HUMA Rapport du Comité
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AUTRES AMÉLIORATIONS DU RÉGIME
Il ressort de nos réunions que les cotisants, du moins ceux qui ont témoigné devant le Sous-comité, aimeraient qu’on apporte d’importantes modifications à la Loi sur l’assurance-emploi. En ce qui concerne les futures réformes de l’AE, le Sous-comité a constaté la dichotomie habituelle entre les vues des employeurs et celles des employés. Les témoins représentant les travailleurs estiment que le régime d’AE a été grandement amoindri en termes d’accessibilité aux prestations et de niveau de soutien. Certains membres du Comité et bon nombre des témoins du Sous-comité considèrent l’amoindrissement de l’AE comme une des causes principales de l’excédent cumulé du Compte d’AE. Ceux qui sont de cet avis soutiennent qu’il est temps de rétablir la situation et préconisent d’augmenter sensiblement l’accessibilité de l’AE ainsi que le niveau et la durée des prestations.
[…] depuis des années le gouvernement contribue à faire en sorte que l’ensemble des Canadiens qui sont en chômage n’aient plus accès à la caisse d’assurance-emploi. Vous nous demandez aujourd’hui ce qu’il serait pertinent de faire avec l’argent que vous avez accumulé aux dépens des travailleurs. La réponse est très simple: il faut le redonner aux travailleurs et s’assurer que le régime sera en mesure de répondre aux besoins et aux attentes des gens qui perdent leur emploi. (Pierre Séguin, Centrale des syndicats du Québec)35
Les témoins représentant les employeurs, en revanche, déplorent certains des changements apportés à l’AE depuis 1996, notamment la suppression de la règle de l’intensité et la croissance rapide des prestations sociales. La plupart de ces groupes prônent un retour à l’objectif originel du régime appuyé sur des principes d’assurance renforcés.
La Chambre de commerce croit que le gouvernement fédéral doit mettre en place des politiques qui découragent le recours fréquent à l’assurance-emploi. À cet égard, le rétablissement de la règle de l’intensité, l’augmentation du nombre d’heures requises pour être admissible à l’assurance-emploi et la diminution de la période de prestations dans les régions frappées par un taux de chômage élevé accroîtraient la souplesse de la main-d’œuvre et la productivité, en plus d’accélérer les ajustements industriels régionaux. (Michael Murphy, Chambre de commerce du Canada)36
I. Conditions minimales d’admissibilité
En adoptant la période d’admissibilité calculée en heures et en étendant la protection à la première heure de travail, la réforme de 1996 a éliminé le concept de la semaine d’emploi assurable. Quand la période d’admissibilité était calculée en semaines, la semaine était considérée comme assurable si elle comptait au moins 15 heures d’emploi assurable ou rapportait au moins 20 p. 100 du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable. Ce changement est d’une importance indubitable puisque la période d’admissibilité calculée en heures est fonction d’une semaine de 35 heures et non de 15 heures. Beaucoup des témoins du Sous-comité ont souligné que cette réforme a rendu l’accès aux prestations plus difficile pour les travailleurs à horaire abrégé ou à temps partiel, notamment ceux des régions à chômage élevé où les possibilities de travail sont limitées.
Chose plus importante, les membres du Sous-comité ont entendu déclarer que la période d’admissibilité calculée en heures était particulièrement problématique pour les travailleurs et notamment les travailleurs à temps partiel qui deviennent ou redeviennent membres de la population active. Dans leur cas, la période d’admissibilité est de 910 heures d’emploi assurable sans égard à la situation du marché du travail dans la région économique de l’AE où ils habitent. En outre, ce seuil horaire est de 200 p. 100 supérieur à l’équivalent horaire de la période d’admissibilité calculée en semaines sous les anciennes conditions minimales d’assurabilité.
Ce nouveau règlement spécifiait qu’un prestataire qui n’était pas un nouvel arrivant sur le marché du travail aurait besoin d’entre 420 et 700 heures pour être admissible à l’assurance-emploi. Pourtant, dans le cas d’un prestataire nouvel arrivant, ce dernier aurait besoin de 910 heures d’emploi assurables pour être admissible au régime. D’après nos etudes, ce critère de 910 heures a des conséquences négatives, surtout auprès des femmes et des jeunes. De plus, celui-ci constitue une dissuasion majeure pour les personnes qui songent à travailler dans les secteurs de l’agriculture, de la forêt et dans plusieurs autres secteurs d’activité dont la nature de l’emploi est saisonnière. Il est quasiment impossible pour ces personnes d’accumuler 910 heures assurables dans ces secteurs. (Normand Carrier, Comité d’étude sur le travail saisonnier)37
Le chiffre de 360 est obtenu en multipliant 12 semaines de travail par 30 heures. Une des mesures prises lors du passage de l’assurance-chômage à l’assurance-emploi a été d’éliminer le minimum de 15 heures par semaine. En vertu de l’ancienne formule fondée sur les semaines, il fallait un minimum de 15 heures de travail au cours d’une semaine pour que celle-ci soit prise en compte, ce qui fait que le maximum requis pour quiconque avant 1996 s’établissait à 300 heures et il était, bien sûr, beaucoup moindre en raison de la formule variable.
Il est important de noter qu’en passant de 15 à 35 heures, soit plus du double, on a pénalisé les femmes qui travaillent généralement beaucoup moins que 35 heures en moyenne par semaine c’est la moyenne pour l’ensemble des travailleurs canadiens […] (Kevin Hayes, Congrès du travail du Canada)38
Les gens, depuis plusieurs années, sortent dans la rue et exigent pour l’assurance-emploi qu’on revienne à un régime qui indemnise les gens qui sont en perte d’emploi. Nous avons fixé nos barèmes à 350 heures pour l’admissibilité. (Sébastien Duclos, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi, réseau québécois)39
L’objectif de politique de ce resserrement marqué des conditions d’admissibilité de ceux qui deviennent ou redeviennent membres de la population active était prétendument de réduire la dépendance à l’égard de l’AE, mais le gouvernement en a miné quelque peu l’intégrité en 2001 lorsqu’il a fait passer la période d’admissibilité aux prestations spéciales (y compris pour ceux qui deviennent ou redeviennent membres de la population active) de 700 à 600 heures d’emploi assurable. Il a pris cette mesure en grande partie parce que l’emploi à temps partiel est beaucoup plus répandu chez les femmes que chez les hommes et que les femmes tendent à entrer et sortir du marché du travail plus souvent que les hommes. On voit mal pourquoi ce raisonnement ne serait valable que pour les prestations spéciales alors que, selon nous, il l’est autant pour les prestations régulières.
Les membres du Comité craignent que les conditions d’admissibilité à l’AE ne soient devenues fragmentées et incohérentes. Outre la réduction de la période d’admissibilité aux prestations spéciales, le fait d’avoir touché ces prestations contribue pour beaucoup à déterminer si un assuré devient ou redevient membre de la population active aux fins de l’admissibilité ultérieure aux prestations régulières. Il en est ainsi parce que les paragraphes 7(4) et 7(4.1) de la Loi sur l’assurance-emploi40 permettent la prise en compte de ces prestations au moment de déterminer si une personne assurée devient ou redevient membre de la population active. Cela est évidemment très important puisque celui qui n’est pas défini comme une personne qui devient ou redevient membre de la population active doit cumuler de 420 à 700 heures d’emploi assurable (suivant le taux de chômage régional) pour avoir droit aux prestations régulières alors que celui qui est défini comme tel doit en cumuler 910, ce qui est sensiblement plus difficile dans bien des régions du pays.
Bon nombre des groupes représentant les travailleurs qui ont témoigné devant le Sous-comité ont déclaré souhaiter qu’on remplace le barème d’admissibilité existant par une période d’admissibilité unique de 360 heures d’emploi assurable sans égard au type de prestations reçues, à la participation au marché du travail ou au taux de chômage. Ils sont cependant favorables implicitement ou explicitement au maintien d’un barème fondé sur les heures de travail et le taux de chômage.
Presque tous les membres du Comité conviennent qu’il faut réformer les conditions d’admissibilité. Et, selon la plupart d’entre eux, il faudrait commencer par modifier la période d’admissibilité de ceux qui deviennent ou redeviennent membres de la population active. Nous ne croyons pas que ceux à qui ont été payées ou étaient payables des prestations d’un certain type devraient être privilégiés lorsqu’il s’agit de déterminer leur admissibilité à d’autres prestations. Par conséquent, la plupart des membres du Comité sont d’avis que le gouvernement devrait réexaminer et supprimer toutes les inégalités dans les conditions d’admissibilité aux prestations d’AE.
Recommandation 10
Le Comité recommande que le gouvernement instaure une période d’admissibilité uniforme de 360 heures, peu importe les taux de chômage régionaux et le type de prestations. Il en résulterait une période d’admissibilité de 12 semaines à raison de 30 heures par semaine.
La Loi sur l’assurance-emploi a fait passer le droit maximal aux prestations régulières de 50 à 45 semaines. Cette réforme a touché le plus durement les habitants des régions où le taux de chômage est le plus élevé. Après la mise en œuvre de l’AE, le droit maximal aux prestations spéciales est passé de 30 à 50 semaines, soit 5 semaines de plus que pour les prestations régulières. Comme dans le cas de la période d’admissibilité, cette réforme a eu pour effet de privilégier certains demandeurs et d’éloigner le régime d’AE encore plus de son objectif principal, qui est d’offrir une assurance-salaire aux travailleurs qui se retrouvent involontairement au chômage. Tout en étant favorables à ce que les parents puissent se consacrer pendant plusieurs mois aux soins d’un nouveau-né ou d’un enfant adopté, certains estiment que l’AE n’est peut-être pas le meilleur moyen d’atteindre cet objectif.
Comme l’excédent a été payé par les travailleurs et les employeurs, il devrait servir à élargir l’accessibilité aux prestations, à bonifier les prestations, à atténuer le problème des trous noirs et peut-être n’aurions-nous pas besoin d’accumuler des heures si le régime d’assurance-emploi répondait aux besoins des chômeurs. (John Gagnon, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Nouveau-Brunswick)41
Les groupes représentant les travailleurs ont exprimé l’opinion qu’il fallait réformer le barème d’admissibilité et rétablir le droit maximal aux prestations à 50 semaines comme dans le cas des prestations spéciales. On nous a dit que cette mesure réglerait le problème de longue date qu’on qualifie parfois de « trou noir », problème qui affecte principalement les travailleurs saisonniers qui se trouvent en fin de droits avant le début de la saison suivante. Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour régler ce problème, il ressort de certains témoignages reçus par le Sous-comité qu’il faut faire davantage à cet égard. Depuis le 6 juin 2004, les demandeurs qui habitent dans l’une des 24 régions économiques participantes (c’est-à-dire les régions où le taux de chômage a atteint 10 p. 100 ou plus pendant au moins un mois de la période de six mois finissant le 8 mai 2004) reçoivent cinq semaines de prestations de plus (sous réserve d’un maximum de 45 semaines).
[…] une partie de l'économie du Québec, surtout dans les régions du Nord, est composée d'industries saisonnières. Je tiens à mettre l'accent sur les mots « industries saisonnières », car ce ne sont pas les travailleurs qui sont saisonniers, mais les industries. Avec les taux de prestations et le nombre de semaines actuels, on se retrouve avec des gens qui sont dans ce qu'on appelle le trou noir, c'est-à-dire que pendant une certaine période de temps, ils n'ont accès à aucun revenu, à moins de recevoir de l'aide à l'emploi, qui est le dernier filet, si on veut, au Québec. Cependant, l'admissibilité à cette aide n'est pas grande non plus. On se retrouve donc avec des gens qui, entre autres sur la Côte-Nord, sont à bout de ressources. On nous le dit: la goutte va faire déborder le vase. Nous sommes donc ici pour vous dire qu'il faut que ça change (Sébastien Duclos, Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi, réseau québécois)42
Recommandation 11
Le Comité recommande que le droit maximal aux prestations régulières soit porté à 50 semaines comme dans le cas des prestations spéciales.
Recommandation 12
Le Comité recommande que, après avoir évalué le projet pilote qui accorde cinq semaines de prestations de plus dans les régions à chômage élevé et consulté la Commission de l’assurance-emploi proposée, le gouvernement modifie le droit aux prestations de manière à offrir une incitation supplémentaire à travailler plus longtemps que le nombre d’heures minimal nécessaire pour avoir droit aux prestations.
Recommandation 13
Le Comité recommande que la Commission de l’assurance-emploi proposée consulte les cotisants et fasse rapport au gouvernement sur la possibilité de verser une prestation supplémentaire passé la période maximale de 50 semaines de manière à aider les travailleurs de 50 ans et plus qui sont mis à pied à faire face à une période de chômage. Le montant de la prestation supplémentaire et sa durée devraient dépendre des cotisations cumulées au régime d’AE.
III. Prestations hebdomadaires et moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable
La Loi sur l’assurance-emploi a réduit le maximum de la rémunération annuelle assurable et l’a fixée à 39 000 $ jusqu’en 2000. En 2001, la Loi a été modifiée et une nouvelle méthode d’indexation du maximum de la rémunération annuelle assurable a été créée. Selon l’article 4 de la Loi, le maximum de la rémunération annuelle assurable restera à 39 000 $ tant que la valeur de la moyenne annualisée de la rémunération hebdomadaire, déterminée par une formule établie dans la Loi, n’excédera pas ce seuil43. Pour l’année 2004, la valeur de la moyenne annualisée de la rémunération hebdomadaire, telle que déterminée par la formule, était de 36 200 $ (696 $ par semaine); cette somme est bien inférieure au maximum actuel et indique à quel point le maximum de la rémunération hebdomadaire assurable dépassait la rémunération hebdomadaire moyenne avant la réforme de l’AE. Bien que certains témoins aient laissé entendre qu’il fallait hausser le maximum de la rémunération hebdomadaire assurable, d’autres et notamment les représentants des employés n’étaient pas de cet avis.
Une augmentation du montant de la rémunération assurable maximale nous semblerait prématurée. D’une part, elle viendrait gonfler davantage le surplus de 2005, ce que nous ne désirons pas. D’autre part, il s’agirait d’une bonification au régime, dont le mérite, à notre avis, devrait être évalué dans le contexte d’une analyse globale de l’ensemble des paramètres du régime. (Pierre Séguin, Centrale des syndicats du Québec)44
Certains ont proposé de majorer les prestations hebdomadaires d’AE en faisant passer le taux de la prestation de 55 à 60 p. 100 de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable.
Une autre proposition visant à hausser les prestations hebdomadaires, à laquelle les témoins représentant les travailleurs ont souscrit à l’unanimité, consisterait à éliminer la règle actuelle du dénominateur et à la remplacer par un calcul plus équitable de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable tout en constituant un incitatif au travail.
[…] si le taux de prestation est modifié ou amélioré, la meilleure façon de le faire est de se baser sur les 12 meilleures semaines de rémunération au cours des 12 derniers mois et de se débarrasser de cet absurde dénominateur, une formule capricieuse et vilaine qui accomplit toutes les mauvaises choses pour les mauvaises personnes au mauvais moment. (Kevin Hayes, Canadian Labour Congress) 45
Dans le cas des 12 meilleures semaines, des 10 meilleures et des 14 meilleures, peu importe, laissez tomber le dénominateur. Cela pénalise ceux qui acceptent n’importe quel travail qui se présente. (Robert Blakely, Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien)46
En fait, on a un système qui dissuade les gens d’accepter n’importe quel travail. Certaines personnes sont obligées de refuser du travail afin d’avoir un revenu acceptable durant l’hiver. Nous avons plusieurs exemples bien concrets de personnes faisant le même travail, une à côté de l’autre; l’une travaille seulement pendant les 14 semaines de pointe tandis que l’autre entre chaque fois qu’on l’appelle. La deuxième personne aura un revenu d’environ 4000 $ de moins par année c’est la réalité, ce n’est pas de la fiction que la personne qui travaille seulement pendant 14 semaines. Ainsi, une personne fait 30 semaines, accepte tout le travail qui lui est offert, est toujours là, est très loyale envers l’entreprise, experte dans son
domaine, tandis que l’autre n’accepte pas tout le travail qu’on lui offre mais touche un revenu plus élevé. Plus on travaille dans ce genre de situation et ce genre d’industrie, moins on gagne. Des cas bien réels le prouvent. (Gilles LeBlanc, Comité des changements à l’assurance-emploi Sud-Est du Nouveau-Brunswick)47
[…] si le gouvernement acceptait de prendre les 14 ou les 10 meilleures semaines, comme le veut M. Godin, le diviseur disparaîtrait à ce moment-là, parce qu’on diviserait la rémunération totale sur les 10 ou 14 semaines par 10 ou par 14 et cela donnerait une moyenne de salaire … Le problème que nous vivons présentement c’est que lorsqu’un travailleur saisonnier fait une demande d’assurance-emploi, si au moment où il fait sa demande il arrive que le taux de chômage dans sa région soit bas, on augmente le diviseur. Quelqu’un peut avoir travaillé au cours de sa saison 15 ou 16 semaines et c’est presque le maximum qu’un travailleur saisonnier, en tous cas dans le nord-ouest, va œuvrer dans la forêt, mis à part un emploi bien particulier. Dans le secteur de la forêt on travaille 14 ou 15 semaines au cours de la saison … Après avoir travaillé 15 semaines, s’il va faire sa demande d’assurance-emploi et que par exemple le diviseur est 18, on prend le total de ses 15 semaines et on le divise par 18, ce qui ne donne pas du tout une moyenne hebdomadaire. Cela donne un montant inférieur à la moyenne. C’est à partir de ce nouveau chiffre que se base l’assurance-emploi pour calculer la prestation. Si vous avez d’autres questions à ce sujet, je peux continuer. (Normand Carrier, Comité d’étude sur le travail saisonnier)48
[…] nous ne nous sommes jamais prononcés pour dire que cela devrait être les 10, les 12 ou les 14 meilleures semaines. Ce qui est clair actuellement, c'est que la méthode utilisée pour établir la moyenne de salaire en se basant sur la période de référence, surtout avec la règle du dénominateur telle qu'on l'applique actuellement, a réellement pour but de planter les travailleurs et les travailleuses. (Marc Bellemare, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec)49
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que les meilleures semaines, qu’il y en ait 10 ou 14, conviendraient. Le problème c’est que rien n’a encore été fait. (Rodrigue Landry)50
Les membres du Comité sont bien conscients que la règle du dénominateur a pour but de renforcer la participation à la vie active. Cependant, presque tous les groupes représentant les employés qui ont comparu devant le Sous-comité voyaient dans le dénominateur une règle injuste et un irritant de taille. Il est jugé inéquitable parce qu’il pénalise les travailleurs qui satisfont à la période d’admissibilité minimale requise, mais qui sont incapables de faire deux semaines additionnelles avec une rémunération hebdomadaire au moins égale à celle de la période d’admissibilité minimale. De plus, cette règle ne tient pas compte des semaines au cours desquelles une rémunération élevée a été touchée durant la période d’admissibilité, mais avant le début de la période de calcul du taux (c’est-à-dire les 26 dernières semaines de la période d’admissibilité). Enfin, et ce point est très important, cette règle encourage certains travailleurs à limiter leurs heures de travail durant la période de calcul du taux malgré le traitement actuel des « petites semaines »51.
Bien des membres du Comité se rangent à l’idée de réformer la règle du dénominateur. Certains d’entre nous ont toutefois des opinions partagées quant à la période dont on devrait tenir compte dans le calcul de la rémunération assurable moyenne et au nombre de semaines dont on devrait tenir compte. Certains témoins ont souscrit à une règle des 14 meilleures semaines à l’intérieur de la période d’admissibilité de 52 semaines, mais ce dénominateur uniforme est à la fois arbitraire et potentiellement désavantageux pour les personnes qui peuvent obtenir assez d’heures pour être admissibles mais qui sont incapables d’obtenir deux semaines de travail additionnelles avec une rémunération hebdomadaire au moins égale à celle de la période d’admissibilité minimale. Le choix des « meilleures » semaines dans toute la période d’admissibilité semble offrir la période de référence la plus juste pour déterminer la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable. Quant au nombre de semaines devant servir au calcul de la moyenne à l’intérieur de cette période, l’approche la moins arbitraire semble être l’équivalent en semaines du seuil minimal d’admissibilité en heures.
Recommandation 14
Le Comité recommande que le gouvernement abolisse la méthode actuelle de calcul de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable et adopte à la place une période de calcul du taux qui serait égale à la période d’admissibilité. Seules les semaines ayant la plus forte rémunération dans la nouvelle période de calcul du taux seraient considérées et la moyenne de la rémunération serait calculée sur les 12 meilleures semaines d’emploi assurable.
Recommandation 15
Le Comité recommande que le gouvernement porte le taux des prestations de 55 à 60 p. 100 de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable.
Recommandation 16
Le Comité recommande que le gouvernement, après avoir consulté la Commission d’assurance-emploi proposée, lance un projet-pilote à l’ensemble du pays visant à évaluer l’impact d’un taux de prestation variable qui se situerait entre 61 et 65 p. 100 de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable, selon le nombre d’heures assurables travaillées en sus de la période d’admissibilité minimale en heures.
IV. Mettre l’accent sur les compétences en milieu de travail
À mesure que la population active vieillit et que sa croissance ralentit, on s’expose à un risque de pénurie grave de compétences sur le marché du travail. Partout au pays, les petites et moyennes entreprises ont déjà beaucoup de difficulté à recruter les travailleurs dont elles ont besoin pour demeurer concurrentielles et profiter des possibilités de croissance. Selon l’information recueillie par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (Labour Pains: Results of CFIB Surveys on Labour Availability avril 2003), près de 60 p. 100 des petites et moyennes entreprises prévoient avoir de la difficulté à engager des travailleurs dans les trois prochaines années. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles parce que ce sont ces entreprises qui assurent en grande partie la croissance des emplois au pays.
On a aussi fait valoir le fait qu'il y a une pénurie de travailleurs au Canada. Ce n'est pas la situation partout, mais cela indique quand même que l'économie a beaucoup changé au cours des 20 dernières années. Alors, ne devrait-on pas examiner cette dynamique et voir comment on peut améliorer le programme, de façon à mieux répondre aux besoins des gens qui n'ont pas d'emploi au Canada? (André Piché, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante)52
Le gouvernement fédéral n’est pas sans reconnaître l’importance d’encourager les personnes et les entreprises à investir dans le capital humain, mais il a surtout tendance à mettre l’accent sur l’enseignement supérieur. En effet, on se préoccupe moins d’offrir de la formation en milieu de travail et d’aider les travailleurs en chômage à obtenir les bonnes compétences pour être réengagés. En ce qui concerne ce dernier point, l’aide à l’adaptation au marché du travail est fournie principalement par les prestations d’emploi et mesures de soutien, en vertu de la Partie II de la Loi sur l’assurance-emploi. Cette aide est acheminée dans le cadre des ententes sur le développement du marché du travail. Seuls les chômeurs touchant des prestations d’AE ou les personnes qui ont reçu des prestations régulières, des prestations de maternité ou des prestations parentales au cours des trois ou cinq dernières années respectivement sont admissibles à cette aide; or, cette clientèle exclut de nombreuses personnes en chômage. Selon l’article 78 de la Loi sur l’assurance-emploi, la somme maximale qui peut être consacrée aux prestations d’emploi et mesures de soutien dans une année donnée ne peut pas dépasser 0,8 p. 100 de toute la rémunération assurable calculée par la CAEC. En 2004-2005, on prévoit affecter à ces prestations 2,2 milliards de dollars, soit 0,6 p. 100 de toute la rémunération assurable calculée. Malgré les nombreuses années où l’on a enregistré un excédent de fin d’année dans le Compte d’AE, les dépenses à l’égard de ces mesures ont été relativement constantes et toujours bien en deça de la limite prévue dans la Loi.
Plusieurs témoins ayant comparu devant le Sous-comité ont indiqué qu’il faudrait accroître l’aide fournie dans le cadre de l’AE pour aider à la fois les employeurs et les travailleurs à acquérir les compétences nécessaires dans les milieux de travail d’aujourd’hui. Une autre suggestion a été faite à cet égard, à savoir que l’AE devrait prévoir 40 heures de formation à chaque travailleur par année. Cette formation s’apparenterait à l’aide qui est fournie par l’AE aux apprentis pendant qu’ils sont inscrits à de la formation en classe.
Nous recommandons également que les prestations d’assurance régulières actuellement offertes à ceux qui suivent de la formation en apprentissage soient élargies de manière à inclure de la formation en milieu de travail pour tous les membres de la population active, tant les employés que les sous-employés. (Hassan Yussef, Congrès du travail du Canada)53
Il a aussi été suggéré que l’AE serve à éponger les coûts de formation des travailleurs qui remplacent d’autres travailleurs qui touchent des prestations de maternité et des prestations parentales. On a aussi proposé d’élargir le rôle de l’AE qui consiste à faciliter l’adaptation au marché du travail et d’inclure la disposition d’aide à la mobilité.
J’aborderai la question du congé parental. Un de nos membres employait cinq personnes. En un an, il a perdu quatre d’entre elles, qui ont pris un congé parental. Il a dû former de nouveaux employés. Nous ne nous opposons pas au congé parental, mais personne n’a songé à ses répercussions sur cette entreprise. Nous pensons qu’il aurait fallu prévoir une compensation. Il existe des solutions à cet égard. (Garth Whyte, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante) 54
Nous estimons qu’il serait judicieux d’offrir des incitatifs aux travailleurs pour qu’ils acceptent des postes dans d’autres régions, comme dans le cadre du programme de mobilité temporaire qui faisait partie du programme d’assurance-emploi il y a quelques années et, en même temps, d’aider les employeurs à supporter les coûts supplémentaires associés au déplacement des gens d’une région à une autre. Il ne s’agit pas seulement de défrayer les coûts de déménagement et ainsi de suite, mais parfois aussi les frais de licence et d’examens en vue de délivrer à ces gens les autorisations nécessaires pour aller exercer leur métier dans une autre région du pays. (Dennis Ryan, Association canadienne de la construction)55
Il y a un nombre important de personnes qualifiées dans qui le Canada a investi. Prenez de l’argent de l’AE et déménagez-les là où il y a du travail. C’est dans notre industrie la construction. (Robert Blakely, Département des métiers de la construction, FAT-COI, Bureau canadien)56
En dernier lieu, on a dit au Sous-comité que dans certains cas, l’efficacité de l’aide à l’adaptation fournie dans le cadre de l’AE était douteuse et qu’il fallait faire davantage pour que ces sommes permettent d’assurer une véritable formation et l’acquisition des compétences requises pour trouver et garder un emploi.
Chez nous, il y a un « trou noir » bien connu au chapitre de la durée. Votre prestation s’épuise et puis il y a une période où on touche de l’aide sociale. Pour bien des travailleurs des usines de traitement du poisson dans la péninsule acadienne, c’est ça la réalité. On les renvoie sur les bancs d’école faire de petites choses qui ne sont pas de la formation très constructive. Il faudrait envisager de se servir de cet argent pour les former correctement et offrir de la formation constructive, pas ce genre de travail où les gens s’assoient sur des bancs d’école parce que le système ne leur permet pas de toucher des prestations pendant cette période. (John Gagnon, Fédération des travailleurs et des travailleuses du Nouveau-Brunswick)57
Bien sûr, nous pouvons et nous devons faire mieux. Par exemple, au moment même où je vous parle, nous sommes en train d’évaluer chacun de nos programmes de mesures actives, province par province. Nous le faisons en partenariat avec les provinces car, comme vous le savez, ce sont elles qui s’occupent de la mise en œuvre des mesures actives. (Andrew Treusch, Ministère des Ressources humaines, Politique stratégique et planification)58
Recommandation 17
Le Comité recommande qu’une fois terminée l’évaluation de l’efficacité des prestations d’emploi et mesures de soutien, le gouvernement fédéral se serve de cette information, dans toute la mesure du possible, pour faire en sorte que les dépenses effectuées dans le cadre de la nouvelle génération des ententes de développement du marché du travail portent exclusivement sur les mesures qui ont atteint les résultats escomptés59. De plus, le gouvernement fédéral doit négocier avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour établir un processus d’appel à l’intention des personnes qui se voient refuser l’accès aux prestations d’emploi et aux mesures de soutien.
Recommandation 18
Le Comité recommande de modifier la Loi sur l’assurance-emploi par l’ajout d’une aide à la mobilité dans les prestations d’emploi et mesures de soutien. L’aide à la mobilité ne serait versée qu’après vérification et confirmation d’un emploi. Comme les autres prestations d’emploi et mesures de soutien, cette aide reposerait sur la participation volontaire.
Recommandation 19
Le Comité recommande que le gouvernement modifie l’article 78 de la Loi sur l’assurance-emploi pour exiger qu’au moins 0,8 p. 100 de toute la rémunération assurable calculée soit affectée aux prestations d’emploi et mesures de soutien et qu’on se serve des fonds additionnels rendus ainsi disponibles pour assurer une formation valable aux personnes qui sont admissibles dans une définition plus inclusive de « participant » selon l’article 58 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Recommandation 20
Le Comité recommande que le gouvernement lance un projet pilote pour évaluer l’efficacité d’un remboursement de cotisations aux employeurs qui 1) offrent de la formation pour contrer les pénuries de compétences; 2) absorbent des coûts de formation au moment de remplacer des travailleurs qui touchent des prestations de maternité ou des prestations parentales; 3) assurent de la formation aux travailleurs saisonniers et âgés; et 4) offrent des cours d’alphabétisation en milieu de travail à leurs employés. Si le projet pilote permet de constater l’efficacité de cet incitatif à la formation, celui-ci devrait devenir une composante standard du régime d’assurance-emploi et son coût ne devrait pas faire partie de la limite de dépense prévue à l’article 78 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Recommandation 21
Le Comité recommande que le gouvernement modifie la Loi sur l’assurance-emploi pour exempter les travailleurs agricoles étrangers et leurs employeurs de cotiser à l’assurance-emploi.
Recommandation 22
Étant donné l’incidence grandissante du travail autonome sur le marché du travail au Canada, le Comité recommande que le gouvernement envisage la création d’un cadre pour étendre l’application du régime d’AE, tant pour les prestations régulières que spéciales, aux travailleurs autonomes.
Recommandation 23
Le Comité recommande que le gouvernement modifie le Règlement sur l’assurance-emploi afin de ne pas tenir compte du revenu de pension, de l’indemnité de départ et de congé annuel payé dans le calcul de la rémunération aux fins des prestations.
Recommandation 24
Le Comité recommande au gouvernement de modifier le paragraphe 5(3) (et, au besoin, l’alinéa 5(2)i)) de la Loi sur l’assurance-emploi afin de supprimer la présomption de culpabilité en cas de lien de dépendance entre l’employeur et l’employé.
Recommandation 25
Le Comité recommande que le gouvernement veille à ce que chaque bureau de district du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences dispose d’un conseiller pour les prestataires.
Recommandation 26
Le Comité recommande que le délai de carence de deux semaines soit supprimé pour ceux qui participent à une formation approuvée.
Recommandation 27
Le Comité recommande que le gouvernement étudie la possibilité de prolonger les prestations de maladie de 35 semaines pour ceux qui souffrent d’une maladie prolongée et grave.
Recommandation 28
Le Comité recommande que le gouvernement étudie la possibilité d’étendre les prestations de compassion aux familles dont les enfants doivent recevoir des soins médicaux à l’extérieur de la localité où ils habitent.
35 | SFAE, séance no 2 (19:45), lundi 15 novembre 2004. |
36 | SFAE, séance no 3 (15:40), mercredi 17 novembre 2004. |
37 | SFAE, séance no 4 (15:50), mercredi 24 novembre 2004. |
38 | SFAE, séance no 2 (20:45), lundi 15 novembre 2004 |
39 | SFAE, séance no 4 (15:40), mercredi 24 novembre 2004. |
40 | Le paragraphe 7(4) définit la personne qui devient ou redevient membre de la population active comme celle qui, au cours de la période d’admissibilité, a cumulé moins de 490 heures d’emploi assurable au cours desquelles des prestations lui ont été payées (chaque semaine de prestations se composant de 35 heures), moins de 490 heures reliées à un emploi sur le marché du travail, tel qu'il est prévu par règlement, ou moins 490 de l’une ou l’autre de ces heures. En outre, le paragraphe 7(4.1) dispose que l’assuré n’est pas une personne qui devient ou redevient membre de la population active si elle a reçu au moins une semaine de prestations de maternité ou de prestations parentales au cours de la période de 208 semaines qui précède la période de 52 semaines précédant le début de sa période de référence. |
41 | SFAE, séance no 4 (16:15), mercredi 24 novembre 2004. |
42 | SFAE, séance no 4 (15:40), mercredi 24 novembre 2004. |
43 | La formule est 52 x A x B où A = la moyenne sur 12 mois (se terminant le 30 juin de l’année précédente) de la moyenne mensuelle de la rémunération hebdomadaire et où B = le ratio de A sur la moyenne sur 12 mois (se terminant 12 mois avant le 30 juin de l’année précédente) de la moyenne mensuelle de la rémunération hebdomadaire. Si la somme produite par ce calcul dépasse 39 000 $, le maximum de la rémunération annuelle assurable (MRAA) pour l’année en question serait cette somme arrondie à la baisse au plus proche multiple de 100 $. La MRAA des années subséquentes serait égale à la MRAA de l’année précédente, avant d’avoir été arrondie au plus proche multiple de 100 $, multipliée par B. Si cette somme n’est pas un multiple de 100 $, elle doit aussi être arrondie à la baisse au plus proche multiple de 100 $. La rémunération hebdomadaire moyenne à laquelle ce calcul fait référence est l’indice de l’ensemble des activités économiques du pays, calculé et publié chaque mois par Statistique Canada. |
44 | SFAE, séance no 2 (19:25), lundi 15 novembre 2004. |
45 | Ibid. (20:10). |
46 | SFAE, séance no 4 (16:55), mercredi 24 novembre 2004. |
47 | Ibid. (15:50). |
48 | Ibid. (16:45). |
49 | SFAE, séance no 2 (20:00), lundi 15 novembre 2004. |
50 | SFAE, séance no 4 (16:25), mercredi 24 novembre 2004. |
51 | Depuis septembre 2003, les semaines au cours desquelles un travailleur gagne moins de 225 $ n’entrent pas dans le calcul de la moyenne de la rémunération hebdomadaire assurable, à condition que le travailleur ait suffisamment de semaines ordinaires pour satisfaire au taux régional de chômage, comme il est prévu à l’alinéa 14(2)b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Si ce n’est pas le cas, les petites semaines entrent dans le calcul. |
52 | SFAE, séance no 3 (16 :45) mercredi 17 novembre 2004. |
53 | SFAE, séance no 2 (19:35), lundi, 15 novembre 2004. |
54 | SFAE, séance no 3 (16:00), mercredi 17 novembre 2004. |
55 | Ibid. (15:25). |
56 | SFAE, séance no 4 (16:55), mercredi 24 novembre 2004. |
57 | Ibid. (15:30). |
58 | SFAE, séance no 4 (11:45), mercredi 24 novembre 2004. |
59 | Le Bloc québécois soutient que le gouvernement fédéral devrait respecter les ententes entre Québec et Ottawa visant le développement du marché du travail. |