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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 081
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 31 mars 2003
1105 |
INITIATIVES PARLEMENTAIRES |
La Loi de l'impôt sur le revenu |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
Le président suppléant (M. Bélair) |
Mme Wendy Lill |
1110 |
1115 |
1120 |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
Mme Wendy Lill |
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.) |
Mme Wendy Lill |
1125 |
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne) |
1130 |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
1135 |
1140 |
Le président suppléant (M. Bélair) |
Mme Pauline Picard |
Le président suppléant (M. Bélair) |
1145 |
M. Bryon Wilfert (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.) |
1150 |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
1155 |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
1200 |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
1205 |
Le président suppléant (M. Bélair) |
Initiatives ministérielles |
Le Code criminel |
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.) |
Le président suppléant (M. Bélair) |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne) |
1210 |
1215 |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
1220 |
1225 |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
1230 |
1235 |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne) |
1240 |
Le vice-président |
Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
1245 |
1250 |
1255 |
1300 |
1310 |
1315 |
1320 |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
1325 |
1335 |
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
1340 |
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne) |
Mme Judy Wasylycia-Leis |
1345 |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC) |
1350 |
1355 |
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS |
Le Mois de la sensibilisation à l'épilepsie |
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
Les relations canado-américaines |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
1400 |
Les maladies du foie |
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.) |
Rémon Lecavalier |
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.) |
Les Grands Prix du tourisme de l'Outaouais |
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.) |
La Saskatchewan |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
Les anciens combattants |
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
1405 |
Les aidants naturels |
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ) |
Les Championnats du monde de patinage artistique |
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.) |
L'Irak |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne) |
Terre-Neuve-et-Labrador |
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.) |
1410 |
Le Nouveau Parti démocratique |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
Gilbert Corniglion |
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ) |
Les soins de santé |
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.) |
L'Agence des douanes et du revenu du Canada |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
Le registre des armes à feu |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne) |
1415 |
QUESTIONS ORALES |
L'Irak |
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.) |
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne) |
1420 |
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ) |
1425 |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
Le Président |
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
La santé |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC) |
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.) |
Le Président |
L'Irak |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC) |
1430 |
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.) |
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.) |
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) |
1435 |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
La citoyenneté et l'immigration |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
L'hon. Denis Coderre (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.) |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
L'hon. Denis Coderre (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.) |
Les Forces canadiennes |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.) |
Les relations canado-américaines |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.) |
1440 |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.) |
L'Organisation mondiale du commerce |
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.) |
L'industrie du transport aérien |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
Les relations canado-américaines |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD) |
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.) |
L'industrie du transport aérien |
M. Gerald Keddy (South Shore, PC) |
1445 |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
L'agriculture |
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC) |
Le Président |
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) |
La santé |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.) |
Le Président |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne) |
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.) |
Le bilinguisme |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ) |
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.) |
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ) |
1450 |
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.) |
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne) |
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.) |
Le Président |
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne) |
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.) |
Les affaires étrangères |
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.) |
L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.) |
Air Canada |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
1455 |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.) |
Le bilinguisme |
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ) |
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.) |
Les affaires étrangères |
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.) |
L'hon. Denis Paradis (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique) (Francophonie), Lib.) |
Le programme de contrôle des armes à feu |
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne) |
L'hon. Wayne Easter (solliciteur général du Canada, Lib.) |
L'agriculture |
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ) |
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.) |
1500 |
Le directeur général des élections |
Le Président |
Le rapport annuel du Tribunal canadien des droits de la personne |
Le Président |
AFFAIRES COURANTES |
Réponse du gouvernement à des pétitions |
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Le Code criminel |
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) |
Adoption des motions; première lecture et impression du projet de loi |
M. Paul Szabo |
Le Président |
Pétitions |
L'Irak |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
1505 |
L'immigration |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
Le Collège de la Protection civile du Canada |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne) |
Les marbres du Parthénon |
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.) |
Les personnes handicapées |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
La pornographie juvénile |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne) |
Les personnes handicapées |
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ) |
La recherche sur les cellules souches |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Le Proche-Orient |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
1510 |
Les personnes handicapées |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
Question au Feuilleton |
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Questions transformées en ordres de dépôt de documents |
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.) |
Le Président |
M. Geoff Regan |
Le Président |
Demande de débat d'urgence |
Le syndrome respiratoire aigu sévère |
Le Président |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC) |
Décision de la présidence |
Le Président |
INITIATIVES MINISTÉRIELLES |
Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels |
Le Président |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC) |
1515 |
1520 |
1525 |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. Peter MacKay |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
M. Peter MacKay |
1530 |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne) |
M. Peter MacKay |
1535 |
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne) |
1540 |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
1545 |
1550 |
Le président suppléant (M. Bélair) |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne) |
1555 |
M. Gerry Ritz |
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne) |
M. Gerry Ritz |
1600 |
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne) |
1605 |
1610 |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. Jim Gouk |
M. Paul Szabo |
M. Jim Gouk |
1615 |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
1620 |
1625 |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. Ken Epp |
1630 |
M. Paul Szabo |
M. Ken Epp |
Le président suppléant (M. Bélair) |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
1635 |
1640 |
1645 |
1650 |
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne) |
1655 |
M. Paul Szabo |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
M. Paul Szabo |
1700 |
M. Ken Epp |
M. Paul Szabo |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne) |
1705 |
1710 |
1715 |
1720 |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
1725 |
M. Jay Hill |
1730 |
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne) |
M. Jay Hill |
1735 |
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne) |
1740 |
1745 |
1750 |
Mme Judy Sgro (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.) |
1755 |
Le vice-président |
M. Bob Mills |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne) |
M. Bob Mills |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
1800 |
M. Bob Mills |
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne) |
M. Bob Mills |
M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne) |
1805 |
1810 |
1815 |
1820 |
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.) |
M. Ted White |
1825 |
M. Paul Szabo |
Le vice-président |
MOTION D'AJOURNEMENT |
L'industrie automobile |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
1830 |
M. Serge Marcil (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.) |
Le vice-président |
M. Brian Masse |
1835 |
Le vice-président |
M. Serge Marcil |
Le vice-président |
CANADA
Débats de la Chambre des communes |
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COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)
Le lundi 31 mars 2003
Présidence de l'honorable Peter Milliken
La séance est ouverte à 11 heures.
Prière
INITIATIVES PARLEMENTAIRES
[Initiatives parlementaires]
* * *
[Traduction]
La Loi de l'impôt sur le revenu
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) propose:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait célébrer et favoriser la diversité et le caractère exceptionnel de la culture canadienne en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu de façon à exempter les artistes créateurs et les artistes interprètes du paiement de l’impôt sur un pourcentage du revenu qu’ils tirent de droits d’auteur, de droits connexes et/ou de la vente d’œuvres de création. |
Le président suppléant (M. Bélair): Aujourd'hui, la Chambre débat la première mesure d'initiative parlementaire assujettie aux nouvelles dispositions provisoires du Règlement. Je rappelle donc aux députés que le temps sera réparti comme suit: a) une période maximale de 15 minutes au député qui parraine la mesure, suivie d'une période de 5 minutes pour les questions et les observations; b) une période 10 minutes à tout autre député qui interviendra.
Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, je suis honorée d'être la première à participer à la nouvelle procédure parlementaire concernant les motions d'initiative parlementaire. J'imagine qu'on peut dire que j'entre aujourd'hui dans l'histoire parce que je suis la première personne sur la liste.
Je suis ravie de proposer la motion no 293 qui se lit comme suit:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait célébrer et favoriser la diversité et le caractère exceptionnel de la culture canadienne en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu de façon à exempter les artistes créateurs et les artistes interprètes du paiement de l’impôt sur un pourcentage du revenu qu’ils tirent de droits d’auteur, de droits connexes et/ou de la vente d’œuvres de création. |
J'ai pris connaissance de l'amendement que proposera la députée de Québec et je l'accueille favorablement.
Au cours de la dernière législature, mon collègue Nelson Riis a présenté une motion semblable exhortant le gouvernement à consentir aux artistes une exonération fiscale générale de 30 000 $. Cette motion a été rejetée, principalement à cause de l'argument suivant invoqué par le secrétaire parlementaire du ministre des Finances de l'époque:
Il n'est pas clair que les artistes, les auteurs ou les interprètes aient des besoins supérieurs à ceux d'autres particuliers touchant des revenus comparables. ... Sur le plan de l'équité, il serait donc très difficile de justifier l'attribution d'une exonération fiscale spéciale à un particulier en invoquant simplement le fait qu'il s'adonne à des activités artistiques. Cela pousserait aussi d'autres groupes qui estiment aussi avoir droit à un statut spécial à demander un traitement similaire. |
Malheureusement, comme les règles qui régissaient le débat à l'époque ne m'autorisaient pas à réfuter cet argument, je m'arrête un instant sur le statut spécial que réclament les artistes et sur ce qui expliquerait son caractère inéquitable, ainsi que sur les arguments défendus alors selon lesquels il est difficile de définir le statut d'un artiste.
Quant à la façon de déterminer qui est un artiste, la motion que j'ai présentée aujourd'hui donne une bien meilleure idée de la fraction du revenu qui serait admissible à l'allégement de l'impôt sur le revenu et quelle fraction serait limitée précisément au revenu provenant directement de la vente d'oeuvres de création. Cette mesure aiderait à définir quelle part du revenu pourrait donner droit à une exemption artistique et à définir exactement ce qu'est un artiste et ce qui l'amène sur le marché; en outre, elle établirait que, lorsqu'une oeuvre d'art est vendue, elle génère un revenu admissible en vertu de cette motion.
Pour ce qui est du coût de cette mesure pour le Trésor, la motion demande qu'une partie seulement du revenu soit déductible, la proportion étant fixée par le ministre des Finances. Cela dit, nous savons que, peu importe la proportion établie, cette mesure n'entraînera pas une perte importante pour le Trésor fédéral, car le revenu annuel moyen des artistes de notre pays se situe autour de 13 000 $.
Quels sont les précédents pour ce genre d'exemption? On peut d'abord citer l'Irlande, qui accorde une exemption absolue de l'impôt sur le revenu aux créateurs. Le coût total de cette mesure pour le Trésor irlandais est inférieur à 10 p. 100 des dépenses consacrées au Conseil des Arts du Canada, soit un total de moins de 14 millions de dollars ou encore, moins de 50 cents par Canadien.
Le Québec accorde aussi une déduction d'impôt pouvant atteindre 15 000 $ sur le revenu provenant de droits d'auteur; cela semble donner d'excellents résultats dans cette province car cette mesure a permis à l'art de s'épanouir et de progresser au Québec.
Je voudrais réfuter quelques autres idées fausses véhiculées au sujet de l'appui à nos artistes en général. Il y a quelque temps, j'ai entendu une autre députée à la Chambre proclamer qu'elle ne croyait pas qu'il soit nécessaire d'accorder un appui particulier aux artistes, étant donné que certaines personnalités et artistes comme Céline Dion et Shania Twain ont tellement bien réussi sur la scène internationale, et qu'elle ne voyait donc pas pourquoi il faudrait appuyer nos artistes.
Malheureusement, ce genre de mentalité repose sur une idée fausse, à savoir qu'on peut juger tous les artistes du Canada en fonction de la réussite commerciale sur le marché international. Une telle mentalité donne à penser que ceux qui créent à l'extérieur du courant dominant, ce qui signifie un moindre succès commercial, sont en quelque sorte moins créateurs. En pensant ainsi, on considère l'art comme une marchandise devant être jugée uniquement d'après sa valeur marchande.
Tout en voulant apporter des changement à la Loi de l'impôt sur le revenu, la motion n'a pourtant rien à voir avec le revenu des artistes, chose étrange puisque ces derniers ne gagnent pas beaucoup d'argent. À mon avis, c'est plutôt de reconnaissance et de respect envers le travail de création au Canada dont il est question, de reconnaissance et de respect aux termes d'une des lois principales du pays, la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'argument relatif au statut spécial invoqué précédemment par le secrétaire parlementaire ne tient pas pour de nombreuses raisons. Malheureusement, l'actuelle Loi de l'impôt sur le revenu foisonnent de statuts spéciaux accordés à diverses catégories de contribuables, surtout les mieux fortunés. Elle prévoit des exemptions spéciales pour les fiducies familiales afin de permettre aux familles riches de soustraire à l'impôt des revenus importants destinés à leurs enfants. Elle autorise les entrepreneurs à déduire des dépenses liées à la conduite de leurs affaires. Elle autorise de soustraire à l'impôt les gains découlant du jeu à la bourse ou de certains investissements. En revanche, lorsque les artistes demandent des allégements fiscaux, le gouvernement refuse prétextant que le ministère des Finances considère que ce serait leur accorder un statut spécial comme si on n'en avait jamais entendu parler. En fait, l'art et la culture au Canada revêtent un caractère spécial. L'art et la culture sont quelque chose de spécial dans la vie d'une pays.
Son Excellence John Ralston Saul, un des auteurs et philosophes les plus respectés au Canada, a beaucoup parlé de la culture et de sa place au Canada. Depuis quelques décennies la culture est présentée comme un accessoire marginal quelconque de la société, a-t-il affirmé en 1999. L'histoire nous enseigne que c'est absurde. La culture existe en tant qu'élément clé de la société sans quoi on ne peut parler de culture. Elle est le moteur de toute société épanouie.
Avant de devenir députée, il y a six ans, je gagnais ma vie comme auteure dramatique et cinéaste. Un grand nombre de mes amis sont encore des artistes, des acteurs, des sculpteurs, des auteurs dramatiques, des metteurs en scène et des peintres. La plupart d'entre eux continuent de se débrouiller tant bien que mal pour gagner leur vie sans la moindre sécurité financière et sans vraiment d'autre option puisqu'ils sont poussés par le désir de créer, par le désir de s'exprimer. Ils pensent qu'ils ont des choses à dire, qu'ils peuvent faire rire les gens, les faire pleurer, les émouvoir ou les amener à changer leur ligne de conduite, à se révolter contre les injustices, à se battre en faveur d'une société plus humaine, contre la guerre, contre le terrorisme, à approfondir leur cheminement spirituel, à renforcer leurs liens avec leurs proches et la collectivité, de même que leur sens des responsabilités au sein de la société. En un mot, ils croient, à tort ou à raison, bêtement ou non, que grâce à l'infime contribution de leur création, ils peuvent avoir un impact, positif ou négatif, sur la condition humaine.
Dans ce pâle espoir, ils travaillent laborieusement dans le domaine de la culture, gagnant en moyenne environ 13 000 $ par année. Ils font d'énormes sacrifices pour avoir le statut spécial d'artistes. Les personnes qui décident de devenir des créateurs n'ont souvent d'autre choix que celui de vivre dans la pauvreté. Être un artiste dans ce pays signifie se concentrer sur la création tout en se demandant avec quoi on va payer son loyer et acheter sa nourriture. Cela veut dire se battre pour se concentrer sur l'art tout en se débattant pour payer les factures en retard et essayer de pratiquer un art alors que le coût des outils est parfois trop cher. Cela veut dire essayer de garder allumée l'étincelle de créativité, poursuivre un travail de création sur plusieurs années tout en exerçant d'autres emplois pour payer les factures. Cela veut souvent dire renoncer à fonder une famille et à avoir des enfants. Cela entraîne souvent une perturbation de la vie de couple ou de la vie de famille quand il faut aller loin pour exercer son travail d'artiste, de réalisateur ou de comédien.
Nous sommes énormément plus riches grâce aux sacrifices consentis par les artistes dans notre pays. Celui-ci serait dans un état bien pire sans cette bande d'intrépides créateurs qui commentent sa progression, racontent son histoire, l'éclairent dans ses périodes sombres et lui donnent la force de faire face à un avenir incertain.
C'est pourquoi je profite de toutes les occasions à la Chambre pour parler de la création et de la culture: il importe d'accorder autant d'importance à la culture qu'à l'argent.
Je compte que, dans quelques mois, nous adopterons cette motion pour accorder aux créateurs une exemption d'impôt limitée sur le revenu qu'ils tirent directement de la vente de leurs oeuvres.
Au cours des débats précédents sur cette question à la Chambre, d'aucuns ont qualifié de suffisant le soutien organisationnel mis en oeuvre par les gouvernements successifs et ont conclu que les artistes n'avaient pas besoin d'aide individuelle supplémentaire. Des gens présentent des budgets pour le Conseil des Arts du Canada, la SRC, le Musée des beaux-arts, l'ONF et Téléfilm Canada. Ils utilisent des chiffres récents qui ne montrent pas que l'aide à la culture en général a été radicalement réduite depuis le milieu des années 90. Et, surtout, ces fonds ne reconnaissent pas la contribution individuelle des créateurs. Ils servent habituellement à soutenir davantage les industries culturelles amorphes.
La motion propose de se servir du régime fiscal pour récompenser les créateurs. C'est une manière fortement symbolique de leur dire que notre culture, notre société, apprécient leurs efforts solitaires, leur esprit créateur. Mais nous devrions aussi comprendre qui finance réellement nos succès collectifs dans le secteur culturel. En 1982, le Canada a fait faire une étude de notre secteur culturel, dont est issu le rapport Applebaum-Hébert. L'une de ses conclusions générales est que la principale subvention à la vie culturelle du Canada vient non pas du gouvernement, d'entreprises ou d'autres mécènes, mais des artistes eux-mêmes et prend la forme de leur travail non rénuméré ou sous rémunéré.
Il semble que les choses aient empiré. En décembre dernier, il y a quatre mois, le Conseil des ressources humaines du secteur culturel publiait son plus récent rapport, intitulé Le reflet de notre avenir. J'aimerais en lire un paragraphe de ce rapport qui porte sur les tendances dans le secteur culturel.
En dépit d'une croissance générale dans le secteur, le revenu annuel des artistes visuels, qui est extrêmement faible pour commencer, ne cesse de diminuer. Entre 1990 et 1995, les artisans canadiens ont connu une diminution de 21 p. 100 de leur revenu annuel moyen, qui est passé de 13 480 $ à 10 606 $. En 1995, les artistes visuels gagnaient en moyenne 12 600 $ par an, ce qui ne représente que 47,5 p. 100 du revenu annuel moyen de l'ensemble des travailleurs pour cette même année; les artisans, cette année-là, avaient gagné 10 600 $, soit 40 p. 100 de ce qu'avait gagné l'ensemble des travailleurs. |
Les choses empirent effectivement, et les succès dans le secteur ne sont pas dus à l'appui du gouvernement mais aux sacrifices des créateurs.
J'espère que les députés verront dans cette motion une mesure importante et constructive pour s'attaquer aux obstacles jetés sur le chemin de nos créateurs. J'espère qu'ils y verront une façon d'alléger un peu leur fardeau économique, de leur permettre peut-être de se concentrer davantage sur leur art, d'écrire un livre ou une pièce en un an au lieu de trois ou quatre. Ce serait une aide financière minime mais qui, symboliquement, leur donnerait un grand coup de pouce car ce serait reconnaître leur importance pour notre pays.
En adoptant cette motion, nous dirions collectivement que ce que font les créateurs est spécial pour nous. Nous reconnaîtrions leur contribution. Nous leur dirions que nous les remercions, que nous avons besoin d'eux, que nous ne pouvons pas exister sans eux.
Je remercie les députés de m'avoir écoutée aujourd'hui et j'attends avec impatience le débat qui aura lieu au cours des mois à venir sur ce sujet très important, sur cette très importante façon de reconnaître les artistes de notre pays.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai le grand plaisir de participer à cette nouvelle version de l'étude des initiatives parlementaires, qui nous permet d'interroger le parrain de la motion à l'étude.
Je me reporte au discours prononcé par la députée le 20 février dernier, dans lequel elle parlait notamment de la protection des enfants. J'aimerais reprendre certaines de ses paroles. Elle a affirmé que nous ne devions pas utiliser le Code criminel pour faire la censure de l'art, mais elle a également poursuivi en disant:
Je crains que le chef de police de Toronto n'ait critiqué publiquement le gouvernement et ne se soit servi de la pornographie juvénile pour obtenir plus de fonds fédéraux. |
Le paragraphe suivant me semble encore plus important:
Cela n'augure pas très bien pour la liberté artistique si la police croit pouvoir obtenir plus de fonds en déposant un plus grand nombre d'accusations de pornographie juvénile. |
La députée demande qu'on accorde un allégement fiscal aux artistes et que le principe du mérite artistique soit appliqué aux producteurs de pornographie juvénile. Il convient donc de se demander si c'est là une conséquence involontaire de son projet de loi ou si elle croit réellement que le mérite artistique devrait être maintenu et que les producteurs de pornographie juvénile devraient réellement obtenir un allégement fiscal? C'est vraiment incroyable.
Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, je maintiendrai toujours qu'il est important de préserver le principe du mérite artistique. J'attends avec impatience la tenue de ce débat à la Chambre et en comité. De plus, les commentaires formulés par le député ne s'appliquent pas réellement à ce débat.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question à la députée. Puisque nous avons travaillé ensemble au Comité du patrimoine qui, au cours de la 35e législature, je crois, a étudié le projet de loi C-32 portant sur le droit d'auteur, elle connaît mes idées et mes convictions en ce qui a trait à la nécessité d'aider les artistes. J'ai présenté quatre amendements à ce projet de loi, en vue de l'infléchir de façon notable en faveur des créateurs. Je lui rappelle cela en guise de prélude à ma question.
Selon moi, la civilisation repose sur deux piliers de première importance: les arts et les sciences. Dans ces deux domaines de l'activité humaine, le créateur jouit d'une protection semblable. Comme la députée l'a mentionné, il existe des mécanismes juridiques qui protègent le droit exclusif d'exploiter l'oeuvre des artistes, qu'il s'agisse du droit d'auteur comme tel ou des droits connexes et ainsi de suite. Il en va de même dans le domaine des sciences, où les inventeurs et les innovateurs peuvent obtenir des brevets protégeant leur propriété intellectuelle.
Comment peut-on décider, dans les circonstances, que l'un mérite d'être exonéré d'impôt, mais pas l'autre?
Mme Wendy Lill: Monsieur le Président, le député pose une question intéressante, dont traite d'ailleurs cette motion, si je ne m'abuse, soit l'idée de reconnaître le revenu tiré d'un travail protégé par le droit d'auteur, d'une pièce théâtre ou d'une oeuvre d'art, par exemple. Ces choses sont le produit de l'imagination du créateur. Bien qu'il existe de nombreux autres moyens de reconnaître le statut d'artiste, c'est celui que les comptables et les employés du ministère des Finances semblent le mieux comprendre ou le mieux admettre.
On peut appuyer la création de bien des façons. Notre gouvernement fait du très bon travail sous ce rapport auprès d'institutions créatives telles que le Conseil des Arts du Canada, la Société Radio-Canada et Téléfilm Canada. Ce sont là des véhicules importants, mais il faut aussi chercher des moyens d'aider les créateurs individuels, par l'entremise de mesures législatives sur le droit d'auteur et de motions telles que celle-ci, qui reconnaît le droit d'auteur et les sommes qui s'y rattachent. Ce sont là d'autres façons d'appuyer les créateurs canadiens.
M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la motion no 293. J'avoue être en sympathie avec la motion d'initiative privée présentée par la députée de Darmouth. Je pense moi aussi qu'il conviendrait de réduire le fardeau fiscal des contribuables, de réduire les impôts d'un grand nombre de Canadiens et de familles qui travaillent durement. Je partage également l'avis de la députée lorsqu'elle préconise la protection des droits d'auteur et des brevets. Nous sommes d'accord là-dessus. La propriété intellectuelle est un aspect important de la propriété et doit être reconnue. Il faut protéger les personnes qui ont des idées et qui souhaitent les partager. Nous sommes d'accord avec ce principe bien qu'il soit à l'origine de problèmes dans certains secteurs, notamment les écoles qui veulent photocopier du matériel et qui ont des difficultés à cet égard.
Je dirais que, de façon générale, les Canadiens, et pas que les artistes canadiens, sont surimposés. Tous les Canadiens sont surimposés. Si on leur posait la question, ils en conviendraient certainement.
Cette situation s'explique par le fait, entre autres, que le gouvernement libéral a considérablement augmenté les dépenses au cours des quelques dernières années. En fait, pour les exercices 2001-2002 à 2004-2005, les dépenses passent de 125 à 150 milliards de dollars. Et je ne parle que du programme des dépenses directes et indirectes. Si l'on ajoute à cela les intérêts à payer, en tant que société, sur les dépenses excessives des 30 dernières années, le montant passe aux environ de 190 milliards de dollars.
Ce seul coût en intérêts me chagrine énormément. En fait, il touche les familles canadiennes, et notamment les artistes canadiens, car 21 cents de chaque dollar qu'ils versent à l'État sont consacrés au service de la dette. Ça n'est pas acceptable. C'est de l'argent que nous aurions dans nos poches pour dépenser à notre gré si nous le pouvions, et les deux derniers gouvernements n'ont pas commis les erreurs qui sont à l'origine de la situation.
Je me souviens que lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir, en 1993, la dette nationale atteignait le montant affolant de 508 milliards de dollars, mais elle a grimpé jusqu'à 583 milliards avant que la population canadienne et d'autres dans le monde commencent à craindre que certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, le Mexique et même le Canada, ne fassent faillite. Moody's et d'autres institutions avaient réduit notre cote de crédit. Le gouvernement a finalement compris, vers 1995-1996, qu'il fallait faire quelque chose. Qu'a-t-il fait? Il a effectivement réduit les dépenses pendant quelques années, mais comment s'y est-il pris? En réduisant les transferts aux provinces. Ce secteur a été la principale cible des compressions, une cible facile, 9 p. 100 dans sa propre cour...
M. Mauril Bélanger: Après avoir réduit nos propres dépenses.
M. Charlie Penson: Le député d'Ottawa--Vanier dit que ces réductions sont survenues après que le gouvernement fédéral a réduit ses propres dépenses. Voyons un peu cela. Il a réduit ses dépenses de 9 p. 100, mais coupé les transferts aux provinces de 20 p. 100. C'était une cible facile et, bien entendu, les provinces, qui doivent fournir des services municipaux, ont dû, elles aussi, procéder à des compressions.
Il faut d'abord se demander pourquoi le Canada dépense autant d'argent provenant de la poche des contribuables. Quel besoin avons-nous de tous ces impôts? En fait, le gouvernement ne peut maîtriser son penchant pour les dépenses. Comme je le disais, les dépenses vont augmenter de 25 milliards au cours des trois prochaines années seulement. Pendant les deux années qui ont précédé 2001-2001, sous l'ancien ministre des Finances, le député de LaSalle—Émard, les dépenses ont augmenté de 6 à 7 p. 100 par année. Quel besoin avait-il de tout cet argent? La croissance démographique et le taux d'inflation étaient d'environ 2 p. 100 par année. Or, ce gouvernement, qui engage facilement des dépenses, les a accrues de 6 p. 100 par année.
Pourquoi l'État dépense-t-il autant? C'est sans doute en raison des nombreuses subventions accordées aux entreprises, notamment l'industrie aéronautique. Le secteur de l'aérospatiale, et notamment les sociétés Pratt & Whitney, Général électrique, Bombardier et certaines des plus grandes entreprises du monde, reçoivent des centaines de millions, voire des milliards de dollars en subventions.
Aussi, lorsque la députée parle des artistes, je présume qu'elle demande pour eux le même genre de traitement que celui dont bénéficient certaines de nos grandes entreprises.
Les députés de l'Alliance canadienne rejettent cette proposition. Premièrement, nous ne croyons pas que l'entreprise privée devrait recevoir ce genre de subvention, car cela explique toutes les taxes et tous les impôts que nous payons. Comme le gouvernement dépense sans compter, il a besoin de percevoir énormément d'impôts.
Au lieu de verser des subventions aux entreprises privées, pourquoi ne pas laisser l'argent entre les mains des Canadiens? Nous serions alors en mesure de décider comment le dépenser. Si nous voulions l'investir dans Pratt & Whitney ou encore dans Bombardier, deux entreprises cotées en bourse, nous pourrions le faire. Qu'on laisse cet argent dans les poches des contribuables, qu'on réduise les taxes et les impôts de l'ensemble des Canadiens, et non seulement de certains segments, comme les artistes, même s'ils font partie, j'en conviens, des gens qui profiteraient d'une réduction des dépenses.
Je reconnais que la proposition à l'étude aujourd'hui est meilleure que ce que nous suggèrent en général les députés, eux qui ont l'habitude de réclamer des subventions pour certains secteurs. Au lieu de réclamer des subventions, nous devrions exiger des allégements fiscaux. C'est ce que fait justement la députée de Dartmouth. Je reconnais le bien-fondé de sa proposition, mais je n'en limiterais pas l'application à un seul segment de la population.
Nous devons examiner la situation des familles canadiennes. Nous devons analyser la situation aux États-Unis, chez les Américains à qui nous livrons concurrence tous les jours afin de vendre nos produits et de préserver nos emplois.
Je reviens justement d'une visite à Kitchener-Waterloo. Dans ce coin de l'Ontario, 9 milliards de dollars de biens sont exportés principalement vers les États-Unis. Ces biens entrent en concurrence avec d'autres produits provenant de pays étrangers. Il faut aussi être compétitifs sur le plan fiscal. Dans la plus récente mesure fiscale que George Bush a présentée, et qui est actuellement à l'étude au Sénat américain, il propose de ne pas faire payer d'impôt fédéral à toute famille de quatre touchant un revenu de 40 000 $ ou moins par année.
Que vit, au Canada, une famille dans les mêmes circonstances? Elle commence à payer des impôts dès qu'elle touche un revenu de 14 000 $. Cela fait donc une différence de 26 000 $. Il ne faut donc pas s'étonner que les artistes et les travailleurs canadiens s'inquiètent du niveau d'imposition au Canada. Des 30 pays membres de l'OCDE, c'est au Canada que le taux d'impôt sur le revenu des particuliers est le plus élevé.
D'autres groupes se prononceront et diront que nous payons trop d'impôts. Je suis d'accord avec eux, nous en payons trop. Nous devons faire valoir cet argument au nom de tous les Canadiens, et non seulement au nom de ceux d'entre nous qui appartiennent à un secteur spécial.
Je vais examiner un peu plus longuement le niveau où cela commence. Au niveau fédéral, les exemptions personnelles de base commencent à partir d'environ 9 000 $. Au-delà de ce montant, les particuliers commencer à payer l'impôt fédéral. Est-ce que cela a du bon sens? Je ne le crois pas. Il faut relever ces niveaux. Pour permettre de relever les exemptions personnelles de base, nous devons avoir un gouvernement qui soit déterminé à réduire les dépenses et à les établir par ordre de priorité. Nous devons mettre un frein aux dépenses inutiles, comme celles dont nous avons été témoins lorsque le gouvernement a gaspillé un milliard de dollars pour un programme de DRHC qui a permis de réinstaller une usine de croustilles Hostess d'un endroit, en Ontario, à 30 milles plus loin, dans la circonscription d'un autre député. Cela n'avait pas de bon sens.
Il y a d'autres secteurs où les contrats de publicité du gouvernement ont fait gaspiller beaucoup plus d'argent. Le registre des armes à feu en est à son deuxième milliard de dollars. Cela n'a pas de bon sens. La vérificatrice générale a signalé une foule de dépenses inutiles.
Nous devons réduire une partie de ces dépenses inutiles. Mettons de l'ordre dans nos priorités. Nous devrions laisser de l'argent dans les poches des contribuables et les laisser décider de la façon dont ils le dépenseront. Ils feront des choix plus judicieux que le gouvernement actuel.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je remercie mon collègue du gouvernement pour m'avoir cédé sa place.
Le Bloc québécois est heureux d'intervenir aujourd'hui sur la motion M-293 qui vise à améliorer les conditions de vie des artistes et des créateurs. Je souhaite remercier la députée de Dartmouth pour avoir soumis cette question devant la Chambre. Bien sûr, nous appuyons cette motion.
Au Québec, une loi semblable existe déjà. Je crois que nous toutes et tous ici, reconnaissons la part inestimable que représente le travail des créateurs et des artistes québécois et canadiens. Si des artistes et des créateurs arrivent à percer sur les marchés internationaux, c'est qu'une reconnaissance leur est déjà acquise ici. Le secteur de la main-d'oeuvre qui croît le plus rapidement ici, est celui de la main-d'oeuvre culturelle.
Nous connaissons tous des moments magiques lorsque nous voyons, entendons ou participons à des activités culturelles: une chanson, une oeuvre musicale, une pièce de théâtre, un concert, la participation à un salon du livre, une rencontre avec une auteure ou un auteur, nous révèlent des dimensions de nous que nous ignorions.
Chacun de nous se rappelle au moins un spectacle du Cirque du Soleil, la lecture d'un livre de Marie Laberge ou de Neil Bissoondath. Pensons à tous les créateurs québécois impliqués dans la création du spectacle de Céline Dion, «Live» à Las Vegas, dont le spectaculaire fera école, et à Drummondville, dans ma région, la présentation des Légendes fantastiques qui fascine.
En 1999, le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien intitulé «Appartenances et identité» stipulait et je cite:
Du point de vue du comité, il est tout aussi important d'investir dans les arts que dans les sciences sociales ou humaines, dans les sciences pures ou dans la médecine. Le comité est également au courant des engagements à long terme pris à l'égard des chercheurs et des boursiers financés par les organismes du gouvernement fédéral et aimerait que le gouvernement fédéral s'engage de la même façon envers les artistes canadiens [...] Le comité estime que l'appui aux créateurs devrait être substantiellement accru. |
Nous appuyons la demande d'une aide accrue aux artistes et créateurs et la motion M-293 nous fournit l'occasion de démontrer cet appui. La motion vise à permettre aux artistes recevant des droits d'auteur, des droits connexes et/ou de la vente d'oeuvres de création, qui sont une minorité, à bénéficier d'une réduction d'impôt selon un pourcentage. Les créateurs prennent les plus grands risques et ne sont pas rémunérés pour le temps consacré à la recherche et à l'élaboration d'un projet, mais seulement sur la diffusion du produit final.
Que sont les droits voisins? Les droits voisins protègent les artistes-interprètes tels que les acteurs, les chanteurs et autres, les producteurs de disques et les radiodiffuseurs. Bien qu'ils ressemblent aux droit d'auteur, ils en sont distincts. En gros, le droit d'auteur protège le compositeur d'une chanson alors que les droits voisins protègent l'interprète de cette chanson. Un artiste-interprète de la musique peut produire une oeuvre voisine que l'on appelle une prestation d'artiste. Il arrive que parfois, les droits voisins sont garantis par une entente contractuelle.
Beaucoup d'artistes sont des travailleurs autonomes. Le travail autonome dans le milieu artistique comporte certains avantages pour la création, mais de nombreux désavantages quant à la rémunération puisque de nombreux artistes vivent avec des revenus se situant sous le seuil de la pauvreté. Ce ne sont pas les dépenses déductibles au moment de la déclaration de revenus qui améliorent la situation, puisque si les revenus sont insuffisants, avoir le droit à des déductions ne mène à rien de concret. Non seulement leurs revenus sont très bas, mais ils peuvent fluctuer grandement d'une année à l'autre.
Le gouvernement fédéral, en annonçant dans son dernier budget la réduction du Fonds canadien de télévision, le FCT, de 25 millions de dollars pour les deux prochaines années, n'aide pas la cause des artistes et des créateurs.
J'ose avancer que les artisanes et artisans passent leur vie à se débattre de crise financière en crise financière, à moins de connaître ou d'avoir connu un très grand succès dans un domaine particulier.
La persévérance de nos créateurs a permis au public du Québec, du Canada et de l'international de découvrir les talents d'ici.
Au Québec, les articles de la Loi de l'impôt sur le revenu touchant les aspects de la motion M-293 sont les articles 80, 128, 59 et 68. Évidemment, l'Union des artistes du Québec est intervenue à plusieurs reprises pour demander cet allègement sur les droits d'auteur. La Conférence canadienne des arts, la CCA, réclame elle aussi des allègements fiscaux touchant les droits d'auteur.
Les produits culturels sont très intensifs en main-d'oeuvre. Beaucoup d'artistes vivent sous le seuil de la pauvreté, et le découragement pourrait gagner certains d'entre eux et nous priver d'oeuvres importantes.
Dans sa proposition budgétaire soumise au Comité permanent des finances en septembre 2002, la CCA recommande l'introduction d'une exemption annuelle d'impôt sur le revenu sur les redevances des droits d'auteur seulement, comme c'est le cas au Québec actuellement. Cela a d'ailleurs déjà été proposé par un projet de loi d'initiative parlementaire déposé il y a quelques années.
Au Québec, les artistes et les créateurs avaient droit, au départ, à une exemption annuelle d'impôt sur les redevances de droits d'auteur selon une échelle progressive allant jusqu'à 30 000 $. La limite a maintenant été portée à 60 000 $.
La recommandation no 3 se lit comme suit:
Que le gouvernement du Canada songe sérieusement à appuyer les créateurs et les artistes professionnels canadiens qui sont à la base de toutes les institutions et industries culturelles du pays en accordant une exemption d’impôt sur les redevances de droits d’auteur jusqu’à concurrence de 60 000$. |
D'autres pays ont pris des mesures dans ce sens. L'Irlande représente un cas unique d'allègements fiscaux puisque les impôts n'y existent pratiquement pas. Cependant, selon nos informations, certains pays permettent l'étalement des revenus sur les années subséquentes, tels que l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Grèce, la France, le Royaume-Uni et le Luxembourg. L'Australie permet aux artistes aux revenus instables de les étaler sur cinq ans.
Comme les artistes et créateurs contribuent grandement à notre ouverture et à notre qualité de vie, le Bloc québécois appuie la motion M-293 présentée par la députée de Dartmouth et souhaite que tous les collègues de cette Chambre reconnaissent, en appuyant elles et eux aussi cette motion, l'apport exceptionnel des créatrices et des créateurs d'ici à la vie culturelle.
Je propose, conformément à l'article 93(3) du Règlement provisoire relatif aux affaires émanant des députés:
Que la motion soit modifiée par suppression, après le mot «culture» du mot «canadienne». |
Je suis appuyée dans ce sens par le député de Matapédia—Matane.
Le président suppléant (M. Bélair): Avant de déclarer l'amendement recevable, je dois vous demander si vous avez le consentement de la personne qui a proposé la motion, l'honorable députée de Dartmouth, pour agir ainsi.
Mme Pauline Picard: Oui, monsieur le Président.
Le président suppléant (M. Bélair): Je déclare l'amendement recevable.
[Traduction]
M. Bryon Wilfert (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais dire tout d'abord que nous n'appuierons sûrement pas l'amendement tendant à supprimer l'adjectif «canadienne».
Comme on l'a dit, le soutien et l'encouragement de la création de produits culturels canadiens sont d'importants éléments de la politique du gouvernement. La motion dont nous sommes saisis propose de réduire le taux d'imposition des artistes créateurs et interprètes pour le revenu tiré de leurs oeuvres, comme les redevances, le produit de la vente d'oeuvres de création et les droits connexes.
Il y a lieu de féliciter la députée pour son initiative d'appui à la communauté artistique. De ce côté-ci de la Chambre, nous l'appuyons tous. Le soutien de notre communauté aussi remarquable que diverse d'artistes est essentiel au maintien de l'identité du Canada, à titre de nation. Il est absolument vital de posséder les outils nécessaires pour sauvegarder notre propre culture et raconter nos propres histoires.
Le gouvernement dépense déjà des ressources considérables pour que nos artistes et nos industries culturelles demeurent dynamiques et prospères, surtout comme nous abordons le nouveau millénaire. Cet important appui est assuré par l'entremise d'un certain nombre d'organisations et d'institutions qui illustrent notre engagement envers l'excellence dans les arts.
Je voudrais profiter de l'occasion pour mettre en évidence quelques institutions, programmes et politiques établis pour aider les artistes, les écrivains et les interprètes canadiens à poursuivre dans la voie qu'ils ont choisie.
Par exemple, le gouvernement offre une aide financière aux écrivains et aux autres artistes par l'entremise du Conseil des arts du Canada, qui attribue des subventions, des prix et d'autres formes d'aide à la promotion des arts, ainsi que des bourses d'études en sciences humaines et sociales. En 2001-2002, le Conseil a accordé près de 6 300 subventions totalisant 137 millions de dollars, à titre d'appui direct aux artistes et aux organisations artistiques du Canada.
Notre Office national du film s'est fait une réputation mondiale de qualité. L'Office est voué à la production et à la distribution de films et d'oeuvres audiovisuelles et multimédia qui reflètent le Canada pour les Canadiens et le reste du monde. Pendant plus de soixante ans, l'Office a joué un rôle vital dans l'industrie canadienne et internationale du film.
Le ministère du Patrimoine canadien offre également un certain nombre d'importants programmes, dont le Programme d'initiatives culturelles, qui facilite la participation d'artistes de toutes les régions du Canada à plus de 150 festivals et manifestations artistiques nationaux et internationaux. Le ministère a en outre un Programme national de formation dans le secteur des arts, qui aide les établissements nationaux à préparer des jeunes pour des carrières artistiques.
En ce qui concerne le régime fiscal, je dois noter qu'il comprend aussi un certain nombre de dispositions avantageuses pour le secteur culturel canadien.
À titre d'exemple, les artistes peuvent déduire les coûts de la création d'une oeuvre d'art dans l'année au cours de laquelle ils les engagent, plutôt qu'au moment de la vente de l'oeuvre. De plus, les artistes et musiciens employés peuvent déduire certaines dépenses de leur revenu d'emploi, déductions qui ne sont pas offertes aux autres employés.
Au nombre des autre dispositions fiscales importantes favorisant la culture canadienne, on trouve le crédit d'impôt à la production canadienne de films et de vidéos, y compris le coût des services offerts par des scénaristes. En 2001-2002, ce crédit s'est traduit par un soutien direct de 145 millions de dollars dont ont bénéficié les producteurs canadiens de films et d'émissions de télévision. Il y a aussi la radiation comptable échelonnée dans le cas d'oeuvres d'art canadienne achetées par des entreprises, ainsi que l'exonération de l'impôt sur les gains en capital pour les biens culturels transférés à des musées.
En ce qui concerne la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui, je tiens à féliciter de nouveau le député de Dartmouth de chercher à soutenir davantage notre collectivité culturelle. Toutefois, permettre à des particuliers comme les artistes de bénéficier d'une exemption fiscale pour revenu gagné ne semble pas le moyen le plus efficace d'atteindre ce résultat.
Comme je l'ai dit, le régime fiscal tient compte de bon nombre de façons de la situation propre aux artistes et aux musiciens. Grâce aux dispositions spéciales en vigueur, ces particuliers ne sont pas pénalisés par diverses situations propres à leur profession, comme la nécessité d'entretenir des instruments de musique précieux ou la difficulté d'évaluer des pièces d'art données par un artiste.
Sauf dans ces cas particuliers, déjà reconnus par le régime de fiscalité, cependant, il n'est pas clair que les artistes, dont les auteurs, aient des besoins supérieurs à ceux d'autres particuliers touchant des revenus comparables. Dans toute la mesure du possible, le régime fiscal devrait traiter tous les particuliers d'une même façon dans des circonstances similaires. Sur le plan de l'équité, il serait donc très difficile de justifier l'attribution d'une exonération fiscale spéciale à un particulier en invoquant simplement le fait qu'il s'adonne à des activités artistiques. Cela pourrait aussi amener d'autres groupes qui estiment aussi avoir droit à un statut spécial à demander un traitement similaire.
S'agissant d'allégement fiscal, j'estime que la voie adoptée par le gouvernement concernant un allégement fiscal général durable est la bonne. Le plan quinquennal de réduction des impôts, adopté par le gouvernement, assure un allégement fiscal réel et important à tous les particuliers, peu importe la carrière qu'ils ont choisie. Les réductions d'impôt favorisent particulièrement les familles à revenu modéré et moyen avec enfants. Le plan prévoit un stimulant économique d'environ 17 milliards de dollars en 2001 et de 20 milliards de dollars en 2002. Les écrivains canadiens et d'autres contribuables bénéficieront de ces réductions fiscales historiques.
En conclusion, j'estime que la motion, aussi bien intentionnée qu'elle puisse être, ne devrait pas être appuyée par la Chambre.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole après le secrétaire parlementaire, qui vient de nous donner un petit historique des réductions d'impôt. Par contre, il a omis l'historique des augmentations d'impôt que les libéraux nous ont réservées ces dix dernières années et qui nous ont plongés dans le pétrin, puisque nous sommes le pays le plus imposé du monde. Il y a eu bien plus d'augmentations que de réductions. Il faut aussi tenir compte des cotisations à l'assurance-emploi que nous avons payées pendant ces années, et qui sont à la fois exorbitantes et injustifiées.
Toutefois, je suis très heureux de parler de la motion nº 293, qui propose des avantages fiscaux pour les artistes au Canada. C'est une motion très valable. Elle a été présentée sous une forme semblable en 2000. Elle rappelle le principe fondamental très valable de la motion, auquel la Chambre a eu une fois de plus l'occasion de réfléchir.
Je viens de l'Atlantique et plus précisément de la Nouvelle-Écosse, l'une des régions dont la culture est la plus diversifiée au Canada. Nous sommes attachés à notre tradition d'excellence dans les arts. Il y a des possibilités économiques pour tous les Canadiens s'ils reconnaissent et exploitent le potentiel des arts et de la culture. Il vaut la peine de reconnaître les réussites, mais nous devons faire beaucoup plus pour aider les artistes à leurs débuts.
La motion est admirable, car la députée souhaite aider les artistes, mais il y a des difficultés dans le concept même et dans son éventuelle application. Permettez-moi de signaler une ou deux des difficultés propres à la motion.
Je ne connais pas la solution, mais la motion est ambiguë pour ce qui est de l'admissibilité et de l'interprétation du terme «artiste». Cela peut-il se définir? Est-il possible de bien défendre cette définition? Peut-on dire exactement qui est ou n'est pas un artiste et qui est admissible? Comment le gouvernement définirait-il qui est un artiste? Il y aurait seulement les peintres, les sculpteurs et les musiciens? Que dire de ceux qui prétendent que leur travail est de l'art alors que personne d'autre ne partage leur avis? Qui doit prendre cette décision et comment peut-il la prendre?
On doit se demander pourquoi les artistes qui tirent le diable par la queue devraient être plus avantagés que les autres membres de la société dans une situation semblable. Pourquoi ne pas accorder un allégement fiscal aux mécaniciens qui, comme Ted Embrie, permettent aux artistes sans le sou de garder leur vieille voiture bien au-delà de sa durée de vie normale pour qu'ils puissent aller vendre leurs tableaux à une exposition à des centaines de kilomètres de chez eux? Ted est lui aussi un artiste. Non seulement il a la formation, mais il a un don pour ce genre de réparations. À mon avis, c'est un art.
Et le plombier sans le sou qui aide le mécanicien sans le sou? Et le journaliste comme Darrel Cole qui, tout comme un écrivain qui se considère comme un artiste, gagne sa vie en écrivant? Et les peintres d'enseignes comme Bus Dobson? C'est véritablement un artiste. Bien qu'il peigne des enseignes, c'est un artiste dans tous les sens du terme qui a un talent incroyable.
De nouveau, j'aimerais réitérer ma position, à savoir que cette motion reconnaît qu'il y a un problème et qu'il devrait être réglé. Les artistes passent par des hauts et des bas. Ils peuvent ne pas toucher la moindre rénumération pendant des années puis un jour recevoir une somme globale en reconnaissance de leurs contributions au fil des ans. Toutefois, beaucoup d'autres métiers et professions connaissent ce même problème et j'en ai moi-même fait l'expérience.
On estime à environ 13 000 $ le revenu moyen d'un artiste au Canada. Le problème signalé par la députée pourrait être réglé, d'une manière beaucoup plus générale, en haussant sensiblement l'exemption personnelle de base pour tous les Canadiens, éliminant ainsi la question de l'admissibilité.
Le groupe de travail progressiste-conservateur, qui a fait rapport en janvier 2000, a recommandé que l'exemption personnelle de base soit portée à 12 000 $. Cela aiderait beaucoup puisque le revenu moyen des artistes est de 13 000 $. Cela dit, nous devrions progressivement augmenter encore davantage l'exemption personnelle de base. C'est une question qui reviendra sur le tapis dans les jours à venir.
La députée reconnaît que les allégements fiscaux peuvent jouer un rôle très important en aidant les artistes à suivre la voie qu'ils ont choisie dans le domaine de la culture et des arts, ce qui les encourage à rester au Canada. C'est important car cela prouve qu'elle reconnaît à quel point il est important de diminuer les impôts de tous les Canadiens pour qu'ils puissent choisir de rester au Canada et d'y prospérer, quels que soient leur carrière ou leur choix de vie. Que ce soit dans les entreprises-point com, dans le commerce électronique, dans la biotechnologie ou dans les secteurs traditionnels, les Canadiens peuvent et devraient avoir un avenir assuré au Canada.
La députée semble reconnaître clairement que la politique fiscale joue un rôle important pour ce qui est d'encourager ou de décourager la poursuite de certaines activités. Dans ce sens, elle est sans doute de mon avis pour dire que nous devrions continuer d'être vigilants afin d'assurer que tous les Canadiens ne paient pas d'impôts excessivement élevés par rapport aux contribuables d'autres pays qui exercent des métiers, des professions ou des arts semblables aux leurs.
Qu'ils souhaitent faire carrière dans les arts, dans la nouvelle économie ou dans l'économie traditionnelle, les Canadiens devraient se sentir libres de le faire ici même, au Canada. Je suis certain que la députée estime comme moi que des réductions générales d'impôts s'imposent, puisqu'elle a dit d'entrée de jeu que des réductions d'impôts encourageraient les gens, dans le cas qui nous occupe, les artistes, à poursuivre et à maintenir un certain niveau d'activités.
La question des gains en capital doit aussi être abordée. Actuellement, les dons à des fondations ou à des institutions caritatives de titres cotés, ou de titres négociables, sont imposables. Qu'il s'agisse des dons faits à un hôpital, à une université, à un fonds de dotation ou à une activité culturelle, les gains en capital réalisés par le truchement de ce type de don sont imposables. Les dons de titres cotés sont soumis au taux d'inclusion des gains en capital. Aux États-Unis, les dons de titres cotés ne sont pas assujettis à l'impôt sur le capital.
Au fil des ans, cet impôt a desservi de façon importante les universités, les hôpitaux et la communauté artistique au Canada. Il a en quelque sorte découragé les Canadiens les plus riches de donner des titres cotés à des fondations culturelles ou à des fondations en santé dans les universités.
Dans de nombreux rapports prébudgétaires et budgétaires et divers rapports de comités, les progressistes-conservateurs ont toujours recommandé l'élimination de l'impôt sur les gains en capital frappant les dons de titres cotés en bourse. Cela encouragerait grandement les personnes bien nanties et celles aux revenus relativement modestes qui ont peut-être obtenu de bons résultats de leurs investissements dans des actions ces dernières années à améliorer le contexte des activités culturelles au Canada. Ce serait une autre façon de résoudre les problèmes soulevées par la députée.
Je n'appuie pas nécessairement le moyen que la députée a choisi pour créer un meilleur contexte pour la diversité culturelle et artistique, mais je puis lui donner l'assurance que le Parti progressiste-conservateur reste déterminé à travailler avec les autres partis à la Chambre afin d'atteindre cet objectif. Nous devons chercher de meilleures façons de soutenir et d'encourager les arts ainsi que tous les types de projets de création, qu'ils concernent les arts graphiques, l'univers des cyberentreprises, la peinture, la danse ou même la dramaturgie.
Une des choses qui nous définit à titre de Canadiens, c'est notre dynamisme culturel unique d'un océan à l'autre; aussi, avec un soutien et un encouragement adéquats, nous pouvons faire en sorte que notre dynamisme et notre diversité culturels, qui s'expriment sous les nombreuses formes de création artistique enrichissant le Canada actuel, restent solidement établis pour les années à venir.
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir dire quelques mots sur la motion proposée par la députée de Dartmouth. Il s'agit ici d'exempter les écrivains du paiement de l’impôt sur un pourcentage du revenu qu’ils tirent de la vente d’oeuvres de création.
Je respecte l'enthousiasme dont fait preuve la députée dans la défense des auteurs canadiens d'ouvrages de fiction, mais je répète que l'exemption proposée ne serait pas juste pour les autres contribuables, qui sont imposés sur l'intégralité de leur revenu. Le gouvernement aurait du mal à expliquer aux autres Canadiens pourquoi les artistes créateurs et les artistes interprètes devraient payer moins d’impôt que les autres contribuables à revenu équivalent.
L'exemption fiscale proposée par la députée amènerait d'autres groupes, tels les athlètes ou les artistes de spectacle, à réclamer le même traitement. Il serait difficile pour le gouvernement de restreindre l'exemption aux seuls auteurs d'oeuvres de fiction. Et il serait coûteux pour les gouvernements fédéral et provinciaux d'étendre l'exemption à ces autres contribuables.
Par ailleurs, s'il est vrai que beaucoup d'écrivains à faible revenu ont du mal à vivre de leurs oeuvres, il n'est pas sûr que les artistes à revenu élevé aient besoin ni méritent que l'on réduise leur taux d'imposition. Or, l'exemption proposée s'appliquerait également à tous les artistes, quel que soit leur revenu.
Les députés le savent, le gouvernement aide déjà directement une multitude d'artistes. Le gouvernement n'offre pas uniquement le régime fiscal comme incitatif pour créer des produits culturels canadiens. Il existe un grand nombre d'organismes, d'établissements, de politiques et de programmes gouvernementaux qui viennent en aide aux artistes, auteurs et interprètes canadiens dans leur travail. Diverses catégories d'artistes, notamment les auteurs, reçoivent un appui indirect par des programmes visant des produits culturels précis plutôt que des catégories de professions.
Par exemple, le Conseil des Arts du Canada donne des subventions, des prix et des bourses. Je constate qu'il en est de même pour l'Office national du film. Le Fonds canadien de télévision et Téléfilm Canada offrent aussi des programmes qui viennent en aide directement aux auteurs. Le programme d'initiatives culturelles aide les artistes à entreprendre des activités artistiques et patrimoniales visant à assurer une plus grande diffusion des oeuvres et à faciliter l'échange d'artistes et de réalisations artistiques au Canada. Le programme national de formation dans le secteur des arts vient en aide aux établissements canadiens indépendants, sans but lucratif, qui se spécialisent dans la formation des Canadiens et des Canadiennes qui envisagent une carrière artistique professionnelle.
Le régime fiscal vient déjà en aide aux artistes, dont une partie qui appuie indirectement la création d'oeuvres littéraires. La motion dont nous sommes saisis aujourd'hui ne serait pas l'outil le plus efficace pour atteindre ce résultat. Rien n'indique que les auteurs d'ouvrages de fiction ont des besoins supérieurs à d'autres contribuables à revenu équivalent.
Le régime fiscal devrait traiter les Canadiens de façon juste. Pour cette raison, il serait difficile de défendre une exemption fiscale particulière pour des contribuables du seul fait qu'ils évoluent dans le domaine artistique. Il serait également difficile de justifier une distinction en matière de politique quant aux artistes créateurs et interprètes qui devraient être admissibles et aux oeuvres qui ne devraient pas être assujetties à l'impôt. Il est certain que d'autres groupes demanderaient au gouvernement un traitement spécial semblable.
La bonne approche en la matière est de traiter tous les Canadiens de façon juste. L'allégement fiscal d'application générale prévu par le gouvernement et énoncé dans le budget de 2003 constitue la bonne approche. Le plan de réduction des impôts sur cinq ans du gouvernement consent à tous les contribuables canadiens un allégement fiscal véritable et significatif.
À mon avis, le gouvernement ne devrait pas appuyer la motion présentée par l'honorable députée.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le Président, je tiens à exprimer mon appui à la députée de Dartmouth et à la motion dont elle a saisi la Chambre aujourd'hui. Je la remercie du travail sans relâche qu'elle accomplit dans le domaine des arts, au profit des créateurs de ce pays.
Je suis déçu de certains propos émis par des députés d'autres partis. On semble éprouver une certaine réticence à accorder à cette idée l'importance que nous voudrions qu'on lui reconnaisse. Je pense que quelques-uns des députés qui se sont exprimés sur le sujet jusqu'à présent ne comprennent pas ce qui est proposé. Il y en a qui en profitent pour soulever des points qui n'ont absolument rien à voir avec le sujet, et d'autres qui manifestent une vision assez étroite de la question soulevée par la députée de Dartmouth et qui ont du mal à reconnaître l'importance des arts et de la culture dans notre société.
Ma collègue a souligné le fait que nous vivons au sein de la civilisation la plus riche et la plus puissante au monde. Or, au Canada, nous ne portons pas suffisamment de respect à la contribution apportée à notre société par les artistes et tous les créateurs.
D'aucuns ont avancé que d'autres organismes ou requérants valables demanderaient à leur tour des avantages comparables au plan fiscal. C'est faire peu de cas de la contribution unique apportée par les artistes au tissu culturel de notre société, et c'est ce qui m'amène à trouver mal inspirés les arguments opposés par les autres partis. J'aurais souhaité une plus grande largeur de vues.
La députée de Dartmouth a donné l'exemple de l'Irlande, où l'on se passionne pour les arts et la culture et attache une grande valeur à ces choses. Ce pays a jugé bon d'exonérer d'impôt la première tranche de 15 000 $ des redevances de droits d'auteur. L'incidence de cette mesure sur l'économie ou les revenus s'établit à 14 millions de dollars canadiens par année, une somme dérisoire en Irlande.
Nous trouvons qu'une reconnaissance semblable accordée aux créateurs serait fort importante pour ces derniers, mais qu'elle aurait des conséquences financières vraiment négligeables pour le Canada, au vu de sa capacité à générer des recettes. Nous nous dirigeons encore une fois vers un excédent budgétaire. Nous allons avoir un excédent de 100 milliards de dollars que le gouvernement a décidé d'atténuer en accordant des réductions d'impôts, sauf que dans sa hâte à réduire les impôts, ce même gouvernement a omis de prendre en considération la contribution importante apportée par les artistes et les créateurs.
J'aimerais voir la motion recevoir un appui plus vaste dans cette Chambre.
Le président suppléant (M. Bélair): La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.
Initiatives ministérielles
[Initiatives ministérielles]
* * *
[Français]
Le Code criminel
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 mars, de la motion: Que le projet de loi C-20, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, étant donné que les porte-parole de tous les partis représentés ici à la Chambre ont longuement débattu du projet de loi C-20:
[Traduction]
Je propose:
Que la motion soit maintenant mise aux voix. |
[Français]
Le président suppléant (M. Bélair): Je déclare la motion recevable.
[Traduction]
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, essayez d'imaginer comment vous vous sentiriez si vous étiez le parent, le proche ou le voisin d'un enfant victime d'un dépravé qui tente de satisfaire un désir sexuel. Songez à la colère, à la tristesse et à la frustration que causeraient les dommages physiques et émotionnels que subirait l'enfant. Imaginez ensuite la consternation et l'impuissance qu'on ressentirait en apprenant que le coupable ne sera pas traduit en justice parce que la police est incapable de réunir suffisamment de ressources pour enquêter comme il convient sur ce crime odieux.
En tant que mère de deux enfants, je peux dire que je ne voudrais jamais vivre cette expérience. Or, bien des parents doivent affronter cette réalité.
Des déviants sexuels surveillent nos enfants et, dans bien des cas, la police est impuissante et ne peut les traduire en justice. Malheureusement, les infractions sexuelles commises sur des enfants existent depuis plus longtemps que nous pouvons l'imaginer. La commercialisation des agressions sexuelles aggrave le problème. Le tourisme sexuel est une industrie florissante dans certains pays, et la prostitution, le proxénétisme et la pornographie sont des fléaux rentables dans le monde entier.
Le projet de loi C-20 traite de plusieurs réformes du droit pénal concernant la protection des enfants. Cependant, je voudrais me concentrer aujourd'hui sur trois aspects du projet de loi que je trouve particulièrement faibles: la pornographie juvénile et l'âge du consentement à des relations sexuelles, questions qui sont liées à l'exploitation sexuelle, et les peines inefficaces.
En juillet dernier, le gouvernement a mis en oeuvre de nouvelles lois pour enrayer le problème croissant posé par l'utilisation de la technologie, notamment l'Internet, pour faciliter l'exploitation sexuelle. Il y a tout lieu de l'en féliciter, mais, comme en témoigne ce projet de loi par son existence même, il reste encore beaucoup à faire.
Comme cela nous a été rappelé, le projet de loi élimine la notion de valeur artistique comme moyen de défense pour justifier la pornographie juvénile, qu'il s'agisse de textes ou de photographies, et la remplace par celle du bien public. Le ministre a eu la bonté d'expliquer cette notion diffuse dans l'un de ses discours antérieurs sur le projet de loi C-20. Je voudrais donner lecture d'un extrait de ce discours:
Le projet de loi C-20 propose de n'offrir qu'un seul moyen de défense, soit le bien public, et d'éliminer l'autre disposition touchant notamment la valeur artistique. Ce faisant, la disponibilité d'une défense serait assujettie à une analyse en deux étapes. Tout d'abord, le document ou l'action en question servent-ils le bien public? Dans la négative, il n'y a alors aucune défense. Ensuite, même si ce document ou cette action sert le bien public, cela va-t-il au-delà du bien public? Dans l'affirmative, il n'y a alors aucune défense possible. |
Les députés pourraient-ils me dire dans quel cas la pornographie juvénile servirait le bien public? Dans quelle situation le fait d'exploiter des fils, des filles, des nièces, des neveux ou tout autre enfant serait-il justifié? Je n'imagine pas une seule situation qui puisse être qualifiée autrement que d'exploitation sexuelle d'un enfant. C'est pourquoi je remets en question la décision du ministre de créer une échappatoire, aussi infime soit-elle, à l'intention des personnes qui s'en prennent à des enfants pour échapper à la loi.
Le gouvernement n'a pas rehaussé l'âge du consentement, mais, ce faisant, il a, là aussi, donné une marge de manoeuvre aux prédateurs sexuels. Au lieu d'augmenter l'âge du consentement à des activités sexuelles, pour mieux protéger nos jeunes adolescents, le projet de loi propose de créer une nouvelle catégorie d'exploitation sexuelle interdite, laquelle, au dire du ministre, sera axée sur l'exploitation commise. D'après lui, avec pareil système, on protégera non seulement les jeunes âgés de 14 et 15 ans, mais aussi ceux qui sont âgés de 16 et 17 ans. L'idée est admirable, mais elle serait bien plus efficace si elle était associée à un âge de consentement plus élevé, pour protéger les adolescents plus jeunes contre les prédateurs qui sont susceptibles d'invoquer le consentement comme moyen de défense justifiant leur méfait.
Le sergent-détective Paul Gillespie, employé de la section de l'exploitation des enfants de la division des crimes sexuels de la police de Toronto, m'a fait part de ses préoccupations au sujet du projet de loi C-20. Il a commencé par me parler du refus du gouvernement de hausser l'âge du consentement à des activités sexuelles. Selon lui, le projet de loi C-20 obligerait la police à examiner de plus près la nature de la relation en question et les circonstances qui entourent cette relation, notamment l'évolution de cette relation, la différence d'âge entre les parties et l'emprise et l'influence de la partie contrevenante sur l'adolescent.
Le sergent-détective Gillespie a dit ceci:
Je ne peux vraiment pas imaginer que nous puissions utiliser cette mesure. Il me semble que, ce faisant nous mêlerions l'intellect à la moralité, alors qu'il s'agit de l'exploitation d'enfants. Des propos comme «examiner l'évolution de la relation» me font frémir. |
Il doute aussi de l'utilisation efficace d'une telle loi. Il a dit:
D'abord, la police n'a pas les ressources qui lui permettraient d'enquêter adéquatement sur ce type de cas, et voilà qu'il lui incomberait d'«explorer» la nature d'une relation, ou de déterminer le degré de «confiance» dans cette relation. Comment sommes-nous censés nous y prendre pour faire cela? |
Les policiers de notre pays, les premiers saisis des cas d'exploitation d'enfants, reconnaissent que le gouvernement fait des efforts en vue de mieux protéger les enfants en mettant ce projet de loi de l'avant. Nous visons tous la protection des enfants. Toutefois, pour faire son travail plus efficacement, la police n'a pas besoin d'un ensemble de règles ouvertes à l'interprétation. Elle a besoin de clarté et elle a besoin de ressources.
Le sergent-détective Gillespie m'a proposé des mesures simples qui, selon lui, aideraient grandement la police à protéger efficacement nos enfants. Permettez-moi d'en faire part aux députés. J'invite les députés à écouter les propositions du sergent-détective Gillespie.
Premièrement, porter à 14 ans l'âge du consentement à des activités sexuelles.
Deuxièmement, supprimer la défense des auteurs de pornographie juvénile fondée sur la valeur artistique.
Troisièmement, ajouter à la liste des infractions primaires désignées toutes les infractions liées à la pornographie juvénile, pour les besoins de la banque de données sur l'ADN.
Quatrièmement, permettre la présentation à titre d'éléments de preuve d'échantillons du matériel saisi, comme c'est le cas pour les échantillons de drogues prélevés lors d'une importante saisie de drogues.
Cinquièmement, interdire la promotion de la pornographie juvénile.
Sixièmement, exiger des personnes accusées qu'elles révèlent le code ou le mot de passe des fichiers informatiques codés saisis par la police.
Septièmement, exiger des fournisseurs de services Internet qu'ils tiennent à jour des renseignements et des dossiers sur leurs clients pendant au moins 60 jours.
Huitièmement, permettre aux policiers d'obtenir des fournisseurs de services Internet les dossiers et les demandes de connexion de leurs clients au moyen d'un affidavit d'une page.
En septembre, le gouvernement a promis de faire de la protection des enfants une grande priorité. Nous nous trouvons toutefois dans la situation où les enquêteurs peuvent avoir accès aux noms de milliers de Canadiens soupçonnés d'activités liées à la pornographie juvénile, mais où ils doivent lutter pour mener des enquêtes satisfaisantes. Il y a trop d'obstacles et pas assez de ressources.
Même lorsque les autorités réussissent à amasser suffisamment de preuves pour justifier un verdict de culpabilité de la part du tribunal, les peines ne sont souvent guère plus qu'une tape sur le poignet et elles ne découragent certainement pas un fervent adepte de la pornographie juvénile.
On nous a dit que le projet de loi C-20 prévoit des peines plus sévères pour les infractions liées à des enfants. Malheureusement, les tribunaux ont toujours hésité à infliger les peines maximales prévues, ce qui rend cet argument discutable. En fait, les contrevenants purgent souvent leur peine dans la collectivité et non dans un pénitencier.
Selon les statistiques de novembre du Service correctionnel du Canada, près de 64 p. 100 des délinquants sexuels de sexe masculin incarcérés dans des établissements fédéraux avaient choisi comme victimes des jeunes d'âge prépubertaire ou des adolescents. Cette proportion passe à 70,7 p. 100 lorsqu'on tient compte du pourcentage de délinquants sexuels de sexe masculin qui purgent leur peine dans la collectivité.
Réfléchissez à cela: 637 délinquants sexuels qui ont choisi un enfant ou un jeune comme victime erraient dans nos rues pendant qu'ils purgeaient leur peine. Ce genre de peine n'est guère dissuasive, et si l'on n'élimine pas la libération conditionnelle et la mise en liberté d'office, des peines plus sévères ne seront d'aucune efficacité.
Nos enfants méritent un projet de loi valable, qui donnera aux policiers et aux procureurs de la Couronne les outils dont ils ont besoin pour mettre un terme aux activités des prédateurs d'enfants et pour traduire ces prédateurs devant les tribunaux.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, je suis ravi de m'adresser à la Chambre et aux Canadiens au sujet d'une question qui, malheureusement, retient l'attention du public depuis bon nombre d'années.
Le projet de loi C-20, la façon libérale de réagir à l'affaire John Robin Sharpe, a mis trop longtemps à voir le jour et, selon moi, ne va pas assez loin pour contrer la production inexcusable de pornographie juvénile.
D'entrée de jeu, je tiens à souligner que certains aspects de la mesure législative sont favorables et se révéleront nul doute avantageux après que le Comité de la justice en aura fait une analyse en profondeur. On peut dire, par exemple, que l'article 5 constitue une mesure positive, celui-ci modifiant le paragraphe 161(1) du Code criminel pour élargir la définition applicable aux contrevenants déclarés coupables ou absous selon les conditions prescrites dans une ordonnance de probation . En élargissant le nombre d'infractions prévues en vertu de cet article, le juge aura plus de latitude pour émettre une ordonnance d'interdiction, ce qui se traduira par la protection d'un plus grand nombre de victimes.
On peut aussi dire que les modifications apportées aux articles 151 et 152 sont positives dans la mesure où elles maintiennent un emprisonnement maximal de 10 ans dans le cas d'un acte criminel tout en augmentant la peine dans le cas d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, cette mesure ordonnant au tribunal d'imposer une période d'incarcération maximale de 18 mois.
Dans ce débat, la question fondamentale doit porter sur le tort causé aux personnes les plus vulnérables, de toute évidence, les enfants. En outre, nous devons songer au rôle du tribunal, dans l'optique de la politique judiciaire et de la suprématie du Parlement. Nous devons montrer comment cette nouvelle loi va éliminer la pornographie juvénile dans le contexte de la défense fondée sur la valeur artistique. Malheureusement pour les Canadiens, le projet de loi ne va pas assez loin et pourrait, encore une fois, faire l'objet d'interprétations judiciaires mettant nos enfants en danger. Il ne fait aucun doute qu'il y aura certainement des contestations judiciaires en vertu de la Constitution.
Refuser d'admettre à quel point la pornographie juvénile est fondamentalement préjudiciable met la société tout entière en danger. Personne ne préconise le retrait du marché de classiques sous prétexte qu'ils font la promotion d'un comportement sexuel mettant en cause des enfants. La Charte des droits et libertés garantit la liberté de pensée et d'expression. Toutefois, la question de savoir ce qui constitue une limite raisonnable est au coeur du présent débat.
Le paragraphe 7(1) du projet de loi C-20 modifie le paragraphe 163.1(1) du Code criminel pour inclure dans la définition de la pornographie juvénile tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d'une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans. Même s'il est louable d'ajouter une disposition claire pour définir de façon précise ce qui constitue de la pornographie juvénile, je pense qu'il faudrait simplifier la définition pour éliminer toute subjectivité prévisible.
La définition de la pornographie juvénile ne devrait pas être ouverte à l'interprétation dans son intention ou par tout autre moyen. Cela revient à dire que le processus de pensée qui a présidé à l'écriture ainsi que la question de savoir si l'oeuvre a été produite ou non dans un but sexuel ne devraient jouer aucun rôle. Avec une définition claire, l'appareil judiciaire est écarté de la nature publique-privée du débat. Pour remédier aux problèmes associés au paragraphe 163.1(6) du Code criminel, le paragraphe 7(2) du projet de loi remplace cette disposition par ce qui suit:
Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue au présent article si les actes qui constitueraient l'infraction ou si le matériel en cause qui comporterait de la pornographie juvénile ont pour effet de servir le bien public et n'ont pas outrepassé ce qui a servi celui-ci. |
Tout en comprenant l'intention du ministre, je crains que la manière dont cette disposition est présentée ne suffise pas pour empêcher l'odieuse création de matériel pornographique représentant des enfants. Le public, de concert avec les groupes de défense des enfants et les députés, a demandé au gouvernement de produire une mesure législative claire et concise, qui supprimerait complètement toute chance que des oeuvres de cette nature voient le jour.
Une fois de plus, le ministre a laissé la porte ouverte à l'interprétation par les tribunaux, fait qui porte atteinte à l'essence même de notre démocratie. L'intention du projet de loi est de protéger les enfants contre toutes les formes d'exploitation, y compris la pornographie juvénile, l'exploitation sexuelle, les abus et la négligence. Malheureusement, la définition du bien public ne peut qu'être vague et aucun niveau d'objectivité ne permettra à un tribunal de faire la distinction entre ce qui est pornographique et ce qui ne l'est pas. Une fois de plus, ce sera basé sur ce qui est acceptable pour un individu. De toute évidence, un argument fondé sur ce qui constitue le bien public prédominera, ce qui rendra nos enfants vulnérables.
Le ministre peut-il me dire pourquoi le gouvernement a mis tellement de temps à réagir et comment ses légions de juristes ont pu produire un autre projet de loi aussi manifestement insuffisant, qui suscitera davantage de questions qu'il n'apportera de réponses?
Le jugement qu'a rendu le juge Shaw dans l'affaire Sharpe a eu en général pour incidence d'atterrer et de choquer de nombreux Canadiens. C'est un simulacre de justice qu'un savant juge ouvre effectivement la voie aux pédophiles potentiels et aux personnes qui exploitent les jeunes, qui créent des images et des écrits de nature à vraiment miner les normes de la société. Des oeuvres de cette sorte sont inacceptables dans une société morale et juste.
On ne saurait nier qu'il existe une corrélation directe entre les fantasmes d'individus malades et le tort causé à des enfants. Pourquoi courir le risque de nuire à des enfants alors que la collectivité ne veut pas de ce genre de matériel?
En rendant son jugement dans l'affaire Sharpe, le juge Shaw a effectivement élargi l'interprétation de l'exemption ou de la défense fondée à l'heure actuelle sur la valeur artistique.
L'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ceux-ci «ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique». Il est juste de prétendre que ces limites sont fondées dans ce cas-ci, compte tenu du tort qui risque d'être causé à des enfants et de l'intention du Parlement de protéger les droits des plus vulnérables.
En termes clairs, je crois que la Cour suprême a eu tort d'interpréter favorablement le jugement Shaw.
Malheureusement, les juristes du ministre semblent avoir opposé les droits de l'individu à ceux de l'enfant, et il en résulte encore une fois une tentative médiocre de corriger ce que les Canadiens reconnaissent comme un grave problème.
Si les libéraux ne veulent pas protéger les droits des enfants et, partant, des familles, ils devraient à tout le moins prévoir dans le prochain budget un soutien financier pour les victimes de la criminalité.
Le Parti progressiste-conservateur a toujours appuyé les services de police, les groupes de défense des victimes et les défenseurs des enfants, qui manquent constamment de ressources. Je le répète, qu'y a-t-il de plus fondamental comme problème?
Nous savons que les victimes d'agressions sexuelles en ressentent parfois les effets leur vie durant. Dans bien des cas, les jeunes victimes ne parviennent jamais à surmonter l'angoisse psychologique et l'effet préjudiciable de l'agression. Il incombe certainement au Parlement de saisir toutes les occasions pour rendre notre société plus sûre et plus compatissante.
Il faut fournir aux victimes un meilleur soutien, leur accorder une voix plus forte et la possibilité de se faire réellement entendre par ceux qui décident au bout du compte si une personne doit être emprisonnée et libérée à la fin de sa peine. Ces observations vont directement au coeur de la question du respect envers les victimes et de leur dignité.
Il est clair que le gouvernement doit adopter une approche équitable. C'est pourquoi nous avons besoin d'un bureau de l'ombudsman des victimes. Nous avons prévu un budget afin que le commissaire du Service correctionnel du Canada se penche spécifiquement sur les préoccupations, parfois légitimes, des détenus fédéraux. Le gouvernement fédéral a établi un budget pour que les détenus, dont certains ont commis des crimes absolument odieux et ont fait de nombreuses victimes, aient un bureau où s'adresser s'ils se sentent lésés en prison. Les victimes, elles, sont pourtant très souvent laissées pour compte. Elles n'ont aucun comptoir, aucun bureau au Canada où se renseigner sur des choses aussi importantes que les audiences de libération conditionnelle ou les traitements possibles.
On a beau débattre du bien-fondé du projet de loi, se lancer dans une discussion philosophique sur le bien public, il est bien évident que cette mesure législative est loin de résoudre les problèmes associés au jugement Shaw. Le gouvernement doit faire mieux dans l'intérêt des enfants.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi C-20. Le titre de cette mesure législative qui parle en l'occurrence de la protection des enfants ne correspond pas à son contenu. Les intervenants qui m'on précédé en ont signalé les lacunes.
Les situations qui ont donné lieu à l'élaboration du projet de loi C-20 sur la protection des enfants ont suscité un énorme tollé dans ma circonscription. Avec la venue d'Internet et du fait que le monde devient plus accessible, on constate de plus en plus d'abus.
Mes électeurs sont préoccupés de voir que le Canada devient progressivement un refuge pour les individus pervertis du monde entier parce que nous n'intervenons pas pour protéger nos enfants.
Le public a largement souligné la nécessité d'une intervention approfondie et diligente afin d'adopter une mesure législative visant vraiment la protection des enfants canadiens. Malheureusement, ce projet de loi n'est pas à la hauteur de la tâche, certains éléments y faisant défaut.
Le gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé ont toujours utilisé un langage codé pour parler de telle ou telle de leurs priorités. Nous avons entendu ce genre de rengaine à maintes et maintes reprises.
Il suffit de se rappeler de 1989, époque où le gouvernement conservateur considérait la pauvreté juvénile comme une priorité. La pauvreté demeure présente et constitue une priorité pour le gouvernement libéral aussi. Mais, devinez quoi? La situation s'est détériorée au lieu de s'améliorer.
Quand on entend ce langage codé, entre autres le terme priorité, il y a lieu d'être aux aguets. Il y a fort à parier que quelqu'un quelque part sera laissé pour compte, comme le fait le projet de loi que nous examinons présentement.
Nous débattrons sans doute cet après-midi le projet de loi C-23, sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, qui accompagne le projet de loi C-20. Le gouvernement y présente les mêmes prétendues priorités et la même orientation, mais sans vraiment pallier les graves lacunes de la loi actuelle. Le projet de loi suscite des préoccupations surtout parce qu'il n'est pas rétroactif. Il ne permet pas de revenir en arrière et de poursuivre les auteurs des infractions, en l'occurrence des repris de justice qui récidiveront. Il ne permet pas d'inscrire rétroactivement ces contrevenants sur la liste parce que cela soulève des questions constitutionnelles et de protection de la vie privée, ce qui préoccupe le solliciteur général. Toutefois, cela va tout à fait à l'encontre de la protection des individus.
Les parents canadiens sont inquiets. Ils ont lu les articles où on dit que le Canada se transforme en refuge. Ils ont vu des affaires judiciaires qui n'ont pas été entendues, qui ont été ajournées ou rejetées. À cause de la façon dont elles sont rédigées, nos lois ne protègent pas nos enfants. Le projet de loi est censé remédier à certaines de leurs lacunes, mais il n'en fait rien.
On fait encore valoir, sous des termes différents, l'argument scandaleux qui attribue une valeur artistique à la pornographie juvénile. Reconnaissant que l'expression était mal trouvée, les libéraux l'ont remplacée par des termes vagues. Ils parlent maintenant de bien public. Comment la pornographie impliquant des enfants peut-elle servir le bien public?
Certains députés ont avancé des arguments. Mon homologue, le député de Palliser, a soutenu qu'il n'y avait pas de victime. C'est tout le contraire. Le dernier intervenant, le député de Cumberland--Colchester, a fait valoir, et je partage son opinion, qu'il y avait des séquelles psychologiques durables. Il y a donc véritablement une victime.
L'emploi d'expressions comme valeur artistique, bien public, ou quoi encore, crée une énorme échappatoire qui permet à ces délinquants de partout dans le monde de venir au Canada et de se présenter comme des artistes. Et la députée de Dartmouth parle maintenant de leur accorder un crédit d'impôt. C'est dire le ridicule de certains arguments qui sont avancés à ce sujet.
Les criminels de ce genre, les plus infâmes de tous, bénéficient d'une arrestation au sein de la communauté. Ils sont remis en liberté dans la communauté même où ils ont perpétré leurs crimes et où vivent leurs victimes. Il existe un cas semblable à l'heure actuelle à North Battleford. Un individu du nom de Gladue bénéficie d'une libération conditionnelle au sein même de la communauté. Dieu merci, la police, qui n'est censée divulguer aucun renseignement à son sujet afin de protéger sa vie privée, a tout de même informé la population du problème. L'individu est soumis aux règles habituelles, c'est-à-dire l'interdiction de s'approcher d'un parc ou de parler à des enfants, mais comment faire pour l'obliger à respecter ces règles, alors qu'il est remis en liberté là où on trouve des enfants à tous les coins de rue? Ils passent tout près des immeubles. Comment fait-on pour appliquer des règles semblables? C'est une anomalie que mes électeurs n'arrivent pas à comprendre. Cet individu bénéficie d'une libération d'office.
Durant son incarcération, il n'a suivi aucune psychanalyse, aucun programme qui démontrerait qu'il peut être libéré en toute sécurité pour la société; au contraire, toutes les données disent que ce n'est pas le cas. Ses chances de récidive sont de 80 à 90 p. 100. Il n'est rien d'autre qu'une bombe à retardement prête à éclater, mais il circule librement dans ma collectivité. Les policiers ont au moins reconnu qu'il était en liberté et ils ont demandé aux gens d'être prudents, avec raison d'ailleurs.
L'autre échappatoire dans ce projet de loi vient du fait qu'il ne modifie pas l'âge du consentement, lequel demeure fixé à 14 ans. Les Canadiens nous disent pourtant que leurs enfants reçoivent jusqu'à l'âge de 16 ans un chèque nommé crédit d'impôt pour enfants. Les jeunes sont donc considérés comme des enfants jusqu'à l'âge de 16 ans en vertu du régime fiscal, mais à 14 ans ils peuvent avoir des relations sexuelles. Il est tout à fait illogique que le gouvernement ne hausse pas l'âge du consentement à 16 ans et le projet de loi ne renferme aucune disposition à cet effet.
Je me souviens d'un jour où, durant la période des questions, mon collègue le député de Provencher, ancien procureur général du Manitoba, avait posé exactement cette question. Le secrétaire parlementaire s'est alors levé et a répondu que le gouvernement ne prendrait pas cette mesure parce que certains groupes culturels au Canada exigeaient que l'âge du consentement soit laissé à 14 ans. Peut-on croire que certains groupes culturels du Canada insistent pour que l'âge du consentement demeure fixé à 14 ans? C'est absolument ridicule. Voilà ce qu'est le Canada. Nous avons nos propres règles et règlements. Nous n'avons pas besoin qu'un groupe culturel nous dicte ce que doit être l'âge du consentement. C'est totalement ridicule. Ce projet de loi ne renferme rien à cet égard.
Je sais que le député de Provencher et celui de Crowfoot, notre porte-parole en matière de justice, proposeront des amendements à ce projet de loi. Nous savons que les chances que ces amendements soient adoptés sont pratiquement nulles, mais nous devons essayer. Les gens les demandent.
Les associations de police se trouvaient sur la colline, la semaine dernière, à l'occasion de la journée du lobby. Le gouvernement a claironné sur tous les toits que l'ACP était entièrement en faveur du projet de loi C-68, du registre des armes à feu, et a dit que nous devrions y consacrer des fonds parce qu'il s'agissait d'un outil utile. Or, il a oublié de nous dire que, le même jour, l'ACP a déclaré qu'il n'y avait pas suffisamment de fonds pour lutter contre la pornographie juvénile et qu'elle avait besoin de plus d'argent et de plus de policiers pour la combattre.
Les criminels qui commettent des infractions de ce genre utilisent Internet et communiquent dans le monde entier, et nos policiers n'ont pas obtenu les ressources voulues pour lutter contre ces crimes. L'autre jour, les libéraux ont oublié de mentionner cette légère faille dans leur raisonnement.
Appuyer le projet de loi C-68 est fort bien. Tout le monde peut le faire dans une démocratie. Cependant, deux policiers de Toronto ont été obligés de regarder ces scènes pendant tout leur quart de travail pour prouver qu'il y avait intention criminelle. Qu'y a-t-il de plus pervers? Ils passent un examen psychiatrique après six mois, mais les personnes qu'il arrêtent pour ces crimes ne passent pas d'examen psychiatrique. C'est de la folie. Nous psychanalysons les policiers, mais pas les criminels. Nous nous demandons bien comment cela peut se faire. Des procès sont annulés. On ne peut pas appliquer la loi.
Le projet de loi allongerait la peine maximale. C'est bien beau que l'on allonge la peine maximale pour un délit donné. Que l'on s'en serve ou non n'a rien à voir. C'est la peine minimale qu'il faut allonger. Si la peine minimale est maintenant de quatre ans, portons-la à 10 ans. Cela ne sert à rien de porter la peine maximale à 20 ans parce que personne ne se voit infliger la peine maximale de toute façon. Il est prétendu dans le projet de loi que celui-ci protège nos enfants en allongeant la peine maximale. C'est la peine minimale qu'il faut allonger, pas la peine maximale. Cela n'a aucun sens. Il y a tellement de choses fondamentales qu'il faut faire.
Qu'en est-il des condamnations avec sursis et de l'idée de libération dans la communauté? L'emprisonnement est nécessaire pour que les criminels puissent obtenir des soins psychiatriques et du counselling afin de pouvoir être réinsérés dans la société, si jamais ils sont libérés.
Le projet de loi soulève une foule de préoccupations, selon nous. La détermination de la peine n'a aucun sens si c'est la peine maximale qui est allongée, et non la peine minimale. Personne ne nous dit vraiment que les victimes n'ont pas de droits et que les criminels ont tous les droits. Les criminels peuvent être libérés d'office dans le même secteur où ils ont commis leurs crimes. Les pauvres enfants qui ont été victimes de ces criminels doivent vivre dans le même quartier qu'eux.
Toute cette idée que la peine minimale ne soit pas allongée et que des évaluations et analyses psychologiques ne soient pas faites contredisent toute affirmation selon laquelle le projet de loi protège les enfants. C'est pourquoi mes collègues et moi n'appuieront pas ce projet de loi. Je sais que le comité a travaillé très fort là-dessus. Il a entendu nombre de groupes communautaires et de parents qui ont dit que ces choses-là devaient être dans le projet de loi. Toutefois, le gouvernement n'a rien fait pour imposer des peines plus lourdes et plus sévères à ces criminels.
Nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi simplement parce que le gouvernement n'en élargira pas la portée, qu'il ne dit pas comment et pourquoi il s'appliquera à ceux qui seront nouvellement couverts, et parce qu'il n'arrêtera pas l'afflux de pervers étrangers qui viennent au Canada parce que nos lois sont si permissives. Cela n'est pas acceptable.
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais joindre ma voix à celle de mes collègues qui se sont exprimés sur le projet de loi C-20, qui modifie le Code criminel pour protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, les mauvais traitements et la négligence.
J'ai quelques observations à formuler. Le projet de loi est évidemment très complexe. Il comprend beaucoup de dispositions lourdes qui ne faciliteront pas les poursuites contre les prédateurs sexuels. Les moyens de défense qu'on peut actuellement invoquer dans les causes de pornographie juvénile, comme la valeur artistique ou le but éducatif, scientifique ou médical, disparaissent du projet de loi, qui ne reconnaît qu'un seul moyen général de défense, le «bien public». C'est tout simplement insuffisant.
Tout d'abord, il n'y a pas de différence notable entre ce moyen de défense et celui qui existait auparavant, le critère des normes sociales. Ce critère a été rendu inefficace par la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Butler, en 1992. Ce critère, tout comme le moyen de défense qu'est le bien public, concernait principalement le risque de préjudice pour les membres de la société. Il n'y a aucun avantage à recycler des lois qui ont déjà été discréditées par les tribunaux. C'est pourquoi je demande au gouvernement de renforcer le projet de loi.
Deuxièmement, il est clair que la défense fondée sur la valeur artistique, qui a été éliminée sur papier, peut toujours s'appliquer dans les faits. Le ministre s'est contenté de lui donner un nouveau nom et une nouvelle présentation.
Comme mon collègue vient de le dire, le projet de loi ne relève pas l'âge de consentement aux activités sexuelles entre enfants et adultes. Il crée l'infraction d'exploitation sexuelle en vue de protéger les enfants de 14 à 18 ans. Pour décider s'il y a exploitation dans les relations avec une jeune personne, le juge doit considérer la différence d'âge entre le prévenu et la jeune personne, l'évolution de la relation et le degré de contrôle ou d'influence exercé sur la jeune personne.
À l'heure actuelle, la loi interdit à toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance vis-à-vis d'un adolescent, c'est-à-dire une personne dont l'âge se situe entre 14 et 18 ans, ou à toute personne à l'égard de laquelle l'adolescent est en situation de dépendance, d'entretenir des liens sexuels avec cet adolescent. Il est difficile de voir comment le fait d'ajouter toute personne «qui est dans une relation où elle exploite l'adolescent» contribuera à protéger les adolescents. Devant l'incapacité des libéraux d'interdire l'exploitation sexuelle des enfants de moins de 16 ans par des adultes, les policiers et les parents se retrouvent dans une situation où les enfants font l'objet de risques continus auxquels ces modifications n'apportent pas de solution efficace. Ce n'est que lorsque l'on augmentera l'âge requis pour consentir à des relations sexuelles que les adolescents seront vraiment protégés en vertu du Code criminel.
Le projet de loi augmente la peine maximale pour les infractions perpétrées à l'égard des enfants, y compris les infractions sexuelles, l'omission de fournir les choses nécessaires à l'existence des enfants ou l'abandon de ceux-ci. Les peines maximales sont dépourvues de signification si les tribunaux ne les imposent pas. À l'heure actuelle, on se contente souvent de réprimander les délinquants sexuels en les condamnant à effectuer du travail dans la collectivité. Nous devons imposer des peines réelles, éliminer la libération d'office et la condamnation avec sursis dans le cas des délinquants sexuels et rendre obligatoires des peines minimales afin d'exercer un effet dissuasif sur les prédateurs sexuels.
La technologie moderne est plus avancée que les mesures législatives régissant l'utilisation de la preuve dans les cas de pornographie juvénile liés à Internet. Le projet de loi n'aborde pas ces lacunes, et des modifications s'imposent afin de régler de façon efficiente et efficace les cas de pornographie juvénile.
Le projet de loi crée une nouvelle infraction liée au voyeurisme et une autre pour la distribution de matériel voyeuriste, rendant illégal le fait d'observer une personne ou de produire un enregistrement visuel d'une personne se trouvant dans des circonstances pour lesquelles il existe une attente raisonnable de protection en matière de vie privée, si la personne se trouve dans un endroit où on pourrait s'attendre à ce qu'elle soit nue ou ait des activités sexuelles. C'est une mesure positive.
Pour ce qui est des répercussions que la mesure législative pourrait avoir sur la famille, nous considérons qu'elle ne contient pas d'amélioration substantielle pouvant profiter aux enfants et à leur famille. La protection des enfants est au centre même de l'intérêt des familles canadiennes, mais on ne retrouve pas dans ce projet de loi de mesures qui permettraient de régler les préoccupations urgentes dans ce secteur.
L'Alliance canadienne a demandé que soit complètement supprimé le moyen de défense qu'est la valeur artistique et que l'âge de consentement passe de 14 à 16 ans. Le projet de loi C-20 ne répond pas à ses attentes. Il est loin de protéger les enfants canadiens. L'Alliance canadienne ne cessera de réclamer que l'âge de consentement soit porté à 16 ans et de préconiser l'élimination des moyens de défense protégeant les prédateurs sexuels. Je me prononcerai contre cette mesure législative, parce qu'elle ne va pas assez loin.
Je partage l'avis de mes collègues de l'Alliance canadienne. Le projet de loi n'est qu'un premier pas très timide vers la protection des enfants du Canada. Il est complexe et renferme des dispositions qui sont difficiles d'application et qui ne faciliteront pas les poursuites contre les prédateurs sexuels. Les policiers et les procureurs n'ont pas encore les outils nécessaires pour s'attaquer efficacement à la pornographie juvénile. Les enfants doivent être protégés contre toute exploitation de la part de prédateurs adultes, qu'il y ait ou non de relation de confiance. Le refus des libéraux d'interdire toute relation sexuelle entre un adulte et un enfant expose les jeunes à des risques inacceptables.
Grâce à l'Alliance canadienne qui réclame depuis des mois l'élimination du moyen de défense qu'est la valeur artistique, les libéraux ont enfin reconnu le danger que cela représentait. Malheureusement, les libéraux ont remplacé les moyens de défense actuels par un seul moyen de défense, celui fondé sur le bien public. Rien ne distingue vraiment ce moyen de défense des dispositions précédentes qui ont été rendues inopérantes par la Cour suprême.
Le fait de prévoir des peines maximales plus sévères pour les prédateurs d'enfants et les producteurs de pornographie juvénile ne servira à rien si les tribunaux n'imposent pas ces peines. Le projet de loi n'interdit pas non plus les peines d'emprisonnement avec sursis imposées aux prédateurs d'enfants. Ceux-ci devraient purger leurs peines en prison, et non au sein de la communauté.
En plus de la nouvelle catégorie de l'exploitation sexuelle qui est créée, il faudrait faire passer l'âge du consentement à des relations sexuelles entre un adulte et un enfant de 14 à 16 ans. Les critères utilisés aux termes du projet de loi pour déterminer si une relation repose sur l'exploitation sont vagues et très subjectifs. Comme l'âge de consentement ne passe pas de 14 à 16 ans, les enfants du Canada sont encore en péril.
Je me joins à mes collègues qui s'opposent à ce projet de loi. Même s'il renferme de bonnes dispositions, il n'accomplit pas ce qu'il devrait faire.
Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Le vice-président: Le vote porte sur la motion voulant que la question soit mise aux voix maintenant. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.
Et plus de cinq députés s'étant levés:
Le vice-président: Convoquez les députés.
Après l'appel du timbre:
Le vice-président: Le vote est reporté à demain, le 1er avril, à 15 heures, après la Période des questions.
* * *
[Français]
Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
La Chambre reprend l'étude, interrompue le 21 mars, de la motion: Que le projet de loi C-23, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, soit maintenant lu une deuxième fois et renvoyé à un comité.
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour discourir sur le projet de loi C-23 concernant la mise en oeuvre d'un registre de délinquants sexuels.
Aujourd'hui, j'interviens en tant que porte-parole du Bloc québécois dans le dossier relevant du solliciteur général. Mais comme vous avez pu le constater lors de mes discours précédents en cette Chambre, toutes les questions qui touchent de près ou de loin les enfants, me préoccupent grandement et c'est une autre raison qui contribue à mon intervention aujourd'hui.
Tout d'abord, je tiens à souligner que le Bloc québécois est en faveur du principe du projet de loi C-23. La protection des enfants et des personnes vulnérables est tout à fait légitime et souhaitable. La protection de toute la population est légitime en soi. D'ailleurs, ma collègue, la députée de Jonquière, a déposé le projet de loi C-399 visant la protection contre les prédateurs sexuels, en ciblant spécifiquement la protection des enfants.
Cependant, bien que nous soyons en faveur du principe de ce projet de loi, nous devons demeurer prudents pour tout ce qui touche les modalités d'application, notamment en ce qui concerne la conformité de certaines dispositions du projet de loi C-23 avec la Charte canadienne des droits et libertés.
Le Bloc québécois demeure aussi prudent lorsqu'il est question de coûts afférents à la mise en oeuvre des objectifs du projet de loi car il manque beaucoup trop d'informations à ce sujet. Il ne faudra surtout pas répéter les bavures du fiasco financier du programme des armes à feu. Cette fois, nous demandons les détails financiers.
Je crois que le gouvernement saura saisir cette occasion de faire amende honorable en nous fournissant la ventilation dudit projet. Il serait déplorable de passer à côté de cette occasion qui favorise la transparence plutôt que nous faire dire, dans quelque temps, qu'il est normal qu'un projet de gouvernement coûte un milliard de dollars. C'est ce que nous avons entendu du ministre de la Justice. Ce dernier osait dire qu'il est maintenant rendu normal qu'un programme coûte un milliard de dollars. Pour nous, au Bloc québécois, cela n'a rien de normal.
Or, bien que l'objectif de protection de la société contre les prédateurs sexuels soit tout à fait louable puisqu'il s'agit de privilégier une méthode d'action visant à faciliter les enquêtes criminelles, il faut néanmoins agir avec précaution et éviter les débordements à l'extrême. Je réitère ma position quant au fiasco administratif du programme des armes à feu.
Au plan international, c'est la Californie qui a mis en place, à l'origine, un registre des délinquants en 1947. Mais ce n'est que lors de l'adoption du «Jacob Wetterling Crimes Against Children and Sexually Violent Offender Registration Act», en 1994, qu'il a reçu une véritable application.
Le «Wetterling Act» a été nommé en hommage à un jeune garçon de 11 ans qui a été victime d'un enlèvement en 1989. L'objet de la loi Wetterling est essentiellement de mettre en place des lignes directrices ayant pour but de pouvoir exiger de tout individu coupable d'un crime contre un enfant, qu'il donne son adresse pour une période de 10 ans. En vertu de cette loi, le procureur général peut également exiger d'un individu reconnu coupable d'un crime sexuel violent de s'inscrire auprès d'un organisme désigné, à perpétuité.
Ces lignes directrices s'appliquent dans tous les cas, sauf s'il est établi qu'un délinquant sexuel ayant reçu un traitement, ne souffre plus de trouble mental ou d'un désordre de personnalité. En somme, cette directive ne s'applique pas s'il est prouvé par expertise que les risques de récidive sont minimes, voire nuls.
Puisque la loi Wetterling a une application américaine, il revient donc au FBI de gérer la collecte des données. Il est à noter que les corps policiers locaux contribuent à cette collecte.
Pour renforcer l'application de cette loi, le gouvernement fédéral américain a même menacé de couper les financements de systèmes pénaux pour tous les États qui ne se conformaient pas aux exigences de cette loi. C'est donc en juin 2000 que la loi Wetterling est entrée en vigueur dans tous les États américains.
La loi Wetterling fonctionne de l'une des quatre manières suivantes. La première possibilité est que c'est l'État qui nomme un organisme chargé de déterminer le niveau de risque que représente le prédateur pour la société, et applique le plan d'action selon le niveau identifié. En second lieu, l'État peut décider de déterminer les catégories de prédateurs qui doivent se plier aux exigences d'inscription.
Une troisième possibilité est qu'il revient aux délinquants eux-mêmes de communiquer leur présence aux communautés. Enfin, il peut aussi incomber à la société de s'informer de la présence d'un prédateur sexuel dans leur communauté ou de demander des informations les concernant.
Selon l'expérience américaine, il y a lieu de distinguer entre trois groupes qui ont un lien de près ou de loin avec l'application de la loi, à savoir les organismes chargés de recueillir les données, la population et les médias.
D'ailleurs, l'ensemble des États américains ont choisi d'informer les écoles de la présence d'un délinquant sexuel dans la communauté. Certains États ont choisi d'avertir aussi les services de logement sociaux, les bibliothèques, les églises ou les organismes de femmes ou d'enfants. En ce qui concerne les médias, il revient aux organismes locaux de décider s'il y a lieu de les contacter, et si oui, lesquels.
En 1994, l'État du New Jersey a adopté la Loi de Megan. Cette loi a créé l'obligation d'informer la population de la présence d'un prédateur sexuel dans la région. Il est donc dorénavant permis de faire une recherche par localité ou par nom dans le but de savoir si un délinquant sexuel réside dans une région ou un quartier donné. En 1996, une version fédérale américaine de cette loi a été adoptée.
Pour ce qui est du Bloc québécois, nous préférons toutefois exercer la prudence dans un tel cas. Nous croyons que la confidentialité des informations fournies est essentielle, contrairement aux dispositions de la Loi de Megan. Cette confidentialité est d'ailleurs reconnue par la Charte des droits et libertés.
Ainsi, bien que la Loi de Megan permette la communication des informations, encore faudrait-il que les États s'entendent sur les groupes de délinquants qui doivent les fournir. Or, le danger que cette application de la communication soulève est le risque que des délinquants n'ayant aucun risque de récidive ait leur nom et adresse communiqués, tandis que d'autres délinquants plus dangereux ne feront pas l'objet d'une telle communication parce que les groupes ne font pas partie de ceux identifiés comme requérant une inscription.
Il est à noter qu'il en est de même pour les catégories d'informations qui doivent faire l'objet d'une inscription. Les groupes de délinquants et les catégories d'informations relèvent de la discrétion du législateur des États. L'application de ces lois a d'ailleurs fait l'objet de contestations. Certains ont contesté l'inscription comme étant une forme de châtiment cruel et inusité; d'autres ont plutôt évoqué l'effet rétroactif de ces lois.
Ce sont ces dernières contestations qui ont reçu le plus d'attention de la part des tribunaux. Les tribunaux américains ont tranché que la simple inscription est valable et est non punitive, malgré le fait que la rétroactivité des lois soit interdite par la Constitution américaine.
Dans le cas de la Grande-Bretagne, le Sex Offenders Act a été adopté en 1997. L'exigence d'inscription qui découle de cette loi prévoit que les individus reconnus coupables ou non coupables pour des raisons d'aliénation mentale doivent fournir leur nom, date de naissance et adresse à la police. La police pourrait aussi prendre une photo et prélever les empreintes digitales. En décembre 2001, 97 p. 100 des délinquants sexuels s'étaient inscrits. En Grande-Bretagne, la loi s'applique rétroactivement.
Nous réitérons notre opposition à une telle application.
La grande différence entre les États-Unis et la Grande-Bretagne est que le registre britannique n'est pas accessible au public. La Grande-Bretagne a ainsi décidé de respecter l'aspect confidentiel des renseignements fournis par les délinquants sexuels.
La législation britannique prévoit néanmoins la divulgation d'informations dans le cadre d'un plan de gestion de risque pour la protection des enfants ou des personnes vulnérables. Il est de l'avis du gouvernement britannique qu'il faut éviter les interventions de milices populaires ou de justiciers, un principe avec lequel nous sommes en accord.
Le gouvernement britannique est également d'avis qu'il y a un risque que les délinquants entrent en clandestinité pour éviter d'être une cible pour ces justiciers. C'est au début de cette année que le gouvernement britannique a présenté un projet de loi visant à modifier le Sex Offenders Act de 1997.
Les modifications visent à ajouter une catégorie de délinquants, c'est-à-dire ceux qui sont reconnus coupables d'avoir commis un acte sexuel à l'étranger, atteignant ainsi les adeptes du tourisme sexuel. De plus, les délinquants auraient dorénavant l'obligation de s'inscrire chaque année.
Au Canada, trois provinces ont légiféré en la matière, soit l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta. La Loi Christopher de 2000 sur le registre des délinquants sexuels a été adoptée en Ontario le 23 avril 2001. Cette loi fait suite au rapport du coroner qui a enquêté sur la mort d'un jeune garçon de 11 ans tué en 1988. Le coroner recommandait la création d'un registre dès 1993.
Le registre ontarien en est un qui vise les délinquants sexuels qui ont été mis en liberté. Ceux-ci doivent se présenter aux corps policiers chaque année en donnant leurs nom, date de naissance, adresse, photo et les délits sexuels qu'ils ont commis. Une liste fait état des crimes sexuels visés. L'accès à ce registre est interdit au public. Par contre, la loi a un aspect rétroactif, ce à quoi, je le répète, nous nous opposons.
La loi comporte des dispositions concernant la durée de l'inscription et les sanctions qui s'appliquent s'il y a un manquement de se conformer à celles-ci. Les peines varient d'une amende maximale de 25 000 $ à une peine d'emprisonnement maximale de deux ans et peuvent même aller jusqu'à l'application des deux. Le nom du délinquant est retiré du registre seulement lorsque celui-ci est réhabilité à l'égard de toutes les infractions sexuelles visées.
La police provinciale ontarienne a l'obligation de gérer le registre au nom du solliciteur général de l'Ontario, mais il revient aux corps policiers locaux de déterminer le lieu où devront se présenter les délinquants. Il revient également aux corps policiers de faire respecter ladite loi.
Quant à la communication de l'information, la Loi sur les services policiers permet aux chefs de police de la rendre publique dans le cas de la présence dans les régions d'un délinquant présentant des risques considérables pour la communauté. Il est à préciser qu'il doit s'agir d'un risque considérable de préjudices pour autrui et que la divulgation de l'information aura pour effet de diminuer le risque de façon significative.
Comme je l'ai déjà mentionné, je crois qu'il peut y avoir une certaine incertitude lorsqu'il s'agit de dispositions visant à garantir l'équilibre de la proportionnalité entre les moyens d'application des objectifs de ce projet de loi et les atteintes aux droits et libertés.
C'est pourquoi il est tout à fait justifié de questionner les méthodes proposées par le projet de loi pour atteindre l'objectif de protection de la société. Le principe de la proportionnalité est un droit fondamental reconnu par nos tribunaux pour ce qui doit être la mesure des moyens législatifs utilisés pour atteindre l'objectif du projet de loi.
Comme je l'ai dit précédemment, l'objectif de protéger la population est légitime. Toutefois, l'inscription demeure un moyen contraignant pour certains citoyens. Le principe de justice fondamental exige la conformité à l'article 7 de la Charte, à savoir que les mécanismes adoptés ne soient pas démesurés par rapport à l'objectif visé.
Les tribunaux parlent d'atteintes minimales. Dans le cas du présent projet de loi, la protection de la société est liée aux contraintes imposées aux libertés des délinquants sexuels. Il revient donc aux législateurs de respecter cette exigence de proportionnalité fondamentale.
Je crois qu'il existe de sérieuses lacunes dans le projet de loi C-23. Il me semble qu'il ne respecte pas ce principe fondamental de proportionnalité. En effet, l'exigence est là pour tous les délinquants sexuels, peu importe la gravité de l'infraction. Je désire préciser que je ne prends pas ces crimes à la légère, loin de là, mais il faut tenir compte des circonstances particulières de chaque cas. Or, en vertu du libellé actuel, le gouvernement rend obligatoire l'inscription du délinquant sexuel, sans tenir compte de la dangerosité de l'infraction. Il est clair que le projet de loi ne vise que la nature de l'infraction et nullement sa dangerosité. Il s'agit là d'un élément clé de notre critique envers ce projet de loi.
Étant donné qu'il est question uniquement de la nature de l'infraction et non pas de sa gravité, le fardeau de la preuve incombe donc au délinquant. Il devra ainsi convaincre le tribunal que l'ordonnance d'inscription est nettement démesurée par rapport à la protection de la société.
Il reviendra au délinquant, notamment, de prouver qu'il y a un impact déraisonnable entre la mesure d'enregistrement et la protection de la société, et que cet impact lui est nettement défavorable. Or, selon certaines statistiques disponibles, le taux de récidive semble être moins élevé chez les délinquants sexuels que chez d'autres catégories de criminels. Il se situe à moins de 20 p. 100.
Il est bien entendu qu'il y a certaines catégories de délinquants sexuels qui représentent un véritable danger de récidive et nous sommes favorables à l'application d'un registre à leur égard. Cependant, il est impossible de distinguer ces deux groupes uniquement par la nature de l'infraction. C'est pourquoi je suis d'avis que la dangerosité doit être l'élément clé lorsqu'il s'agit d'ordonnances d'inscription.
Encore une fois, je tiens à préciser qu'il faut une évaluation ponctuelle des cas devant les tribunaux. Il faut éviter toute généralité, et c'est ce qui risque d'arriver puisqu'il revient au poursuivant de décider de demander cette obligation d'enregistrement. Dans son état actuel, le projet de loi aurait donc pour effet d'imposer une obligation contraignante à environ 80 p. 100 des délinquants qui ne posent pas de véritable danger à la société, d'où le doute de la constitutionnalité de ces dispositions.
Le projet de loi doit être établi de manière à éviter les excès. Ce registre ne doit donc pas servir de source pour une chasse aux sorcières; il ne doit pas servir de source pour une recherche personnelle de délinquants sexuels dans un but de vengeance.
Le Bloc québécois insiste donc sur l'aspect confidentiel de la banque de données. Nous insistons aussi sur la divulgation très limitée à une clientèle très précise, soit les corps policiers. Les modalités d'accès à cette liste doivent rendre obligatoire la tenue d'une enquête policière dans le cadre d'un crime de nature sexuelle comme condition d'accessibilité.
Il y a donc trois conditions préalables à l'obtention d'informations consignées dans le registre. Premièrement, est-ce que la demande est faite par un corps policier? Deuxièmement, est-ce que cette demande est faite dans le cadre d'une enquête? Troisièmement, est-ce que cette enquête porte sur un crime de nature sexuelle?
C'est à nous qu'il revient d'insister sur ces conditions d'obtention de renseignements car éviter de le faire pourrait se retourner contre nous. Le but de ce projet de loi n'est pas de créer une panique dans les quartiers, ni d'ameuter les chasseurs de primes, loin de là. En fait, ce registre n'a pour but que de faciliter les enquêtes criminelles dans un cadre spécifique de recherches. La protection des renseignements personnels est fondamentale et fait même l'objet d'une loi spécifique. Or, cette loi s'applique à tous les individus de notre société.
Le fait d'appliquer aussi cette loi aux délinquants sexuels permettra, certes, d'éviter que ces délinquants se cachent dans la clandestinité, disparaissant ainsi de nos écrans et de ceux des corps policiers.
Le but sous-jacent à toute décision judiciaire est d'encourager la réhabilitation, non pas de punir. Voilà une autre raison pour laquelle la protection des renseignements confidentiels est si importante. Pour arriver à cette réhabilitation, il doit y avoir un milieu de sécurité pour tous. Or, nous serons tous en sécurité si nous pouvons éviter de projeter les délinquants vers la clandestinité.
Le fait que les corps policiers sachent exactement où ces délinquants se trouvent est rassurant en soi. C'est cela qu'il faut chercher à atteindre et non pas d'obtenir vengeance. Il faut se protéger contre toute attaque de la part de milices.
La réhabilitation des délinquants doit faire partie de l'ensemble des mesures prises pour assurer la sécurité de la société. Il existe plusieurs organismes spécialisés en réinsertion communautaire et en réadaptation des délinquants. Ces organismes favorisent la promotion de l'implication communautaire en la conjuguant à la participation populaire. Cette collaboration permet de définir des solutions pour des problèmes qui touchent tout le monde.
Ainsi, c'est en participant au processus décisionnel que la population contribue au développement social d'un groupe qui est étiqueté comme antisocial, notamment les délinquants sexuels. Des organismes communautaires ont donc mis sur pied plusieurs projets visant la réinsertion du délinquant, comme des maisons de transition ou des programmes de travail compensatoire, mais il ne faut pas arrêter là. L'objectif de ces programmes est la responsabilisation du délinquant.
Nous pouvons ici nous rappeler que c'est une application de ce genre que recevaient les jeunes reconnus coupables en vertu de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants au Québec, une loi qui a d'ailleurs été modifiée de façon draconienne par ce même gouvernement. Or, pour éviter la répétition de ces faux pas, il faut agir avec prudence. Il est assez ironique de penser que le gouvernement actuel préconise une approche préventive pour les délinquants reconnus coupables, tandis que pour les jeunes contrevenants, c'est dorénavant l'inverse qui se passe.
Comme je le disais, la participation populaire est importante pour éviter une chasse aux sorcières incontrôlée et incontrôlable. Il faut donc chercher à trouver des solutions justes et satisfaisantes pour les victimes, les délinquants et la société.
Le Bloc québécois est d'avis que l'enregistrement contribue à atteindre ce but, à la condition, bien sûr, de s'assurer de respecter les directives de la protection des renseignements personnels et de faire en sorte que seuls les corps policiers aient accès à ces données.
Le 30 avril 2001, le gouvernement du Québec rendait publiques les recommandations du rapport sur l'examen du processus décisionnel et des modalités d'encadrement appliquées lors de l'élargissement des personnes contrevenantes. Ce rapport connu sous le nom du rapport Corbo, est intitulé «Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire». Les auteurs de ce rapport sont d'avis que «l'implication des ressources communautaires dans la recherche de la réhabilitation et de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes est absolument essentielle».
Ils poursuivent en disant: «D'une part, c'est d'abord et le plus souvent par l'action de ces organismes volontaires nés en son sein que la société civile peut effectivement jouer son rôle nécessaire dans la réhabilitation et la réinsertion sociale de tous ceux de ses membres qui se sont trouvés en situation de rupture avec les normes communes et ont développé des comportements ou posé des gestes menaçant la sécurité de la population».
Parmi les recommandations du rapport, il est dit que «l'élargissement avant le terme de la sentence, et même au terme des sentences de personnes contrevenantes comporte une mesure de risque; le taux de récidive incite, à cet égard, à la lucidité. Mais, il s'agit d'un risque nécessaire. La société québécoise n'a pas vraiment d'autres choix que de rechercher la réhabilitation et la réinsertion des personnes contrevenantes. Renoncer à cet objectif imposerait de s'engager dans une politique de répression durable des personnes contrevenantes. Une telle politique serait économiquement et socialement coûteuse et aboutirait à un cul-de-sac ne laissant d'autres possibilités que de nourrir la répression par une répression sans cesse plus dure.
L'élargissement, sous forme d'absences temporaires ou de libération conditionnelle, est ordonné à la recherche de la réhabilitation et de la réinsertion et il s'accompagne d'un élément de risque que l'on peut chercher à réduire constamment en sachant qu'il ne se réduira jamais à zéro. D'où la préoccupation centrale de ce rapport d'identifier les moyens les plus susceptibles de réduire ce risque ou de le rendre plus sécuritaire».
Le rapport constate également que: «d'une part, notre société s'honore, à juste titre, du respect qu'elle voue à la vie privée de ses membres et à la protection des renseignements qui leur sont personnels. Cela est justifié en soi. D'autre part, avec au moins autant de force, notre société réclame que ses membres soient adéquatement protégés contre des personnes susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychologique de citoyens et de citoyennes, incluant dans l'intimité du foyer conjugal.
Il convient donc maintenant de définir un cadre administratif et juridique convenable à tous, en équilibre avec les principes de justice fondamentale et nos droits et libertés. À cet effet, le rapport Corbo précise que la recherche de telles évaluations ou de telles informations oblige la société québécoise et le législateur à concevoir et à mettre en application des équilibres plus finement ajustés entre la protection des renseignements personnels et la protection de la sécurité de la population. Vouloir absolument la suprématie complète de l'une de ces valeurs risque de compromettre l'autre. C'est pourquoi la notion d'équilibre est importante.
Dans un autre ordre d'idée, je demeure perplexe lorsque je lis l'article 20 du projet de loi, qui crée l'article 490.02 au Code criminel. Le paragraphe a) fait mention d'infraction sexuelle ce qui n'est pas le cas du paragraphe b) du même article. Selon nous, il devient inquiétant de profiter d'un projet de loi comportant un objectif louable de protection contre les prédateurs sexuels pour y insérer une disposition générale et imprécise.
Je suis particulièrement inquiet lorsque je constate que des infractions contre la propriété, telles que l'introduction par effraction dans une maison d'habitation, font partie de cet article. Je ne vois pas là l'opportunité de la protection contre un prédateur sexuel. Il serait approprié de connaître la véritable intention du législateur en ce qui concerne l'inclusion d'infractions n'ayant aucun lien avec des infractions sexuelles. Car, je tiens à le rappeler, le titre de ce projet de loi vise bien à procéder à l'enregistrement des délinquants sexuels. La portée de cet article est beaucoup trop grande. Cela devient inquiétant que nous puissions exiger l'enregistrement d'un délinquant pour une telle infraction.
Je réitère que ce projet de loi a un objectif louable de protection, mais seulement lorsqu'il répond à des critères stricts d'application, c'est-à-dire à la protection des renseignements personnels, la promotion de la réinsertion sociale et communautaire et l'accessibilité des données qu'aux corps policiers et seulement lorsqu'il s'agit de faire enquête dans un crime à caractère sexuel.
Toujours en ce qui concerne le projet de loi C-23, nous avons une autre crainte et elle pourrait s'avérer très importante étant donné sa nature constitutionnelle. Bien que l'assujettissement au registre soit de la compétence du poursuivant, il ne garantit nullement sa validité constitutionnelle.
D'ailleurs, la Cour suprême a récemment conclu que le fait pour le législateur de donner au poursuivant une discrétion pour agir n'offre pas une solution à une problématique potentiellement inconstitutionnelle. Ainsi, dans les pourvois Lavallee, Rachel et Heinz. c. Canada; White, Ottenheimer et Baker c. Canada; R c. Finn, soit un jugement récent et non publié du 12 septembre 2002, la juge Arbour précise ceci: «On ne peut pas non plus conférer à la disposition un caractère raisonnable du point de vue constitutionnel en se fondant sur la présomption que la poursuite se comportera de façon honorable».
Le juge poursuit en précisant que «la protection des droits fondamentaux ne devrait pas être fondée sur la confiance à l'égard du comportement exemplaire permanent du ministère public, chose qu'il n'est pas possible de surveiller ni de maîtriser. J'irai même jusqu'à ajouter que la constitutionnalité d'une disposition législative ne peut pas reposer sur l'attente que le ministère public s'abstienne de faire ce qui lui est permis de faire».
De prime abord, on pourrait croire que le poursuivant agira de manière prudente. Mais il ne faut pas oublier qu'il est question d'un sujet très controversé et d'actualité.
Je suis d'accord qu'il faut prendre les moyens appropriés contre les prédateurs sexuels pour éviter des abus d'enfants ou de toute autre personne vulnérable. Toutefois, il ne faudrait pas sombrer dans l'exagération en obligeant tous les délinquants sexuels à une inscription au registre.
Encore une fois, je préconise la notion de dangerosité lors de l'évaluation par le poursuivant, dans son analyse relativement à la nécessité de faire appel à ces dispositions. La notion de dangerosité doit donc être au coeur du processus décisionnel pour l'application de la disposition permettant l'enregistrement des délinquants sexuels.
Une autre critique à l'égard du projet de loi C-23 a trait à la question des coûts afférents, à l'implantation de ce système. C'est un élément très préoccupant. Le solliciteur général parle d'investir deux millions de dollars pour faire débuter le système et de 400 000 $ par la suite chaque année, pour sa gestion.
Je crois qu'il serait intéressant de voir les études qui ont mené à ces montants. Il serait tout à fait approprié et pertinent de connaître l'ensemble des chiffres qui conduisent à ces montants, d'autant plus si on se réfère au fiasco de gérance du programme des armes à feu; il ne faudrait surtout pas répéter cette erreur monumentale. Je demande donc au solliciteur général de nous fournir les documents afférents au financement de ce registre.
Certaines questions sont donc soulevées par ce manque flagrant d'information, à savoir: qui assumera les coûts excédentaires? Le Québec et les provinces? Puisque la responsabilité de l'exploitation de ce régime revient au Québec et aux provinces, il serait juste qu'elles aient en leur possession toutes les informations pertinentes à celles-ci.
C'est au Québec que revient la responsabilité d'obtenir les ordonnances, de plaider les contestations, les révisions et les appels. Il revient également au Québec de revoir et d'enregistrer les délinquants et d'effectuer les vérifications appropriées des renseignements. Il faut ajouter à cette liste les arrestations dans les cas de défaut d'exécution. Toutes ces procédures entraîneront sans aucun doute des coûts considérables.
Il faut également souligner les coûts qui pourraient s'ajouter en cas de contestations constitutionnelles. Il faudra alors adopter des mesures de protection et de préservation dudit registre. Il faut aussi ajouter une procédure d'évaluation de dangerosité. Celle-ci sera évidemment coûteuse en raison de la complexité de telles évaluations, mais également en raison de son recours à des expertises.
Le Bloc québécois est en faveur du principe de protection de la société contre les prédateurs sexuels dangereux. Toutefois, il faut de prime abord considérer les tenants et les aboutissants de la mise en oeuvre de ces dispositions.
Il faudra donc tenir compte de la validité constitutionnelle de ce régime et des coûts considérables qui en découleront. Nous devons demeurer prudents et voir à ce que les modalités ne soient pas démesurées ou disproportionnées dans leur application et s'assurer que les parlementaires aient en leur possession toutes les données corrélatives à la mise en place de ce système.
En somme, nous avons besoin de plus d'informations en ce qui concerne les coûts, soit les études de faisabilité économique. Nous voulons ainsi éviter la répétition du fiasco de gestion du programme des armes à feu.
Nous devons aussi insister sur la garantie de la proportionnalité en respect de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il s'agit d'un droit fondamental qui pourrait causer des problèmes non seulement d'application, mais aussi de crédibilité s'il n'est pas adressé convenablement. Le projet de loi doit donc offrir les protections exigées par la charte.
En conclusion, le Bloc québécois est en faveur du principe de ce projet de loi qui est de protéger la population contre les prédateurs sexuels. Cependant, nous demeurons prudents en ce qui concerne la validité constitutionnelle de certaines dispositions de ce projet de loi, et c'est pourquoi nous désirons en connaître davantage relativement aux coûts qui en découleront.
En terminant, j'aimerais réitérer l'appui du Bloc québécois au principe de ce projet de loi. Toutefois, nous croyons qu'il est raisonnable et justifié de connaître de façon plus approfondie les tenants et les aboutissants des modalités d'application de ce projet de loi, de même que les impacts qui en découleront, et c'est là une démonstration éloquente du sérieux du travail des parlementaires en cette Chambre.
C'est donc en comité parlementaire que nous pourrons véritablement évaluer la portée de ce projet de loi et apporter les modifications nécessaires pour l'ensemble de la population canadienne et québécoise; puisse-t-elle être rassurée contre la menace que représentent les prédateurs sexuels.
Je crois que c'est devant le comité parlementaire que nous pourrons comprendre toute la portée de ce projet de loi, notamment en ce qui concerne la notion de récidive et de dangerosité, mais également en ce qui concerne l'étendue de la portée d'application du projet de loi et de ses conséquences.
C'est aussi devant le comité parlementaire que nous pourrons avoir toutes les informations nécessaires pour déterminer les coûts afférents à la mise en oeuvre dudit registre. Comme je l'ai dit, le but est louable et souhaitable, mais est-ce la bonne manière? C'est à voir.
Le Bloc québécois est en faveur du principe de ce projet de loi, mais la prudence nous recommande de l'étudier plus à fond et d'y apporter les modifications appropriées. Il faut être certain de regarder les coûts dudit registre, pour que ce ne soit pas un fiasco et il faut également que ce registre soit vraiment confidentiel, que les renseignements soient donnés aux corps policiers, et vérifier que tous les renseignements ne deviennent pas une chasse aux sorcières, mais qu'ils soient bien établis selon les conditions que j'ai énumérées dans mon allocution.
[Traduction]
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de participer au débat sur le projet de loi C-23, Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, et je suis ravie de prendre la parole immédiatement après l'exposé fait par le porte-parole du Bloc.
[Français]
Comme l'a dit le député du Bloc québécois, il est clair que nous allons appuyer ce projet de loi en général, mais avec des réserves. Nous allons demander au comité parlementaire de se pencher sur certaines questions concernant ce projet de loi très important.
Tout comme pour le Bloc québécois, nous voulons avoir un équilibre entre la protection de nos enfants et la protection de nos droits. C'est toujours le but que nous allons poursuivre et il est nécessaire de prendre le temps d'écouter les témoins lors de l'étude de cette question très importante.
[Traduction]
Comme j'ai essayé de le dire en français, les députés du Nouveau Parti démocratique, tout comme le porte-parole du Bloc, souhaitent accorder leur appui général au projet de loi et trouvent qu'il s'agit d'une initiative très importante. Par contre, comme nous avons coutume de le faire lorsqu'il est question de mesures touchant des questions constitutionnelles ou des dispositions légales, nous voulons obtenir des garanties en ce qui concerne la protection et le maintien des droits et libertés de la personne et nous assurer qu'aucune des mesures législatives adoptées dans cette Chambre ne nous privera de ces libertés acquises de haute lutte.
Nous traitons aujourd'hui d'un projet de loi qu'on attend depuis longtemps. On parle depuis des mois au Parlement et dans les milieux de l'ordre public de la création d'un registre des délinquants sexuels. En fait, je me rappelle qu'il y a environ deux ans, la Chambre avait été saisie d'une motion de l'Alliance, je crois, sur le sujet. Les ministres provinciaux de la Justice ont régulièrement présenté des requêtes en la matière par la suite.
Je crois même que, sans la pression constante qu'ils ont exercée, le projet de loi à l'étude aujourd'hui n'aurait jamais vu le jour. Ce projet de loi est très certainement le fruit d'un long processus et du tollé de réclamations venant de Canadiens partout au pays, qui souhaitent voir le gouvernement s'attaquer énergiquement à ce problème extrêmement grave et sérieux dans notre société d'aujourd'hui.
Aucun d'entre nous ne peut fermer les yeux sur les souffrances indicibles qu'éprouve une famille quand un de ses enfants ou un être cher est violé ou agressé sexuellement. Personne ne peut ignorer le fait qu'il existe dans la société des pédophiles qui sont en liberté et qui récidiveront si nous ne prenons pas des dispositions vigoureuses pour les en empêcher.
Avec le projet de loi C-23, nous faisons certainement un pas dans la bonne voie. L'initiative est importante en ce qu'elle aidera les services policiers dans leurs enquêtes sur des crimes sexuels, en rendant obligatoire l'enregistrement de certaines informations concernant les délinquants sexuels. Grâce à cette mesure, la police pourra savoir en tout temps où se trouvent ceux qui ont commis un viol ou une agression sexuelle contre des enfants ou des membres vulnérables de la société. Je trouve que c'est important car il n'est pas nécessaire de s'intéresser à ce dossier très longtemps pour réaliser dans quelle mesure les enfants et les femmes d'aujourd'hui risquent d'être victimes d'agression et d'exploitation sexuelles.
L'objectif premier de ce projet de loi est d'assurer aux Canadiens une protection efficace. En ce qui concerne le projet de loi C-23, nous nous inquiétons pour les victimes potentielles de crimes sexuels, essentiellement des femmes et des enfants, qui sont particulièrement vulnérables.
Je vais commencer par la violence faite aux femmes. C'est là un problème que la Chambre est constamment appelée à régler, et je crois bien que, grâce à ce projet de loi, nous en avons aujourd'hui la possibilité. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que les Canadiennes ont le droit de vivre sans qu'une menace de violence ne plane au-dessus de leur tête. Pourtant, nous savons que, dans le cas des bien des femmes, cette menace est une réalité. Une étude révèle que 42 p. 100 des femmes, par rapport à 10 p. 100 des hommes, ne se sentent pas le moindrement en sécurité à marcher dans leur quartier le soir. Pratiquement autant de femmes, 37 p. 100, ont peur de se retrouver seules à la maison, le soir.
Nous savons que la violence faite aux femmes se manifeste surtout sous forme de violence sexuelle. Nous le savons et nous devons faire sans cesse preuve de vigilance et trouver des moyens de réduire la violence sexuelle faite aux femmes car nous en avons assez d'ériger des monuments aux victimes.
Je vais parler brièvement de la violence sexuelle dont sont victimes les enfants. Nous avons la nausée et nous ressentons un sentiment de rage à chaque fois que l'on recherche le corps d'un enfant, c'est compréhensible. Ce projet de loi nous aidera à mettre ces sentiments justifiables au service d'un objectif positif, l'amélioration de la prévention.
Voici quelques faits supplémentaires. On estime que seulement 10 p. 100 des agressions sexuelles contre les femmes sont déclarées à la police. Cela signifie que, au Canada, il y en a plus d'un demi million par an. Autre fait: Il ne se passe pas une minute au Canada sans qu'une agression sexuelle ne soit commise contre un enfant ou une femme. N'oublions pas dans le cadre du présent débat, ou des autres débats, particulièrement sur le projet de loi C-22, concernant le divorce, que dans 98 p. 100 des cas, les agresseurs sont des hommes et que 82 p. 100 des victimes ayant survécu à une attaque déclarée sont des femmes.
Tragiquement, des incidents récents dont on a beaucoup parlé confirment que ceux qui commettent ces infractions sont le plus souvent des personnes en position de confiance. Ce sont les pères, des membres de la famille, des personnalités religieuses, des médecins, des enseignants, des employeurs, des amis intimes.
Je pourrais citer d'autres faits. Il existe beaucoup d'autres exemples de la détresse que vivent les familles quand un enfant, une femme ou une personne vulnérable est victime d'agression sexuelle, mais j'en ai probablement assez dit pour le moment pour démontrer l'importance du projet de loi et expliquer pourquoi, dans l'ensemble, nous appuyons le projet de loi C-23.
Il présente quelques problèmes. Nous avons entendu le député du Bloc parler de certaines des questions auxquelles nous devons nous attaquer. Certaines provinces ont émis d'autres préoccupations au sujet du projet de loi. Les préoccupations qui ont été exprimées vont d'un extrême à l'autre, de ceux qui pensent que le projet de loi n'est pas assez strict à ceux qui croient qu'il risque d'empiéter sur les libertés civiles. Nous devrons aller au fond des choses au cours des prochaines étapes de l'étude du projet de loi, particulièrement au comité où nous entendrons des témoins. Nous devrions prendre toutes ces préoccupations au sérieux.
J'aimerais faire part de certaines des préoccupations émises par le ministre de la Justice du Manitoba, l'honorable Gord Mackintosh, qui a joué un rôle central dans la campagne en faveur du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. En effet, c'est Gordon Mackintosh qui, en septembre 2001, a présenté une motion à la réunion des ministres de la Justice fédéral-provinciaux-territoriaux demandant au gouvernement de créer, conjointement avec les provinces et les territoires, un registre national des délinquants sexuels.
Il a présenté cette motion avec l'appui de nombreuses provinces pour tenter de forcer le gouvernement du Canada à écouter et à agir. Heureusement, nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation où le gouvernement fédéral a entendu, a agi et a présenté à la Chambre un projet de loi qui concorde avec les désirs des ministres provinciaux et territoriaux de la justice ainsi que de nombreux Canadiens soucieux de veiller à ce que l'on réagisse de façon cohérente et efficace devant l'incidence des cas d'agression sexuelle mettant en cause des enfants et de viol de femmes et d'enfants.
Le ministre du Manitoba, Gordon Mackintosh, a dressé une liste de problèmes en souffrance devant être abordés par la Chambre et le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Il a notamment parlé de la notion de rétroactivité. C'est un sujet de préoccupation qui est revenu tout au long du débat. Selon le gouvernement du Manitoba, il est logique d'adopter une disposition s'appliquant non seulement à ceux qui commettent une infraction après l'adoption du projet de loi, mais pouvant aussi s'appliquer à ceux qui purgent présentement une peine pour infraction sexuelle.
Selon moi, nous devrions réfléchir à cette question. Notre caucus demeure disposé à en parler. Je sais que, de part et d'autre, on a des idées bien arrêtées sur la question. Selon moi, nous devons vraiment analyser toute la question de la rétroactivité et déterminer si nous nuisons ou non aux Canadiens à risque en ne donnant pas à cette disposition un certain effet rétroactif.
Le gouvernement du Manitoba a soulevé la question des photographies et a cherché à savoir si le projet de loi en autoriserait ou non l'usage. On s'accordait à dire que le gouvernement fédéral a reconnu l'importance des photographies et que celles-ci seront adoptées à un moment donné dans l'avenir. Toutefois, aucune mention de la question des photographies ne semble figurer dans la mesure législative à l'étude. Selon moi, nous devrions régler cette question dès maintenant; sinon, il est manifeste qu'il faudra rouvrir cette mesure législative et réétudier toute cette question lorsque le gouvernement fédéral décidera d'honorer l'engagement qu'il a pris à l'égard des provinces, soit celui d'inclure la question de l'utilisation des photographies.
Les gouvernements provinciaux ont fait valoir un troisième point que nous devons, à mon avis, prendre sérieusement en considération pendant que nous étudions ce projet de loi; il s'agit du soutien financier dont les provinces auront besoin en raison des nouvelles responsabilités qu'elles devront assumer une fois le projet de loi proclamé. Il est clair qu'il s'ensuivra des coûts supplémentaires, car d'après ce qui est prévu dans le projet de loi, les juges doivent présenter une demande écrite afin de garantir l'inclusion dans le registre d'une personne trouvée coupable d'une infraction de nature sexuelle. Cela nécessite du temps.
Nous savons que les juges sont déjà débordés avec les exigences et les dispositions actuelles. Lorsqu'une nouvelle mesure législative est présentée, le gouvernement et nous tous devons, à toutes les étapes de son étude, examiner les ressources qui seront nécessaires et la question de savoir s'il en est tenu compte ou non. Il serait irresponsable de notre part d'adopter un projet de loi qui impose toutes sortes d'obligations financières et qui laisse aux provinces le soin de se débrouiller. Ce serait irresponsable et injuste. À mon avis, il est important que nous obtenions des engagements du gouvernement, pendant l'étude du projet de loi C-23, sur ce qu'il entend faire pour aider les systèmes judiciaires provinciaux à respecter les nouvelles exigences qui résulteront de la mise en oeuvre de cette mesure législative et pour les soutenir financièrement.
La Chambre reconnaît manifestement la nécessité de tenir un registre documenté des personnes qui ont agressé sexuellement des enfants et d'autres membres vulnérables de notre société. Je crois que c'est entendu. La Chambre cherche à comprendre les subtilités du projet de loi et à s'assurer que celui-ci établisse un équilibre entre la protection des plus vulnérables de notre société et le respect de notre charte et de nos traditions constitutionnelles. Comme c'est là le travail du comité, je demande que nous prenions tous la chose au sérieux et que nous accordions au comité le temps dont il a besoin pour l'accomplir.
Pour l'instant, je dirai que mes collègues néodémocrates et moi-même appuyons la portée générale du projet de loi. Nous savons que le projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Il présente des lacunes mais, grâce au ciel, il est enfin là et, Dieu merci, nous en sommes saisis. Assurons-nous de ne pas perdre de vue l'objectif visé et de faire tout notre possible pour que ce projet de loi devienne une loi qui soit vraiment efficace! Il nous faut non seulement veiller à ce qu'on ne perde pas la trace des délinquants sexuels et à ce qu'on arrête rapidement les récidivistes, mais aussi trouver le moyen grâce au projet de loi d'empêcher que des enfants et des citoyens vulnérables soient agressés sexuellement. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour que nos collectivités soient plus sûres pour tous les Canadiens.
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée d'en face de ses observations sérieuses sur le projet de loi C-23. Je voudrais cependant discuter d'une question avec elle, à savoir de ses observations au sujet du gouvernement manitobain, qui voudrait qu'il existe une disposition autorisant l'application rétroactive du registre des délinquants sexuels.
La députée ne sait-elle pas qu'il existe dans le droit pénal, et dans le droit du travail, un principe fondamental voulant qu'une peine ne puisse s'appliquer rétroactivement? Nous ne pouvons pas retourner dans le passé et appréhender des gens qui ont commis des actes qui, à l'époque, n'étaient ni illégaux ni criminels. Comme j'ai travaillé un peu dans le secteur du droit du travail, je sais qu'il s'agit là d'un principe fondamental du droit administratif disciplinaire. Par exemple, admettons qu'un employeur établit une sanction et déclare que, à compter de telle date, un employé doit téléphoner pour dire qu'il est malade, sinon il risque d'être considéré comme ayant enfreint le règlement de l'employeur ou la convention collective et est passible d'une suspension de trois ou cinq jours. Dans le droit du travail, un principe fondamental veut que nous ne retournions pas dans le passé. Il s'agit également d'un principe fondamental du droit pénal.
Comme la députée a dit que le gouvernement manitobain désire que ce projet de loi s'applique rétroactivement, que pense-t-elle, en tant que députée du Nouveau Parti démocratique, qui prétend représenter les travailleurs, du fait que le gouvernement de sa province veut retourner dans le passé?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le Président, je suis heureuse qu'on pose la question car c'est un problème qu'il faudrait examiner en profondeur au moment de l'étude article par article du projet de loi. Il reste des points dont on n'a pas encore traité. Les avocats de droit constitutionnel tout comme les gouvernements provinciaux ne se sont pas encore prononcés, pas plus que les groupes représentant les victimes. Ce n'est pas une question facile et elle n'est pas réglée d'avance. Elle comporte divers précédents et des interprétations constitutionnelles différentes.
Le Nouveau Parti démocratique fédéral n'a pas pris position en faveur d'une rétroactivité. Nous sommes toujours très prudents et nous essayons de trouver une façon de parvenir à un équilibre entre la protection des personnes vulnérables et le respect de notre Charte, mais en même temps je tiens à ce que nous examinions ce que les gouvernements provinciaux nous demandent, c'est-à-dire s'il existe une interprétation constitutionnelle en vertu de laquelle la rétroactivité s'appliquerait dans le cas qui nous préoccupe et serait maintenue.
On a entendu des commentaires pour et contre. Selon l'un de ces commentaires paru récemment dans un journal, l'auteur disait qu'il ne peut y avoir rétroactivité si une personne a déjà été reconnue coupable en vertu des anciennes règles. Les contrevenants doivent savoir quelles sont les règles du jeu avant de contrevenir. Je pense qu'il faudrait qu'on nous dise ce que cela signifie et quelles sont les interprétations en ce qui concerne cette loi. Je sais par contre que cet argument est invoqué par ceux qui disent avoir déjà été reconnus coupables ou être sur le point d'être reconnus coupables d'infractions sexuelles contre des enfants et des gens vulnérables, personnes qui seront libérées à un moment ou un autre et dont le nom ni figurerait pas au registre. Par conséquent, il y a des questions de sûreté et de sécurité qui doivent être examinées.
Je le répète, il n'y a pas de réponse facile. Nous n'avons pas pris position. Nous aimerions connaître tous les faits et tous les arguments sur le plan constitutionnel. Voilà pourquoi un comité doit être saisi du projet de loi et le soumettre à un examen approfondi.
M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): Monsieur le Président, pour ce qui est de l'effet rétroactif de l'enregistrement, les députés du gouvernement n'ont pas manifesté le même enthousiasme lorsqu'ils ont abordé les aspects techniques de la Loi sur l'enregistrement des armes à feu, notamment son effet rétroactif. Toutefois, lorsqu'il s'agit des délinquants sexuels, qui font énormément de tort à nombre de personnes, les députés du gouvernement montent sur leurs grands chevaux.
Dans notre société, on parle régulièrement d'enregistrement. Il faut enregistrer les véhicules. Il faut s'inscrire afin de présenter une déclaration d'impôt sur le revenu au gouvernement, sous peine d'avoir des problèmes. Pour vendre du blé au Canada, il faut s'enregistrer auprès du gouvernement.
Certains droits sont bafoués à cause de cette situation. On peut se lancer dans une discussion sur les droits, mais du côté du gouvernement on dit que le bien commun prime sur les droits individuels mis en cause.
Lorsqu'on prend en compte le fort taux de récidive chez les délinquants sexuels et la position de confiance que nombre d'entre eux occupent dans notre société et qu'on examine leur dossier et le tort qu'ils font à d'autres, femmes et enfants compris, il ne fait aucun doute que la protection des enfants, des femmes et des personnes abusées par des personnes en position de pouvoir prime sur le droit des contrevenants de ne pas être inscrits au registre.
Il ressort assez clairement, lorsqu'on tient compte de tous les régimes d'enregistrement qui existent, que de très sérieux motifs d'intérêt public justifient la rétroactivité. Si elle n'est pas rétroactive, cette mesure législative ne vaut pratiquement rien parce que la vaste majorité des contrevenants ont déjà un casier judiciaire et constituent une menace pour la société.
Le député de Winnipeg pourrait-il faire une observation à cet égard? À mon avis, cet argument milite nettement en faveur de l'enregistrement rétroactif. En l'absence de rétroactivité, le registre sera pratiquement inutile. J'aimerais entendre les observations du député là-dessus.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Monsieur le Président, je comprends la question. À mon avis, nous pourrions évoquer des arguments irréfutables pour et contre la suggestion. C'est la raison pour laquelle le projet de loi doit être renvoyé au comité où nous entendrons les témoignages de spécialistes constitutionnels et d'organismes d'aide des victimes ainsi que des familles des victimes qui doivent trouver le moyen de surmonter les difficultés liées à une agression sexuelle. Je le souhaite de tout coeur.
Dans un esprit d'équité, outre la question de la rétroactivité, nous devons nous assurer d'inclure des dispositions prévoyant la possibilité de rayer du registre le nom du délinquant s'il y a réhabilitation ou réhabilitation complète.
Il faut faire preuve de beaucoup de prudence sur les deux fronts. Nous devons nous assurer de respecter la charte tout en trouvant la meilleure façon de protéger les victimes d'agressions sexuelles.
Mon collègue, le porte-parole officiel du caucus en matière de Justice, a indiqué plus tôt qu'il proposerait un amendement prévoyant l'examen d'office de la liste du registre, élément important à mon avis. Il recommandera que soient examinées des dispositions prévoyant que la radiation du nom d'un délinquant sexuel de la base de données incombe aux personnes ordonnant la réhabilitation alors qu'actuellement le dossier criminel d'un délinquant sexuel réhabilité peut être classé sans que son nom ne soit automatiquement soumis à un examen en vue de son inscription dans la base de données.
Le porte-parole officiel du caucus a fait certaines suggestions. Les ministres provinciaux de la Justice en ont fait également. Nous devons les examiner en comité et convenir de la meilleure mesure législative possible.
[Français]
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, c'est un plaisir chaque fois que je me lève à la Chambre et que j'ai la chance de parler de ce sujet très important. Pour faire changement, ce projet de loi est très positif. Il vise à protéger les enfants. C'est une grande priorité pour tous les Canadiennes et Canadiens.
[Traduction]
Comme d'autres l'ont déjà dit à plusieurs reprises, ce projet de loi était attendu depuis longtemps, et le Parti progressiste-conservateur l'appuie évidemment. Nous prônions depuis longtemps l'établissement d'un registre des délinquants sexuels autonome, qui influerait de façon concrète et immédiate sur la capacité des forces policières d'assurer la protection de la population et renforcerait les systèmes actuels de protection des enfants et des communautés en général.
La mise en oeuvre de cette mesure législative aura des effets importants. Cette mesure est le résultat d'une idée incroyablement sensée, qui a fait l'objet d'un long débat public. En adoptant cette loi, le gouvernement s'écarte de son attitude habituelle, qui consiste à en faire très peu.
Le projet de loi C-23 prévoit l'enregistrement, dans une banque de données nationale, de certains renseignements concernant les délinquants sexuels, apporte des modifications au Code criminel et aide la police à enquêter au sujet des infractions sexuelles. L'enregistrement lui-même, qui porte sur certains renseignements touchant les délinquants sexuels, faciliterait sans aucun doute la tenue des enquêtes en temps opportun, mais il répondrait surtout à un besoin réel de protection publique.
Je suis heureux que ce projet de loi ait été présenté. Mon parti réclamait depuis longtemps des mesures concrètes dans ce dossier et nous avons demandé à de nombreuses reprises la création immédiate d'un registre. Il est difficile de comprendre que l'on consacre autant de temps et d'efforts, comme on l'a déjà dit, à un registre des armes d'épaule qui a coûté un milliard de dollars aux Canadiens et dans lequel des millions ont été versés encore tout récemment, la semaine dernière, alors que nous avons la possibilité de mettre en place un outil pratique qui permettrait à la police de mener ses enquêtes et de protéger les enfants.
Bien que nous reconnaissions que la possibilité qui nous est donnée de débattre des détails du projet de loi représente une étape très importante du processus, il subsiste un certain nombre de problèmes que j'aimerais aborder. En particulier, l'article 20 du projet de loi, qui concerne le paragraphe 490.03(4), permettrait aux délinquants sexuels de faire retirer leurs noms du registre s'ils sont en mesure de prouver que cela aurait un effet négatif sur leur vie privée ou leur liberté.
Sans vouloir trop insister sur l'analogie, je suis très préoccupé par l'échappatoire qui existe déjà dans le cas de la pornographie juvénile, qui accorde une grande discrétion relativement à ce qu'on a appelé la valeur artistique. Le même genre d'échappatoire existe ici. L'article du projet de loi précise:
...rendre une ordonnance... s'il est convaincu... que celle-ci aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente, pour la protection de la société... |
Je trouve qu'il y a là une anomalie. Quand il s'agit de protéger les enfants contre les délinquants sexuels, comment peut-il y avoir un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public? Qu'est-ce qui peut être plus important que la protection des enfants?
Je crains qu'avec une telle échappatoire, il ne soit facile pour les délinquants sexuels d'obtenir que leur nom ne soit pas inscrit dans le registre. Qui va définir l'effet nettement démesuré? Qui va définir le bien public? Même s'il y avait une définition acceptable dont nous pourrions tous convenir, ce dont je doute, qui déterminera la définition qui l'emportera? De toute évidence, ce sont les tribunaux, ce qui nous ramènera à un processus désuet qui, finalement, ne protégera pas nos jeunes.
Espérons que nous réussirons du premier coup. Espérons que les juges feront le bon choix. Nous découvrirons ensuite qu'il existe un processus d'appel. Nous savons qu'il y a une procédure de révision.
Je ne prétends pas que l'approche équilibrée ne soit pas la bonne. Je crains seulement que nous mettions délibérément en place une échappatoire qui entraînera immédiatement des contestations judiciaires.
Malheureusement, il y a d'autres changements à faire dans le cadre du projet de loi. Celui-ci, s'il doit vraiment servir à protéger le public, doit être réexaminé, ne serait-ce que pour établir le besoin d'une base de données distincte et autonome.
Les agents de police, les procureurs généraux des provinces et d'autres personnes travaillant dans le domaine témoigneront du fait que le système actuel du Centre d'information de la police canadienne ne permet pas d'établir un registre des délinquants sexuels, contrairement à ce que le solliciteur général et ses prédécesseurs ont affirmé depuis des années. C'est exactement ce dont nous avons besoin.
Pour protéger les enfants et disposer d'un système vraiment utile, nous avons besoin d'une base de données autonome. Si nous pouvons nous permettre un registre autonome des armes à feu qui ne fonctionne pas, nous pouvons sûrement payer un système pour protéger nos enfants. Il n'y a pas de comparaison possible entre les deux. Nous insistons pour un système autonome et nous continuerons à le faire.
J'ai parlé à des membres des services d'aide aux victimes, à des agents de police, à des responsables de la protection de l'enfance, à des avocats, à Steve Sullivan et à beaucoup d'autres qui s'inquiètent de l'établissement d'un système qui ne répond pas vraiment aux besoins et crée un faux sentiment de sécurité.
L'information à tirer du registre n'est valable que par son accessibilité et son exactitude. En fait, la vérificatrice générale a souligné à maintes reprises les lacunes de l'actuel système du CIPC et des données qu'il contient.
En réalité, le système actuel, qui a été conçu en 1966 et se compose d'un ordinateur principal, d'un réseau de communication ainsi que du matériel et du logiciel nécessaires assurer l'accès aux utilisateurs, a été à l'occasion sur le point de s'effondrer. Malgré les efforts déployés pour le moderniser, je crains fort que la simple addition d'autres éléments n'augmente les contraintes qui existent déjà. Il est arrivé dans le passé que le CIPC tombe en panne et que les agents de police soient incapables d'accéder à une information de la plus haute importance.
Le système a été conçu à l'origine pour traiter un trafic annuel de 11 millions d'opérations et être branché sur 1 500 points d'accès. En 1998, le nombre d'opération traitées s'élevait à 114 millions, soit dix fois le volume initialement prévu. À l'heure actuelle, plus de 15 000 points d'accès sont branchés sur le système, desservant 1 285 services de police et organismes gouvernementaux.
Voilà donc les choses mises en contexte; on voit bien que notre système est excessivement surchargé. Ce qu'il faut, et ce que demandent les procureurs généraux des provinces, les policiers et les autres intervenants, c'est un système autonome distinct. L'Association canadienne des policiers, comme je l'ai déjà mentionné, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, ainsi que de nombreux autres citoyens préoccupés ont fait valoir que le système devrait être autonome. Le gouvernement est au courant. Il doit faire preuve de leadership à cet égard. Si la volonté politique était là, cela pourrait se produire rapidement.
Je ne voudrais pas tout mêler, mais je dois soulever à nouveau la question du registre des armes à feu, auquel nous avons consacré un milliard de dollars, et qui continue de coûter très cher sans pour autant avoir un impact sur la sécurité publique. Le gouvernement et les députés d'en face essaient depuis des années de nous dire qu'il existe un lien réel, une connexion entre l'enregistrement des armes d'épaule et la protection de la population. C'est absolument fallacieux; ce n'est qu'une fourberie maintes fois mise au jour et dénoncée.
Les députés libéraux du caucus se sont fait dire, la semaine dernière, qu'ils devaient respecter la ligne de parti; ils ont donc voté en faveur du Budget supplémentaire des dépenses et ont accepté que l'on consacre encore 68 ou 69 millions de dollars à ce gouffre financier sans fin des libéraux, démontrant encore une fois qu'il s'agit bien plus de sauver la face que de sauver des vies.
Ce n'est certes pas la première fois qu'une telle chose se produit. Nous avons vu de nombreux cas de la sorte, notamment l'annulation du contrat d'achat des hélicoptères EH-101, les centaines de millions de dollars consacrés à de la fausse publicité, les programmes de DRHC et l'annulation des travaux à l'aéroport Pearson, autant de situations démontrant l'absence de gros bon sens, de reddition de comptes et de responsabilité pratique dans l'exercice de la gouvernance.
Je soutiens qu'il serait possible de prendre l'infrastructure existante du registre des armes à feu, c'est-à-dire les systèmes informatiques, le personnel, les efforts consacrés à ce système défaillant, et de l'appliquer à un registre des délinquants sexuels qui aurait une application pratique, serait efficace, permettrait de protéger les enfants et serait plus conforme aux priorités des Canadiens. Je suis convaincu qu'une telle mesure contribuerait largement à rétablir la confiance de la population.
À l'heure actuelle, les délinquants condamnés peuvent être libérés et changer leur adresse, leur apparence ou leur nom pour éviter d'être repérés. Nous savons que les délinquants sexuels s'en prennent à ceux qui peuvent le moins se défendre et qu'ils trompent, se déguisent et ont recours à des subterfuges. Ils s'adonnent sciemment à ces infâmes activités pour passer inaperçus.
De toute évidence, il faut que l'information soit exacte, à jour et disponible. Si le registre n'est pas à jour et s'il est inexact, nous mettons la vie des enfants en danger, et je ne crois pas que le gouvernement veuille d'aucune façon mettre des chiffres sur ce risque.
Avec l'information qui se trouve actuellement dans le système du CIPC, il est impossible de classer les renseignements de façon que la police et les responsables locaux de l'application de la loi puissent les consulter et s'en servir pour faire de la prévention. À mon avis, ajouter une catégorie «délinquant sexuel» à un système vétuste et surchargé, c'est courir à l'échec. Nous savons que, chez les délinquants sexuels, le taux de récidive est extrêmement élevé.
Dans le cas de récidive pour des actes odieux comme l'enlèvement et l'agression sexuelle, on perd un temps précieux à identifier le suspect, qui est souvent inconnu de la police locale ou de la collectivité ou qui s'est déplacé ou, lâchement, a changé son apparence ou son nom. Cela arrive souvent.
Un système distinct fournirait à la police une capacité renouvelée de protéger la société et de s'acquitter de son travail essentiel: assurer la sécurité et l'ordre. La police aurait un meilleur accès à l'information sur les déplacements précis des délinquants et sur toutes les condamnations antérieures pour des infractions de nature sexuelle.
Malheureusement, tous les délinquants ne se retrouvent pas dans le système du CIPC. Par exemple, lorsque l'infraction a eu lieu en Colombie-Britannique, il peut y avoir des retards dans la saisie de l'information. Si des délinquants comparaissent ensuite devant les tribunaux en Nouvelle-Écosse ou à Terre-Neuve, il est difficile de s'assurer que l'information est exacte.
Mes collègues de la Nouvelle-Écosse, les députés de South Shore et de Cumberland—Colchester, et les députés du Parti progressiste-conservateur appuient cette initiative. Assurons-nous donc de faire les choses correctement et veillons à ce que, lorsque nous saisirons le système de justice de la question, une approche sensée soit adoptée pour modifier ce processus et veiller à ce qu'il marche bien dans l'intérêt de tous les Canadiens.
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
[Article 31 du Règlement]
* * *
[Français]
Le Mois de la sensibilisation à l'épilepsie
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'informer la Chambre et l'ensemble des Canadiens que le mois de mars est le Mois de la sensibilisation à l'épilepsie. L'épilepsie est une grave maladie du cerveau qui touche plus de 300 000 Canadiens. Elle se caractérise par des crises, des tremblements incontrôlables, des convulsions ou de la confusion.
De nombreuses personnes souffrant d'épilepsie hésitent à admettre qu'elles sont affligées par cette maladie ou même à chercher un traitement. Épilepsie Canada a pour objectif de sensibiliser le public à cette maladie et de supprimer le stigmate qui lui est attaché.
J'encourage fortement les Canadiens à faire un effort pour en apprendre davantage sur cette maladie. Ensemble et grâce à la recherche médicale, nous pouvons améliorer la qualité de vie de ceux qui souffrent d'épilepsie dans notre grand pays.
Je félicite Épilepsie Canada pour son remarquable travail et lui présente mes voeux de succès pour l'avenir.
* * *
[Traduction]
Les relations canado-américaines
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'antiaméricanisme libéral a des conséquences épouvantables pour des Canadiens ordinaires. Des individus voient dans l'attitude de dirigeants ministériels une autorisation à se montrer intolérants et irrespectueux à l'égard d'autres personnes.
Une dame handicapée m'a écrit qu'on lui avait craché dessus et qu'on avait proféré des menaces à son endroit. Pourquoi? Parce qu'elle arbore les sigles U.S. et U.K. sur son véhicule en signe d'appui aux efforts déployés par les États-Unis et le Royaume-Uni en faveur de la sécurité, de la liberté, de la paix et de l'aide humanitaire.
L'attitude des dirigeants compte. Le sectarisme libéral a malheureusement filtré au point de nuire à notre société et aux Canadiens et de faire honte à notre magnifique pays.
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Les maladies du foie
Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Monsieur le Président, la Fondation canadienne du foie a désigné le mois de mars comme Mois de la lutte contre les maladies du foie.
Les maladies du foie sont la quatrième cause principale de décès au Canada et affectent autant les hommes que les femmes, les adultes que les enfants. La Fondation a pour mandat de réduire l'incidence et l'impact des maladies du foie au moyen de la recherche et de l'éducation.
Les chercheurs canadiens sont depuis longtemps reconnus au plan international pour leurs percées dans le diagnostic, la prévention et le traitement des maladies du foie. La fondation est fière de pouvoir appuyer leurs efforts en subventionnant les recherches de grands spécialistes du foie de même que des nouveaux chercheurs dont ce domaine a tellement besoin.
Je demande à mes collègues de rendre avec moi hommage à la Fondation canadienne du foie et à tous ses bénévoles en ce Mois de la lutte contre les maladies du foie.
* * *
[Français]
Rémon Lecavalier
M. Serge Marcil (Beauharnois—Salaberry, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais souligner aujourd'hui la remarquable implication communautaire d'un citoyen de ma circonscription, M. Rémon Lecavalier.
M. Lecavalier oeuvre dans le mouvement scoutisme depuis plusieurs années. Son dynamisme et sa détermination à transmettre aux jeunes de la région de Beauharnois—Salaberry des valeurs inestimables représentent une ressource précieuse.
Le 21 mars dernier, le lieutenant-gouverneur du Québec, l'honorable Lise Thibault, lui a décerné la Médaille de Mérite Or de la Fédération québécoise du scoutisme, afin de reconnaître son engagement exceptionnel au sein du mouvement scoutisme.
Je me fais le porte-parole des jeunes scouts de la région de Beauharnois—Salaberry pour le remercier et le féliciter pour cette distinction honorifique bien méritée.
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Les Grands Prix du tourisme de l'Outaouais
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Monsieur le Président, samedi soir, sous le thème «Outaouais, vivez-le!» avait lieu le 18e Gala des Grands Prix du tourisme de l'Outaouais.
J'aimerais aujourd'hui féliciter les lauréats de ce gala. Il s'agit de la Keskinada Loppet; Aux Berges des Outaouais; le Camping Cantley; l'Auberge Viceroy; le Château Logue Hotel-Golf-Resort; le Ramada Plaza Manoir du Casino; Réservations Outaouais; la Cartographie informatisée de l'Outaouais; le restaurant Les Fougères; le restaurant Laurier sur Montcalm; le Train à vapeur Hull-Chelsea-Wakefield; le Musée canadien des civilisations; le Festival de montgolfières de Gatineau; Expéditions Eau Vive; le Parc de la Gatineau; Mawadoseg Kitigan Zibi; M. Michel Sancartier du Festival western de Saint-André-Avelin et la Keskinada Loppet qui a, en plus, reçu le prix de commercialisation internationale de Développement économique Canada.
Ces lauréats sont la preuve de la vivacité et du dynamisme de l'industrie touristique de notre belle région. Je tiens à féliciter MM. Gilles Picard et Jean Tiffeault, respectivement directeur général et président de Tourisme Outaouais.
Bravo aux gagnants et bonne chance lors du prochain gala de l'industrie touristique du Québec!
* * *
[Traduction]
La Saskatchewan
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan a déposé vendredi dernier un budget qui pourrait facilement relever de l'économie vaudou. Les habitants de la province tentent toujours de déchiffrer les demi-vérités que l'on trouve dans le document gouvernemental de cette année.
Le NPD qui règne à Regina continue de prétendre que ses sociétés d'État ne sont pas comptabilisées dans les livres de l'État, même si elles représentent 40 p. 100 des activités publiques de la province. Le NPD affirme que la Saskatchewan connaîtra un taux de croissance sans précédent de 6,8 p. 100 au cours de la prochaine année. C'est assez étonnant, compte tenu du fait que l'économie a reculé de près de 2 p. 100 l'an dernier et que les experts prédisent une autre année difficile dans le secteur de l'agriculture.
Au cours des dernières élections, le NPD avait promis l'affectation d'un plus grand nombre de policiers dans les rues. Toutefois, il a plutôt choisi de gaspiller plus de 110 millions de dollars pour un projet de titres fonciers qui n'a mené à rien. En Saskatchewan, nous sommes habitués de devoir attendre pour connaître un meilleur lendemain. Le refus du NPD de se pencher sur la question de la réforme fiscale des biens fonciers ruraux ou sur un allègement fiscal quelconque d'ici aux prochaines élections est ridicule et relève de la basse politique.
Les élections qui se tiendront l'an prochain ramèneront une planification économique sensée dans la province, puisqu'un nouveau gouvernement sera élu, formé par le Parti de la Saskatchewan, sous la direction de Elwin Hermanson.
* * *
Les anciens combattants
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais attirer l'attention de mes collègues sur une présentation bien spéciale qui a été faite ce matin à un Canadien hors de l'ordinaire. Plus tôt aujourd'hui, le ministre des Anciens combattants a eu le privilège de remettre la Médaille du jubilé de la reine à M. Paul Métivier, un ancien combattant de la Première Guerre mondiale.
Au fil des ans, M. Métivier a très activement célébré les réalisations des anciens combattants et commémoré leurs sacrifices. Il a souvent représenté les anciens combattants au cours de cérémonies commémoratives au pays et à l'étranger. M. Métivier a participé à bon nombre de documentaires, racontant l'expérience qu'il a lui-même vécue sur le front occidental. Il continue de nous fournir des renseignements personnels inestimables sur ce qu'il a vécu pendant ces terribles années.
Le Canada a le privilège de pouvoir compter sur 13 anciens combattants qui peuvent témoigner directement de la période de la Grande guerre. Chacun d'eux recevra une Médaille du jubilé de la reine au cours de cérémonies qui se tiendront partout au Canada et aux États-Unis. Ces anciens combattants ont servi leur pays au cours d'une période difficile. Ils ont contribué à créer le Canada, ce pays qui nous est si cher.
Nous tenons à les en remercier du fond du coeur. Nous nous souviendrons d'eux.
* * *
[Français]
Les aidants naturels
Mme Diane Bourgeois (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur le Président, de plus en plus de gens quittent leur emploi pour aider une personne de leur famille qui est handicapée, âgée ou malade. Ces personnes, qu'on appelle des «aidants naturels», font un choix difficile, soit celui de demeurer auprès de l'être qu'ils affectionnent 24 heures par jour, sept jours par semaine, et ce, sans aucune rémunération.
Plus souvent qu'autrement, ce sont des femmes qui prennent ce genre de décisions. En effet, 80 p. 100 des aidants naturels sont des femmes.
Il est triste que, la semaine dernière, cette Chambre n'ait pas adopté le projet de loi C-206, qui permettait un soutien financier aux aidants naturels. Il est encore plus triste que la secrétaire d'État responsable de la Situation de la femme, en votant contre ce projet de loi, ait fermé les yeux sur une des revendications de la Marche mondiale des femmes.
* * *
[Traduction]
Les Championnats du monde de patinage artistique
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, vendredi soir dernier, à Washington, D.C., les champions de danse artistique sur glace canadiens Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz ont couronné une carrière impressionnante en patinage artistique amateur en remportant la médaille d'or en couple lors des Championnats du monde de patinage artistique. C'est la première fois que le Canada remporte une médaille d'or depuis la création des championnats de danse sur glace, il y a 51 ans, ce qui rend l'exploit des médaillés encore plus impressionnant.
Shae-Lynn Bourne, native de Chatham, en Ontario, et Victor Kraatz, de Vancouver, qui patinent en couple depuis 1991, sont dix fois champions canadiens. Ils ont aussi remporté six médailles lors de championnats mondiaux, notamment la médaille d'or qu'ils viennent d'obtenir. Tout au long de leur carrière amateur, ces athlètes ont incarné la beauté et la grâce de leur sport, tant sur la patinoire qu'à l'extérieur de celle-ci, et se sont imposés comme des modèles uniques.
J'invite tous les Canadiens à se joindre à moi pour féliciter Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz pour leur prestation exceptionnelle et pour leur souhaiter bonne chance dans la carrière professionnelle qu'ils entreprennent.
* * *
L'Irak
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, samedi, à midi, quelque 5 000 fiers Canadiens se sont rassemblés sur la Colline du Parlement, malgré la pluie froide, afin de montrer leur soutien à nos alliés traditionnels.
Les pancartes qu'ils brandissaient et les slogans qu'ils martelaient montraient leur opposition évidente au type de leadership que dictent les sondages aux libéraux. Ils voulaient dire clairement à leur gouvernement que nos militaires devraient être en Irak sous le drapeau canadien et non pas dans le cadre d'un programme d'échange sous le drapeau d'un autre pays. Le chef de mon parti ainsi que quelques autres personnes, dont moi-même, et j'en suis très fier, avons été invités par l'organisatrice de la manifestation, Debbie Jodoin, à prononcer quelques paroles à cette occasion.
Ce rallye n'était pas une manifestation en faveur de la guerre, comme d'aucuns l'ont dit, mais bien un appel pour faire comprendre à notre gouvernement qu'il n'est pas trop tard pour prendre la bonne décision d'épauler l'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis contre la tyrannie de Saddam Hussein.
Les libéraux ont préféré placer le Canada dans la marge avec la France, l'Allemagne, la Russie et la Chine. Est-ce étonnant si nos alliés se sentent trahis et si les Canadiens ont honte de leur gouvernement?
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Terre-Neuve-et-Labrador
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): Monsieur le Président, le 31 mars est une journée historique pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador et pour l'ensemble du Canada. C'est en effet ce jour-là qu'en 1949, Terre-Neuve a adhéré à la Confédération canadienne, à titre de 10e province.
Aujourd'hui, nous célébrons tous les 54 années d'existence de Terre-Neuve-et-Labrador à titre de province de ce merveilleux pays, de même que tous les avantages dont jouissent les citoyens du meilleur pays où vivre dans le monde.
Les Canadiens considèrent les Terre-Neuviens et les Labradoriens avec beaucoup d'affection. Le soutien récent témoigné aux victimes des terribles inondations qui ont frappé la petite localité de Badger à Terre-Neuve en est la meilleure des preuves.
Les Terre-Neuviens et les Labradoriens ont d'ailleurs tellement donné au Canada: leur «screech», ce fameux rhum, les monts Torngat, le parc national du Gros-Morne, Joey Smallwood, leur riche culture musicale, leur indubitable sens de l'humour et leur vivacité d'esprit.
Évidemment, nous avons tous été fiers de la façon dont les habitants de Terre-Neuve et du Labrador ont accueilli les passagers des vols détournés le 11 septembre. Ils ont accueilli ces gens-là chez eux et dans leur vie.
Au nom de tous les députés, je tiens à féliciter sincèrement la population de Terre-Neuve-et-Labrador.
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Le Nouveau Parti démocratique
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, à la suite d'une rencontre très fructueuse du conseil fédéral du NPD fédéral qui a eu lieu à Montréal le week-end dernier, je suis fière de dire que le NPD est le premier parti fédéral à avoir éliminé ses dettes électorales, mais pas en contractant des emprunts auprès de ses associations de circonscription, comme l'a fait l'Alliance canadienne. Notre dette est éliminée, et nous sommes prêts à aller de l'avant.
Nous sommes prêts à dire aux Canadiens qu'il y a une véritable solution de rechange aux priorités libérales-alliancistes qui ont été préjudiciables à tellement de gens. Nous avons mis de l'ordre dans nos finances et, avec notre nouveau chef, Jack Layton, nous sommes prêts. Nous savons que les véritables priorités des Canadiens concernent l'investissement dans nos localités, l'interruption de la privatisation des soins de santé et la défense de l'environnement, et non pas la poursuite d'une guerre illégale et inutile.
Nous savons où en sont les Canadiens. Nous sommes là avec eux et nous sommes prêts à agir.
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[Français]
Gilbert Corniglion
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je veux souligner le travail effectué par un de mes commettants qui se prépare à participer à une vaste opération humanitaire en Irak.
Gilbert Corniglion oeuvre présentement au sein de la Croix-Rouge. Après avoir passé un an au Sri Lanka, il est arrivé en Jordanie au début de l'année où il a travaillé à fournir une assistance vitale à des populations qui vivent en zones conflictuelles.
En entrevue à un hebdomadaire de ma circonscription, il affirmait, et je cite: «L'opinion arabo-palestinienne est massivement et vigoureusement antiaméricaine et s'enflamme en faveur de Saddam. C'est la même chose à Amman, où le régime est sur la corde raide à cause de son support aux États-Unis.»
Puisque la guerre fait rage, il faudra s'occuper de ceux et celles qui afflueront dans les camps de réfugiés. Combien seront-ils? Des centaines? Des millions? Nul ne le sait. Mais M. Corniglion concluait ainsi: «Ce qui est sûr, c'est qu'il y aura beaucoup d'ouvrage, hélas.»
Je salue le travail de M. Gilbert Corniglion et de tous les membres de la Croix-Rouge.
* * *
[Traduction]
Les soins de santé
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur le Président, en février dernier, les premiers ministres du Canada se sont entendus sur un nouveau plan de santé qui servira à améliorer l'accès à des soins de qualité pour tous les Canadiens. L'accord sur le renouvellement des soins de santé de 2003 est une étape importante dans l'amélioration des soins de santé universels prodigués à tous les Canadiens.
Le premier ministre de l'Ontario a dit récemment que les deux milliards de dollars que sa province prévoit recevoir au titre de l'augmentation prévue des fonds fédéraux pour les soins de santé serviront principalement à rembourser à la province les sommes qu'elle a déjà consacrées aux soins de santé, plutôt qu'à fournir de nouveaux services.
Les électeurs de ma circonscription d'Erie--Lincoln appuient le rapport Romanow et ont demandé aux gouvernements du Canada et de l'Ontario de leur garantir la reddition de comptes dans les dépenses provinciales en matière de soins de santé. Leur crainte est que M. Eves se serve du nouveau financement fédéral des soins de santé pour réduire les impôts et pour d'autres dépenses au lieu d'améliorer le système de soins de santé.
J'exhorte le gouvernement du Canada à veiller à ce que les fonds fédéraux donnés aux provinces au titre des soins de santé servent à cette fin et à rien d'autre.
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L'Agence des douanes et du revenu du Canada
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, le temps est venu de revoir les pouvoirs de l'Agence des douanes et du revenu du Canada quand cette dernière intervient auprès des contribuables canadiens.
L'ADRC a le pouvoir de bloquer des comptes de banque, le pouvoir de saisir des fonds appartenant à des Canadiens et le pouvoir de procéder à une nouvelle cotisation des comptes et d'imposer ses décisions. Aucune banque, aucune entreprise et, en réalité, aucun créancier n'a les pouvoirs de l'ADRC, qui peut décider que les Canadiens sont coupables jusqu'à preuve du contraire. L'ADRC peut procéder à une nouvelle cotisation du compte d'un citoyen canadien, puis prendre des mesures extrêmement sévères. Il appartient ensuite aux contribuables canadiens d'établir leur innocence, peu importe les frais de comptabilité et les honoraires d'avocat.
La notion qu'a l'ADRC de la culpabilité jusqu'à preuve du contraire engendre ces questions. Est-ce que le ministre va présenter des mesures législatives qui garantiront qu'aucune sanction ne sera prise contre un contribuable canadien tant qu'un tiers n'aura pas entendu les deux parties? Est-ce que le ministre va présenter des règlements qui exigeront de compenser les contribuables canadiens pour les coûts occasionnés par la défense contre les accusations portées par l'ADRC si, en fin de compte, les accusations ne sont pas fondées?
* * *
Le registre des armes à feu
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, en février 2002, mon bureau a reçu du ministre de la Justice des rapports confirmant que le ministère avait déjà perdu la trace de plus de 38 000 propriétaires d'armes à feu titulaires d'un permis. La situation ne s'est pas améliorée.
À titre d'exemple, j'invite les députés à écouter le récit suivant concernant un résident de la Colombie-Britannique:
Il y a deux ans, j'ai communiqué avec le Centre canadien des armes à feu pour les informer de mon déménagement et leur demander les formulaires d'autorisation d'apporter mes armes de poing. J'ai bien reçu le formulaire temporaire valable le jour du déménagement pour ensuite recevoir la version intégrale à ma nouvelle adresse une semaine plus tard. Jusqu'ici, pas de problème. Dix-huit mois plus tard, trouvant finalement le temps d'enregistrer mes armes d'épaule, j'ai communiqué avec le Centre pour demander pourquoi je n'avais pas reçu les formulaires d'enregistrement. On m'a dit m'avoir déjà envoyé plusieurs rappels et, finalement, une lettre d'avertissement. Après quelques explications, nous avons constaté que les documents avaient été envoyés à l'ancienne adresse. Je trouve ça inquiétant étant donné que l'on menace les propriétaires d'arme à feu d'emprisonnement s'ils ne signalent pas leur changement d'adresse dans les 30 jours d'un déménagement. |
C'est ça un système qui est censé tenir les services de police au courant de l'emplacement de toutes les armes à feu. C'est plutôt un système qui a permis au libéraux de dépenser un milliard de dollars pour en faire un gâchis.
QUESTIONS ORALES
[Questions orales]
* * *
[Traduction]
L'Irak
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les premiers ministres canadiens se battent depuis des générations pour faire reconnaître notre indépendance, y compris le droit de nos militaires de combattre sous les couleurs et le commandement canadiens.
Il y a présentement des militaires canadiens en Irak. Toutefois, sous le gouvernement libéral, ils combattent entièrement sous le commandement, la direction et le drapeau d'autres pays.
Pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour nous placer dans l'embarras et laisser nos militaires faire la guerre uniquement sous les couleurs d'autres pays?
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il est ironique que le chef de l'opposition parle d'indépendance si peu de temps après avoir fait à Newsworld la déclaration suivante:
Jamais dans notre histoire n'avons-nous été plus dépendants des États-Unis et de leurs alliés... Le gouvernement ne peut donc pas maintenant prétendre à l'indépendance. |
Nous sommes bien moins disposés que le chef de l'opposition à abdiquer l'indépendance du Canada.
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, non seulement le gouvernement a sacrifié notre indépendance, mais la seule raison pour laquelle il n'appuie pas nos alliés, c'est qu'il n'a pu obtenir l'approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies, organisme au sein duquel le Canada ne siège même pas. C'est honteux.
Je vais poser au gouvernement une question très claire. Des militaires canadiens participent à la guerre contre Saddam Hussein. Ces militaires bénéficient-ils ou non du soutien inconditionnel de leur gouvernement?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, selon moi, il est plus que temps que les gens mettent en veilleuse leur partisanerie et envoient un message clair et uniforme à tous les militaires se trouvant aujourd'hui dans la région, quel que soit le pays et peu importe leur mission. Le message est simple: nous les appuyons inconditionnellement. Nous les remercions de risquer leur vie pour nous défendre. Nous souhaitons vivement qu'avant longtemps ils aient terminé leur mission dans l'honneur et ils rentrent bientôt chez eux, dans leur famille.
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie le ministre de cet engagement, en tenant pour acquis qu'il s'adresse à tous nos soldats, y compris ceux qui luttent contre Saddam. Si c'est le cas, comment le gouvernement peut-il donner à nos soldats un appui si inconditionnel au moment où ils risquent leur vie, alors qu'il n'appuie pas nos alliés qui combattent à leurs côtés? Comment peut-on prendre au sérieux un gouvernement qui adopte une telle position?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, notre position est claire, si les députés de l'Alliance veulent bien prêter l'oreille. Ils parlent de l'importance de notre alliance avec les États-Unis depuis de nombreuses décennies. Cela se poursuit. Ce programme d'échange fait partie de notre alliance avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et d'autres pays.
Le gouvernement sait qu'aucun de ces militaires ne se trouve directement dans une situation de combat. Aucun d'entre eux n'a été autorisé à recourir à la force, si ce n'est pour se défendre. Nous sommes ravis de respecter ces accords d'échange de longue date conclus avec nos alliés.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la coalition affirme depuis des mois l'existence d'un lien entre Saddam Hussein et le terrorisme et voilà que, finalement, le régime de Saddam admet sa culpabilité sous ce rapport. Le vice-président irakien, Yassin Ramadan, annonçant que des kamikazes se préparaient à commettre des attentats terroristes à Bagdad, a en effet déclaré qu'il s'agissait là d'une « stratégie militaire normale ».
Le premier ministre va-t-il admettre que la guerre contre Saddam fait partie de la guerre contre le terrorisme, et que le Canada devrait y participer?
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous participons à la guerre contre le terrorisme. Nous l'avons prouvé très clairement en envoyant des navires dans le golfe, en assurant une présence militaire en Afghanistan et en démontrant notre ferme et entière détermination à fournir un appui indéfectible à nos alliés dans la guerre contre le terrorisme. Nous allons poursuivre nos efforts dans ce sens.
Comme le ministre de la Défense nationale, cependant, je crois qu'il ne faut pas politiser cette question à la Chambre au point de mêler les Canadiens. L'opposition aurait évidemment avantage à le faire, mais ce ne serait pas dans l'intérêt à long terme du Canada ni des efforts de paix du Canada dans cette région.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, Alliance canadienne): Monsieur le Président, quel caractère politique peut-on voir dans le fait que des Fedayins terroristes de Saddam qui bombardent intentionnellement des endroits où vivent des Irakiens? Et qu'en est-il des exécutions sommaires de citoyens irakiens commandées par Saddam, ou encore des femmes innocentes qui sont assassinées d'une balle dans le dos parce qu'elles tentent de s'enfuir?
Le premier ministre a maintenant des raisons légitimes d'engager le Canada dans ce conflit, aux côtés de nos alliés, afin de protéger des personnes innocentes et nos amis contre les actions des terroristes. Le premier ministre a-t-il seulement songé à l'effet extrêmement favorable que cela pourrait avoir sur les alliés et au dur coup qu'il pourrait infliger au moral des troupes de Saddam si le Canada annonçait son entrée en guerre contre le terrorisme et sa participation au conflit auprès de ses amis?
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous participons depuis le début à la guerre contre le terrorisme. Cependant, nous avons travaillé fort pour éviter ce conflit. Nous avons tenté d'éviter ce conflit et les actes que le député semble se plaire à décrire à la Chambre aujourd'hui.
Ne nous réjouissons pas de ces événements. Tâchons plutôt de les prévenir, comme le Canada s'est toujours assuré de le faire dans le passé et comme il continuera de le faire dans l'avenir, c'est-à-dire en déployant des efforts multilatéraux en faveur de la paix dans le monde.
[Français]
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, mercredi, nous avons demandé au ministre de la Défense si des soldats canadiens prêtés à des unités étrangères avaient, dans le passé, participé à des conflits armés sans que le Canada ne soit en guerre. Nous n'avons pas eu de réponse. Nous lui avons redemandé jeudi et nous n'avons toujours pas eu de réponse, mais le ministre nous a dit qu'il s'informerait. Vendredi, c'était le même manège avec le secrétaire parlementaire, qui a dit que la recherche se poursuivait.
Si le gouvernement refuse de répondre, n'est-ce pas parce qu'il veut cacher le précédent irakien, parce qu'il veut cacher que, pour la première fois, des soldats canadiens combattent au sein d'unités étrangères alors qu'officiellement, le Canada n'est pas en guerre?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il est vrai que la recherche continue. Nos historiens font la recherche et n'ont pas encore de réponses en ce moment. Comme je viens de l'expliquer à l'Alliance canadienne, nos soldats sont là dans des échanges avec les Américains. Ces échanges ont lieu depuis des décennies. Ils ne sont pas dans un rôle de combat direct. Le gouvernement est satisfait avec cette situation.
M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, je comprends pourquoi il le demande aux historiens. Un ministre qui ne savait pas où était Dieppe et qui confondait Vimy et Vichy fait mieux de s'adresser aux historiens.
Le ministre nous a également dit à la Chambre, la semaine dernière, que les soldats canadiens jouaient un rôle, et je cite, «de soutien» et qu'ils ne participaient pas au combat en Irak. Or, on apprend que le lieutenant canadien Angie Little participe présentement au siège de Bassora au sein d'une unité britannique et qu'elle s'occupe du déminage et des explosifs.
Est-ce que le ministre va admettre que lorsqu'un soldat canadien manie des explosifs, il y a de bonnes chances qu'il soit en guerre?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, en tant que personne qui a étudié l'histoire canadienne, je pense que je peux dire que je n'ai rien à apprendre du Bloc québécois sur l'histoire canadienne. Sa version de l'histoire canadienne n'est pas du tout la même que la mienne. J'ai toujours répondu à ses questions.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, au début du conflit en Irak, le premier ministre nous assurait que le Canada n'y participerait pas. Or, le Canada y participe. Les soldats canadiens n'étaient pas censés se retrouver en Irak. Or, ils y sont. Ils étaient censés ne remplir que des fonctions de soutien, mais il y en a qui sont directement au front.
Le premier ministre admettra-t-il que si nous nous étions contentés de ses premières réponses à nos questions, nous serions bien loin de connaître la vérité quant à la réelle participation des soldats canadiens en Irak?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il semble que le Bloc québécois ait oublié la participation de la France. Ils ont oublié la France pendant quelques jours, tandis qu'il est vrai que les navires français sont là avec nous. Ils ont oublié la France, ce pays dont les frites ont été rebaptisées aux États-Unis «Freedom fries» au lieu de «French fries». Que veut le Bloc? Que le Canada soit plus français que la France? Ce n'est pas la politique canadienne.
M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, je n'ai pas posé une question sur la France, mais sur les 31 soldats canadiens qui sont actuellement en Irak. Il serait temps que le ministre réponde à nos questions.
Il y a 31 soldats canadiens en Irak. Le premier ministre peut-il nous dire si d'autres soldats canadiens font partie des 120 000 soldats additionnels que comptent envoyer les États-Unis en Irak? Est-ce qu'il peut nous confirmer qu'il y aura plus de soldats? C'est ce qu'on lui demande, et non pas l'histoire de la France.
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, l'histoire de la France est pertinente parce qu'elle est là avec le Canada dans la lutte contre le terrorisme. C'est la pertinence de l'aspect que je mentionne et que le Bloc québécois oublie toujours. Le Canada est un allié des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme. On était là dès le début et on est là maintenant avec la France et d'autres pays. Nous sommes fiers de notre rôle contre le terrorisme au moment où le risque du terrorisme augmente. Telle est notre position, et c'est une position dont je suis fier.
[Traduction]
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.
Le ministre des Affaires étrangères a accusé l'opposition de jeter la confusion dans les esprits. Il me semble que c'est plutôt le gouvernement qui crée la confusion avec sa position concernant la guerre en Irak.
Nous savons, par exemple, que les troupes canadiennes participant à un programme d'échange dans le passé n'ont pas été déployées dans les îles Falkland ni en Irlande du Nord, lorsqu'elles étaient rattachées à des unités britanniques engagées dans les combats. Nous nous demandons quelle peut bien être la différence maintenant entre ces conflits et l'Irak. Pourquoi le gouvernement fait-il preuve de complaisance lorsque ses propres règles ne sont pas respectées relativement au déploiement de troupes pour la guerre en Irak?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, nos historiens examinent ces questions. Les données des années passées n'ont pas toutes été informatisées. Il y a peut-être eu des échanges dans les îles Falkland. Nous examinons actuellement la question.
Par ailleurs, il faut reconnaître que le 11 septembre a changé la donne. Le 11 septembre a marqué un point tournant. À partir de ce moment-là, nous avons épaulé nos amis les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme. Nous appuyons nos amis dans cette guerre dans le Golfe...
Le Président: Le député de Winnipeg--Transcona a la parole.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Monsieur le Président, le gouvernement pourrait aussi affirmer que le 11 septembre n'a pas changé son engagement envers le multilatéralisme ou les Nations Unies. Le gouvernement doit choisir.
Ceci n'est pas un projet de recherche historique. Il ne s'agit pas d'un cours d'histoire. Les règles s'énoncent comme suit dans le programme de liaison et d'échange des Forces canadiennes:
Advenant que le pays hôte soit mêlé à des hostilités auxquelles le pays du stagiaire n'a pas part [...] les stagiaires [...] ne doivent ni prendre part à des combats, ni pénétrer dans une zone de combat, ni se joindre à des troupes... |
Ce n'est pas un ouvrage historique. C'est un document du gouvernement. Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas ce qui y est écrit?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, il est également dit clairement dans le document que c'est le gouvernement du Canada qui décide en dernière analyse. Le gouvernement du Canada a toute discrétion sur ces questions. Le gouvernement du Canada, après avoir examiné attentivement la situation, et compte tenu de l'interdiction faite à nos troupes de prendre part à des combats, de l'importance que revêt notre alliance avec les États-Unis et d'autres pays, des événements du 11 septembre et de notre engagement total dans la guerre contre le terrorisme, le gouvernement du Canada, dis-je, a décidé que nos officiers participant à un programme d'échange resteraient là où ils sont.
* * *
La santé
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.
Santé Canada encourage les Canadiens à ne pas aller à Hanoi, Hong Kong ou Singapour, ou à ne pas transiter par ces villes, par crainte d'attraper le SRAS. Pourtant, le ministère n'a pas encore pris de disposition pour que les voyageurs en provenance de lieux où ce syndrome sévit subissent un interrogatoire à leur arrivée au Canada.
La ministre de la Santé peut-elle s'en expliquer à la Chambre et nous dire à quel stade elle sera disposée à faire passer un tel interrogatoire aux voyageurs qui constituent une menace pour la santé des Canadiens, ou à leur imposer la quarantaine?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il se trouve que nous avons resserré les mesures de surveillance dans le cas des voyageurs qui débarquent au Canada.
Santé Canada a envoyé des effectifs de renfort à l'aéroport international Pearson, à l'aéroport international de Dorval et à Vancouver. Nous sommes sur place pour prêter main-forte. Les professionnels de Santé Canada ont été postés dans chacun de ces aéroports pour participer à la surveillance des passagers à bord de vols en provenance directe de Beijing, Hong Kong et Singapour, dépister ceux qui présentent des symptômes apparentés à ceux de la grippe et assister ceux qui semblent malades
Des avis d'alerte médicale sont remis aux passagers en provenance de Beijing, Singapour et Hong Kong, leur recommandant de consulter un médecin s'ils commencent à...
Le Président: À l'ordre. Le très honorable député de Calgary-Centre a la parole.
* * *
L'Irak
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vice-premier ministre.
Le premier ministre Blair s'est rendu à Washington pour plaider en faveur de la reconstruction de l'Irak sous l'égide des Nations Unies. Le ministre australien des Affaires étrangères est en route pour Ottawa pour y faire la même chose. Le Canada a finalement pris position en faveur d'une reconstruction dirigée par l'ONU, or le premier ministre a annulé le voyage qu'il devait faire à Washington la semaine prochaine.
Pourquoi le premier ministre ne va-t-il pas lui-même plaider en faveur des Nations Unies à Washington? Serait-ce que le gouvernement pense qu'il n'a aucune crédibilité auprès du gouvernement américain?
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme le sait le député, le premier ministre devait se rendre à Washington pour y recevoir une décoration en reconnaissance de ses réalisations personnelles. Il a décidé que ce n'était pas le moment de se rendre à Washington à cette fin, particulièrement maintenant que des Américains, hommes et femmes, sont en guerre.
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il est à peine surprenant qu'il ne soit pas le bienvenu.
Je m'adresse au ministre de la Défense. Il a admis que des militaires canadiens se trouvaient en Irak, sur le théâtre des opérations avec nos alliés. Il a dit qu'ils étaient là-bas. Leur vie est en danger, mais ce ne sont pas des combattants. Pourrait-il expliquer ce que ça signifie?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit que ce n'était pas des combattants directs.
J'ai demandé au début de la période des questions que les députés déposent, au moins temporairement, les armes de la partisanerie. L'Alliance canadienne aimerait que nous envoyions plus de personnes que nous n'en avons déjà dans la région. Les autres partis d'opposition aimeraient que nous en envoyions moins.
Pourquoi ne pas, pour une fois, prêter attention à ceux qui sont déjà là-bas? Pourquoi ne pas se comporter d'une manière qui leur serait agréable à eux et à leurs familles? Pourquoi est-ce que, tous ensemble, nous ne les appuierions pas en disant aux Canadiens que nous les remercions de servir leur pays?
M. Stephen Harper (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous n'arrêtons pas de dire que nous devrions épauler nos alliés et nos concitoyens et que nous devrions envoyer suffisamment de gens là-bas, avec l'appui du gouvernement, pour qu'ils ne se fassent pas tuer et pour qu'ils puissent remporter cette guerre contre Saddam.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le ministre. Nous savons que ces gens sont en danger. Nous savons que les combattants indirects peuvent se faire tuer.
Le lieutenant-colonel Ronnie McCourt, de l'armée britannique, à qui l'on demandait si les soldats canadiens risquaient d'être tués ou blessés, a répondu: «Oh oui, ils combattent.» Est-ce vrai ou non?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, les combats se déroulent autour d'eux. Ils ne participent pas eux-mêmes directement au combat, comme je l'ai expliqué à maintes reprises.
Malheureusement, la réalité de la vie des militaires est que, quoi qu'ils fassent, il y a toujours des risques pour leur vie. Le gouvernement a la responsabilité de gérer ces risques en fonction de plusieurs autres considérations. C'est une grave responsabilité qui pèse sur le gouvernement, mais je suis certain que le gouvernement a pris ses responsabilités et qu'il gère ces risques de manière prudente et responsable.
[Français]
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le Canada se trouve—et l'échange précédent le montre encore plus—dans la très particulière situation où, officiellement, il ne fait pas la guerre à l'Irak, mais compte des militaires canadiens qui sont en situation de combat et risquent leur vie.
Le ministre des Affaires étrangères admettra-t-il qu'en vertu des dispositions du droit international, un pays dont les soldats participent à un conflit pourrait être considéré comme belligérant, même s'il n'est pas officiellement en guerre?
L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme l'a dit le ministre de la Défense nationale, nous avons des échanges de longue date avec nos collègues américains. Nous n'allons pas renier ces échanges. Ce sont des échanges très importants pour nous, qui existent depuis des décennies. Il ne faut pas changer cette tradition. Il faut rester avec nos alliés dans cette tradition et nous allons rester là avec nos navires, avec notre personnel, mais cela ne veut pas dire que nous sommes en guerre contre l'Irak. Nous avons dit que nous préférions suivre un autre chemin.
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le ministre, professeur de droit international, sait que pour les soldats qui sont là-bas, il y a une différence.
Dans l'hypothèse où un soldat canadien intégré dans une unité américaine serait fait prisonnier en Irak, qui le représenterait officiellement, le Canada ou les États-Unis?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, on ne veut pas répondre à ces questions hypothétiques.
* * *
[Traduction]
La citoyenneté et l'immigration
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les députés qui ont participé à des discussions, la semaine dernière à Washington, ont à maintes reprises entendu parler du sentiment de vulnérabilité des Américains et de leur détermination à prévenir toute autre attaque terroriste.
Nos voisins ont besoin de croire que nous faisons tout notre possible pour savoir qui entre au Canada, surtout s'il s'agit de personnes qui pourraient leur vouloir du mal.
Plus de la moitié des demandeurs d'asile au Canada n'ont aucun document, mais la plupart d'entre eux sont autorisés à entrer au pays après peu ou pas de vérification. Pourquoi permet-on une telle chose, à une époque aussi dangereuse?
[Français]
L'hon. Denis Coderre (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, il est toujours dangereux de donner l'impression que tous ceux qui viennent au Canada sans documents sont tous des terroristes potentiels.
Cela étant dit, il faut s'assurer que nous avons des mesures préventives. C'est pour cette raison qu'au Canada, nous faisons de la détention préventive. Mais il faut aussi faire preuve de jugement. Il faut faire très attention eu égard à ce que la députée propose présentement.
[Traduction]
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il existe un problème de confiance entre nos deux pays. Les insultes des libéraux donnent l'impression que nous ne collaborons pas avec les États-Unis dans tous les secteurs de la sécurité qui les préoccupent. Les États-Unis s'inquiètent des demandeurs d'asile inconnus qui disparaissent littéralement une fois entrés au Canada.
Les belles paroles ne suffiront pas pour les rassurer. Il faudra des données précises. Que compte faire le Canada exactement par rapport à ce problème?
L'hon. Denis Coderre (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, nous sommes très préoccupés du fait qu'il y a neuf millions d'immigrants illégaux aux États-Unis. Nous sommes très préoccupés du fait qu'il existe 314 000 sans-papiers dont les autorités ont perdu la trace aux États-Unis.
Nous sommes très heureux d'avoir signé une entente de tiers pays sûr avec les États-Unis. Nous sommes très heureux parce que les Américains travaillant à la frontière affirment que notre travail est bien fait. Nous sommes très heureux parce que les Américains ont dit, étant donné que nous sommes en négociation, que le plan intelligent en 30 points mis en oeuvre à la frontière était très efficace. Nous effectuons notre travail et les Américains considèrent que nous sommes un allié extraordinaire.
* * *
[Français]
Les Forces canadiennes
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, le Canada et les États-Unis n'ont pas signé toutes les mêmes conventions internationales. À titre d'exemple, le Canada est signataire du traité sur les mines antipersonnel; les États-Unis, non.
Quelles règles les soldats canadiens intégrés aux forces armées américaines sont-ils tenus de respecter? Les règles auxquelles souscrit le Canada ou celles auxquelles souscrivent les États-Unis?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, comme je viens de l'expliquer, ultimement, les soldats canadiens qui participent à des échanges avec d'autres pays sont toujours sous le contrôle du gouvernement du Canada et des militaires canadiens. Pour les choses quotidiennes, quand on sert avec des Britanniques ou des Américains, naturellement, on obéit à leurs ordres. Mais ultimement, la responsabilité revient au Canada.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, soyons pratico-pratiques. Si un soldat canadien se voyait intimer l'ordre de procéder à l'installation de mines antipersonnel, et ce, même si le Canada s'est engagé par traité à ne pas le faire, serait-il tenu oui ou non d'obéir à cet ordre?
L'hon. John McCallum (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je viens d'expliquer que les soldats canadiens restent sous le contrôle du Canada. Par exemple en Afghanistan, même avec les Américains, nous, le Canada, avons eu nos propres règles d'engagement.
* * *
[Traduction]
Les relations canado-américaines
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les États-Unis envisagent d'installer un deuxième point de contrôle à la frontière canado-américaine. Le passage des marchandises à la frontière est actuellement difficile. Aux incertitudes économiques sont venus s'ajouter les sentiments antiaméricains exprimés par le gouvernement libéral.
Le gouvernement du Canada demandera-t-il à être exempté de ce deuxième point de contrôle frontalier qui est proposé, oui ou non?
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je me rendrai sous peu à Washington pour discuter avec le secrétaire Ridge de diverses questions, dont l'application du système d'entrée et de sortie que les États-Unis ont adopté il y a un certain temps.
J'espère que nous pourrons trouver des moyens de faciliter la mise en oeuvre du système que l'administration est tenue d'implanter conformément à la loi.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les exportateurs canadiens risquent de devoir faire un deuxième arrêt et donner un préavis de 24 heures pour franchir la frontière. Le coût de l'indiscrétion et de l'inaction des libéraux pourrait être insurmontable sur le plan du commerce et de l'emploi.
Des exportateurs ou des industries ont-ils communiqué avec le ministre de l'Industrie au sujet des effets négatifs qu'ont les relations actuelles entre le Canada et les États-Unis sur le commerce, et quelle mesure précise le ministre prend-il pour répondre à leurs préoccupations?
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le député inverse un peu les choses. Le problème est de venir au Canada. Autrement dit, ce sont les exportateurs américains qui, dans le pire des cas, auraient deux arrêts à faire.
Les exportateurs canadiens n'auront pas à s'arrêter lorsqu'ils quittent le Canada. Ils n'auront toujours qu'un arrêt à faire pour aller aux États-Unis. Je dois ajouter que les programmes EXPRES et NEXUS ont grandement facilité les choses.
Puisque j'ai la parole, je signale que, aujourd'hui, le passage à la frontière est très normal, voire même plutôt rapide.
* * *
L'Organisation mondiale du commerce
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Monsieur le Président, des Canadiens sont préoccupés par les compromis que nous faisons à propos des services dans les négociations à l'OMC. Ils disent qu'il y a un manque de transparence et que les décisions mettent en péril les valeurs canadiennes.
Le ministre du Commerce international pourrait-il me dire comment nous pouvons faire en sorte que les valeurs canadiennes ne soient pas négociées?
L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, après avoir longuement consulté les gouvernements provinciaux et tous les Canadiens, nous avons déposé notre première offre, à Genève. Tel qu'il l'a promis en juin dernier, le gouvernement a affiché l'offre initiale sur son site Web, pour que tous les Canadiens puissent en prendre connaissance.
Je suis très fier d'informer la Chambre que certains des partenaires commerciaux les plus proches du Canada, dont les États-Unis, l'Australie et l'Union européenne, ont accepté de nous emboîter le pas et de présenter leurs propres offres initiales.
Nous nous sommes engagés à adopter une approche transparente dans ces négociations, pour que les Canadiens demeurent les citoyens les mieux informés au monde.
* * *
L'industrie du transport aérien
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Monsieur le Président, une aide de plusieurs millions de dollars à Air Canada, qui a été privatisée et qui est mal gérée, ne devrait être accordée qu'en dernier ressort. Or, le ministre des Transports semble vouloir signer un chèque avant d'envisager les solutions de rechange.
Au lieu de donner de l'argent à Air Canada, le gouvernement devrait envisager, pour réduire les coûts, d'autres mesures qui aideraient toute l'industrie, comme la réduction des droits de Nav Can et de location des aéroports, une réduction des taxes sur le carburant et la suppression de la taxe de sécurité imposée aux voyageurs.
Le ministre s'engagera-t-il à envisager toutes les autres solutions avant de donner encore plus d'argent à Air Canada?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la députée sera étonnée d'apprendre que je suis d'accord avec elle. Une aide du gouvernement et des contribuables ne devrait être accordée qu'en dernier ressort. Nous ne désirons pas aider financièrement Air Canada. Cependant, si nous pouvons l'aider à se restructurer, nous le ferons.
* * *
Les relations canado-américaines
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères qui, je l'espère, saura défendre les couleurs du Canada.
Ce soir, on jouera le God Bless America à la pause de la septième manche de la première partie que les Jays joueront chez eux, comme l'exige la tradition du base-ball professionnel. Il est bien de célébrer les États-Unis lorsque l'équipe new-yorkaise est en ville, mais pourquoi ne pas célébrer aussi le pays dans lequel a lieu la partie?
Le ministre encouragera-t-il l'équipe canadienne en demandant à la ligue majeure de base-ball ou aux Blue Jays de jouer aussi un air canadien?
L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons évidemment aucune compétence en matière de base-ball professionnel. Beaucoup de Canadiens comprennent le danger que courent à l'heure actuelle de nombreux militaires américains. Toutefois, l'étirement du septième tour de batte se fait parfaitement depuis des décennies au son de Take Me Out to the Ball Game.
* * *
L'industrie du transport aérien
M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports.
Plus tard aujourd'hui, le ministère des Transports annoncera le programme fédéral de renflouement de la société Air Canada. Le ministre peut-il dire à la Chambre si son ministère a analysé le moindrement l'incidence de ce programme d'aide sur les transporteurs régionaux et les transporteurs à rabais? Dans l'affirmative, déposera-t-il à la Chambre le rapport de cette analyse? Ou cette information est-elle de nature trop délicate pour les contribuables canadiens? Peut-être que, à l'instar du ministre de la Défense nationale, le ministre des Transports consulte ses historiens. Une réponse ne serait pas de refus. Je suis persuadé que la Chambre voudrait aussi en avoir une.
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je conteste la prémisse de la question du député. Celui-ci a dû avoir un week-end très pénible.
* * *
L'agriculture
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, demain, c'est la journée du Poisson d'Avril. Or, le ministre de l'Agriculture et le Cadre stratégique pour l'agriculture sont le plus gros poisson d'avril que l'on puisse faire aux agriculteurs canadiens. Au début de l'année, le ministre a déclaré:
Cette mesure [le Cadre stratégique pour l'agriculture] sera prête comme elle doit l'être le 1er avril, afin que les agriculteurs sachent sur quel soutien ils pourront compter de la part du gouvernement au cours de la prochaine année. |
De toute évidence, les agriculteurs sont les dindons de la farce, car le ministre n'a maintenant ni échéancier, ni plan, ni programme. Le ministre pourrait-il nous dire quand les agriculteurs peuvent espérer être informés de ce malheureux cadre stratégique? Ou bien envisage-t-il de continuer de...
Le Président: Le ministre de l'Agriculture a la parole.
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le député sait pertinemment que le dernier accord fédéral-provincial intervenu entre le gouvernement du Canada et l'ensemble des provinces vient à échéance le dernier jour de mars 2003. Nous avons précisé au départ qu'un nouvel accord s'imposait. S'il n'est pas signé d'ici là, nous le rendrons rétroactif à cette date.
Le député sait que, depuis le 31 décembre 2002, le programme d'aide aux agriculteurs sinistrés est échu. Nous oeuvrons avec le secteur à l'élaboration d'un nouveau programme d'aide. Le député est du nombre de ceux qui ont recommandé que nous y consacrions un peu plus de temps.
* * *
La santé
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Monsieur le Président, jeudi dernier, nous avons pressé le gouvernement de suivre la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé concernant le dépistage du SRAS chez les voyageurs aériens en partance du Canada.
Nous comprenons que des fonctionnaires du ministère de la Santé envisageaient toujours hier de distribuer des dépliants plutôt que d'interroger individuellement tous les voyageurs.
Pourquoi le gouvernement adopte-t-il une approche passive pour faire le dépistage parmi les voyageurs en partance du Canada?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous travaillons très étroitement et très proactivement avec les autorités de l'aéroport Pearson. Nous collaborons très activement avec les transporteurs aériens et nos collègues provinciaux.
Nous avons passé la fin de semaine à travailler avec les autorités aéroportuaires de Toronto afin de réduire le risque d'une dissémination du SRAS et de donner suite aux recommandations de l'OMS relativement aux vols en partance du Canada.
Nous augmenterons la distribution d'avis d'alerte et conseillerons aux voyageurs qui répondent à certains critères de reporter leur voyage.
Le ministère de la Santé déploie un personnel accru dans les aéroports, notamment des professionnels de la santé, de manière à appuyer les équipes des aéroports et des transporteurs aériens et d'aider les passagers...
Le Président: Le député de Yellowhead a la parole.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il y a aussi la question des voyageurs arrivant dans notre pays. Les Canadiens s'inquiètent vivement de la propagation du SRAS, qui frappe des collectivités d'un bout à l'autre du pays, d'un océan à l'autre. Cette maladie étant très infectieuse, nous devons prendre toutes les mesures raisonnables en vue de réduire les possibilités de sa propagation, notamment en détenant les passagers qui en présentent les symptômes lors de leur arrivée au Canada.
Si les mesures volontaires s'avèrent inadéquates, le gouvernement fédéral est-il disposé à invoquer la Loi sur la quarantaine?
L'hon. Anne McLellan (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à rassurer tous les Canadiens que, jusqu'à maintenant, tous les voyageurs arrivant au Canada et présentant des symptômes associés au SRAS ont accepté d'être mis en isolement. Si la situation changeait et en cas de nécessité, nous invoquerons certainement la Loi sur la quarantaine afin de protéger la santé des Canadiens.
* * *
[Français]
Le bilinguisme
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Monsieur le Président, la commissaire aux langues officielles recommande de mettre fin à l'embauche de fonctionnaires unilingues dans des postes bilingues. Le dernier délai qui avait été donné il y a un an aux hauts fonctionnaires unilingues pour qu'ils deviennent bilingues expire aujourd'hui. Il en resterait, à ce jour, au moins une centaine.
Je veux savoir ceci de la part de la présidente du Conseil du Trésor. Puisque le délai expire aujourd'hui, que va-t-il se passer?
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, on parle ici des cadres qui occupent des postes bilingues dans des régions bilingues au pays. On ne parle pas de l'ensemble des cadres de la fonction publique pour qui le délai est expiré concernant le fait qu'ils doivent atteindre une certaine norme de bilinguisme. On devrait donc avoir les chiffres sous peu.
Pour les cadres qui ne sont pas en mesure de satisfaire ces normes, on devra voir avec eux au sujet des plans de formation, des plans de mutation horizontale et des mesures de transition pour permettre que tous nos employés puissent travailler dans la langue de leur choix.
M. Odina Desrochers (Lotbinière—L'Érable, BQ): Monsieur le Président, cela fait plusieurs fois que le délai est repoussé avec les conséquences que l'on connaît. Non seulement cette centaine de fonctionnaires ne répondent pas aux exigences de leur poste, mais on perpétue le problème en continuant d'embaucher des fonctionnaires unilingues anglophones.
Est-ce que la présidente du Conseil du Trésor peut nous assurer que cette fois-ci est la bonne et qu'elle entend désormais n'embaucher que du personnel bilingue dans des postes bilingues?
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, soyons très clairs. Le délai n'est pas repoussé. C'est aujourd'hui le 31 mars. Donc, à compter de demain, les mesures s'appliqueront pour ceux qui n'ont pas atteint la norme de bilinguisme requise pour les postes bilingues dans les régions bilingues.
Ceci étant dit, nous voulons que la fonction publique du Canada soit accessible à tous les Canadiens. C'est pourquoi nous maintenons une certaine flexibilité pour permettre à nos fonctionnaires d'apprendre la seconde langue officielle de ce pays si cela s'avère nécessaire.
[Traduction]
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la présidente du Conseil du Trésor dit qu'elle ne sait pas combien de personnes satisfont ou non aux exigences linguistiques. Elle a eu amplement de temps pour se préparer à répondre à cette question.
Elle dit qu'elle ne sait pas quelles mesures le gouvernement prendra pour régler le problème des personnes qui ne satisfont pas aux exigences linguistiques de leur poste.
À mon avis, il est raisonnable de demander à la ministre de répondre à ces questions. Ces personnes seront-elles congédiées? Seront-elles rétrogradées? Seront-elles mutées dans d'autres services? Quelles sanctions le gouvernement envisage-t-il? Comme il a eu amplement de temps pour se préparer à ces questions, pourquoi le gouvernement ne partage-t-il pas ses réponses avec nous, maintenant?
[Français]
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit que le délai se terminait aujourd'hui. Donc, premièrement, il est assez normal qu'on me donne jusqu'à la fin de la journée, aujourd'hui, pour que je puisse faire connaître les chiffres.
Deuxièmement, j'ai déjà dit depuis un certain temps, et c'est encore vrai aujourd'hui, que pour ceux qui n'atteindront pas la norme de bilinguisme, on devra songer soit à une pénalité quant à la prime au rendement qu'ils reçoivent, soit à des mutations horizontales.
Ce qui est très clair, c'est qu'on doit permettre à tous les employés qui travaillent dans les régions bilingues du pays d'être capables d'utiliser la langue officielle de leur choix dans...
Le Président: L'honorable député de Lanark—Carleton a la parole.
[Traduction]
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Monsieur le Président, hier, la commissaire aux langues officielles a proposé de mettre un terme à la politique qui date de 20 ans et qui permettait à des Canadiens unilingues de devenir bilingues en cours d'emploi pour occuper un poste bilingue. Mettre un terme à cette politique équivaudrait à adopter une politique de discrimination systémique contre les 24 millions de Canadiens qui ne parlent pas les deux langues officielles et qui ne peuvent postuler un des 56 000 emplois dans la fonction publique, y compris tous les postes de gestion.
La ministre dira-t-elle aujourd'hui--et cette fois, c'est facile--qu'elle rejette fermement, absolument et résolument ce genre de discrimination systémique?
[Français]
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, à l'heure actuelle, il n'y a aucune discrimination.
Le fait est que dans la fonction publique du Canada, 38 p. 100 des postes sont considérés comme bilingues. Le fait est aussi qu'on permet la formation linguistique pour les personnes qui veulent avoir une promotion dans le futur.
Il est très clair que, comme priorité, le gouvernement veut que la dualité linguistique soit une valeur intégrée dans la fonction publique du Canada, qu'elle soit capable de servir la population dans les deux langues officielles, et nous allons continuer à mettre en oeuvre notre plan d'action.
* * *
[Traduction]
Les affaires étrangères
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, la sixième séance des pourparlers de paix entre le gouvernement du Sri Lanka et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul se sont tenus à Hakone, au Japon, du 18 au 21 mars derniers.
Le secrétaire d'État responsable de l'Asie-Pacifique pourrait-il faire le point à la Chambre sur les résultats des plus récentes discussions et négociations, et indiquer comment le Canada contribue à l'établissement de la paix dans cette région?
L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Asie-Pacifique), Lib.): Monsieur le Président, en ce qui concerne le cessez-le-feu, les deux parties ont réaffirmé leur engagement envers la paix en renforçant le mandat et la capacité de la commission de surveillance sri lankaise.
Des progrès remarquables ont été accomplis jusqu'à maintenant, mais il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une paix durable. Le Canada continue d'appuyer le processus de paix en poursuivant l'aide humanitaire et en appuyant le forum des fédérations qui est proposé aux deux parties et qui a fait ses preuves un peu partout dans le monde.
* * *
Air Canada
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre des Transports n'a pas nié que le gouvernement, et lui-même, envisagent de verser des dizaines de millions de dollars et peut-être même des centaines de millions à Air Canada. Le P.-D.G d'Air Canada, M. Robert Milton, a déclaré dans la revue Wings: «Je tiens à préciser que nous ne demandons pas d'aide ou de programme de sauvetage».
Pourquoi le ministre des Transports est-il prêt à accorder une aide de dizaines de millions, voire de centaines de millions de dollars à une entreprise qui n'en demande pas?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, qui a dit que c'était le cas? Le député n'a qu'à se rappeler ma réponse précédente pour savoir à quoi s'en tenir sur ma position.
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne): Monsieur le Président, une occasion s'offre au ministre des Transports.
Huit transporteurs aériens ont disparu sous l'actuel ministre, au cours des six dernières années. Je demande au ministre de se lever et de dire clairement qu'il n'accordera aucune aide financière à la société Air Canada lorsqu'elle en demandera, et qu'il lui fera savoir que cette décision est sa responsabilité ultime. Le ministre refusera-t-il toute aide financière gouvernementale à Air Canada lorsque le transporteur en fera la demande, et va-t-il dire que le gouvernement ne lui donnera pas un cent?
Va-t-il dire qu'Air Canada ne recevra pas un cent du gouvernement?
L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'indiquais plus tôt dans ma réponse, le gouvernement n'a pas l'intention d'accorder une aide financière à Air Canada. Nous avons dit, cependant, que nous étions prêts à aider à la restructuration du transporteur, si nécessaire.
* * *
[Français]
Le bilinguisme
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, la commissaire aux langues officielles avance que tout poste bilingue devrait être comblé par des gens bilingues, plutôt que par des unilingues anglophones qui promettent d'apprendre l'autre langue dans les deux ans suivant leur embauche.
La présidente du Conseil du Trésor entend-elle adopter la recommandation de la commissaire aux langues officielles, et ne compte-t-elle recruter que du personnel déjà bilingue dès l'embauche, au lieu de demander à du personnel unilingue anglais de devenir bilingue dans les deux ans? Ce serait beaucoup plus facile.
L'hon. Lucienne Robillard (présidente du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, la commissaire aux langues officielles a aussi dit que pour mettre en application une telle politique, il faudrait être capable de donner à tous les fonctionnaires un accès à la formation linguistique qui soit équitable, très ouvert et très transparent, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Donc, on regardera une méthode beaucoup plus graduelle. On favorisera le fait que nos fonctionnaires puissent apprendre la deuxième langue officielle au début de leur carrière et que cela soit inscrit dans leur plan de carrière, au lieu d'attendre d'être nommé dans un poste bilingue pour commencer à apprendre la deuxième langue officielle.
* * *
[Traduction]
Les affaires étrangères
M. John Harvard (Charleswood—St. James—Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, depuis le 18 mars, en d'autres mots depuis les deux dernières semaines, le gouvernement de Cuba a arrêté environ 72 dissidents cubains dans presque chacune des provinces de Cuba.
Le secrétaire d'État pour l'Amérique latine, l'Afrique et la Francophonie pourrait-il faire connaître à la Chambre la position qu'a prise le Canada à l'égard de ces arrestations?
L'hon. Denis Paradis (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique) (Francophonie), Lib.): Monsieur le Président, le Canada a fait part de ses sérieuses préoccupations aux autorités cubaines concernant les récentes arrestations de dissidents.
Nous estimons que la prise de position est la meilleure façon de prôner les valeurs canadiennes et de faire connaître à Cuba notre point de vue sur les question économiques, sociales et politiques intéressant ce pays. Le Canada aborde franchement et ouvertement avec l'administration cubaine les questions relatives aux droits de la personne et il entend continuer de le faire.
* * *
Le programme de contrôle des armes à feu
M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, mardi dernier, le ministre de la Justice a encore une fois tenté de laisser le Parlement dans l'ignorance en déclarant à la Chambre que, l'an prochain, le programme de contrôle des armes à feu coûterait 113 millions de dollars.
Or, jeudi, le ministre a déposé à la Chambre le rapport de son ministère sur les plans et priorités pour le nouvel exercice, qui fait état de dépenses pouvant s'élever à 128 millions de dollars.
Pourquoi le ministre a-t-il donné un chiffre inférieur à la Chambre? Ne connaissait-il pas le contenu du rapport de son propre ministère?
L'hon. Wayne Easter (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député sait pertinemment que les 15 millions de dollars en sus des 113 millions de dollars, dont il est fait état dans le budget principal des dépenses, représentent un élément de passif éventuel pris en compte dans le rapport sur les plans et les priorités et que cet élément est attribuable à l'entrepreneur chargé de la diversification des modes de prestation des services. Ce dernier a indiqué que cela correspondait à l'étendue du travail nécessaire pour terminer la première phase du contrat et que cette portion pourrait dépasser les prévisions budgétaires.
* * *
[Français]
L'agriculture
M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.
Le ministre s'entête à vouloir mettre en place son programme de stabilisation du revenu qui soulève la colère de tous les producteurs agricoles du Canada et du Québec.
À moins de 24 heures de la fin des ententes fédérales-provinciales de sécurité du revenu agricole, le ministre peut-il poser, de bonne foi, un geste de compréhension envers le monde agricole en suspendant l'application du cadre stratégique qu'il propose présentement?
[Traduction]
L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le cadre stratégique pour l'agriculture a vu le jour par suite de préoccupations qui ont été soulevées par des députés de l'opposition et du gouvernement, ainsi que des membres de l'industrie qui ont tous souligné que le gouvernement devait mettre sur pied à l'intention des agriculteurs canadiens un programme à long terme sur la production d'aliments. Les agriculteurs peuvent maintenant faire des plans, au lieu de se demander chaque année s'ils auront de l'argent et de combien ils pourront disposer.
Le gouvernement a mis ce cadre stratégique sur pied en juin dernier. Nous avons collaboré à cette fin avec l'industrie et les provinces. Nous continuerons de le faire parce que les agriculteurs le méritent. Des fonds seront mis de côté dans ce but.
* * *
Le directeur général des élections
Le Président: J'ai l'honneur de déposer le rapport du directeur général des élections du Canada sur l'administration des élections partielles qui ont eu lieu dans les circonscriptions de Bonavista--Trinity--Conception, Calgary-Sud-Ouest, Gander--Grand Falls, Saint Boniface, Saint-Léonard--Saint-Michel, Verdun—Saint-Henri—Saint-Paul—Pointe Saint-Charles et Windsor-Ouest le 13 mai 2002 et dans les circonscriptions de Berthier--Montcalm et Lac-Saint-Jean--Saguenay le 9 décembre 2002.
[Français]
Ce document est réputé renvoyé en permanence au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
[Traduction]
* * *
Le rapport annuel du Tribunal canadien des droits de la personne
Le Président: J'ai également l'honneur de déposer le rapport annuel du Tribunal canadien des droits de la personne pour l'année 2002.
AFFAIRES COURANTES
[Affaires courantes]
* * *
[Traduction]
Réponse du gouvernement à des pétitions
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à cinq pétitions.
* * *
Le Code criminel
M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Alliance canadienne) demande à présenter le projet de loi C-424, Loi modifiant le Code criminel (peines consécutives).
—Monsieur le Président, ce projet de loi est en réponse à l'affaire Inderjit Singh Reyat pour laquelle une personne qui avait été reconnue coupable d'un crime avec violence n'a pas eu de peines consécutives, mais plutôt des peines concurrentes pour avoir participé à la mort de plusieurs personnes.
Le projet de loi prévoit le changement de peines concurrentes en peines consécutives pour les personnes qui commettent des crimes avec violence, afin que les personnes qui commettent des crimes avec violence rendent des comptes à la justice.
(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, la semaine dernière, la Chambre a été saisie du projet de loi C-13 à l'étape du rapport. Ce matin, j'ai demandé à obtenir une copie du projet de loi modifié, et je crois comprendre qu'il n'y aura pas une nouvelle impression du projet de loi C-13. Malgré les sept ou huit motions d'amendement, je voudrais demander à la Chambre son consentement unanime pour que le projet de loi C-13 fasse l'objet d'une nouvelle impression afin que les députés puissent savoir de quoi il est question au moment de la troisième lecture, prévue pour cette semaine.
Le Président: Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
* * *
[Français]
Pétitions
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je dépose aujourd'hui une pétition à la suite de nombreuses manifestations qui ont eu lieu au Québec pour dénoncer toute velléité du gouvernement canadien de s'impliquer de quelque façon que ce soit dans la guerre en Irak.
Je dépose une pétition signée par 1 011 personnes demandant que le gouvernement canadien demande aux Nations Unies de lever les sanctions économiques sévères imposées à l'Irak, parce qu'elles sont contraires aux intérêts du peuple irakien et constituent même un crime contre l'humanité.
Saurons-nous un jour combien de morts irakiennes se sont produites à cause de ces sanctions?
* * *
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, j'ai aussi une deuxième pétition à déposer aujourd'hui devant cette Chambre, concernant Lornécia Jeune Sylvain et Érilus Sylvain, deux personnes originaires d'Haïti, sollicitant l'intervention du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Depuis 1999, les Sylvain reçoivent une formation à Lis-moi tout Limoilou, un organisme d'alphabétisation qui démontre leur intérêt à s'intégrer à la société québécoise.
Le retour dans leur pays serait difficile pour eux, parce qu'ils n'ont plus de famille là-bas.
Les 3 537 signataires de cette pétition apportent leur appui et demandent l'intervention du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Les Sylvain ont fait preuve de courage et de détermination pour s'intégrer à la société québécoise. J'ai eu l'honneur de les rencontrer, et je souhaite que ces personnes puissent vivre au Québec.
* * *
[Traduction]
Le Collège de la Protection civile du Canada
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je présente aujourd'hui une pétition au nom de la population canadienne, plus particulièrement au nom des citoyens de la région de Stittsville, de Braeside et d'Arnprior, demandant que le Parlement reconnaisse que le Collège de la Protection civile du Canada est un établissement essentiel à la formation des Canadiens pour des situations d'urgence; que les installations devraient demeurer à Arnprior; et que le gouvernement devrait rénover les installations afin de fournir la formation nécessaire aux Canadiens.
* * *
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plus de 2 000 Canadiens provenant de diverses circonscriptions au pays. D'autres pétitions portant sur la même question on déjà été déposées par le passé.
Aujourd'hui les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur la question très importante des marbres du Parthénon. Ils demandent qu'elle déploie tous les efforts nécessaires pour que les marbres soient restitués à la Grèce d'où ils ont été retirés il y a près de 200 ans sans le consentement du peuple grec afin qu'ils arrivent en Grèce avant le début des Jeux olympiques de 2004 dont la Grèce sera l'hôte.
Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'exhorter le Royaume-Uni à restituter les marbres à leur propriétaire pour qu'ils reprennent la place qui leur revient au Parthénon à Athènes.
* * *
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer une pétition comportant 321 signatures.
Les signataires demandant au Parlement de s'opposer à tout projet visant à restreindre l'accessibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées et de veiller à ce que le gouvernement s'abstienne de faire adopter par la Chambre des communes quelque mesure que ce soit, sans d'abord avoir consulté les organismes de personnes handicapées et les professionnels du domaine de la santé.
* * *
[Traduction]
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui et d'accomplir mon devoir en présentant, au nom des électeurs d'Edmonton-Sud-Ouest et des environs, une pétition portant sur une question qui les préoccupe au plus haut point, soit la création et l'utilisation de la pornographie juvénile.
Les pétitionnaires demandent au Parlement de protéger nos enfants en prenant les mesures nécessaires pour déclarer illégal tout matériel faisant la promotion et la glorification de la pédophilie.
Je suis heureux de présenter cette pétition.
* * *
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer deux pétitions qui totalisent 170 signatures.
Les signataires demandent au Parlement de s'opposer à tout projet visant à restreindre l'accessibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées et de veiller à ce que le gouvernement s'abstienne de faire adopter par la Chambre des communes quelque mesure que ce soit, sans avoir d'abord consulté les organismes de personnes handicapées et les professionnels du domaine de la santé.
* * *
[Traduction]
La recherche sur les cellules souches
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de déposer une pétition qui a été signée par un grand nombre de Canadiens, dont des électeurs de ma circonscription, Mississauga-Sud, sur la question des cellules souches.
Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que des centaines de milliers de Canadiens souffrent de maladies débilitantes et que les Canadiens sont en faveur d'une recherche éthique sur les cellules souches, recherche qui est déjà prometteuse pour trouver des traitements et thérapies pour ces maladies.
Les pétitionnaires rappellent que la recherche sur les cellules souches non embryonnaires, également appelées cellules souches adultes, a fait de grands progrès, sans les complications de rejet immunitaire et sans les problèmes sur le plan éthique associés à l'utilisation de cellules provenant d'embryons humains.
Les pétitionnaires pressent donc le Parlement d'axer son soutien législatif autour de la recherche sur les cellules souches adultes en vue de découvrir les traitements et les thérapies pour les maladies dont souffrent les Canadiens.
* * *
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je désire présenter deux autres pétitions provenant de mon comté.
Je dépose en cette Chambre une pétition signée par 35 personnes s'opposant à l'occupation des territoires palestiniens par l'armée israélienne.
Les signataires de cette pétition réclament que le Parlement adopte une motion visant à demander explicitement à Israël l'arrêt immédiat des massacres en Palestine et son retrait sans délai des territoires occupés militairement depuis 1967, conformément aux résolutions de l'ONU.
Actuellement, il y a une guerre en Irak pour le non-respect des résolutions de l'ONU, selon ce que disent les Américains, alors qu'ils continuent de soutenir Israël qui ne respecte pas, depuis 1967, les résolutions des Nations Unies. Nous faisons face à deux poids, deux mesures. Cela a assez duré, les Palestiniens ont assez souffert.
* * *
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je désire déposer une autre pétition provenant de mon comté, par laquelle 2 225 personnes du Québec demandent à cette Chambre de s'opposer à tout projet pouvant restreindre l'accessibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées.
La pauvreté est un fléau. Le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées a d'ailleurs déposé, en mars 2002, un rapport unanime demandant au gouvernement de réformer l'administration du crédit d'impôt pour personnes handicapées et ce, afin d'en favoriser l'accessibilité.
Je demande donc aux parlementaires de veiller à ce qu'aucune mesure concernant le crédit d'impôt pour personnes handicapées ne soit prise sans avoir au préalable consulté les organismes d'intérêt et les professionnels du domaine de la santé.
* * *
[Traduction]
Question au Feuilleton
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui aux questions nos 156, 157 et 159.
[Texte]
Est-ce qu’un ministère ou un organisme public canadien a fourni, directement ou indirectement, une aide internationale à la «China State Shipbuilding Corporation» durant les exercices 1993-1994 à 2002-2003?
L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.):On m’informe comme suit: Selon le gouvernement du Canada, aucun ministère ou organisme fédéral n’a fourni, directement ou indirectement, une aide internationale à la «China State Shipbuilding Corporation» durant les années financières 1993-1994 à 2002-2003.
Est-ce qu’un ministère ou un organisme public canadien a fourni, directement ou indirectement, une aide internationale à la «China Shipbuilding Industry Corporation» durant les exercices 1993-1994 à 2002-2003?
L'hon. Don Boudria (ministre d'État et leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.):On m’informe comme suit: Selon le gouvernement du Canada, aucun ministère ou organisme fédéral n’a fourni, directement ou indirectement, une aide internationale à la «China Shipbuilding Industry Corporation» durant les années financières 1993-1994 à 2002-2003.
Concernant la déclaration suivante de la vérificatrice générale, au paragraphe 10.29 de son rapport 2002 au Parlement, «De plus, dans ses études d’impact de la réglementation, le ministère de la Justice n'a pas fourni au Parlement une estimation de tous les grands postes de dépenses additionnels prévus. Or, la politique du gouvernement sur la réglementation l’obligeait à le faire. Les coûts assumés par les organismes provinciaux et territoriaux pour appliquer la loi ne seront pas déclarés non plus. Il en va de même pour les frais qu’ont dû supporter les propriétaires, les clubs, les fabricants, les vendeurs, ainsi que les importateurs et exportateurs d'armes à feu, pour se conformer à la loi.», quel est le montant total de chacun de ces coûts non déclarés depuis 1995?
L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.):La Politique de réglementation du gouvernement doit faire l’objet d’un résumé de l'étude d'impact de la réglementation (RÉIR). Les RÉIR sont préparés dans un format précis, mais les renseignements contenus dans un RÉIR varieront selon le contexte d’un projet de règlement particulier.
Les règlements pris en vertu de la Loi sur les armes à feu doivent être déposés devant les deux chambres du Parlement et peuvent être examinés par la Chambre des communes et par les comités du Sénat. Un tel examen n’est pas nécessaire dans trois situations: 1) Lorsqu’une version modifiée d’un projet de règlement a déjà été examinée; 2) Dans une situation d’urgence, par exemple, dans le cadre des modifications prévoyant l’exonération des frais en 2000; 3) Si le ministre fédéral estime que le projet de règlement n’apporte pas de modification de fond notable à des règlements existants, l’examen par le comité n’est pas nécessaire.
Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont examiné les règlements originaux. Les deux comités ont entendu les preuves présentées par de nombreux témoins. Les témoins ont fourni des renseignements sur des sujets variés, notamment sur les coûts que les règlements entraîneraient pour eux.
Selon le RÉIR, les règlements sont conformes à la réponse donnée par le gouvernement au rapport du comité. Ordinairement, les consultations étaient dirigées par des fonctionnaires et annoncées au public dans le RÉIR. Dans ce cas, la consultation a été menée par des comités parlementaires et tout l’élément de preuve, incluant les coûts possibles, qu’a entendu le comité était immédiatement présenté à l’époque au Parlement et au public.
À la lumière des recommandations de la vérificatrice générale et tel que précisé dans le Rapport sur les plans et les priorités 2003-2004, le programme canadien des armes à feu rendra compte dorénavant des revenus obtenus et des remboursements faits.
* * *
[Traduction]
Questions transformées en ordres de dépôt de documents
M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si les questions nos 152 et 155 pouvaient être transformées en ordre de dépôt de documents, les documents seraient déposés immédiatement.
Le Président: Les députés sont-ils d'accord pour que les questions nos 146, 152 et 155 soient transformées en ordres de dépôt de documents?
Des voix: D'accord.
[Texte]
En ce qui concerne l’achat de véhicules à l’usage du premier ministre, des ministres et des secrétaires d’État: a) quel type de véhicules utilise-t-on en ce moment; b) quand les a-t-on achetés; c) combien chacun a-t-il coûté; d) combien y a-t-il de véhicules; e) quel est le kilométrage de chacun; f) le gouvernement envisage-t-il d’acheter de nouveaux véhicules à l’usage du premier ministre, des ministres et des secrétaires d’État; g) dans l’affirmative, pour quelle(s) raison(s); h) les engagements du Canada à l’égard du Protocole de Kyoto ont-ils quelque chose à voir avec l’achat ou l’achat planifié de nouveaux véhicules à l’usage du premier ministre, des ministres et des secrétaires d’État?
(Le document est déposé.)
Est-ce qu’un ministère ou un organisme public canadien a fourni, directement ou indirectement, une aide internationale à: a) une entreprise ou un organisme public chinois tel que Jiangnan à Shanghai (Chine) et dans l'affirmative, quel était le montant de cette aide; b) toute autre entreprise dans les villes de Shanghai et Ningpo?
(Le document est déposé.)
Pour chaque année entre 1993 et 2001, à combien s’est établi le montant facturé au gouvernement et à ses organismes par les associés de recherche de Pollara?
(Le document est déposé.)
[Traduction]
M. Geoff Regan: Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.
Le Président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
* * *
Demande de débat d'urgence
Le syndrome respiratoire aigu sévère
[Article 52 du Règlement]
Le Président: La présidence a reçu préavis d'une demande de débat d'urgence du député de Cumberland—Colchester.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, dans mon préavis, je mentionnais que la ministre de la Santé n'avait toujours pas fait de déclaration détaillée à la Chambre au sujet du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, qui prend des proportions épidémiques. J'ignore pourquoi elle hésite à faire le point à la Chambre sur la situation, mais les députés et les gens que nous représentons méritent de savoir à quoi s'en tenir.
Le Règlement exige que la demande concerne une urgence réelle nécessitant une étude immédiate. Selon nous, c'est le cas. Le SRAS est une maladie mortelle qui touche toutes les régions du Canada en dépit des mesures de protection visant les voyageurs revenant de l'étranger supposément mises en place par le gouvernement fédéral.
Le SRAS a fait plusieurs victimes au Canada. L'épidémie a fermé des hôpitaux, nécessité le déploiement d'un système d'urgence, causé une pénurie de matériel médical et perturbé les voyages à l'étranger.
Nous avons la preuve que le SRAS est maintenant présent dans plusieurs provinces, ce qui préoccupe gravement de nombreuses localités canadiennes.
Les conséquences économiques sont importantes. La crainte de perdre de l'argent risque de pousser les gens à ne pas respecter la mise en quarantaine, ce qui pourrait accroître le risque de propagation de la maladie.
L'une des fonctions de la Chambre des communes est d'attirer l'attention du public sur les questions graves. Un débat d'urgence donnerait au gouvernement l'occasion d'informer la Chambre sur ce qui est fait pour protéger la santé des Canadiens. Cela nous permettrait de poser les questions que les Canadiens veulent que nous posions.
Si vous accédiez à notre demande, monsieur le Président, nous accepterions que le débat ait lieu demain soir pour que les ministres et les responsables aient le temps de préparer une déclaration complète à l'intention de la Chambre.
* * *
[Décision de la présidence]
Le Président: La présidence a lu attentivement les arguments présentés par le député ce matin. Je l'ai entendu cet après-midi. La présidence est d'avis que la demande de débat d'urgence ne répond pas pour le moment aux exigences du Règlement, et je souligne pour le moment. Je sais que le député voudra sans doute présenter à nouveau sa demande à une date ultérieure.
INITIATIVES MINISTÉRIELLES
[Initiatives ministérielles]
* * *
[Traduction]
Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-23, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
Le Président: Lorsque la Chambre a interrompu ses travaux pour la période des questions, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough avait la parole. Je crois qu'il lui restait neuf minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, comme vous, j'apprécie le temps à sa juste valeur. J'espère que j'en ferai bon usage cet après-midi.
Juste avant la période des questions, je parlais du registre national des délinquants sexuels et de la nécessité de le mettre en oeuvre de façon à disposer d'une information exacte et facile d'accès. Autrement dit, l'information serait inscrite au départ, puis serait disponible par l'entremise d'un système autonome, de façon que des renseignements recueillis en Colombie-Britannique, par exemple, soient à la disposition des tribunaux de Terre-Neuve ou de la Nouvelle-Écosse. Il s'agirait donc d'un système desservant tout le pays, d'un océan à l'autre.
Je sais que des ministres comme Tim Olive, qui est présent aujourd'hui, et John Hamm, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, se rendent compte du fait que nous avons besoin d'un système national permettant aux services de police, aux services d'aide aux victimes, aux tribunaux et au système judiciaire, d'une façon générale, de disposer d'une information exacte, qui permette, comme elle est censée le faire, d'assurer une protection de base.
Le préjudice causé par une agression sexuelle dure toute la vie. Je soutiens qu'une enquête infructueuse ou des poursuites qui aboutissent à l'échec ne peuvent qu'aggraver le tort causé par ce crime et miner la confiance dans le système. Une fois de plus, on ne peut pas surestimer l'importance d'avoir un registre autonome des délinquants sexuels pour assurer une diffusion opportune de l'information dans tout le pays, afin de permettre à la police d'en disposer et de protéger le public.
Il peut arriver que des erreurs soient commises quand les tribunaux ne disposent pas de tous les renseignements. Je sais que vous-même, monsieur le Président, ayant été membre du Barreau, comprenez toute l'importance d'une information exacte. Si quelqu'un s'est déjà rendu coupable d'une infraction et s'est montré capable de commettre des agressions sexuelles, cette information doit être disponible.
Dans le système actuel, comme dans un système qui serait combiné avec l'actuel CIPC, on peut raisonnablement s'attendre à ce que l'information ne soit pas disponible. S'il y a des éléments qui manquent, un procès peut aboutir à des résultats diamétralement opposés ou une sentence très différente en cas de condamnation.
Un peu comme dans le cas du prélèvement d'ADN au moment de l'arrestation, qui constituait une lacune des lois antérieures, je soutiens que le projet de loi présente des défauts inhérents. Quand il aura été renvoyé au comité de la justice, nous aurons l'occasion d'y remédier en proposant les modifications nécessaires.
D'autres députés ont déjà mentionné ces lacunes. L'absence d'un système autonome est, à mon avis, la plus grave lacune du projet de loi dont la Chambre est saisie. À cause de cela, un renseignement ou un élément de preuve crucial pourrait ne pas être transmis, ce qui empêcherait la police de protéger des jeunes contre une grave agression.
L'établissement d'un système national offrirait aux services de police un meilleur accès à ces renseignements et leur permettrait de mieux protéger les jeunes. C'est le but visé. L'idée, simple mais bonne, fonctionnerait si on y accordait les ressources requises. La plupart de ces ressources existent déjà, à mon avis.
Pour que les choses soient claires, je rappelle donc que nous devrions appliquer l'infrastructure du registre des armes à feu, qui sert à enregistrer des millions d'objets inanimés dans le but illusoire de protéger la population, à un registre où seraient fichés quelques dizaines de milliers de délinquants sexuels. Il serait ensuite possible de transmettre les renseignements aux corps policiers, aux tribunaux et au système de justice en général. Cela améliorerait grandement la protection de la population.
Il existe déjà des registres aux États-Unis. L'Ontario est la première province à avoir créé un tel registre des délinquants sexuels reconnus. Elle a très gentiment proposé d'utiliser son système comme modèle. Cela montre bien qui fait preuve d'initiative et de bonne volonté dans ce dossier.
Trop souvent, le gouvernement fédéral s'est montré arrogant et méprisant envers les provinces, comme ce fut le cas dans le dossier de la santé et certainement en matière de la justice. Nous avons ici un autre exemple où les provinces ont proposé d'appliquer un système existant à l'échelle nationale.
Y a-t-il quelque chose de plus important et de plus fondamental que la protection de nos enfants contre les prédateurs sexuels? Cela devrait, à mon avis, être notre grande priorité. Je suis content que le gouvernement se soit décidé à présenter ce projet de loi, mais il y a certainement des améliorations à apporter à cette mesure législative qui, malheureusement, est boiteuse.
La technologie permettant de créer un registre autonome existe. Ce doit être une des principales priorités du gouvernement. On a apporté au CIPC des améliorations prévoyant notamment de signaler les fiches des délinquants sexuels réhabilités. Il existe donc manifestement des mesures de protection inhérentes. Nous avons un système qui va, je l'espère, surveiller ceux qui sont en probation ou qui profitent d'une libération conditionnelle. Pourtant, un registre national des délinquants sexuels établi dans un réseau informatique national complet et mis à la disposition de la police est une nécessité absolue si nous voulons améliorer la façon dont nous offrons les services maintenant et dont nous surveillons dans la collectivité les gens qui se sont vu imposer des conditions par les tribunaux. Selon moi, la collectivité a le droit de savoir, et cela m'amène à aborder l'importante question de l'effet rétroactif.
J'appuie ici la notion de rétroactivité, tout comme c'est le cas des procureurs généraux du pays, de nombreux policiers, des services d'aide aux victimes et des particuliers oeuvrant au sein du système judiciaire, qui veulent que ce système fonctionne comme il faut.
Il ne s'agit pas d'une double pénalisation, comme l'ont laissé entendre des députés du gouvernement libéral. Il n'est pas question d'une double punition dans le cas des personnes présentement emprisonnées pour avoir commis des infractions sexuelles prévues expressément dans le Code criminel lorsqu'on laisse entendre que l'information à leur sujet devrait dans certains cas être mise à la disposition des policiers et de la collectivité dans un système d'enregistrement protégé. Il existe des garanties que connaît le gouvernement. Pourtant, on laisse entendre que le registre ne devrait pas avoir d'effet rétroactif dans le cas des personnes actuellement emprisonnées pour crimes haineux, pour s'être conduit de façon répugnante et avoir agressé des enfants. On dit qu'on pourrait violer d'une façon ou d'une autre leur droit en communiquant cette information à des particuliers chargés expressément de protéger les enfants.
On dit qu'il y aurait contestation de la constitutionnalité de cette mesure. Il va de soi que ce serait le cas. C'est inévitable. Lorsqu'un nouveau projet de loi est présenté par le gouvernement, il est contesté. Cela va sans dire. Laissons les choses suivre leur cours, mais espérons que le tout se déroulera rapidement. J'insiste de nouveau sur le fait qu'il est ici important de respecter le critère de la proportionnalité, qui est toujours appliqué lorsqu'il est question de choses semblables, c'est-à-dire d'établir un équilibre entre les droits du particulier et les droits des Canadiens d'être protégés. La balance pencherait clairement en faveur de la protection des enfants. S'il y avait contestation de la conformité avec la Charte, ce serait pour ainsi dire l'élément qui ferait pencher la balance en faveur de la protection.
Je ne crois pas qu'on empiéterait sur les droits des individus qui ont été condamnés pour infraction sexuelle, qui purgent actuellement une peine d'emprisonnement, qui ont bénéficié de l'application régulière de la loi et qui ont épuisé leurs recours en appel. Je crois que le contraire, c'est-à-dire le fait de ne pas rendre ces renseignements disponibles, irait non seulement à l'encontre du bon sens mais serait contraire à la primauté du droit, compte tenu des avantages qu'il y aurait à pouvoir accéder à cette information concernant les délinquants, et compte tenu de la menace qu'ils peuvent représenter pour les jeunes enfants.
Il est toujours facile de critiquer, mais lorsque nous disposons de solutions faciles et pratiques, pourquoi ne pas les appliquer? Pourquoi ne pas faire ce qui s'impose? Encore une fois, je félicite le gouvernement d'avoir finalement présenté ce projet de loi et de le traiter comme l'une de ses priorités, mais ce n'est de toute évidence pas suffisant.
En ce qui concerne les solutions pratiques et bon nombre des questions sur lesquelles le comité de la justice reviendra, je crois que le gouvernement pourrait contribuer grandement à retrouver la confiance du public dans son efficacité et ses priorités en mettant tout simplement au rancart le registre sur les armes d'épaule et en appliquant l'infrastructure du programme à un registre national des délinquants sexuels. Nous pourrions adapter l'infrastructure, c'est-à-dire les ordinateurs, le personnel et les systèmes, à un registre autonome distinct du système du CIPC, de façon à disposer d'un registre qui protégerait les Canadiens.
Comme je le disais, l'Ontario est prête à proposer un plan qui permettrait d'appliquer au niveau fédéral le système qu'elle utilise actuellement et ce, dans le but d'encourager le gouvernement à adopter ce système.
Il existe également de nombreuses autres façons d'adapter la législation pénale actuelle pour mieux protéger les jeunes. J'ai moi-même un projet de loi d'initiative parlementaire qui élargirait l'utilisation des ordonnances de probation, de façon à permettre aux juges de prendre des ordonnances pour protéger les jeunes dans les lieux d'habitation, là où la plupart des infractions sexuelles sont commises, malheureusement par des personnes connues des jeunes.
En terminant, le projet de loi à l'étude nous offre l'occasion de poser des gestes importants et substantiels pour protéger les enfants et rétablir la confiance de la population, pour peu que le gouvernement adopte un registre des délinquants sexuels autonome et traite la question avec le plus grand sérieux, en établissant un système d'enregistrement qui protégera réellement les jeunes Canadiens.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux des observations du député. Nous étudions cette question depuis quelque temps. Mes électeurs ont communiqué avec moi à plusieurs reprises pour me demander de leur expliquer pourquoi le système de la GRC n'a pas pu s'acquitter de ce rôle et pourquoi certaines provinces, comme l'Ontario, ont dû s'en charger elles-mêmes.
Maintenant, nous devons envisager une intégration. Le député pourrait-il nous dire si ce registre pourrait constituer un bon départ plutôt qu'un autre faux départ? Ensuite, pourrait-il expliquer aux Canadiens comment, selon lui, ce registre pourrait aider à prévenir les crimes commis sur des enfants, au lieu de tout simplement recenser ceux qui les ont déjà perpétrés?
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je remercie mon ami de Mississauga de sa question. Je sais qu'il s'intéresse depuis longtemps à cette question, particulièrement à la protection des enfants.
La réponse brève est qu'il faut être averti et être sur ses gardes. Un système mettant un registre à la disposition de la police, du personnel des services communautaires et des particuliers et permettant d'identifier ces individus et de savoir s'ils ont effectivement montré une propension à ce genre d'infraction, parce que trouvés coupables d'agression sexuelle contre un enfant et incarcérés et que leur nom a été inscrit au registre, permet à toutes les personnes effectivement chargées de la protection des enfants de repérer, dans la société, les individus qui risquent d'avoir une telle propension et de prendre les mesures nécessaires pour les tenir à distance ou dresser des obstacles devant eux.
De toute évidence, le député doit comprendre que l'information doit avant tout être exacte, opportune et disponible. Elle doit également viser l'ensemble du pays: que les infractions aient été commises sur la côte ouest ou sur la côte est, toutes les collectivités canadiennes,d'un océan à l'autre, doivent y avoir accès.
Pour ce qui est de la première question du député, je n'essaie pas d'être pointilleux, mais c'est le genre de question qu'il devrait adresser à son gouvernement. Il devrait demander pourquoi il a fallu tant de temps pour que le projet de loi en arrive à ce point. Il a effectivement raison de soutenir que le public réclame un système comme celui-ci depuis des années. C'est en grande partie à cause de la frustration de la population que l'Ontario a pris l'initiative de mettre en place un registre des délinquants sexuels. À l'heure actuelle, cette province offre sa collaboration au gouvernement fédéral afin que le système soit mis en oeuvre à l'échelle nationale. J'espère, plutôt je sais, que le député appuie une telle éventualité, à l'instar de l'opposition, mais faisons les choses comme il faut. Il ne faudrait pas refaire la même erreur qu'avec la loi actuelle sur la pornographie juvénile, qui ne va pas assez loin et qui ne corrige pas les failles.
Je crains que, dans sa forme actuelle, cette mesure législative ne comporte plusieurs lacunes. Oui, il est toujours préférable de prendre une mesure que de ne pas en prendre, mais je déteste avoir l'impression de hisser un rocher en haut d'une colline et de le voir ensuite se précipiter sur nous, ce qui se produit souvent avec ce genre de mesure législative.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt l'intervention de mon collègue, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Il a fait mention de la somme d'argent épouvantable investie dans le registre des armes d'épaule, et cela n'a rien de rassurant pour personne.
Je sais que les membres de l'Association canadienne des policiers réunis sur la Colline l'autre jour ont réclamé la création d'un registre des délinquants sexuels. Le député a peut-être fait des pressions en ce sens lui aussi. Le gouvernement fait tout un plat au sujet du soutien accordé par cette association au registre des armes à feu, mais il oublie de mentionner que cette même association demande qu'il s'engage à mettre sur pied un registre national des délinquants sexuels. Le député voudrait peut-être se prononcer à ce sujet.
M. Peter MacKay: Bien sûr, monsieur le Président. C'est regrettable, mais il arrive parfois qu'on utilise la police à des fins politiques. Nous savons qu'elle a demandé un registre des empreintes génétiques avec prélèvement au moment de l'arrestation en échange d'un système qui fonctionnerait vraiment. Elle a obtenu beaucoup moins, et c'était à condition qu'elle appuie le registre des armes à feu.
La police a encore un peu vendu son âme en maintenant son appui, mais je sais que bien des policiers ne sont pas d'accord et ils ont tenu absolument à le signaler lorsqu'ils sont venus à Ottawa la semaine dernière. Ils savent que le registre ne marche pas, qu'il ne donnera pas une information exacte et rapide, qu'il ne cible pas les bonnes personnes. En effet, non seulement les criminels n'enregistreront pas leurs armes, mais ils ne donneront pas non plus leurs empreintes digitales avant d'entrer par effraction dans une maison. Le registre a été présenté aux Canadiens de façon trompeuse, fausse et complètement inexacte dès le début par le ministre. Celui-ci n'est pas sans rappeler Otto Lang, que John Diefenbaker, de la province du député, a décrit un jour comme un homme qui, s'il traverse un pacage où il y a cinq bouses, trouvera le moyen de mettre le pied dans les cinq. Voilà qui décrit avec exactitude l'ancien ministre de la Justice qui a présenté ce projet de loi.
Pour en venir directement au fait, l'Association canadienne des policiers tient à avoir un système qui marche, un registre qui permettra d'améliorer la sécurité du public et donnera à la police une information exacte et utilisable pour protéger le public, tout comme nous devrions avoir, selon moi, un registre national des personnes disparues. Dans le cas des personnes disparues, le système nous permettrait de consulter une banque de données nationale qui donnerait de l'information utile pour retrouver certaines personnes ou constater que d'autres, qui manquent à l'appel depuis des années, ont malheureusement été victimes.
Il y a bien des moyens pratiques de s'attaquer au problème, au lieu de recourir à un système qui, nous le savons, ne fonctionne pas, qui a été un gouffre financier et qui fait l'objet d'une propagande sans aucune sincérité. Il faudrait plutôt des systèmes pratiques qui améliorent la sécurité du public.
Je sais que le député et tous ses collègues à la Chambre souhaitent un effort sincère en vue d'établir des banques de données nationales qui, de façon concrète, aideront à protéger la vie des Canadiens et à protéger les enfants contre les prédateurs sexuels, et qui fourniront à la police de l'information qui lui permette de faire le travail important qui est le sien. Je remercie le député de sa question.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais poser une question à mon collègue progressiste-conservateur, à la lumière des questions posées par le député de Mississauga-Sud.
Il semble que les libéraux aient pour façon de procéder celle de proposer des demi-mesures après des années et des années d'étude. L'opposition est ensuite censée être très emballée par les initiatives qui sont proposées par le gouvernement. Quand il met aussi longtemps pour proposer le registre des délinquants sexuels, on pourrait le croire capable de bien faire les choses. Je songe notamment à la question de la rétroactivité.
Comme le sait le député progressiste-conservateur, puisqu'il en a brièvement parlé dans ses observations, grosso modo, dans le cas des personnes inculpées d'agression sexuelle, 4 individus sur 10 sont des récidivistes. En d'autres mots, ils recommenceront. Il est tellement ridicule que le gouvernement veuille mettre en place un registre des délinquants sexuels, mais qu'il refuse de le rendre rétroactif de crainte qu'il soit contesté pour des motifs constitutionnels, que les Canadiens d'un océan à l'autre en sont révoltés. Ils ne voient tout simplement pas à quoi ça rime, et moi non plus, à vrai dire. Je ne vois pas à quoi il sert de présenter cette initiative si elle n'est pas rétroactive.
Sachant que le taux de récidive est de 40 p. 100 chez les délinquants sexuels, ce que j'ai cru comprendre, je voudrais que le député du Parti progressiste-conservateur me dise ce qu'il en pense.
M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je ne sais pas si mon collègue de Mississauga-Sud aurait condamné son propre gouvernement de façon aussi cinglante, mais il a dit la même chose.
Le gouvernement a proposé une demi-mesure. La question de la récidive est extrêmement grave dans le cas de pédophiles et de ceux qui ont démontré une propension à agresser sexuellement des enfants. C'est la raison pour laquelle les agresseurs incarcérés devraient être inclus dans le système, comme je l'ai indiqué plus tôt. Une application rétroactive réduirait de moitié les renseignements qu'il faudrait inclure si nous n'incluons pas cette disposition dans la loi.
La crainte d'une contestation constitutionnelle que nourrit le gouvernement relève de la constipation constitutionnelle de sa part, comme je l'ai dit souvent. Il se produit une sorte de blocage chaque fois qu'est invoquée la possibilité d'une contestation constitutionnelle. C'est ridicule. Ce sera contesté, c'est sûr.
Prenons les moyens pour que le projet de loi soit valable en partant afin de permettre aux corps policiers d'accomplir leur travail et de protéger la population et, le plus important, les enfants. C'est la substance même de ce que nous essayons de faire. Je sais que le député est d'accord là-dessus. Les députés du Parti progressiste-conservateur maintiennent catégoriquement que le système doit s'appliquer rétroactivement et nous continuerons de l'exiger.
Je suis impatient de siéger au Comité de la justice en compagnie du député.
Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de partager mon temps avec mon collègue de Battlefords—Lloydminster, cet après-midi.
Je suis heureuse de contribuer à ce débat important sur le registre national des délinquants sexuels. Il n'y a certainement pas plus d'une poignée de personnes pour s'opposer à l'établissement d'un tel registre au Canada, mais je sais qu'il y a des millions de Canadiens qui ne savent pas à quel point ce registre sera inefficace dans sa forme actuelle.
Les infractions sexuelles ne ressemblent à aucun autre crime. Elles constituent des attaques contre la personne, non pas contre la propriété. Elles violent la personne de plusieurs façons inimaginables. Ces crimes bouleversent la vie des victimes, de leur famille et de leur communauté. Ils violent la confiance la plus élémentaire que nous plaçons dans nos voisins.
Les Canadiens ont réclamé que leur gouvernement s'attaque à ces crimes plus sérieusement qu'à d'autres. Ils ont réclamé que nous les protégions des violeurs et des pédophiles, surtout lorsque ces criminels sont connus. Ils ont réclamé que nous mettions nos politiques partisanes de côté au nom de leur sûreté et de leur sécurité et de celles de leur famille.
J'étais optimiste lorsque l'Alliance canadienne a proposé le registre et que les libéraux ont accepté de mettre un tel registre en vigueur. Malheureusement, c'est dans les détails que le bât blesse.
Un Canadien moyen qui créerait un registre verrait à ce que les noms de tous les contrevenants sexuels y figurent. Il prévoirait des mises à jour régulières des allées et venues de ces contrevenants, de manière à ce que le registre soit complet. Malheureusement, lors de sa création, le registre ne renfermera les noms d'aucun contrevenant sexuel reconnu. Les mises à jour seront faites annuellement et certaines échappatoires permettront aux violeurs et aux pédophiles de ne pas figurer dans ce registre.
Les registres donnent-ils des résultats? Je crois que oui lorsqu'ils sont conformes à leur objectif. Certains registres s'avèrent inefficaces du fait qu'ils sont inapplicables, déraisonnables et qu'ils ne servent aucun but.
Prenons le registre des armes de poing, par exemple. Ce registre, dans lequel toutes les armes de poing du Canada sont censées figurer, est en vigueur depuis 1932. Or, en 71 ans, il n'a pas permis de prévenir un seul crime. Pis encore, les armes de poing sont toujours un problème sérieux aux quatre coins du Canada.
Qu'ont fait les libéraux? Ils ont dit que les fusils devraient être enregistrés. Les Canadiens ont eu raison de mettre l'initiative en doute, compte tenu de l'inefficacité avérée du registre des armes de poing. Si un registre ne donne pas les résultats escomptés et s'il n'est pas complet, les gens n'y adhéreront pas.
En examinant ce qui passe dans le cas des autres registres, on constate qu'ils sont plus efficaces parce que leur mise en application est possible et parce que les gens y voient un but valable. Pensons à l'enregistrement des automobiles, à celui des appareils de télécommunication et aux permis de pêche.
À quoi les Canadiens peuvent-ils s'attendre le premier jour où le registre des délinquants sexuels sera en place? Qu'est-ce qui aura changé par rapport à la veille? Rien, malheureusement. Le registre n'est pas assorti d'une mesure d'antériorité, c'est-à-dire que les délinquants sexuels connus n'y seront pas inscrits. Seuls ceux qui seront trouvés coupables après son entrée en vigueur y seront inscrits. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Paul Bernardo et les Karla Homolka de ce monde ne seront pas consignés au registre. Si on peut appliquer rétroactivement le registre des armes à feu, pourquoi ne peut-on pas aussi appliquer rétroactivement le registre des délinquants sexuels?
Qui sont les véritables criminels? Pourquoi les libéraux essaient-ils de protéger des violeurs et des pédophiles? Chaque personne vivante trouvée coupable d'un crime sexuel devrait être inscrite à vie dans le registre. J'ai bien hâte d'entendre l'argumentation libérale expliquant pourquoi il devrait en être autrement. Le but du registre est de suivre de près tous ceux qui peuvent présenter un danger pour la société. De cette façon, si un crime sexuel est commis, les policiers auront une longueur d'avance dans leurs démarches en vue de trouver les suspects potentiels.
Pour être efficace, le registre doit indiquer exactement les déplacements de ces individus. Nous ne proposons pas qu'ils appellent d'heure en heure pour nous dire où ils sont, mais une mise à jour annuelle ne suffit pas pour que le registre soit efficace et fiable. Si nous appelions nos familles une fois par année tout juste pour dire si nous sommes encore à la même adresse, que sauraient-elles de nos allées et venues pendant les 364 autres jours de l'année?
Il existe dans la plupart des provinces un règlement prévoyant qu'un changement d'adresse doit être apporté sur un permis de conduire dans un certain délai suivant un déménagement. Pourquoi les règlements sur les délinquants sexuels seraient-ils plus permissifs? Je crois qu'on pourrait faire beaucoup plus pour suivre la trace de ces gens. Ils devraient être obligés d'informer les autorités lorsqu'ils quittent une certaine région. De même, avant de quitter le pays, ils devraient être obligés d'en informer les autorités et obtenir leur permission.
On pourra rappeler à tous ceux qui s'opposeraient à ces règles qu'ils ont choisi de voir leur nom inscrit sur la liste en commettant un crime grave.
On peut se demander quelle peine sévère est imposée à ceux qui omettent de mettre à jour les renseignements les concernant ou qui ne se rapportent pas aux autorités une fois par année. Eh bien, ils s'exposent à une peine maximale de six mois d'emprisonnement. Les peines relatives au défaut d'enregistrer une arme à feu, une voiture, un premier permis de pêche et bien d'autres choses sont bien plus sévères. Là encore, nous devons nous demander quel genre de message nous transmettons.
Il est scandaleux de constater que tous les délinquants sexuels ne seraient pas inscrits sur la liste pour le reste de leurs jours. Trois cas différents sont prévus. Les délinquants reconnus coupables d'une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité dont la peine maximale est de deux à cinq ans seraient inscrits pendant 10 ans, ceux pour qui la peine maximale va de 10 à 14 ans seraient inscrits pendant 20 ans et ceux dont la peine prévue est l'emprisonnement à perpétuité ou qui ont déjà été reconnus coupables d'une infraction sexuelle seraient inscrits à vie.
Ce n'est pas tout, les choses deviennent encore plus intéressantes. Ces périodes d'inscription ne sont pas des ordonnances coulées dans le béton. Ces criminels peuvent voir leur nom retiré de la liste, ou même éviter qu'il y soit inscrit pour commencer, s'ils peuvent démontrer que le fait que leur nom s'y trouve va leur causer plus de torts que ne le justifie le bien public.
Nous pouvons imaginer la file de délinquants sexuels qui vont essayer de profiter de cette échappatoire pour que leur nom ne figure pas sur la liste. Je peux imaginer que notre système judiciaire habituellement permissif s'empresserait de combler les souhaits des violeurs et des pédophiles.
Avec des exigences aussi vagues et des échappatoires aussi vastes, le registre va-t-il servir à quelque chose? Vaudra-t-il la peine qu'on y consacre un effort quelconque? Malheureusement, je pense que le registre, dans sa forme proposée, ne sera d'aucune efficacité. Ce sera un grand exercice de relations publiques des libéraux, mais il ne fera rien pour protéger le public. C'est à peine s'il permettra de suivre les délinquants sexuels et il engorgera les tribunaux de pédophiles et de violeurs qui essaient de faire rayer leur nom de la liste. Il réduira à néant les efforts des services policiers et donnera au public une fausse impression de sécurité. Ce ne sera qu'un autre scandale des libéraux.
C'est très malheureux, car nous perdons une occasion de vraiment faire une différence, une occasion d'apporter les changements nécessaires pour protéger les Canadiens, en particulier nos enfants.
Si nous consacrions au registre des délinquants sexuels la moitié des efforts et des ressources que nous avons consacrés au registre des armes à feu, nous avancerions beaucoup plus. Pourquoi le gouvernement ne consacre-t-il pas autant d'efforts à inscrire dans un registre les criminels connus qu'il le fait pour inscrire dans un registre les citoyens respectueux des lois?
J'ai de la difficulté à dire à mes électeurs que la première page du registre sera vierge et que le registre pourrait ne pas comporter le nom des délinquants sexuels connus. J'ai également de la difficulté à leur dire qu'un violeur ou qu'un pédophile est en liberté dans leur collectivité et que sa seule obligation est de se présenter aux autorités seulement une fois par année. Mais je leur dirai que les libéraux n'ont pas saisi l'occasion en or qu'ils avaient de les protéger, que les libéraux ont essayé de les berner, que les libéraux les ont trompés en leur donnant une fausse impression de sécurité. Je dirai la vérité à mes électeurs, même si les libéraux ne le font pas avec les leurs.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui. Je suis déjà intervenu au sujet du projet de loi C-20, qui porte sur la protection des enfants, et j'ai parlé d'un projet de loi connexe dont la Chambre sera saisie aujourd'hui: le projet de loi C-23.
Le projet de loi C-23 établirait un registre national des délinquants sexuels. L'établissement d'un tel registre se fait attendre depuis fort longtemps. Plusieurs tentatives ont été faites à cet égard. Mais le registre n'est jamais devenu une réalité. Je suppose qu'il a pour origine une motion de l'opposition présentée par mon collègue, le député allianciste de Langley--Abbotsford. Le 13 mars 2001, soit il y a plus de deux ans maintenant, la Chambre des communes a voté en faveur de cette motion. Cette motion, qui était très simple, se lisait comme suit:
Que le gouvernement établisse un registre national des délinquants sexuels d'ici le 1er janvier 2002. |
Nous avons raté le coche de plus d'un an. Les libéraux n'ont pas tenu compte de cette motion. À leur propre péril, ils l'ont ignorée, en dépit des nombreuses pétitions et de l'appui considérable qu'elle a suscités. Des habitants de nos circonscriptions d'un bout à l'autre du pays ont demandé ce qu'il était advenu de cette motion. Ils se sont demandés ce qu'il en était advenu parce que le registre n'a pas été créé. Enfin, les libéraux ont cédé à la pression et ils ont présenté le projet de loi C-23. Malheureusement, comme nombre de mes collègues l'ont souligné, ce n'est qu'une demi-mesure. Et le projet de loi souffre de terribles lacunes.
Le tout a commencé en 1988 quand un garçon de 11 ans a été tué par un pédophile reconnu profitant d'une libération d'office, une autre chose merveilleuse qui doit être changée. Les libéraux ont, à ce moment-là, amorcé leur réflexion sur un registre national des délinquants sexuels. C'était il y a quinze ans. Il y a eu beaucoup de problèmes et de condamnations depuis. Des délinquants qui ont été libérés d'office dans les collectivités mêmes où ils avaient commis leurs crimes ont récidivé et sont retournés en prison.
Il est donc temps que les libéraux proposent ce projet de loi. Toutefois, ce dernier présente une énorme lacune. Il n'est pas rétroactif. Comme mon collègue de Saskatoon—Rosetown—Biggar l'a souligné, il ne commence que par une feuille de papier blanc. Il n'y a rien dessus.
Comment cela se peut-il, alors que ces personnes sont actuellement incarcérées dans nos prisons? On les laisse sortir. Il y en avait un en liberté dans ma circonscription, il y a une semaine ou deux. J'en ai parlé à quelques reprises à la Chambre, mais il vaut la peine de le répéter. Un criminel condamné plusieurs fois, libéré à maintes reprises, continue d'être mis en liberté et de commettre les mêmes crimes ignobles. Ses victimes sont des fillettes dont l'âge varie entre un an et demi et 11 ans. Qu'y a-t-il de plus odieux? Pourtant, son nom ne figurera pas dans ce registre. C'est un prédateur d'enfants qui a été condamné à plusieurs reprises.
Il y a une énorme lacune dans ce registre. Il faut adopter des amendements pour qu'il soit rétroactif, mais le gouvernement refuse d'y songer. À la Chambre, on a interrogé le solliciteur général et le ministre de la Justice, et ils disent ne pas pouvoir le rendre rétroactif en raison de préoccupations concernant la protection des renseignements personnels.
Qu'en est-il de la protection des renseignements personnels des victimes? Elles se réveillent la nuit en hurlant. Leurs cauchemars dureront toute leur vie. Pourtant, le projet de loi, qui est censé les protéger et les aider à surmonter cette épreuve, ne peut pas s'appliquer rétroactivement. Il ne leur enlève pas ce fardeau. Il leur fait revivre ces problèmes chaque fois que ce bouffon est libéré dans la société pour récidiver.
D'autres collègues ont parlé du taux de récidivisme. Il est énorme et incroyable. Ces criminels ne suivent même pas des séances de counselling pendant qu'ils sont incarcérés. Ils peuvent dire qu'ils n'en ont pas besoin et être libérés. On ne peut les obliger à participer à ces séances. Leurs droits constitutionnels l'emportent sur ceux des victimes, et le cauchemar continue. C'est le monde à l'envers.
Le gouvernement dit ne pas pouvoir rendre le registre rétroactif en raison des préoccupations liées à la protection des renseignements personnels et des contestations aux termes de la Constitution. Mon bon collègue de Pictou—Antigonish—Guysborough, qui faisait partie du ministère public en Nouvelle-Écosse, a dit que toutes les nouvelles lois sont contestées. Elles le sont invariablement, pour qu'on puisse vérifier à quel point elles sont rigoureuses.
Les tribunaux ont besoin d'une bonne dose de courage, et il appartient peut-être à la Chambre de la leur fournir. C'est, après tout, la plus haute cour au pays. Peut-être qu'on devrait insuffler un peu de courage aux juges, par la force s'il le faut, en leur disant «Voici la peine d'emprisonnement pour ce genre de crime. À vous maintenant de l'imposer.»
Il arrive que des peines d'emprisonnement maximales soient prolongées. Mais la peine maximale n'est pas ce qui importe le plus. C'est la période minimale du séjour en prison qui compte surtout. Peu importe que l'on double ou que l'on triple la durée de la peine maximale, ou encore qu'on impose 16 peines de prison à vie à un criminel. Personne ne sert la totalité de ces peines. Les prisonniers purgent la durée minimale de la sentence et sont libérés d'office. Aux deux-tiers de leur peine, ils deviennent admissibles à une libération conditionnelle et à toutes sortes d'avantages. Le ministère de la Justice a énormément de travail à accomplir. Cette question de rétroactivité mentionnée précédemment est tout à fait contraire à l'objet du projet de loi.
Le gouvernement n'accordera pas un effet rétroactif au registre des délinquants sexuels, pas plus qu'à la base de données génétiques. Il ne prélèvera pas les empreintes génétiques de bon nombre de ces criminels par crainte de les léser dans leurs droits constitutionnels et leur droit à la vie privée. Par contre, il met en application les dispositions du projet de loi C-68, qui prévoient la création d'un registre des armes à feu et qui portent vraiment atteinte à ma vie privée. Il met sur pied une base de données qui constitue un véritable catalogue pour les criminels de ce monde qui veulent savoir les armes que je possède et où aller pour les trouver. C'est une atteinte à mes droits constitutionnels.
Un de mes bons amis, M. Ted Morton, a étudié en profondeur le caractère constitutionnel du projet de loi C-68. Il a dit que le gouvernement n'avait aucun argument valable à l'appui d'une telle mesure législative, et il a expliqué pourquoi. Ce constitutionnaliste sait de quoi il parle. Et on commence à constater qu'il avait raison, quand on voit que le gouvernement se garde de porter des accusations contre les personnes sensées être arrêtées aux termes du projet de loi C-68, parce qu'il sait qu'il perdra sa cause en justice et que la prémisse sur laquelle repose ce projet de loi en matière de sécurité publique ne tient pas la route.
On voit ce genre de mesures législatives être adoptées dans cette Chambre.
Même si le nom d'un délinquant sexuel est inscrit sur la toute nouvelle liste, il y a une autre faille. Par l'entremise des tribunaux, il peut demander que son nom ne figure pas sur la liste s'il estime que cela serait préjudiciable à sa santé et à sa sécurité. Non, mais n'est-ce pas le comble du ridicule? Personne au sein d'un tribunal ou autour d'une table de cuisine ne pourrait accepter le principe selon lequel un individu trouvé coupable d'un crime, un criminel peut présenter une demande pour que son nom ne figure pas sur la liste parce que cela porterait atteinte à sa vie privée et à sa sécurité. C'est une faille qui dépasse l'entendement.
Les provinces ont commencé à mettre en place ces registres. Elles ont dû le faire de manière ponctuelle, parce que le gouvernement fédéral n'a pas prévu les dispositions législatives et le financement nécessaires pour les aider. Si un pédophile dont le nom figure dans le registre de l'Ontario déménage en Saskatchewan, on perd sa trace parce qu'il n'y a pas de suivi. Cela ne serait pas le cas si tout fonctionnait comme il se doit, mais il n'en est rien. Le gros problème, c'est le financement.
Comme je l'ai mentionné dans une question au député, des représentants de l'Association canadienne des policiers étaient sur la Colline la semaine dernière et ils ont probablement fait pression sur lui comme sur tout le monde. Cette association est censée être en faveur du projet de loi C-68. Ses dirigeants, peut-être. De simples membres sont toutefois venus me dire que ce n'est pas une bonne chose. Ils veulent une base de données génétiques. Ils veulent un registre des délinquants sexuels qui soit rétroactif. Le gouvernement ne mentionne généralement pas la position de l'ACP sur ces questions, mais il signale que les dirigeants de l'ACP sont en faveur du projet de loi C-68.
Il y a bien des choses qui clochent ici. Ce qui nous contrarie surtout, c'est la question de la rétroactivité. À cet égard, je veux proposer une motion. Je propose:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit: |
«la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-23, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, parce que le projet omet d’exiger l’enregistrement rétroactif des délinquants sexuels ayant un taux de récidive de 40% pour éviter que ceux-ci ne commettent une autre infraction avant d’être inscrits dans la banque de données.». |
Le président suppléant (M. Bélair): Le débat porte sur l'amendement.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis toujours ravi d'écouter mon collègue de la Saskatchewan faire état des préoccupations de son électorat au sujet du projet de loi C-23. Je suis déconcerté de voir que, peu importe le domaine du droit criminel pour lequel on réussit à convaincre le gouvernement de finalement prendre des mesures, celui-ci finit invariablement par faire le travail à moitié, notamment avec cette mesure dont il nous a saisis. Le projet de loi C-20, qu'il a présenté comme solution au problème de la pornographie juvénile, ressemble beaucoup au projet de loi C-23. Il fait les choses à moitié, voire moins.
Je n'arrive pas à croire que les libéraux puissent proposer un projet de loi qui ne soit pas rétroactif, et qui ne garantit donc pas que les délinquants sexuels connus y figurent. À quoi, diable, servira le registre si les centaines de délinquants sexuels aujourd'hui en prison n'y seront pas inscrits? C'est à n'y rien comprendre.
Je sais, pour en avoir discuté avec des électeurs d'un bout à l'autre de Prince George—Peace River, qu'ils sont consternés de voir que les libéraux mettent des années, et non pas des semaines ou des mois, pour réagir à la requête des Canadiens qui veulent qu'on protègent leurs enfants, les membres les plus vulnérables de la société, pour ensuite présenter une mesure législative qui ne fera pas la moitié de ce qui est demandé.
Je représente une immense circonscription rurale qui s'étend sur plus de 200 000 kilomètres de superficie et qui compte près de 10 collectivités, de Prince George, dans le sud, à Fort Nelson, tout à fait au nord, près du Yukon. Et ce constat a été fait dans toutes les localités, grandes ou petites. Mon collègue de la Saskatchewan entend-il les mêmes préoccupations de la part de ses électeurs?
M. Gerry Ritz: Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de Prince George—Peace River pour sa brève intervention et son excellente question.
Il a parfaitement raison. Nous abordons ici l'une des questions qui fait l'unanimité. Je sais qu'il a reçu une tonne de courriels. À elles seules, les pétitions présentées à la Chambre devraient convaincre les gens d'en face que ce projet de loi ne va pas assez loin. Il renferme de trop nombreuses échappatoires. Sous sa forme actuelle, il est voué à l'échec.
Je sais que la circonscription que représente mon collègue et la mienne sont très similaires. J'ai prononcé des allocutions dans sa circonscription et lui dans la mienne. Ce qui fait défaut dans cette mesure législative, c'est le gros bon sens. La population s'aperçoit qu'il ne s'agit que d'un écran de fumée. Ça ne tiendra jamais la route. Ce genre de loi n'est conçu que pour alimenter les avocats et les contestations au titre de la Constitution. Il n'aide en rien les victimes. Je le répète, cela n'a aucun bon sens.
Même si le registre est créé et exploité, il se pourrait qu'aucun délinquant n'y soit inscrit. La mesure législative n'est pas rétroactive et rien ne garantit que les délinquants sexuels ne demanderont pas tous à être soustraits de la loi, alléguant que leur inscription au registre risque de leur porter préjudice, ou qu'ils ne multiplieront pas les démarches devant les tribunaux dans le but d'inciter les procureurs à abandonner et à rejeter ce processus. Cela ne fonctionnera pas.
Cela fait plus de deux ans que nos collègues ont proposé leur motion et aucune mesure concrète n'a encore été prise. Même si le projet de loi est adopté, ce qu'il offre ne ressemble en rien à ce que proposait la motion à l'origine. Ce n'est qu'une demi-mesure.
Toutefois, le gouvernement est pressé. Il veut absolument marquer des points sur l'échiquier politique en faisant croire que la sécurité publique lui tient à coeur, mais les gens voient bien ce qui se cache derrière ce genre de mesure législative. Ils se rendent compte que ce projet de loi n'améliorera en rien la sécurité publique.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je comprends bien les observations de mon collègue au sujet du registre. Si ces individus étaient accusés d'une infraction alléguée, ce serait une chose, mais ils ont été reconnus coupables d'agression sexuelle. Nous savons à qui nous avons affaire.
Je me souviens comme si c'était hier du jour où un de mes collègues du Club Rotary est venu me dire que son épouse et lui savaient qu'un membre de leur communauté avait été reconnu coupable d'agression sexuelle. Ils ne comprenaient pas pourquoi on ne voulait pas leur dire qui c'était. Il est absolument ridicule qu'une disposition empêche une jeune mère et son mari, le père, de protéger leurs enfants.
N'est-ce pas de cela dont il s'agit, en fait?
M. Gerry Ritz: Monsieur le Président, le député de Kelowna a parfaitement raison. C'est bien de quoi il s'agit ici. Si nous visions cet objectif, je ne me sentirais pas aussi frustré. Je sais que le député de Langley—Abbotsford s'arrache littéralement les cheveux parce qu'il n'arrive pas à obtenir ce genre de protection législative pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde.
Une voix: Est-ce aussi votre cas?
M. Gerry Ritz: C'est aussi mon cas. Il est parfois frustrant de travailler ici. Je sais que cela vous désespère aussi, monsieur le Président.
Le résultat n'est vraiment pas celui qu'on recherchait.
Mon collègue a parfaitement raison. Les gens comprennent très bien que, dans la vie de tous les jours, il n'y a rien de sûr parce que les échappatoires sont trop nombreuses. Ils se rendent bien compte que les agresseurs s'en tirent encore et ils se demandent si les droits de ceux-ci l'emportent sur les leurs. La réponse est oui, et c'est fort dommage.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, on a dit à maintes reprises aujourd'hui que l'un des principaux défauts du projet de loi était l'absence de rétroactivité. On extraira du registre national des délinquants sexuels une liste complètement vide et, étant vide, elle sera complètement inutile.
Juste au cas où cette chose finissait par être d'une quelconque utilité, et je souligne le mot quelconque, quelqu'un commettra un jour l'un de ces actes odieux et son nom sera inscrit au registre. Toutefois, parce que le gouvernement veut non seulement exclure tous les gens qui ont déjà commis des infractions de cette nature, mais aussi donner la possibilité à ceux qui commettront ce genre d'infraction à l'avenir de ne pas figurer au registre, il a prévu que si le préjudice causé à la pauvre personne qui a agressé sexuellement un jeune enfant était supérieur au bien public, son nom ne figurerait pas au registre.
Voyons un instant pourquoi le gouvernement libéral agit de la sorte. Il y a à cela deux raisons.
Je rechigne à citer la première, car elle reconnaît l'intelligence du gouvernement, toute sinistre qu'elle soit. Voyons de quoi est faite la ligne de front du gouvernement libéral, à commencer par le premier ministre et jusqu'aux moindres de ses ministres. La majorité d'entre eux indiquent «avocat» comme étant leur profession antérieure. Ce sont des avocats. Ils sont avocats de formation et de profession. Ils ont cette étrange façon de voir les choses. Je ne veux pas nécessairement attaquer les autres avocats. Au moins, ils ont eu la dignité de poursuivre ce qu'ils faisaient et de ne pas venir ici et mêler le droit à la politique. Il semble que cette combinaison donne des idées vraiment tordues.
L'autre raison procède d'un regard plus machiavélique sur le psychisme d'un esprit libéral. C'est le genre d'esprit qui produit la non-position que le premier ministre a prise sur l'Irak. Le ministre de la Défense nationale ne peut même pas décider si nous avons une présence là-bas ou non, si nous sommes là-bas mais invisibles; si nous sommes visibles, ce n'est pas parce que nous sommes là-bas parce que nous n'y sommes pas. C'est le genre de tournure d'esprit qui ressort de tout ça.
L'interprétation machiavélique serait la suivante. Les libéraux affirment savoir que l'initiative l'Alliance canadienne pour la création d'un registre des délinquants sexuels a reçu énormément d'appui. Ils disent savoir que le public exige une telle mesure. Les libéraux veulent faire en sorte que le public ait l'impression qu'ils ont effectivement réagi. Ils veulent à tout prix se libérer de cette pression et vont faire le moins possible. Afin de ne pas perdre l'appui des pédophiles, des agresseurs et des abuseurs d'enfants qui ont déjà commis une infraction, les libéraux veulent éviter que le nom des délinquants sexuels figure dans ce registre. Après tout, les libéraux estiment avoir consenti énormément d'efforts pour que ces personnes puissent voter alors qu'elles étaient encore incarcérées. Les libéraux ne voudraient surtout pas les offenser.
Les libéraux ont découvert ces nouveaux votes et ne veulent certainement pas offenser les détenus en leur disant, juste au moment où ils peuvent commencer à voter, que leur nom va être inscrit sur un registre des délinquants sexuels. Les détenus pourraient être offensés et ce n'est pas l'objectif des libéraux. Ils font donc en sorte que les délinquants qui ont été trouvés coupables ne soient pas inscrits au registre. Les libéraux savent que d'autres individus seront incarcérés dans l'avenir, mais comme ils veulent également obtenir ces votes, ils s'organisent pour que le nom de ces personnes ne figure pas non plus dans le registre. Ils ont prévu cette petite échappatoire et vont s'assurer que les intéressés comprennent qu'elle vient des libéraux. De cette façon, les individus qui se retrouveront dans les pénitenciers fédéraux voteront pour les libéraux.
L'autre raison est encore plus machiavélique. Les libéraux nous ont amenés exactement là où ils voulaient, c'est-à-dire faire comme s'ils avaient cédé aux pressions et conclure: «Vous voyez? Nous n'avions pas vraiment tort de ne pas adopter cette mesure parce que nous savons maintenant que cela n'a vraiment rien changé. Les gens ont fait beaucoup de bruit pour rien. Ils n'avaient que dédain pour le Parti libéral parce qu'il refusait d'adopter cette mesure. Maintenant que nous l'avons adoptée, rien n'a vraiment changé. Ils avaient tort et nous avions raison. Par conséquent, ils devraient changer d'avis à propos du Parti libéral parce que nous savons ce que nous faisons en n'adoptant pas toutes ces lois que les gens veulent. Elles ne fonctionnent pas.»
Certes, les lois ne fonctionneront pas comme le gouvernement les rédige.
Il ne me reste pas beaucoup de temps, mais j'assure aux députés que je pourrais parler bien longtemps là-dessus. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les habitants de ma circonscription. Quelques-uns de mes collègues ont déjà demandé dans quelle mesure cela préoccupait les gens dans différentes circonscriptions.
Je représente une circonscription de l'Ouest, à l'instar de la plupart de mes collègues. Je suppose que les habitants des circonscriptions de l'est pensent comme ceux des circonscriptions de l'ouest, qu'ils sont tout aussi consternés par le gouvernement quand celui-ci présente un projet de loi que les gens veulent, mais lui enlève tout le mordant qu'il devrait avoir, annulant du même coup tout effet qu'il pourrait avoir.
Certains ont parlé d'activisme judiciaire. Il s'agit du cas où des personnes se plaignent des décisions rendues par les juges du pays. Dans ce cas-ci, nous allons nous retrouver dans une situation où le gouvernement dira que s'il commence à inscrire rétroactivement le nom des gens dans le registre, les juges n'aimeront peut-être pas cela. Ils pourraient décider que c'est inéquitable sur le plan constitutionnel, que nous n'avons pas été raisonnables à l'endroit de ces terribles criminels et que nous devons respecter leurs droits. Ils remettraient en question une décision du gouvernement.
J'ai abordé il y a un certain temps la notion d'activisme judiciaire avec un juge. Il m'a dit: «Je ne vais pas prétendre qu'il n'existe pas quelque part un juge qui rend une mauvaise décision. Nous sommes humains. Nous ne sommes pas différents de tout autre groupe. Toutefois, avant de vous en prendre aux juges, commencez donc par rédiger de meilleures mesures législatives. Lorsque le Parlement établit des mesures législatives bancales, les juges n'ont d'autre choix que de tenir compte des conséquences du libellé. Corrigez les mesures législatives. Rédigez-en de meilleures. Ensuite, si vous éprouvez toujours un problème, le moment sera venu de commencer à analyser le travail des juges».
Je vais vous donner un exemple. J'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur la suppression de la condamnation avec sursis, qui cherche à corriger un problème dont le gouvernement lui-même reconnaît l'existence, mais au sujet duquel il ne veut rien faire. La condamnation avec sursis est une mesure introduite par le gouvernement libéral et permettant aux juges de déterminer que l'emprisonnement d'une personne n'est pas nécessairement dans l'intérêt public. Si l'emprisonnement n'apporte rien, le juge peut de son propre chef décider de condamner une personne à purger une peine dans la société, sans avoir à aller en prison. Elle ne purge absolument aucune peine d'emprisonnement.
Après que les libéraux eurent adopté cette loi, nous avons constaté sans surprise que des personnes ayant commis des infractions avec violence et, dans certains cas, des viols très violents, bénéficiaient d'une condamnation avec sursis. Les personnes ayant pris connaissance de cette situation ont été tout à fait indignées, comme il fallait s'y attendre. Elles ont écrit au gouvernement. Elles nous ont certes écrit pour nous prier de les aider, et nous avons soulevé la question à la Chambre des communes.
Le ministre de la Justice a dit pour se justifier qu'il n'avait jamais eu l'intention que cette mesure s'applique aux contrevenants violents. Nous avons alors répondu: «Vous n'avez qu'à corriger le problème. Vous n'avez qu'à présenter un simple amendement précisant que cette mesure ne s'applique pas aux délinquants violents. Nous pouvons adopter cette mesure à la Chambre en une journée et faire disparaître cette échappatoire.»
Je crois que le ministre a dit cela en 1995. Nous sommes en 2003, et cette modification n'a toujours pas été proposée. J'ai moi-même présenté un projet de loi à ce propos. J'espère que, avec le nouveau système que nous avons réussi à faire adopter, je pourrai en saisir la Chambre, et que le gouvernement jugera qu'il est sage de l'adopter. Ce n'est qu'un exemple.
Un autre exemple légèrement différent est la libération d'office. En vertu de cette disposition—et il s'agit ici d'agresseurs d'enfants, de pédophiles et de délinquants sexuels qui ont parfois commis des crimes graves--, il suffit de purger les deux tiers de sa peine. En prison, ces délinquants n'ont nullement coopéré. Ils n'ont pas suivi de cours susceptibles de les aider à régler leurs problèmes psychologiques. Ils ont peut-être même commis des infractions à l'intérieur de la prison, ils ont eu des problèmes avec les autres détenus et ils ont eu un comportement perturbateur. Ils ont purgé les deux tiers de leur peine, et ils sont automatiquement libérés. La Commission des libérations conditionnelles n'examine même pas leur dossier.
Voilà le genre de chose que nous voulons changer, mais le gouvernement refuse. Il prétend qu'il ne peut le faire, que c'est le droit du prisonnier. En réalité, le gouvernement libéral croit que les détenus conservent tous les droits et privilèges des citoyens respectueux des lois, exception faite de l'incarcération. Je suis fondamentalement en désaccord.
Si les gens veulent en connaître plus long là-dessus, surtout au sujet de la libération d'office, je les invite à consulter mon site Web. On y trouve beaucoup d'information. Si les libéraux veulent soulever des questions, je serai enchanté d'entendre ce qu'ils ont à dire à ce sujet.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, c'est la question de la rétroactivité qui a déclenché ce débat sur la motion. Je m'en tiendrai donc à la rétroactivité.
D'après la discussion, il semblerait en règle générale que l'on veuille avoir facilement accès à tous les renseignements pertinents concernant les délinquants sexuels.
J'ai relevé dans les notes d'information que les principes de justice et la Charte des droits sont une source de préoccupation. Il est évident que c'est important toutes les fois qu'il est question de mesures législatives. Comme le sait le député, le projet de loi contient également des dispositions exigeant qu'un juge rende une ordonnance lors d'une audience, prévoyant la possibilité d'appels, ainsi de suite. L'effet rétroactif causerait un conflit, compte tenu du libellé actuel du projet de loi. Cela ne signifie pas que les députés ne pourraient pas, au stade du comité, étudier la possibilité d'inclure des dispositions transitoires ou des amendements qui tiendraient compte de l'examen en cours en Ontario de la question de la rétroactivité. Ce sont des possibilités.
Je me demande si le député est conscient des principes de justice et des questions relatives à la Charte qu'un effet rétroactif pourrait faire entrer en jeu.
M. Jim Gouk: Monsieur le Président, cela me fascine toujours d'entendre un député libéral, même un député qui fait preuve d'une certaine compassion à certains égards, utiliser l'expression principes de justice. Les mots principes et justice ne semblent tout simplement pas aller ensemble quand il s'agit du gouvernement libéral.
Je suppose qu'une question pourrait être de savoir pourquoi nous accepterions de laisser traîner les choses en ce qui concerne ce projet de loi au lieu d'en saisir un comité et de le modifier. Il y a deux raisons. La première, c'est le mot peut-être. Nous ne sommes pas convaincus que les libéraux modifieraient ce projet de loi. La deuxième, c'est qu'il ne s'agit pas d'un simple rafistolage. Nous ne parlons pas d'un projet de loi essentiellement bon auquel il suffirait d'apporter de légers correctifs. Nous parlons d'un projet de loi truffé de graves lacunes.
Il est tout à fait risible de présenter le projet de loi comme on le fait en ce moment. Y a-t-il des problèmes sur la façon dont les juges le traiteraient et l'interpréteraient? Nous devons commencer à nous rendre compte que nous ne rédigeons pas une petite question à faire examiner par les juges. Nous sommes les législateurs. Nous rédigeons les lois. Quant aux juges, leur travail est de mettre en application ce que nous rédigeons.
Nous devons commencer à rédiger de bien meilleure façon. S'il y a des problèmes, nous devons trouver des façons de les résoudre. Ce qui se passe en ce moment est une moquerie monumentale du système de justice. Les victimes n'ont absolument aucun droit. Nous faisons tout pour les criminels et nous disons que nous ne voulons pas enfreindre leurs droits. Que fait-on des droits des gens dont ils ont enfreint les droits? C'est à ces gens que nous devons commencer à consacrer beaucoup plus d'attention que nous ne le faisons présentement. Chose certaine, le projet de loi ne fait rien en ce sens.
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, le député devrait peut-être examiner la motion qui dit essentiellement que le projet de loi ne doit pas être lu en raison de ce problème. Autrement dit, ce serait la fin du projet de loi. Je ne suis pas convaincu que ce serait dans l'intérêt des Canadiens et des victimes des prédateurs sexuels.
Je ne crois pas que le député puisse jouer sur les deux tableaux. Il pourrait peut-être nous expliquer comment faire pour assurer la protection de tous les Canadiens.
M. Jim Gouk: Monsieur le Président, le député se souviendra sans doute que j'ai parlé dans mon discours de l'esprit machiavélique qui anime les libéraux lorsqu'ils proposent des bribes de solutions qui sont censées nous faire croire que le problème est réglé.
L'adoption du projet de loi améliorera-t-elle la situation? Non. Le projet de loi contient tellement de lacunes qu'il mérite d'être jeté à la poubelle. Nous devons reprendre le travail depuis le début. Si le projet de loi est adopté tel quel ou à la suite de quelques petites modifications, les libéraux se vanteront d'avoir donné à la population ce qu'elle réclamait en créant un registre national des délinquants sexuels. Il serait d'aucune utilité, mais la population aurait un registre.
Je demande qu'il soit jeté à la poubelle, qu'on revienne à la case départ. Nous préférons ne pas en avoir. Les libéraux seraient obligés de rendre des compte à la population qui réclame qu'ils fassent quelque chose. Ils seraient obligés de proposer quelque chose qui fonctionne réellement au lieu de prétendre avoir accompli quelque chose alors que ce n'est pas le cas. Ils devraient retourner faire leur travail et proposer quelque chose de valable. Ils pourraient peut-être commencer à régler quelques-uns des problèmes qui affligent le Canada s'ils proposaient des projets de loi qui ont des dents, qui ne sont pas susceptibles d'interprétation et qui donnent à la population ce qu'elle réclame.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce sont les droits des Canadiens qui sont en jeu dans ce dossier et nous devrons continuer d'exercer des pressions sur le gouvernement jusqu'à ce que le problème soit réglé. J'aimerais reprendre rapidement les principaux points que mes collègues ont soulevés. L'un d'eux porte sur l'importance de cette mesure législative et sur le retard du gouvernement à l'adopter.
Nous avons pendant longtemps prôné la création d'un tel registre pour la protection de la société, ce qui devrait être l'objectif ultime de notre système de justice. Nous devrions veiller à ce que ce registre empêche les criminels de récidiver, comme le font malheureusement très souvent les délinquants sexuels. Il est important que ces gens soient tenus responsables d'avoir nui à la sécurité de notre société.
Notre parti a déposé cette motion au cours d'une journée de l'opposition il y a plus de deux ans et la Chambre a voté en sa faveur. La motion soulignait qu'un tel registre devrait être créé avant le 30 janvier 2002 et nous en sommes maintenant au 31 mars 2003. Il faut réellement s'interroger en voyant le gouvernement prendre tant de temps à adopter un projet de loi relativement simple; il faut se demander pourquoi il a mis tant de temps à le faire et pourquoi il a fait un si mauvais travail.
Lorsque j'enseignais, chaque fois que mes étudiants demandaient une prolongation de délai, c'était parce qu'ils voulaient faire un meilleur travail. Le gouvernement a prolongé le délai de plus d'un an et il a manqué son coup parce qu'il n'a pas réussi à faire ce qu'il devait faire.
Je ne répéterai pas tout ce que mes collègues ont dit. Le projet de loi n'est pas si long. Certains projets de loi ont plusieurs pouces d'épais. Celui-ci est relativement court.
Je voudrais faire quelques commentaires au sujet du projet de loi, à mesure que je le lis. Tout d'abord, je suis frappé de constater que le projet de loi n'a pas pour objet de protéger la société, les victimes innocentes, ou les femmes et les enfants qui sont victimes de délinquants sexuels. En effet, le paragraphe 2(1) stipule:
La présente loi a pour objet, en exigeant l'enregistrement de certains renseignements sur les délinquants sexuels, d'aider les services de police à enquêter sur les crimes de nature sexuelle. |
Le projet de loi n'a donc pas pour objet de protéger la société, mais d'aider la police à faire enquête après le fait. Le gouvernement fait les choses à l'envers. Nous devons plutôt nous efforcer de prévenir ces crimes. Nous devons protéger les femmes, les enfants, les jeunes garçons qui sont parfois victimes de prédateurs sexuels. Le gouvernement présente plutôt un projet de loi dont il fait grand cas, mais qui, en fait, vise simplement à faciliter les enquêtes portant sur des crimes qui ont été perpétrés. Le gouvernement mérite la cote «échec» pour ce projet de loi.
Si je puis me permettre une digression, bien que je répugne à accuser les libéraux, le ministre de la Justice et d'autres de motifs inappropriés, je constate que ce projet de loi est imprégné de motifs politiques. Les libéraux ont présenté un projet de loi intitulé Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels... Il a donc pour objet de créer un registre des délinquants sexuels.
J'imagine aisément, aux prochaines élections, le candidat libéral de ma circonscription dire aux gens de ne pas voter pour moi parce que j'ai voté contre le registre des délinquants sexuels. Mais il ne suffit pas de l'affirmer pour que ce soit vrai. Le projet de loi porte l'étiquette, mais son contenu ne permettra pas de résoudre le problème. Je m'en voudrais de voter en faveur de ce projet de loi, car il comporte de sérieuses lacunes. Le gouvernement va toutefois se cacher derrière l'étiquette qu'il a apposée à ce projet de loi. Peut-on imaginer utiliser une question semblable à des fins politiques? Je m'insurge énergiquement contre cette façon de faire.
Si la partie qui suit n'était pas vraie, on en rirait. Le projet de loi exige d'abord l'enregistrement de renseignements exacts. On connaît déjà la précision du système d'enregistrement des armes à feu mis en place par le gouvernement. Je souhaite meilleure chance au gouvernement dans ce cas-ci.
Le projet de loi ajoute que la vie privée des délinquants sexuels serait protégée. Je n'approuve guère cette proposition. Je ne tiens pas à montrer à la curiosité publique les personnes qui ont porté préjudice à la société, mais il m'apparaît important que la population connaisse les individus qui vivent en son sein. C'est une erreur d'accorder autant d'importance aux droits à la vie privée des contrevenants et de ne pas tenir suffisamment compte de l'important droit qu'a la communauté de savoir qui elle abrite.
Ce projet de loi comporte une autre lacune qui me rappelle une histoire. Un homme et son jeune fils entrent dans un bureau de poste où sont affichées des photos de criminels recherchés. Une note au bas de ces affiches demande à ceux qui ont des informations sur les allées et venues de ces personnes de communiquer avec les services policiers afin que les individus recherchés puissent être arrêtés. Le petit garçon, âgé de quatre ou cinq ans, demande alors à son père pourquoi les policiers n'ont pas tout simplement gardé les individus lorsqu'ils ont pris leur photo. C'est drôle en un sens. De toute évidence, les policiers ont eu accès à ces personnes puisqu'ils ont pris leur photo.
Le projet de loi C-23 n'exigerait pas que les policiers enregistrent dans la base de données tout ce qu'ils savent. Il exigerait plutôt que les délinquants se présentent au bureau pour s'enregistrer. Autrement dit, le projet de loi stipule que tout délinquant déclaré coupable d'un crime et libéré par la suite doit s'adresser à un bureau d'inscription dans les quinze jours et fournir des informations exactes. Fort bien. C'est indiqué dans le projet de loi. Le hansard ne peut pas faire état du cynisme ou du sarcasme; je dois donc dire, entre guillemets, que le député «exsudait du sarcasme» en déclarant que les délinquants avaient du respect pour la loi lorsqu'ils forçaient d'autres personnes à se soumettre à leurs agressions sexuelles, contre leur volonté et à la pointe du fusil ou du couteau.
Un crime sexuel est un crime grave. Voilà à quel point ces délinquants respectent la loi. Or, nous espérons qu'ils se présenteront dans les quinze jours pour s'enregistrer et donner au registraire toutes les informations exactes requises. La question s'impose: d'abord ces personnes vont-elles se présenter, puis vont-elles fournir des informations exactes? Nous l'espérons sincèrement.
J'attire l'attention de la Chambre sur une autre disposition. En ma qualité de mathématicien féru de jeux logiques, je dois dire que le paragraphe 3.(2) me jette par terre. Il se lit comme suit:
Pour l'application de la présente loi, est un crime de nature sexuelle tout acte qui est de naturelle sexuelle... |
Voilà un argument ou une définition circulaire. Cela revient à dire qu'un cercle est rond parce qu'un cercle est rond. On ne peut pas inscrire une aussi grossière définition dans un projet de loi aussi sérieux et espérer être pris au sérieux par les Canadiens.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je crois que les Canadiens auraient mieux compris si le député avait lu le texte intégral de la disposition. Le texte ne dit pas «de nature sexuelle», mais bien «est un crime de nature sexuelle tout acte qui est de nature sexuelle, ou commis avec l'intention de commettre un tel acte, et qui constitue une infraction». C'est le concept de l'intention, qui est là dans un but précis.
Le député a également dit que le projet de loi avait des défauts et des omissions et qu'il s'y opposerait.
Le projet de loi vise à créer un registre national des délinquants sexuels qui contiendrait des renseignements sur les délinquants condamnés. Ces renseignements seraient à la disposition des agents de police, partout au Canada, pour faciliter leur travail. C'est précisément l'objet que vise le projet de loi. Même si on peut s'interroger sur certains points, comme la rétroactivité, qui sont actuellement devant les tribunaux pour ce qui est du registre de l'Ontario, le comité peut s'en occuper soit dans le cadre de dispositions provisoires soit en fonction du résultat de l'instance en cours, compte tenu de la pratique judiciaire ou des contestations en vertu de la charte.
Le député est-il persuadé que les points qu'il a soulevés suffisent pour écarter le projet de loi, ou bien croit-il que la mesure souffre de certains défauts que le comité peut examiner et à l'égard desquels il peut proposer des amendements de fond?
M. Ken Epp: Monsieur le Président, s'il y a des amendements--et notre parti en proposera sûrement--et qu'ils sont pris au sérieux et jugés raisonnables dans le but d'améliorer le projet de loi, si un travail suffisant est fait pour le rendre plus acceptable, je pourrais envisager d'y souscrire. J'aime bien étudier les projets de loi et les motions pour en déterminer la valeur.
Je ne peux pas appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle, pas plus que je n'aurais accepté, quand j'étais camionneur, que le patron me demande de faire un trajet de 400 kilomètres et de rentrer à vide. Nous étions payés pour aller chercher un chargement, pas pour faire un aller et retour simplement pour le plaisir de conduire. C'est la même chose dans le cas du projet de loi. Il a l'étiquette et les pages, mais les mots qui figurent sur les pages ne font pas ce qu'ils sont censés faire. Par conséquent, oui, je suis obligé de me prononcer contre le projet de loi parce qu'il ne fait rien. Il n'a que les étiquettes.
Je voudrais encourager le député et les autres membres du parti libéral à faire abstraction de tout esprit partisan au cours de l'étude en comité d'un projet de loi et, si notre parti ou d'autres partis d'opposition ou encore de simples députés libéraux proposent des amendements, à les écouter. Le député sait pertinemment avec quel sérieux le gouvernement envisage les amendements présentés au comité. Il en a eu un bon exemple récemment dans le cas du projet de loi C-13.
Je ne suis pas très optimiste, car ce n'est pas ainsi que se font les choses, même si c'est ainsi qu'elles devraient se faire. Quoi qu'il en soit, j'ai répondu à la question.
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, à propos de la dernière référence que le député a faite au projet de loi C-13, je crois que nous reconnaissons tous maintenant que nous devons présenter 43 amendements pour en faire adopter trois. Nous avons peut-être la possibilité de le faire.
Si le projet de loi, tel qu'il a été présenté, est rejeté, le député pourrait-il dire à la Chambre ce qu'il voudrait que renferme un nouveau projet de loi qui serait différent et acceptable à ses yeux?
M. Ken Epp: Monsieur le Président, d'abord, je voudrais que, dans les principes, on dise que le projet de loi a pour objectif principal de protéger les gens innocents, de protéger les citoyens de notre pays contre les prédateurs sexuels. Je voudrais que le projet de loi renferme un article disant que tous les délinquants sexuels connus, et beaucoup sont connus, seront inscrits d'office dans le registre.
Quelle est l'utilité d'un registre si les délinquants sexuels n'y sont pas tous inscrits? N'est-ce pas son objectif, soit d'identifier les personnes qui ont déjà commis des infractions? Le seul objectif énoncé dans ce projet de loi est d'aider les policiers à mener leurs enquêtes. Comment peut-il les aider si le registre est vide et ne se remplit que lentement au fil des ans?
J'ai beaucoup d'autres propositions à faire. Pourrais-je avoir une autre minute? Monsieur le Président, pourriez-vous demander le consentement unanime?
Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Le président suppléant (M. Bélair): En conformité de l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre la question qui sera soulevée ce soir à l'heure de l'ajournement: le député de Windsor-Ouest; L'industrie de l'automobile.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, les débats dans cette Chambre sont l'occasion d'exprimer des idées. J'ai juste demandé à mon collègue ce qu'il aimerait voir dans ce projet de loi, ou encore dans un nouveau projet de loi si celui qui est à l'étude actuellement était rejeté, et les modifications qu'on pourrait apporter à ce dernier pour le rendre acceptable à ses yeux. Il a dit qu'il veut voir exposés les principes fondamentaux sur lesquels il s'appuie, et qu'il soit indiqué que cette mesure législative vise à protéger les Canadiens. Sans le citer exactement, je pense qu'il voulait dire que le registre a pour but de protéger les Canadiens contre les délinquants sexuels.
Jetons un coup d'oeil à l'article 2, «Objet et principes». Le paragraphe 2 (1) indique ce qui suit:
La présente loi a pour objet, en exigeant l'enregistrement de certains renseignements sur les délinquants sexuels, d'aider les services de police à enquêter sur les crimes de nature sexuelle. |
Le paragraphe 2 (2) ajoute ce qui suit:
La réalisation de l'objet de la présente loi repose sur les principes suivants: |
a) les services de police, pour veiller à la protection de la société au moyen d'enquêtes efficaces sur les crimes de nature sexuelle, doivent avoir accès rapidement à certains renseignements sur les délinquants sexuels; |
Je pourrais continuer ainsi, mais je pense que ce deuxième article traite précisément des points que le député a dit qu'il aimerait voir abordés dans le projet de loi. Il précise que le projet de loi vise à protéger l'intérêt de la population.
Les Canadiens peuvent constater le rôle joué par l'opposition au cours des débats, et en tout temps d'ailleurs, en sa qualité de parti d'opposition, d'opposition officielle, soit d'essayer de donner une mauvaise impression du gouvernement. Elle essaie de critiquer et de fournir des informations, parfois incomplètes, dans le but de tracer un portrait. Elle réussit bien également à donner des informations sélectives.
Les Canadiens doivent savoir que ce projet de loi vise expressément la création d'un registre des délinquants sexuels, en réponse aux besoins exprimés par nos services de police.
Je reviens à l'annonce faite par le solliciteur général et le procureur général du Canada le 11 décembre, quand il a présenté le projet de loi. Il a dit que cette nouvelle mesure législative rendait compte du consensus auquel en étaient arrivés les ministres provinciaux et territoriaux le mois précédent.
Avant toute chose, il faut savoir que les délinquants sexuels représentaient un sujet de préoccupation non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ces autorités ont travaillé soigneusement et en étroite collaboration pour s'assurer que, une fois qu'il aura franchi toutes les étapes du processus législatif, ce projet de loi répondra à chacun des points réclamés depuis un certain temps par ses partisans.
Nous savons qu'il y a toujours eu, d'aussi loin que je me rappelle, un registre de la GRC. Celui-ci renferme des renseignements importants sur les personnes reconnues coupables d'un crime, et il est accessible à la police pour diverses raisons.
Toutefois, l'idée d'un registre des délinquants sexuels reflète de façon plus précise et plus délimitée les valeurs exprimées par les Canadiens relativement à toute la question de l'exploitation sexuelle.
Je ne crois pas avoir entendu un seul député dans cet endroit nier le fait que l'exploitation sexuelle nous répugne, notamment les crimes sexuels contre des femmes et des enfants. La Chambre prendra des mesures contre ces crimes dégradants et offensants, et le projet de loi dont nous sommes saisis est un des outils dans ce sens.
Le solliciteur général ainsi que le procureur général et ministre de la Justice du Canada ont présenté conjointement cette mesure visant à prévenir les Canadiens de la présence de ces criminels.
Nous sommes au point où les positions ont été défendues et où nous pouvons peut-être rejeter les aspects négatifs de la mesure. La Chambre est saisie d'une motion lui demandant de défaire le projet de loi maintenant, soit de ne pas l'adopter à cette étape du processus législatif parce qu'il ne donnera pas les résultats escomptés.
La motion est très valable, si l'on se place du point de vue de l'opposition. Il importe par ailleurs que d'autres députés émettent leur point de vue quant à l'efficacité de ce projet de loi. Nous sommes à l'étape de la deuxième lecture, ce qui signifie que nous devons donner notre accord de principe, mais il reste que le travail le plus important sur le projet de loi sera fait au sein d'un comité.
Je pense que les députés sont d'accord que lorsque nous envoyons un projet de loi à un comité, nous présentons en quelque sorte une motion qui définit le cadre dans lequel nous allons discuter. Au lieu de s'attarder à l'élaboration des concepts, nous allons nous pencher sur des points concrets. Il s'ensuit aussi que nous sommes en mesure d'inviter des témoins experts à comparaître devant le comité et d'entendre des témoignages de la part de personnes qui ont été directement touchées par la question à l'étude, ou qui ont des documents et des renseignements qui, selon elles, seront utiles aux députés, particulièrement les membres du comité qui s'occupent du projet de loi à l'étape en comité. Ceci vise à faire en sorte qu'à mesure que l'on avance dans le processus, des amendements motivés soient proposés afin de donner suite aux témoignages entendus en comité.
Les députés savent qu'ils ne peuvent pas toujours faire preuve de partisanerie lorsqu'ils étudient des mesures législatives. Ils sont là pour faire leur possible afin de proposer des amendements motivés qui amélioreront la mesure législative, ou qui corrigeront des incohérences, des erreurs ou des points qui font que le projet de loi n'est pas aussi bon qu'il pourrait l'être.
Le consensus portera qu'il est nécessaire d'avoir un registre national des délinquants sexuels. Toutefois, il est aussi nécessaire d'avoir une mesure législative fonctionnelle et utile, afin d'être le plus efficace possible, non seulement pour identifier les délinquants sexuels, mais aussi pour avoir un effet dissuasif et assurer l'accès immédiat à une banque de données lorsqu'une infraction sexuelle a été commise. Je ne suis pas assez au courant de l'aspect logistique pour dire si ce processus constitue une mesure préventive, mais j'imagine que l'existence d'une banque de données sur les délinquants sexuels a, dans une certaine mesure, un effet dissuasif.
L'amendement auquel je fais allusion a été proposé expressément en raison de la notion de rétroactivité. Comme je l'ai mentionné précédemment, il me semble qu'il soit dans l'intérêt de tous ceux qui sont concernés que tous les renseignements connus sur des individus soient inclus dans un registre des délinquants sexuels. Je pense que c'est un principe qui a du sens. Il est très difficile de dire que certains renseignements ne sont pas aussi pertinents. Je connais les renseignements mais je n'en ferai pas part, en raison du moment choisi pour présenter la mesure législative ou pour d'autres raisons.
À première vue, on serait porté à dire que le principe de la rétroactivité exige certainement qu'il faut considérer s'il est indispensable pour nous permettre d'utiliser efficacement des renseignements importants et pertinents. Le simple bon sens nous dit qu'il est utile et important que les députés sachent cela, mais nous devons aussi être conscients des aspects pratiques de nos lois et nous demander si celles-ci ont été rédigées de manière à résister à toute contestation de leur conformité avec la Charte ou de notre compétence. Il serait désastreux qu'une loi soit déclaré nulle à cause d'un vice de détail.
J'ai examiné les notes d'information. Il y a une partie sur la rétroactivité. Je ne suis pas avocat, mais je comprends certains des principes mentionnés. Tout d'abord, l'absence de rétroactivité est certainement conforme aux principes de la justice. C'est un énoncé très vaste, mais les députés peuvent l'examiner. Quels sont les principes de la justice qui interviennent? Comment le projet de loi peut-il être conforme aux lois existantes, aux précédents établis, etc., et ne pas être contesté dans certaines provinces ou territories?
La deuxième partie concerne la Charte canadienne des droits et libertés. Nous savons que la charte protège considérablement les droits et libertés des Canadiens, mais que la défense de ces droits et libertés s'éternise parfois devant les tribunaux. À cet égard, on signale certaines questions liées à la charte qui ont été soulevées. On me dit qu'une poursuite a été intentée en Ontario au sujet de la loi provinciale relative aux DORS et que l'Ontario ainsi que des fonctionnaires fédéraux du ministère de la Justice examinent justement cette question de la rétroactivité. Cet examen et toutes les activités visant les dispositions de rétroactivité des lois ontariennes permettront aux députés de mieux comprendre l'importance des préoccupations soulevées au sujet des principes de justice, des pratiques judiciaires ou d'éventuelles contestations de la conformité avec la charte.
Le système d'enregistrement assure comme il se doit un traitement juste des personnes visées par le registre et cela, au moyen d'un certain nombre de mesures. Je soupçonne des députés de ne pas approuver au départ que les personnes reconnues coupables d'une infraction sexuelle aient le droit d'être traitées avec justice, conformément au projet de loi, parce que ce sont des criminels notoires. Les choses ne se passent pas ainsi au Canada. Au Canada, tout le monde a des droits.
Je sais qu'il y a beaucoup de repris de justice et d'autres criminels qui présentent un tel taux de récidive qu'ils constituent manifestement un risque pour la société et qu'il faut détenir ou incarcérer certains individus afin de protéger les Canadiens. Je ne sais pas très bien comment cela fonctionne, mais il existe des cas de ce genre. Même si ces individus ont des droits, comme les autres, la Cour suprême du Canada a souvent rendu des jugements voulant que même si tout le monde a des droits, les droits d'une personne l'emportent sur les droits d'une autre. Il y a donc moyen de renverser même les contestations judiciaires fondées sur la charte et je sais deux ou trois cas où c'est arrivé, mais je crois que le député comprend ce que je veux dire.
Le projet de loi conditionne l'enregistrement au prononcé d'une ordonnance au cours d'une audience où le délinquant a le droit d'avoir un avocat et le droit d'être entendu. Je le répète, il est pertinent de se demander si un délinquant sexuel notoire a le droit d'être entendu et d'avoir un avocat. Dans notre système, tous les Canadiens ont ce droit.
Le projet de loi stipule aussi que le juge qui préside l'audience peut refuser à la Couronne une ordonnance d'enregistrement s'il est convaincu que l'intéressé a établi que celle-ci aurait l'«effet nettement démesuré» que prévoit l'article 487.05 du Code criminel pour le prélèvement d'échantillons de substances corporelles aux fins d'analyse génétique. Je devrai examiner cela d'un peu plus près mais, je le répète, il s'agit d'une question précise sur laquelle les députés doivent prendre le temps de consulter les personnes compétentes qui pourront leur expliquer en quoi consiste le test d'effet nettement démesuré et s'il s'applique ici rétroactivement.
Le projet de loi précise également que la Couronne doit émettre une ordonnance au moment du prononcé de la sentence et que les délinquants enregistrés auront le droit de demander une révision judiciaire au bout de 20, 10 ou 5 ans, et au moment où ils sont réhabilités. Encore une fois, on assortit l'enregistrement de certaines limites. L'obligation de s'enregistrer peut ne pas être perpétuelle. Les députés rappelleront à juste titre que le taux de récidivisme des délinquants sexuels est généralement élevé et qu'il serait très facile d'appliquer cette disposition à l'ensemble des délinquants sexuels, quelle que soit la nature de l'infraction commise. Je crois que certains cas seront bien plus évidents que d'autres. Il n'en demeure pas moins que cela fait partie du processus et que les membres du comité voudront s'assurer que les délinquants ne seront pas tous logés à la même enseigne.
Le projet de loi reconnaît également aux délinquants enregistrés le droit d'interjeter appel d'une ordonnance d'enregistrement. Là encore, en justice, le droit d'appel est reconnu à tous. Il s'agit en fait de décider si les droits des Canadiens, y compris ceux qui sont reconnus coupables d'infractions criminelles, sont tronqués ou pas. Je sais que, dans certains cas, ces droits sont effectivement tronqués. Les députés pourraient prouver que la troncature de certains droits est essentiellement la même et que cela pourrait être le cas pour certaines des dispositions de ce projet de loi, en ce qui concerne les préoccupations soulevées par les dispositions de rétroactivité.
Les délinquants enregistrés auront également le droit de consulter les renseignements les concernant qui figurent dans la banque de données et demander à ce qu'ils soient corrigés. Cette disposition peut sembler insignifiante, mais j'imagine que tout renseignement consigné qui serait erroné, quel que soit ce renseignement, pourrait porter préjudice à la personne concernée. Là encore, l'individu a des droits et donc cette disposition est sensée.
Le projet de loi prévoit des contrôles stricts quant à l'accès aux informations contenues dans la base de données du registre des délinquants sexuels et donne des indications sur la façon dont les personnes autorisées à les consulter peuvent utiliser ces informations. Il est très important, à mon sens, de nous assurer de l'intégrité du système et de veiller à ce que l'information enregistrée ne soit pas utilisée à mauvais escient ou exploitée d'une façon qui risque de nuire à tous les intéressés.
Finalement, les atteintes au droit à la protection de la vie privée des délinquants enregistrés constitueraient une infraction criminelle. J'imagine qu'à prime abord, certains députés estiment problématique de dire qu'une telle violation constitue une infraction criminelle. Je ne suis pas certain de la portée d'une telle affirmation sur les autres critères, mais j'imagine que la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit certains degrés de divulgation de l'information qui ne sont pas tous considérés comme une infraction criminelle. C'est vraisemblablement un autre aspect de la question que les députés pourraient examiner.
Malgré le fait que tous peuvent exprimer leur inquiétude concernant les délinquants sexuels, j'ai voulu signaler qu'il faut procéder de façon très prudente à l'égard de cette mesure législative, dans l'intérêt des victimes passées ou à venir et dans celui du public qui peut être exposé à des individus présentant un taux élevé de récidive. Toutefois, le débat d'aujourd'hui s'avère en quelque sorte encourageant, notamment à cause de la ténacité des députés qui posent des questions difficiles. C'est en procédant ainsi qu'on améliore les mesures législatives.
Monsieur le Président, comme vous le savez sans doute, au début de la séance nous récitons une prière et nous demandons la sagesse de faire de bonnes lois. Cela fait partie de la procédure. Espérons que nous faisons preuve d'une certaine sagesse et que cette attitude se maintiendra à l'étape de l'étude en comité.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai un ou deux commentaires et une question très précise pour le député.
Premièrement, il a dit que nous étions très sélectifs, que nous montrions du doigt tous les défauts du plan sans mentionner ce qu'il avait de bien, je vais donc rectifier cette omission. Le titre est formidable. C'était un bon point de départ, mais ça ne va pas loin. Le gouvernement a bien choisi le titre, mais après ça il n'y a plus rien. Et c'est ça qu'il doit corriger.
Il faut qu'il soit rétroactif, sinon ça ne servira à rien. Si cette mesure est adoptée sans qu'elle soit rétroactive, à un moment donné ça sera 10 fois plus dur. Si ce tas de libéraux vacillants, indécis, irrésolus n'a pas le courage de le faire maintenant, il vaut mieux qu'on ait rien du tout, qu'il dégage et laisse la place à un nouveau parti qui fera ce que veulent les Canadiens et qui mettra en place ce genre de loi.
Deuxièmement, il a parlé de renvoyer le projet de loi au comité pour que nous puissions y entendre le témoignage d'experts. J'ai vu comment ça se passait au Comité de la justice. Je l'ai vu au sujet de la libération d'office. Il y avait unanimité pour recommander de l'éliminer. Et qu'est-il arrivé? Le cabinet du whip ou du premier ministre, ou quelqu'un de haut placé, a dit: «On n'aime pas ça. Retournez à vos devoirs.» Et qu'ont fait les libéraux? Ils ont fait venir d'autres experts triés sur le volet qui ont dit que ceci n'était pas bien et que cela n'était pas bien. Ils sont revenus sur ce qu'ils avaient dit et ils ont modifié les arrangements que nous avions pris.
Ma question est la suivante. Le député a dit dans son discours que le projet de loi répondait à une demande des services de police. Il y a au moins une douzaine de services de police dans ma circonscription et il y en a des centaines, voire des milliers, dans l'ensemble du pays. Peut-il nommer un service de police, juste un sur les milliers qui existent au Canada, qui lui a demandé, à lui ou à quelqu'un d'autre dans son parti: «S'il vous plaît, proposez un projet de loi sans rétroactivité, une échappatoire pour tous à venir?» Juste un.
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, le projet de loi est intitulé «Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence».
C'est toute une bouchée. Le député a parlé d'un sandwich. Eh bien, c'est toute une bouchée. À mon avis, le député s'y connaît en belles paroles. J'ai bien entendu le grésillement du beurre, mais je n'ai pas vu de biftek. Je se sais pas au juste ce qu'on reproche au projet de loi. Si c'est son effet rétroactif, il m'aura sûrement entendu lorsque j'ai exposé les lacunes du projet de loi à cet égard à cause des risques de contestation aux termes de la charte ou des principes de justice.
Il est désolant de voir à quel point il peut être cynique face au travail du comité. Tous les députés sont invités à recommander des témoins au comité. Le député conviendra qu'aucun témoin n'est refusé à moins qu'il ne soit évident que son témoignage constituera une répétition de ce que d'autres témoins aussi informés ou mieux informés que lui ont dit.
Pour ce qui est de sa dernière question, j'ai discuté du registre des délinquants sexuels avec notre propre chef de police et la question de la rétroactivité n'a pas semblé lui poser de difficulté. Il a cependant affirmé qu'il était important d'aller de l'avant avec le registre national des délinquants sexuels, parce que c'est dans le meilleur intérêt des Canadiens.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'étais sur une lancée. J'allais vous décrire tout ce qui boite dans ce projet de loi et je ne suis même pas porte-parole dans ce domaine. Je me suis simplement présenté à la Chambre, j'ai demandé à un page de m'apporter un exemplaire du projet de loi afin que je puisse en parler en toute connaissance de cause et je n'en suis qu'à la page 2. J'aimerais bien avoir l'occasion d'analyser le projet de loi jusqu'à la fin, car il renferme bien des dispositions qui m'offusquent. Je n'arrive pas à comprendre comment ce député, qui défend en général la famille, le mariage et la protection des citoyens, du moins en paroles, puisse songer à appuyer ce projet de loi.
Parmi les dispositions les plus absurdes du projet de loi, mentionnons le fait que le contrevenant est tenu de se rapporter, quinze jours après sa libération, afin de s'inscrire et de déclarer certains renseignements, comme son nom, ses noms d'emprunt, s'il y a lieu, et tout signe distinctif qu'il peut avoir sur sa personne. C'est à lui de dévoiler ces renseignements. Ce n'est pourtant pas tellement difficile à voir. Ce contrevenant a purgé une peine d'emprisonnement. Son nom doit sûrement être connu. S'il portait des signes distinctifs sur son corps, on s'en serait aperçu. Pourquoi ne pas adopter un projet de loi précisant que les policiers, les dirigeants de la prison où est incarcéré le détenu ou tout autre établissement doivent porter ces renseignements au registre? Pourquoi demander au contrevenant de s'enregistrer?
Le projet de loi prévoit également des sanctions si les contrevenants ne s'enregistrent pas: il faut d'abord commencer par retrouver leur trace. En général, il s'agit de récidivistes. Combien d'autres crimes un contrevenant commettra-t-il avant même de se décider de s'enregistrer et en quoi cela aidera-t-il les policiers à mener leur enquête sur les nouveaux délits qu'aura commis ce criminel après sa libération?
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, j'ai bien entendu le député, mais nous parlons de personnes déclarées coupables de crimes sexuels. Je suis assez sûr que ceux qui sont condamnés sont probablement emprisonnés. Je croyais qu'une fois le délinquant trouvé coupable et la peine imposée, l'État pourrait alors demander au tribunal d'émettre une ordonnance d'enregistrement et que tous les gens coupables d'infractions sexuelles seraient ainsi enregistrés.
Le projet de loi dit aussi que, dès qu'un tribunal aura ordonné l'enregistrement, un avis sera remis au délinquant exigeant qu'il se présente en personne au bureau d'inscription désigné, dans les quinze jours après le prononcé de l'ordonnance ou sa mise en liberté. Si je lis bien le projet de loi, et je suppose qu'il faudra nous adresser aux fonctionnaires de la justice pour obtenir une explication, je crois que cette ordonnance pourrait être prononcée durant l'incarcération du délinquant.
Je crois aussi comprendre que, dans certains cas, les gens condamnés pour infraction sexuelle ont déjà purgé toute leur peine et sont remis en liberté avant la fin de cette période. Dans ce cas, ils seraient tenus de se présenter à un bureau d'inscription.
Je ne crois pas que la procédure soit aussi simple et qu'il suffise d'attendre qu'un individu purge sa peine et soit libéré, pour ensuite le rechercher afin qu'il s'inscrive au registre. Il me semble que toute cette procédure se déroulera immédiatement après la condamnation du délinquant sexuel.
Le député n'est pas avocat et moi non plus. Il a soulevé un point, une excellente question qu'il faudrait poser au Comité de la justice ou aux fonctionnaires de la justice qui peuvent en tout temps répondre à ses questions au sujet du projet de loi. Il existe aussi un sommaire législatif. Toutefois, il ne serait peut-être pas utile, pour le projet de loi global, de commencer maintenant à interpréter certaines dispositions. Je demande donc au député de faire les recherches nécessaires avant de poser ses questions.
M. Ken Epp: Monsieur le Président, nous devons lire le projet de loi. J'exhorte le député à le lire. Le projet de loi prévoit: «Le délinquant sexuel se présente en personne au bureau d'inscription le plus près de sa résidence principale au plus tard, la première fois, quinze jours après:» Sont ensuite énumérées les obligations, dont l'une se lit comme suit: «d) sa mise en liberté après avoir purgé la partie privative de liberté de la peine infligée pour l'infraction à l'origine de l'ordonnance.»
J'ai cherché un passage mentionnant l'établissement du registre initial pendant l'incarcération du délinquant, mais je ne l'ai pas trouvé. Si le député sait qu'il y a un tel passage, c'est très bien, mais j'aimerais bien le voir. Je ne le trouve pas et je ne pense pas qu'il soit là. C'est pourquoi je m'opposais tant à cela.
De plus, on lit, au paragraphe 6(2): «L'avis est fourni par courrier recommandé ou selon les modalités prévues par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province, lesquelles ne peuvent exiger que le délinquant sexuel fournisse l'avis en personne.»
Ainsi, le projet de loi prévoit même que les provinces ne peuvent adopter de lois stipulant que les délinquants doivent se présenter en personne. C'est une erreur.
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, je croyais que la façon de procéder était assez simple. Il est bien dit que dès qu'un tribunal ordonne l'enregistrement, un avis est adressé au délinquant l'informant qu'il doit s'enregistrer en personne. Il se pourrait bien--et ce sera sans doute le cas--que le délinquant soit incarcéré à ce moment-là, mais l'enregistrement doit être renouvelé tous les ans. Par conséquent, selon les circonstances, le projet de loi doit traiter du renouvellement de l'enregistrement.
Il est aussi dit que la période d'enregistrement commence le jour où l'ordonnance est prise et que le renouvellement de l'enregistrement se fait une fois l'an et dans les 15 jours de tout changement d'adresse.
Le député n'a peut-être pas bien lu le projet de loi, mais il me semble que, dans la vaste majorité des cas, l'ordonnance d'enregistrement sera vraisemblablement prise pendant que le délinquant sera incarcéré.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, depuis une heure ou deux nous avons un débat très instructif et intéressant entre les députés de l'Alliance canadienne et le député de Mississauga-Sud. Je voudrais que le député, au lieu de défendre aveuglément l'indéfendable, prenne le temps de lire le projet de loi dans son entier. Je constate que mon collègue d'Elk Island traverse le parquet pour essayer d'éclairer le député de Mississauga-Sud. Peut-être que ses autres interventions seront un peu plus sensées.
Je voudrais commencer par revenir sur certaines des observations que le député de Mississauga-Sud a faites depuis une heure ou deux, non seulement pendant son intervention de 20 minutes, mais aussi dans ses commentaires et questions au sujet des interventions des autres députés, ceux de l'opposition officielle et ceux des autres partis. Une de ses observations m'a semblé particulièrement choquante. Il a dit que le projet de loi C-23 serait amélioré au Comité permanent de la justice.
C'est pour moi un grand honneur et un grand plaisir de représenter les bonnes gens de Prince George—Peace River à la Chambre. C'est un honneur exceptionnel de pouvoir représenter ma circonscription de mon mieux. D'après mon expérience, cependant, depuis neuf ans que je suis député, il arrive trop souvent que les projets de loi ne soient pas améliorés par les comités. Je le dis sans fierté ni joie. Personne ne le sait mieux que le député de Mississauga-Sud. Comme simple député libéral, il a essayé d'innombrables fois, depuis que je suis député, de proposer des amendements et d'améliorer les projets de loi du gouvernement, et ses amendements ont été rondement rejetés.
Les vrais gens, ceux qui ne vivent pas à Ottawa, ne savent pas que la vraie nature de la structure des comités est partisane, et c'est malheureux. Lorsqu'un gouvernement est majoritaire à la Chambre des communes, ce même gouvernement a la majorité des sièges à tous les comités permanents. Lorsque des ministres présentent des mesures législatives, ils obtiennent l'aide du whip du gouvernement pour veiller à ce que la mesure législative soit adoptée pratiquement telle que rédigée. Le whip du gouvernement demande à tous les députés de son parti qui sont membres de ce comité permanent de défaire tous les amendements présentés, à moins qu'il s'agisse d'amendements proposés par le ministère et présentés par les députés libéraux.
Nous voyons parfois des projets de loi amendés de façon exhaustive, mais il s'agit rarement de ce que j'appellerais des amendements indépendants, qu'ils soient été proposés par un simple député du parti ministériel ou par un député d'un des quatre partis d'opposition. Trop souvent les amendements sont rejetés du revers de la main et défaits en comité. C'est arrivé maintes et maintes fois avec d'importantes mesures législatives et je pourrais dresser une très longue liste des projets de loi qui ont été ainsi traités.
Je ne peux pas croire, et pourtant j'étais à la Chambre, que j'ai à maintes reprises entendu le député de Mississauga-Sud dire que nous devrions lire le projet de loi pour la deuxième fois et le renvoyer au comité, qui le corrigera. Cela n'a aucun sens.
Je pense que non seulement les parlementaires et les membres du personnel qui travaillent sur la Colline du Parlement, mais aussi les membres du grand public qui suivent avec un certain intérêt ce qui se passe ici conviendraient que c'est tout à fait insensé. Trop souvent, lorsqu'un projet de loi est renvoyé au comité, à moins que le gouvernement, le ministre ou le ministère dise qu'il s'est produit une erreur technique, tous les autres amendements sont défaits.
J'ai vu des projets de loi qui avaient été adoptés revenir hanter le gouvernement plus tard parce que les libéraux ne font pas leurs devoirs et font la sourde oreille à ce que dit l'opposition. Pour des raisons partisanes, ils refusent même d'étudier un amendement donné.
Dans le cadre du projet de loi C-23, que pourrait-il y avoir de plus important que de mettre les éléments les plus vulnérables de la société, soit les femmes et les enfants, garçons et filles, à l'abri des prédateurs sexuels? Depuis que j'ai été élu député, il y a neuf ans et demie, j'ai entendu maintes et maintes fois l'affirmation selon laquelle nous devons mieux protéger les éléments les plus vulnérables de notre société.
Mon collègue d'Elk Island a souligné, et cela a entraîné tout un débat de la part du député de Mississauga-Sud, que dans la section intitulée «Objet et principes», les alinéas 2(2) a), b) et c) ne parlent pas de la prévention de ces crimes sordides. C'est là la question qu'il allait aborder lorsque le député libéral de Mississauga-Sud est intervenu et a dit qu'en vertu de cette disposition «la réalisation de l'objet de la présente loi repose sur les principes suivants: a) pour veiller à la protection de la société». Il a insisté sur ce point et il a dit que le projet de loi visait réellement à protéger la société.
Toutefois, lorsqu'on poursuit la lecture, on constate que cet argument est illogique, car on ne précise nulle part qu'il faut prévenir les agressions ou les violences sexuelles ou d'autres crimes abjects semblables. Il s'agit essentiellement d'instaurer un registre dans l'espoir qu'il aidera les policiers à résoudre des crimes, ce qui est en soi un objectif admirable. Cela ne fait aucun doute. Nous voulons aider de toutes les façons possibles les policiers et les autorités à appréhender ces personnes répréhensibles et à les envoyer à l'ombre.
Toutefois, comme mon collègue d'Elk Island l'a souligné avec beaucoup d'éloquence, le premier objectif doit être de prévenir ces gestes. Nous devrions chercher à mettre en place et à utiliser tous les outils possibles pour prévenir la perpétration de ce genre de crime, particulièrement lorsqu'il est question de personnes qui, sur le plan statistique, montrent un taux de récidive de l'ordre de 40 p. 100. Autrement dit, en moyenne, quatre contrevenants sexuels sur dix présentement incarcérés au Canada récidiveront. Vous pouvez en être sûrs. Nous savons que cela se produira. Pourtant, le gouvernement présente le projet de loi C-23 et dit que la question de l'effet rétroactif peut faire l'objet d'un débat. La question de la rétroactivité préoccupe le gouvernement, car il se peut qu'elle ne tienne pas le coup en vertu des dispositions de la Charte des droits et libertés.
Savez-vous quoi? Mes électeurs, et c'est une chose que l'on me répète souvent, n'ont que faire de la Charte des droits et libertés lorsqu'il s'agit de protéger les gens les plus vulnérables de notre société. Ils ne veulent pas en entendre parler. Ils en ont assez d'entendre ces arguments qui portent davantage sur les droits des criminels et des prédateurs que sur ceux des victimes.
Mes électeurs veulent un gouvernement qui se tient debout et qui est prêt à tout pour protéger les gens les plus vulnérables de notre société. C'est ce qu'ils veulent que le gouvernement fasse pour eux. Ils me le répètent d'ailleurs très souvent. Ils ne veulent pas entendre tout ce jargon juridique ou savoir que nous devons nous assurer de la formulation de cette loi sans quoi elle pourrait se retrouver devant la Cour suprême du Canada et être annulée parce qu'elle pourrait choquer les prédateurs et brimer leurs droits.
Comme je l'ai déjà souligné, mes électeurs ne se préoccupent pas du tout des droits des criminels. Ils veulent que le gouvernement se penche sur les droits des victimes et qu'il fasse tout ce qu'il peut pour s'assurer que le nombre des victimes soit maintenu à un minimum.
Mon collègue de Battlefords—Lloydminster a proposé un amendement qui prévoit que:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot «Que», de ce qui suit: |
la Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-23, Loi concernant l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, parce que le projet omet d’exiger l’enregistrement rétroactif des délinquants sexuels ayant un taux de récidive de 40% pour éviter que ceux-ci ne commettent une autre infraction avant d’être inscrits dans la banque de données. |
Là encore, je dois dire que je ne suis ni fier, ni heureux de cet énoncé, mais je crois qu'il présente un amendement utile. Mon collègue de Battlefords—Lloydminster sait bien que si cet amendement devait être accepté et adopté, il donnerait un coup de grâce au projet de loi. Le point qu'il tente de faire reconnaître, tout comme l'Alliance canadienne le fait à titre d'opposition officielle, c'est que le projet de loi devrait être anéanti s'il ne peut être plus utile qu'il ne l'est à l'heure actuelle.
J'ai dit plus tôt, au cours d'une intervention, que j'ignorais si d'autres collègues, notamment ceux du gouvernement, en avaient assez de m'entendre faire ces déclarations. Je présume que oui. Je sais que je commence à en avoir assez de les faire. Je commence à être exaspéré de voir le gouvernement présenter ces propositions mal conçues et essayer de les faire accepter par la population canadienne, comme s'il s'attaquait vraiment à un grave problème. Cela m'exaspère au plus haut point.
Je ne suis pas le seul; ce n'est pas que le député qui représente Prince George—Peace River. Des députés de toute la Chambre et de tous les partis commencent aussi à être exaspérés. La société réclame un gouvernement qui s'attaque à ces questions sérieuses, notamment celles qui concernent la protection des enfants.
Un autre projet de loi dont la Chambre est saisie, le projet de loi C-20, concerne la pornographie et ne va pas assez loin non plus pour protéger les enfants. Il remanie, remélange et refond les lois actuelles, mais nous sommes toujours aux prises avec des interprétations des tribunaux qui autorisent le recours au moyen de défense qu'est la pornographie juvénile fondée sur la valeur artistique. Qui a entendu parler d'une pareille sottise?
Les députés devraient se rendre dans le monde réel, à l'extérieur de la Chambre, à l'extérieur de la bulle qu'est la colline du Parlement, à Ottawa, et parler aux gens de la protection des enfants. Je peux dire que, selon les habitants de Prince George—Peace River, ce n'est pas seulement leur député qui est exaspéré. Les habitants d'un bout à l'autre de ma circonscription en ont assez de cette situation absurde, où le gouvernement présente un projet de loi comme celui-ci et tente de convaincre les Canadiens qu'il agit pour s'attaquer à un grave problème. Cela dépasse l'entendement.
Qu'aurons-nous si le projet de loi C-23 est adopté? Et je présume qu'il le sera, car le gouvernement est majoritaire. Il rejettera l'amendement qu'a présenté le député de Battlefords—Lloydminster et tous les autres amendements.
La Chambre expédiera le projet de loi C-23 à un comité. Le simple député libéral de Mississauga-Sud dit que la solution est de l'envoyer à un comité, qui le remaniera. J'aimerais avoir ne serait-ce qu'une once de sa confiance, que le comité accomplira quoi que ce soit, mais je n'en ai pas et je crois que les résultats me donneront raison.
Je me souviens d'une autre mesure législative adoptée. Peut-être le député de Mississauga-Sud s'en souvient-il lui aussi. Cette mesure avait trait à la condamnation avec sursis. Je me suis opposé à cette mesure en 1995. Les libéraux l'ont fait adopter de force et nous ont dit de ne pas nous inquiéter, que tout irait bien.
Sauf erreur, tous les partis d'opposition avaient dit qu'ils ne s'opposaient pas à la condamnation avec sursis si celle-ci s'appliquait à des crimes mineurs, à des délits, comme par exemple lorsqu'un jeune se fait prendre pour la première fois à commettre une infraction mineure, comme du vandalisme, des dommages à la propriété, un vol à l'étalage, etc. Le jeune contrevenant ne serait ainsi donc pas envoyé en prison avec des criminels endurcis, mais bénéficierait plutôt d'une condamnation avec sursis.
Une condamnation avec sursis consiste à imposer des conditions plutôt qu'une peine d'emprisonnement. Nous acceptons tous ce concept.
L'opposition, à l'époque c'était le Parti réformiste du Canada, avait souligné à maintes reprises au cours du débat, et devant le Comité de la justice, que, paradoxalement, les tribunaux risquaient de dénaturer le projet de loi. Nous risquions de nous retrouver avec une situation où des criminels violents s'en tireraient indemnes ou se verraient imposer certaines conditions. Si ces individus avaient tués quelqu'un alors qu'ils conduisaient en état d'ébriété, ils pouvaient être privés du droit de conduire un véhicule durant cinq ou dix ans, ou encore que des délinquants sexuels pouvaient ne pas avoir à purger de peines d'emprisonnement.
Il y a eu des cas où des personnes reconnues coupables d'infractions sexuelles n'ont pas passé une seule journée en détention du fait de leur condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursis. Le gouvernement était d'avis que l'idée était bonne et il a mis la mesure de l'avant.
Le gouvernement a fait la sourde oreille lorsque l'opposition disait que ce n'était pas la bonne manière de procéder, que nous devrions définir les crimes auxquels la mesure s'appliquerait et pour lesquels les juges pourraient prononcer ce nouveau type de condamnation. Le gouvernement a fait la sourde oreille. Des années plus tard, je ne sais même plus combien, nous sommes toujours pris avec cette mesure.
Bien sûr, j'appuie la motion que mon collègue a présentée pour que nous n'adoptions pas ce projet de loi en deuxième lecture si le registre n'a pas un effet rétroactif et si nous ne pouvons pas envoyer un signal au tribunaux, au système de justice et aux habitants du nord-est de la Colombie-Britannique. Ces derniers ne cessent de me répéter qu'il n'y a plus de système de justice au Canada. Ils disent que nous avons un système juridique, un système conçu par des avocats pour des avocats. Ce n'est plus un système de justice. Ils soutiennent qu'il n'y a plus de justice dans notre système juridique. Il est parfois très difficile de ne pas se ranger à leur point de vue.
Il est évident que le registre doit avoir un effet rétroactif. Compte tenu du taux de récidive, il est parfaitement ridicule de proposer une mesure, comme le projet de loi C-23, prévoyant la création d'un registre des délinquants sexuels où ne figureront que les noms des délinquants qui auront commis des infractions après la mise en vigueur de la loi et où ne figureront les noms d'aucun délinquant déjà incarcéré.
Je crois que tous les députés pourraient débattre passionnément de cette question pendant fort longtemps, mais malheureusement, le temps qui m'était alloué est épuisé. Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de faire entendre mes inquiétudes et celles des résidents de Prince George—Peace River au sujet du projet de loi C-23.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) Monsieur le Président, le député a conclu en disant qu'il appuie la motion de son collègue, qui propose de ne pas adopter le projet de loi à cette étape-ci, mais de fondamentalement le torpiller. Si je me souviens bien, le député a dit que si nous ne pouvons lui conférer un caractère rétroactif, nous devrions tout simplement torpiller le projet de loi.
On a sauté une étape. On n'a pas pris les mesures nécessaires pour déterminer si la rétroactivité est possible sans pour autant enfreindre les principes de la justice ni donner lieu à des contestations de sa conformité avec la charte. En Ontario, un cas de cette nature est actuellement à l'étude.
Le député dit que s'il ne peut avoir un caractère rétroactif, il faut torpiller le projet de loi, mais il n'accepte pas que le projet de loi soit renvoyé au comité, afin que celui-ci détermine s'il a un effet rétroactif. Si le député n'est pas satisfait, il aura l'occasion de torpiller le projet de loi une fois que le comité en aura terminé l'étude et qu'il le renverra à la Chambre pour l'étape du rapport.
Ma question concerne le fait que le député se fiche éperdument de la Charte des droits et libertés. Je ne peux pas croire qu'un député dise pareille chose à cet endroit. Je me demande si le député veut bien confirmer que c'est là sa position et celle de son parti.
M. Jay Hill: Monsieur le Président, je vais commencer par le dernier point. Si mon collègue ne passait pas son temps à entrer et sortir, s'il était resté assis dans son siège pour écouter mon discours, il aurait compris que mes électeurs me disent constamment que lorsqu'il s'agit de protéger des enfants, ils ne se soucient pas du tout de la charte. Si la charte nous empêche de protéger les enfants dans le but de protéger les droits des criminels, je ne dirai pas au député de quel côté mes électeurs vont se prononcer. Je ne sais pas d'ailleurs de quel côté il se prononcerait lui-même.
Il me semble, depuis neuf ans et demi que je suis ici, que les libéraux s'inquiètent davantage des droits des criminels que des droits des victimes. Si ce n'est pas le cas, alors pourquoi, au nom du ciel, le projet de loi C-23 aborde-t-il la question de la vie privée des délinquants sexuels?
L'un de mes collègues, le député de Langley—Abbotsford, tente depuis neuf ans et demi, c'est-à-dire depuis son arrivée ici après les élections de 1993, de faire adopter par la Chambre une déclaration des droits des victimes, mais ses efforts ont été vains. Si le député de Mississauga-Sud se soucie tant des droits des victimes, des enfants, des femmes et des membres les plus vulnérables de notre société, pourquoi son parti empêche-t-il la rédaction et, à plus forte raison, l'adoption d'une déclaration des droits des victimes? C'est le premier point qu'il a abordé. Ma position au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés est claire. Il est évident que je l'appuie.
Il y a une autre chose que j'entends souvent: il est vraiment dommage lorsque M. Trudeau élaborait sa Charte des droits et libertés qu'il n'ait pas songé en même temps à une charte connexe des droits et responsabilités. C'est ce que j'entends beaucoup de gens dire. À part une déclaration des droits des victimes, peut-être le député de Mississauga-Sud voudra aussi penser à une charte des responsabilités qui accompagnerait la Charte des droits et libertés.
À quelques reprises aujourd'hui, le député a dit craindre qu'on ne puisse inclure le principe de rétroactivité sans aller à l'encontre des pratiques judiciaires ou de la Charte des droits et libertés. Je dis qu'il faut essayer. La Chambre n'est-elle pas en train de formuler un texte de loi? Sommes-nous encore des législateurs ou, poussés par le gouvernement libéral, avons-nous renoncé à ces fonctions en faveur des tribunaux? De plus en plus d'électeurs dans ma circonscription partagent mon avis.
Pourquoi craindre un jugement contraire de la part de la Cour suprême du Canada au point de refuser de formuler et de présenter un projet de loi dont les gens réclament l'adoption? J'ai l'impression qu'on a peur de voir la Cour suprême annuler ce projet de loi ou lui donner une interprétation différente de celle qui avait été prévue à l'origine. Et pourquoi cela? Je ne comprends pas et les gens de ma circonscription ne comprennent pas. Nous sommes des législateurs. Nous ne devrions pas dire que nous aimerions inclure le principe de rétroactivité, mais que cela pourrait être contraire à la charte ou aux pratiques judiciaires généralement admises.
Avant toute chose, il nous faut déterminer si c'est la bonne chose à faire. Ensuite, il faut faire le nécessaire et user de tout le pouvoir dont dispose le Parlement du Canada pour s'assurer que les mesures qui ont été prises seront respectées. Si jamais elles n'étaient pas respectées, alors on devrait corriger le problème. Ce n'est pas la Cour suprême du Canada qui doit avoir le contrôle, mais le Parlement.
M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais avoir l'avis de mon collègue sur deux ou trois points.
Au cours de la période des questions et observations, le député d'en face a dit qu'il fallait se donner une chance de proposer des amendements, car le système est ainsi fait et que c'est une bonne chose. Or, le député a proposé d'apporter une bonne cinquantaine d'amendements au projet de loi C-13 et, à ma connaissance, aucun n'a été adopté. Je ne vois donc pas comment il peut dire ici que nous devrions opter pour l'avenue des amendements.
Il y a aussi la question de la rétroactivité. Nous disons qu'il est correct de procéder ainsi à l'avenir. Nous ne craignons pas que quelqu'un invoque un jour la Charte des droits et libertés. Tout ce que nous disons, c'est que, si des gens qui ont déjà violé et maltraité des enfants ou agressé des femmes avaient su que leur nom figurerait dans un livre, ils ne l'auraient peut-être jamais fait.
Il n'est pas juste de dire aujourd'hui que, en dépit de tout ce qu'on leur a fait, leur nom figurera désormais dans un livre. Ils diront que ce n'est pas juste parce que, s'ils l'avaient su, ils n'auraient jamais fait ces choses-là. Le député croit-il cela le moindrement possible? Et même si cela était, cela n'en fait-il pas un moyen de dissuasion, quoi que je ne le croie pas, et non une raison de ne pas le faire?
L'excuse du gouvernement est complètement absurde. Il est temps que nous adoptions des lois qui visent vraiment à protéger les citoyens respectueux des lois au lieu de pleurer sur les droits des criminels.
M. Jay Hill: Monsieur le Président, je suis parfaitement d'accord avec mon collègue à ce sujet. Je trouve cela totalement ridicule. Nous sortons tout juste d'une période de relâche parlementaire de deux semaines et la grande majorité des députés ont fait comme moi, c'est-à-dire qu'ils sont rentrés dans leurs circonscriptions respectives et qu'ils y ont fait la tournée des localités.
J'ai pu visiter la majorité des collectivités de ma vaste circonscription rurale et discuter avec les électeurs. Nous avons abordé cette question ainsi que le projet de loi C-20, qui concerne la pornographie juvénile.
Mes électeurs sont clairs là-dessus. Comme l'a si bien dit le député de Mississauga-Sud, s'il faut choisir entre courir le risque de contrevenir aux pratiques de la justice ou à la Charte des droits et libertés et faire primer la protection de la société et de ses membres les plus vulnérables, mes électeurs optent tout d'abord et fermement pour la protection des Canadiens, et ensuite ils se préoccupent des droits des criminels.
Il me semble cependant que les libéraux voient toujours les choses par le mauvais bout de la lorgnette. Ils ne voient pas les choses sous le bon angle et se préoccupent des droits des criminels au lieu de se soucier des droits des victimes.
Pour récapituler, 4 détenus sur 10, aujourd'hui incarcérés pour avoir commis une infraction sexuelle, ne manqueront pas de récidiver. Dire que la rétroactivité n'est pas importante équivaut à se mettre la tête dans le sable et à garantir que ces personnes feront beaucoup d'autres victimes à leur libération.
M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je n'avais pas l'intention de parler de ce projet de loi aujourd'hui, mais après avoir entendu certaines des questions posées par des députés d'en face, je me suis rendu compte qu'ils n'ont rien compris. Ils n'ont pas compris en quoi consiste un registre des délinquants sexuels, ni pourquoi nous devrions en avoir un. Aussi, je vais tenter de le leur expliquer par certains exemples.
Je tiens à rendre hommage au député de Langley--Abbotsford qui a, dès le début, pris la parole sur cette question. Elle était au centre de ses préoccupations. Le député croyait avoir eu gain de cause lorsque la Chambre a décidé de voter en faveur de la création d'un registre des délinquants sexuels. Il croyait que le gouvernement avait finalement compris que ce registre visait à protéger les victimes.
Il est principalement question ici des victimes, dont bon nombre ne peuvent se défendre elles-mêmes contre ce genre de crime. Il est aussi question de criminels qui sont souvent désaxés. Pour une raison ou une autre, ces individus, qui ont des problèmes mentaux, sont tombés dans la délinquance sexuelle.
Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée pour expliquer aux députés d'en face ce que cela implique, pour nos concitoyens, d'avoir parmi eux des délinquants sexuels en liberté, non enregistrés, alors que la police reconnaît elle-même qu'elle perd souvent leur trace. Lorsqu'ils sortent de prison, ces individus changent souvent d'identité. C'est d'ailleurs l'une des premières choses qu'ils font. De nombreux délinquants sexuels qui sont détenus dans la prison de Bowden, dans ma circonscription, changent d'identité avant d'être libérés. Ils espèrent ainsi se fondre dans la société et échapper à toute identification. Certains d'entre eux deviennent camionneurs et se déplacent d'une région à l'autre du pays. Ils peuvent ainsi se livrer à leurs comportements déviants là où ils se trouvent. D'autres réintègrent leur communauté d'origine. Toutefois, beaucoup parmi eux ne souhaitent pas être identifiés.
Cela ne poserait aucun problème si ces individus ne récidivaient pas, mais les statistiques concernant les délinquants sexuels révèlent qu'au moins 40 p. 100, sinon 50 p. 100, récidivent. C'est là qu'est le problème. Les psychologues, les directeurs de prison et la police connaissent les statistiques. Nous pouvons les vérifier. C'est exactement ce qui se passe.
Nous disons que lorsque les délinquants sexuels sont emprisonnés, leur nom doit figurer dans un registre qui doit être tenu à jour. Les délinquants doivent être forcés, lorsqu'ils changent d'adresse, de se faire inscrire à leur nouvelle adresse. S'il n'y a pas récidive après une certaine période de temps, dix ans par exemple, leur nom peut être enlevé du registre. Voilà pour ceux qui ne récidivent pas. Toutefois, en cas de récidive, ils resteront inscrits.
Permettez-moi d'être encore plus réaliste. Permettez-moi de parler du délinquant qui se trouvait dans ma circonscription. C'est un des premiers cas sérieux dont je me suis occupé.
Lorsque nous avons pris connaissance de ce projet de loi, nous avons pensé que le député de Langley—Abbotsford avait finalement gagné un point. Il avait obtenu la création d'un registre des délinquants sexuels. À la lecture des premiers articles, nous avons cru que le gouvernement avait bel et bien créé le registre. Toutefois, nous avons ensuite constaté que le registre ne serait pas rétroactif. Par conséquent, les délinquants sexuels, au Canada et dans les provinces, ne seraient pas tous inscrits sur le registre. Seuls les nouveaux délinquants le seraient.
Ensuite, nous avons pris connaissance du dernier article qui prévoit que les délinquants pourraient demander de ne pas être inscrits sur le registre parce que cela pourrait nuire à leurs chances de trouver un emploi ou de s'établir dans une collectivité donnée ou de retourner vivre avec leur maman. Nous ne voudrions pas faire quoi que ce soit qui puisse nuire à un criminel accusé d'une infraction sexuelle.
Quand j'ai vu cet article, je ne pouvais pas en croire mes yeux. Je suis en politique depuis assez longtemps pour connaître les règles du jeu. L'Alliance canadienne votera contre cette mesure. Est-ce parce qu'elle ne veut pas vraiment de registre? Nous voulons un registre, mais nous voulons qu'il soit efficace.
Le registre ne marchera pas s'il n'est pas rétroactif et s'il est facultatif. C'est la même chose que les criminels qui possèdent des armes d'épaule. Ils ne les enregistrent pas. Les cambrioleurs de banques ne vont pas demander à la police de prendre leurs empreintes digitales avant de dévaliser une banque, comme l'ont dit certains députés aujourd'hui.
Je vais donner un exemple à la Chambre. Un homme de 38 ans, condamné neuf fois pour agression sexuelle, était sur le point d'être remis en liberté dans ma localité. Il devait aller vivre chez sa mère, qui habitait en face d'une école élémentaire. C'était dans un quartier de la ville appelé Oriole Park. Quand j'en ai été informé, j'ai estimé que c'était mon devoir d'informer les habitants de la localité. Avec l'aide de la GRC, son nom et sa photo ont été rendus publics. On a organisé une réunion au gymnase de l'école, en face de sa résidence. Quelque 200 parents sont venus. Nous avions invité à prendre la parole le directeur de la prison, le chef de la GRC, un psychologue de la prison et un psychologue indépendant. Chacun a dit que cet homme avait refusé tout traitement, qu'il avait refusé toute aide pendant son séjour en prison, qu'il avait purgé sa peine en entier mais qu'ils pensaient qu'il y avait 75 p. 100 de chances qu'il récidive. Tel est le message qu'on a donné aux parents.
C'est à cette époque que je suis arrivé à la Chambre, et j'ai demandé au ministre de la Justice d'alors ce que je devrais dire aux parents si cet individu récidivait. Comment pourrais-je leur expliquer ce que le système judiciaire avait fait pour eux? On m'a dit qu'il ne récidiverait probablement pas et que, parce que j'étais membre du Parti réformiste, je faisais des conclusions hâtives et présumais que le système judiciaire ne fonctionnait pas, etc.
Cet individu a été remis en liberté. Les parents et la police étaient aux aguets. Dans l'année qui a suivi sa libération, il a été arrêté une fois, à mon bureau. Un pompier et un membre de mon personnel l'ont surpris en train de peindre des croix gammées sur ma porte et se sont lancés à sa poursuite dans la ruelle. Le juge a refusé d'entendre pourquoi il avait agi de la sorte. Il lui a imposé une amende de 50 $ en lui disant de ne pas recommencer.
Il s'est alors mis à me suivre pendant quelques mois, mais la police ne pouvait rien faire car il ne me faisait pas de mal. Il se contentait de me suivre. Je dois dire que c'était très déplaisant pour ma famille.
J'étais chez moi un samedi après-midi en juin quand j'ai reçu un coup de fil de la GRC de Black Falls, qui se trouve à une quinzaine de killomètres de mon domicile. Un des parents m'a aussi rejoint sur mon cellulaire. Le criminel avait kidnappé deux fillettes de cinq ans dans leur cour. Heureusement que le père de l'une d'elles a remarqué que quelque chose n'allait pas et, en compagnie de l'autre père, s'est mis à filer la voiture. Ils ont accosté le criminel au moment où il s'apprêtait à photographier les fillettes. En le déculottant accidentellement ils ont trouvé des photos de fillettes nues. Nous savons quelles étaient ses intentions. Ces deux fillettes étaient ses dixième et onzième victimes.
L'individu sera relâché en juin. C'est comme ça que fonctionne le système de justice. Tout le monde savait qu'il récidiverait. Les psychologues, le directeur de la prison et la GRC s'entendent tous pour dire qu'il récidivera encore.
Qu'allons-nous dire aux parents de nouvelles victimes? Leur dirons-nous que nous n'avons pas pris la peine d'enregistrer l'ADN? Leur dirons-nous que nous n'avons pas pris la peine de créer un registre de délinquants sexuels qui fonctionne? Leur dirons-nous que nous n'avons pas pris la peine de nous inquiéter des victimes, que tout ce qui nous inquiète c'est de libérer l'individu et de nous assurer qu'il ne fera pas l'objet de harcèlement?
Cet individu récidivera et nous ne ferons rien. Peut-être déménagera-t-il dans une autre localité, mais devons-nous nous en inquiéter? Il aime les fillettes de cinq ans. Ce qui donne le frisson, c'est le fait que le psychologue a déclaré que les prochaines infractions seront probablement plus violentes.
Peu importe où nous vivons au Canada, il faut réfléchir à ce problème en tant que parent. Est-ce que la Chambre prend la bonne décision en n'adoptant pas le projet de loi avec effet rétroactif afin que l'individu soit inscrit sur la liste et qu'il ne puisse se présenter devant un tribunal pour demander de ne pas figurer dans la liste? Nous acquittons-nous de notre responsabilité en omettant ces deux éléments du registre? Je ne crois pas. Je serais incapable de le justifier devant de jeunes parents. Je serais incapable de le justifier devant quiconque, jeune ou vieux, qui a été agressé sexuellement.
Avant de terminer, je tiens à mentionner un autre cas dont je me suis occupé et que la Chambre connaît bien, celui de Lisa et de ses deux petites filles.
Encore une fois, il s'agit d'adopter le point de vue des victimes. Il y aura une audition le 17 avril, à Abbotsford, pour déterminer si une personne devrait être autorisée à circuler à nouveau au sein de la société. L'individu en cause a presque convaincu tous les intervenants qu'il est un bon gars. Eh bien, ce bon gars a violé une patiente de 17 ans et sa propre fille de 11 ans. Il a ensuite obtenu une ordonnance obligeant ses filles de cinq et six ans à lui rendre visite en prison.
Permettez-moi de raconter à la Chambre cet après-midi du mois de mai où j'ai accompagné Lisa et ses deux fillettes de cinq et six ans à la prison, lors d'une visite forcée avec un délinquant sexuel, un homme qui avait violé leur soeur de 11 ans et une autre patiente. Il a réussi à tromper la GRC pendant sept ans. Nous déplorons que cet homme ait le droit de voir ses enfants. De toute évidence, il y a quelque chose qui cloche dans tout cela. Cet homme sortira probablement de prison le 17 avril et personne ne saura où il se trouvera parce qu'il changera son nom et ne sera pas enregistré. Nous ne pourrons connaître ses allées et venues. Il utilisera le sang de quelqu'un d'autre. Il a déjà trompé la GRC et violé au moins deux personnes.
Je n'oublierai jamais les regards de terreur des fillettes de deux et six ans lorsqu'elles ont été obligées d'entrer dans cette prison. Comme le psychologue l'a déclaré: «C'est tout simplement trop traumatisant pour ces enfants. Elles subiront des séquelles psychologiques pour le reste de leur vie.»
Ce qui est triste, c'est qu'après avoir participé à des émissions-débat partout au pays, j'ai appris qu'il y a 83 cas semblables à celui de Lisa. Personne ne peut venir me dire qu'un juge s'est tout simplement trompé en Saskatchewan. En effet, 80 autres juges se sont trompés ailleurs, et il ne s'agit que des personnes qui ont appelé pour dire qu'elles ne veulent pas que leurs enfants participent à cette publicité. Lisa a agi de façon très brave en exposant ainsi le cas de ses enfants, mais elle le fait pour les 83 autres personnes. Il ne s'agit que des personnes qui ont appelé à mon bureau au cours des deux années où je me suis occupé de cette question et j'ai participé à ces émissions-débat pour chercher à faire intégrer cette mesure dans une loi.
J'ai travaillé avec le Comité de la justice et je dois reconnaître que j'ai profité d'une aide précieuse. J'espère que nous réussirons un jour à faire de cette initiative une loi et que ces personnes ne seront plus forcées d'agir ainsi, car elles sont des victimes.
Ceux qui abusent des enfants sont malades. Ils ont besoin d'aide. Il n'y a pas lieu de les libérer pour qu'ils récidivent, retournent en prison, refusent d'être traités, ressortent de prison et commettent de nouveaux crimes. Nous continuions tout simplement à créer de nouvelles victimes.
Notre mandat est de protéger les personnes qui ne peuvent se protéger elles-mêmes. Il nous faut les protéger, qu'il s'agisse de femmes, d'enfants ou de toute autre personne agressée sexuellement, et il peut s'agir, bien sûr, de jeunes garçons comme de jeunes filles. C'est notre travail.
Nous savons tous comment nous nous sentirions si nos enfants ou petits-enfants étaient attaqués par ces prédateurs. Nous devons savoir leur domicile et leur identité. Nous devons être en mesure de dire aux parents et à d'autres personnes innocentes où ces animaux habitent. Ceux qui abusent des enfants sont malades et ont besoin d'aide. Il n'est pas nécessaire de les libérer pour qu'ils réintègrent la société et, si nous les libérons, nous devons protéger le public en exerçant un contrôle afin de savoir où ils sont. Nous devons aider nos policiers à les localiser de sorte que, s'il y a une agression, ils pourraient facilement trouver dans le registre quel contrevenant habite dans le secteur. Ils pourraient ainsi facilement éviter qu'il y ait de nouvelles victimes.
Au sujet du fait que nous ne pouvons rendre la loi rétroactive tout en laissant des délinquants reconnus se présenter devant un juge et le convaincre de ne pas les inscrire sur un registre, je voudrais vous donner l'exemple d'un type à l'audience duquel je projette d'assister le 17 avril. Ce type est un bon parleur. Il pourrait convaincre à peu près n'importe qui que le soleil se lève à minuit. Il pourrait vendre des réfrigérateurs à n'importe qui. Il est un bon vendeur. Il pourrait facilement convaincre tout tribunal de n'importe quoi. Toutefois, nous ne devons pas permettre une telle chose.
Les cas semblables sont légion. Je pourrais vous parler d'une jeune femme à Toronto qu'un juge a forcé de visiter son père, qui l'avait violée. Quand elle est rentrée chez elle, elle a tenté de se suicider en se tranchant les poignets. Sa mère, heureusement, la surveillait bien. Elle a téléphoné l'ambulance et lui a sauvée la vie. Cette jeune femme est une victime, et c'est à cela que ressemblent les victimes.
Je sais que certains députés n'aiment pas entendre ces choses-là, mais ce sont ces gens-là qui nous demandent notre aide. Ils veulent que nous les aidions, et je ne pense pas que c'est ce que nous faisons.
Selon moi, ce projet de loi n'est que du papier. Il ne vaut rien. Il ne protégera personne. Il ne permettra pas d'enregistrer les nombreux délinquants sexuels qui existent au Canada, ni les pédophiles. Ce sera un prétexte politique. On pourra dire que tel parti a voté pour et tel autre contre. Ce projet de loi ne devrait pas donner prise au sectarisme. Ce devrait être notre travail de protéger les victimes. Nous devrions tous vouloir le faire et nous devrions chercher à adopter la meilleure loi possible.
J'ai déjà dit que je n'aimais pas vraiment le système de partis, parce qu'il favorise la politique de parti. La politique de parti ne devrait pas avoir prise sur ce genre de mesure. Il faudrait qu'il y ait rencontre des esprits, que nous retenions les meilleures idées pour élaborer une loi qui protégera vraiment les personnes qui risquent d'être des victimes.
Je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui, parce que je voulais donner un tour concret au débat, ramener la question au niveau des personnes, là où elle se pose vraiment. De la sorte, j'espère que les députés d'en face comprendront ce que nous devrions faire. Le registre devrait s'appliquer de façon rétroactive et englober par conséquent tous les délinquants sexuels. On peut espérer qu'ils pourront s'en faire rayer en ne récidivant jamais
Toutefois, ils ne devraient pas avoir le choix. Ils devraient être inscrits dès qu'ils sont reconnus coupables d'une infraction sexuelle. Voilà à quoi rime un registre des délinquants sexuels. Cela donnerait des résultats, cela aiderait la police et les parents, cela empêcherait qu'il y ait d'autres victimes.
Mme Judy Sgro (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de ses commentaires sur la partisanerie dans un dossier aussi important que celui-ci.
J'aurais été heureuse d'appuyer ses propos si je n'avais pas été ici à la Chambre la semaine dernière pour entendre certains autres commentaires très partisans qui ont été formulés. Toutefois, j'espère que nous pourrons nous entendre sur des projets de loi aussi importants que celui-ci et y travailler en collaboration.
Pour ce qui est de la rétroactivité, je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que ce serait merveilleux si nous pouvions le faire, mais comment pourrions-nous le faire? Le député sait aussi bien que moi comment fonctionne le système législatif. Nous ne pouvons adopter une loi avec effets rétroactifs. Aussi, si nous voulons proposer une mesure durable qui aura l'appui...
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais rappeler aux députés de bien vouloir s'adresser à la présidence et non directement l'un à l'autre. Ce n'est peut-être pas toujours nécessaire, mais c'est parfois très utile, et je crois donc que c'est une pratique que nous devons conserver.
Est-ce tout pour cette question ou ce commentaire?
Mme Judy Sgro: Oui, monsieur le Président.
Le vice-président: Le député de Red Deer a la parole.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, je remercie la députée de ses commentaires et de la sincérité avec laquelle elle fait valoir que cela est vraiment prometteur. On parle d'enfants et de victimes, et ils sont malheureusement très nombreux.
Heureusement que je ne suis pas avocat. J'ai l'esprit un peu trop pratique, je suppose. J'ai un peu trop de bon sens pratique. Il y a des gens qui invoquent sans cesse la loi et qui disent: «Cela ne peut pas se faire; la loi l'interdit.» C'est la loi qui a exigé que ces 83 victimes visitent ces prisons. Modifions la loi. Cela doit pouvoir se faire. Il doit pourtant bien y avoir un moyen, ne serait-ce que parce que, selon les psychologues, 40 p. 100 des délinquants sexuels récidivent. Cela veut dire que 40 p. 100 d'entre eux ne se retrouveront pas sur la liste. Il y en a 4 000 environ, si j'ai bien compris et, si 4 000 environ des 10 000 délinquants sexuels au Canada vont récidiver...
Une voix: Et font au moins 4 000 autres victimes.
M. Bob Mills: Et font au moins 4 000 autres victimes. Il y a sûrement moyen de faire en sorte qu'ils soient inscrits sur la liste. Je suis désolé de ne pouvoir fournir une réponse de nature juridique, mais le bon sens me dit qu'il faut trouver un moyen de le faire.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Monsieur le Président, mon collègue d'en face a dit qu'on ne peut pas légiférer rétroactivement; j'aimerais par conséquent que mon collègue de ce côté-ci nous explique comment le gouvernement peut faire s'appliquer le projet de loi C-68 rétroactivement. Hormis l'octroi de licences, la protection des renseignements personnels et tout le reste, il peut le faire s'appliquer rétroactivement. Pourquoi ne peut-il pas faire s'appliquer rétroactivement l'enregistrement des délinquants sexuels alors? On dirait qu'il y a deux poids deux mesures.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, j'ai reçu 13 000 lettres de résidents de ma circonscription lorsque le projet de loi C-68 a été adopté. Un très grand nombre de ces armes d'épaule appartenaient à un arrière-grand-père, mais celles-ci étaient quand même visées rétroactivement par la loi et elles ont dû être enregistrées.
Le plus intéressant dans tout cela n'a pas grand-chose à voir avec la réponse, mais je veux quand même en faire part aux députés. Je connais une personne qui a 12 certificats d'enregistrement. Ces certificats disent ce qui suit: marque de l'arme, inconnue; longueur du canon, inconnue; numéro de série, inconnu. Ainsi, cette personne a fait enregistrer ses armes à feu, mais les députés peuvent-ils me dire comment ce processus va empêcher qui que ce soit de commettre un crime avec ces armes? La marque est inconnue, la longueur du canon est inconnue et le numéro de série est inconnu. La seule chose qui soit connue, c'est le nom du propriétaire des armes à feu inconnues...
Une voix: C'est rétroactif.
M. Bob Mills: Et le fait que la mesure soit rétroactive. Les armes appartenaient probablement à son arrière-grand-père et ne portaient pas de numéro de série.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie la participation du député au débat. Sa contribution est utile. J'ai une observation et une question.
Le député de Prince George—Peace River a dit que nous devrions aller de l'avant avec des dispositions à caractère rétroactif dans le projet de loi, parce qu'on ne se préoccupe pas de ce que dit la Cour suprême. Je me bornerai à dire que si nous adoptions des lois qui allaient de toute évidence être contestées en vertu de la charte ou faire l'objet d'appels à la Cour suprême, le temps requis pour ce processus serait tellement long que cela irait à l'encontre du but visé par la mesure législative. Je pense qu'une mesure législative doit aller de l'avant de façon ordonnée, conformément à la pratique judiciaire et en tenant compte de la Charte des droits et libertés. Je ne peux être d'accord avec le député lorsqu'il dit que des personnes différentes ont des droits différents en vertu de la charte, indépendemment de leur statut.
Ma question au député a trait au principe de la rétroactivité. L'un des critères en jeu ici est celui de l'effet «nettement démesuré» dont il est fait mention à l'article 487.05 du Code criminel. Cet article confère un pouvoir discrétionnaire au juge qui étudie une ordonnance prise en vertu du projet de loi, comme le député le sait. Celui-ci pourrait-il expliquer à la Chambre s'il estime que la disposition relative à l'effet nettement démesuré est un critère raisonnable à appliquer aux fins de la rétroactivité?
M. Bob Mills: Monsieur le Président, je ne crois pas que le député ait compris lorsque j'ai parlé de bon sens. Cette réponse serait formidable dans un tribunal. Parce que nous avons une Charte des droits et libertés et une Cour suprême dont les membres sont nommés par le premier ministre, des membres qu'il a choisis et qui partagent ses convictions politiques, nous optons pour la médiocrité. Nous allons adopter un projet de loi faible qui ne sera pas beaucoup contesté et qui n'aura pas beaucoup d'effet.
C'est exactement ce qui nous a conduit aux problèmes que nous avons. C'est la raison pour laquelle il y a des victimes. Nous avons opté pour la médiocrité et dit que nous ne pourrions rien changer. C'est le statu quo qui l'emporte. Que le diable l'emporte! Nous pouvons changer les choses. Nous devons les changer. Nous devons avoir une Cour suprême dont les membres sont choisis par la population, que ce soit le Sénat ou la Chambre des communes. Elle doit représenter les opinions et les convictions des Canadiens. Et les opinions et les convictions des Canadiens, ce sont que les délinquants sexuels devraient être inscrits dans le registre, que nous devrions les surveiller et que, s'ils récidivent, nous devrions les renvoyer immédiatement en prison et alourdir leurs peines. C'est ce que veulent les Canadiens et c'est eux qui devraient décider.
Parlons de bon sens. Ne parlons pas de médiocrité et ne disons pas que nous ne pouvons pas changer les choses, que nous devons maintenir le statu quo. Le statu quo n'est pas suffisant, et la Chambre doit le reconnaître.
M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, permettez-moi de faire une brève intervention. Je sais que la période réservée aux questions et aux observations est presque terminée et je veux permettre à mon collègue de Red Deer de répondre.
Il a mentionné, au cours de son discours, que certains craignent que la diffusion à grande échelle des renseignements contenus dans le registre ne porte atteinte aux contrevenants. Je sais que cela en inquiète plus d'un. Personne ne veut qu'un individu se fasse harceler et voie sa photo sur tous les poteaux, peu importe le crime pour lequel il a été condamné et pour lequel il a, dit-on, payé sa dette envers la société, comme le veut l'expression, en purgeant sa peine. Personne ne veut que cet individu soit harcelé ou ait sa photo sur tous les poteaux, mais il faut prévoir une certaine rétroactivité.
La question a été longuement débattue. On a fait valoir qu'il serait utile que les renseignements soient transmis aux autorités locales, aux districts scolaires, aux organismes de protection de l'enfance, ainsi de suite, non pas pour qu'ils soient rendus publics, mais plutôt pour qu'ils puissent aider à protéger la société dans l'espoir de prévenir en particulier les crimes dont les enfants sont victimes.
M. Bob Mills: Monsieur le Président, cela tient du bon sens. C'est exactement ce que nous devons faire. Il faut prendre des mesures pour éviter qu'il y ait de nouvelles victimes. C'est le but de l'exercice. Voilà pourquoi il faut une certaine rétroactivité. Nous voulons éviter toute forme de harcèlement. Nous n'avons pas besoin d'afficher des photos sur tous les poteaux, mais nous devons protéger toute nouvelle victime potentielle. Comme le mentionnait le député, les renseignements pourraient être diffusés uniquement au réseau scolaire et aux services de police, afin qu'on sache à qui s'adresser si un contrevenant récidive ou si on fait affaire avec un individu figurant sur cette liste.
M. Ted White (North Vancouver, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je rappelle le vieux dicton selon lequel ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait. Le projet de loi C-23 est probablement un bon exemple de mesure législative à laquelle ce dicton ne peut s'appliquer.
Pour les raisons que mes collègues viennent d'évoquer, le gouvernement a décidé de ne pas bien faire les choses. Il a décidé, pour des raisons juridiques, de ne pas mettre en place un véritable registre des délinquants sexuels. Le gouvernement va capituler avant même d'avoir commencé. Il capitulera, faisant valoir qu'un tel registre ne peut fonctionner, de sorte qu'il est inutile d'essayer.
Ce n'est pas acceptable et voici pourquoi: nos forces policières éprouvent un sentiment de découragement, car elles s'efforcent d'appliquer des lois qui sont inefficaces. La police tente de mettre les délinquants sexuels derrière les barreaux, mais elle n'y arrive pas.
Un cas survenu cette semaine à Vancouver l'illustre bien. Un juge a remis en liberté un délinquant sexuel récidiviste qui comparaissait devant la cour pour y être accusé. Le juge a libéré ce récidiviste, même si la police le suppliait de le garder en détention. L'individu est retourné précisément à l'endroit où il avait déjà été arrêté. La police avait prévenu le juge qu'il y retournerait encore, comme il l'avait déjà fait, et lui a demandé de le placer en détention. Le juge a remis l'individu en liberté.
La police était tellement irritée qu'elle a divulgué l'identité de l'individu aux actualités télévisées à 18 heures à Vancouver. Le réseau de télévision a fait valoir qu'il n'avait d'autre choix que de prévenir la population que cet homme était en liberté. Il a divulgué le nom du parc qu'il fréquentait. L'individu avait déjà commis deux infractions. La police l'avait arrêté et l'avait même détenu brièvement. Remis en liberté, il était retourné exactement au même endroit.
Dans ce cas, de deux choses l'une: soit que l'homme est très malade et qu'il a besoin de beaucoup de soins, et nous devons absolument reconnaître cette situation et faire quelque chose à ce sujet, soit qu'on ne lui impose aucune peine pour les actes qu'il a commis. C'est ce qui semble être arrivé. On lui a donné une petite tape sur la main, on l'a détenu pendant quelques jours, puis on l'a remis en liberté. Ce genre de choses se produisent même quand la police, sous le coup de la frustration, implore le juge de garder le prévenu derrière les barreaux. Au lieu de cela, le juge renvoie tout simplement ce dernier dans la rue.
On voit cette situation se répéter beaucoup trop souvent. Les médias rapportent chaque jour des cas semblables. On libère des criminels même quand la police demande qu'on les garde en prison.
La semaine dernière, j'ai reçu un courrier électronique d'un avocat de ma circonscription, qui est un ardent partisan libéral. L'homme s'est même présenté à l'investiture libérale dans ma circonscription. Il se préparait à me faire la lutte aux élections lorsque le premier ministre a parachuté Warren Kinsella comme candidat libéral contre moi. Battre Warren Kinsella dans cette élection fut pour moi tout un exploit.
L'avocat en question est un chic type. Nous nous entendons très bien lui et moi. Nous avons évidemment des divergences d'opinion au plan politique, mais nous sommes d'accord sur bien des points. D'ailleurs, le North Shore News a rapporté ces derniers jours qu'il était d'accord avec la position de mon parti au sujet de la guerre avec l'Irak. Il trouve gênante l'attitude du premier ministre et pense que nous devrions nous ranger au côté de nos alliés traditionnels, mais je m'éloigne un peu du sujet.
L'avocat m'a envoyé un courrier électronique mercredi ou jeudi dernier pour me dire qu'il serait en cour aujourd'hui. Il y est probablement à l'heure actuelle. Il plaide en cour aujourd'hui contre un revendicateur du statut de réfugié iranien qui s'adonne au trafic de stupéfiants à North Vancouver. L'homme a été arrêté et inculpé. Il a dit au procureur que sa revendication du statut de réfugié n'était qu'un moyen d'entrer au Canada pour y faire le commerce des drogues, et qu'on lui avait bien appris comment user de ce moyen.
Évidemment, j'ai d'abord demandé à cet avocat s'il avait informé le ministère de l'Immigration de la situation. Il l'a fait; l'individu est donc maintenant ciblé, mais on s'attend à ce qu'il soit condamné à une peine d'emprisonnement d'un an pour avoir fait le trafic de stupéfiants dans la circonscription de North Vancouver. Comme chacun le sait, cela signifie qu'il sera remis en liberté dans quelques semaines ou quelques mois et qu'il sera à nouveau dans la rue. Le problème, c'est que cet avocat de North Vancouver, qui est d'allégeance libérale, souhaiterait que l'individu en question soit amené à l'aéroport pour y être expulsé en deux temps, trois mouvements.
Cela ne se produira pas, parce que l'individu va bénéficier d'une mise en liberté ou d'une libération conditionnelle anticipée. Puisqu'on considère que cela fait partie de la peine, le ministère de l'Immigration ne peut expulser l'individu. Rien ne peut empêcher cet individu de retourner dans la rue et de recommencer à vendre de la drogue, de faire l'objet de nouveaux chefs d'accusation, de se trouver à nouveau dans le système judiciaire et d'empêcher ainsi le ministère de l'Immigration de l'expulser. Voilà à quel point les lois sont insensées.
Le registre des délinquants sexuels n'est guère différent. Il a été tellement mal conçu que les renseignements qu'il contiendrait seraient relativement inutiles au début. Il faudrait de très nombreuses années avant que le registre ait la moindre utilité.
Je vais revenir à l'exemple que je viens de donner pour montrer l'échec du gouvernement et des lois sur l'immigration à s'occuper comme il se doit des criminels. Dans le passé, je me suis servi de l'exemple de ma mère de 87 ans qui vit en Nouvelle-Zélande. Si elle sautait dans un avion à destination de l'aéroport international de Vancouver et qu'elle prétendait être une réfugiée aux termes de notre Charte des droits et libertés, en raison de l'affaire Singh qui remonte aux années 70, je pense, affaire que le gouvernement ne fait rien pour régler, ma mère de 87 ans de la Nouvelle-Zélande pourrait demander le statut de réfugiée et nous devrions accepter d'étudier sa demande.
Elle serait libérée avec promesse de comparaître après une entrevue d'environ une heure. On lui donnerait de l'aide sociale, un logement meublé aux frais des contribuables et on lui fournirait des soins médicaux et dentaires. En moyenne, il s'écoulerait environ une année au cours de laquelle elle bénéficierait évidemment de l'aide juridique avant que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié soit saisie de sa demande. Il y aurait de fortes chances que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié déclare alors que ma mère vient de la Nouvelle-Zélande et qu'elle n'est pas une réfugiée.
Si ma mère refusait de se nommer, le gouvernement néo-zélandais n'autoriserait pas qu'on lui délivre des documents de voyage et on ne pourrait jamais l'expulser. Ma mère, qui a 87 ans, pourrait passer le reste de sa vie au Canada à vivre de l'assistance sociale en tant que revendicatrice du statut de réfugié. C'est ce qu'on fait tous les jours conformément à la législation de l'immigration du gouvernement.
Ma circonscription abrite la plus forte population iranienne au Canada. Or, au moins 40 p. 100 de ces Iraniens sont des demandeurs du statut de réfugié, la plupart faux. Je viens de parler de l'avocat qui m'a envoyé un courriel mercredi ou jeudi dernier. Il y rapporte, en fait, que des membres de la communauté iranienne lui avaient dit que le type était un criminel en Iran et au Canada et voulaient savoir pourquoi on l'avait admis au Canada.
Je ne saurais vous dire combien de fois d'honnêtes immigrants iraniens de ma circonscription, qui sont arrivés ici par la bonne voie, m'ont dit la même chose. Ils voient tous ces salauds--je m'excuse de le dire--qui se servent de notre législation sur le statut de réfugié rien que pour continuer à être ici des criminels.
Comme le dit mon collègue, le gouvernement adopte tellement de lois conformément auxquelles les victimes sont traitées avec mépris et les criminels obtiennent tout ce qu'ils veulent.
Pour ce qui est de la rétroactivité du projet de loi, pourquoi ne pas faire preuve de créativité? Au lieu d'abandonner en se disant que la Cour suprême condamnera toute mesure rétroactive, soyons inventifs pour assurer la sécurité de nos enfants.
Notre charte contient une disposition d'exemption. Le gouvernement a peur de l'utiliser mais, avec un peu d'imagination, il pourrait le faire dans ce cas-ci. Qu'y aurait-il de mal, par exemple, à invoquer la disposition d'exemption pour rendre le registre rétroactif? On pourrait, par référendum, consulter les Canadiens sur l'opportunité d'invoquer la disposition d'exemption à cette fin.
Quelle meilleure raison pourrait-on avoir de tenir un référendum au Canada? Au lieu de s'en remettre à un groupe de juges qui ont bénéficié d'une nomination politique, pourquoi ne pas demander aux Canadiens s'il vaut la peine d'invoquer la disposition d'exemption pour rendre le registre rétroactif.
Il y a toujours moyen de moyenner. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas? Même si le gouvernement a peur d'invoquer la disposition d'exemption, pourquoi ne fait-il pas un petit effort?
Je n'ai pas l'impression que les avocats du ministère de la Justice ont essayé très fort. Ils auraient pu au moins inclure une disposition dans le projet de loi et essayer de leur mieux de la rendre rétroactive. Si, par la suite, elle était déclarée inconstitutionnelle, nous aurions au moins pu dire que nous avons essayé. Nous n'avons même pas essayé.
Les autres démocraties occidentales, comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, admettent la rétroactivité. La Floride, par exemple, a établi une banque d'empreintes génétiques, il y a quelques années. Je me souviens d'en avoir parlé lors du débat sur le projet de loi concernant les empreintes génétiques. En Floride, la loi adoptée avait un effet rétroactif. Les criminels étaient obligés de donner un échantillon de sang, ce que les libéraux n'ont pas voulu faire de crainte d'empiéter sur les droits des criminels. On l'avait pourtant fait en Floride.
La capacité de résoudre des crimes a augmenté d'une façon remarquable en Floride maintenant que les responsables disposent d'une précieuse base de données génétiques prélevées sur ces criminels. Entre-temps, nous nous démenons au Canada pour essayer de constituer progressivement une banque d'empreintes génétiques, une personne à la fois, et en demandant aux gens la permission, au lieu d'aller dans les prisons et de prélever des échantillons de sang sur tous les détenus pour qu'il soit possible de les identifier. C'est cela que nous aurions dû faire, tout comme nous prenons les empreintes digitales. Si les Britanniques et les Américains le font, nous devrions trouver un moyen de le faire aussi.
Il en va de même pour la guerre en Irak. Pour le gouvernement, il n'y a rien que des demi-mesures. Il préfère ne pas prendre position et ne pas prendre de décisions. Au lieu de faire comme nos alliés traditionnels en acceptant le principe de la rétroactivité pour forcer les criminels à donner des échantillons qui permettraient d'établir leur profil génétique, il préfère capituler et ne rien faire. Cela dérange beaucoup les gens.
Selon le gouvernement, le projet de loi vise à établir une banque de données nationale sur les délinquants sexuels, qui aidera les services de police à enquêter sur les activités et les allées et venues des délinquants sexuels et à communiquer ces renseignements au public ou à résoudre les crimes. L'intention est noble. Comme je l'ai dit en commençant mon discours, si la mesure en vaut la peine, il vaut la peine que la mesure soit efficace. Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour que cette mesure soit efficace et qu'elle donne de bons résultats.
Au lieu de cela, le gouvernement a regimbé et protesté, acceptant à contre-coeur la demi-mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui. Si nous y pensons bien, c'est vraiment à contre-coeur que le gouvernement a mis ce projet de loi de l'avant. Permettez-moi de faire une petite rétrospective.
Comme mon collègue de Red Deer l'a signalé plus tôt, tout a commencé avec le député de Langley—Abbotsford dans cet endroit il y a près de dix ans. Pendant dix ans ce député a pressé le gouvernement de créer un registre des délinquants sexuels. Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps? Si le gouvernement avait présenté la mesure dès la première année où mon collègue le pressait de le faire, nous aurions des renseignements pour une période de dix ans, même si la mesure n'avait pas eu d'effet rétroactif. Nous avons déjà dix ans de retard. Le gouvernement aurait dû réagir immédiatement plutôt que de s'inquiéter davantage, comme il le fait toujours, des droits des criminels au détriment des droits des victimes. Pensons un peu à quel point le registre des délinquants sexuels serait précieux aujourd'hui s'il avait été créé en 1994. Il se trouve que nous parlons encore de la création de ce registre en 2003.
Le 31 mars 2001, il y a deux ans, la Chambre a voté en faveur d'une motion de l'Alliance canadienne qui préconisait ceci:
Que le gouvernement établisse un registre national des délinquants sexuels d'ici le 1er janvier 2002. |
Voilà quinze mois que la Chambre a convenu de créer ce registre, et nous en sommes toujours à en discuter, car il n'a toujours pas été mis en place.
Une voix: Cessez d'en parler et agissez.
M. Ted White: Un des députés d'en face dit qu'il faut cesser d'en parler et envisager d'agir. Nous n'avons pas ce pouvoir. Ce sont les gens d'en face qui tergiversent.
En 1988, après le meurtre d'un garçonnet de 11 ans par un pédophile déclaré coupable et bénéficiant d'une libération d'office, un jury du coroner a recommandé la création d'un registre national des délinquants sexuels. C'était en 1988, il y a 25 ans de cela. Ce n'est pas entièrement de la faute du gouvernement d'en face. Je serais enchanté d'en rejeter tout le blâme sur les libéraux, mais, en fait, ils ont hérité du problème du gouvernement précédent.
Pourquoi toutes ces hésitations à faire quoi que ce soit? Nous aurions pu bénéficier de 25 années d'information avec ce registre. Mais n'avons toujours rien. Honte aux libéraux. Nous voyons bien que les députés d'en face font autre chose, qu'ils ne s'intéressent pas particulièrement au débat d'aujourd'hui, qu'ils font acte de présence à la Chambre au lieu de se pencher sur ce que nous pourrions faire ensemble, en mettant de côté nos considérations partisanes, pour que ce registre soit véritablement probant. Comme l'a rappelé mon collègue de Red Deer, nous devrions oublier nos partis pris politiques et concerter nos efforts, au lieu de chercher des moyens de faire de ce projet de loi une initiative médiocre, ce qui est le cas à présent.
Quand nous en avons discuté dans notre caucus, nous avons convenu que, même si le projet de loi contient une demi-mesure, il réussit en partie à faire mettre en place un registre efficace. Au fil des années, il s'avérera utile. Nous avons décidé qu'il importait d'exprimer officiellement les objections de la majorité de la population devant la médiocrité de ce registre, devant les modalités de sa mise en place, et d'exiger du gouvernement, même à ce stade tardif, qu'il veuille bien faire preuve d'un peu d'intégrité et de créativité. Nous voulons qu'il fasse en sorte que le registre soit rétroactif et qu'il y fasse enregistrer les personnes dont le nom devrait y figurer. Faisons-le.
Mme Marlene Jennings (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec un certain étonnement le député d'en face. Il a parlé du fait que le gouvernement n'a pas été en mesure de respecter la date suggérée de mise en oeuvre après que la Chambre eut adopté une motion de l'Alliance qui demandait au gouvernement de mettre en place un registre des délinquants sexuels.
En temps normal, c'est l'Alliance qui parle de la base, de consultation et plus particulièrement de consultation des autres paliers de gouvernement. Il a critiqué le gouvernement fédéral alors que nous avons pris une décision, que nous avons adopté une position ou adopté une politique sans, de l'avis de son parti, consulter de façon appropriée les autres paliers de gouvernement.
Dans le cas qui nous occupe, le gouvernement fédéral a consulté les autres paliers de gouvernement, les gouvernements provinciaux et territoriaux. Il y avait un groupe de travail. Tous les paliers de gouvernement s'entendaient pour dire que le registre des délinquants sexuels n'aurait pas d'effet rétroactif. Il était entendu qu'il fallait qu'il passe l'épreuve de la Charte et qu'il ne remette pas en question tout le régime.
J'aimerais savoir ce que pense le député d'un registre qui passe l'épreuve de la Charte. Il est clair en vertu de notre Charte qu'on ne peut poursuivre une personne deux fois pour la même infraction. Quiconque a déjà été reconnu coupable et condamné à une peine donnée ne peut voir sa peine augmentée. J'aimerais savoir ce qu'en pense le député. S'il est en faveur de modifier ce principe, cela change beaucoup d'autres choses, les relations de travail et de nombreux autres domaines. J'aimerais vraiment savoir ce qu'en pense le député.
M. Ted White: Monsieur le Président, je dois reprendre à mon compte ce que d'autres ont dit avant moi, c'est-à-dire que le gouvernement n'a pas vu de problème à appliquer le registre des armes à feu rétroactivement. Cela n'a pas dérangé les ministériels de gaspiller 1 milliard de dollars pour ce faire. Les gens d'en face sont prêt à affecter des fonds supplémentaires au registre des armes à feu, alors que cette affaire-là ne marche même pas, qu'elle a été un important sujet de préoccupation pour le commissaire à la vie privée et qu'elle risque de donner lieu à des contestations fondées sur la charte.
Cela ne dérange pas les libéraux quand ils veulent faire avaler leurs idées de force, quand ils ont la sociologie appliquée au programme. Le gouvernement est prêt à tout pour faire adopter sa sociologie appliquée. J'étais présent quand le gouvernement a fait adopter à toute vitesse son projet de loi d'action positive. Une mesure de ce genre est en train d'être annulée aux États-Unis. Un autre cas, ayant trait à l'Université du Michigan, sera débattu demain. Les libéraux ne voient pas de problème à faire toutes sortes de choses scandaleuses comme celles-là. Le bon sens, ils ne connaissent pas et ils s'en foutent.
Le député a déclaré que le gouvernement avait eu les mains liées, parce qu'il avait tenu une réunion avec les provinces et les territoires et qu'il n'y avait pas eu consensus pour rendre cette mesure conforme à la charte. Le mot consensus laisse entendre que certains ont jugé qu'il n'était pas nécessaire de transformer cette initiative en un projet de loi aussi médiocre. Nous devrions penser avant tout aux enfants. Nous aurions dû fournir un effort supplémentaire.
Le député n'a pas précisé quelle position chacune des provinces et chacun des territoires avaient défendue. Il serait intéressant de le savoir, même si seulement un ou deux des gouvernements provinciaux et territoriaux estimaient qu'il fallait rendre cette mesure rétroactive. Hélas, nous ne le savons pas, parce que nous n'avons pas obtenu assez de renseignements au moment où la question a été posée. Peu importe le nombre de gouvernements provinciaux et territoriaux ayant préconisé la rétroactivité, même s'il n'y en a eu aucun, il aurait été utile de le demander.
J'ai déjà décrit, dans mon discours, comment nous pourrions procéder en utilisant la disposition de dérogation avec la permission de la population canadienne. Je sais que le recours à la disposition de dérogation est très grave. Tout gouvernement qui utilise cette disposition doit s'efforcer de ne pas piétiner les droits des minorités ou des groupes défavorisés. Il faut procéder avec prudence. Nous avons ici l'occasion idéale de tester cette procédure avec la permission de la population canadienne.
Si nous avions eu la moindre chance d'améliorer quelque peu ce projet de loi pour le rendre plus efficace, nous aurions dû le faire. Tous ceux qui ont eu à traiter avec des avocats savent que, pour chaque avocat qui affirme qu'une chose se peut, il s'en trouvera toujours un autre pour dire que c'est impossible.
Prêtons-nous au jeu. Nous aurions dû tenter notre chance, puis attendre de voir si cela était possible.
M. Paul Szabo: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Avant que ne se termine la période consacrée aux initiatives ministérielles, la présidence pourrait-elle dire à la Chambre si la réimpression du projet de loi C-13 est terminée et si le texte réimprimé, reflétant les changements apportés d'après les motions adoptées à l'étape du rapport, sera disponible à la Chambre demain afin que les députés puissent l'avoir avant le début du débat sur ce projet de loi?
Le vice-président: Je précise qu'il n'est pas nécessaire de réimprimer ce projet de loi. On pourra procéder par consentement unanime.
MOTION D'AJOURNEMENT
[Ajournement]
* * *
L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.
* * *
[Traduction]
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour inciter de nouveau le gouvernement à se doter d'une politique de l'automobile pour régler le problème de la perte continue d'emplois du secteur de l'automobile au profit du Mexique, des États-Unis et d'autres régions du monde.
J'ai posé une question le 11 décembre dans laquelle je soulignais le fait que Développement économique Canada, une société d'État, a accordé une garantie de prêt à General Motors sans poser la moindre condition. Par la suite, General Motors a imparti une partie du travail automobile fait normalement par des TCA à Bombardier, laquelle l'a imparti à des entreprises mexicaines, ce qui a entraîné la mise à pied de 800 travailleurs de London, en Ontario. Quelle pratique honteuse. Ce n'est certainement pas le genre de pratique à laquelle nous souscrivons, car c'est une pratique qui profite aux travailleurs mexicains et non canadiens.
Par ailleurs, j'ai demandé quelles mesures concrètes le gouvernement prévoyait de prendre pour nous aider à soutenir la concurrence et veiller à ce que nous ayons des usines dans les secteurs d'avenir, notamment celles ayant recours aux nouvelles technologies pour réduire les émissions et atteindre les objectifs de Kyoto. C'est dans le secteur des émissions d'échappement que des améliorations seront apportées. Toutefois, ces usines ne sont pas implantées au Canada. C'est une occasion de perdue pour nous.
Voici un bon exemple. Nous avons perdu une usine d'assemblage de Sprinter l'été dernier. Cette usine devrait ouvrir à Windsor en Ontario. Ce projet aurait assuré des investissements de 1,2 milliard de dollars et la création de 3 000 emplois. Windsor offrait «l'un des meilleurs sites possibles». Nous l'avons perdu parce que le gouvernement fédéral et celui de l'Ontario ont refusé de fournir l'infrastructure nécessaire et de financer les coûts de formation. Le principal obstacle portait également sur la flexibilité de la formation.
L'un des arguments avancés à l'époque par le gouvernement et par le ministre de l'Industrie n'était pas tout à fait juste. J'aimerais citer un article portant sur ce sujet:
[Le ministre de l'Industrie] a dit qu'il avait «joué un rôle dans le projet» visant à faire venir l'usine Sprinter à Windsor, mais que le marché n'avait pas été conclu parce que les fourgonnettes n'auraient pas respecté les règles du libre-échange qui exigent que le contenu d'un véhicule provienne en majeure partie du Canada, des États-Unis ou du Mexique. |
Ce n'est pas parce que le gouvernement n'est pas venu à la table. |
Ce n'est pas tout à fait juste. J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement de faire quelques recherches à ce sujet. Ce qui est arrivé, c'est que nous ne pouvions pas le faire en raison des lois portant sur le contenu aux termes de l'Accord de libre-échange nord-américain. Toutefois, une disposition de cet accord prévoit que ce contenu peut-être réduit pendant une période de cinq ans lorsqu'une nouvelle usine s'installe dans une localité. Ils n'ont pas tenu compte de cette option.
Cette usine vient d'Europe. Elle est aujourd'hui installée dans le sud des États-Unis. Elle ne se contentera pas de construire dans les délais des navires, des barges et que sais-je d'autre, pour les expédier outre-Atlantique. Elle entraînera la construction d'autres usines dans les localités voisines, autant d'usines qui nous sont passées sous le nez.
L'usine d'Oakville, une usine Ford qui fabrique des tuyaux, compte 1 500 emplois que nous pourrions perdre. Le Saint-Graal dans le secteur automobile est à prendre. À Windsor, 3 000 emplois sont en jeu pour une autre usine de Daimler-Chrysler, qui aurait pu nous rapporter un autre milliard de dollars. Navistar à Chatham est en voie de perdre ses derniers emplois, car il a été décidé de l'installer au Mexique.
Depuis le temps, pourquoi le gouvernement n'a-t-il toujours pas de politique claire pour le secteur de l'automobile?
[Français]
M. Serge Marcil (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il a été beaucoup question dernièrement de ce que devaient faire les divers paliers de gouvernement pour attirer de nouveaux investissements au Canada dans le secteur de l'automobile.
L'an dernier, nous avons créé le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile afin de trouver des moyens de renforcer le secteur canadien de l'automobile. Ce conseil s'est réuni une première fois le 4 septembre 2002 et une deuxième fois en décembre 2003. La prochaine réunion du conseil aura lieu le 30 mai 2003.
En collaborant collectivement, nous cherchons des moyens pour que les initiatives liées au secteur de l'automobile concordent avec les priorités que donne le gouvernement à l'innovation, au perfectionnement des compétences et à l'infrastructure.
Le gouvernement du Canada reste déterminé à rendre le climat plus propice à l'investissement dans tous les secteurs au Canada. Nous continuerons à étudier avec le Conseil de partenariat de l'automobile les dossiers qui touchent le secteur de l'automobile pour que cette industrie reste viable et prospère. Nous continuons à nous efforcer d'élaborer une stratégie nationale relative à l'automobile.
Premièrement, permettez-moi d'insister sur le fait que moi aussi je tiens à ce que le Canada attire le plus possible de nouveaux investissements dans le secteur de l'automobile. C'est principalement pour cette raison que le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile a été créé, pour que l'industrie et le gouvernement élaborent des stratégies communes afin d'assurer la croissance et la prospérité à long terme du secteur canadien de l'automobile.
Nous travaillons au sein du conseil avec les fabricants d'automobiles et de pièces, les syndicats et les provinces à élaborer une approche coopérative à l'égard des difficultés que connaît l'industrie.
On a laissé entendre que le Canada devait offrir les mêmes incitatifs que certains États américains pour attirer de nouveaux investissements dans le secteur de l'automobile. Il est trop facile de dire que le Canada a «perdu» ses usines d'automobile au profit de concurrents à cause de l'absence d'aide gouvernementale directe.
Nous devons plutôt examiner toute la gamme des facteurs qui entrent en ligne de compte dans les décisions touchant les investissements, que ce soient des facteurs économiques, des politiques publiques ou d'autres facteurs.
Tous les gouvernements sont des acteurs importants et nous travaillons dans de nombreux secteurs au niveau fédéral, notamment en ce qui concerne les programmes d'infrastructure et d'innovation.
Le secteur canadien de l'automobile est très solide. Il est compétitif sur la scène internationale et il est hautement productif. Le secteur de l'automobile a reçu des investissements de plus de cinq milliards de dollars depuis cinq ans. Tous nos fabricants du secteur de l'automobile ont des plans de réinvestissement.
Depuis 10 ans, la croissance annuelle moyenne dans le secteur canadien de l'automobile a été de 7 p. 100, comparativement à 3 p. 100 pour l'ensemble de l'économie. Au cour de la même période, la production de véhicules légers au Canada a augmenté de 570 000 unités. Ce chiffre correspond à deux ou trois usines de montage typiques. Je pense que c'est impressionnant compte tenu du fait que le Canada n'a que 8 p. 100 des ventes de véhicules en Amérique du Nord, et que notre part de l'ensemble de la production nord-américaine s'est maintenue autour de 16 p. 100 pendant cette période.
Les statistiques sur les véhicules produits depuis 10 ans me permettent de penser que la politique canadienne qui consiste à se concentrer sur les paramètres économiques fondamentaux, pour créer un climat propice aux nouveaux investissements et à la croissance, n'a pas fait faux bond au secteur de l'automobile. L'objectif du gouvernement a été de veiller à ce que le climat général des affaires attire l'investissement dans tous les secteurs. Nous avons, entre autres choses, réduit la dette, les taux d'intérêt et le taux d'inflation, équilibré le budget, soutenu l'innovation, financé la nouvelle infrastructure et introduit des initiatives visant à favoriser le commerce.
De nouvelles mesures annoncées dans le budget de 2003 profiteront aussi directement au secteur de l'automobile: l'élimination de l'impôt fédéral sur le capital, comme l'avait réclamé le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile, deux milliards de dollars étalés sur cinq ans pour aider à mettre en oeuvre le Plan du Canada sur les changements climatiques, le soutien du Plan d'action Canada-États-Unis en 30 points...
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je regrette d'interrompre l'honorable secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, mais son temps de parole est écoulé. L'honorable député de Windsor-Ouest a la parole.
[Traduction]
M. Brian Masse: Monsieur le Président, cela ne répond toujours pas à la question. Pourquoi les Canadiens ne disposent-ils pas d'une politique concrète? Nous en avons demandé une. Le Conseil du partenariat du secteur canadien de l'automobile a été créé. Il s'est réuni, mais n'a rien produit de concret pour la population.
Ce qui est plus important, il n'examine pas le fait que, actuellement, les Canadiens fabriquent moins de véhicules et en achètent moins qu'auparavant. Le ratio est d'environ 1:5. Si nous perdons les usines de montage que nous avons à Windsor et à Oakville, ce ratio baissera à 1:2 et, d'ici l'année prochaine, il pourrait même baisser à 1:1.
Le fait est que la politique sur le Pacte de l'automobiile a permis d'assurer le succès de notre industrie par le passé. Prenons par exemple l'usine DaimlerChrysler de Pillette Road, qui faisait partie du Pacte de l'automobile dans les années 70. L'usine de minifourgonnettes DCX fonctionnait avec la collaboration du gouvernement au moment de la restructuration de Chrysler. Nous avons également l'usine de Bramalea en raison des règles régissant l'AEIE. Nous avions aussi l'usine de Ford et celle de St. Thomas. Elles étaient également...
Le vice-président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je suis désolé d'interrompre le député, mais les temps de parole sont bien précisés: quatre minutes et une minute chacun. Le secrétaire parlementaire a la parole.
[Français]
M. Serge Marcil: Monsieur le Président, je suis persuadé que le député de Windsor-Ouest conviendrait que l'élaboration des politiques publiques devrait se fonder sur des faits, sur une analyse solide et approfondie.
Au sein du le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile, nous examinons sans cesse la compétitivité générale des juridictions canadiennes par rapport à celle des autres juridictions d'Amérique du Nord, pour ce qui est d'attirer des investissements dans le secteur de l'automobile. Notre analyse de la situation et les précieuses perspectives que donne le CPSCA nous permettront d'éclairer davantage le processus de prise de décision dans l'industrie de l'automobile, ce qui nous aidera aussi à axer nos efforts collectifs vers la croissance de ce secteur clé.
Le gouvernement compte agir le plus rapidement possible pour donner suite aux recommandations du Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l'automobile.
Le vice-président: La motion portant que la Chambre s'ajourne maintenant est réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
(La séance est levée à 18 h 39.)