Passer au contenu
;

NDDN Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3: LE PROJET A-T-IL ÉTÉ BIEN GÉRÉ?

Transition complexe entre l’ancien et le nouvel équipement

Remplacer de l’équipement ancien et obsolète par un nouvel équipement à la fine pointe de la technologie est l’un des plus grands défis auxquels sont confrontées les forces armées modernes. Le succès de l’opération est tributaire dans une grande mesure d’un processus de sélection préparé et exécuté avec soin et en temps opportun. Divers facteurs entrent en ligne de compte, entre autres les capacités militaires dont a besoin un pays pour se défendre et protéger ses intérêts, les forces et les faiblesses du matériel proposé par les fabricants ou les pays pour remplacer l’équipement désuet, le prix du nouvel équipement et le soutien qu’il faudra prévoir durant son cycle de vie en plus du reste des exigences imposées au budget de la défense. L’entraînement dispensé au personnel appelé à utiliser le nouveau matériel constitue un autre élément important du processus de transition. Les membres de l’équipage des nouveaux aéronefs, navires ou véhicules de combat doivent posséder le niveau d’excellence requis non seulement pour veiller au bon fonctionnement de ces plateformes dans leur environnement particulier, que ce soit dans une situation de combat ou en temps de paix, mais également pour assurer leur retour à la base en toute sécurité chaque fois qu’elles sont utilisées. Ils doivent également avoir été entraînés au travail d’équipe et en avoir fait l’expérience afin de pouvoir coordonner le fonctionnement des divers éléments de leur plateforme, dont les systèmes de propulsion, de détection et d’armes. Les améliorations technologiques importantes apportées au cours des dernières décennies ont permis de réduire la charge de travail des membres de l’équipage qui utilisent et entretiennent les différents systèmes des aéronefs, navires ou véhicules. Ces engins, détecteurs et autres systèmes, toutefois, demeurent complexes et ceux qui les utilisent et les entretiennent doivent recevoir un entraînement très poussé pour pouvoir les exploiter efficacement dans des circonstances les plus difficiles.

L’acquisition des sous-marins Upholder du Royaume-Uni a marqué, pour la Marine canadienne, le début d’une période de transition difficile entre les anciens sous-marins et les nouveaux. Bien que les sous-marins Upholder de construction récente renferment beaucoup de composants de la technologie des années 1980, ils incorporent quand même bon nombre d’améliorations technologiques comparativement aux anciens sous-marins Oberon, dont la technologie remonte aux années 1950 et 1960. À part le système de propulsion, on relève beaucoup de similitudes avec les derniers sous-marins à propulsion nucléaire tels les sous-marins britanniques de classe Trafalgar. Quoi qu’il en soit, tout ce qui a trait aux sous-marins, qu’ils soient diesels-électriques ou nucléaires, suppose des complexités qui s’ajoutent à la tâche déjà difficile de remplacer l’ancien équipement par du neuf. Les bâtiments de guerre de surface comme les frégates et les destroyers sont des navires compliqués comprenant de nombreuses pièces d’équipement, y compris les moteurs, les génératrices et les pompes nécessaires pour résister aux rigueurs de la navigation en haute mer. Ils sont également dotés de systèmes de détection et d’armes ayant leurs propres exigences de soutien et d’entretien pour participer à des opérations de combat. Les sous-marins sont aussi complexes que les bâtiments de guerre de surface et sont, de plus, équipés pour pouvoir mener des opérations furtives en toute sécurité sous l’eau, notamment une coque perfectionnée et des procédures opérationnelles bien rodées. Bref, la nature même de l’exploitation des sous-marins exige un niveau minimum d’état de fonctionnement des différents systèmes et beaucoup d’entraînement et d’expérience chez les membres de l’équipage.

Il ne fait aucun doute que les planificateurs de la défense et les officiers supérieurs de la Marine au Canada se sont rendu compte que remplacer les anciens sous-marins Oberon par les sous-marins Upholder plus modernes serait une tâche complexe. Il y a trop d’exemples dans l’histoire militaire du Canada et d’autres pays où il a fallu réparer les nombreuses défectuosités du nouveau matériel militaire pour croire que le remplacement de l’ancien équipement ne poserait aucune difficulté. Comme l’a fait remarquer un témoin, les médias ont publié plusieurs articles au début des années 1990 au sujet des problèmes rencontrés lors de la mise en service des nouvelles frégates. Les vraies défectuosités ont été corrigées il y a longtemps et plus personne ne parle des défectuosités imaginaires. Les planificateurs et les officiers s’attendaient donc à éprouver des difficultés durant la période de transition entre les anciens et les nouveaux sous-marins.

Tout semble indiquer toutefois que les planificateurs et les officiers supérieurs de la défense ont sous-estimé la complexité du projet de remplacement des sous-marins Oberon par les sous-marins Upholder. Ils ont peut-être fondé leurs estimations sur des renseignements incomplets et des évaluations parfois trop optimistes de l’état des nouveaux sous-marins de classe Victoria, dans leur ensemble ou en partie, et de l’incidence des retards sur l’instruction et d’autres aspects de la transition. Par exemple, M. Williams, sous-ministre adjoint (Matériels), a souligné qu’on avait initialement prévu que les coûts opérationnels de la «  canadianisation  » des sous-marins Upholder seraient à peu près les mêmes que ceux des sous-marins Oberon. Il a affirmé : «  C’était peut-être naïf de notre part, mais c’est ce que nous espérions, en partie parce que l’un des avantages de cette classe, évidemment, est qu’elle nécessite moins de personnel, ou de marins, pour faire fonctionner le navire59  ». On s’attend maintenant à ce que les coûts opérationnels des sous-marins Upholder canadianisés soient environ 25 p. 100 de plus que ceux des sous-marins Oberon par rapport à l’estimation initiale. Par conséquent, le rapport de mai 2003 du Chef – Service d’examen du ministère de la Défense nationale laisse entendre qu’il faudra peut-être réduire le nombre de jours d’opération en mer à moins de trouver les fonds nécessaires pour financer les opérations et l’entretien60. Donc, la capacité des sous-marins à s’acquitter de la tâche pour laquelle ils ont été achetés pourrait être beaucoup plus limitée que prévu parce que l’on a sous-estimé les coûts opérationnels. Même si des fonds additionnels étaient alloués pour financer les coûts opérationnels supérieurs, ces fonds risquent d’être le fait d’un simple réaménagement de l’enveloppe budgétaire de la Marine au détriment d’autres capacités et de l’état de préparation de nos forces maritimes. D’une façon ou d’une autre, cela rendrait moins convaincants les arguments en faveur de l’acquisition des sous-marins pour la capacité accrue qu’ils peuvent fournir à la flotte canadienne.

Les conséquences de la longue période d’inactivité des sous-marins Upholder au Royaume-Uni ont également été sous-estimées ainsi que le temps prévu pour corriger les défectuosités relevées avant et après que le Canada en prenne possession. Le capitaine (Marine) M. F. Williamson, directeur du Programme de prolongation de la durée de vie des sous-marins, a dit au Comité qu’avant la remise des sous-marins Upholder au Canada, durant la période de préparation ou de réactivation, le plan était de les livrer individuellement à six mois d’intervalles. Mais les représentants et les entrepreneurs britanniques «  se sont vite rendu compte que la somme de travail requise pour remettre les sous-marins dans un état acceptable était plus grande  ». Le capitaine Williamson a ajouté, en parlant des représentants britanniques, que «  [l]a période de réactivation […] a été plus longue qu’ils l’auraient voulu, mais nous n’avons jamais sacrifié la sûreté au profit du temps61  ». Personne ne met en doute le fait que peu importe le retard accusé, le processus de réactivation devait être bien fait afin que tous les sous-marins et leurs nombreux systèmes complexes soient fonctionnels pour pouvoir traverser l’océan Atlantique. Le Comité est préoccupé toutefois par le nombre d’éléments figurant dans la liste des réparations à faire d’après les certificats de réception signés par les représentants canadiens et britanniques pour chacun des quatre sous-marins Upholder lorsqu’ils ont été remis au Canada. La délégation de militaires et de fonctionnaires du Ministère qui s’est rendue au Royaume-Uni pour inspecter les sous-marins Upholder en 1995 avait relevé certains problèmes. Toutefois, comme l’ont souligné des témoins ayant l’expérience des opérations navales, il arrive souvent que les pièces de l’équipement électronique ou autre des navires en mer ne soient pas toujours en parfait état. Certaines pièces sont plus importantes que d’autres pour garantir la navigabilité d’un bâtiment ou, en fait, d’un aéronef. À moins que le rapport de la commission d’enquête sur l’incendie à bord du HMCS Chicoutimi ou d’autres études ne prouvent le contraire, les sous-marins pourraient prendre la mer, semble-t-il, malgré les problèmes à régler ou les réparations à faire. Quoi qu’il en soit, le Comité étudiera avec intérêt le rapport de la commission d’enquête. Au cours de ses propres travaux, certains de ses membres ont exprimé des inquiétudes au sujet de l’objectivité de la Marine dans son enquête sur l’incident survenu à bord du Chicoutimi, étant donné l’implication de celle-ci dans l’acquisition des sous-marins. Tel qu’il était indiqué dans l’introduction, le Comité pourrait produire d’autres rapports sur le sujet si celui de la commission d’enquête lui apparaissait insatisfaisant.

Une instruction qui ne s’est pas déroulée selon les plans

La remise en service des Upholder ayant pris plus de temps que prévu, le Chicoutimi, le dernier des quatre submersibles à être remis au Canada, a amorcé son voyage transatlantique en octobre 2004, soit six ans après la signature des contrats, en juillet 1998. Les délais dans la remise en état des sous-marins et le processus de canadianisation ont inévitablement retardé l’instruction des sous-mariniers canadiens. Le niveau de formation des équipages canadiens a soulevé des inquiétudes par suite de l’incendie survenu à bord du Chicoutimi, mais certains des problèmes mentionnés avaient trait à des périodes précises du processus de conversion. Au moment de la signature des contrats, en 1998, il avait été entendu que les sous-mariniers se rendraient sur place, c’est-à-dire au Royaume-Uni, apprendre le fonctionnement des différents systèmes des Upholder et acquérir l’expérience nécessaire pour ramener ceux-ci jusqu’à leurs nouveaux ports d’attache au Canada. Rendus ici, et après le processus de canadianisation, les nouveaux sous-marins devaient servir à des exercices en mer afin que les sous-mariniers canadiens puissent maintenir leurs compétences et développer le maximum d’efficacité opérationnelle. Les divers simulateurs prévus dans les contrats et destinés à l’instruction des équipages canadiens étaient censés être livrés au Canada et transportés à Halifax pour que l’instruction puisse s’y poursuivre. Déjà assez complexe sur papier et supposant une série d’étapes ordonnée, le processus d’instruction s’est transformé en une longue suite d’échéances ratées, d’activités décalées et de délais prolongés.

En raison du temps qu’il a fallu attendre avant d’obtenir du Cabinet la permission de faire l’acquisition des Upholder, le nombre de sous-mariniers d’expérience et dûment formés au sein de la Marine a diminué à la fin des années 1990, alors que s’était amorcé le retrait progressif des vieux sous-marins Oberon. Des sous-mariniers chevronnés ont quitté les Forces canadiennes pendant la période plus longue que prévue entre la mise au rancart des Oberon et l’arrivée des Upholder. Il a donc fallu former de nouveaux sous-mariniers pour compléter les équipages devant se rendre au Royaume-Uni pour y recevoir l’instruction de conversion nécessaire, conformément aux ententes qui avaient été conclues. C’est à cette période que, de l’avis de certains critiques du processus d’acquisition, tels que Peter Kavanagh, ancien capitaine de sous-marin dans la Marine canadienne, maintenant à la retraite, l’instruction des nouveaux sous-mariniers laissait parfois à désirer, surtout en ce qui a trait au temps de service en mer62. Il s’agissait de ce que certains ont appelé la période d’acquisition du dauphin, c’est-à-dire de l’insigne accordé à un nouveau sous-marinier au terme de sa formation réglementaire, l’équivalent des ailes pour un nouveau pilote. On a entendu des témoignages contradictoires au sujet du niveau d’instruction à cette étape du processus de conversion, mais M. Kavanagh et d’autres observateurs estiment que l’instruction des sous-mariniers s’est améliorée depuis. Qu’il y ait eu urgence ou non pour former de nouveaux sous-mariniers afin qu’ils puissent recevoir l’instruction de conversion au Royaume-Uni, bon nombre des marins canadiens envoyés au Royaume-Uni ont dû attendre des mois dans ce pays, leur instruction faite, avant que les Upholder ne soient finalement remis en état. En raison des délais causés par le processus de remise en état et l’apport des correctifs nécessaires, la canadianisation des Upholder a pris du retard. D’autres facteurs ont aussi ralenti le processus de canadianisation, dont les exigences élevées auxquelles devaient répondre la Marine et les installations de maintenance de la flotte par suite de l’Opération Apollo, la contribution du Canada à la lutte contre le terrorisme déclenchée au lendemain des attentats du 11 septembre. On se souvient que la Marine avait, pour l’occasion, déployé des navires dans le golfe d’Oman et la mer d’Arabie. La cadence des opérations entre 2001 et 2003 figure également parmi les causes imprévues de retards. Par conséquent, même si la majorité des sous-marins avaient été livrés au Canada, il a été impossible de leur faire passer autant d’heures en mer qu’on aurait voulu pour que nos sous-mariniers d’expérience puissent maintenir leur niveau de compétence et que les nouvelles recrues puissent apprendre à maîtriser les rudiments du métier. Il est vrai que les simulateurs permettent d’effectuer plus d’instruction dans des installations à terre qu’à l’époque des Oberon. Le Comité a pu examiner ces simulateurs au cours de sa visite à Halifax, en novembre 2004. Il n’en demeure pas moins qu’il a fallu plus de temps que prévu pour faire venir ces appareils au Canada, depuis le Royaume-Uni. Et leur installation et leur mise en opération à Halifax ont entraîné des retards supplémentaires dans le calendrier d’instruction.

Bref, il semble que presque tout ce qui pouvait mal tourner dans l’instruction des nouveaux sous-mariniers canadiens comme des sous-mariniers chevronnés a effectivement mal été. Ajoutons à cela d’autres problèmes. Par exemple, même si la Marine canadienne avait depuis longtemps l’habitude de coopérer avec la Marine royale britannique, les planificateurs canadiens n’avaient pas compris toutes les implications de la décision prise par celle-ci, en 1996, de confier à Flagship Training Limited, une entreprise privée britannique, l’instruction de tous les marins britanniques, pas seulement les sous-mariniers. C’est cette même entreprise qui devait fournir l’instruction de conversion aux sous-mariniers canadiens au Royaume-Uni. D’après un des documents sur le sujet fourni au Comité par le ministère de la Défense nationale, la Marine canadienne était habituée de traiter d’égal à égal avec la Marine royale pour régler des questions d’instruction, et elle voyait tout à coup diminuer le nombre de ses options maintenant qu’il lui fallait traiter à la fois avec une société privée et la Marine royale63. Le fait que les procédures en usage dans la Marine royale n’étaient pas aussi courantes que prévues dans la Marine canadienne et que, cinq ans après le retrait du service des Upholder par les Britanniques, une bonne partie du savoir-faire et de la documentation concernant le fonctionnement de cette classe de sous-marins et l’instruction qu’il exige s’était envolée, suscitaient d’autres problèmes64.

Une des grandes différences quand on achète de nouveaux équipements militaires, au lieu de vieux équipements, c’est que le fabricant continue habituellement de fabriquer ces mêmes produits qu’il vend au Canada et qu’il est en mesure de fournir, seul ou avec l’aide d’autres sociétés, l’instruction de conversion dont ont besoin les militaires canadiens pour les utiliser. Le Canada a fait l’acquisition des quatre seuls sous-marins de la classe Upholder à avoir été fabriqués et, au moment de l’achat, ceux-ci étaient restés inutilisés depuis environ cinq ans. Même si une instruction générale de sous-marinier était facilement accessible, parce que la Marine royale se servait toujours de sous-marins nucléaires, il était plus problématique de fournir aux équipages canadiens une instruction particulière sur les Upholder. Cela ne veut pas dire que l’instruction de conversion était inadéquate, car la Marine royale et la Marine canadienne ont des normes rigoureuses en ce qui a tait aux opérations sous-marines et au niveau d’instruction requis. Cependant, cet épisode démontre encore une fois dans quelle mesure on avait sous-estimé la complexité de la conversion des sous-marins Oberon à ceux de la classe Upholder. Et une des conséquences de cela a été de retarder encore davantage le passage à l’état de capacité opérationnelle totale de ce qu’on appelait maintenant les sous-marins de la classe Victoria. Dans son rapport du mois de mai 2003, le chef du Service d’examen faisait observer que «  compte tenu des retards de la remise en service des sous-marins et de leur incidence sur la capacité de la Marine de former des sous-mariniers, les niveaux de dotation requis pour les sous-marins de la classe Victoria ne seront pas atteints avant 2007, c’est-à-dire au moins un an plus tard que prévu65.  » Et ce pourrait être encore plus tard en raison de la période d’inactivité des sous-marins en attendant les conclusions de la commission d’enquête sur l’incendie à bord du Chicoutimi. Cette période d’inactivité aura sûrement des répercussions sur l’instruction puisqu’il n’existe actuellement aucun sous-marin opérationnel sur lequel les sous-mariniers canadiens pourraient acquérir l’expérience en mer nécessaire.

Toujours dans son rapport de mai 2003, le chef du Service d’examen indique qu’il faut passer six semaines d’instruction en mer, sur un sous-marin opérationnel, avant d’aspirer au titre de sous-marinier qualifié. Le Comité a cependant entendu des témoignages contradictoires sur la quantité de temps en mer que nécessitent l’instruction initiale et le recyclage des sous-mariniers. Les simulateurs représentent de précieux outils de formation, mais ils ne peuvent pas remplacer entièrement le temps en mer. En outre, il semble important d’habituer l’équipage à travailler en équipe, afin de garantir l’opération efficace du sous-marin. Au cours de discussions avec des sous-mariniers à Halifax et ailleurs, les membres du Comité ont eu l’impression que ceux-ci étaient bien entraînés et dévoués à leurs tâches. Toutefois, étant donné les questions soulevées à propos de l’instruction des sous-mariniers et les leçons apprises pendant la formation de recyclage au Royaume-Uni et après le transfert des sous-marins au Canada, la Marine devrait examiner attentivement ses plans d’instruction. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3 :

Que la Marine canadienne entreprenne une révision immédiate de son programme d’instruction des sous-mariniers, afin de s’assurer qu’il produise un nombre suffisant de sous-mariniers qualifiés et qu’il comporte une période d’instruction en mer pour obtenir l’expérience requise à bord d’un sous-marin opérationnel. Le chef d’état-major des Forces maritimes fournira au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants un compte rendu de cette révision.

RECOMMANDATION 4 :

Que le temps d’instruction en mer à bord d’un sous-marin opérationnel dans le cadre de l’instruction initiale et du recyclage des sous-mariniers soit maintenu au niveau actuel ou augmenté, si cela était jugé nécessaire par suite de la révision du programme d’instruction des sous-mariniers canadiens.

Au cours de nos réunions sur l’acquisition des sous-marins, l’incident à bord du Chicoutimi a donné lieu à certaines discussions sur l’instruction offerte au personnel de la Marine en matière de lutte contre les incendies. Une telle instruction étant sans doute donnée, des opinions divergentes ont été exprimées au sujet du réalisme de cette instruction. Il semblerait que l’on fasse parfois usage pour l’occasion de fausse fumée, ce qui ne correspondrait pas vraiment au genre de situations auxquelles le personnel de la Marine, et tout particulièrement les sous-mariniers, peuvent se voir exposés à bord d’un navire. L’histoire de la Marine canadienne a été ponctuée de quelques cas d’incendie et, n’eurent été l’expérience et le courage des équipages, le feu aurait pu se propager au point d’atteindre des proportions incontrôlables et d’entraîner la perte du navire. Il faut néanmoins revoir les procédures et l’instruction dans un domaine aussi important pour la survie d’un navire et de son personnel que la lutte contre les incendies. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 5 :

Que la Marine revoie l’instruction en matière de lutte contre les incendies offerte à tout son personnel à bord des sous-marins et veille à ce que les simulations d’incendie à bord de sous-marins soient aussi réalistes que possible et représentent bien les conditions qui pourraient exister au cours d’un incendie réel à bord d’un sous-marin.

Le besoin d’une analyse rigoureuse des risques

Si l’instruction a connu son lot de problèmes, ce n’est qu’un des nombreux aspects de l’acquisition des sous-marins à ne pas s’être déroulé selon les plans. On s’était rendu compte de la complexité du passage des Oberon aux Upholder au moment de faire l’acquisition de ces derniers, mais il est clair qu’on n’avait pas envisagé tous les risques. Le chef du Service d’examen du ministère de la Défense nationale a peut-être exprimé cette idée mieux que quiconque dans son rapport de mai 2003. Il y fait observer, au paragraphe 2.8 que « ce projet met en évidence l’importance qu’il y a de faire une analyse rigoureuse des risques et de définir des stratégies d’atténuation correspondantes66.  » Dans un encadré jouxtant ce paragraphe, il ajoute qu’à l’occasion de projets futurs, une analyse indépendante de la part d’un tiers permettrait peut-être de mieux préciser les risques. Le Comité partage l’idée que, peu importe si la décision d’acheter les sous-marins était bien fondée ou non, on doit se rappeler les leçons tirées à cette occasion au cours des projets futurs d’acquisition d’équipement. Il est cependant très malheureux que le gouvernement ait eu à dépenser autant d’argent pour apprendre ces leçons. Certains problèmes auraient pu être évités si la politique de défense du Canada avait été plus claire et actualisée régulièrement à l’époque où la Marine envisageait différentes options pour le remplacement de ses vieux Oberon. On se serait évité des ennuis en évaluant régulièrement les complexités du projet d’acquisition de sous-marins usagés. Il est très louable de faire preuve de dynamisme, mais on devrait toujours procéder à une réévaluation objective des avantages et des inconvénients avant de donner suite à un projet d’acquisition lorsqu’il semble que les problèmes pourraient devenir hors de contrôle et retarder considérablement l’obtention des capacités convoitées.

L’acquisition des sous-marins n’est qu’un exemple des dangers qu’il y a de se lancer dans des projets d’acquisition d’équipement majeur sans tenir compte de toutes les implications et de tous les risques possibles. Bon nombre des études menées par le Bureau du vérificateur général ont fait état de problèmes liés à la gestion des acquisitions d’équipement majeur. Notre comité s’est aussi penché sur le processus d’acquisition dans son rapport de juin 2000 et bon nombre de ses recommandations d’alors demeurent valables aujourd’hui et devraient être prises en considération par le ministère de la Défense nationale, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, lequel est directement impliqué dans ce processus, et le gouvernement. À ce sujet, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 6 :

Que, tel qu’il était recommandé par le Comité au terme de son étude sur les acquisitions de juin 2000, tous les grands projets de l’État dont le coût estimatif dépasse 100 millions de dollars proposés par le ministère de la Défense nationale soient renvoyés au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, en vue d’un éventuel examen parlementaire.

RECOMMANDATION 7 :

Que le Parlement trouve le moyen d’accorder plus de temps et de ressources au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants afin que celui-ci puisse faire l’examen des grands projets de l’État proposés par le ministère de la Défense nationale.

RECOMMANDATION 8 :

Que les recommandations contenues dans les récents rapports et mises à jour émanant du Bureau du vérificateur général concernant le processus d’acquisition du ministère de la Défense nationale soient examinées aussi rapidement que possible en vue de leur mise en œuvre éventuelle et signalées au Comité.

RECOMMANDATION 9 :

Que tous les projets d’acquisition d’équipement majeur du ministère de la Défense nationale soient l’objet d’une analyse rigoureuse et détaillée des risques, conformément aux recommandations du Bureau du vérificateur général et que les conclusions de ces analyses soient transmises au Comité.

RECOMMANDATION 10 :

Que l’information sur l’état d’avancement des projets d’acquisition d’équipement majeur fasse partie intégrante des documents formant la Partie III (Plans et priorités) du Budget du ministère de la Défense nationale, au lieu d’être accessible seulement au moyen d’un lien Internet, et que le ministère, en consultation avec le Conseil du Trésor, étudie la possibilité d’ajouter dans ces documents de l’information sur la raison d’être des acquisitions.

RECOMMANDATION 11 :

Que le Bureau du vérificateur général envisage d’entreprendre une étude de tous les travaux de modernisation et de carénage effectués sur les sous-marins de la classe Victoria pendant toute la durée de leur service.



59Témoignages, séance no 4, 25 octobre 2004.
60Ministère de la Défense nationale, Chef – Service d’examen, Examen du Programme d’acquisition/de prolongation de la durée de vie des sous-marins, 7050-11-33, mai 2003. Le rapport, partiellement caviardé en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, est disponible à http://www.dnd.ca/crs/rpt/reports_f.htm.
61Témoignages, séance n13, 6 décembre 2004.
62Témoignages, séance no 17, 3 février 2005.
63Document fourni au Comité par le ministère de la Défense nationale, Training Timeline. Training Milestones Introducing the Victoria Class Submarine, deuxième diapositive dans la partie traitant de l’instruction du personnel de la Marine.
64Ibid., diapositives sur les documents d’instruction.
65Ministère de la défense nationale, chef du Service d’examen, Examen du programme d’acquisition/de prolongation de la durée de vie des sous-marins, 7050-11-33 (CS Ex), mai 2003, p. 19/30.
66Ibid., p. 6/30.