Passer au contenu
;

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

Lors de l’étude du projet de loi C-21, Loi modifiant le Tarif des douanes, par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes pendant la 3e session de la 37e législature, des témoins provenant de l’industrie du vêtement ont fait part de leurs points de vue sur le programme canadien de remise des droits de douane et sur le niveau des droits s’appliquant aux importations de textiles. Les témoins ont appuyé le but du projet de loi, soit la prorogation pour une période de dix ans du Tarif de préférence général et du Tarif des pays les moins avancés, mais ils ont pressé le Comité d’examiner les effets du projet de loi dans le contexte de l’ensemble du régime tarifaire du Canada. Ils ont invité le Comité à examiner plus particulièrement les décrets de remise des droits de douane visant l’industrie du vêtement, dont l’échéance est prévue le 31 décembre 2004, et de façon plus générale le niveau tarifaire s’appliquant aux intrants textiles.

Le vice-président de Peerless Clothing et le président de la Fédération canadienne du vêtement ont dit au Comité que «  en raison des défis actuels et imminents posés par les droits et les contingents à l’industrie du vêtement, la prorogation des … tarifs, dont [le Comité] est saisi dans le cadre de l’étude du projet de loi C-21, ne saurait avoir lieu sans l’adoption d’une mesure visant à rehausser la compétitivité de l’industrie canadienne du vêtement  ». Bien que le Comité adhère à cette évaluation, les décrets de remise des droits de douane et le niveau des tarifs dépassent la portée du projet de loi C-21. Étant donné que les décrets de remise des droits de douane en question expireront bientôt, le Comité a décidé de produire le présent rapport, lequel énonce brièvement les questions qui ont été portées à son attention et présente des recommandations en vue d’aider cette importante industrie.

L’INDUSTRIE CANADIENNE DU VÊTEMENT

Selon Industrie Canada, l’industrie du vêtement constitue le 10e secteur manufacturier en importance au Canada, avec plus de 93 000 employés travaillant dans 3 900 établissements. Cette industrie représente 2 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) canadien de l’ensemble du secteur manufacturier, 4 p. 100 des investissements qu’on y fait et 4,4 p. 100 des emplois dans ce secteur.1 Le président de la Fédération canadienne du vêtement a indiqué au Comité l’importance de l’industrie, «  qui mise sur un large éventail de compétences, y compris des emplois à faible niveau de compétences et à faible intensité technologique qui conviennent à certains nouveaux venus dans la main-d’œuvre canadienne. Dans les centres urbains, où l’industrie est concentrée, ces emplois au bas de l’échelle permettent aux fabricants de vêtements de jouer un rôle important au chapitre de l’intégration des nouveaux venus sur le marché du travail au Canada. Ces travailleurs débutants développent leurs compétences langagières et professionnelles, puis ils obtiennent souvent plus tard des emplois plus spécialisés au sein de l’industrie ou dans un autre secteur de l’économie ». Par ailleurs, nous avons appris que les exportations de l’industrie canadienne du vêtement vers les États-Unis totalisaient quelque 3,5 milliards de dollars.

Les «  fabricants-importateurs  » de vêtements canadiens, soit les entreprises qui contrôlent le design, la mise en marché et une partie de la production au Canada et qui mènent aussi des activités de production à l’étranger, contribuent de façon importante à fournir des emplois aux Canadiens. Le président d’A&R Dress Company Inc. a fait observer que «  tous les intervenants du secteur du vêtement (y compris le ministère des Finances, le ministère de l’Industrie et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) s’entendent pour dire que les «  fabricants-importateurs  » représentent l’un des sous-secteurs essentiels de l’environnement commercial actuel, un des sous-secteurs le plus susceptible de maintenir des emplois au Canada  ».

S’exprimant au nom de ce secteur, le président et directeur général de COMO Diffusion Inc. a dit au Comité que, au sein de l’industrie de la fabrication-importation de vêtements, «  les fabricants ont trouvé une façon d’intégrer quelques importations à leurs activités de fabrication sur le marché intérieur de manière à maximiser l’ensemble de nos résultats et de neutraliser l’attrait que présente l’Extrême-Orient, soit la Chine, la Thaïlande et d’autres pays moins avancés, pour nos clients du commerce de détail qui vont s’approvisionner directement dans ces pays. Le fait que nous ayons pu trouver une solution pour concurrencer ces acheteurs directs tout en continuant d’employer des centaines de Canadiens est quelque chose dont je suis personnellement très fier — tant dans notre entreprise en particulier que dans l’industrie en général  ».

LA REMISE DES DROITS DE DOUANE ET L’INDUSTRIE CANADIENNE DU VÊTEMENT

Dans le passé, lorsque des entreprises canadiennes ont réclamé un allégement tarifaire, y compris des modifications au régime tarifaire du Canada, le gouvernement fédéral leur a accordé la remise des droits de douane. La remise des droits de douane est une exemption des droits de douane conditionnelle ou inconditionnelle, en tout ou en partie, aux droits d’importation ou aux taxes sur des produits importés. Selon la définition du ministère des Finances, la remise des droits est une «  renonciation, conditionnelle ou non, en tout ou en partie, aux droits d’importation ou aux taxes sur des marchandises importées. Généralement appliquée dans des circonstances exceptionnelles lorsqu’il a été clairement démontré qu’un allégement tarifaire s’impose, elle sert parfois à rectifier des disparités ou des anomalies à court terme de la structure tarifaire.2

Comme l’indique le Tableau 1, l’industrie canadienne du vêtement est visée par plusieurs décrets de remise des droits de douane, dont l’échéance, pour la plupart, est prévue le 31 décembre 2004. Ces décrets de remise des droits de douane renouvelaient les décrets pris lors de la conclusion de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, en 1989. Le président d’A&R Dress Company Inc. a dit au Comité que ceux-ci avaient été pris «  pour une grande part à titre de compensation compte tenu des règles d’origine extrêmement serrées qui restreignent l’accès efficace des fabricants de vêtements canadiens au marché américain  ».


Tableau 1 : Les décrets de remise des droits visant l’industrie canadienne du
vêtement expirant le 31 décembre 2004

Décret de remise des droits

No du règlement

Date d’enregistrement

Décret de remise des droits de douane sur les chemises à col façonné, 1997

DORS/97-291

17 juin 1997

Décret de remise des droits de douane sur les tissus écrus pour vêtements de dessus, 1998

DORS/98-86

29 décembre 1997

Décret de remise des droits de douane sur les tissus pour chemises, 1998

DORS/98-87

29 décembre 1997

Décret de remise des droits de douane sur les vêtements de dessus, 1998

DORS/98-88

29 décembre 1997

Décret de remise concernant les blouses, les chemisiers et les coordonnés pour femmes, 1998

DORS/98-89

29 décembre 1997

Décret de remise des droits de douane sur les tissus pour vêtements de dessus, 1998

DORS/98-90

29 décembre1997

Source : Bibliothèque du Parlement

D’après les Résumés de l’étude d’impact de la réglementation présentés par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international lors de la publication de ces règlements dans la Partie II de la Gazette du Canada, cette remise des droits permettra aux manufacturiers canadiens d’économiser chaque année quelque 13 millions de dollars dans le cas des fabricants de chemises, de quelque 18 millions de dollars dans le cas des importateurs de blouses, de chemisiers et de coordonnés pour femmes, de quelque 5 millions de dollars dans le cas des vêtements de dessus, de quelque 2 millions de dollars dans le cas des tissus finis et des tissus écrus pour vêtements de dessus et de quelque 2 millions de dollars dans le cas des tissus pour chemises.

Des témoins ont dit au Comité que les fabricants-importateurs de vêtements subiraient les répercussions des décisions portant sur la prorogation du tarif des pays les moins avancés et du tarif de préférence général aux termes du projet de loi C-21 et sur l’expiration des décrets de remise des droits prévus. Ces entreprises canadiennes doivent affronter la concurrence des pays bénéficiant du tarif s’appliquant aux pays les moins avancés, et les tarifs sur les importations de certains intrants désavantagent les entreprises canadiennes par rapport à leurs concurrentes dans d’autres pays. Dans une industrie qui dépend beaucoup des textiles, lesquels représentent, selon le président de la Fédération canadienne du vêtement, «  entre 50 et 75 p. 100 des coûts des intrants totaux  », tout droit additionnel s’appliquant à l’industrie peut s’avérer dommageable. Des témoins ont dit au Comité que les décrets de remise des droits sont un des principaux facteurs qui entravent la compétitivité des producteurs canadiens par rapport aux producteurs des autres pays.

Le président d’A&R Dress Company Inc. a signalé au Comité que, parce qu’elles ne bénéficient pas d’un allégement tarifaire, les entreprises doivent payer des droits sur leurs intrants primaires alors que «  les mêmes vêtements finis (fabriqués avec les mêmes matières premières) pénètrent sur le marché canadien en franchise de droits et sans contingent en provenance de pays moins avancés bénéficiant de l’initiative d’accès des pays les moins avancés  ». Selon le président, les droits de douane que l’entreprise devrait débourser «  augmenteraient immédiatement de 25 p. 100 et l’écart entre les prix [qu’elle peut] offrir par rapport à ceux que [ses] concurrentes des pays les moins avancés peuvent offrir se creuserait de façon exponentielle  ».

La décision du gouvernement fédéral d’élargir, à compter du 1er janvier 2003, l’accès aux marchés canadiens, en franchise et sans contingent, aux 48 pays les moins avancés, sauf pour les produits agricoles soumis à une gestion de l’offre, a eu des répercussions sur les fabricants de vêtements canadiens. En 2003, les importations canadiennes provenant des pays les moins avancés avaient une valeur de 408 millions de dollars et représentaient 0,12 p. 100 de l’ensemble des importations canadiennes.3 Selon le président de la Fédération canadienne du vêtement, les importations provenant du Cambodge ont augmenté de 328 p. 100, atteignant 83 millions de dollars, et celles provenant du Bangladesh ont augmenté de 115 p. 100, atteignant 303 millions de dollars, en 2003.

Des témoins ont aussi entretenu le Comité des effets de l’élimination suivie des contingents. Le président et directeur général de COMO Diffusion Inc. a indiqué que «  surtout pour les produits exportés vers les États-Unis, les manufacturiers canadiens feront face à des défis encore plus grands, étant donné que nombre de pays du tiers monde pourront inonder le marché américain avec des vêtements fabriqués à des coûts inférieurs aux coûts actuels  ». Dans la même veine, le président d’A&R Dress Company Inc. a fait observer que l’entreprise s’apprêtait à «  à affronter la tempête : l’élimination d’un programme d’allégement tarifaire essentiel pour elle et l’élargissement de l’accès sans contingent (et dans nombre de cas en franchise) pour [ses] concurrentes  ».

Des témoins, notamment le président d’A&R Dress Company Inc., ont dit au Comité que le ministère des Finances avait montré «  un manque de volonté relativement à la prorogation des décrets de remise des droits de douane et qu’il ne prend pas en compte la situation précaire du secteur attribuable notamment aux règles d’origine très permissives en vertu de la liste tarifaire s’appliquant aux pays les moins avancés ».

Le Comité est d’avis que les décrets de remise des droits sont de par leur nature un moyen ponctuel incomplet de répondre aux besoins de l’ensemble du secteur canadien du vêtement pour ce qui est des coûts des intrants: certains textiles et sous-secteurs sont visés alors que d’autres ne le sont pas. Qui plus est, nous signalons que les commentaires formulés par les témoins relativement à la date d’expiration des décrets de remise des droits, soit le 31 décembre 2004, approche à grands pas et que les entreprises doivent passer des commandes et prendre des décisions d’emploi dans l’immédiat. Par conséquent, il est essentiel que le gouvernement fédéral prenne des mesures immédiates afin, à tout le moins, de maintenir le système actuel. Dans cette optique, le Comité recommande :

RECOMMANDATION No 1

Que le gouvernement fédéral proroge immédiatement de sept ans l’échéance des décrets de remise des droits visant le secteur du vêtement, prévue le 31 décembre 2004.

L’INDUSTRIE CANADIENNE DU VÊTEMENT ET LES DROITS SUR LES INTRANTS

Les décrets de remise des droits ne répondent pas aux besoins de toutes les entreprises de l’industrie du vêtement; ils n’ont pas d’effet sur les manufacturiers qu’ils ne visent pas. Des témoins ont dit au Comité qu’on pouvait améliorer la situation en permettant l’importation en franchise de tissus vestimentaires au Canada.

Des témoins ont dit au Comité que les droits sur leurs intrants avaient pour effet de pénaliser les manufacturiers qui fabriquaient en partie leurs vêtements au Canada et que, pour éviter de payer de tels droits, ces manufacturiers pourraient déménager leurs activités au Mexique et expédier leurs produits finis en franchise au Canada et aux États-Unis. Le président de Western Glove Works affirme que son entreprise comptait 1 290 employés au Canada il y a un an alors qu’elle en compte aujourd’hui 587 et que, si les droits sur les textiles ne sont pas levés et si la tendance actuelle se maintient, elle n’en comptera plus que 121 dans 18 mois. Il a dit au Comité que les revenus de l’entreprise ne s’en trouveraient pas affectés parce qu’elle«  n’a pas besoin de travailleurs canadiens pour réaliser des profits. C’est tout de même merveilleux de pouvoir fabriquer et assembler un produit au Canada. Malheureusement, ce ne sera bientôt plus possible  ».

Des témoins ont indiqué que la plupart sinon la totalité des tissus auxquels ces droits de douane s’appliquent ne sont plus fabriqués au Canada. Le vice-président de Peerless Clothing a dit au Comité que l’entreprise doit importer 90 p. 100 de ses textiles. Du point de vue de la politique industrielle, le président de Western Glove Works — qui ne peut plus acheter à un fournisseur national le denim pour faire ses jeans — a noté qu’il n’y a pas de justification à beaucoup de ces droits de douane, lesquels, selon lui, ont été mis en place il y a de nombreuses années pour protéger l’industrie canadienne du textile contre un afflux d’importations. À son avis, même avec les droits de douane, l’industrie du textile a changé au point que l’industrie canadienne du vêtement n’achète plus que 35 p. 100 de ses intrants textiles à des fournisseurs nationaux contre 70 p. 100 jadis et les entreprises qu’on essaie de protéger par ces droits de douane n’existent plus.

Des témoins ont signalé que, le 27 février 2004, la ministre de l’Industrie, l’honorable Lucienne Robillard, a annoncé que l’industrie du vêtement bénéficierait de réductions tarifaires de quelque 26,7 millions de dollars sur les trois prochaines années. Le président de la Fédération canadienne du vêtement a signalé au Comité que l’industrie canadienne du vêtement versait plus de 110 millions de dollars en droits sur les intrants textiles chaque année. L’initiative annoncée par la ministre fera diminuer ces droits de quelque 9 millions de dollars. En revanche, la décision du gouvernement fédéral d’accorder aux pays les moins avancés une suppression des droits au cours de la dernière année a donné lieu à un allégement tarifaire de quelque 100 millions de dollars pour l’importation de produits finis provenant des pays les moins avancés. Selon le président, «  si le gouvernement a pu accorder un allégement des droits tarifaires de 100 millions de dollars pour les importations de vêtements pour une année, il devrait et pourrait en faire autant afin d’aider les fabricants de vêtements canadiens. […] Sans un allégement tarifaire pour les textiles et autres intrants, on ne saurait éliminer le biais tarifaire qui favorise actuellement les producteurs de vêtements étrangers  ».

Le Comité estime que la mesure annoncée par la ministre Robillard constitue un pas dans la bonne direction, mais il est d’avis que d’autres mesures s’imposent. En particulier, nous croyons que les droits de douane sur les intrants qui ne sont pas — ou ne sont plus — fabriqués au Canada ne servent plus à rien et que, par conséquent, ils devraient être supprimés. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION No 2

Que le gouvernement fédéral élimine immédiatement les droits de douane sur les intrants qui ne sont pas produits au pays. Il faudrait obliger les producteurs de textiles qui cherchent à conserver la protection tarifaire à établir qu’ils vendent leur production à des fabricants canadiens de vêtements.

Quant à la question plus générale des droits de douane qui frappent l’industrie canadienne du vêtement, le Comité estime que des changements s’imposent. La remise des droits est un pis-aller pour les fabricants de vêtements canadiens. En outre, il y a d’autres questions plus problématiques comme la différenciation tarifaire des tissus suivant leur utilisation finale — ou la différenciation des produits — et l’effet de l’élimination des droits de douane sur l’industrie nationale du textile. Nous croyons que le régime tarifaire canadien mérite plus d’attention qu’il n’a été possible de lui en accorder dans le présent rapport et que nous lui en avons accordé dans le cadre de notre étude du projet de loi C-21. À notre avis, c’est également un sujet qui exige la mise à contribution des parties prenantes. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION No 3

Que le gouvernement fédéral entreprenne immédiatement une étude sur les mesures d’adaptation temporaires en vue de rehausser la compétitivité, ainsi que sur les coûts et les avantages de la suppression des droits s’appliquant aux importations de textiles utilisés dans le secteur du vêtement au Canada, les types et les quantités de tissus produits par l’industrie canadienne du textile et la différenciation tarifaire des tissus en fonction de leur utilisation finale. Les résultats de cette étude devraient être présentés au Parlement au plus tard le 31 janvier 2005.

 


1Industrie Canada, " Vêtements ", http://strategis.ic.gc.ca/epic/internet/inapparel-vetements.nsf/fr/home.
2Ministère des Finances, http://www.fin.gc.ca/gloss/gloss-qr_f.html#remise_droits.
3Ministère des Finances, «  Le projet de loi C-21: Loi modifiant le Tarif des douanes  », mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, mars 2003. Voir aussi Chambre des communes, Débats, 25 février 2004, 15 :35 (l’honorable Denis Paradis, C.P., député), à : http://www.parl.gc.ca/37/3/parlbus/chambus/house/debates/018_2004-02-25/han018_1535-F.htm#Int-82444.