
V         Mme Marlene Jennings
V         M. John Conroy
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings

À 1015
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White

À 1020
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy

À 1025
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. Randy White
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)

À 1030
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         Mme Carole-Marie Allard

À 1035
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         Mme Carole-Marie Allard
V         La présidente
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. John Conroy

À 1040
V         M. John Conroy
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy

À 1045
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings
V         M. John Conroy
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Neil Boyd
V         Mme Marlene Jennings
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Neil Boyd

À 1050
V         M. John Conroy
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente

À 1055
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. Neil Boyd
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         M. John Conroy
V         La présidente
V         La présidente










CANADA

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments (Projet de loi C-38)


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 novembre 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0915)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)): La séance est ouverte.

    Avant d'entendre nos deux témoins, nous devons adopter le budget que nous avons devant nous.

    Je croyais qu'on l' avait distribué. Désolée, peut-être les libéraux ne l'ont-ils pas reçu.

    Vous constaterez que nous avons supprimé les vidéoconférences du budget antérieur pour affecter ces fonds aux dépenses des témoins. C'est un montant manifestement supérieur à nos besoins, mais nous allons quand même le conserver.

    Est-ce quelqu'un pourrait proposer une motion?

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Je propose l'adoption.

    (La motion est adoptée [voir le procès-verbal])

+-

    La présidente: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Madame la présidente, je voudrais avoir une mise à jour de la liste des témoins potentiels que nous avions au début. Si ma mémoire m'est fidèle, il y en avait 39. Combien de ces témoins verrons-nous en comité?

[Traduction]

+-

    La présidente: Nous allons vous obtenir cette liste. Le greffier vous dira que nous avons communiqué avec tous ceux dont le nom était sur la liste et leur avons offert divers créneaux horaire pour leur comparution cette semaine. Ceux qui n'ont pas comparu n'étaient pas disponibles cette semaine, ou bien n'ont pas de position à exprimer, comme la FCM ou l'ACI.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Est-ce que certaines personnes ont dit qu'elles n'étaient pas disponibles cette semaine, mais qu'elles le seraient la semaine prochaine? Et est-ce que nous n'entendrons pas ces personnes à cause de cela?

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous pourrez demander au greffier. Certains n'avaient pas de position et d'autres ne pouvaient pas comparaître.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je comprends cela, mais ce n'était pas ma question.

+-

    Le greffier du comité (M. Jean-Michel Roy): Certains auraient possiblement pu être disponibles à un autre moment. Par exemple, sur votre liste, vous aviez le Barreau du Québec. On m'a dit que le Barreau du Québec ne prenait pas position sur le projet de loi.

+-

    M. Richard Marceau: Je comprends cela et je vais leur parler, parce que cela me coûte assez cher de frais chaque année.

    Monsieur le greffier, vous serait-il possible de nous dire si, parmi les gens qui ont été contactés, il y en a qui ont dit qu'ils auraient aimé venir, qu'ils ne pouvaient pas venir cette semaine, mais qu'ils pouvaient venir à un autre moment?

+-

    Le greffier: Je pourrai vous apporter cela à la prochaine réunion, ce soir.

[Traduction]

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Si j'ai bien compris, madame la présidente, vous nous dites que la B.C. Real Estate Association, l'Association canadienne de l'immobilier, les représentants de toutes les agences américaines, le solliciteur général des provinces, les municipalités et le Barreau du Québec n'avaient pas de position à exprimer ou bien ne pouvaient pas se présenter la semaine prochaine.

+-

    La présidente: C'est exact. Chantal s'est occupée des Américains. Vous pouvez demander à Chantal.

+-

    M. Randy White: Nous allons donc pouvoir confirmer qui aurait pu comparaître plus tard. Allez-vous nous fournir cette liste?

+-

    La présidente: Oui.

    Nous avons maintenant devant nous deux témoins de la Colombie-Britannique. Il s'agit de M. John Conroy, qui comparaît à titre personnel, et de l'Université Simon Fraser, M. Neil Boyd, professeur de criminologie.

    Je ne sais pas si vous avez eu le temps de décider qui sera le premier.

+-

    M. John Conroy (À titre individuel): Je suis ici tout simplement pour répondre à vos questions. J'ai reçu un appel vendredi me disant que certains d'entre vous voulaient m'entendre, et je n'ai pas eu le temps de préparer un mémoire. Je participe actuellement à une audience préliminaire impliquant des comploteurs qui ont essayé d'exporter du cannabis de la Colombie-Britannique vers les États-Unis; je me suis précipité pour demander au juge la permission de me présenter ici pour vous faire part de mon point de vue.

+-

    La présidente: Très bien. Nous allons donc commencer par entendre le professeur Boyd. Nous disposons d'à peu près dix minutes pour l'exposé.

    Monsieur Conroy, j'espère que vous avez le texte du projet de loi dont nous discutons.

+-

    M. John Conroy: Oui.

+-

    La présidente: Monsieur Boyd.

+-

    M. Neil Boyd (professeur de criminologie, Université Simon Fraser): Merci.

    Je vais commencer en disant que le projet de loi présente des points forts et des points faibles, mais surtout des points faibles.

    Je crois qu'il est raisonnable, du point de vue de la santé publique, de décourager la consommation d'une substance dont on ne saurait dire qu'elle ne présente aucun danger. L'État étant autorisé à agir dans l'intérêt de la santé publique, son intervention ici me semble légitime.

    On cessera d'incarcérer ceux qui seront trouvés en possession de moins de 15 grammes de cannabis. C'est à mon avis un pas dans la bonne voie.

    Ce qui est sûr, c'est que l'on cherche à tout le moins à cataloguer certains méfaits que des entreprises de culture légales peuvent causer dans certains milieux. On retrouve ici l'utilisation d'un bien foncier appartenant à un tiers sans son consentement; le fait de poser un risque pour la sécurité ou la santé des enfants; le fait de poser un risque à la santé publique dans un secteur résidentiel; et le fait de poser un piège ou un dispositif qui pourrait causer la mort ou des lésions corporelles afin de protéger l'exploitation.

    Je ne crois pas que ces méfaits fassent partie intégrante des exploitations de culture illégales, mais il est vrai que c'est le cas d'un certain pourcentage d'entre elles, un pourcentage relativement minime, à mon avis.

    J'aimerais parler un peu de certains points faibles que j'entrevois dans le projet de loi C-38. Je crois qu'il passe à côté du fait que les méfaits de la marijuana ont relativement peu de conséquences pour la plupart des consommateurs, particulièrement si on les compare aux méfaits du tabac ou de l'alcool, à la consommation excessive de gras ou de sucre, ou au fait de ne pas faire de l'exercice régulièrement. Il s'agit ici de santé publique. Comme point de départ, c'est curieux. Je pense qu'en réalité, nous demeurons obsédés par l'aspect moral de la consommation d'un certain type de drogue. On ne se préoccupe pas vraiment des conséquences de cette consommation pour la santé publique.

    Ce qui m'intrigue aussi, c'est la distinction que l'on trace dans le projet de loi entre le cannabis et le haschisch, étant donné qu'on semble faire l'adéquation entre un gramme de haschisch et 15 grammes de cannabis. Cela ne reflète pas la réalité de la consommation, et à mon avis, ce n'est pas du tout tenir compte des conséquences pour la santé de ces diverses formes de la drogue.

    Pour ce qui est de savoir si le projet de loi C-38 décriminalise effectivement la possession de petites quantités, je crois qu'il y a un manque de clarté. En fait, il est assez évident maintenant que ce n'est pas le cas; cette mesure est plutôt dans la ligne du discours du Trône de 1980, où les Libéraux avaient promis de réduire les pénalités associées à la possession de marijuana. Étant donné que l'on va continuer de conserver des casiers judiciaires, étant donné que la police conserve ses pouvoirs d'arrestation et étant donné le libellé lui-même du projet de loi, je crois que l'on peut dire qu'il ne s'agit pas vraiment de décriminalisation. La décriminalisation aurait essentiellement pour effet de soustraire l'infraction de possession à la juridiction du droit criminel, et de permettre aux provinces de réglementer la consommation dans le cadre de la santé publique.

    Si l'infraction conserve son caractère criminel, l'un des risques que pose le projet de loi C-38, c'est que les droits des personnes sont moins bien protégés. On pourrait se retrouver devant davantage de condamnations au criminel pour possession de petites quantités de cannabis, étant donné que l'exécution de la loi pourrait exiger moins de travail de la part de la police, bien que ce ne soit pas clair.

    L'imposition d'une peine maximale de 14 ans pour la production de cannabis est incompatible avec la jurisprudence et ne tient pas compte des méfaits résultant de la distribution de cette drogue. Voyez par exemple le jugement La Reine c. Whyte, un verdict unanime de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique imposant une condamnation avec sursis pour une exploitation de marijuana à grande échelle, comportant plusieurs centaines de plants et valant environ un demi-million de dollars.

    L'un des grands dangers que pose l'alourdissement des peines pour des infractions liées à la production, c'est qu'on ne fera qu'accroître le potentiel de violence du trafic. S'il y a plus à gagner et plus à perdre, le marché du cannabis du Canada pourrait ressembler davantage à celui de la cocaïne et de l'héroïne.

    À mon avis, il y a un manque de logique flagrant à exiger l'emprisonnement pour toute forme de production, même pour consommation personnelle, et à exiger ensuite la suppression de toute peine d'emprisonnement pour la possession personnelle de petites quantités de drogue. Comme de nombreux observateurs l'ont dit, ce n'est peut-être pas un crime de posséder une petite quantité de cannabis, mais vous ne pouvez pas produire cette petite quantité pour vous-même sans risquer l'incarcération. On encouragera nécessairement les consommateurs à se tourner vers le marché clandestin.

    L'expérience des Pays-Bas, des États-Unis et d'un certain nombre d'autres pays démontre assez clairement que la décriminalisation n'a pas d'effet sur la consommation du cannabis. Même avec ses cafés cannabis qui existent aux Pays-Bas depuis maintenant plus de 25 ans, la consommation parmi les jeunes demeure plus basse aux Pays-Bas qu'au Canada et aux États-Unis.

¿  +-(0920)  

    À mon avis, la menace que poserait la production canadienne de cannabis pour le consommateur américain est relativement minime, comme l'attestent d'ailleurs les rapports de la GRC et des Nations Unies. Les Américains saisissent approximativement trois tonnes de cannabis canadien par année, comparativement à plusieurs milliers de tonnes de cannabis mexicain. Sans parler de la production américaine, particulièrement dans ce qu'on pourrait appeler le coeur de l'Amérique.

    Ce qui m'intéresse beaucoup plus, c'est de répondre à vos questions et prendre part à un dialogue, mais j'imagine que l'option que nous avons consiste à conserver le statu quo. L'avantage serait d'envoyer un message clair qui décourage la consommation d'une substance qui peut être nocive. Mais le désavantage, c'est une police discrétionnaire, certains agents étant plus enclins à porter des accusations ou à confisquer, et d'autres non; le manque de respect pour la loi parmi les jeunes, problème qui a commencé avec ma génération et qui subsiste encore aujourd'hui, étant donné que cette loi nous semble déraisonnable; les gros profits des organisations criminelles, étant donné que c'est une loi qui va continuer de les enrichir; et il y a peu de raisons de croire que cette loi va diminuer la consommation.

    Il y a une autre alternative, j'imagine, qui serait la consommation réglementée pour les adultes consentants. L'avantage ici, c'est qu'on peut empêcher les organisations criminelles de faire des profits; les recettes fiscales du gouvernement pourraient augmenter si l'on vendait le cannabis dans les régies des alcools; et l'on pourrait mieux contrôler la puissance du produit et exercer une éducation préventive. Les désavantages sont une opposition résolue; des sanctions possibles des États-Unis; et peut-être l'encouragement à la consommation du fait qu'elle serait désormais acceptable socialement. Si l'on prend l'histoire de la promotion de l'alcool et du tabac, on constate de manière certaine qu'une approche de laisser-faire envers ces substances peut poser des difficultés. Et, bien sûr, on pourrait s'attendre à des sanctions des Nations Unies étant donné que cette approche serait différente, même par rapport à celle des Pays-Bas.

    Je prône pour ma part la décriminalisation de la possession et de la culture pour usage personnel.

    La recommandation 41 du rapport du comité spécial de la Chambre des communes rejoignait presque cette approche, du moins dans son esprit. De nombreux problèmes se posent dans la réalisation d'une telle mesure, par exemple, comment on limiterait la production des plantes à 30 grammes—sèches et humides—et d'autres difficultés d'ordre logistique. Mais l'esprit de cette recommandation veut qu'on ne permettrait pas de production commerciale à grande échelle, et qu'on dirait essentiellement : « Si vous voulez en consommer, vous ne serez pas traité comme un criminel, et si vous voulez en cultiver pour votre usage personnel, on ne vous traitera pas comme un criminel non plus », et cela me semble être un pas dans la bonne voie. 

    L'avantage, c'est qu'on élimine la police discrétionnaire; on allège ce boulet coûteux qu'est un casier judiciaire au niveau des déplacements et de l'emploi; ce serait une mesure plus acceptable sur le plan politique, que la légalisation complète, chose certaine par rapport aux États-Unis et aux Nations Unies; et on n'encouragerait pas une plus grande consommation étant donné que le commerce du produit demeurerait interdit, tout comme la publicité et le reste.

    Le désavantage, c'est que le marché clandestin pourrait subsister, quoique le consommateur individuel aurait le droit de cultiver, ce qui aurait tendance à faire baisser dramatiquement le prix de la drogue et la viabilité d'une entreprise commerciale de distribution. Je crois donc que cela pourrait réduire grandement l'emprise des réseaux criminels.

    Je vais m'arrêter ici. C'est essentiellement ce que j'avais à dire. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

¿  +-(0925)  

+-

    La présidente: Merci, monsieur Boyd.

    Monsieur Conroy.

+-

    M. John Conroy: Mon point de vue sur la question est celui d'un criminaliste.

J'ai plaidé dans l'affaire Caine devant la Cour suprême du Canada le 6 mai dernier. Vous savez peut-être que cette affaire devait être initialement entendue le 12 décembre, mais après les annonces faites par le ministre, nous nous sommes fait dire à la Cour que la cause était ajournée, même si tout le monde contestait l'ajournement et souhaitait que l'affaire soit entendue immédiatement. L'ajournement était dû aux annonces concernant le présent projet de loi. La Cour a voulu savoir ce que le gouvernement allait faire avant d'entendre les plaidoyers.

Au bout d'un mois, le ministre ne nous avait rien appris. Je lui ai donc écrit le 13 janvier pour l'interroger sur sa position, en lui indiquant le point de vue des appelants. Je n'ai jamais reçu d'accusé réception de cette lettre et le ministre n'y a pas répondu devant la Cour, pas plus qu'il ne lui a indiqué la position du gouvernement.

    Nous sommes donc allés plaider le 6 mai. La Cour a réservé sa décision. Je considère—et d'après les journaux de ce matin, c'est ce qui va se passer de toute façon—que vous devriez laisser tomber ce projet de loi. Il faut attendre le point de vue de la Cour suprême sur les paramètres constitutionnels de la situation, et on pourra ensuite décider s'il y a lieu de présenter un projet de loi. Pourquoi l'adopter maintenant alors que la Cour se prononcera dans quelques mois? Que faudra-t-il faire alors? Recommencer toutes les démarches en contestant le nouveau projet de loi au plan constitutionnel?

    Les fondements constitutionnels de ce projet de loi sont très chancelants, du moins quand vous parlez de « décriminalisation » car la santé a toujours relevé des provinces et non pas du fédéral. Le seul pouvoir fédéral de légiférer dans le domaine de la santé provient des dispositions constitutionnelles sur la paix, l'ordre et le bon gouvernement, ou sur le droit criminel. Par conséquent, on optant pour la décriminalisation, vous évacuez par définition le terrain puisqu'en théorie, vous n'utilisez pas vos pouvoirs en matière de droit criminel. À mon avis, il serait préférable de laisser les provinces légiférer dans ce domaine plutôt que d'imposer une loi nationale.

    Ce serait comme pour l'alcool. J'estime qu'on devrait ouvrir des cafés spécialisés tout le long de la frontière, pour que les Américains puissent venir au Canada dépenser leurs dollars dans ces cafés. Il n'y aura plus besoin de forcer les frontières. Les Américains pourront venir ici consommer du cannabis, et les gens de l'ouest y verront une compensation par rapport au bois d'oeuvre.

    Une voix: Ah, ah!

¿  +-(0940)  

+-

    M. John Conroy: L'OMC ne pourra pas réglementer en la matière, puisque le cannabis ne relève pas de sa compétence et que nous pourrions bénéficier d'un marché tout à fait légal. Nous pourrions accueillir de très nombreux amateurs de cannabis.

    Quels seraient les effets d'une telle situation? Le cannabis a été autorisé en Ontario pendant très longtemps. Quelles en ont été les conséquences? Que s'est-il passé? L'absence d'interdiction a-t-elle posé de graves problèmes? La criminalité a-t-elle été plus importante pendant toute cette période?

    J'ai grandi en Afrique, où les Africains fumaient du cannabis en permanence. Mon père était expert de la culture du tabac et quand il visitait des champs de tabac et qu'il y trouvait des plants de marijuana, il les arrachait et les jetait à terre. Moi, je me demande encore quels problèmes peut poser la consommation de marijuana. Tout le monde dit : « Il va y avoir toutes sortes de problèmes ».

    Quoi qu'il en soit, c'est pour mettre un terme aux contradictions entre experts que nous avons fait appel aux tribunaux. Nous nous sommes dit : « Saisissons donc un juge, vous convoquerez vos experts et nous convoquerons les nôtres, il y aura des contre-interrogatoires et un juge indépendant se prononcera sur les faits après avoir entendu tous les arguments ». Et c'est ce que nous avons fait. Le gouvernement a pu faire appel au Dr Kalant, qui est intervenu dans chacune des causes pour donner le point de vue du gouvernement ou pour faire le point sur la question.

    En définitive, on a constaté que 95 p. 100 des utilisateurs de marijuana en faisaient une consommation modérée et occasionnelle, qui ne présentait aucun risque pour leur santé, pour autant qu'ils soient adultes et qu'ils n'aient pas de problèmes de santé préexistants. Cinq pour cent sont des utilisateurs chroniques qui vont développer une bronchite chronique s'ils continuent d'en consommer au même rythme.

    On a trouvé trois groupes de personnes vulnérables : les femmes enceintes, les malades mentaux, particulièrement les schizophrènes paranoïdes, et surtout les jeunes immatures, qui ont toujours posé un problème, car on ne sait pas comment déterminer la maturité, et on l'a fixée arbitrairement à 17 ans, alors que l'âge de la majorité est de 19 ans.

    Compte tenu de ce qu'on a pu dire sur ces groupes de personnes vulnérables, la Cour s'est inspirée de ce dont vient de parler le professeur Boyd, à savoir qu'on a étudié les effets de la loi proprement dite pour constater qu'elle fait plus de tort que de bien; la Cour d'appel de Colombie-Britannique a donc accueilli tous ces arguments exposés par le Tribunal de première instance. Elle a dû ensuite déterminer si le principe du préjudice était un principe de justice fondamentale au Canada. La Cour d'appel de Colombie-Britannique s'est demandé où il fallait fixer le seuil au niveau constitutionnel. Peut-il s'agir d'un risque quelconque de préjudice, auquel cas on peut adopter des lois qui menacent les libertés du citoyen? Est-ce ainsi que l'on peut définir une société libre et démocratique? Ou faut-il qu'il y ait un risque grave et important de préjudice avant qu'on puisse s'en prendre aux libertés des citoyens? C'est la question que j'aborde dans mon mémoire.

    Comme vient de le dire M. Boyd—et je suis bien d'accord avec lui—la possession et la consommation de marijuana est en réalité une question bien anodine, car en quoi risque-t-elle de porter préjudice aux autres? Quel préjudice ce type de comportement risque-t-il de causer à la société? D'habitude, on invoque le droit pénal pour prévenir tout préjudice à autrui, mais non pas pour prévenir un préjudice à soi-même. En l'occurrence, quel est le risque de préjudice? Et peut-on pour autant menacer les libertés civiles? Peut-on créer pour ce type de comportement des infractions dont l'auteur est passible d'une peine de prison? À notre avis, on ne devrait pas le faire. Le droit pénal est une arme puissante, qu'il faut réserver pour les questions graves, à l'exclusion des questions futiles.

    C'est pourquoi nous affirmons qu'en l'espèce, c'est l'article 7 de la Charte qui s'applique. Quand la création d'une infraction menace les libertés civiles, c'est l'article 7 qui s'applique. Quand on entend prescrire ce que chacun peut ou ne peut pas faire de son corps, que ceci lui soit préjudiciable ou non, c'est l'article 7 de la Charte qui s'applique. Quels sont donc les principes de la justice fondamentale? Si le principe du préjudice en fait partie, reste à fixer le niveau de ce préjudice.

    Voilà comment j'analyse la question. J'ajoute—et j'invoque brièvement la question dans mon mémoire—qu'il faut aussi se préoccuper du partage des pouvoirs. On est ici dans une zone grise. Si je me souviens bien, la Loi sur les contraventions a été adoptée parce qu'on se demandait qui devait percevoir le montant des contraventions de stationnement dans les aéroports canadiens, considérés alors comme des enclaves fédérales, en quelque sorte.

    Je dois vous dire également que je suis avocat-criminaliste et que je gagne ma vie grâce aux interdictions. Plus il y a d'interdictions, plus je gagne d'argent. Si vous imposez des peines plus lourdes pour la culture de marijuana, je vais gagner davantage. Les gens se diront : « Si je me fais appréhender pour mes plants de marijuana, je me ferai défendre par Conroy et j'en aurai pour mon argent ». Les producteurs et les trafiquants ne m'invitent pas à militer en faveur de la légalisation. Bien au contraire. Ils savent que la marijuana leur rapportera beaucoup moins si elle est légalisée. Les seuls qui soient favorables à la légalisation sont les consommateurs et, éventuellement, les producteurs à vocation familiale.

    Je pense donc qu'un régime de contravention, comme en matière de circulation, constitue la meilleure formule, mais vous vous souviendrez qu'il y a 30 ans, on a commencé avec l'absolution inconditionnelle et l'absolution sous condition. M. Trudeau y a eu recours pour dépénaliser la marijuana. C'est l'origine des verdicts d'absolution inconditionnelle et sous condition. À la dernière tentative, on a proposé la déclaration de culpabilité par procédure sommaire non inscrite au casier judiciaire pour un maximum de 30 grammes. Celui qui se présente à la frontière peut donc déclarer qu'il n'a rien d'inscrit à son casier judiciaire.

    Vous faites maintenant une nouvelle tentative en invoquant la Loi sur les contraventions. Pourquoi ne pas renoncer tout simplement? Abrogez l'interdiction de la possession, et le tour est joué. Nous sommes en 2003. C'est ce qu'on a fait en Belgique et dans plusieurs autres pays. Comme je l'ai dit, c'est la situation en Ontario depuis plusieurs années et elle ne semble pas avoir causé de problèmes.

    Le problème se pose, bien sûr, quand il s'agit de prévoir des pénalités plus sévères pour la culture de la marijuana. C'est parfaitement incompatible avec ce qui se passe à l'heure actuelle dans le système de justice pénal et avec ce que le Parlement a dit aux juges de faire.

    Et j'ai présidé pendant un quinzaine d'années un comité du Barreau sur l'emprisonnement et la libération et, tout au long de cette période, j'ai comparu à de nombreuses reprises devant le Comité de la justice pour réagir au rapport de la Commission sur la détermination de la peine, la Commission Archambault. Vous vous souviendrez que, et c'est à la suite des recommandations de cette commission que les objectifs et les principes de la détermination de la peine ont été énoncés pour la première fois dans le Code criminel. On a indiqué aux juges qu'ils devaient examiner toutes les autres solutions de rechange à l'emprisonnement et on leur a dit que l'emprisonnement ne devait être utilisé qu'en dernier recours, après avoir examiné toutes les autres sanctions possibles. On a dit que le principe fondamental de la détermination de la peine est la proportionnalité. Les juges doivent tenir compte de la gravité de l'infraction et du degré de responsabilité du contrevenant.

    Quand on est juge à la Cour provincial, on voit tous les jours défiler des personnes accusées d'infractions criminelles, on à juger beaucoup de personnes accusées d'actes de violence, d'actes criminels contre la propriété et tout le reste, et puis, de temps en temps, des personnes accusées d'avoir cultivé de la marijuana ou encore, plus rarement, du moins en Colombie-britannique, des personnes accusées de simple possession. ... toutes ces causes, on va mesurer la gravité des différents types d'infractions, et il sera difficile de considérer comme une infraction grave le fait d'avoir cultivé de la marijuana comparativement au fait d'avoir commis un acte de violence ou un acte criminel contre la propriété. Vouloir mettre des gens en prison pour une infraction comme celle-là, et surtout qu'elle ne cause aucun préjudice à une autre personne ni à la société dans son ensemble, ce serait aller complètement à l'encontre des consignes.

    Il y a donc une incompatibilité manifeste entre l'idée de prévoir des sanctions plus sévères dans des circonstances comme celles-là alors qu'il n'y a pas de préjudice à autrui.

    Je devrais vous signaler également que ce ne sont pas seulement ceux qui cultivent la marijuana ou qui en font le trafic qui viennent me dire qu'il ne faudrait pas légaliser tout cela, mais il y a aussi beaucoup de policiers de l'escouade des drogues qui me disent : « que faites-vous là Conroy? Pourquoi venir chambarder quelque chose qui marche bien? » Les autres avocats de la défense tiennent aussi les mêmes propos parce qu'ils se sont tous habitués à ce que ces cas-là fassent partie de leurs activités. Il est devenu très profitable pour les avocats de la défense au pénal de défendre ceux qui exploitent des installations de culture de marijuana. Avant, c'était la conduite avec faculté affaiblie, mais maintenant ce sont les installations de culture de marijuana, du moins en Colombie-britannique.

    Le niveau de stress est peu élevé. La plupart des policiers préfèrent de beaucoup enquêter sur des cas de culture de marijuana plutôt que de meurtre, de vol à main armée et ou de viol, et la plupart des avocats de la défense au pénal préfèrent de beaucoup aussi défendre ceux qui sont accusés de cultiver de la marijuana plutôt que ceux qui sont accusés de ces autres infractions. Il faut donc être réaliste.

    Comme je l'ai dit, il faudrait à mon avis légaliser tout cela. On éliminerait ainsi de seul coup les problèmes liés à la consommation à des fins médicales, car les gens pourraient alors, vraisemblablement, en consommer en consultation avec leur médecin ou sans même avoir consulté leur médecin. Les ventes pourraient être régies par la Réglementation sur les produits de santé naturels qui existent déjà. Si un produit est considéré comme un médicament et vendu comme tel, je suis certainement d'accord avec vous pour dire qu'ils doivent répondre à certaines normes. Il faut aussi, bien sûr, assurer la protection du consommateur même quand il s'agit de consommation à des fins récréatives.

    On invoque souvent la situation aux États-Unis. Chaque année, je suis invité à participer à quelque chose qui s'appelle Hempfest et qui a lieu à Seattle. Quelques 200 000 jeunes américains se retrouvent dans un parc de Seattle, et l'unique raison de cette rencontre, c'est la marijuana. La dernière fois que j'y suis allé, on se plaignait dans les journaux de la qualité de la marijuana produite en Colombie-britannique. On disait que tous nos producteurs mettaient des produits chimiques dans leur marijuana destinée aux États-Unis simplement pour accroître leur profit, et qu'il fallait faire quelque chose pour améliorer la qualité du produit.

    Mes collègues de Seattle me disent, bien entendu, que leurs clients sont mécontents parce que les producteurs de l'état de Washington n'aiment pas que les producteurs de la Colombie-britannique exportent leur marijuana aux États-Unis car c'est le marché qui en souffre. Il semble que Seattle a récemment adopté une résolution reléguant au bas de l'échelle de priorités les poursuites relatives à la marijuana.

    Ce que disent des gens comme Walters et Ashcroft, c'est donc surtout pour la forme. Ils sont sans doute assez contents de ce projet de loi. Après tout, il y a 11 ou 12 états qui, dès les années 70 ont opté pour un régime de contraventions pour les cas de possession simple, tout en prévoyant des pénalités plus sévères pour le trafic et la culture du cannabis. Il n'en demeure pas moins la plus grande partie de la marijuana qui est consommée aux États-Unis est cultivée dans les états du corn belt par des Américains et pour des Américains. Comme l'a dit le professeur Boyd, la deuxième source d'approvisionnement pour la marijuana consommé aux États-Unis et non pas le Canada, mais le Mexique. Le Canada fournit peut-être 2 p. 100 du marché américain.

    Je vous soumets donc que les Américains protestent surtout pour la forme. Ils voudraient qu'on pense qu'ils sont très inquiets, mais que font-ils au sujet de ce qui vient du Mexique? Que font-il au sujet de la cocaïne qui arrive au Canada et qui est un problème bien plus important que la marijuana?

    En fait de consommation de drogue, le crack pose un gros problème. Il y a des policiers qui m'envoient des courriels ou des lettres pour me dire qu'ils espèrent que nous allons réussir à faire en sorte que la marijuana soit légalisée pour qu'ils puissent alors se concentrer sur les drogues qui causent vraiment des sérieux problèmes au lieu de devoir consacrer leur énergie à la marijuana. Ainsi, même dans les milieux policiers, on ne s'entend pas sur l'opportunité de maintenir l'interdiction relative à la marijuana.

    Voilà essentiellement ce que j'ai à dire. On entend souvent dire que la consommation de marijuana conduit à la consommation d'autres drogues, mais je soutiens pour ma part qu'il n'y a aucune preuve de cela. Si la marijuana était effectivement une drogue d'introduction, nous aurions bien des gens qui en ont consommée dans les années 60 et qui auraient maintenant une dépendance à l'héroïne et à la cocaïne, mais ce n'est tout simplement pas le cas.

    Est-ce vraiment suffisant comme argument de dire que le fait de consommer de la marijuana pourrait amener la personne à consommer une autre drogue? Je soutiens, pour ma part, s'il faut obtenir sa marijuana sur le marché noir, le simple fait de traiter avec ce milieu fait en sorte qu'il y a plus de chance qu'on entre en contact avec d'autres drogues. Ce qu'il faut donc, c'est venir à bout de cette xénophobie, de cette crainte de ce qui pourrait arriver du simple fait que les drogues soient légalisées et s'engager au plus vite dans la voie de la légalisation pour que nous puissions faire de l'argent avec nos amis américains.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Conroy.

    Je suis toujours un peu inquiète quand j'entends le témoin dire qu'il n'a pas de texte et qu'il n'a pas vraiment grand chose à dire.

    Ça va. C'était très bien.

    Je vais maintenant donner la parole à M. White, pour le premier tour de questions de dix minutes.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Randy White: Enchantée de vous revoir, John.

+-

    M. John Conroy: Plutôt enchanté moi aussi.

+-

    M. Randy White: Nous avons au fil des ans des divergences d'opinions sur diverses questions, y compris celles qui nous occupent.

    C'est toujours rassurant, John, de voir que vous n'avez pas de mémoire à présenter.

+-

    M. John Conroy: J'en ai tellement l'habitude que je n'ai même plus besoin de préparer mes exposés.

+-

    M. Randy White: Vous avez raison, presque tout le monde trouve son profit dans la situation actuelle, y compris les avocats, voir même la police, semble-t-il, et si bien qu'on se demande où tout cela va nous mener. Même la Commission des réfugiés semble être engorgée à cause du nombre de ceux réclament les statuts de réfugiés en se disant victime de persécution aux États-Unis en raison des lois sur la marijuana, et non pas tellement des poursuites—et nous pourrions discuter de cela aussi.

    Je suis de ceux qui disent que le rôle de législateur appartient, non pas au juge, mais aux élus politiques, et quand vous proposez d'attendre et de laisser les juges décider de ce qui est bien et de ce qui est mal... Nous pourrions, je suppose, tracer la voie à suivre à ce sujet.

+-

    M. John Conroy: La voie a été tracée en 1982, avec la Charte canadienne des droits et liberté.

+-

    M. Randy White: Peut-être bien, mais la question n'a pas encore été réglée à la Chambre des communes en tout cas.

    J'ai dîner au Shareton Inn, à Surrey, si je me souviens bien, avec un homme très futé qui est partisan de la légalisation et qui disait : peut importe les amendes qu'on nous imposera, nous ne les payerons pas et nous allons engorger le système judiciaire jusqu'à ce que les tribunaux baissent les bras ni plus ni moins. Je n'ai pas oublié ce qu'il a dit—et il avait sans doute raison. Nous allons dorénavant imposer des amendes, et les gens vont dire : « nous n'allons pas payer l'amende, si bien qu'il y aura engorgement des tribunaux. » Les juges finiront par dire : fichez-nous la paix avec ces histoires, et la bataille va se poursuivre ainsi advitam eternam.

    J'aimerais bien vous entendre là-dessus. Par ailleurs, nous avons entendu hier soir un représentant du Parti Marijuana nous dire que, peu importe ce que dit la loi, les gens comme lui vont continuer à la violer. On peut alors se demander si le projet de loi C-38 aura vraiment quelqu'effet que ce soit, à part engorger encore plus le système judiciaire.

+-

    M. John Conroy: Il conduira à un manque de respect encore plus grand pour la loi, voilà ce qu'il fera.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Randy White: J'aimerais bien vous entendre brièvement tous les deux là-dessus. C'est là une attitude qui me dérange.

+-

    M. John Conroy: La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Cuerrier, a statué qu'il faut établir une distinction claire entre comportement criminel et comportement non criminel. Sinon, on encourage les gens à ne pas respecter la loi. Nous le savons, et les recherches sur la consommation de marijuana au fil des ans montrent effectivement qu'il y a un manque de respect généralisé pour la loi. Ce que vous êtes en train de faire c'est d'adopter une loi qui n'a pas l'appui des gens, une loi que les gens vont violée. Ils auront moins de respect pour vous et moins de respect pour nos institutions si vous essayez de faire quelque chose qui ne recueille tout simplement pas l'appui de tout le monde. En optant pour un régime de contravention, vous ferez en sorte que la police hésitera moins à émettre des contraventions qu'apporter des accusations criminelles. Il se peut bien qu'il est ait ainsi de plus en plus de gens qui soient traduits devant les tribunaux ou devant des quasi-tribunaux. C'est sûr que les juges diront : « Pourquoi engorgez-vous ainsi le système avec ces infractions qui ne causent de tort à personne ni à la société dans son ensemble? »

    La distinction, à mon avis, il l'a faire en fonction du risque de préjudice pour autrui. Si le risque est élevé, qu'on s'en remette aux tribunaux, qu'on crée une infraction; mais s'il ne l'est pas... car si vous continuez à criminaliser un comportement qui ne risque pas de conduire à un préjudice, vous encouragerez le manque de respect pour la loi.

+-

    M. Neil Boyd: Quand j'ai commencé à enseigner à l'Université Simon Fraser en 1978, j'avais souvent des débats dans un séminaire que je donnais sur la marijuana sur l'opportunité de décriminaliser la consommation de marijuana, et le sujet suscitait invariablement des discussions très vives. Je me souviens d'avoir participé à un tribune radiophonique, où des agents de la GRC avaient appelé pour me dire que je mériterais d'être fusillé pour réclamer ainsi la décriminalisation du cannabis et pis encore.

+-

    M. Randy White: Vous êtes toujours bien vivant.

+-

    M. Neil Boyd: Je suis encore en vie.

    Ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que je n'arrive pas à lancer de débat. Les agents de police à qui j'en parle sont d'accord avec moi pour la plupart. Ce sujet ne suscite plus leur enthousiasme.

    Don Keith, l'ancien chef de l'escouade antidrogue de la police de Vancouver, qui croit à la criminalisation, demandait quand même à ses recrues dans les années 80 si elles avaient déjà consommé du cannabis. Il ne posait pas la question pour les exclure; c'était pour lui une question d'intégrité, étant donné qu'il croyait que la plupart en avait déjà pris, et il voulait voir si elles allaient dire la vérité.

    Nous avons toute une génération de Canadiens qui ont grandi avec ça. Il se peut qu'ils y voient quelque chose de nocif, mais ils n'y voient plus une activité méritant une sanction criminelle. Comme je l'ai dit, pour mes élèves, cette question est réglée. La question plus intéressante est maintenant de savoir comment nous allons réglementer cela, comment nous allons contrôler cela. J'admets que la consommation cause des méfaits et qu'un petit pourcentage de personnes—et John a fait la liste de certaines catégories de ces gens—peuvent avoir des ennuis. Il faut donc réfléchir dans le contexte de la santé publique. Quittons la sphère criminelle et réfléchissons à ce problème en termes de santé publique. Je crois que c'est cette idée qu'il faut promouvoir.

+-

    M. Randy White: Diriez-vous que le projet C-38 vaut mieux que le statu quo? Doit-on s'en tenir au statu quo? Doit-on mettre en oeuvre ce projet de loi?

+-

    M. John Conroy: La mise en oeuvre, non. Comme je l'ai dit, je crois que vous devriez attendre de voir ce que les tribunaux vont dire. S'il subsiste une marge de manoeuvre pour vous après que les tribunaux se seront prononcés, alors oui, vous pourrez faire quelque chose. Mais pourquoi agir maintenant et s'exposer à de nouveaux...? Vous allez vous plaindre que, lorsque vous adoptez une loi, les tribunaux disent ensuite qu'elle est anticonstitutionnelle, alors qu'on ne s'est jamais adressé aux tribunaux. Vous allez vous plaindre et dire que c'est du militantisme judiciaire et que ce n'est pas la fonction des tribunaux en vertu de la constitution.

    Si vous adoptez le projet de loi, vous ne vous tromperez pas pour ce qui est de la possession, mais vous allez vous tromper à coup sûr si vous alourdissez les peines pour la production.

+-

    M. Neil Boyd: J'allais dire à peu près la même chose. Si vous éliminez l'emprisonnement pour simple possession, vous êtes dans la bonne voie. Mais si vous alourdissez les peines pour la production, je pense que vous allez accroître le potentiel de violence dans le trafic, et cela suppose un certain nombre de conséquences négatives.

+-

    M. Randy White: Vous dites donc que c'est mieux qu'un statu quo, ou que nous ne devrions pas mettre en oeuvre le projet de loi?

+-

    M. Neil Boyd: J'ai tendance à être d'accord avec ce que John vient de dire. Pour ce qui est de la possession, le projet de loi vaut mieux que le statu quo parce qu'on élimine la possibilité d'une peine d'emprisonnement pour possession de petites quantités de cannabis. Par contre, le message est incompatible avec la jurisprudence. Cela me rappelle les projets de loi C-54 et C-114 du gouvernement Mulroney sur la pornographie, où on a essayé de légiférer en matière de sexualité explicite, d'une manière qui était totalement incompatible avec la pratique existante. Je crois qu'on a là quelque chose de semblable. D'un côté, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique déclare à l'unanimité qu'une peine d'emprisonnement de 12 mois avec sursis pour une exploitation de culture à grande échelle convient tout à fait, et de l'autre, le gouvernement dit que ça vaut 14 ans de prison. Mais aucun tribunal ne donne même sept ans pour ça.

+-

    M. John Conroy: En Colombie-Britannique, c'est une absolution inconditionnelle ou sous condition.

+-

    M. Randy White: J'aurais tout un tas de questions à vous poser.

+-

    M. Neil Boyd: D'accord, je répondrai n'importe quoi, mais je serai bref.

+-

    M. John Conroy: Est-ce que ça vaut mieux que le statu quo? Le statu quo en Colombie-Britannique, c'est une amende de 100 $ ou une absolution inconditionnelle ou sous condition. Donc les peines que prévoit votre projet de loi sont plus sévères que ce qu'on voit dans la pratique.

+-

    M. Randy White: Mais les peines pour la culture, par exemple, sont le maximum. Vous savez parfaitement bien qu'à Vancouver, du moins, ou en Colombie-Britannique, on n'imposera pas la peine maximale.

    Alors à quoi sert tout cela? Lorsque le gouvernement dit qu'il sera plus sévère envers les exploitants de culture, où est cette sévérité? Pouvez-vous expliquer cela devant le tribunal?

+-

    M. John Conroy: Eh bien, vous pouvez adopter une loi qui dit que les peines sont plus sévères si on a tant ou tant de plants, ainsi de suite, mais je ne m'attends pas à ce que les juges imposent ces maximums non plus, et encore là, c'est parce qu'ils vont tenir compte de la nature de l'infraction par rapport à d'autres types d'infractions. Vous demandez aux juges de mettre en prison des gens pour un acte qui ne pose aucun risque de préjudice pour autrui, et c'est ça qui est ridicule.

+-

    M. Neil Boyd: Pour homicide involontaire, c'est six ans.

+-

    M. John Conroy: C'est ridicule.

+-

    M. Randy White: D'accord.

    Neil, je crois que vous avez dit qu'on ne peut pas en cultiver mais qu'on peut en posséder. Mais ce n'est pas vrai, n'est-ce pas? En vertu de ce projet de loi-ci, on ne peut pas en posséder non plus. Cela demeure illégal.

+-

    M. Neil Boyd: Oui, vous avez raison, cela demeure une infraction criminelle, d'après ma lecture du projet de loi C-38.

    Ce projet de loi élimine simplement l'emprisonnement. On pourrait dire que vous ne faites que codifier la pratique existante. Il y a encore des gens dans certaines régions du pays qui vont en prison pour simple possession, mais c'est très rare. Chose certaine, cela ne se voit pas en Colombie-Britannique ou dans le sud de la province, pas que je sache en tout cas.

    C'est tout de même positif à mon avis : Oui, cessons de mettre les gens en prison pour possession simple.

+-

    M. Randy White: On parle de quantités allant de 1 à 30 grammes ici.

    Je pose toujours cette question aux témoins, et je ne crois pas que la réponse soit uniforme. Disons qu'un policier dans la rue arrête quelqu'un et dit : « Eh bien, vous avez 18 joints sur vous. » Que fait-il? Que peut-il faire? Est-ce qu'il dit : « Mon Dieu, 18 joints, je pense que ça fait 14 grammes, ou je pense que ça fait 30 grammes, ou je pense que ça fait 35 grammes? » Que fera le policier dans cette situation?

¿  +-(0955)  

+-

    M. John Conroy: Cela démontre tout le ridicule de ce projet de loi dès lors qu'on commence à fixer des chiffres parce qu'on va voir des agents de police qui vont se promener avec des échelles graduées quelconques pour s'y retrouver. C'est comme si on vous permettait d'en cultiver jusqu'à 30 grammes, donc, dès que le plant atteindrait une certaine hauteur, vous seriez obligé de l'arracher et de le peser.

    Il faut donc être réaliste ici.

+-

    M. Randy White: Je n'ai qu'une autre question. Je sais que je vais vite, mais j'ai tellement de questions!

    John, je crois que vous serez le mieux placé pour répondre à cette question. Supposons que le projet de loi C-38 entre en vigueur et qu'un prévenu comparaît en justice pour avoir possédé 32 ou 33 grammes. Savons-nous exactement ce que fera le juge en fonction des dispositions du projet de loi C-38? Le juge pourrait-il dire : « Écoutez, pensons-y bien, vous êtes passé de 0 à 30 grammes et vous avez dit en fin de compte que ce n'est pas une infraction criminelle. Pourquoi devrais-je juger qu'il s'agit là d'une infraction criminelle seulement pour deux grammes de plus?»

    En d'autres termes, les juges ne décideront-ils pas d'être encore plus tolérants? Certains pays ont des limites plus élevées. Ne se peut-il pas que le juge dise, « Eh bien, non, je pourrais faire preuve d'indulgence entre 30 et 40 grammes, ou entre 30 et 50 grammes? » Où se situera la limite, dans l'esprit du juge?

+-

    M. John Conroy: Il n'y en aura pas. D'ailleurs, ce ne seront pas les juges, mais plutôt les avocats de la défense qui seront les premiers à poser des questions sur le poids et qui contesteront les résultats, la culpabilité de leur client reposant sur cet élément de preuve.

    Tout comme la peine de mort réduit le nombre des condamnations pour meurtre, de même, dans le cas qui nous occupe, certains juges hésiteront à condamner quelqu'un pour possession de 31 grammes, ou d'une quantité limite, et le système judiciaire perdra beaucoup de temps.

+-

    M. Randy White: Pourriez-vous formuler un argument solide en faveur de 32, 33 ou 35 grammes, si l'on dépasse cette limite?

+-

    M. John Conroy: Personnellement, je pense qu'il ne devrait y avoir aucune limite en termes de grammes.

+-

    M. Randy White: Mais il y a une limite!

+-

    M. John Conroy Il y a une limite, et cela causera des problèmes en cour.

    Si un prévenu est reconnu coupable de possession de 32 grammes plutôt que de 29 grammes, les tribunaux diront : « Après tout, le Parlement a fait cette distinction, je dois en tenir compte ». Mais tout compte fait, je ne m'attend pas à ce que la peine soit beaucoup plus sévère, parce que vous avez également dit que la peine doit être moindre pour moins de 30 grammes.

    Comment justifier l'imposition d'une peine beaucoup plus sévère simplement parce qu'on a dépassé cette limite?

+-

    M. Neil Boyd: Je crois qu'avant l'adoption de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, il n'était pas question de limites de poids. On mentionne maintenant 30 grammes, dans la loi actuelle, et je pense qu'on parlera de plus en plus de quantité.

    On s'inspirait de la distinction fondamentale entre la possession et le trafic ou la possession en vue d'en faire le trafic ou la culture. Je crois en fait que la recommandation 41 vise à établir la distinction entre la simple possession et la possession à des fins commerciales. C'est une distinction qui est très difficile à faire également, mais je crois que c'est l'esprit de la recommandation proposée par la Chambre en décembre 2002; cela me plaît et je voudrais qu'on aille dans ce sens.

    C'est difficile à trancher, mais si le gouvernement veut faire la distinction entre la culture à des fins de consommation personnelle et les opérations commerciales à grande échelle, il serait peut-être possible de le faire et c'est une distinction légitime. C'était possible aux termes de la Loi sur les stupéfiants.

+-

    M. John Conroy: La peine maximale pour possession de plus de trois kilogrammes d'une substance en vue du trafic est l'emprisonnement à perpétuité; si la quantité est inférieure à trois kilogrammes, la peine maximale est de cinq ans moins un jour. De cette façon, on évite un procès devant jury pour possession de marijuana, mais cette procédure est possible s'il s'agit de possession d'héroïne ou de cocaïne. Cette distinction existe actuellement, et cela a pour effet—en fait la semaine prochaine je m'adresserai à la Cour d'appel dans une affaire semblable—que la disposition sur l'absolution inconditionnelle ou l'absolution sous conditions précise qu'un prévenu ne peut recevoir une absolution inconditionnelle ou sous conditions si la peine maximale est la prison à perpétuité ou 14 ans de prison.

    Ainsi, un contrevenant qui cultive de la marijuana pour un club d'entraide et qui possède plus de trois kilogrammes, quantité pour laquelle la peine maximale est la prison à perpétuité, ne pourrait recevoir une absolution inconditionnelle ou une absolution sous conditions. S'il possède moins de trois kilogrammes, ce serait possible. Ainsi il y a d'autres conséquences lorsque vous décidez d'établir des seuils.

À  +-(1000)  

+-

    La présidente: Monsieur Macklin puis madame Jennings.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci. Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer.

    Vous avez formulé des propositions qui vont très loin parce que vous dites que nous devrions aller beaucoup plus loin que ce qui est proposé dans cette mesure législative. Revenons à la question dont on vient de discuter brièvement—soit la recommandation formulée dans le rapport du comité de la Chambre des communes—et dites-nous comment, à votre avis, nous pourrions modifier le projet de loi C-38 pour qu'il reflète la recommandation 41. Il est clair que nous parlons ici de culture à des fins personnelles. Avez-vous des suggestions à nous faire quant à la façon de modifier la loi actuelle comme le propose la recommandation 41?

+-

    M. Neil Boyd: Je pense qu'il y a des leçons à tirer de l'expérience de l'Alaska. Cet État a eu une loi semblable à ce qui est proposé à la recommandation 41 pendant plusieurs années, jusqu'à ce que le gouvernement américain déploie des efforts importants pour recriminaliser la possession; cette façon de faire n'a pas vraiment semblé créer de problème.

    Je crois que la politique est l'art du possible, comme on l'a souvent dit, et je recherche des propositions de compromis qui sont réalisables.

    Quant à la recommandation 41, il est plutôt intéressant à mon avis que la Chambre des communes... Puis il y a le Sénat qui recommande tout bonnement la légalisation, ce que je peux comprendre, mais je ne suis pas convaincu que ce soit réalisable dans le contexte politique actuel. Je crois donc que la recommandation 41 est possible puisqu'après tout elle fait la distinction entre la possession et la culture pour usage personnel ou peut-être même les clubs d'entraide, et la culture commerciale sur une grande échelle, par exemple quelqu'un qui a 700 plants, ce qui est complètement différent.

    Vous pourrez peut-être réaliser plusieurs choses importantes. Je crois qu'il faut absolument cesser de contribuer aux profits du monde du crime organisé, et le projet de loi C-38 continuerait à le faire. Je crois que la recommandation 41, avec de légères modifications... si la limite de 30 grammes pour la culture de la marijuana est appliquée avec souplesse à un produit humide ou sec...

    C'est évident. Je vis dans une petite localité où un policier m'a dit : « Si je vais chez quelqu'un et que j'y trouve trois ou quatre plants, je ne m'inquiète pas, mais nous avons perquisitionné dans une maison dont toute la superficie de quelque 2 000 pieds carrés était consacrée à la culture ». Je crois qu'il y a une différence claire, et je pense que les policiers sont capables de se servir du simple bon sens dans ces circonstances.

    Je crois qu'il est difficile de s'imaginer comment vous pourriez formuler cela exactement, mais vous devez vous pencher sur la recommandation 41, et dire peut-être cinq plants, dix plants... je ne sais pas. Vous pourriez imposer des limites liées au nombre de plants, et ça fonctionnerait peut-être.

+-

    M. John Conroy: Je pense que c'est ce qu'il faudrait faire, tout au moins pour la partie de cette recommandation qui touche la production, mais vous aurez quand même d'autres problèmes parce qu'actuellement les tribunaux, lorsqu'ils se penchent sur divers types d'opérations de culture, veulent déterminer si cela se fait dans une zone commerciale, à la campagne, ou bien dans un quartier résidentiel, ce qui est très différent.

    On craint que dans les quartiers résidentiels, dans certains cas, cela présente un danger d'incendie, un risque d'exploitation ou des choses du genre. Les tribunaux se concentrent donc sur ces problèmes qui sont créés par le marché noir.

    Certaines municipalités ont adopté des règlements—je ne pense pas qu'ils sont constitutionnels, mais on les appelle « règlements sur les drogues »—de sorte que lorsque la police découvre une opération de culture, ces municipalités peuvent maintenant vous faire payer pour toutes sortes de choses, pour rebrancher ceci et cela, ce qui est en fait une peine supplémentaire simplement pour convaincre ces personnes de faire cette culture ailleurs que dans les zones résidentielles.

    Les compagnies d'assurances refusent d'assurer ceux qui cultivent la marijuana. Elles refusent d'assurer ceux qui ont des exemptions médicales ou des licences de production à titre de personne désignée. Si vous avez l'intention de permettre aux gens de cultiver cinq ou dix plants, vous devez quand même penser à ces problèmes.

    Dans un monde idéal, cette culture ne se ferait pas dans des quartiers résidentiels, mais plutôt dans des communautés agricoles. C'est un produit agricole qui devrait être cultivé comme les autres produits. Mais si vous n'êtes pas prêt à en proposer le commerce légal, et que par solution de compromis vous allez proposer un petit nombre de plantes, je crois que vous devez à ce moment-là trouver une solution aux autres problèmes créés par la présence de ces opérations dans les quartiers résidentiels.

À  +-(1005)  

+-

    M. Paul Harold Macklin: Enfin, si j'ai bien compris ce qu'on fait aux Pays-Bas, la culture est toujours illégale, mais c'est tellement monnaie courante que l'on n'applique pas ces dispositions de la loi. Est-ce que c'est le genre de modèle que vous voudriez qu'on adopte?

+-

    M. Neil Boyd: Je crois que c'est souhaitable, mais je ne suis pas sûr que ce soit politiquement faisable. Je pense plutôt que le modèle de l'Alaska pourrait être transposé...

+-

    M. Paul Harold Macklin: Et quel est ce modèle de l'Alaska?

+-

    M. Neil Boyd: ...simplement en l'écartant de l'arène publique.

    Comme John l'a indiqué, cela crée d'autres problèmes, mais si vous avez des règlements plus généreux, peut-être qu'il sera possible de les régler. Permettre aux gens de cultiver et de posséder à des fins personnelles mais interdire...

    Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'adopter le modèle d'Amsterdam pour régler le problème, soit celui de la santé publique, mais surtout, et c'est le plus important, la question du crime organisé.

    Il est clair que le projet de loi C-38, sous son libellé actuel, permettrait au crime organisé de continuer à réaliser des profits très importants. Vous pouvez décider que les gens ne feront plus partie du marché noir en leur disant « si vous voulez utiliser cette drogue, il n'y a pas de problème, si vous voulez la cultiver à des fins personnelles, ça va, mais nous ne voulons pas que cela se trouve dans les cafés ou à la régie des alcool, pour des raisons qui à mon avis ont plus à voir avec le pragmatisme politique que la santé publique. Si l'on veut agir de cette façon, je pense que ce sera possible, et vous pourriez ainsi réduire sensiblement le marché noir.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Il s'agit donc simplement de faire disparaître la peine d'emprisonnement de cette disposition sur l'illégalité, je suppose.

+-

    M. Neil Boyd: Pour la possession et la culture à des fins personnelles... C'est l'argument philosophique que je présenterais.

+-

    M. John Conroy: Ne voudriez-vous pas aller plus loin et non seulement faire disparaître la peine d'emprisonnement, mais autoriser ce genre d'activité?

+-

    M. Neil Boyd: Toute connotation pénale qui y est associée devrait disparaître.

+-

    M. John Conroy: Vous autoriseriez donc la possession et la culture d'une certaine quantité, il n'y aura même pas de contravention, puis vous essayerez d'évaluer ce qui se passe dans le reste du marché.

    Je ne pense pas que vous vouliez dire « d'accord c'est contre la loi, mais entre nous, on ne fera absolument rien. » C'est ce qui s'est produit avec les règlements sur l'utilisation à des fins médicales, et les gens ont quand même dû se tourner vers le marché noir pour obtenir des semences ou des produits. Même si vous autorisez la possession ou la culture, il y aura toujours des gens qui ne peuvent pas le faire.

    La semaine dernière il y a un type qui est mort dans un incendie, je ne me souviens pas trop, il essayait de se procurer de la marijuana parce qu'il ne pouvait pas se permettre de la cultiver ou de demander à quelqu'un d'autre de le faire pour lui. C'est bien joli de dire qu'on va autoriser les gens à cultiver quelques plantes ou à posséder une certaine quantité, mais le fait est qu'il doit y avoir un mécanisme de réglementation pour contrôler l'autre marché.

+-

    M. Neil Boyd: Je crois de plus que les commentaires du maire actuel de Vancouver sont plutôt révélateurs. Il est ancien agent de drogue, ancien coronaire, et il croit que ces produits devraient être offerts à la régie des alcools et taxés au même titre que les boissons alcoolisées. Tout compte fait c'est ce qui est le plus logique.

    Je suis d'accord, philosophiquement, avec cette position, mais politiquement, ça serait très difficile à faire. Si c'est possible tant mieux, mais je crois plus tôt que ces choses ne soient pas vendues ouvertement. Très bien. Vous pourriez même prévoir des amendes au civil pour consommation en public, mais n'oubliez pas que ce serait plutôt hypocrite parce qu'il n'y a pas d'amende pour le tabagisme.

+-

    M. John Conroy: À mon avis une des grandes faiblesses de la loi c'est l'article 60. Cette disposition autorise le conseil des ministres d'ajouter à une annexe toute drogue si ils jugent que c'est nécessaire dans l'intérêt public. Dès qu'une substance figure dans cette annexe, il y a infraction et cela a un impact sur la liberté.

    Cette notion d'intérêt public est fort vague : il n'y a aucun critère. Je pense qu'il faudrait prévoir à l'article 60 des critères fondés sur les effets nuisibles, de sorte qu'on puisse faire les distinctions entre les divers types de drogue. Ainsi la drogue dont nous parlons se trouverait dans le bas de la liste, et à ce moment-là on pourrait se demander si le conseil des ministres pourrait simplement supprimer cette drogue et ça réglerait le problème.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Cela ressemble un peu au débat qui se déroule actuellement en Angleterre où cette substance est passée de la catégorie C à la catégorie B.

À  +-(1010)  

+-

    M. John Conroy: Le cabinet pourrait le faire. Il suffirait de supprimer la mention de cette substance dans l'annexe, ou simplement faire passer ces substances dans une autre annexe—je pense c'est d'ailleurs ce qui avait été proposé en 1981.

+-

    M. Neil Boyd: Ça été proposé en fait par la Commission Le Dain—

+-

    M. John Conroy: Ah c'est ça la Commission Le Dain.

+-

    M. Neil Boyd: La Commission avait proposé la décriminalisation de la possession. Cela voulait dire que les consommateurs de ce produit ne seraient pas traités comme des criminels. Je crois que le projet de loi C-38 ne change rien au statut de « criminel » des utilisateurs.

+-

    M. John Conroy: La différence c'est qu'à l'époque il y avait une Loi sur les aliments et les drogues comportant diverses annexes, et les choses sont un peu différentes aujourd'hui avec la loi réglementant certaines drogues et autres substances. Vous pourriez cependant toujours le faire.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Enfin, c'est une certaine évolution, je suppose, pas simplement au Canada mais à l'échelle internationale. Il y a cependant lieu de se demander comment peut-on continuer à respecter les dispositions des conventions des Nations Unies tout en traversant cette période d'évolution?

+-

    M. John Conroy: Les conventions ont été mentionnées lors des procès mais les tribunaux ne s'y sont pas arrêtés simplement parce qu'ils sont tous assujettis à la Loi constitutionnelle. De plus, nous pouvons décider de ne plus faire partie du groupe de signataires de ces conventions—à mon avis faudrait le faire.

+-

    M. Neil Boyd: Les Pays-Bas ont décidé il y a 26 ans qu'il était possible d'adopter une certaine position, ce qu'ils ont fait alors, comme vous l'avez signalé, soit décider de ne pas appliquer la loi, sans être critiqués par les Nation Unies.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Macklin.

    Madame Jennings, vous disposez de cinq minutes.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.

    Je vous remercie de la présentation que vous avez faite aujourd'hui.

    Si nous décidions de retirer la marijuana de l'annexe—ergo, donc il ne s'agirait plus d'une substance criminalisée—pensez-vous que les provinces seraient disposées à procéder à la réglementation de la production et de la vente de la marijuana? Sont-elles en mesure de le faire? Sont-elles disposées à le faire?

+-

    M. John Conroy: Je crois qu'elles n'arrivent pas à croire qu'elles ont compétence dans ce secteur, parce que lorsque nous nous sommes adressés à la Cour suprême du Canada, elles auraient pu intervenir, elles ne l'ont pas fait—ou peut-être l'Ontario l'a-t-il fait— pour essayer de défendre la loi fédérale. Elles ont toujours jugé que cela faisait partie de la lutte internationale contre les stupéfiants, une question relevant du gouvernement fédéral, plutôt que de penser « s'agit-il vraiment d'un stupéfiant ou d'autre chose?

    Je crois donc que si vous décidiez de retirer cette substance de l'annexe... si les provinces ne décident pas d'agir, je suppose que le gouvernement fédéral pourrait continuer à jouer son rôle et je suppose que vous allez relever des taxes sur ce produit, sur ce genre de chose, et avoir un mécanisme de réglementation du marché. Peut-être que les provinces diront alors « attendez une minute, cela relève vraiment des provinces », et simplement décider d'intervenir dans ce dossier; à ce moment-là il y aura une entente sur le partage des pouvoirs. Cependant les provinces ne semblent pas vouloir assumer leurs responsabilités du secteur. Pas d'après ce que j'ai vu tout au moins.

+-

    Mme Marlene Jennings: Il y a peut-être des motifs politiques.

+-

    M. John Conroy: Peut-être.

+-

    Mme Marlene Jennings: Elles ne veulent peut-être pas ce mal de tête politique.

+-

    M. John Conroy: C'est possible.

    En Colombie-Britannique, le gouvernement veut toujours lever des fonds, taxer ceci et cela, alors on penserait que ce serait une bonne façon d'obtenir beaucoup d'argent compte tenu les commentaires des médias sur la taille de l'industrie.

    J'ai des clients qui ont été mentionnés dans Forbes la semaine dernière. Vous devriez prendre une copie de cette revue pour voir ce qu'on y dit sur la taille de cette industrie, tout particulièrement en Colombie-britannique. J'étais assis à côté d'un député de Okanagan, et j'ai appris qu'on nommait au moins trois résidents de sa circonscription dans cet article, parce que nombre de villes dans cette région de la Colombie-britannique survivent grâce à l'industrie de la marijuana. Ce n'est un drogué qu'on trouve dans la rue, comme on voyait des photos dans les années 50 ou quelque chose du genre, mais c'est une industrie énorme qui existe là-bas, il vous faut absolument assurer la réglementation de ce marché.

+-

    Mme Marlene Jennings: Voulez-vous ajouter quelque, monsieur Boyd?

+-

    M. Neil Boyd: Je crois que si vous donniez suite à la recommandation de la Commission Le Dain ou que vous vous inspiriez de l'esprit de la recommandation 41, vous devrez concerner les sanctions pénales en ce qui a trait à la distribution. Vous n'éliminerai donc pas tout rôle du gouvernement fédéral au chapitre pénal.

    Ainsi, le pouvoir d'intenter des poursuites à l'égard de la possession et la culture destinées à des fins personnelles disparaît, mais il demeure des peines à l'égard de la distribution commerciale sur une grande échelle.

+-

    Mme Marlene Jennings: Non. Et si vous optez pour la légalisation, il...

+-

    M. Neil Boyd: Je ne dis pas que cela...

+-

    Mme Marlene Jennings: Voici ce que je veux dire. Ce n'est plus une substance contrôlée. C'est comme si on allait acheter de l'orégan, auquel cas il appartient aux autorités provinciales de déterminer si la production et la vente de la substance doivent être réglementées au même tire que l'alcool.

À  +-(1015)  

+-

    M. Neil Boyd: Absolument, mais je pense qu'on est ici dans le domaine de la spéculation et de l'improbable.

+-

    Mme Marlene Jennings: On remarque une nette tendance de l'opinion qui invite le gouvernement à opter tout simplement pour la légalisation.

+-

    M. Neil Boyd: Oui, et je suis tout à fait d'accord. J'estime que le Sénat a raison.

+-

    Mme Marlene Jennings: Mais vous préconisez une démarche plus progressive.

+-

    M. Neil Boyd: Oui, je préconise le pragmatisme politique. Je considère que la marijuana devrait se trouver sur les rayons de la société des alcools; il faudrait la réglementer du point de vue de l'âge et des points de distribution, au même titre que l'alcool.

+-

    M. John Conroy: Oui. C'est le point de départ.

+-

    M. Neil Boyd: Ce sont mes convictions philosophiques.

+-

    Mme Marlene Jennings: Oui, mais si on en vend à la société des alcools et qu'on en réglemente la vente, etc., il faut aussi en réglementer la production commerciale.

+-

    M. John Conroy: Oui. Il faudra des permis de vente et des permis de culture. C'est ce qui est prévu dans la loi. Depuis longtemps, les règlements sur les stupéfiants prévoient des permis de vente et de culture. Mais ces permis ne sont tout simplement pas accordés.

+-

    M. Neil Boyd: C'est assez logique.

+-

    M. John Conroy: Les changements auront aussi des conséquences importantes pour l'industrie du chanvre. Je sais que vous parlez ici d'usage non médical, mais la semaine dernière, un article du Vancouver Sun a montré qu'on s'en sert dans la construction automobile. Il y a quelque temps j'étais à Amsterdam, et les constructeurs de Mercedes-Benz, de BMW et d'Opel se servent de la fibre de chanvre dans les garnitures de porte.

    C'est en effet l'interdiction de l'usage récréatif qui a fait obstacle à l'expansion de cette industrie. L'article du Vancouver Sun évoquait 25 000 utilisations différentes des graines et des fibres de chanvre.

    J'ai entendu parler d'une théorie selon laquelle la chaîne des journaux Hearst possédait toutes sortes de filières de production de pâte et papier au début du XXe siècle. Quelqu'un avait mis au point une machine capable de récolter le chanvre pour en faire un concurrent des pâtes et papiers. C'est ce qui a amené de nombreux journaux à sensation à diaboliser cette substance.

    Quelqu'un m'a envoyé un exemplaire de 1920 du magazine Nor'-west Farmer où l'on voit un couple d'agriculteurs de Saskatchewan à côté de ces immenses plantes de chanvre. La légende de l'image est la suivante : « l'avenir de cette industrie—on parle de l'industrie du chanvre—est assuré ». En réalité, l'industrie s'est trouvée condamnée dès que la question a été tranchée essentiellement sur des considérations racistes. Le chanvre est devenue une substance interdite.

    À mon avis, la légalisation ne peut avoir que des effets bénéfiques pour le Canada.

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci.

+-

    La présidente: À vous, monsieur White.

+-

    M. Randy White: On peut donc s'attendre à en voir certains se mettre à fumer des garnitures de portière.

+-

    M. John Conroy: À la frontière, on vous demandera : « y a-t-il du chanvre dans cette voiture? »

+-

    M. Randy White: C'est cela. On ne pourra pas vous arrêter.

    J'aimerais en revenir au débat juridique qui entoure toute la question du projet de loi C-38 ou tout ce qui concerne la marijuana et la drogue de nos jours.

    J'aimerais vous donner lecture d'une décision rendue récemment et qui est présenté par CanWest sous la plume de Janice Tibbetts :

Un juge fédéral affirme que deux pasteurs adeptes du nudisme, qui fument de la marijuana qu'ils appellent « arbre de vie » peuvent valablement évoquer la liberté de religion pour demander qu'on les laisse fumer en paix.

    Il s'agit du juge Frederick Gibson. Je poursuit la lecture de l'article :

Les révérends Michael Baldasaro et Walter Tucker, respectivement évêques et prêtres de l'Église de l'Univers à Hamilton, en Ontario, affirment qu'ils se sentent plus près de Dieux lorsqu'ils ont fumé la plante sacrée »

Le juge Gibson écrit : « je suis convaincu que les requérants ont prouvé devant la cour qu'ils considèrent la marijuana ou, selon leur formule « l'arbre de vie » constitue un sacrement pour eux et pour leur Église ».

« La marijuana facilite la communication avec Dieu et leur permet des rapports paisibles et ouverts avec Dieu et avec les humains. »

+-

    M. John Conroy: Le juge Gibson est un ancien solliciteur général et ancien président de la Commission national des libérations conditionnelles.

+-

    M. Randy White: Je ne connais pas ses antécédents, mais nous essayons de rassembler des décisions judiciaires pour définir un fondement juridique du problème et déboucher sur des solutions pratiques. Quand je lis cet article, je me demande quel genre de décision nous réserve l'avenir.

    Cela étant dit, le projet de loi C-38 risque de susciter des conflits juridiques, comme si nous n'en avions pas déjà assez, notamment avec celui que je viens d'évoquer. Sauf erreur de ma part, nous parlions tout à l'heure de la limite des 30 grammes, qui peu être dépassée; dans ce cas, faut-il prévoir une peine plus lourde si la quantité saisie pèse 32 grammes, 33 grammes, etc.? Que la saisie soit située entre 1 et 15 grammes ou entre 15 et 30 grammes, j'ai l'impression qu'on va encore avoir bien des constations judiciaires.

À  +-(1020)  

+-

    M. John Conroy: l Quel que soit la formule retenue, il y aura des contestations judiciaires, à moins que vous n'optiez pour la légalisation.

+-

    M. Randy White: Et en ce qui concerne les dispositions du projet de loi C-38 sur la culture, puisse qu'on peut avoir des plans de trois pouces et d'autres de trois pieds, alors que des peines maximales s'appliquent dans tous les cas? Quels arguments juridiques va-t-on formulés à cet égard? Et qu'arrivera-t-il à ceux qui ne pourront pas ou ne voudront pas payer l'amende?

+-

    M. John Conroy: En définitive, la Loi sur les contraventions prévoit qu'il ne peut y avoir d'emprisonnement pour défaut de paiement des amendes. Dans le corps de la loi se cache cependant une disposition concernant un mandat de dépôt qui permet d'envoyer quelqu'un en prison. C'est la formule traditionnelle. Les provinces se sont servis de la formule de la saisie—gagerie, qui permet de saisir les biens comme dans le cas de l'exécution d'un jugement au civil. C'est compliqué...

+-

    M. Randy White: Mais compte tenu de ce que je viens de dire, j'aimerais savoir si le projet de loi apporte une simplification quelconque ou si on ne risque pas de voir proliférer les contestations judiciaires à cause de la complexité qu'on vient de rajouter au dossier de la marijuana. Voilà ce que j'aimerais savoir.

+-

    M. Neil Boyd: C'est bien ce que je crains, mais j'espère que la Cour suprême va donner des indications.

    Vous avez dit tout à l'heure qu'à votre avis, les juges et la Cour suprême ne devraient pas s'occuper de la législation. Je considère, comme Peter Hogg, qu'il y a un dialogue entre les tribunaux et l'ordre législatif. Les juges vont proposer quelque chose qui vous faciliter peut-être la tâche mais ce n'est pas sûr. C'est difficile à dire.

    J'ai tendance à être d'accord avec John. Il faut attendre pour voir ce que la Cour suprême a à dire.

    J'ai l'impression que son avis ne sera pas définitif au point de mettre un terme à toutes contestations juridiques. Il va falloir un certain temps pour résoudre la question. J'espère que d'ici 50 ou 100 ans, on pourra se retourner vers cette période étrange de notre histoire où nous considérions cette drogue relativement anodine comme quelque chose de plus nuisible que l'alcool ou le tabac qui font pourtant des victimes en grand nombre.

    Nous sommes d'une hypocrisie sidérante.

+-

    M. Randy White: Mais comment peut-on ouvertement vendre des graines et des paquets de marijuana? Tout le monde sait à quoi ça sert, mais...

+-

    M. Neil Boyd: Ceux qui vende du tabac sont considérés comme des citoyens exemplaires alors qu'à mon avis, il serait plus exact de les considérer comme des trafiquants, même s'ils ont le droit de vendre une drogue qui tue un consommateur sur deux et d'en faire la promotion auprès de la population. Ils payent pour faire placer leur produit, alors que ceux qui vendent de la marijuana la vende clandestinement à des consommateurs consentants, à moins qu'ils n'en fassent la publicité dans des magazines, mais leur produit est bien moins dangereux que le tabac.

+-

    M. Randy White: Je ne suis pas d'accord.

+-

    M. Neil Boyd: Le tabac fait 35 000 morts par an au Canada. Il est difficile d'avoir des chiffres comparables pour le cannabis, mais d'après le Centre canadien de lutte contre la toxicomanie et d'après toutes les statistiques fiables en matière de santé, le nombre de victimes est négligeable par rapport aux victimes du tabac.

+-

    M. John Conroy: La nourriture trop grasse cause un problème de santé beaucoup plus important. Est-ce qu'on va menacer les libertés civiles de ceux qui en consomment parce que cette nourriture à leur santé? Quelle sera la prochaine mesure à prendre? Nous vivons dans une société libre.

    Il me semble que dans une société libre, chacun a le droit de faire ce qu'il veut dans la mesure où ce n'est pas préjudiciable à autrui ou que cela ne risque pas de porter préjudice à autrui.

    Il faut constater l'existence d'un risque grave avant de pouvoir menacer les libertés publiques. Est-ce qu'on n'en revient pas toujours à cette même question?

    Si quelqu'un choisit de fumer de la marijuana plutôt que de fumer du tabac ou de boire de l'alcool, est-ce qu'il doit, de ce simple fait, s'exposer à une arrestation ou à une contravention? Et quand on sait que l'alcool et le tabac créent davantage de problèmes sociaux et sont plus toxiques que la marijuana, qu'est-ce qui peut justifier qu'on s'en prenne aux libertés civiles alors qu'on est dans une situation où il n'y a pas de risque de préjudice?

    Il est prouvé que la fumée secondaire est dangereuse. On sait que le fumeur de tabac cause un préjudice à autrui, alors que le fumeur de marijuana n'en cause aucun. Comment peut-on, à partir de là, justifier qu'on s'en prenne aux libertés civiles.

À  +-(1025)  

+-

    M. Randy White: Est-ce que vous dites la même chose dans le cas de l'ecstasy?

+-

    M. John Conroy: Oui. Je ne connais pas très bien l'Ecstasy, mais d'après mes renseignements, là encore on impute à cette substance des risques beaucoup plus grands qu'ils ne le sont en réalité—d'après ceux à qui j'en ai parlé.

+-

    M. Neil Boyd: C'est dans une catégorie différente. C'est un stimulant. C'est une variation d'une molécule d'amphétamine. À mon avis, ce n'est pas semblable au cannabis. Si vous regardez le taux d'utilisation de l'Ecstasy et le comparez à celui de l'utilisation du cannabis sur une longue période, il y a lieu de se préoccuper de l'Ecstasy. Les gens peuvent prendre des mesures pour réduire leur risque à ces partys clandestins, mais l'Ecstasy présente des risques que ne comporte pas le cannabis.

+-

    M. Randy White: Mais John vient de dire qu'il invoque le même argument dans le cas de l'Ecstasy.

    Est-ce que vous faites valoir le même argument dans le cas de l'héroïne ou de la cocaïne?

+-

    M. John Conroy: Personnellement, j'estime que l'on doit soustraire complètement les drogues au droit criminel. On devrait éliminer l'interdiction qui frappe les drogues. C'est un problème de santé. Tout ce que fait le droit criminel, c'est pousser les toxicomanes à se cacher plutôt que de chercher de l'aide auprès de professionnels de la santé.

    Je pense que si les gens deviennent dépendants ou si les drogues les rendent malades, ils devraient pouvoir parler à un professionnel de la santé sans avoir à s'inquiéter de dénonciation et d'emprisonnement. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit par le passé.

    Comme criminaliste, je peux vous affirmer qu'il existe une différence énorme entre se présenter au tribunal pour défendre quelqu'un accusé d'avoir causé un préjudice à autrui ou porté atteinte à la société, et avoir à défendre quelqu'un qui est sa propre victime ou qui commence à nuire aux autres à cause de la nature de sa dépendance et du manque de programmes de traitement. À mon avis, il est ridicule de traiter cette situation comme un crime, d'emprisonner les gens ou de menacer leur liberté parce qu'ils sont dépendants ou malades.

+-

    M. Neil Boyd: Mon opinion est quelque peu différente.

    Je conviens que le droit criminel n'est pas le moyen approprié pour traiter de problèmes de santé publique, mais je pense qu'il faut une politique pour chaque drogue. C'est d'ailleurs le cas du tabac et de l'alcool. Nous avons des politiques réglementaires très différentes qui visent le contrôle de ces substances.

    Il est beaucoup question de l'échec de la guerre aux drogues. Peut-être faudrait-il parler de son succès. Ce n'est pas une guerre contre le tabac. Nous n'avons pas eu recours au droit criminel pour contrôler le tabac. Nous avons utilisé une campagne agressive d'éducation publique et des initiatives en vue de défendre les droits des non-fumeurs et nous avons réduit le taux de consommation du tabac au Canada de 55 p. 100 de la population en 1966 à 22 p. 100 en 2003. Nous l'avons fait sans recours au droit criminel, en partie parce que les preuves contre le tabac sont si accablantes que les gens reconnaissent qu'une personne sur deux en mourra si elle continue à utiliser cette drogue.

+-

    M. John Conroy: S'il n'y avait pas tant d'hystérie lorsqu'on parle de marijuana... Nous savons que si nous fournissons une information juste, les gens prendront les bonnes décisions sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Malheureusement, c'est l'un des problèmes dans le cas de la marijuana sur lequel les tribunaux ont mis l'accent.

    L'une de mes constatations dans mon travail, c'est que les jeunes tout particulièrement ont entendu tant de mensonges sur la marijuana que maintenant, ils ne croient pas ce qu'on leur dit au sujet des drogues plus intoxicantes. Il vous faut cesser de penser que les jeunes sont stupides; ce n'est pas le cas. Ils peuvent comprendre, mais si vous leur mentez, vous vous attirerez des ennuis à l'avenir.

+-

    M. Neil Boyd: Je pense que c'est là l'un des problèmes de l'éducation antidrogue. Traditionnellement, dans la plupart des cas, nous avons tenté, de façon à peine cachée, d'éloigner les jeunes des drogues que nous n'aimons pas, les mauvaises drogues comme la marijuana, sans même reconnaître le danger que représentent les drogues qui les tueront plus probablement, même lorsque l'on tient compte du taux d'utilisation.

    Je pense que cela change un peu. Des agents de police m'ont dit qu'ils voulaient offrir plusieurs points de vue dans les écoles publiques, pas uniquement le leur. Ils se rendent compte qu'ils ont certains renseignements qu'ils peuvent transmettre.

    L'idéal, c'est que l'on utilise moins de drogues, moins souvent. C'est un objectif louable.

+-

    M. John Conroy: Un grand nombre de jeunes que j'ai rencontrés qui s'intéressent à la marijuana ne boivent pas, ne fument pas. La marijuana est leur drogue de choix.

+-

    La présidente: Merci, monsieur White.

    Madame Allard.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Bonjour, messieurs, et merci d'être là.

    Je voudrais d'abord vous remercier d'être ici aujourd'hui. J'ai manqué une partie de votre témoignage. C'est qu'il y avait beaucoup de circulation ce matin à cause du temps.

    Je voudrais revenir à l'article qui interdit la culture de la marijuana. Si je vous comprends bien, vous dites qu'on devrait permettre aux gens de faire pousser quelques plants parce que cela pourrait fermer la porte au crime organisé.

    Avec le règlement permettant aux patients en phase terminale d'utiliser la marijuana, on a dit à ces gens d'en faire pousser ou de demander à quelqu'un d'autre de le faire pour eux, et qu'on leur accorderait une exemption pour cela. J'ai participé à des entrevues téléphoniques et les gens m'ont dit qu'ils trouvaient trop compliqué de faire pousser de la marijuana et que même si on leur donnait une exemption, ils préféraient l'acheter. 

    Également, quand les gens ont le même fournisseur depuis longtemps, ils s'attendent à avoir accès à de la marijuana ayant le même pourcentage de THC. Ils consomment de la marijuana pour être soulagés, et il est évident que certains vendeurs fournissent de la marijuana ayant un pourcentage de THC plus fort que d'autres. Est-ce qu'on pourrait vraiment contrer le crime organisé en incluant dans la loi une disposition permettant la culture de quelques plants à la maison?

À  +-(1030)  

[Traduction]

+-

    M. Neil Boyd: Ce que vous dites est assez légitime. À titre d'exemple, pour la plupart, nous ne voulons pas fabriquer notre propre vin ou notre propre bière. Nous l'achetons. C'est un genre de compromis politique, une demi-mesure.

    Et si on prêt à être tolérant en ce qui concerne le mode de distribution, plusieurs personnes pourraient faire de la culture collective. Si nous voulons éviter une entreprise commerciale d'envergure, il va falloir fixer des balises, ce qui ne sera pas facile sur ce constitue une forme légitime de culture et de distribution.

    En dernière analyse, pour les raisons que vous avez données, vendre le produit à la régie des alcools, avec les boissons, c'est ce qui serait préférable.

+-

    M. John Conroy: Je ne pense pas qu'en permettant aux gens de cultiver cinq ou dix plants, on réduise le crime organisé. Les interdictions font prospérer le crime organisé. Vous fixez des prix de marché noir, et c'est le but du crime organisé. Il faut éliminer le marché noir si vous voulez désintéresser les organisations criminelles.

    Il y a toutes sortes de producteurs. Vous savez que la culture de la marijuana, ce n'est pas aussi simple que de planter une graine dans la terre ou dans des pots. Les utilisateurs à des fins médicales, dont vous parlez, l'ont constaté.

    Dans les années 60, la marijuana provenait de la Colombie, du Mexique, de la Thaïlande, ou du nord de la Californie. Maintenant dans les livres, on trouve 200 variétés et espèces différentes, etc.—c'est devenu comme l'industrie du vin. Il y a donc tous ces producteurs qui savent comment cultiver toutes ces différentes espèces. Pourquoi ne pas leur donner des permis et les laisser fournir le produit à la régie des alcools, et qu'on passe à autre chose.

+-

    M. Neil Boyd: Une autre possibilité, c'est de revenir à l'époque de la prohibition, à l'époque des Bronfmans et du commerce import-export qu'ils avait créé entre les provinces. Si vous voulez éviter que ce soit du domaine public, si vous ne voulez pas de cafés, etc., mais que vous voulez éliminer le marché noir, alors il vous faut des endroits licenciés pour la distribution. Vous pourriez avoir le même genre de mécanisme lourd que dans les années 50 et 60 pour l'achat d'alcool. Vous alliez au magasin, vous remplissiez le formulaire. L'employé allait à l'arrière et revenait avec une bouteille dans un sac de papier brun. C'était un genre de rituel, mais cela servait je suppose à dire, c'est une drogue, c'est licencié, nous voulons éliminer le marché noir, mais nous allons le faire dans des circonstances très strictes.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'ai une autre question. Même si on l'a légalisé, l'alcool cause encore beaucoup de pertes de vie. Chaque fin de semaine, des gens en tuent d'autres parce qu'ils sont en état d'ébriété. La légalisation ne règle pas tout.

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    M. John Conroy: Non, mais vous vous rendez compte que si l'on n'interdit pas le tabac ou l'alcool maintenant, c'est à cause des conséquences, du manque de respect de la loi—toutes ces choses qui se produisent dans le cas du cannabis. Nous ne pensons pas que ce soit là un argument.

    Je veux faire une brève observation, parce qu'il en est souvent question, et c'est au sujet de la conduite avec facultés affaiblies, et du fait qu'il faudrait avoir un instrument spécial afin de déterminer le taux de cannabis dans le sang. Il faut se rappeler qu'il y a deux délits prévus au Code criminel. D'abord la conduite avec un taux d'alcool supérieur à 0,08 p. 100 dans le sang. Ça nécessite un instrument et cela vise expressément l'alcool. L'autre infraction porte sur la conduite avec facultés affaiblies, c'est-à-dire la conduite lorsque votre capacité est réduite.

    La loi autorise les agents de police à vous faire sortir de votre véhicule, à vous faire marcher en ligne droite, à toucher vos orteils et tout le reste, afin de vérifier vos habiletés motrices et pour voir si vos facultés sont ou non affaiblies. Les agents de police peuvent faire la même chose pour l'ecstasy, pour la marijuana, pour plusieurs autres substances. Si vous avez les habiletés motrices requises, on devrait vous relâcher. Si ce n'est pas le cas, on vous donne 24 heures...

+-

    M. Neil Boyd: Je pense qu'il faut voir où nous en sommes aujourd'hui et ce qui se produirait si la situation ici était semblable à ce qu'elle est à Amsterdam, et la meilleure façon de le savoir c'est justement d'évaluer l'expérience d'Amsterdam. Est-ce qu'il y a là-bas de plus graves problèmes de drogues qu'ici? Il y a déjà du cannabis au Canada et donc si nous mettons en place un système qui permette d'en acheter, est-ce que nous allons voir une augmentation importante du taux d'utilisation? Cela n'a pas été le cas aux Pays-Bas.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Aux Pays-Bas, cela a augmenté le tourisme. C'est ce que nous avons vu.

+-

    La présidente: Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci.

    J'aimerais approfondir davantage quelques questions. Tout d'abord, sur la conduite avec facultés affaiblies, non seulement peut-on faire l'objet d'une suspension à court terme, c'est-à-dire qu'on vous enlève les clés du véhicule, mais on peut également porter des accusations aux termes de ces dispositions de la loi. Une des questions soulevées, par les agents de police et d'autres, dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, c'est qu'il est très important de pouvoir identifier la drogue, dans ce cas-ci la marijuana, pour bien faire leur travail.

    De votre point de vue, pouvez-vous nous dire si c'est un élément vraiment essentiel dans ce processus, ou, comme vous l'avez mentionné, monsieur Conroy, est-ce que le simple fait de pouvoir montrer qu'il y a affaiblissement des facultés, des habiletés motrices, suffit à porter des accusations? Et en fait, je crois que l'on commence maintenant à utiliser des vidéocaméras sur place, afin de pouvoir corroborer ce qui s'est passé. Pensez-vous qu'il soit, en termes absolus, nécessaire de pouvoir identifier la substance?

+-

    M. John Conroy: Je ne le pense pas. Je sais que c'est ce que disent les agents de police depuis longtemps. Il est intéressant de noter que dans les années 170, c'est ainsi que l'on a compris que la marijuana soulageait le glaucome parce qu'on tentait de découvrir quelle était l'incidence sur les yeux, la dilatation des pupilles, etc. Mais je ne vois pas pourquoi c'est important. Comme je l'ai dit, ce qui est critique, c'est la capacité de conduire.

    On a donné de la formation aux agents, certainement en Colombie-Britannique, afin qu'ils puissent identifier les personnes sous l'influence de la marijuana. On allait convoquer le témoin dans l'affaire Caine, mais finalement, on ne l'a pas fait. Mais il y a des agents qui ont reçu la formation dans cette région, et c'est assez commun en Colombie-Britannique, si l'on croit que quelqu'un a pris de la marijuana, on impose une suspension de 24 heures. Soit parce qu'on a senti... Et cette affaire d'odeur est difficile car cela ne signifie pas nécessairement que la personne a consommé de la marijuana. Si les agents arrêtent un véhicule et sentent la marijuana, évidement si la fumée sort par la fenêtre, c'est évident, mais simplement l'odeur, l'odeur de mari brûlée...cela signifie que quelqu'un a fumé dans ce véhicule auparavant. Si c'est une odeur vague, évidement soit qu'il y a de la marijuana ou c'est dans les vêtements, quelque chose du genre.

    Une voix: Cela pourrait être la porte du véhicule.

À  +-(1040)  

+-

    M. John Conroy: Cela pourrait être la porte du véhicule, en effet. Je vais utiliser cet argument la prochaine fois que je ferai le contre-interrogatoire d'un agent de police au sujet de l'odeur.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Deuxièmement, pour reprendre autre chose qui a été soulevée ici, la question des peines minimales, des témoins ont proposé, et plus particulièrement les membres de ce groupe, qu'en fait, il faut envisager d'imposer des peines minimales obligatoires dans le cas de la production. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Neil Boyd: Je pense que ce serait une grave erreur. Je pense que cela augmentera la violence et enracinera le pouvoir des organisations criminelles. Cela ne réduira en rien la rentabilité de ce commerce puisque la valeur éventuelle du produit s'en trouvera accrue et ce sont les consommateurs qui assumeront ces coûts. La meilleure preuve en est ce qui s'est passé dans l'État de Washington. Si quelqu'un traverse la frontière avec de la marijuana, celle-ci augmente de 50 p. 100 de sa valeur parce que le risque est plus élevé. Le risque est transmis au consommateur sous forme de prix plus élevés.

    Il n'y a rien d'inhérent dans la distribution de la marijuana qui en fasse une activité non violente. Bien que certains prétendent que cette drogue n'est pas liée à des troubles de comportement comme la cocaïne et l'alcool, il est possible d'influencer ce marché et d'en faire un marché plus violent. Les peines minimales obligatoires ne feront qu'accentuer cette tendance.

    En dernière analyse, pourquoi? Pourquoi imposer des peines minimales obligatoires pour quelque chose de si banal du point de vue de la santé publique?

    John a fait valoir plus tôt qu'il y a des risques à une consommation excessive de gras et de sucres. J'aimerais ajouter à ce que j'ai dit au cours de mon exposé : le fait de ne pas faire d'exercice régulièrement est un déterminant beaucoup plus important de la santé publique que l'utilisation occasionnelle du cannabis. Peut-être faudrait-il songer à imposer des sanctions pénales à ceux qui ne font pas régulièrement de l'exercice. L'objectif, est-ce une longue vie? Voulons-nous avoir recours au droit pénal pour augmenter la longévité de la société canadienne?

    Je pense qu'il nous faut revenir à nos premiers principes. Pourquoi faire cela? Pourquoi voulons-nous imposer des peines minimales obligatoires à ceux qui distribuent une drogue qui est moins dangereuse que ce que l'on peut acheter au supermarché? Si vous y réfléchissez, Tim Horton's représente un danger tout aussi grand pour la population canadienne que les distributeurs de marijuana.

+-

    M. John Conroy: D'autre part, je vais gagner plus d'argent si vous imposez des peines minimales obligatoires et donc d'un point de vue économique, c'est dans mon intérêt, mais ce n'est vraiment pas la chose à faire.

    Vous devez lire le rapport de la Commission sur la détermination de la peine sur les peines minimales obligatoires. On accepte les peines d'emprisonnement à perpétuité obligatoires pour les meurtres aux premier et deuxième degré et peut-être dans ces mêmes circonstances, des critères obligatoires minimaux pour la libération conditionnelle, et des peines obligatoires pour trahison. On accepte un minimum obligatoire dans le cas disons d'une deuxième infraction de conduite en état d'ébriété, quelque chose du genre—ce sont là les peines minimales obligatoires les plus faibles—ou l'utilisation d'une arme à feu dans la perpétration d'une infraction, mais au Canada, c'est à peu près tout ce que nous avons comme peine minimale obligatoire.

    L'imposition d'une peine minimale obligatoire de sept ans pour exportation aux États-Unis, a été rejetée par le tribunal comme n'étant pas constitutionnelle parce que vous pourriez vous retrouver avec une peine très disproportionnelle—si quelqu'un avait un joint en traversant la frontière par exemple.

    Je me présente devant la Cour d'appel encore une fois la semaine prochaine sur cette question de l'absolution inconditionnelle et conditionnelle parce qu'en fait, si vous commettez une infraction passible d'une peine de 14 ans ou de l'emprisonnement à perpétuité, vous ne pouvez pas obtenir une absolution. Donc dans un certain sens, c'est une peine minimale obligatoire.

    Pourquoi s'opposer aux peines minimales obligatoires? Eh bien, encore une fois, comme parlementaires, vous avez dit dans le Code criminel que les juges sont censés imposer des peines individuelles dans ce pays. Nous ne voulons pas faire comme les Américains : nous ne voulons pas d'un système mathématique où le procureur de la Couronne décide quelle sera la peine demandée en fonction de l'infraction. Nous avons des juges qui examinent non seulement l'infraction, mais aussi le délinquant, ses antécédents, et qui tentent d'équilibrer divers facteurs, dans chaque cas individuels pour individualiser la justice. Si vous avez des peines minimales obligatoires, vous retirez ce pouvoir des tribunaux d'imposer une justice individualisée et vous créez des injustices, parce que vous avez des situations où les gens se retrouvent à purger de longues peines lorsque ce n'est pas approprié.

    Il y a quelques semaines, une femme est revenue au Canada. Elle était membre en règle de l'Église Copte Sion d'Éthiopie qui utilise vraiment la marijuana comme sacrement depuis des années. Elle a été arrêtée ici en Ontario dans les années 70 pour avoir importé de la marijuana de la Jamaïque et s'est vu imposer la peine minimale obligatoire de sept ans. Elle a été libérée après huit mois. Elle est revenue au Canada et elle se trouve maintenant dans la prison pour femmes de la Colombie-Britannique où elle purge les autres six années d'une peine imposée il y a 35 ans. C'est maintenant une femme de 50 ans. Elle n'a commis aucun crime. Est-ce que c'est équitable? Est-ce que c'est juste? C'est uniquement à cause de la peine minimale obligatoire.

    Elle ne peut rien faire, parce qu'elle n'était pas déjà dans le système lorsque le tribunal a éliminé la peine minimale obligatoire. Elle ne peut pas revenir bien des années plus tard et régler l'affaire. Est-ce le genre de problème que vous voulez créer?

À  +-(1045)  

+-

    La présidente: J'ai Mme Jennings et ensuite Mme Allard sur ma liste.

+-

    Mme Marlene Jennings: Je n'ai pas vraiment de question, c'est plutôt une observation.

    Si nous allons vers la légalisation, vers un contrôle comme le tabac ou l'alcool, avec des âges minimums, des permis de distribution et de production, etc. et si nous considérons l'expérience du tabac, qu'il s'agisse des surtaxes ou autres, on sait qu'il y a un point où le crime organisé a intérêt à revenir à la distribution, pas nécessairement à la production, avec toute la violence que cela comporte. Regardez simplement ce qui s'est passé à Akwesasne, la réserve mohawk qui chevauche l'Ontario, le Québec et l'État de New York avec toute la violence que l'on a vue là, et Kanesatake ou Kahnawake et les bandes de motards qui s'en sont également mêlées.

    Cela veut dire que le crime organisé continue toujours à s'intéresser à certains secteurs d'activité, si l'on veut, mais je crois que les études ont démontré que le coût réel d'un paquet de cigarettes a un lien direct avec l'intérêt que porte le crime organisé au tabac. Lorsque le gouvernement fédéral a réduit massivement les taxes, je sais qu'il y a beaucoup de ténors du crime organisé qui ont dû se retirer parce qu'ils se sont fait prendre avec des entrepôts pleins de cartons de cigarettes qu'ils ne pouvaient plus vendre sans vendre à perte.

+-

    M. John Conroy: Cela montre que la prohibition apparaît sous diverses formes dont l'une est la hausse des taxes.

+-

    Mme Marlene Jennings: Exactement.

+-

    M. Neil Boyd: L'ironie est que nous voulons rendre ce produit, le tabac, économiquement moins précieux et que nous en faisons en fait un élément plus important de notre économie tout en déclarant qu'on veut en réduire l'utilisation.

+-

    Mme Marlene Jennings: Tout à fait.

+-

    M. Neil Boyd: Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est très délicat.

+-

    Mme Marlene Jennings: D'accord, merci.

+-

    La présidente: Madame Allard.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'entends vos arguments concernant la cigarette. Justement, en fin de semaine, je lisais un article dans lequel on disait que quelqu'un qui prend de la cocaïne peut s'injecter jusqu'à 50 fois par jour. À Amsterdam, on a vu des gens qui allaient fumer dans les cafés et qui ne semblaient pas être des addicts, comme on dit en anglais.

    Un de vos arguments m'inquiète un peu, et c'est un argument qui m'a déjà été servi. Étant donné qu'on interdit la marijuana et, surtout, étant donné les pénalités qu'on prévoit dans ce projet de loi pour ceux qui cultivent de grosses quantités de marijuana, ne craignez-vous pas que les policiers délaissent les drogues dures pour s'attaquer davantage à ceux qui vont cultiver de la marijuana?

    Quand j'ai fait ma table ronde à Laval--mon comté est celui de Laval-Est, au Québec--, les policiers m'ont carrément dit que tous les effectifs étaient concentrés sur la marijuana, au détriment de la lutte qui pourrait se faire contre ceux qui vendent des drogues dures, qui sont vraiment dommageables pour nos jeunes. Est-ce un argument qui vous pousse à vous opposer à l'augmentation des pénalités imposées à ceux qui cultivent de la marijuana? Craignez-vous que les policiers concentrent toute leur attention là-dessus et n'aient pas assez d'effectifs pour lutter contre les vraies drogues dures?

[Traduction]

+-

    M. Neil Boyd: Quiconque étudie la question des drogues ne peut arriver à la conclusion que la situation est la même pour toutes, qu'elles doivent toutes être traitées de la même façon. Il ne fait aucun doute que l'injection d'héroïne par intraveineuse ou la consommation régulière de crack est beaucoup plus dangereuse et nocive, qu'il s'agisse de santé publique ou de la santé des consommateurs, que le cannabis. Et si l'on examine la façon dont les gens consomment ces drogues, il est certain que nous devrions nous préoccuper davantage de ce genre de problèmes.

    Toutefois, même là, il existe des mécanismes qui peuvent nous permettre d'utiliser des moyens autres que le Code criminel pour attaquer le problème. Il semble que l'on veuille essayer l'héroïne sur ordonnance dans un certain nombre de villes canadiennes pour ce groupe réfractaire qui ne répond pas à la méthadone.

    Cela dit, pour les raisons énoncées par Mme Jennings, il faudra toujours faire intervenir le droit pénal. On le constate pour l'alcool et le tabac. Ce sera nécessaire aussi pour le cannabis. Mais ce qui est bien avec l'alcool et le tabac, c'est que l'on peut dans une large mesure réglementer la distribution et l'utilisation de ces drogues de sorte que le commerce que l'on en fait—le commerce lui-même—n'est pas dangereux et que le crime organisé ne s'en met pas plein les poches avec ces drogues. Le défi va donc consister à réaliser la même chose avec le cannabis.

À  +-(1050)  

+-

    M. John Conroy: Malheureusement, vous avez peut-être raison, si l'on augmente les sanctions, la police s'y intéressera davantage. Je n'ai jamais compris, et je ne comprends toujours pas, pourquoi nous avons en Colombie-Britannique ces équipes vertes d'agents de police qui passent toute la journée à fouiner et à renifler autour des habitations, à pointer leurs détecteurs infrarouge vers les maisons pour en connaître la signature thermique. J'en ai vu deux—la division marine—qui se promenaient autour de l'île Minstrel il y a quelques semaines et qui pointaient leurs détecteurs vers les cabines pour voir si les gens cultivaient la marijuana. L'argent que l'on dépense pour la marijuana fait rêver quant aux priorités de la police. Nous savons que le crack... vous parlez de gens qui s'injectent de la cocaïne 20 fois par jour. Voilà le problème du crack.

    Une voix:  Cinquante fois.

+-

    M. John Conroy: Il y a des pauvres qui volent et agressent à cause de cela. Des riches qui y perdent tout leur héritage. Mais nous n'avons pas de programme de traitement et la police ne semble pas vouloir s'occuper de ce problème ni en faire une priorité.

    Vous savez, le seul cocaïnomane que j'ai vient d'une famille riche si bien que la police sait qu'il est chez lui en infraction. Mais elle le laisse là pendant un mois avant de faire quoi que ce soit. Ce n'est pas ce qu'ils font dans le cas de quelqu'un qui a une grosse exploitation, à moins qu'ils soient trop occupés tellement il y a d'exploitations, ce que l'on entend dire parfois en Colombie-Britannique.

    Je ne comprend pas pourquoi ils ne concentrent pas davantage leurs efforts sur les drogues dures. Je sais qu'il y a des policiers qui déclarent : Débarrassons-nous d'abord de cette question de marijuana ».

+-

    La présidente: Merci.

    Afin que l'on sache bien de quoi on parle, si l'on modifiait le projet de loi pour autoriser certaines plantes, je suppose que vous seriez moins inquiets au sujet du crime organisé, monsieur Conroy.

+-

    M. John Conroy: En partie, mais...

+-

    La présidente: Tout comme nous avons l'alcool qui est légal et que cela n'empêche pas certaines bandes, le crime organisé dans des bars et d'autres...

+-

    M. John Conroy: Oui. Si vous laissez les gens cultiver un certain nombre de plantes, il serait intéressant de voir l'effet que cela ferait sur le marché après un certain temps. Je ne pense pas que cela nous débarrasserait du crime organisé mais on pourrait voir si ça ne le réduit pas, si la demande que satisfont les gros exploitants ne diminue pas, par exemple.

+-

    La présidente: Monsieur Conroy, vous qui défendez ces gens-là, pensez-vous vraiment que pour un jeune de 19 ans qui doit payer une amende de 100 $ ou 150 $, il serait avantageux de demander l'aide d'un avocat, alors qu'on lui garantit qu'il n'aura pas de casier judiciaire? Ne pensez-vous pas qu'un tel jeune à Vancouver va dire : « Je vais payer et j'espère que tout sera oublié très vite ».

+-

    M. John Conroy: Si. C'est quelque chose que les gens ne semblent pas comprendre, que la plupart de ceux qui sont accusés d'une infraction, plaident coupables. La plupart de ceux qui plaident non coupables sont condamnés, habituellement sur la base de ce qu'ils ont eux-mêmes reconnu et confessé. Ceux dont on entend parler dans la presse et qui s'en tirent sont très rares.

    Une voix: J'essaie continuellement cela pour les contraventions de stationnement chez moi. On stationne...

+-

    M. John Conroy: Certainement, la majorité des gens vont dire : « D'accord, 100 $... » Tout dépend des conséquences que cela pourrait avoir. Est-ce qu'ils vont être stigmatisés pour avoir fumé ou y aura-t-il d'autres conséquences sur leurs chances d'emploi, par exemple? Les Américains auront toujours accès à l'ordinateur du CIPC, je suppose...

+-

    La présidente: Ce n'est pas versé au CIPC.

+-

    M. John Conroy: ...vous allez donc devoir faire toutes sortes de choses pour essayer de le cacher mais quand vous arrivez à la frontière et qu'on vous demande si vous avez jamais fumé de la marijuana et que vous dites oui, vous ne pouvez pas passer. La question n'est donc pas seulement de savoir si vous avez été condamné ou si vous avez un casier judiciaire. Il y a d'autres conséquences parce que cela a été sanctionné.

+-

    La présidente: Résumons donc, nous avons couvert la question des plants, nous avons couvert la question de savoir comment les gens considéreront ces contraventions, la question des 18 joints plutôt qu'une autre quantité. En fait, il s'agit là de quelque chose qui me semble viser la majorité de ceux qui soit se font condamner soit enfreignent la loi sans en subir aucune conséquence. Il s'agit de gens qui ont un ou deux joints et qui se font intercepter ou arrêter par un agent de police. Il ne s'agit pas d'être à la limite des 29 à 32 grammes, seulement de ceux qui ont un ou deux joints pour aller faire la fête.

À  -(1055)  

+-

    M. John Conroy: Il me semble que plus vous abaissez le seuil, plus vous aurez de problèmes. Si vous le portez à 30 grammes ou à une once, et je vois que c'était la proposition initiale, il y aura moins de problèmes. Si vous essayez d'abaisser cela encore, vous allez entendre des tas de contestations.

+-

    La présidente: D'accord.

    Monsieur Boyd.

+-

    M. Neil Boyd: Je crois que c'est vrai mais je dirais qu'il y a toujours dans le projet de loi C-38 beaucoup d'incertitude quant à savoir s'il s'agit de décriminalisation ou si, comme l'a dit le ministre, ce n'est pas le cas. Je ne suis pas aussi sûr que vous de ce que signifient les dispositions concernant les casiers judiciaires, concernant le pouvoir d'arrestation. Je crois que l'intention est d'aller dans le sens que vous indiquez mais je ne suis pas sûr que ce soit la réalité.

+-

    La présidente: Ma foi, monsieur Boyd, un des problèmes que nous avons est que la majorité des gens ne sont pas des criminologues et, pour ce qui est de la perception publique, quand on parle de décriminalisation, ce qui est en fait l'objectif du projet de loi, les gens commencent à dire que c'est légal. Il y a donc une grosse différence.

    Je pense qu'en fait une contravention pour un jeune de 20 ans qui se promène avec deux joints fera comprendre à la majorité que c'est illégal parce qu'à l'heure actuelle c'est la confusion la plus totale.

+-

    M. Neil Boyd: La moitié de ma classe pensait que ça avait été décriminalisé...

+-

    La présidente: D'accord.

+-

    M. Neil Boyd: ...et ce sont des étudiants en troisième année de criminologie.

+-

    La présidente: Oh! Peut-être qu'ainsi certains des mécanismes de communication...

+-

    M. John Conroy: Pourquoi devraient-ils avoir une contravention?

+-

    M. Neil Boyd: Mais pourquoi leur donner une contravention?

+-

    La présidente: Pourquoi? Parce que c'est actuellement illégal.

+-

    M. John Conroy: Oui, mais c'est pathologique. Pourquoi leur mettre une contravention?

+-

    La présidente: Monsieur Conroy, il s'agit du monde réel...

+-

    M. Neil Boyd: Non, ce n'est pas une réponse.

+-

    M. John Conroy: Oh, non, ce n'est pas ça le monde réel. Je suis désolé, ce n'est pas cela.

+-

    La présidente: C'est le monde réel de la politique.

+-

    M. Neil Boyd: D'accord, on peut accepter cette réponse.

+-

    M. John Conroy: Bien, d'accord.

+-

    La présidente: M. Boyd est en train d'essayer de criminaliser la moitié de la Chambre des communes qui ne fait jamais suffisamment d'exercice.

+-

    M. Neil Boyd: Je fais simplement ressortir un manque de logique. Je ne préconise pas la criminalisation dans l'un ou l'autre de ces contextes, même en ce qui concerne le tabac.

+-

    La présidente: Vous pouvez aller voir à la porte. Je crois que certains des coupables sont autour de cette table.

    Merci beaucoup de votre témoignage et de vos bons conseils et merci d'être venus de Colombie-Britannique sans grand préavis. Je remarque que vous, messieurs, même si vous avez un décalage de trois heures, étiez les premiers arrivés. Félicitations.

+-

    M. John Conroy: Si vous voulez tous les arguments juridiques, tous les éléments de preuve concernant l'affaire Caine, vous les trouverez sur Internet à ma page sous l'onglet Caine archive—transcription, arguments, jusqu'à la Cour suprême du Canada. Vous trouverez les factums de la Couronne et les factums de l'appelant. Tout y est.

+-

    La présidente: Et votre site est...?

+-

    M. John Conroy: C'est www.johnconroy.com.

+-

    La présidente: Parfait. Merci beaucoup.

+-

    M. John Conroy: Toute l'histoire Boje y est aussi, si vous voulez. C'est la jeune femme que les Américains essaient de renvoyer aux États-Unis pour avoir déménagé et arrosé quelques plants. Ils veulent lui donner de 10 ans à la prison à vie pour avoir déménagé et arrosé quelques plants.

+-

    La présidente: Et M. Macklin veut connaître le numéro 1-800.

    Des voix: Oh, oh!

-

    La présidente: Merci beaucoup.

    La séance est levée.