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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 28 octobre 2003




º 1610
V         La présidente (L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.))

º 1615
V         Mme Christine Bruckert (professeure, Département de criminologie, Université d'Ottawa)
V         La présidente
V         Mme Christine Bruckert
V         La présidente
V         Mme Colette Parent (professeure, Département de criminologie, Université d'Ottawa)

º 1620

º 1625
V         Mme Christine Bruckert

º 1630
V         La présidente
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)

º 1635
V         Mme Colette Parent
V         Mme Christine Bruckert

º 1640
V         M. Chuck Cadman
V         La présidente
V         M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ)
V         Mme Colette Parent
V         M. Réal Ménard
V         Mme Colette Parent
V         M. Réal Ménard
V         Mme Colette Parent

º 1645
V         M. Réal Ménard
V         Mme Colette Parent
V         M. Réal Ménard
V         Mme Colette Parent
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Réal Ménard

º 1650
V         Mme Colette Parent
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         M. Réal Ménard
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC)
V         Mme Colette Parent
V         M. Inky Mark
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Colette Parent
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Inky Mark
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Inky Mark

º 1655
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Inky Mark
V         La présidente
V         Ms. Colette Parent
V         M. Inky Mark
V         Mme Colette Parent
V         M. Inky Mark
V         La présidente
V         M. Chuck Cadman
V         La présidente
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         Mme Paddy Torsney
V         La présidente
V         Mme Paddy Torsney
V         La présidente

» 1700
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Colette Parent

» 1705
V         La présidente
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Libby Davies
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Libby Davies
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Libby Davies
V         Mme Christine Bruckert

» 1710
V         Mme Colette Parent
V         Mme Libby Davies
V         Mme Colette Parent
V         Mme Christine Bruckert
V         Mme Libby Davies
V         La présidente
V         M. Chuck Cadman
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Chuck Cadman
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Chuck Cadman
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Chuck Cadman
V         Mme Christine Bruckert
V         M. Chuck Cadman

» 1715
V         La présidente
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         Mme Colette Parent
V         M. Richard Marceau
V         Mme Colette Parent
V         M. Richard Marceau
V         Mme Colette Parent
V         La présidente
V         M. Inky Mark
V         Mme Christine Bruckert

» 1720
V         La présidente
V         M. Richard Marceau
V         Mme Colette Parent
V         M. Richard Marceau
V         Mme Colette Parent
V         La présidente










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 004 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

º  +(1610)  

[Traduction]

+

    La présidente (L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous continuons notre étude des lois sur le racolage.

    Je souhaite la bienvenue à Mmes Christine Bruckert et Colette Parent, du département de criminologie de l'université d'Ottawa. Merci d'être venues malgré le court préavis.

    Vous avez chacune dix minutes pour faire votre exposé, puis nous passerons aux questions.

    Madame Bruckert, vous avez la parole.

º  +-(1615)  

+-

    Mme Christine Bruckert (professeure, Département de criminologie, Université d'Ottawa): Nos exposés sont interreliés. Nous espérions que Colette puisse faire son exposé en premier et moi tout de suite après elle. Nous parlerons de la même recherche, mais d'aspects différents de celle-ci. Cela vous convient-il?

+-

    La présidente: Vous faut-il chacune dix minutes?

+-

    Mme Christine Bruckert: Il faudra probablement de 10 à 20 minutes pour les deux exposés.

+-

    La présidente: C'est bien.

    Madame Parent, vous pouvez commencer.

[Français]

+-

    Mme Colette Parent (professeure, Département de criminologie, Université d'Ottawa):

    Oui, je vais commencer.

    Nous avons effectué une recherche l'année dernière, à la demande de la Commission du droit du Canada, sur le travail marginalisé; en fait, la commission a fait un appel d'offres sur le travail marginalisé. Nous nous sommes donc concertées, Chris et moi, pour développer un projet. À ce moment-là, nous n'avons pas choisi le travail du sexe dans la rue pour différentes raisons, entre autres parce que cela nous apparaissait un secteur où il y avait eu plus de recherche que dans d'autres domaines. Cela nous apparaissait aussi un secteur où le pourcentage de pratiques que l'on peut associer à des pratiques de survie, telles que l'association avec l'itinérance et avec certains problèmes de santé mentale, était plus élevé. Or, nous voulions vraiment faire davantage une investigation sur la dimension « travail », en dehors de ces problématiques-là.

    Nous nous sommes donc orientées vers les salons de massage et les établissements érotiques. Nous avons soumis un projet de recherche à la Commission du droit du Canada à partir d'un cadre théorique de travail. C'est un peu ce dont je veux parler ici, parce que le cadre que nous avons élaboré s'applique à d'autres formes de travail du sexe et pointe aussi la vulnérabilité des travailleuses, dans une certaine mesure, bien qu'elle soit moindre dans les salons de massage et dans les établissements érotiques que dans la rue.

    Tout d'abord, on a considéré le travail du sexe comme un travail dans le secteur des services dans une conjoncture où, depuis les années 80, on a noté un déplacement des activités vers les domaines de l'information et des services, ainsi qu'une hausse des emplois précaires, à temps partiel, et une compétitivité accrue sur le marché du travail. Nous avons donc considéré le travail du sexe dans les salons de massage et dans les établissements érotiques à la lumière de cette conjoncture globale. Évidemment, on ne peut pas analyser spécifiquement les modifications qui ont affecté ce secteur, compte tenu de la dimension illégale de certaines pratiques. Nous n'avions pas de données qui nous permettaient de le faire, mais nous pouvons supposer que le même genre de transformations a affecté ce secteur-là. D'ailleurs, les travailleuses nous font état d'une plus grande compétition, d'une baisse des tarifs et d'un mouvement dans le même sens.

    Nous avons aussi pris en compte le fait que le travail du sexe présente des dimensions qui lui sont spécifiques, c'est-à-dire le fait d'avoir des dimensions illégales et d'être, de façon plus générale, un travail non institutionnalisé. Nous avons analysé cette question à partir de l'idée selon laquelle, sur le marché du travail, de façon traditionnelle, on refuse de considérer sexe et travail côte à côte. Le sexe apparaît, au niveau du marché du travail, comme une dimension à extirper. On considère que cela affecte la productivité de même que l'atmosphère de travail. On parle de l'expression du pouvoir des hommes sur les femmes, mais quelque part, c'est une dimension qu'on ne veut pas considérer. Or, quand on soulève la question du travail du sexe comme telle, on se retrouve avec une association très étroite entre les deux dimensions.

    On se doit de reconnaître aussi que si on peut observer empiriquement que ce travail existe, on peut beaucoup plus difficilement--en fait, on ne peut pas--identifier le rôle social de la travailleuse du sexe. Je parle du rôle social qui régit les attentes normatives, qui régit les comportements qu'on attend d'une travailleuse du sexe, ses fonctions, et qui se répercute effectivement sur le client qui, à son tour, se retrouve dans une espèce de position où les attentes et la capacité de demander tel ou tel type de service ne sont pas régies par un certain nombre de règles qu'on associe à un rôle social.

º  +-(1620)  

    Nous avons pu constater que cela rejoint certaines formes de travail novateur où justement les normes de travail ne sont pas fixées, par exemple dans certains domaines de l'industrie informatique où on innove. On remarque, à ce moment-là, que les attentes ne sont pas fixées en ce qui a trait à la performance de travail des travailleurs, mais que les patrons ont tendance à prendre la volonté du client comme étant la norme, ce qui crée énormément de pression sur les travailleurs et les travailleuses. Cette situation influence donc grandement le travail des travailleuses du sexe et influence leur capacité de négocier des services, de se protéger dans le cadre des services, et constitue donc un élément qui accentue les possibilités de « victimation » dans les salons de massage. Mais on peut aussi inférer que cette situation influence celle des travailleuses, autant dans la rue que dans les salons de massage.

    Pour conclure, je vais vous dire--et ma collègue va plutôt parler des résultats--que nous avons effectué la recherche dans le cadre des régions urbaines de Montréal et de Toronto, avec l'appui des organisations de travailleuses du sexe Stella et de Maggie's, et que nous avons pu rejoindre 14 travailleuses du sexe qui travaillaient dans différents lieux. En général, elles avaient entre 21 et 40 ans. La plupart avaient une assez bonne expérience de ce travail, soit entre quatre mois et huit années. Toutes avaient une expérience de travail assez diversifiée et environ la moitié d'entre elles avaient travaillé dans d'autres formes de travail du sexe. Nous les avons donc questionnées sur la nature de leur travail, sur leur organisation de travail, les horaires, les fonctions, les relations avec les patrons, les collègues et les clients, sur les risques associés à leur travail et les précautions qu'elles prenaient, sur les changements souhaités sur le plan des lois et de leur organisation du travail, ainsi que sur les changements qu'elles avaient observés dans leur travail, si elles avaient une expérience assez longue pour pouvoir en faire état.

    Donc, cette recherche nous a permis de mettre en lumière une forme de travail du sexe où la dimension illégale et non institutionnalisée du travail doit être prise en compte pour essayer de comprendre leur plus grande vulnérabilité face à certaines agressions, à certaines formes de « victimation » et à leur capacité de se protéger dans le cadre des services sexuels qu'elles offrent. Je vais laisser Christine continuer.

º  +-(1625)  

[Traduction]

+-

    Mme Christine Bruckert: Les femmes que nous avons questionnées avaient choisi de travailler sur appel plutôt que dans les autres secteurs du travail du sexe parce qu'elles voulaient ce métier personnel, mais aussi pour se protéger contre les clients violents et le manque de visibilité. C'est une activité moins à la vue que, par exemple, le travail d'escorte ou la danse érotique. Cela dit, les femmes qui travaillent sur appel sont encore exposées à des accusations en vertu de l'article 210 du Code criminel, parce qu'elles habitent une maison de débauche et, en vertu de l'article 213, parce que leurs rapports visent la prostitution.

    Cette criminalisation de ce secteur a de nombreuses incidences pour les femmes, que je vous présenterai dans le contexte des conditions de travail se rapportant aux clients, à la sécurité des travailleuses, à l'expérience de la criminalisation et à des questions qui ne touchent pas le lieu de travail.

    Pour ce qui est des conditions de travail, la criminalisation du travail du sexe signifie que les femmes n'ont pas droit à la protection que les lois fédérales accordent aux autres travailleurs, comme l'assurance-emploi, et l'équité en matière d'emploi, non plus qu'à ce qu'offrent les lois provinciales sur le travail, comme les lois sur la santé et la sécurité. Quand on enfreint ou qu'on refuse de reconnaître leurs droits de travailleurs, elles ne peuvent pas se plaindre, par exemple, à une commission de normes du travail. Elles ne peuvent pas non plus se syndiquer pour négocier de meilleures conditions de travail avec leurs employeurs. Nous avons constaté que dans la plupart des cas, les employeurs s'attendaient à ce que les travailleuses s'acquittent de tâches rémunérées, y compris des tâche supplémentaires comme la lessive ou du travail de réceptionniste. Cela, sans rémunération. Les recettes étaient partagées moitié moitié ou 60 p. 100 - 40 p. 100 entre les travailleuses et leurs employeurs, la part du lion allant à l'employeur. La syndicalisation serait une stratégie permettant aux travailleuses d'obtenir de meilleures conditions, mais cette option n'est pas envisageable pour elles. Ces travailleuses ne peuvent pas non plus fonder ou devenir membres d'une association professionnelle provinciale reconnue, comme peuvent le faire les agents immobiliers ou les masso-thérapeutes, pour défendre leurs intérêts.

    Pour ce qui est du travail proprement dit, sa nature illégale en détermine bien des aspects. Les propriétaires ne peuvent pas annoncer des services de cette nature. Même au téléphone, on a recours à des codes, pour que les travailleuses soient protégées contre des accusations de racolage ou de communication à des fins de prostitution. Quand le client arrive sur les lieux, ce code est toujours en usage, les travailleuses craignant que le client soit en fait un policier. Encore une fois, il s'agit du travail non institutionnalisé, de nature illégale, dont parlait Colette. Il en résulte, que souvent les clients sont frustrés et en colère et susceptibles de porter plainte au criminel.

    Il y a un autre aspect qui découle de la nature illégale et non institutionnalisée du travail : les clients essaient d'aller au-delà des limites. Cette question est souvent revenue sur le tapis pendant les entrevues. Ils demandent des services que les femmes ne sont pas prêtes à offrir. Plus particulièrement, ils demandent souvent que les rapports sexuels se fassent sans condom.

    En négociant avec son client, la travailleuse du sexe essaie de protéger ses limites et sa santé. Mais elle est aussi vulnérable, sachant qu'il peut porter plainte. Elle est toujours consciente du fait que si le client n'est pas content, il pourrait déposer une plainte à la police.

    La nature de fait illégale de ce secteur signifie aussi que certains employeurs essaient de se protéger contre des accusations de tenir une maison de débauche ou de vivre des fruits de la prostitution en faisant croire qu'aucun service sexuel n'est offert chez eux. Dans leurs établissements, les femmes sont confrontées à des problèmes supplémentaires. Si un client se montre agressif, elles ne peuvent pas demander l'aide du propriétaire. Les condoms ne sont pas fournis et elles doivent donc s'en procurer elles-mêmes, les transporter et en disposer discrètement. Bien entendu, elles ne peuvent pas parler des problèmes qu'elles ont au travail avec leurs collègues.

    Parlons maintenant de la protection. Quand des femmes travaillent dans un secteur non institutionnalisé illégal comme celui des métiers du sexe sur appel, elles ne peuvent pas demander à la police de les protéger. Si des clients sont agressifs, menaçants ou s'ils les harcèlent, elles ne peuvent tout simplement pas demander l'aide de la police. Elles ne peuvent pas non plus se plaindre de ceux qui leur font d'innombrables appels obscènes, ce qui semble arriver. Il est aussi possible que la violence contre les travailleuses du sexe ne soit pas prise avec autant de sérieux par les policiers. L'une des travailleuses interrogées nous en a parlé. Les clients savent bien que les travailleuses ne peuvent pas s'adresser à la police ce qui les rend plus susceptibles d'être agressifs physiquement ou sexuellement, sachant qu'ils peuvent agir en toute impunité.

º  +-(1630)  

    Les arrestations sont aussi un autre problème, évidemment. Le risque d'être arrêtée est un facteur de stress permanent pour ces femmes, et il détermine leur expérience de travail. En outre, si elles sont arrêtées, cela peut-être très traumatisant. Voici la description qu'en a fait une femme :

J'ai ouvert la porte. J'en ai vu six dans le cadre de la porte, qui entraient avec des appareils photo et des flash. Ils ont pris ma photo, et tout, et tout. Je ne portais qu'un string, j'avais 21 ans. Je tremblais comme une feuille. J'ai eu la peur de ma vie! La peur de ma vie [...] J'essayais de me rhabiller, trois ou quatre d'entre eux me regardaient. Tous des hommes. Vous savez, je n'avais que 21 ans. J'aime bien avoir des clients, mais je ne veux pas que quatre ou cinq gars me regardent le cul tous à la fois.

    Il y a un autre aspect. L'arrestation est non seulement traumatisante, elle peut avoir un effet à long terme. Un casier judiciaire pour une infraction liée à la prostitution peut avoir un effet dévastateur sur la vie de quelqu'un, l'empêchant, par exemple, de trouver un emploi dans un autre secteur. Pour certaines femmes, cela peut même les forcer à rester dans le métier, puisque toutes les autres options leur sont refusées.

    La nature illégale de leur métier a un effet sur la vie de ces travailleuses, en dehors de leur travail. Parce que ce secteur est illégal et stigmatisé, les travailleuses du sexe sur appel ne peuvent pas parler de leur travail avec leur famille, leurs amis, leur propriétaire, etc. Toutes les femmes que nous avons questionnées cachaient leur genre de travail à au moins certaines personnes dans leur vie, ce qui fait qu'elles doivent bien sûr constamment gérer ce qui se rapporte à leur identité et à leurs renseignements personnels.

    En outre, l'accès à tout ce qui demande un dossier de travail est ardu. Obtenir un appartement ou une carte de crédit devient très difficile. De même, même si elles ont un revenu suffisant et un dossier d'emploi fiable, puisque ces femmes ont un travail régulier, elles ne sont pas admissibles à des prêts ou des hypothèques. Dans la même veine, bien que les femmes de ce secteur aient acquis diverses compétences, dont Colette a parlé, comme un talent en communications interpersonnelles, des compétences comme réceptionniste et des habitudes à traiter avec le public, elles ne peuvent tabler sur ces compétences pour décrocher un emploi dans un autre secteur, parce qu'elles ne peuvent pas parler de ce qu'elles font.

    Pour conclure, quand nous avons posé des questions à ces femmes au sujet de la criminalisation, bon nombre d'entre elles se sont dit étonnées que des rapports sexuels consensuels entre adultes soient condamnés et criminalisés.

    Pour toutes ces femmes, la décriminalisation était la stratégie de choix pour supprimer les aspects négatifs de leur métier. Avec la décriminalisation, pensent-elles, elles seraient en mesure de faire valoir leurs droits de travailleuses. Elles pourraient négocier des conditions de travail avec leurs employeurs. Cela diminuerait aussi la violence sexuelle ou physique des clients et permettrait aux travailleuses d'avoir accès à la protection de la police.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Cadman, vous pouvez commencer.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

    Je remercie les témoins d'être venues aujourd'hui.

    Je serai bref, puisque nous pouvons être sous peu appelés à aller voter.

    D'aucuns affirment que la légalisation ou la décriminalisation de la prostitution aurait pour effet négatif de promouvoir et d'accroître le trafic de travailleurs du sexe.

    Pour ce qu'on en sait, le crime organisé envahit de bien des façons ce secteur. Est-ce que votre recherche le confirme? Dans les secteurs que vous avez étudiés, quel était le rôle du crime organisé?

º  +-(1635)  

[Français]

+-

    Mme Colette Parent: Cette recherche ne contient aucune indication à ce sujet. Non, ce n'est pas exact: tout dépend des femmes. Une d'elles avait des activités qui semblaient être associées en partie à des individus reliés au crime organisé et elle vivait un peu dans cette mouvance, mais la plupart d'entre elles avaient des activités qui n'étaient absolument pas associées au crime organisé, selon nos entrevues.

    Par ailleurs, on mène aussi des recherches sur la question de la traite des êtres humains. Dans une première recherche, nous passons en revue la littérature qui porte sur la traite des êtres humains. Cette revue, dont on pourra vous envoyer une copie, nous indique que l'association qui est faite de façon quasi automatique entre le crime organisé et la traite des femmes pour fins de prostitution est beaucoup moins évidente lorsqu'on considère les recherches qui ont été menées, et surtout les recherches--qui sont peut-être les plus solides--qui ont été menées par l’Organisation Internationale des Migrations.

    Les auteurs qui ont mené des recherches sur ce sujet, entre autres Skeldon et Okolski, ne considèrent pas que la traite des femmes pour fins de prostitution constitue un des éléments premiers du travail du crime organisé. Les recherches les plus documentées tendent à minimiser ce lien comparativement à d'autres recherches qui sont basées plus spécifiquement sur des témoignages de victimes. Il est sûr que les témoignages de victimes sont touchants et poignants, mais cela ne constitue pas une vision d'ensemble. Ce sont des expériences concrètes, mais globalement, il ne semble pas que le lien soit aussi automatique qu'on pourrait le croire.

    On se rend compte aussi que lorsque le crime organisé intervient, c'est souvent sous forme de petites organisations individuelles regroupant quelques individus en réseaux plus ou moins reliés de façon ponctuelle pour certaines activités. La représentation plus traditionnelle du crime organisé, avec le parrain à la tête et toute la hiérarchie qui suit, est rare. Ce lien, qui est souvent fait, est apparu beaucoup moins fréquemment dans cette revue de littérature.

    Je vais laisser ma collègue Christine continuer, parce qu'on est en train de mener une autre recherche sur la question de la traite des êtres humains. Elle peut peut-être vous donner quelques résultats préliminaires. Nous n'avons pas encore terminé cette recherche.

[Traduction]

+-

    Mme Christine Bruckert: Nous avons interrogé à la fois des représentants et des policiers, au sujet des femmes qui sont des travailleuses sans papiers. Pour l'instant, oublions le mot « trafic » et parlons plutôt de « travailleurs sans papiers ». Comme l'a dit Colette, il semble que ces femmes soient amenées ici par des cellules provisoires dont les affiliations sont vagues. On voit très peu de cas où le crime organisé recrute des femmes, ou leur ment, en Europe, à Taiwan ou en Asie, pour les amener ici, de manière organisée et pour les tenir en quasi-esclavage. C'est un modèle beaucoup plus souple et fluide. Les alliances sont difficiles à cerner. Il ne s'agit certainement pas d'un modèle semblable à celui de la mafia ou des motards.

º  +-(1640)  

+-

    M. Chuck Cadman: Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Ménard, c'est à vous.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Je suis content d'avoir enfin l'occasion de rencontrer Mme Parent. J'ai eu le plaisir de lire certains de ses articles qui m'avaient été recommandés par Germain Trottier, un professeur en travail social qui a pris sa retraite il y a deux ans, si mes souvenirs sont exacts.

    À mon avis, en tant que législateurs, nous essayons de comprendre quelles sont les motivations des travailleurs du sexe--comme vous, je pense qu'il faut appeler cela un travail--et quel aménagement législatif nous pouvons prévoir à leur endroit.

    D'abord, j'aimerais savoir si le greffier accepterait d'entrer en contact avec la Commission de réforme du droit pour essayer d'obtenir l'étude que vous avez faite, compte tenu que Mme DesRosiers collabore habituellement avec le Comité de la justice et malgré le fait que cette étude ne soit pas tout à fait publique. Or, même s'il s'agit d'un organisme indépendant, je crois qu'il serait utile d'avoir accès aux résultats de cette étude. Vous ne nous avez pas fait part de beaucoup de données. Je sais que tout cela est préliminaire, et on ne vous en veut pas. Ne voyez pas dans mon commentaire une quelconque intention de blâme, au contraire.

    Si j'ai bien compris, vous nous dites essentiellement qu'il serait préférable, pour préserver la dignité de ces femmes et la paix des communautés, d'opter pour la décriminalisation et d'envisager comment on pourrait traiter ces femmes en tant que citoyennes. Vous ne dites pas pour autant qu'il devrait n'y avoir ni mesures législatives ni encadrement.

    D'après ce que je comprends, si vous étiez au Parlement et que vous deviez concevoir le canevas législatif idéal, vous choisiriez de rendre ces personnes admissibles à des programmes sociaux et de décriminaliser leurs activités. Or, madame la présidente, par le plus curieux des hasards, un tel projet de loi existe, et c'est le mien. Je ne veux pas me rendre coupable de trafic d'influence à votre égard: d'autres s'en chargeront.

    À partir des premières données disponibles de vos recherches, parlez-nous donc des avantages de la décriminalisation.

+-

    Mme Colette Parent: Avant même de réaliser notre recherche, nous étions convaincues qu'il s'agissait d'un travail et que la décriminalisation de ces activités s'imposait pour que ces femmes puissent avoir accès au statut de citoyenne au même titre que n'importe quel autre membre de la société.

    Pour ce faire, nous croyons qu'il faudrait leur donner la possibilité de revendiquer les habiletés et l'expertise qu'elles développent dans le cadre de leur travail. Dans la situation actuelle, si elles désirent changer de travail, même si elles ont développé des compétences en communication ou en affaires, entre autres, elles ne peuvent aucunement s'en prévaloir pour se trouver un autre travail. Le caractère illégal de leurs activités les en empêche.

    Une question que nous avons mise en relief et qui fait l'objet d'une section du rapport est le genre d'habiletés et d'expertise qui ont été développées dans le cadre de leur travail.

+-

    M. Réal Ménard: Du moins, sur le plan relationnel.

+-

    Mme Colette Parent: Pas uniquement dans ce domaine. Certaines travailleuses se livraient à des pratiques de domination et de soumission. Or, il faut être assez habile pour offrir des services dans ce domaine tout en se respectant soi-même et en respectant le client ainsi que l'intégrité physique des personnes concernées. Je pourrais soulever plusieurs autres points à cet égard.

+-

    M. Réal Ménard: Il est certain que si on demandait aux bureaux de la main-d'oeuvre du Québec ou du Canada de reconnaître et de classer ces acquis, ils auraient du pain sur la planche, mais je suis d'accord pour dire qu'en termes d'habiletés...

+-

    Mme Colette Parent: Vue de l'extérieur, cette question ne semble pas importante, mais pour ces femmes, elle l'est. Cela touche la façon dont elles se définissent, la reconnaissance des habiletés qu'elles acquièrent et leur capacité de négocier leur identité au sein de la communauté.

º  +-(1645)  

+-

    M. Réal Ménard: Cela m'amène à poser ma deuxième question, si vous me le permettez.

    J'ai des amis qui sont escortes. Ce sont des gens auxquels je suis attaché et qui m'ont apporté beaucoup. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que dans l'appréciation du phénomène de la prostitution, il y a des niveaux? Il y a la prostitution de rue, dont vous ne nous avez pas parlé dans le cadre de l'étude que vous nous avez présentée. Il y a aussi les services d'escorte et les salons de massage, qui se situent à un autre niveau. Corrigez-moi si je fais erreur, mais j'ai l'impression qu'être escorte permet d'exercer une certaine liberté dans ses choix, contrairement aux prostitués de la rue, qui peuvent être victimes d'un certain nombre d'événements.

    Les escortes des rues Champlain et Sainte-Catherine, à Montréal, sont souvent associées à la prostitution de luxe. Or, êtes-vous d'accord pour dire que leur situation est différente? En matière législative, quel regard devrait-on porter sur ce phénomène?

+-

    Mme Colette Parent: Je considère que les pratiques sont différentes, mais je ne pense pas qu'il faille légiférer différemment. Pour moi, la décriminalisation du travail du sexe doit se faire de façon assez générale. Évidemment, dans la mesure où ce sont des gens démunis qui pratiquent ces métiers, la question du travail du sexe dans la rue pose d'autres types de problèmes. Je parlais de questions d'itinérance ou...

+-

    M. Réal Ménard: ...de toxicomanie.

+-

    Mme Colette Parent: ...de toute la question de la désinstitutionnalisation, de la maladie, des problèmes de santé mentale. Il est évident que pour un certain nombre de personnes qui se retrouvent dans la rue, le travail du sexe est une question de survie. Bien qu'on n'ait pas vraiment de données à ce sujet, il est probable que ce soit le cas pour plus de gens dans la rue que pour des gens qui travaillent dans d'autres conditions.

    Ai-je bien répondu à votre question?

+-

    M. Réal Ménard: Ai-je le temps de poser une courte question?

+-

    La présidente: Oui.

+-

    M. Réal Ménard: J'ai rencontré une professeure--dont j'oublie le nom--qui a publié un livre. Elle était très, très fâchée avec moi. Imaginez-vous, on vit vraiment dans un monde de fous, elle était très fâchée avec moi. Elle m'a écrit et je l'ai rencontrée. On sait que la prostitution est un phénomène surtout féminin, même si ce n'est pas exclusif. Elle disait que--et cela rejoint la question de notre collègue--si on décriminalise la prostitution, il y aura davantage de trafic des êtres humains. On sait que le trafic le plus important actuellement est le trafic des êtres humains; ce n'est plus le trafic des marchandises ou de la drogue. Elle craignait que le Canada et le Québec deviennent des plaques tournantes de ce trafic. Selon elle, il y a trois lieux dans le monde, les Pays-Bas, l'Afrique et un autre pays que j'oublie, où des expériences de décriminalisation ont entraîné un trafic des femmes. Je lui ai répondu que ce que je savais de la prostitution ne concernait pas des gens de l'extérieur mais de chez nous.

    Qu'en pensez-vous?

º  +-(1650)  

+-

    Mme Colette Parent: Je pense qu'il faut situer la question de la traite de femmes pour fins de prostitution dans le cadre beaucoup plus large de la migration illégale des travailleurs. Cela constitue une problématique importante à l'heure actuelle, compte tenu des écarts qui se creusent entre les pays riches et les pays pauvres sur notre planète, à cause du phénomène de la mondialisation.

    Je ne vois pas pourquoi nous serions davantage touchés par cela. Au contraire, je pense que cela permettrait des pratiques plus sécuritaires, acceptées juridiquement, et qui rendraient les femmes moins vulnérables à des abus et qui leur permettraient d'être plus en mesure de se structurer et de se protéger dans le cadre d'un travail. Je pense que ça pourrait avoir l'effet contraire, en termes de protection des travailleuses, si on procédait à la décriminalisation.

+-

    M. Réal Ménard: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous avez 30 secondes.

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: J'ai donc le temps de poser une autre question.

[Traduction]

+-

    La présidente: Non, Réal, vous n'avez plus de temps.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    La présidente: Monsieur Mark, c'est votre tour.

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC): Merci, madame la présidente.

    Dans la même veine, avez-vous trouvé, dans le cadre de votre étude, des preuves empiriques montrant que notre société serait prête à changer de mentalité au sujet des travailleurs du sexe, et que la décriminalisation serait la première étape vers la légalisation?

[Français]

+-

    Mme Colette Parent: Même si on remonte au comité Fraser, on constate que celui-ci avait conclu que la société canadienne n'était pas favorable à ce qu'on criminalise encore plus le travail du sexe. Je n'ai pas de données récentes sur ce que la population canadienne pense, mais il semble que celle-ci considère de plus en plus que le travail du sexe est un travail qui ne pose pas problème. Des questions demeurent, toutefois. De quels types de pratiques est-il question? Où ces pratiques auront-elles lieu? S'agit-il d'un commerce? Si c'est un commerce, faut-il un permis de travail? Y aura-t-il des zones désignées pour le travail du sexe?

    Je ne crois pas que la société canadienne serait très opposée à un projet comme celui-là, mais il faut voir comment les gens réagiraient.

[Traduction]

+-

    M. Inky Mark: Le problème avec la décriminalisation, c'est qu'un ensemble de normes sont appliquées dans un espace relativement restreint, quand on compare à l'interdiction, à l'autre extrême, et à la légalisation. Est-ce qu'on fait bien notre travail, est-ce qu'on traite ces personnes comme des personnes? Si c'est un métier, une sorte de compétence et que c'est monnayable, la légalisation est peut-être l'option à choisir, plutôt que la décriminalisation.

+-

    Mme Christine Bruckert: J'aimerais répondre à la dernière question.

[Français]

+-

    Mme Colette Parent: Selon moi, cette question est délicate. Traditionnellement, la question de la légalisation a été associée à une série de règlements qui ont eu pour conséquence de traiter les travailleuses du sexe comme des citoyennes de seconde zone qui n'avaient pas nécessairement les mêmes droits que l'ensemble des citoyennes. Donc, lorsqu'on envisage cette question, il faut avoir à l'esprit que si on décide de décriminaliser et de légaliser la prostitution, il faut reconnaître que le travail du sexe est un travail comme un autre et que ces travailleuses sont des citoyennes à part entière. Par conséquent, il ne faut pas adopter des règlements qui les relèguent à un statut de citoyennes de seconde zone. Je pense que c'est là le défi que l'on doit relever.

[Traduction]

+-

    Mme Christine Bruckert: J'aimerais ajouter ceci. Là où la légalisation a été choisie, la stigmatisation demeure et dans certains cas, les travailleuses du sexe ne sont pas plus avantagées que dans le contexte de la criminalisation, lorsqu'on pense aux attentes et aux restrictions qui leur sont imposées. Je pense en particulier au Nevada.

+-

    M. Inky Mark: Et vous dites que la décriminalisation, telle qu'on l'entend ici, ferait exactement cela.

+-

    Mme Christine Bruckert: Non. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait suffisamment de lois et de pratiques pour régler les problèmes de ce secteur, comme l'exploitation et la violence. Rien d'autre n'est nécessaire. Vous pouvez tout simplement supprimer les lois sur la prostitution et laisser ce commerce s'autoréglementer.

+-

    M. Inky Mark: Mais cela demeure une activité illégale.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Christine Bruckert: Pas si on supprime les articles 210, 212 et 213.

    La légalisation ne signifie pas qu'on imposerait de nouvelles lois. L'État deviendra responsable de la réglementation de l'industrie. Avec la décriminalisation, c'est l'industrie qui s'autoréglementerait, mais sans le fardeau supplémentaire de la criminalisation qui rend les femmes vulnérables à la violence et qui les empêche d'avoir accès à certaines compétences et à être reconnues comme des travailleuses.

+-

    M. Inky Mark: Si je comprends bien, la décriminalisation agit sur la base, en essayant d'aider les gens pour qu'ils ne fassent pas l'objet de poursuites par les forces de l'ordre. Le racolage est encore illégal, d'après le Code criminel, n'est-ce pas?

+-

    La présidente: Je ne suis pas avocate.

+-

    Ms. Colette Parent: Vous parlez seulement d'éliminer l'infraction de racolage. En faisant cela, le travail demeure illégal, puisqu'il y aurait toujours l'infraction concernant la tenue d'une maison de débauche. Nous parlons d'une décriminalisation plus large, permettant aux femmes de vraiment travailler.

+-

    M. Inky Mark: Vous parlez donc essentiellement de légalisation. Une activité ne saurait être à la fois criminelle et légale.

+-

    Mme Colette Parent: Il s'agirait de la décriminalisation de différentes activités, comme le racolage, la tenue d'une maison de débauche, le proxénétisme, etc. C'est la décriminalisation.

    Dans certains cas de légalisation, des règles ont été imposées qui pénalisaient vraiment les travailleuses, comme l'obligation de travailler dans certaines conditions, de se soumettre à des examens médicaux réguliers, de ne pas sortir de certains quartiers, etc.

+-

    M. Inky Mark: Je ne pense pas que ce projet de loi va dire au monde que le racolage est légal au Canada. Je ne pense pas qu'il en soit ainsi.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Cadman, voulez-vous poser une question?

+-

    M. Chuck Cadman: Les députés ministériels ne veulent-ils pas poser de questions?

+-

    La présidente: Je sais que Paddy vient de partir.

    Je vais prendre le tour du gouvernement.

    Ah, voici Mme Torsney. Voudriez-vous poser une question?

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Peut-être au sujet de mes troubles mentaux.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Mme Paddy Torsney: Pas tout de suite.

+-

    La présidente: Vous essayez d'être à deux réunions en même temps.

+-

    Mme Paddy Torsney: Trois réunions, en fait.

    Je ne poserai pas de question pendant cette ronde.

+-

    La présidente: La semaine dernière, nous avons reçu un témoin qui avait été travailleuse du sexe. Elle disait que la décriminalisation continuait à considérer ce métier comme un commerce et permettait encore aux femmes d'être exploitées. Elle estimait que c'était injuste. Elle disait que beaucoup de femmes ne choisissent pas de devenir travailleuses du sexe. Beaucoup ont commencé alors qu'elles étaient enfants, ayant été exploitées sexuellement de manière commerciale, et sont restées dans le métier, faute de pouvoir faire autre chose. Elle disait que la violence était multiforme et que c'était exploiter et réifier le corps d'une personne.

    En revanche, vous avez présenté des arguments importants au sujet des services qui sont offerts. Vous présentez les choses d'une manière intéressante. Vous dites que ce sont des services sociaux qui sont offerts. On répond aux besoins de nourriture, de vêtement et de logement mais il y a d'autres services dont les humains ont besoin, notamment, le sexe. Il faut donc voir le modèle de prestation des services et protéger ceux qui offrent ces services. Actuellement, ils n'ont aucun recours. C'est un point de vue intéressant.

    Mais ce que nous voulons comprendre, c'est comment séparer l'un et l'autre. Est-ce qu'on exploite les femmes, dans ce secteur? Nous avons vu qu'il s'agissait d'utiliser le corps d'une femme. Est-il possible de dire qu'il en va ainsi, et que d'un point de vue pratique, il faut décriminaliser et fixer des règles pour ces femmes puissent avoir recours aux services policiers, à la protection de la loi, qu'elles puissent se syndiquer, avoir un salaire décent et avoir droit à la santé et à la sécurité? Comment accepter tout cela sans pour autant fermer les yeux sur l'exploitation des femmes? Avez-vous une réponse? Pensez-vous pouvoir répondre? C'est mon problème.

»  +-(1700)  

+-

    Mme Christine Bruckert: Je vais commencer et vous pourrez continuer. Nous travaillerons en partenariat.

    Je ne crois pas que la décriminalisation puisse faire oublier que certaines femmes sont exploitées, dans ce secteur. N'oublions pas que les gens sont exploités dans divers secteurs sociaux, notamment comme main-d'oeuvre. Avec la décriminalisation, au moins, les femmes qui se sentent victimisées par le métier seraient en mesure d'avoir accès à des moyens de ne pas être condamnées davantage, par exemple, par un casier judiciaire.

    Les femmes que nous avons questionnées étaient adultes, quand elles sont entrées dans le métier. En passant, d'après les études réalisées, la plupart des travailleuses du sexe le sont devenues comme adultes. Elles l'ont fait pour des raisons financières. Il va de soi que c'est une façon de faire de l'argent. Mais il y avait aussi d'autres raisons. Celles qui ont choisi le massage l'ont fait pour l'autonomie et l'anonymat. Elles aiment aussi la souplesse et la camaraderie avec d'autres femmes. Dans d'autres cas, particulièrement celui des pratiques sexuelles de contrainte, cela cadrait avec d'autres aspects de la vie de ces femmes. Ce n'est pas le désespoir qui ont mené ces femmes à devenir travailleuses du sexe, c'était un choix personnel

    Nous n'avons pas parlé à de jeunes femmes. Nous ne faisons pas de recherche sur les jeunes travailleurs du sexe. Je pense qu'il s'agit là d'une toute autre question. Il s'agit d'enfants fugueurs, ou qui ont peut-être fui un milieu familial qui, en comparaison, faisaient paraître le travail du sexe comme une solution acceptable.

    Nous parlons de femmes qui ont choisi ce métier comme adultes, et elles sont majoritaires.

[Français]

+-

    Mme Colette Parent: En fait, ce que je voudrais souligner ici, c'est que si on considère cela comme étant une question d'exploitation, il est très clair qu'il y a un groupe de féministes qui voient le travail du sexe comme étant fondamentalement de l'exploitation des femmes. Cela ne les empêche pas, pour une grande majorité d'entre elles, de préconiser la décriminalisation des activités de prostitution, justement parce que la décriminalisation pourrait permettre d'atténuer la « victimation » des travailleuses du sexe. Elles n'en approuvent pas pour autant les activités, mais se situent dans une autre logique, une logique où la sexualité n'est pas définie comme étant nécessairement reliée à un rapport affectif entre deux individus.

    Notre position est beaucoup plus de dire que la sexualité peut prendre différentes significations. Et dans le cas des travailleuses du sexe, pour un certain nombre d'entre elles, leurs activités de travail sont tout à fait dissociées de leurs activités sexuelles dans le cadre de rapports intimes. C'est la façon dont elles définissent leur sexualité et cela nous apparaît comme une possibilité pour des individus que de choisir de vivre leur sexualité de cette façon-là; d'en vivre une partie dans un cadre de travail, où il n'y a pas nécessairement de relations intimes, et d'en vivre une autre partie qui soit exprimée dans le cadre d'un rapport intime.

    Évidemment, cela bouleverse les représentations des gens et cela mène à l'idée que les femmes sont exploitées, etc., mais, comme le disait ma collègue, l'exploitation des femmes, on peut la retrouver dans différents milieux et dans des institutions qui sont très traditionnelles, qui sont très acceptées. Donc, pour nous, c'est définir les pratiques à partir d'un élément qui peut être présent, plus ou moins. S'il est trop présent, cela devient une pratique qui est inacceptable et quand il n'est pas plus présent que dans d'autres rapports hommes-femmes, cela devient une pratique comme une autre dans une société comme la nôtre. Alors, c'est davantage dans ce sens-là que nous voyons la question. C'est plus dans le sens de dissocier la dimension travail et la dimension rapports sexuels intimes, comme semblent le faire un bon nombre de travailleuses du sexe, d'ailleurs.

»  +-(1705)  

[Traduction]

+-

    La présidente: Je signale simplement la présence de la sénatrice Landon Pearson. Elle devait comparaître comme témoin mais à cause des votes, elle reviendra un autre jour. Elle reste, comme observatrice.

    Madame Davies, vous avez la parole.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.

    Tout d'abord, toutes mes excuses pour ce retard, j'étais prise ailleurs.

    Mais j'ai suivi le fil de la conversation. C'est une question très complexe. J'ai compris la grande importance de distinguer entre ce que e qualifierais de pratique de survie et les autres types de travail du sexe, qui résultent d'un choix personnel. Dans le premier cas, les femmes font l'objet d'une horrible exploitation. Il y a un grand déséquilibre du pouvoir. Ce sont souvent des toxicomanes. On peut penser au cas des femmes disparues dans l'est du centre-ville (le downtown eastside).

    Peu importe l'élément qu'on considère, il faut le faire en tenant compte du tort causé. Je m'intéresse aux torts causés par exemple, par la Loi sur le racolage, qui force les femmes à travailler dans des environnements de plus en plus marginaux. Elles sont par exemple forcées d'entrer dans des voitures et de rouler. On pourrait penser de la même façon aux dispositions sur les maisons de débauche.

    Je crois que la prostitution des enfants est une question distincte. Il faut le voir comme des sévices sexuels envers des enfants. Il faut être extrêmement sévère à l'égard des prédateurs et de ceux qui utilisent ces services.

    Vous pourriez peut-être nous parler de la loi proprement dite. On connaît très mal et peut-être qu'on comprend bien peu ce que signifie la décriminalisation. Il me semble que le recours à la loi comme premier outil pour traiter des métiers du sexe a créé beaucoup de problèmes et de torts et a même contribué à la violence. J'aimerais que vous nous en parliez et que vous nous disiez comment vous envisagez la décriminalisation et l'effet qu'elle aurait.

+-

    Mme Christine Bruckert: Au sujet de la violence, je suis tout à fait d'accord avec vous. On a demandé plus tôt si les gens étaient prêts pour le changement et pour la décriminalisation. Après les événements du downtown eastside de Vancouver, les gens sont prêts à voir cesser la violence contre les femmes, y compris contre les travailleuses du sexe. Je pense que le changement est vraiment amorcé.

    Pour ce qui est de la décriminalisation, c'est pour moi l'élimination des lois, sans qu'elles soient remplacées par une réglementation gouvernementale. Comme on l'a dit plus tôt, la réglementation gouvernementale cause souvent des situations qui nuisent tout autant aux femmes. Je parle donc de la suppression des articles 210, 212 et 213.

+-

    Mme Libby Davies: Vous êtes donc en faveur de l'élimination de ces articles.

+-

    Mme Christine Bruckert: Absolument.

+-

    Mme Libby Davies: Et vous ne croyez pas qu'il faudrait les remplacer par autre chose.

+-

    Mme Christine Bruckert: Non, en effet.

+-

    Mme Libby Davies: Vous dites qu'il faudrait s'en tenir là.

+-

    Mme Christine Bruckert: Oui. Tant que les métiers du sexe seront stigmatisés, toute loi ou règlement adopté risquerait de nuire aux travailleuses du sexe, au lieu de leur venir en aide.

»  +-(1710)  

+-

    Mme Colette Parent: Certains secteurs d'une ville pourraient accepter cette pratique, comme pour tout autre métier. Il ne s'agirait pas d'un zonage qui limiterait les métiers du sexe à un seul quartier. Il s'agirait de zonage comme le zonage commercial ou résidentiel, qui permet les salons de coiffure en plus d'autres types de services, comme celui du sexe. Personnellement, cela me paraît raisonnable.

+-

    Mme Libby Davies: Avez-vous des exemples de lieux où cela a marché, où la décriminalisation n'a pas été suivie d'une réglementation et où le travail du sexe n'est pas réservé à un district? J'essaie d'éviter de parler de « quartier chaud » parce qu'il suscite trop de connotations qui font réagir les gens. Je pense qu'il faut envisager le débat autrement. Pouvez-vous nous citer des cas où ce que vous proposez existe actuellement?

+-

    Mme Colette Parent: Non.

+-

    Mme Christine Bruckert: Il y a le cas de la Hollande, cette grande expérience. D'après ce que nous disent les organisations de travailleurs du sexe, les choses s'aggravent, en fait, pour les Hollandaises.

    Cela ne s'est pas fait encore, mais le Canada pourrait être un pionnier.

+-

    Mme Libby Davies: Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Il nous reste 15 minutes. Nous pouvons donc donner la parole à M. Cadman pour trois minutes et il sera suivi de M. Marceau.

+-

    M. Chuck Cadman: J'aimerais obtenir un éclaircissement de Mme Bruckert. Vous avez dit que les études révèlent que les travailleurs du sexe sont des adultes plutôt que des jeunes. Voulez-vous parler du commerce du sexe en général ou uniquement des domaines que vous avez examinés?

+-

    Mme Christine Bruckert: Il est toujours difficile de trouver un échantillon représentatif, mais l'étude effectuée par John Lowman, par exemple, révèle clairement que la plupart des femmes sont déjà adultes lorsqu'elles commencent à travailler dans ce secteur, c'est-à-dire qu'elles ont plus de 18 ans.

+-

    M. Chuck Cadman: Cela comprend la prostitution de rue.

+-

    Mme Christine Bruckert: Cela comprend toutes les formes. Je suppose que l'on risque plus probablement de trouver des jeunes femmes qui se prostituent dans la rue pour survivre, car ce type de prostitution est facilement accessible et parce qu'elles ne doivent pas subir de contrôle. Les studios de massage n'embauchent pas de femmes de moins de 18 ans car ils ne veulent pas attirer l'attention. C'est donc dans la rue où se retrouvent ces jeunes. Je n'ai pas d'étude solide à cet effet. Les études effectuées par Deborah Brock révèlent également que la plupart des femmes sont adultes lorsqu'elles entrent dans le métier. À l'occasion, les médias donnent l'impression que toutes les prostituées sont des jeunes. C'est le cas si l'on définit un jeune comme ayant 21 ans, et parfois même 25 ans, comme on l'a fait à Toronto pendant un certain temps.

+-

    M. Chuck Cadman: Selon DRHC, une personne de 30 ans est jeune.

+-

    Mme Christine Bruckert: C'est une idée qui peut nous plaire à un moment donné au cours de notre vie.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Chuck Cadman: J'ai une autre petite question en ce qui concerne l'exploitation des jeunes. Si l'on se débarrassait des lois et qu'on décriminalise la prostitution, à votre avis le système qui est en place à l'heure actuelle serait-il adéquat pour faire face à l'exploitation des jeunes ou en fait des femmes adultes? Si nous assouplissions les règles sur la sollicitation, le Code criminel serait-il adéquat, ou serait-il nécessaire de l'étoffer afin de s'attaquer à ceux qui exploitent ces personnes?

+-

    Mme Christine Bruckert: Je crois comprendre qu'il y a suffisamment de lois dans le Code criminel pour réglementer tous les domaines négatifs. Il y a certainement des lois pour empêcher l'exploitation des enfants, l'exploitation sexuelle des enfants, l'agression sexuelle, l'agression physique, la fraude, et le harcèlement. Je songe au niveau de nocivité. Si une femme est dans la rue et qu'elle dérange le voisinage et nuit à l'ordre public, il y a des lois pour régler ce problème. Nous n'avons pas besoin de la loi sur la sollicitation.

+-

    M. Chuck Cadman: Le gouvernement aime bien parler des peines maximales. Je pense que nous avons peut-être du travail à faire pour que les tribunaux appliquent la peine maximale dans certains cas d'exploitation sexuelle.

    Je m'arrête là.

»  +-(1715)  

+-

    La présidente: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup. Merci aux témoins. Je suis désolé d'arriver en retard, moi aussi.

    Votre présentation m'a un peu surpris, en ce sens que vous prônez la décriminalisation sans toutefois recommander qu'une réglementation soit mise en vigueur; autrement dit, sans qu'un cadre législatif précis soit prévu à cet effet. Vous n'avez pas non plus réagi à l'argument de mon collègue Réal Ménard. Or, je ne connais pas vraiment de professions qui ne sont pas encadrées d'une façon ou d'une autre. En outre, il faut comprendre que le travail du sexe comporte de nombreux risques associés, qu'il s'agisse de violence, d'exploitation ou de problèmes de santé.

    Comment peut-on simplement décriminaliser sans prévoir un encadrement qui permettrait, par exemple, un suivi médical ou peut-être même une forme de zonage. Alors quoi? On retire cela du Code criminel et on laisse aller? C'est ce que vous nous dites?

+-

    Mme Colette Parent: Ce qui compte, pour nous, c'est qu'on n'adopte pas des règlements qui fassent des travailleuses du sexe des citoyennes de seconde zone. Or, jusqu'à maintenant, c'est à cela qu'ont mené toutes les tentatives de réglementation.

    Vous avez parlé de violence et vous avez aussi abordé la question de l'encadrement. On peut envisager que cela soit pris en charge par des associations et que ce soit appliqué dans le cadre d'un métier, par exemple. Cependant, il ne faudrait pas que ce soit une réglementation étatique qui vienne de l'extérieur et qui soit imposée aux femmes. Elles deviendraient alors entièrement des citoyennes de seconde zone.

    Il reste que, de façon générale, elles ne souscrivent pas à ce genre de tentative de contrôle, et on peut très bien comprendre pourquoi. Il faut essayer de voir comment ces activités pourraient être structurées en tant que travail.

+-

    M. Richard Marceau: Je vais poser une question qui est dénuée de blâme; je suis un néophyte dans ce domaine. En affirmant qu'elles ne devraient être soumises à aucune réglementation, n'en faites-vous pas justement des citoyennes de seconde zone? Les autres métiers et professions, qu'il s'agisse de professeurs ou de travailleurs de la construction--au Québec, ces derniers ont besoin d'une carte de compétences--sont réglementés. J'en connais très peu qui ne font pas l'objet d'une certaine réglementation. Or, prétendre qu'elles seraient incapables de gérer cette situation n'équivaut-il pas à dire qu'elles sont, par nature, inférieures aux autres?

+-

    Mme Colette Parent: Non, on parle ici de deux dimensions tout à fait différentes. Jusqu'à maintenant, les règlements portaient sur le zonage et confinaient les travailleuses du sexe à certains secteurs de la ville; ils les obligeaient à travailler dans des endroits précis ou pendant un nombre d'heures défini. Ces règlements faisaient d'elles, littéralement et objectivement, des citoyennes de seconde zone.

    En nous opposant à la réglementation, c'est à cela que nous réagissons, et non à la capacité d'apporter une certaine structure à ce travail.

+-

    M. Richard Marceau: Des heures de travail, tout le monde en a.

+-

    Mme Colette Parent: On parle ici de 12 heures sans pouvoir quitter les lieux.

[Traduction]

+-

    La présidente: M. Mark veut poser une question.

+-

    M. Inky Mark: Si vous croyez que les travailleuses du sexe font partie de la société, est-ce que la société devrait encourager ou non cette profession? Quel est le rôle de la société?

+-

    Mme Christine Bruckert: Si c'est un emploi, alors il ne s'agit pas d'encourager ce métier plus qu'on encourage le métier de serveur ou de serveuse. À ce moment-ci, on ne peut pas penser qu'en éliminant les lois on va en même temps éliminer les stigmates du métier. Je pense cependant qu'à mesure que notre société reconnaîtra progressivement qu'il s'agit-là d'un lieu de travail, la question de promouvoir ou non le métier ne se posera plus.

»  -(1720)  

+-

    La présidente: Monsieur Marceau, outre la question émoustillante concernant la façon de définir la compétence dans ce métier, je crois que vous vouliez poser une question.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Oui, et ce sera peut-être la dernière, madame la présidente, parce qu'on pourrait débattre de cette question pendant des heures.

    Un chauffeur de camion a un horaire à respecter. Un entrepreneur qui veut établir un commerce dans une ville doit pour sa part respecter les règlements de zonage. Or, je ne comprends pas que, tout en parlant de faire de ce travail une profession comme les autres, ce qui me semble être l'objectif premier de votre intervention, à moins que j'aie mal compris, vous vous opposiez à l'idée qu'elle soit réglementée. Cela va à l'encontre même de ce que vous dites vouloir, c'est-à-dire faire de ce job un travail comme les autres.

+-

    Mme Colette Parent: Vous parlez d'heures à respecter. Bien sûr, quand il y a des heures d'affaires en cause, il faut les respecter. Pour ma part, je n'ai pas d'horaire à respecter dans le cadre de mon travail: je peux travailler le samedi, le dimanche, le soir et la nuit, si je le veux.

+-

    M. Richard Marceau: Mais vos heures supplémentaires ne vous sont pas payées.

+-

    Mme Colette Parent: Vous avez tout à fait raison. Cela dit, mon horaire n'est pas soumis à une exigence de mon poste. Il va de soi qu'on ne veuille pas que les camionneurs travaillent pendant plus qu'un certain nombre d'heures sur la route, de peur qu'ils s'endorment et causent une catastrophe. En revanche, on ne contrôle pas nécessairement l'horaire d'une coiffeuse et la quantité d'heures consécutives pendant lesquelles elle peut travailler. Au cours d'une semaine, cette dernière peut très bien, si elle le désire, travailler pendant 40 heures. Elle peut aussi organiser son travail d'une autre façon.

    Pour ce qui est d'envisager une réglementation, l'idée est de pouvoir s'appuyer sur des associations professionnelles. Or, jusqu'à maintenant, ce genre d'association ne peut pas exister puisque ces pratiques ne sont pas légales. Un contrôle étatique implique qu'il n'est pas lié aux professionnels du domaine, alors que pour la plupart des professions que nous connaissons, les associations professionnelles, par exemple, sont menées par les personnes qui constituent le milieu.

[Traduction]

-

    La présidente: Merci.

    Nous devons aller voter.

    La séance est levée.