SRID Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 28 avril 2004
¹ | 1535 |
Le vice-président (M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)) |
Dr Jack Chow (sous-directeur général, VIH/SIDA, tuberculose et paludisme, Organisation mondiale de la Santé) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
¹ | 1550 |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ) |
Dr Jack Chow |
¹ | 1555 |
M. Yves Rocheleau |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
L'hon. Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.) |
Dr Jack Chow |
º | 1600 |
Hon. Eleni Bakopanos |
Dr Jack Chow |
º | 1605 |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Mme Karen Redman |
Dr Jack Chow |
Mme Karen Redman |
º | 1610 |
Dr Jack Chow |
Mme Karen Redman |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
M. Yves Rocheleau |
º | 1615 |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
º | 1620 |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Dr Jack Chow |
º | 1625 |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Mme Karen Redman |
º | 1630 |
Dr Jack Chow |
Mme Karen Redman |
Dr Jack Chow |
Mme Karen Redman |
Dr Jack Chow |
º | 1635 |
Mme Karen Redman |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Dr Jack Chow |
Le vice-président (M. Stockwell Day) |
Dr Jack Chow |
M. Stockwell Day |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le vice-président (M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Pour une raison évidente, nous allons réserver les motions et commencer par entendre M. Jack Chow dont le curriculum vitae vous a été distribué.
Monsieur Chow, nous sommes honorés que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer pour nous parler de votre vaste expérience, particulièrement au sujet d'un thème qui nous est cher.
À peu près à la même période, l'an dernier, l'envoyé spécial du secrétaire général pour le VIH/sida en Afrique, Stephen Lewis, un compatriote bien à nous, était ici pour faire un exposé analogue. Le fait que vous vous trouviez ici un an plus tard est plutôt unique. Je sais que vous connaissez le rapport du comité sur le VIH/sida. Nous vous accueillons donc avec grand plaisir et honneur.
Comme je l'ai également mentionné, certains d'entre nous du moins sont en mode pré-électoral, et il se passe beaucoup de choses non seulement à Ottawa et aux alentours, mais dans le pays tout entier.
Je me réjouis de voir que vous allez rencontrer certains collègues qui ont beaucoup d'influence dans des dossiers comme ceux-là.
Vos propos sont bien sûr enregistrés électroniquement et mis à la disposition des médias. En fait, nous espérons qu'ils feront l'objet d'une large diffusion.
Monsieur Chow, je vous remercie encore une fois d'être venu. Nous sommes maintenant prêts à entendre votre déclaration.
Dr Jack Chow (sous-directeur général, VIH/SIDA, tuberculose et paludisme, Organisation mondiale de la Santé): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie.
Au nom du directeur général de l'OMS, M. J. W. Lee, je tiens à remercier le sous-comité de permettre à un porte-parole de notre organisme de se présenter ici aujourd'hui pour discuter de l'engagement pris par l'Organisation mondiale de la Santé dans la lutte à trois maladies qui font des ravages partout dans le monde. Je parle du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme.
Tout d'abord, j'aimerais préciser à quel point l'OMS est reconnaissante au Canada de son appui de si longue date à son programme, qui est de favoriser une meilleure santé pour tous. Le Canada représente pour elle un fidèle allié. En effet, le Canada a conclu avec l'OMS des partenariats concernant des initiatives inédites comme le Dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments qui a révolutionné la fourniture de médicaments antituberculeux à ceux qui en ont besoin. De plus, l'ACDI a fourni et continue de fournir le soutien central en vue d'élargir la stratégie de lutte contre la tuberculose connue sous le sigle DOTS, c'est-à-dire le système de traitement de brève durée sous surveillance directe, dans les pays très touchés. Nous faisons également bon accueil aux efforts déployés par le gouvernement du Canada en vue d'adopter une loi qui permettrait l'exportation dans les régions où le besoin existe de médicaments génériques sécuritaires et efficaces, à faible coût. Nous estimons aussi à leur juste valeur les contributions faites par l'industrie pharmaceutique basée sur la recherche en vue d'étoffer l'arsenal antirétroviral.
En ce qui concerne l'avenir, nous projetons de resserrer encore plus nos liens avec le Canada et de repérer conjointement de nouveaux moyens d'innover. Cette tâche s'impose plus que jamais, étant donné que les trois pandémies continuent de s'étendre. À elles trois, ces maladies tuent six millions de personnes par année, et le bilan qui continue de s'alourdir. C'est tout autant que les taux annuels de pertes au combat de la Seconde Guerre mondiale : trois millions de victimes du VIH/sida, deux millions de victimes de la tuberculose et au moins un million, du paludisme. Pour chacune de ces maladies, il existe des thérapies efficaces et éprouvées qui permettent de les prévenir et de les traiter. Il faut absolument en accélérer le rythme. En plus de l'expertise en matière de médecine et de santé publique fournie par l'OMS, nous reconnaissons aussi le besoin pour la société civile de faire une contribution forte et vigoureuse et le besoin, au niveau national et communautaire, d'en prendre l'engagement politique.
Un lien essentiel a été établi entre le développement international et la santé publique il y a moins de trois ans, lorsque les chefs d'État réunis aux Nations Unies ont énoncé huit objectifs de développement pour le millénaire. Ces objectifs fournissent d'importants repères permettant d'offrir progressivement un accès de base aux soins de santé. Ils portent sur des domaines qui concernent directement les travaux de l'OMS, comme de réduire la mortalité infantile, d'améliorer la santé maternelle et infantile, de lutter contre le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme et d'autres maladies infectieuses et d'améliorer l'accès à l'eau et aux techniques sanitaires, de même que l'accès aux médicaments essentiels, à des prix abordables. En se fixant des objectifs de développement pour le millénaire, la communauté internationale s'est donnée des cibles ambitieuses visant à encourager le passage à l'action. Pour les atteindre, il faut selon nous un réseau solide d'action concertée réunissant tous les intervenants du domaine de la santé publique.
Pour vous le représenter mentalement, voyez ce réseau comme une chaîne composée de trois maillons essentiels. Le premier est l'engagement des institutions financières et des donateurs. Après des années d'activisme constant, plus de ressources financières sont affectées à la lutte de ces trois maladies. L'OMS applaudit les avances faites par ses partenaires, comme le Fonds mondial, le plan d'urgence du président des États-Unis pour l'aide dans la lutte contre le VIH/sida, les efforts déployés par la Gates Foundation et la Banque mondiale. Cette liste grandissante de donateurs bilatéraux, Canada compris, contribue des ressources indispensables. Le Canada a été un ardent défenseur de la création du Fonds mondial et s'est engagé jusqu'ici à y verser un montant important.
Le deuxième chaînon est le besoin d'un soutien technique de qualité à mesure que plus de ressources sont débloquées pour lutter contre ces maladies. Il est plus important que jamais de relever le défi d'offrir une aide technique soutenue et de qualité. Cela inclut non seulement de travailler avec les gouvernements, mais également de coordonner l'action, sur le terrain, des différents intervenants. L'OMS offre cette aide indispensable aux pays en vue de maximiser l'utilisation de ressources précieuses. Nous fournissons du leadership et de l'excellence technique en établissant des normes, en travaillant à dégager des consensus et à recruter et à envoyer sur le terrain des employés internationaux. Par conséquent, l'OMS est une voix neutre à laquelle on fait confiance et elle a tout ce qu'il faut pour faire en sorte que l'argent consacré à la lutte contre ces maladies est dépensé de manière efficace. L'OMS a reçu le mandat et la responsabilité, de la communauté internationale, d'appuyer les pays dans leurs efforts en vue de relever les défis, sur le plan de la santé publique. Pareilles légitimité et confiance soutiennent notre capacité de faire appel aux donateurs et aux bénéficiaires en vue de planifier et de coordonner une intervention efficace. De plus, dans ce chaînon, on trouve les principaux fournisseurs de soutien technique à l'échelle mondiale et nationale, par exemple l'ACDI et Santé Canada. Nous travaillons de près avec ces organismes et nous croyons qu'ils devraient avoir le plus de ressources possible.
¹ (1540)
Le troisième chaînon est une forte collaboration avec les partenaires de mise en oeuvre. La réaction collective doit être globale et durable, elle ne doit pas viser seulement à relever le défi lancé par une seule maladie, mais également à mettre en place une infrastructure de santé publique permanente qui est suffisamment robuste pour relever plusieurs défis. Les partenariats, les coalitions et les alliances tant au niveau international qu'au niveau communautaire sont une forme croissante de réaction orchestrée dans le domaine de la santé publique. Il est tout aussi important de faire en sorte que les systèmes de santé sont dotés de ressources suffisantes pour faire face avec efficacité aux crises futures dans le domaine de la santé.
Comme je l'ai mentionné au départ, le Canada a ouvert la voie à des moyens innovateurs de réaliser ces objectifs, en offrant un soutien sans précédent au Dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments. Les résultats ont été si éloquents que le Dispositif sert maintenant de modèle au développement d'initiatives analogues dans le domaine du VIH/sida et du paludisme. L'investissement dans la mise en place d'une chaîne cohérente et solide d'actions concertées aide à transformer les ressources investies en résultats concrets.
Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais brosser dans leurs grandes lignes les principales initiatives que nous avons lancées pour lutter contre les trois maladies.
En ce qui concerne le VIH/sida, en cocommandite avec l'ONUSIDA, l'initiative «3 millions d'ici 2005» vise à traiter 3 millions de personnes dans des pays en développement d'ici à décembre 2005. Il s'agit d'un cadre d'action collective dans lequel toutes les institutions et toutes les personnes compétentes peuvent faire une contribution. Pour sa part, l'OMS a intensifié son action dans les pays, en y déployant 40 employés de Genève, un nombre sans précédent, et en recrutant 25 conseillers de l'initiative «3 millions d'ici 2005» qui seront postés dans les principaux pays. Nous avons simplifié et normalisé les traitements curatifs médicaux. Nous avons préhomologué une pilule antirétrovirale qui combine trois médicaments, ce qui simplifie beaucoup la thérapie pour les patients et la logistique de l'approvisionnement. Nous sommes en train de créer un service de diagnostic et de traitement médical du sida en vue d'aider les pays à obtenir ces services indispensables. Nous travaillons à mettre en place des systèmes de suivi et d'évaluation en vue de reproduire nos succès et d'abolir les obstacles relevés en cours de route.
Pour ce qui est de la tuberculose, nous progressons dans la réalisation de notre objectif mondial, qui est un taux de dépistage de 70 p. 100 et un taux de guérison de 85 p. 100. Le phénomène de la coinfection à la tuberculose et au VIH au niveau international nous préoccupe, de même que la multiplication des souches résistantes à de nombreux médicaments qui sont parfois plus mortelles et plus coûteuses à traiter. Le soutien du partenariat Halte à la tuberculose et du Dispositif mondial d'approvisionnement en médicaments est crucial si nous voulons réaliser des progrès.
Quant au paludisme, dimanche dernier marquait la Journée africaine du paludisme. Cette maladie tue au moins 1 million de personnes par année. Le drame, c'est que les trois quarts d'entre elles sont des enfants africains de moins de cinq ans. Le paludisme est la première cause de mortalité chez les enfants là-bas. Nous faisons la promotion d'une nouvelle génération de médicaments contenant des dérivés de l'artémisinine. Nous travaillons aussi avec l'entreprise privée et les ONG à promouvoir l'utilisation de moustiquaires traités à un insecticide dont l'action est à long terme. En effet, il demeure efficace pendant six ans, par opposition à ceux qui ne durent que six mois, actuellement.
Ces maladies exigent des systèmes de santé solides, une certaine souplesse chez les travailleurs de la santé publique, une capacité d'approvisionnement et de gestion et de bons stimulants économiques en vue de lancer les systèmes, de les entretenir et de les accroître. Dans mon groupe, nous avons créé un nouveau service, la planification stratégique et l'innovation, en vue de lancer de nouvelles initiatives dans ce domaine.
Comme le mandat de votre sous-comité inclut les droits de la personne, j'aimerais prendre quelques instants de votre temps pour aborder ce domaine extrêmement important. Les droits de la personne sont une valeur centrale du travail de l'OMS depuis sa création. En 1946, ceux qui ont rédigé la constitution de l'OMS y ont inscrit: «La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain». Notre engagement à l'égard de la santé pour tous fait du droit à la santé l'un des grands principes sur lesquels s'appuie l'action de l'OMS.
Le secteur de la santé a une obligation importante, soit de faire en sorte que les tests, le counselling, la prévention et le traitement sont accessibles à ceux qui en ont le besoin le plus urgent et que les efforts mondiaux déployés en vue d'accroître l'accès à ces interventions cherche aussi à éliminer les stigmates et la discrimination.
¹ (1545)
Une plus grande reddition de comptes aux groupes de la société civile et aux personnes touchées par ces maladies, de même que des relations plus solides avec eux, sont d'importants éléments dans la réalisation de ces objectifs.
Nous avons également constaté que les interventions efficaces n'atteignent pas les groupes les plus vulnérables. Au coeur des services de soins de santé primaires et du mouvement en faveur de la santé pour tous qui a tant contribué aux politiques mondiales de la santé, se trouve une préoccupation à l'égard de l'équité. Toutefois, nous savons tous que, dans chaque pays, des groupes n'ont pas accès à ce qu'ont à offrir ces systèmes de santé. Le cadre des droits de la personne nous aide à répondre aux besoins de ces groupes.
En guise de conclusion, monsieur le président, les tâches qui nous attendent sont énormes et iront en s'accroissant. L'OMS s'est pleinement engagée à faire avancer le plus possible les campagnes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le fait d'avoir l'appui des Canadiens et du gouvernement du Canada multiplie nos efforts. Comme je l'ai dit lors de mes nombreux entretiens avec des représentants du gouvernement, l'initiative «3 millions d'ici 2005» est essentiellement une campagne de libération. En effet, en rendant le traitement accessible, en supprimant un virus, nous libérons de nombreuses générations actuelles et futures qui pourront désormais vivre leur vie en toute liberté, au vu de tous et dans la joie et nous maintenons en vie les parents pour leurs enfants. Il n'existe pas, monsieur le président, de mission plus prenante dans laquelle pourraient se lancer l'OMS et le Canada.
Je vous remercie.
Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Merci, monsieur Chow.
Vous nous avez fait un exposé très prenant. La tâche est énorme, mais vous nous laissez quelques lueurs d'espoir, si le geste est joint à la parole.
Pendant que les députés préparent leurs questions, j'aimerais régler quelques points administratifs, puisqu'il y a quorum. Nous passerons tout de suite après aux questions adressées à M. Chow.
Nous avons une première motion qui est présentée à la demande de David Kilgour. Vous en avez le texte, que nous avons bien entendu fait circuler. On peut lire:
Que, conformément aux Ordres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international du 24 février 2004 renvoyant au Sous-comité des droits de la personne et du développement international des demandes au comité de prendre en considération la question des droits de la personne en Chine, le sous-comité entreprenne une étude sur les droits de la personne en Chine, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement. |
Quelqu'un aimerait-il proposer l'adoption de la motion?
Madame Redman.
¹ (1550)
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je le propose.
(La motion est adoptée.)
Le vice-président (M. Stockwell Day): En l'absence de Mme McDonough... J'aimerais souligner que la motion concerne le Rwanda. En fait, aujourd'hui, Mme McDonough rencontre le lieutenant-général à la retraite Roméo Dallaire. C'est pourquoi elle ne pouvait être ici.
Nous sommes saisis de la motion que voici:
Que, conformément à l'ordre du 24 février 2004 du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, le sous-comité, en vertu du paragraphe 108(2) du Règlement, examine la question du génocide de 1994 au Rwanda et invite les personnes suivantes en vue de préparer un rapport à l'intention de la Chambre sur les enseignements tirés et sur les mesures qui pourraient être prises pour éviter un autre génocide. |
De plus, comme vous pouvez le voir, on énumère... J'imagine qu'il ne s'agit pas là d'une liste exhaustive, mais ce sont des témoins que nous prévoyons entendre.
(La motion est adoptée)
Le vice-président (M. Stockwell Day): Je vous suis reconnaissant de nous avoir permis de régler ces questions.
Nous allons maintenant passer à la période de questions, et la première ira au Bloc.
Monsieur Chow, tous vos propos sont enregistrés et traduits simultanément en français. Donc, si vous souhaitez faire circuler votre témoignage auprès de vos amis francophones, vous pourrez facilement vous procurer la traduction.
Monsieur.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Chow.
Comme notre vice-président en a fait état d'entrée de jeu, on a eu le plaisir et le privilège de recevoir l'an passé M. Stephen Lewis, qui est venu nous entretenir de ce sujet, et ce, de façon très saisissante et très convaincante. Votre témoignage d'aujourd'hui va dans ce sens.
Conséquemment, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la valeur, de l'utilité ou de la productivité qu'aura le projet de loi qui a été déposé, il y a quelques semaines, par le gouvernement canadien quant à la plus grande facilité, je suppose, de pouvoir introduire des médicaments génériques, notamment pour les populations africaines, dans des domaines qui concernent le sida, le paludisme, etc.
Premièrement, êtes-vous au courant de ce projet de loi? Répond-il aux besoins et aux attentes, par exemple, de l'Organisation mondiale de la santé? Va-t-il assez loin?
[Traduction]
Dr Jack Chow: Je vous remercie.
Tout d'abord, Steven Lewis est un ardent partisan des efforts déployés par l'OMS et je suis sûr qu'en tant que Canadien, il est l'enfant chéri. Nous estimons à leur juste valeur ses efforts, et il nous aide beaucoup à former une coalition de ceux qui sont préoccupés et engagés. Je n'ai donc que des éloges pour cet allié inconditionnel qu'est l'ambassadeur Lewis.
Oui, je suis au courant du projet de loi C-9 et, comme je l'ai dit dans ma déclaration, il nous tarde que soit adopté cet important projet de loi. Ce qui importe mondialement, c'est qu'il y ait une chaîne d'approvisionnement sans cesse grandissante et sans entrave en médicaments génériques et basés sur la recherche pour les pays frappés par le sida.
Les médicaments génériques sont précieux, car ils ne coûtent pas cher, ils sont efficaces et peuvent être livrés très rapidement. Nous avons aussi besoin des pharmacothérapies basées sur la recherche parce que le virus du VIH évolue très vite. C'est pourquoi nous avons besoin actuellement de trois médicaments différents pour maintenir l'effet de suppression. De plus, nombre de ces médicaments ont des effets secondaires différents selon les personnes, de sorte que nous avons besoin d'une chaîne d'approvisionnement toujours plus grande de nouveaux médicaments ayant moins d'effets secondaires.
Je crois savoir que le projet de loi n'a pas encore été adopté. Il faut que je m'abstienne de débattre des avantages et des désavantages des modifications individuelles, mais nous sommes impatients de voir le projet de loi adopté parce qu'il déclenchera une véritable avalanche de médicaments génériques indispensables.
Je vous remercie.
¹ (1555)
[Français]
M. Yves Rocheleau: Est-ce que vous considérez que la collaboration de l'industrie pharmaceutique internationale est correcte, ou s'il y a une sensibilisation, une éducation ou des pressions à faire pour que ces gens-là oublient peut-être un peu la notion de profit afin de compenser en termes d'une meilleure compassion, justement, envers des gens démunis?
[Traduction]
Dr Jack Chow: L'OMS a aidé à créer un partenariat appelé «Accelerating Access Initiative», qui est un consortium de sociétés pharmaceutiques basées sur la recherche. Nous travaillons en collaboration avec elles à trouver des moyens de rendre plus facilement accessibles ces médicaments. Elles ont signalé récemment, à une assemblée du conseil du Fonds mondial à Genève, que grâce au suivi assuré par leurs entreprises de la distribution des médicaments qu'elles fournissent, il y a eu augmentation considérable du nombre de personnes traitées aux antiviraux qui est passé de 75 000 à 150 000.
Nous continuons d'exhorter toutes les entreprises pharmaceutiques à travailler avec l'OMS à surmonter les barrières en simplifiant le système, en améliorant la livraison et le coût, et nous travaillons avec l'ONUSIDA à mobiliser les forces innovatrices de cette industrie et à la faire progresser.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Monsieur Rocheleau, je vous remercie.
C'est maintenant au tour de Mme Bakopanos.
L'hon. Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci beaucoup.
À l'instar de notre président, monsieur Chow, nous vous félicitons et vous souhaitons bonne chance, car il ne fait aucun doute qu'une énorme tâche vous attend.
Je crois plus en la prévention et je pense toujours que c'est sur ce point que nous devrions axer nos efforts, en plus des initiatives déjà prises et des médicaments—et comme vous l'avez dit, il y a place autant pour les médicaments génériques que pour les médicaments de marque.
J'aimerais savoir—et peut-être pouvez-vous m'informer à ce sujet—quels autres efforts sont faits en matière de prévention, par exemple, pour les femmes ou les jeunes filles qui ne savent rien sur les relations sexuelles protégées ou sur la prévention d'une grossesse, etc.
Si je devais dire où nos efforts devraient essentiellement se concentrer, ce serait sur l'éducation. L'éducation doit commencer, à mon avis, à un âge très précoce. J'ai un peu d'expérience car je parraine, si vous voulez, deux enfants en Afrique subsaharienne. Je reçois des rapports réguliers sur l'évolution de leur situation et les choses ne s'améliorent pas, malheureusement; au contraire, elles se dégradent. Le père m'a récemment écrit pour me dire que l'école que fréquente sa fille, que je parraine, va malheureusement être fermée par les autorités. Je ne citerai pas le nom du pays.
Par conséquent, devrions-nous—et je vous pose la question—nous efforcer premièrement de faire en sorte que les gouvernements qui existent sont des démocraties qui offrent effectivement une éducation fondamentale de manière que nous n'ayons plus à nous attaquer à ce problème dans les générations futures? Nous n'arriverons jamais à le résoudre s'il perdure. C'est mon impression.
C'est ma première question.
Dr Jack Chow: Merci beaucoup.
C'est une question cruciale. L'OMS croit à la prévention, qui est sa mission essentielle. Dans le cadre de l'initiative « Trois millions de personnes sous traitement d'ici 2005 » ou initiative « three-by-five » et le traitement de la tuberculose, nous nous sommes aperçus que le traitement est souvent sous-évalué car il paraît compliqué et se heurte à de nombreux obstacles. Néanmoins, nous croyons que la campagne « three-by-five » est placée sous le signe de la prévention et des soins.
Les gens sont clairement encouragés à connaître leur statut VIH lorsque l'on rattache le traitement au counselling et aux analyses volontaires. Près de 95 p. 100 de ceux qui sont porteurs du virus ne le savent même pas. S'il n'y a pas de traitement disponible au BCT, rien ne les pousse à venir pour des analyses et ils ont encore moins de raisons à venir pour des analyses susceptibles d'indiquer qu'ils sont séropositifs pour le VIH. C'est un mécanisme de va-et-vient.
Nous croyons également qu'une prise de conscience fondamentale permet de modifier les comportements. Comme vous l'avez si bien souligné, beaucoup de gens ne savent même pas ce qu'est le VIH/sida. Par suite d'un sondage effectué dans les régions rurales d'un grand pays en développement, on s'est aperçu que la grande majorité des femmes n'avaient jamais entendu parler du VIH/sida. Il est donc ridicule de s'attendre à ce qu'elles cherchent à se protéger dans ces conditions-là.
Nous travaillons avec les États membres dans le cadre du Fonds mondial pour des projets appuyés par ce fonds, de manière à favoriser la prévention. Nous croyons que la prévention est essentielle dans les pays à prévalence faible pour que cette prévalence reste ainsi, ainsi que l'importance de la prévention dans les pays à prévalence élevée. Il s'agit à la fois de protéger la population et de traiter humainement ceux qui sont atteints. Avec une telle approche et en prévoyant une stratégie coordonnée de prévention, de traitement et de soins, on ne jette plus le discrédit sur les gens qui sont alors réellement encouragés à obtenir les soins dont ils ont besoin.
º (1600)
Hon. Eleni Bakopanos: Ma deuxième question en est une qui est souvent posée par mes électeurs. Ce n'est pas une critique particulière, mais plutôt une critique générale. Pourquoi accordons-nous autant d'aide à l'Afrique alors que nous avons au Canada des malades ou des pauvres?
J'ai toujours répondu que c'est parce que le monde est une communauté globale et que ces problèmes nous touchent. Où cela m'amène-t-il? Si nos priorités visent la prévention, et si nous devons éduquer le public canadien sur la nécessité d'augmenter le programme d'aide que nous consentons à votre organisation, par exemple, ou à d'autres qui font ce travail sur le terrain, il faut pouvoir dire aux gens que nous obtenons effectivement des résultats. Pour moi, les deux vont ensemble. Est-ce que les fonds arrivent véritablement jusqu'aux gens qui en ont réellement besoin?
D'après les médias, parce que les médias se retrouvent partout, dans certains pays, les médicaments n'arrivent pas jusqu'aux personnes qui en ont véritablement besoin, mais passent par un intermédiaire qui en fait les vend sur le marché pour en tirer profit. Que fait votre organisation pour s'assurer que les fonds que nous investissons ou que les médicaments qui vont éventuellement être importés dans ces pays ne tombent pas dans les mains d'un intermédiaire qui en tire profit? Je veux pouvoir dire à mes électeurs que ce sont effectivement ceux qui en ont le plus grand besoin qui en bénéficient.
Je sais que vous n'êtes pas le seul à pouvoir répondre à cette question. Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, mais c'est une question qui ne cesse de revenir parmi mes électeurs.
Merci.
Dr Jack Chow: Merci.
Il devient de plus en plus évident—et je crois que les Canadiens le comprennent manifestement—que beaucoup de maladies sont transmises par des personnes qui voyagent en avion. Nous ne parlons pas seulement du SRAS et de la grippe aviaire. Comme je l'indiquais dans mon témoignage, la montée de formes multirésistantes de tuberculose est quelque chose qui nous préoccupe énormément. La tuberculose peut être importée dans n'importe quel pays. Il suffit de donner l'exemple de mon propre pays, les États-Unis, où une souche multirésistante de tuberculose a frappé New York il y a une dizaine d'années. Il en a coûté un milliard de dollars pour s'en sortir, somme qui aurait pu être affectée à d'autres services publics essentiels.
La meilleure défense en matière de santé publique est de nature collective. En supprimant la tuberculose, en traitant le VIH/sida et en venant à bout du paludisme, nous contribuons à la défense collective de nos peuples.
Nous travaillons avec le Fonds global pour assurer une chaîne d'approvisionnement qui soit directe et comporte peu de coûts de transaction. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, prévoir une action concertée—avoir des donneurs, travailler avec les experts techniques et les exécutants—pour que les fonds et le matériel soient acheminés le plus directement possible aux travailleurs de la santé et aux patients est l'une de nos grandes priorités.
Nous sommes très heureux de... Permettez-moi de montrer au sous-comité cette boîte qui représente la contribution du Canada à la santé mondiale. C'est une trousse «Halte à la tuberculose». Dans les locaux du dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments, nous plaçons des médicaments génériques contre la tuberculose, qui doivent durer six mois, dans une boîte correspondant à la moitié d'une boîte à chaussures, avec un mode d'emploi. Ces boîtes sont alors distribuées dans les pays en développement. Cette boîte en particulier qui permet de guérir un patient coûte 15 $ canadiens.
Nous visons en fait à mettre à contribution les compétences du Canada dans le domaine du paludisme. Nous aimerions avoir une boîte de moustiquaires et de médicaments contre le paludisme, ainsi qu'une boîte de médicaments antirétroviraux. En simplifiant et en normalisant la chaîne d'approvisionnement, le tout arrive au niveau médecin-patient et dans les mains d'un personnel auquel on peut faire confiance et qui peut ainsi observer directement les gens qui prennent les médicaments. Le Canada a véritablement contribué au traitement de la tuberculose et l'a révolutionné et maintenant nous cherchons à révolutionner la lutte contre le sida et le paludisme.
º (1605)
Le vice-président (M. Stockwell Day): Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Monsieur Chow, merci pour votre intervention si passionnée. De toute évidence, c'est l'oeuvre de toute votre vie et vous nous avez montré votre conviction à cet égard.
Notre Comité permanent de la santé a publié un rapport recommandant que le Canada double les fonds investis par l'entremise de Santé Canada dans la recherche VIH/sida. J'imagine que l'on peut dire que ce projet est toujours en cours.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur l'industrie pharmaceutique? Nous avons entendu dire qu'elle diminue également son financement VIH/sida dans des domaines de recherche comme celui des médicaments, des vaccins et autres interventions. Observez-vous une diminution de ce genre d'investissement par les grandes multinationales pharmaceutiques?
Dr Jack Chow: Nous avons à l'OMS une unité de recherche sur les maladies tropicales. C'est le point de convergence des établissements de recherche—Santé Canada, Instituts nationaux de la santé—qui est à l'origine des produits relevant de la propriété intellectuelle, de l'expertise scientifique, et qui donne lieu à un processus de transfert technologique avec le secteur privé et ceux qui transforment les connaissances des chercheurs en produits tangibles. Je dois vous renvoyer à ceux qui disposent des statistiques sur les tendances, mais nous aimerions certainement voir une augmentation de la R et D pour une chaîne d'approvisionnement qui ne cesse de croître.
Nous sommes aussi préoccupés par plusieurs maladies qui, parce qu'elles se propagent dans des régions frappées par la pauvreté ou dans des populations peut-être moins nombreuses, sont appelées collectivement maladies négligées. Il s'agit alors de trouver le moyen d'inciter les sociétés à produire des médicaments pour ces maladies particulières.
Des millions de personnes sont atteintes du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme. Il s'agit d'une population plus importante et l'analyse de marché peut se faire plus facilement. Par contre, la dengue et beaucoup de ses variantes sont également meurtrières si bien qu'il faut trouver au niveau macro-économique des incitatifs, qu'ils proviennent du secteur public ou du secteur privé, pour la création de nouveaux médicaments.
Mme Karen Redman: J'ai lancé une initiative dans ma circonscription, et j'ai eu en fait l'occasion d'en discuter avec Stephen Lewis. C'est en quelque sorte un projet pilote et nous avons demandé à tous les groupes de notre région qui font des interventions, notamment au niveau du VIH/sida en Afrique, de répondre à mon invitation pour que nous puissions créer un site Web.
Pouvez-vous parler un peu, de votre point de vue, des rôles des organisations non gouvernementales que l'on retrouve dans des groupes confessionnels?
Nous nous sommes aperçus—certainement moi en tant que député—dans un domaine qui suscite beaucoup d'intérêt et où les gens veulent apporter de l'aide aux Africains, que bien de ces groupes ne se connaissent pas. Un groupe essayait de fournir des médicaments bon marché, tandis qu'un autre finançait une infirmière ou autre intervenant en Afrique.
Nous avons pensé que si nous entamions un dialogue... Je crois que l'un des nombreux points forts de l'OMS, c'est qu'elle offre une tribune à ces genres de dialogues. Nous espérons que quelques synergies découleront de cette initiative.
º (1610)
Dr Jack Chow: Merci pour la question. La nécessité de coordonner les actions au niveau du pays est plus importante que jamais. Parallèlement à l'augmentation du nombre d'interventions de donateurs dans les pays frappés par le sida, on s'aperçoit souvent qu'on ne sait pas qui fait quoi.
L'ONUSIDA, l'OMS et la société civile ont annoncé dimanche à Washington au siège de la Banque mondiale le principe d'un seul comité sida national qui aurait compétence en matière de coordination et d'action. Une telle mesure aidera à clarifier la situation et permettra aux ONG et à la société civile de se regrouper sous l'égide du comité sida national et ainsi de pouvoir participer de manière substantielle et efficace aux efforts qui sont déployés dans ce domaine.
Il ne fait aucun doute que les ONG et les organisations confessionnelles appartenant à des églises sont des institutions et des plates-formes fort importantes en ce qui concerne la prévention ainsi qu'un meilleur accès au traitement. Beaucoup de collectivités s'appuient sur des organisations confessionnelles car elles en sont membres et font confiance à leurs leaders. Aboutir à une réponse commune avec des leaders communautaires qui inspirent confiance fait également partie de notre programme de santé publique. Donner les compétences, éduquer, former, donner aux ONG et aux OBL les outils voulus pour mieux desservir leurs clients, tout cela s'inscrit dans le cadre de concepts que nous appuyons.
J'ai entendu au cours de mon voyage ici que des ONG ou des particuliers ou des hôpitaux du Canada aimeraient contribuer et partager de l'information ou apporter une aide directe aux pays visés; ce sont des projets auxquels vos électeurs pourraient également s'intéresser.
J'aimerais parler d'une initiative unique lancée par l'ancien ministre français de la Santé, M. Bernard Kouchner, soit l'initiative Esther. Il s'agit en fait de jumeler un hôpital ou une clinique d'un pays développé à un établissement semblable dans un pays en développement. C'est en quelque sorte un jumelage de villes ou d'hôpitaux qui permet de créer un lien en temps réel. Par exemple—et j'improvise ici—l'hôpital général de Toronto pourrait aider l'hôpital général du Botswana dans le domaine de la formation, bien sûr, dans le cadre de télémédecine ou de déplacements, si possible. Je serai heureux de faire connaître l'initiative Esther à vos électeurs—il s'agit de la France, du Luxembourg et de plusieurs pays européens—pour faciliter la participation du Canada à cet effort.
Mme Karen Redman: Ce serait formidable.
À titre de précision, monsieur Chow, vous avez dit lorsque j'ai posé la question au sujet des statistiques, que vous la transmettriez à ceux qui sont mieux placés pour y répondre. Est-il possible pour vous de retrouver ces statistiques et les envoyer au comité?
Dr Jack Chow: Certainement, avec plaisir.
[Français]
Le vice-président (M. Stockwell Day): Monsieur Rocheleau, avez-vous une autre question?
M. Yves Rocheleau: Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il y avait 6 millions de personnes qui décèdent à chaque année des maladies du VIH, de la tuberculose, du paludisme, et que c'était en croissance.
Comment expliquer que malgré les efforts énormes qui sont déployés, tant en termes d'argent--des centaines de millions de dollars, peut-être des milliards de dollars--qu'en termes de travail effectué par des milliers d'individus et d'organismes qui oeuvrent quotidiennement, ce soit en croissance? C'est ma première question.
Deuxièmement, la propagation de ces maladies n'est-elle pas la conséquence de phénomènes plus macro--macroéconomiques, macropolitiques--, en ce sens que c'est le fruit du désoeuvrement, le fruit du chômage, le fruit de l'inactivité économique? N'y a-t-il pas des attitudes ou des domaines... Je pense au domaine de l'agriculture parce qu'on sait que l'agriculture est au centre de l'activité économique des pays sous-développés. Quand on sait l'importance des subventions, notamment celles des Américains à l'industrie américaine et autres, et aux subventions de l'Union européenne qui font mal, d'abord, à l'agriculture canadienne et québécoise, mais qui sont dévastatrices pour l'Afrique, notamment, est-ce qu'on peut parler ainsi, en entonnoir, de problèmes comme ceux-là, qui sont peut-être des conséquences, en oubliant que cela relève peut-être de phénomènes qui sont d'ordre macro?
º (1615)
[Traduction]
Dr Jack Chow: Ces maladies progressent pour plusieurs raisons profondes. Tout d'abord, elles sont liées à la pauvreté, à l'analphabétisme, à l'inégalité sociale, dont les différences de pouvoir entre hommes et femmes, sans parler des groupes mis à part et faisant l'objet de discrimination.
La principale question qui se pose est la suivante : Même si l'on augmentait l'investissement dans le domaine de la santé publique, y a-t-il suffisamment de personnes formées dans ces pays pour dispenser les soins? La question de capacité humaine est très importante. Dans un pays comme le Botswana, où nous menons une action concertée, il n'y a pas assez d'infirmières ni de travailleurs de la santé parce que a) ils sont malheureusement morts ou b) ils suivent des études et reçoivent la formation avant de trouver un emploi mieux payé dans un autre pays. Il faut donc maintenant importer de nombreux travailleurs dans ces pays. Le problème est de savoir comment former les travailleurs de la santé publique sur place, qui soient solides, ce qui nous amène dans les domaines de la macroéconomie. Quelles sont les conditions, le climat économique que l'on pourrait éventuellement remodeler pour promouvoir les compétences locales?
Deuxièmement, l'autre problème, c'est l'investissement insuffisant dans la santé publique au fil des ans si bien que ces maladies... Comme les gens n'ont pas accès à un médecin de première ligne, l'incidence de la tuberculose augmente. Il est stupéfiant de savoir que l'on retrouve des bactéries de la tuberculose chez un tiers des habitants de la planète. Heureusement, grâce aux mécanismes d'auto-défense, seulement 9 millions de personnes contractent des maladies actives. Si vous n'avez pas un bon système de soins de santé dans ce pays, en raison d'un investissement insuffisant constant, ces gens auront les bacilles qui auront beaucoup de chance progresser, si bien qu'ils se joindront aux 9, aux 10 millions qui auront la maladie active.
Il s'agit d'une situation politique et économique complexe, mais nous regroupons à l'OMS les ministres de la Santé et nous en sommes les conseillers. Nous n'avons pas la capacité voulue au niveau de la mise en oeuvre, mais nous voulons former cette chaîne d'action concertée et dire haut et fort que c'est ce dont nous avons besoin et qu'il s'agit des symptômes d'un investissement insuffisant qui ne fait que perdurer.
Le vice-président (M. Stockwell Day): J'aimerais vous poser quelques questions, si les membres du comité sont d'accord. Pour revenir à ce qu'a dit un de mes collègues concernant la prévention, vous avez indiqué, par exemple, que les gens pouvait avoir accès à des services de counselling volontaire lorsqu'ils se présentaient pour se faire soigner. Bien sûr, je trouve que c'est une excellente idée d'offrir un tel service. Or, j'ai l'impression que lorsque ces personnes se présentent pour se faire soigner, elles sont déjà atteintes de la maladie. Heureusement, comme vous l'avez signalé, il existe un processus pour traiter cette maladie.
Pour ce qui est de la prévention dans son ensemble, nous venons d'entendre parler du cas d'une école qui a fermé ses portes. Je sais que c'est un détail anecdotique, mais c'est probablement quelque chose de courant, selon la situation qui existe dans le pays concerné. Lorsqu'une école ferme, les jeunes ne reçoivent plus aucune information en matière de prévention, leur seul outil étant alors l'unité familiale. Dans ces cas, et vous avez parlé des rapports de pouvoir, même si vous sensibilisez les femmes à la situation, le problème va rester entier au sein d'une communauté où les hommes n'agissent pas de façon responsable.
J'ai l'impression—corrigez-moi si je me trompe—que la rectitude politique a tendance à prendre le dessus et à limiter en quelque sorte la portée de ce qui, à mon avis, devrait être une campagne de prévention dynamique, parce que cela risque de heurter les moeurs locaux et communautaires. Comment les organismes ou les ONG, comme nous l'avons entendu, peuvent-elles établir un dialogue avec les diverses collectivités et les familles qui n'ont accès à aucun renseignement à l'heure actuelle, peut-être parce qu'elles ne fréquentent pas l'école ou encore les cliniques?
Il s'agit d'un problème énorme. Nous savons qu'il y a plusieurs façons de transmettre la maladie, le contact sexuel étant, bien sûr, un vecteur de transmission important. Que pouvez-vous nous dire au sujet de cette barrière culturelle qui existe? Est-ce que vous dénotez une timidité politique à ce chapitre?
º (1620)
Dr Jack Chow: Merci, monsieur le président, d'avoir posé la question.
Moduler ou influencer le comportement, comme vous le savez, nécessite l'adoption d'une approche multidimensionnelle. Il est clair que lorsque vous supprimez des instruments de sensibilisation ou d'information, qu'il s'agisse d'une école ou d'un centre de santé publique, ou que si l'accès aux moyens modernes de communication est inexistant, comme c'est le cas dans bon nombre de régions de l'Afrique subsaharienne ou de pays en développement, ce sont les mécanismes d'information qui restent qui doivent transmettre le message.
Il faut absolument accroître le nombre d'instruments d'information, et reconnaître que si l'un de ces instruments disparaît—peut-être pour une raison légitime—la société continue d'évoluer très rapidement. Nous devons adopter une stratégie de communication concertée. Voilà pourquoi il est important d'établir, dans ces pays, un comité national sur le sida, un comité qui peut jeter un regard sur l'ensemble des moyens de communication existants et dire, «Nous devons moduler notre message, faire en sorte qu'il s'adresse aux femmes dans les régions rurales ou aux groupes stigmatisés vivant en milieu urbain.» Il faut également voir si la télévision, les brochures, les contacts personnels, les ONG et les groupes confessionnels peuvent être utilisés pour transmettre des messages ciblés, peut-être dans le cadre d'un effort à long terme, puisque cela permettrait de diffuser un message de qualité, et percutant, à un grand nombre de personnes.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Je vous remercie de votre analyse et de votre sensibilité, mais j'aimerais savoir si c'est ce qui se passe dans les faits?
Au Canada, nous faisons beaucoup en matière d'éducation préventive dans les écoles, les collectivités, ainsi de suite.
J'ai l'impression—mais je me trompe peut-être—que nous n'en faisons pas assez, pour des raisons de rectitude politique. Est-ce qu'on peut associer cela à une attitude coloniale, où nous imposons notre culture à d'autres peuples? Est-ce que le message de prévention passe avec efficacité?
Dr Jack Chow: La Henry J. Kaiser Family Foundation, aux États-Unis, parraine un programme intitulé Love Life en Afrique du Sud. Il diffuse des messages très puissants sur des panneaux et à la télévision, des messages qui sont très incisifs.
J'invite votre personnel à communiquer avec la fondation ou à consulter son site Web. Ils peuvent vous montrer ce qu'ils font dans le pays qui est sans aucun doute le plus touché par le VIH/SIDA.
º (1625)
Le vice-président (M. Stockwell Day): D'accord. Au Canada, les contribuables, et Mme Redman en a parlé, sont tout à fait disposés à aider ceux dans le besoin, à prêter main-forte dans diverses situations, qu'il s'agisse de désastre humanitaire ou écologique, de famine ou du VIH/SIDA. Toutefois, les électeurs dans ma circonscription—et on observe la même chose dans toutes les régions du pays—veulent s'assurer dès le départ, lorsqu'on injecte des fonds dans quelque chose, que le message passe, qu'on ne maintient pas inutilement en vie une personne déjà infectée. C'est une bonne chose, et nous allons le faire, parce que c'est ce qu'ils veulent, sauf que les contribuables se posent des questions au sujet de ce sens de la responsabilité, de ce sens d'obligation.
Avant de céder la parole à un collègue, puis-je vous demander, pour ce qui est du paludisme, si—mis à part le traitement médical, qu'il soit fourni par le Canada ou d'autres pays—les fonds sont effectivement versés aux pays aux prises avec le paludisme. Souvent, leur système d'évacuation des eaux usées, le lieu où l'infestation se manifeste—y a-t-il d'autres pays qui offrent une aide, côté infrastructure, pour venir à bout du problème?
Dr Jack Chow: Monsieur le président, 90 p. 100 des cas de paludisme surviennent en Afrique subsaharienne. Sur 300 millions de cas de maladies aigües, 270 millions représentent des épisodes de paludisme aigu.
Nous collaborons de très près avec les pays dans le but de les encourager à utiliser davantage le médicament à base d'artemesinine, qui affiche un taux de guérison élevé et qui, tout en étant comparativement coûteux, permet d'assurer une utilisation optimale des deniers publics.
Les pays consultent également l'OMS sur l'utilisation judicieuse d'insecticides comme le DDT à l'intérieur des maisons, sur les murs, pour éviter que les moustiques ne se propagent et piquent les gens.
La Banque mondiale, en tant qu'agence de développement, s'attache, de concert avec ces pays, à essayer de trouver des moyens d'améliorer l'environnement, d'éliminer les plans d'eau stagnante, de modifier les infrastructures, et ce, dans le but de réduire la propagation des moustiques.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Même les moustiques ont besoin d'être sensibilisés aux pratiques sexuelles sans risque.
Est-ce que mes autres collègues souhaitent faire un commentaire?
Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci.
Monsieur Chow, votre cv est fort impressionnant. Je vois que vous avez une expérience du monde diplomatique, mais pas du milieu politique. Je vais donc vous poser une question apolitique.
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit quand vous avez parlé d'investir dans la santé publique, parce que je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que le Canada est arrivé à un tournant fort excitant pour ce qui est de l'élaboration du régime de santé publique.
J'ai eu l'occasion d'accompagner le ministre Bennett quand il a visité le Centre de prévention et de contrôle des maladies, à Atlanta. Je suis également allée à Washington, où j'ai visité l'American Institutes for Research. Ce que j'ai constaté, entre autres, c'est que les instituts de recherche sur la santé obtiennent un financement direct du gouvernement, et que les groupes de pression en sont conscients.
On est sur le point d'effectuer une percée majeure dans le domaine qui me tient à coeur, soit celui du diabète juvénile. Quand les groupes viennent me rencontrer, je ressens pour eux beaucoup de sympathie et d'empathie. J'ai écrit au ministre de la Santé afin de lui dire qu'il serait bon d'investir des fonds dans ce secteur.
Pour ce qui est du VIH/SIDA, je sais que cette maladie est pandémique. Pouvez-vous nous en parler brièvement? Je crois comprendre qu'une autre poussée est sur le point de se développer en Asie ou en Chine.
º (1630)
Dr Jack Chow: De VIH/SIDA?
Mme Karen Redman: Oui.
Dr Jack Chow: Oui.
Mme Karen Redman: Je pense qu'il faudrait investir davantage dans le domaine de la santé publique. Le fait est que la santé publique constitue un enjeu majeur, qu'il s'agisse de VIH/SIDA, de SARS, de grippe aviaire, ainsi de suite.
Je connais le sujet. J'ai passé beaucoup de temps au sein du Comité de l'environnement. Vous parlez d'eau stagnante et du fait que l'air pur et l'eau potable constituent des questions importantes en matière de santé publique.
Bien qu'il soit important, et nécessaire, de consacrer des fonds à des maladies précises, très souvent, il existe, sur le plan politique, des tensions entre la prévention et l'éducation d'une part, et l'investissement dans le traitement de maladies d'autre part. Il s'agit là d'un fait intéressant, et un problème avec lequel le Canada va devoir composer au fur et à mesure qu'il définit ses orientations en matière de santé publique. Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus?
Dr Jack Chow: Merci.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, il est important, pour inciter les leaders politiques à agir, d'avoir des citoyens sûrs d'eux et reconnaissants qui ont tiré parti des investissements effectués dans le domaine de la santé publique et qui sont en mesure de dire à leur gouvernement: «J'ai profité du programme de prévention» ou «Mon enfant a eu la vie sauve grâce à un vaccin». Nous devons favoriser ces investissements.
En tant qu'ancien membre du comité des affectations du Congrès américain, j'ai eu l'occasion de travailler avec des électeurs qui ont eu accès aux services offerts par les centres de santé communautaire. Ils ont pu bénéficier de soins primaires et grâce à leur lobbying, ils ont réussi à convaincre le Congrès de ne pas fermer ces centres... qui servent de pierre angulaire au système américain de santé publique et de soins primaires.
Il est possible, dans d'autres pays, de travailler avec les électeurs et de promouvoir les avantages du système de santé publique.
De façon plus générale, on a tendance à penser, de façon non intentionnelle, que les dépenses de santé publique effectuées par le gouvernement sont un fait accompli, et qu'il est impossible, à l'heure actuelle, de tirer parti des économies qui résultent des investissements en matière de santé publique, et ce, dans le but d'encourager d'autres investissements.
Ce que j'essaie de dire, c'est que, pendant trop longtemps, à mon n'humble avis, les dépenses de santé publique ont figuré dans le compte débiteur. Nous devons trouver un moyen de les faire passer dans le compte créditeur. Les comptables devraient peut-être essayer de trouver une façon de dire que, si vous investissez dans la mise au point d'un vaccin, des crédits seront alors générés si, disons, le vaccin pour enfants ne coûte que un dollar et qu'il permet au système national de santé d'économiser des milliers de dollars quand l'enfant, s'il est atteint de rubéole, n'a pas à se rendre à l'hôpital. On peut se servir de cet incitatif très puissant pour encourager ce type d'investissement.
C'est ce que mon expérience au sein de l'organe législatif du gouvernement, dans mon pays, m'a permis de constater.
Le VIH/SIDA en Chine et en Asie constitue un problème majeur. On assiste à la mondialisation des personnes dans le domaine du commerce, à la montée de la classe moyenne, à une hausse du nombre d'hommes qui ont de l'argent et qui peuvent, par exemple, recourir aux services de travailleurs du sexe. La vaste géographie et la densité de la population rendent la prévention du VIH/SIDA très difficile.
Nous collaborons avec l'Inde. L'Inde est un autre pays qui a non seulement une forte population, mais aussi des structures géographiques, culturelles et linguistiques différentes. Il faut dans ce cas-là prévoir une stratégie de prévention taillée sur mesure, quartier par quartier.
Donc, la montée des cas de VIH/SIDA en Asie est très inquiétante. Nous redoublons d'efforts et consacrons le peu de ressources que nous avons—nous aimerions en avoir plus—aux campagnes d'information qui visent à montrer aux pays asiatiques comment mettre sur pied des réseaux de prévention, avant qu'il ne soit trop tard.
º (1635)
Mme Karen Redman: Merci.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Avant de mettre fin à la réunion, je voudrais vous demander si la Fondation Gates verse des fonds directement dans ses propres programmes, ou si elle collabore avec les Nations Unies?
Dr Jack Chow: La Fondation Gates est un organisme indépendant qui a son propre conseil d'administration. Elle ne finance pas des programmes par l'entremise des Nations Unies, mais verse des subventions. Nous sommes en discussion avec elle pour voir si elle ne veut pas unir ses efforts aux nôtres, nous appuyer, dans certains domaines.
Le vice-président (M. Stockwell Day): Monsieur Chow, je vous remercie d'être venu de Genève. Je crois comprendre que vous allez également rencontrer les représentants de l'ACDI. Le fait de pouvoir tirer parti de votre expérience, de vos connaissances médicales, de vos connaissances du fonctionnement du gouvernement, de votre vécu, nous est d'une grande utilité. Nous tenons à vous remercier d'avoir pris le temps de discuter avec nous. Il s'agit effectivement d'un investissement—c'est un terme que nous aimons bien—d'une dépense positive qui rapporte des dividendes concrets. Merci d'avoir comparu devant le comité.
Dr Jack Chow: Merci, et merci au sous-comité et au personnel de m'avoir invité.
M. Stockwell Day: La séance est levée.