Passer au contenu

NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 14 avril 2005




¿ 0905
V         Le vice-président (M. Rick Casson (Lethbridge, PCC))
V         Mme Julie Lindhout (présidente, Conseil atlantique du Canada)
V         Colonel (retraité) John McKenna (vice-président, Conseil atlantique du Canada)

¿ 0910

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC)

¿ 0930
V         Mme Julie Lindhout
V         Le col John McKenna

¿ 0935
V         M. Gordon O'Connor
V         Le col John McKenna
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ)

¿ 0940
V         Le col John McKenna
V         M. Gilles-A. Perron
V         Le col John McKenna
V         M. Gilles-A. Perron
V         Le col John McKenna

¿ 0945
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         Le col John McKenna
V         L'hon. Larry Bagnell

¿ 0950
V         Le col John McKenna
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Mme Julie Lindhout

¿ 0955
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Gordon O'Connor
V         Le col John McKenna

À 1000
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.)
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Gordon O'Connor
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna

À 1005
V         M. Anthony Rota
V         Le col John McKenna
V         M. Anthony Rota
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Gilles-A. Perron
V         Le col John McKenna
V         M. Gilles-A. Perron
V         Le col John McKenna

À 1010
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.)
V         Le col John McKenna

À 1015
V         M. Wajid Khan
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Wajid Khan
V         Le col John McKenna
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Mme Julie Lindhout
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le col John McKenna
V         L'hon. Larry Bagnell

À 1020
V         M. Rick Casson
V         Le col John McKenna

À 1025
V         Mme Julie Lindhout
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Le col John McKenna
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Lieutenant-général (retraité) Richard Evraire (président, Conférence des associations de la défense)

À 1040

À 1045
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC)
V         Lgén Richard Evraire

À 1050
V         Col Howard Marsh (analyste de défense sénior, Conférence des associations de la défense) (à la retraite)
V         M. Dave MacKenzie
V         Col Howard Marsh
V         M. Dave MacKenzie
V         Col Howard Marsh
V         M. Dave MacKenzie
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Howard Marsh

À 1055
V         M. Dave MacKenzie
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)

Á 1100
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Col Howard Marsh

Á 1105
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Col Howard Marsh
V         Lgén Richard Evraire
V         L'hon. Larry Bagnell

Á 1110
V         Col Howard Marsh
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Col Howard Marsh
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Dave MacKenzie
V         Col Howard Marsh

Á 1115
V         Lgén Richard Evraire
V         M. Dave MacKenzie
V         Col Howard Marsh
V         M. Dave MacKenzie
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Anthony Rota

Á 1120
V         Lgén Richard Evraire
V         M. Anthony Rota
V         Col Howard Marsh
V         Lgén Richard Evraire
V         M. Anthony Rota
V         Col Howard Marsh
V         M. Anthony Rota
V         Lgén Richard Evraire
V         Col Howard Marsh
V         M. Anthony Rota
V         Col Howard Marsh

Á 1125
V         M. Anthony Rota
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Gilles-A. Perron
V         Lgén Richard Evraire

Á 1130
V         M. Gilles-A. Perron
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Claude Bachand)
V         M. Wajid Khan
V         Lgén Richard Evraire

Á 1135
V         Col Howard Marsh
V         M. Wajid Khan
V         Col Howard Marsh
V         M. Wajid Khan
V         Col Howard Marsh
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Col Howard Marsh

Á 1140
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Dave MacKenzie
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Col Howard Marsh
V         L'hon. Larry Bagnell
V         Lgén Richard Evraire

Á 1145
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Col Howard Marsh
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         M. Claude Bachand
V         Lgén Richard Evraire

Á 1150
V         M. Claude Bachand
V         Lgén Richard Evraire

Á 1155
V         Le vice-président (M. Rick Casson)
V         Lgén Richard Evraire
V         Le vice-président (M. Rick Casson)










CANADA

Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 14 avril 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)): Je déclare la séance ouverte. Nous avons aujourd'hui un nouveau président et il y aura quelques changements aux règles.

    Nous avons aujourd'hui une séance en deux parties : la première de 9 heures à 10 h 30 et la deuxième, de 10 h 30 à midi.

    Nous allons commencer par le Conseil Atlantique du Canada. Nous accueillons la présidente, Julie Lindhout, et le vice-président, John McKenna.

    Je vous souhaite la bienvenue. Si vous avez un exposé à faire, veuillez procéder. Ensuite, nous ferons un ou deux tours de table de questions par les membres du comité.

    Nous commençons aujourd'hui notre étude de la politique de la défense. Nous n'avons pas encore le document, mais je crois savoir qu'il sera publié d'un jour à l'autre. C'est ce qu'on nous dit depuis plusieurs mois.

    Nous vous remercions d'être venus contribuer à notre étude. Je vais vous céder la parole et vous pouvez prendre le temps qu'il faudra pour faire votre exposé.

+-

    Mme Julie Lindhout (présidente, Conseil atlantique du Canada): Merci beaucoup, monsieur Casson et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités.

    Je voudrais d'abord vous dire quelques mots sur le Conseil Atlantique du Canada, après quoi M. McKenna se chargera de l'autre partie de notre exposé.

    Le Conseil Atlantique du Canada est né du Comité canadien de coordination de la Communauté de l'Atlantique, qui a été créé en 1954. Le CAC a été constitué en personne morale en 1966 et célébrera donc son 40eanniversaire l'année prochaine, en 2006.

    Nous avons des administrateurs et des membres oeuvrant d'un océan à l'autre et nous disposons d'un petit bureau national à Toronto. Nous dépendons principalement du travail de bénévoles et nos activités sont financées grâce à l'adhésion de membres et aux dons, au soutien ministériel ainsi qu'aux petites subventions de la division de la diplomatie publique de l'OTAN, et aux subventions du ministère de la Défense nationale.

    Depuis 1997, le CAC s'est associé à Affaires étrangères Canada afin d'administrer un programme de stage dans le cadre de la stratégie Emploi-Jeunesse du gouvernement du Canada.

    Nos programmes comprennent des conférences, des tables rondes et des séminaires, l'accueil de conférenciers invités et la publication d'un magasine trimestriel intitulé Transatlantic Quarterly. Nous avons remis des exemplaires de ce magasine au greffier.

    Nous avons un programme modèle OTAN pour les écoles secondaires et un programme de stages international. Nous essayons de créer un réseau ministériel. Nous organisons une visite d'information annuelle à l'automne au site de l'OTAN en Europe et nous planifions une visite d'information à Washington, D.C., et au Commandement allié « Transformation » de l'OTAN à Norfolk, en Virginie.

    Nous sommes un membre actif de l'Association du Traité de l'Atlantique, qui a été créée à Lahaie en 1954. Les objectifs de l'ATA, qui sont aussi ceux du CAC, consistent à informer le public des pays de l'Alliance des objectifs et des valeurs de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, à effectuer de la recherche liée à l'OTAN; à promouvoir la solidarité des peuples de la région de l'Atlantique Nord, à encourager et à 'informer le public des nouvelles démocraties et des démocraties émergentes en Europe centrale et orientale, et à établir des relations et une coopération permanentes entre les diverses associations afin d'établir une solide plate-forme pour assurer la paix et la sécurité.

    Je pense que vous aurez reconnu en bonne partie la teneur de l'article 2 du Traité de l'OTAN, que l'on appelle si souvent « l'article Canada ».

    Le conseil collabore activement avec la Division de la diplomatie publique de l'OTAN et avec les ministères des Affaires étrangères et de la Défense nationale du Canada. Ses administrateurs et dirigeants sont invités à fournir leur avis sur les questions d'intérêt international et à représenter les vues des Canadiens lors de conférences dans d'autres pays membres de l'OTAN ou du PPP.

    Ces dernières années, le CAC a renforcé ses liens de collaboration avec des organismes aux vues similaires tels que le Munk Centre for International Studies de l'Université de Toronto, le Royal Canadian Military Institute, l'Institut Canadien des études stratégiques et l'Institut canadien des affaires internationales, dans le but d'accroître le rayonnement de ces organismes d'une façon rentable. Nous avons découvert que nous nous adressons habituellement au même public et, compte tenu des fonds limités, nous avons décidé de travailler davantage en collaboration.

    Voilà donc une brève description de notre organisation. Je vais maintenant céder la parole à M. McKenna qui va présenter l'essentiel de notre exposé au comité.

    Merci beaucoup.

+-

    Colonel (retraité) John McKenna (vice-président, Conseil atlantique du Canada): Merci, madame Lindhout.

    Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie également au nom de notre organisation de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui.

    En réfléchissant à mon exposé, j'ai voulu établir clairement dans mon esprit les éléments de base de ce que devrait être la politique de défense nationale et j'ai mis par écrit quelques observations que j'ai jugées utiles, tout au moins pour moi.

    Évidemment, le ministère de la Défense nationale doit tout d'abord assurer un environnement sécurisé à tous les citoyens du Canada. Pour ce faire, il doit avoir les ressources pour effectuer les tâches suivantes : déceler toutes les urgences, qu'elles soient naturelles, accidentelles ou délibérées, dans toute partie de la masse terrestre et des eaux côtières du Canada, et y et répondre; se joindre aux efforts des États-Unis dans la défense collective du continent nord-américain pour lutter contre les menaces provenant de l'extérieur de nos frontières ou d'outre-mer; respecter notre engagement à soutenir nos alliés dans le cadre de l'organisation du Traité de l'Atlantique Nord; et appuyer les missions des Nations Unies et de l'OTAN dont on a établi qu'elles faisaient progresser la cause humanitaire. Tout cela est assez fondamental.

    Maintenant, si je fais le point sur l'état actuel des capacités réduites des Forces canadiennes, depuis les années 60, les gouvernements qui se sont succédé ont systématiquement réduit les fonds alloués aux Forces canadiennes. Ils ont aussi entrepris une restructuration prescrite des forces, à un point tel qu'il est généralement reconnu qu'elles ne sont plus en mesure d'offrir davantage qu'une intervention minimale en cas de situation d'urgence et, comme en a témoigné la catastrophe récente du tsunami, seulement avec l'aide de ressources extérieures.

    Depuis quelque temps, diverses sources indépendantes l'une de l'autre ont souligné que la réduction du financement a forcé le ministère de la Défense nationale à réduire son effectif au point que les forces existantes sont grandement insuffisantes et que le Canada peut seulement prendre des engagements symboliques envers des initiatives importantes comme la surveillance du cessez-le-feu au Darfour. De plus, cette situation a forcé le MDN à reporter et retarder l'approvisionnement en équipements de remplacement, armes et véhicules (aériens, terrestres et maritimes), à un point tel que l'usure crée des conditions dangereuses pour l'utilisateur et a entraîné l'incapacité de fournir rapidement le soutien requis.

    Avant d'aborder la situation postérieure au 11 septembre, songeons un instant à l'augmentation des vols polaires qui sillonnent nos vastes terres nordiques. Si l'un de ces vols avec plus de 400 personnes à son bord venait à s'écraser sur notre territoire, nous ne disposons pas des ressources appropriées pour envoyer immédiatement des secours d'urgence sur place en vue d'aider les survivants. Privés d'une capacité de transport de charge lourde, nous n'avons été capables d'envoyer l'équipe d'intervention en cas de catastrophe dans la zone sinistrée par le tsunami qu'après avoir réussi à louer l'un des rares avions ukrainiens Antonov à un pays étranger. En conséquence, nous sommes arrivés sur place tellement tard que tous les Canadiens en ont été gênés.

    De plus, nos eaux côtières sont de plus en plus menacées par les déversements de pétrole, l'immersion illégale de déchets toxiques, les intrusions de pêche étrangère, en plus de devenir une porte d'entrée pour les immigrants illégaux et le trafic de stupéfiants. Nous ajoutons maintenant à cette liste les inquiétudes au sujet de l'utilisation éventuelle par des terroristes de nos ports et de nos côtes comme points d'entrée pour diverses armes de destruction massive.

    Nous sommes pratiquement sans défense lorsque vient le temps d'aborder ces situations. Les hommes et les femmes qui servent dans nos forces sont parmi les meilleurs au monde. À maintes reprises, ils ont accompli un service exceptionnel, tant ici qu'à l'étranger, et ce, en dépit d'un équipement déficient et de conditions très difficiles. Mais le profil démographique de nos forces révèle qu'il y a un risque imminent d'implosion lorsque leurs membres surmenés et vieillissants atteignent l'âge de la retraite et quittent sans remplaçants en poste ni capacité de formation.

    Je suis certain que je n'apprends rien de nouveau aux membres du comité. Depuis déjà un bon bout de temps, plusieurs études et rapports ont essayé de sonner l'alarme, mais sans qu'on y donne vraiment suite, jusqu'à l'annonce récente d'une augmentation considérable du budget de la défense. Le malencontreux retard à tenir compte des avertissements émis entraînera une période assez longue pendant laquelle le Canada ne sera pas capable de respecter ses obligations envers ses citoyens et ses alliés. Nous sommes et continuerons d'être vulnérables à une foule de menaces contre lesquelles nous avons des ressources limitées en termes d'intervention.

    Les capacités réduites de nos forces ont également un effet marqué sur notre position sur la scène internationale. Nous ne sommes plus au nombre des principaux pays qui soutiennent les actions humanitaires. De plus petits pays comme la Norvège et les Pays-Bas nous ont surpassés en étant à l'avant-garde des mesures correctrices à offrir. Nous en sommes réduits à envoyer des « petits corps expéditionnaires compacts », voire aucun, en matière d'aide aux sinistrés, avec la conséquence que notre voix n'est pas entendue au sein des principales institutions qui prennent des décisions.

¿  +-(0910)  

    L'OTAN est le seul secteur où nous avons encore un rôle important à jouer. Ce rôle est essentiel puisqu'il s'agit du secteur où nous faisons valoir un point de vue nord-américain qui est indépendant de celui présenté par Washington. La perception de l'OTAN est un peu paradoxale. L'importance du rôle de l'OTAN sur l'échiquier mondial n'est pas reconnue au Canada, ni même peut-être aux États-Unis. Alors que la visibilité de l'OTAN est faible de ce côté-ci de l'Atlantique, les nouveaux États de l'Europe orientale s'empressent de se joindre à la seule organisation qui se veut l'emblème de la liberté contre l'agression extérieure, ainsi que de la stabilité et de la sécurité qui entraînent la prospérité économique. Le Conseil Atlantique du Canada fait partie de l'Association du traité de l'Atlantique, comme on vous l'a dit. Cette association a son siège à Bruxelles et compte des associations dans presque tous les pays de l'OTAN, de même que dans les anciens États soviétiques.

    Il est intéressant de noter que l'ancien président de l'ATA albanaise est maintenant président de l'Albanie et que l'ancien président de l'ATA bulgare est maintenant son ministre des Affaires étrangères. Je crois qu'il y en a un autre en Hongrie. Je n'ai pas réussi à trouver son nom avant notre départ.

    Pour devenir membre de l'OTAN, chaque pays qui désire y adhérer doit d'abord s'engager au Plan d'action pour l'adhésion, qui comprend des exigences telles que l'établissement d'un système monétaire stable, l'absence de conflits latents avec leurs pays limitrophes, un certain niveau de capacité militaire et, bien entendu, un gouvernement démocratiquement élu.

    Voilà donc le sombre tableau. Que faire maintenant? J'ai l'outrecuidance de faire quelques recommandations et je vais m'en remettre à votre comité pour décider qu'en faire. Premièrement, je suis convaincu que le général Hillier est sur la bonne voie lorsqu'il a annoncé la rationalisation des forces au sein d'une structure de commandement unifiée—est-ce qu'on appelle dans le jargon un CANCOM?—, réduisant ainsi les frais généraux liés au dédoublement des quartiers généraux et libérant des effectifs pour accomplir des tâches de première ligne. Le processus doit aller plus loin en combinant ce qui reste de nos forces en une seule, un peu comme les Royal Marines au Royaume-Uni ou le United States Marine Corps. Ce n'est que lorsque nous disposerons d'une seule force que prendra fin l'inévitable guerre intestine entre les trois composantes cherchant par tous les moyens à obtenir des fonds insuffisants; ce n'est qu'alors que deviendront possibles une rationalisation et une intégration cohérentes de la sélection de l'équipement approprié pour les forces armées.

    Il y a toutefois un grave problème dans le système de recrutement qui empêche les Forces canadiennes de réaliser les augmentations d'effectifs annoncées de 5 000 membres de la force régulière et 3 000 membres de la force de réserve. Dans des conditions idéales, il faut compter environ deux mois pour l'enrôlement d'un membre de la force de réserve et jusqu'à douze mois pour l'enrôlement d'un membre de la force régulière. Je dis bien que ces délais sont dans des conditions idéales.

    Dans le cas de la réserve, si le candidat est un immigrant reçu, il est presque impossible de l'engager. Une décision récente exige une vérification des antécédents des candidats sur dix ans. Les grandes villes comme Toronto, Montréal et Vancouver comptent beaucoup de nouveaux Canadiens récemment arrivés. Ces nouveaux arrivants peuvent représenter jusqu'à 25 p. 100 des unités urbaines dans les forces de réserve. Il est maintenant devenu presque impossible pour eux de s'enrôler dans les forces. Dans bien des cas, ces jeunes candidats sont venus au Canada avec leur famille, y ont fréquenté l'école, ont maintenant atteint l'âge de s'enrôler et sont impatients de trouver un travail à temps partiel pour l'été ou après leurs heures de cours. Ils représentent une ressource précieuse, non seulement pour les forces de réserve, mais aussi parce qu'ils apprennent des connaissances élémentaires très importantes et reçoivent un enseignement approfondi sur les normes, l'histoire, les valeurs civiques canadiennes, ainsi que nos valeurs uniques, la plupart devenant des citoyens exemplaires.

    Donc, si nous voulons atteindre l'augmentation prescrite pour les forces de réserve, la nouvelle décision doit être réexaminée rapidement. Une personne de 17 ans ne peut pas avoir un dossier très chargé pour les dix dernières années. De plus, il serait tout à fait justifiable de permettre aux fonds destinés à la formation de RHDCC d'être transférés aux initiatives de formation de la force de réserve et de la force régulière afin de permettre à ces forces d'être mises sur pied de guerre plus rapidement et de le rester. Les compétences acquises dans le cadre de l'entraînement des forces de réserve et régulière sont aussi valables que celles acquises dans beaucoup d'autres initiatives de formation en cours d'emploi et sont prêtes à être transférées et mises à contribution dans la vie civile canadienne, si la recrue choisit de ne pas rester ou que son contrat initial n'est pas prolongé.

    J'ai examiné la situation dans chacune de nos trois armes et j'utilise la terminologie que je comprends. Les frégates actuelles de la marine peuvent encore faire l'affaire dans un avenir prévisible. Elles en sont à la deuxième moitié de leur vie utile, mais elles sont encore bonnes pour le service pendant un certain temps. Cependant, les AOR, sigle qui désigne les pétroliers ravitailleurs d'escadre, doivent être remplacés tout de suite. Ils ont dépassé la durée prévue de leur vie utile.

¿  +-(0915)  

    Les navires de soutien inter-armées ne sont pas appropriés puisque leur design hétérogène ne répond à aucune des exigences et qu'ils entraîneraient un conflit d'affectation s'ils étaient construits et mis en service. Ils doivent plutôt être remplacés par un ou deux navires AOR appropriés. Les navires CADRE—c'est à dire les navires ou les destroyers de remplacement de matériel de défense aérienne—sont également désuets. Sur les quatre navires, un seul est cannibalisé pour essayer de maintenir les autres en état de navigabilité. Cela veut dire qu'il n'y a qu'un navire disponible pour chaque côte.

    Les navires de défense côtière sont adéquats comme navires—écoles, mais comme leur vitesse maximale est de 15 noeuds, ils sont inefficaces aux fins de protection côtière. Il existe un besoin de vaisseau « à grande vitesse » qui pourrait peut-être ressembler au vaisseau Sea-Cat construit en Australie. Il est à signaler que les Stryker Brigades des États-Unis les ont mis en service pour déployer rapidement des forces de raid.

    De plus, le Canada doit avoir un navire semblable à la classe LPD-17 des navires de transport amphibies fabriqués pour la marine américaine. Il y en a actuellement 12 en commande pour l'instant. Cela améliorerait considérablement la capacité du Canada de participer à des « rôles expéditionnaires ». Ces navires sont conçus pour des activités à missions multiples, capables de transporter des hélicoptères, des péniches de débarquement, voire des unités de niveau de compagnie. Un de ces navires pourrait transporter l'équipe DART avec ses génératrices auxiliaires, ses stations de traitement d'eau, ses véhicules, ses hélicoptères et une installation médicale pour offrir des services avancés de traitement aux victimes.

    La version américaine qui sera produite a une salle commune pour 24 personnes et peut accueillir 100 victimes supplémentaires. Le tout pour environ 1 milliard de dollars canadiens. J'ai inscrit une adresse Internet dans mon mémoire, au cas où quelqu'un voudrait de plus amples renseignements. Ce n'est pas beaucoup, 1 milliard de dollars canadiens pour un tel navire. C'est une très bonne affaire.

    En outre, il existe le besoin impérieux d'avoir un avion de surveillance côtière à un prix abordable. Même si tous les moyens aériens relèvent actuellement de la Force aérienne, la Marine doit avoir un moyen plus efficace et plus rentable de connaître ce qui se passe près de nos côtes. Il semble que le ministère des Pêches et des Océans fait appel à la Provincial Airways pour déployer un avion Sea King—c'est-à-dire une sorte de Beechcraft en plus gros, pour ceux qui connaissent ces appareils—qui dispose d'un équipage de trois personnes, comparativement aux 11 ou 12 de l'Aurora, qui a dépassé son point de mi-durée et qui comporte des coûts d'exploitation beaucoup plus élevés.

    Pour ce qui est de notre Force aérienne, elle doit disposer d'un moyen de transport de charge moyenne à lourde. Bien qu'il serait avantageux d'avoir des avions de transport à réaction C-17, les frais supplémentaires à engager font pencher la balance vers l'achat du modèle Hercules C-130J, moins coûteux, qui a un rayon d'action de 40 p. 100 supérieur, est 24 p. 100 plus rapide et consomme moins de carburant que notre flotte actuelle de C-130E et de C-130H. Nos C-130E ont dépassé leur date de fin de vie et les 13 modèles H entrent dans la phase où leur maintenance est coûteuse. Le coût de la maintenance est maintenant si élevé que leur disponibilité est réduite au point de retarder le mouvement des troupes et de l'équipement en mission.

    Nous avons toujours besoin d'un chasseur. La flotte actuelle des CF18 est modernisée ou l'a été et devrait faire l'affaire pendant les 10 prochaines années. Toutefois, c'est un échéancier très limité lorsqu'il s'agit d'achats militaires, et il faut entreprendre dès maintenant le programme de remplacement.

    Le malencontreux retard de 12 ans à assurer le remplacement de l'hélicoptère Sea King a mis en péril les capacités opérationnelles de la Marine et met en danger la vie des membres de l'équipage, sans parler de l'immense gaspillage d'argent en coûts de maintenance élevés. Il faut compter 30 heures de maintenance par heure de vol. Imaginez que vous deviez en faire autant pour votre propre véhicule. Les maigres ressources financières sont gaspillées inutilement.

    Le besoin le plus urgent pour l'armée, c'est l'équipement de communication—les radios. Bien que nous ayons acheté le système TICCS avancé, le nombre de radios est encore insuffisant. Actuellement, les unités achètent localement des postes de radio portatifs Motorola afin de pouvoir rester en contact lorsqu'elles sont sur le terrain. Cette situation n'est pas satisfaisante.

    De même, un nombre insuffisant de G-Wagons a été acheté pour remplacer les jeeps Iltis mal conçus. Seulement deux G-Wagons ont été achetés en remplacement de chaque ensemble de trois jeeps Iltis. Par conséquent—et je suis sûr que le général O'Connor sera en mesure de comprendre—, les unités blindées ne sont pas capables d'assurer l'entraînement au-delà du niveau de la troupe. Chaque régiment blindé ne dispose que de l'équipement nécessaire pour faire l'entraînement au niveau de la troupe.

¿  +-(0920)  

    Avec l'abandon de notre artillerie moyenne résultant du retrait des obusiers automoteurs M109 de 155 millimètres obsolètes, nous avons perdu la capacité d'engager un objectif à plus de 15 kilomètres avec une puissance de feu tout temps fiable. Nous devons évaluer la possibilité d'acquérir un type d'obusier plus fonctionnel que les pièces d'artillerie restantes, les LG, c'est-à-dire les canons légers que nous avons achetés de la France, ou les C3, un ancien modèle de canon—dont certains modèles remontent à la Seconde Guerre mondiale—qui tirent des obus de 105 millimètres.

    Il existe une pièce d'artillerie sud-africaine, l'obusier Denel, qui peut engager un objectif à plus de 30 kilomètres. Il s'agit d'un canon du même calibre de 105 millimètres qui peut être fixé sur le châssis du LAV III de GD, qui est construit à Londres, comme vous le savez probablement, et qui est aérotransportable dans un C30. Nous pourrions les transporter sur place, en cas de besoin de matériel à l'étranger ou même localement.

    Les projectiles d'artillerie améliorés peuvent être équipés de guidage de fin de trajectoire GPS, un système de positionnement global, leur conférant une très haute précision. Cela nous permet de réaliser des économies de bien des façons, tout en nous protégeant contre des dommages auxiliaires inutiles lorsque nous engageons des objectifs à distance. Il est important de reconnaître que, particulièrement pour ce qui est des rôles de maintien de la paix, l'expérience en Bosnie, au Kosovo et en Afghanistan a montré que le besoin subsiste de prouver sa puissance dans les pays montagneux et dans les milieux urbains de sorte à protéger nos troupes, à décourager les agresseurs en puissance et à appuyer et protéger la population en période d'élection et durant les initiatives des reconstruction.

    La pénurie générale de camions ou de « véhicules à roues », comme les appelle l'armée, a obligé les planificateurs à lancer le programme de gestion de l'ensemble du parc de l'armée. Il s'agit de regrouper tous les véhicules de transport de l'armée et de les répartir en trois catégories : opérationnels, formation et le reste pour le juste-à-temps. Bien qu'on reconnaisse que c'est peut-être une nécessité, lorsque l'on avait fait la même chose dans les années 70, en période de pénurie, l'entretien avait tellement baissé que beaucoup de véhicules étaient devenus inutilisables. Personne n'en étant plus propriétaire, personne n'assumait la responsabilité de l'entretien si bien qu'encore plus de véhicules étaient inutilisables.

    Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé une augmentation de 12,8 milliards de dollars pour le ministère de la Défense nationale. Il serait plus rentable de libérer une partie importante des fonds pour l'achat immédiat de véhicules additionnels. Les économies seraient supérieures au coût de la durée de vie utile réduite du parc actuel.

    L'armée a également besoin d'hélicoptères moyens à des fins opérationnelles. Il n'est pas rare de voir des hélicoptères de la USAR ou de la Army National Guard lors des exercices en campagne au Canada. Je dois signaler à ce sujet, messieurs, que les Américains sont très généreux. L'une des initiatives malencontreuses a été la vente de notre flotte de 12 CH-47 lors de la fusion des forces, au début des années 70.

    J'ai pensé que nous pourrions jeter un coup d'oeil sur le ministère de la Défense nationale. On pourrait argumenter que le MDN est son pire ennemi. Au début des années 60, lors des premières grandes réductions budgétaires, la Division universitaire d'instruction de Laval et la Réserve aérienne ont été parmi les programmes à être supprimés. Ces programmes étaient offerts sur des campus universitaires à l'échelle du Canada et attiraient des étudiants universitaires cherchant un emploi d'été pour payer leurs frais de scolarité. L'argument en faveur de la suppression de ces programmes était que très peu d'étudiants continuaient à servir dans l'armée après l'obtention de leur diplôme. En conséquence, plusieurs générations de Canadiens sont devenus des leaders de l'industrie et de la communauté dans tous les horizons; ces gens n'avaient eu aucun contact avec l'armée canadienne et ne comprenaient donc aucunement les besoins en termes de force et défense au Canada. Cela s'est traduit par un manque de soutien aux dépenses militaires lors du dépôt du budget.

    En outre, la force régulière, sous pression étant donné l'insuffisance des fonds, s'est engagée dans une tentative délibérée et soutenue d'abolir la force de réserve. Plusieurs des plus petits manèges militaires dans de petites villes du pays ont été fermés, coupant le ministère de ses racines. Le programme d'emploi d'été pour les jeunes, établi vers la fin des années 60, s'est avéré l'un des programmes les plus utiles. Des unités de réserve enrôlaient des jeunes de 17 et 18 ans pour un entraînement de cinq semaines pendant l'été dans des manèges militaires locaux. Ces jeunes achevaient le programme à la fin mois d'août en se sentant valorisés.

¿  +-(0925)  

    Les parents qui ont assisté au défilé final ont souvent mentionné comment il leur était difficile de croire à la transformation qui s'était opérée. Alors que ces parents avaient eu de la difficulté à ce que leurs adolescents soignent leur apparence et soient motivés, ils se trouvaient maintenant face à de jeunes adultes responsables. On a estimé que le financement de ce programme aurait dû venir du ministère de la Justice puisque ces jeunes étaient maintenant des citoyens modèles et ne rejoignaient pas les rangs des fauteurs de troubles. Ce programme a toutefois été victime des réductions budgétaires.

    En aliénant les unités de réserve et en les soustrayant à la sphère publique, le ministère a perdu contact avec ses commettants et a éprouvé de grandes difficultés à obtenir le soutien pour ses besoins de financement. L'augmentation annoncée de 3 000 réservistes devrait faire l'objet d'une prompte attention. L'élimination des restrictions au recrutement et les activités de rayonnement par l'entremise de programmes universitaires du type cours de tactique des commandements d'unités engageront le processus visant à renouer avec le public canadien et créeront un environnement plus sécurisé pour tous.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci beaucoup.

    Nous allons commencer nos questions avec M. O'Connor.

+-

    M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Merci beaucoup à tous les deux d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui.

    Permettez-moi de revenir à la question de l'OTAN. L'OTAN a été fondée en 1948 à titre d'alliance de défense contre la nouvelle puissance soviétique. Pour quelqu'un de l'extérieur, il peut sembler que l'OTAN a perdu sa raison d'être. Ce n'est certes plus une alliance de défense, parce que personne sur la planète n'est plus puissant que l'OTAN.

    Pourquoi l'OTAN continue-t-elle d'exister?

¿  +-(0930)  

+-

    Mme Julie Lindhout: Permettez-moi de commencer.

    En fait, l'OTAN est l'alliance de défense la plus efficace du monde d'aujourd'hui. C'est la seule organisation qui possède une telle infrastructure et autant de ressources de communication. Au cours des dernières années, les interventions les plus efficaces de l'ONU ont toutes été dirigées ou organisées par un contingent de l'OTAN, puisque l'OTAN possède l'infrastructure de commandement et de contrôle.

    Comme le font remarquer nos collègues de l'ATA lorsque nous nous rendons à des assemblées, le Canada se sent tout à fait en sécurité, nos frontières ne posent pas vraiment de problèmes, mais il y a de grandes difficultés ailleurs, par exemple, en Turquie, un pays qui partage ses frontières avec au moins cinq États instables. La Turquie souhaite ardemment que l'OTAN continue d'exister. Les nouveaux pays d'Europe de l'Est joignent les rangs de l'OTAN car ils estiment que leurs frontières sont menacées. L'Ukraine, entre autres, se prépare à son admission à l'OTAN.

    Les pays baltes craignent toujours une résurgence quelconque en Russie. Cela ne nous semble peut-être pas un problème, mais c'en est encore un pour eux. Ils se tournent vers l'OTAN pour obtenir la stabilité et la sécurité qui leur permettront de développer leur économie. Pour bon nombre de ces pays, l'OTAN est un tremplin vers l'Union européenne qui, s'ils y étaient admis, leur permettrait un développement bien plus grand.

    Dans notre perspective transatlantique donc—et c'est un peu de là que vient le manque de compréhension de la population, car c'est tout à fait l'opinion que les médias en ont présentée—, l'OTAN n'est peut-être pas une alliance très importante, mais pour les pays de l'Est et du Centre de l'Europe, l'OTAN est très importante. Certains pays de la Méditerranée estiment que l'OTAN est une alliance très importante depuis que l'OTAN a entrepris son initiative de dialogue avec ces pays.

    Il est intéressant de noter que je me rends à peu près à chaque printemps à une réunion du conseil de l'ATA. Le commandant suprême des forces alliées et le secrétaire général viennent prononcer des allocutions devant cette assemblée. Ils apprécient encore le rôle que joue le Canada. Souvent, ils font des remarques laissant entendre que certains des membres traditionnels de l'OTAN, entre autres le Canada, réduisent leur participation; mais ils ajoutent toujours que la qualité de la participation est si bonne qu'ils aimeraient la voir accrue car ils auraient ainsi une plus large mesure du soutien fiable professionnel et de grande qualité dont ils ont besoin.

    Voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    Le col John McKenna: Oui.

    Prenez le cas de l'Afghanistan, général O'Connor, où les forces dirigées par l'OTAN ont été celles qui ont entrepris de rétablir la paix et la stabilité après l'onde de choc initiale causée par l'élimination du régime taliban.

    L'OTAN est la seule organisation qui possède une structure de commandement militaire intégrée. Dans cette structure, les dirigeants militaires se réunissent et s'entendent par consensus. Il n'y a pas de vote. Ils doivent adopter un plan d'action par consensus. Évidemment, les décisions politiques sont prises au niveau ministériel à Bruxelles. Une fois que l'échelon politique a adopté un plan d'action, que ce soit pour l'Afghanistan, le Kosovo ou ailleurs, ce plan est communiqué au grand quartier général des puissances alliées en Europe, qui est situé à Mons, près de la France. Le SHAPE voit ensuite à la planification et à l'exécution du travail.

    Il n'y a pas d'autres organisations de ce genre. Les Nations Unies ne possèdent pas de structure de commandement militaire intégrée, et nous savons que, malheureusement, les Nations Unies n'ont pas été en mesure de réagir à un grand nombre de cas urgents, entre autres celui du Rwanda, qui n'était pas l'un des moindres. L'OTAN est une organisation essentielle. L'organisation a évolué depuis la fin des 40 années de guerre froide. L'OTAN d'aujourd'hui est une organisation bien différente.

    Nous avons tenu une petite conférence il y a deux ans pour examiner si l'OTAN devait modifier son territoire d'opération ou cesser d'exister. À l'origine, l'OTAN a été créée pour protéger le nord-ouest de l'Europe... ce n'est certes pas la région que nous protégeons lorsque nous nous rendons en Afghanistan et dans d'autres pays étrangers. Il est donc certain que le mandat de l'OTAN a changé, par consensus, grâce à une entente entre les ministres et entre les gouvernements auxquels ils appartiennent; c'est l'orientation qu'ils souhaitent prendre.

    Il ne fait aucun doute que l'OTAN est une organisation importante et même essentielle dans le monde d'aujourd'hui et dans l'avenir prévisible. Tant qu'il y aura des conflits, il faudra que de multiples nations fassent un effort concerté et s'engagent vers un objectif commun. Seule l'OTAN peut le permettre. Il n'y a pas d'autre organisation en mesure de le faire.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Gordon O'Connor: J'ai écouté vos témoignages sur la structure militaire. Avez-vous examiné ces coûts? Le ministère de la Défense aurait-il les moyens d'adopter vos propositions?

+-

    Le col John McKenna: Tout d'abord, général O'Connor, on nous a demandé mercredi dernier de présenter notre témoignage. Nous avons donc eu très peu de temps pour effectuer des recherches, pour regrouper nos idées et pour élaborer notre texte.

    Aucun des éléments de cette liste n'est très coûteux. Ils pourraient tous être payés grâce à l'augmentation du budget qui a été annoncée, les 12,8 milliards de dollars pour les cinq prochaines années. Il faut voir comment on pourrait mettre en oeuvre les changements progressifs. Nous savons tous que le recrutement des 5 000 membres de la force régulière et des 3 000 réservistes supplémentaires annoncé l'automne dernier n'a pas encore commencé. On n'a même pas encore terminé de planifier ces augmentations.

    Le problème, à l'heure actuelle, c'est entre autres que la structure interne de nos forces est si faible que même si nous recrutions un millier de nouveaux soldats d'ici la fin du mois prochain, supposons, nous ne saurions pas où les loger ni qu'en faire. Nous n'avons pas d'instructeurs. Il faudrait retirer à peu près tous les sous-officiers supérieurs et subalternes de leurs régiments pour en faire des instructeurs. C'est une tâche monumentale; il faudrait procéder de façon graduelle jusqu'à ce que l'objectif soit atteint.

    En fait, j'ai été très étonné d'entendre dire, la semaine dernière, quand j'ai posé quelques questions, que les sous-officiers subalternes de la réserve sont en train d'entraîner des recrues de la force régulière. Pour moi, c'est tout un revirement. J'ai été réserviste toute ma vie, et c'est l'inverse de ce qui...

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Très bien, merci, Gordon.

    Nous donnons maintenant la parole à M. Perron.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour. Je n'ai rien à redire au sujet de votre présentation. Je pense qu'elle était formidable, qu'elle était bien. Cependant, elle portait surtout sur les guerres ou les conflits conventionnels. Or, tout le monde sait — et je suis du nombre — que depuis le 11 septembre 2001, la guerre froide étant terminée, il n'y aura plus ou très peu de guerres ou de conflits conventionnels.

    Mon ami Anthony, de l'autre côté de la table, pourrait être un soldat ou un adversaire que je ne le verrais pas. Il n'y a plus de guerres conventionnelles avec des avions, des armées, etc., mais vous ne faites aucunement mention, dans votre présentation, du matériel et de la formation dont nos soldats auraient besoin pour combattre ce qu'on appelle le terrorisme. J'aimerais avoir votre opinion générale sur ce sujet. Je vous prie d'être bref, puisque j'aimerais aborder d'autres sujets.

¿  +-(0940)  

[Traduction]

+-

    Le col John McKenna: Ce n'est pas une mince question.

    L'élément le plus important pour lutter contre le terrorisme, c'est le renseignement de sécurité; il faut une très grande capacité de renseignements de sécurité, et nous l'avons. Je n'ai pas traité d'un certain nombre de domaines dans nos forces et notre structure de défense, mais si l'on veut lutter contre le terrorisme sans avoir un bon service du renseignement pour nous tenir au courant d'où viennent les menaces éventuelles et où les problèmes peuvent se produire... une fois qu'on a ces renseignements, il faut ensuite conjuguer des forces civiles et militaires en mesure de mettre en place des zones de protection autour des endroits menacés.

    Croyez-moi, mesdames et messieurs, il existe un grand nombre de points vulnérables d'un bout à l'autre du pays. Ce ne sont pas seulement nos ports qui sont vulnérables; nos aéroports le sont aussi, de même que les oléoducs et les gazoducs qui transportent le gaz et le pétrole à partir de nos champs pétroliers du Nord, ou même nos lignes à haute tension qui transportent l'électricité à partir du nord du Québec. Il n'est pas difficile d'imaginer que des terroristes pourraient interrompre notre approvisionnement en électricité.

    Tout d'abord, il nous faudrait un plus grand effectif; comme on dit dans l'armée, nous n'avons pas assez de bottes sur le sol pour réagir aux menaces possibles; l'affaiblissement de notre structure de main-d'oeuvre est donc un problème essentiel. J'ai mentionné également le manque d'équipement de communication. Au cours des 40 dernières années, il y a eu une lente érosion à tous les échelons, des réductions constantes.

    Lorsque l'argent était distribué, la défense était toujours en bout de ligne et recueillait les restes, car nous étions plus préoccupés par les besoins de la population. Les besoins de la population sont essentiels, bien sûr, mais comme je l'ai dit il y a déjà bien des années, cela ne sert à rien d'avoir le meilleur système de services sociaux au monde si on ne peut pas le protéger. Notre premier besoin devrait donc être la protection de notre pays et des institutions qu'il contient.

    Cela répond-il à vos questions, monsieur?

+-

    M. Gilles-A. Perron: Assez bien.

[Français]

    Une autre question m'intrigue. Dans le passage sur la marine, vous ne parlez aucunement de nos sous-marins. Est-ce parce que vous avez honte? Pourquoi ne parlez-vous pas des sous-marins? Y a-t-il un manque d'utilité, de besoin? J'aimerais entendre votre opinion sur la « force » de nos sous-marins.

[Traduction]

+-

    Le col John McKenna: Je vais d'abord répondre à la question sur les sous-marins. C'est une question intéressante, et...

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Notre rapport est terminé, cela ne peut donc rien changer à nos idées sur ce sujet.

[Traduction]

+-

    Le col John McKenna: Je suis généralement d'avis que, des trois services, c'est la Marine qui se porte le mieux. Sa flotte est en assez bon état. Les navires prennent de l'âge, bien sûr, si on tient compte de leur durée de vie. Bon nombre d'entre eux ont déjà dépassé leur mi-durée et approchent de leur... les AOR, les navires de ravitaillement, arrivent en fin de vie et devraient être remplacés le plus tôt possible.

    D'après ce que j'ai lu dans les journaux, je crois savoir que les navires de soutien inter-armées avaient un design hétérogène; il s'agissait d'un ensemble de navires de transport de troupes, de destroyers, de navires de transport de carburant et de navires d'approvisionnement. Mais on ne peut pas vraiment réunir tous ces éléments et répondre à trois besoins avec un seul navire. Ce n'est pas la solution que je préconise. Il faut acheter des navires de ravitaillement en carburant adéquats.

    Si nous voulons envoyer nos navires au loin... et nous le faisons souvent, entre autres dans le cadre des exercices de l'OTAN en Méditerranée et même dans le Golfe. Comme vous le savez probablement, ce sont des navires canadiens qui protégeaient la flotte américaine durant la première guerre du Golfe, et l'un de nos navires commodores commandait la garde. En fait, les Canadiens ont joué un rôle essentiel.

    La Marine possède un degré raisonnablement élevé de compétence, mais comme pour toute autre chose, il faut des mises à jour constantes. Il est ridicule d'attendre que toute une série d'équipement atteigne sa fin de vie utile sans faire de mises à jour périodiques et constantes. Si vous posez la question aux réseaux de transport urbain, vous constaterez qu'ils achètent chaque année des autobus, des autocars ou d'autres appareils de locomotion nécessaires à leurs réseaux. Leur parc de véhicules est mis à jour chaque année afin qu'ils ne se retrouvent pas tout à coup avec un parc en fin de durée utile, comme c'est le cas dans l'armée.

¿  +-(0945)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

    Monsieur McKenna, vous avez dit que la première nécessité, c'est de protéger notre pays, et je suis d'accord avec vous.

    Pourriez-vous par conséquent me parler des améliorations qu'il faut apporter à notre armée dans le cadre de l'examen de la protection de notre pays, plus particulièrement dans le Nord. Le besoin est accru de nos jours en raison du réchauffement de la planète, et les attaques à notre souveraineté dans le Nord sont plus nombreuses dans deux de nos territoires. D'autres pays contestent la souveraineté territoriale du Canada. Ces deux territoires sont le Nunavut et le Yukon. Et pourtant, nous n'avons que six militaires au Yukon et un seul au Nunavut, sur les 60 000 que nous possédons. Nous ne possédons pas de navire qui puisse traverser les glaces dans le Nord.

    Vous ne l'avez pas mentionné dans vos remarques, et j'aimerais que vous indiquiez ce que nous devrions faire durant cet examen pour accroître notre présence dans le Nord.

+-

    Le col John McKenna: Encore une fois c'est une question de main-d'oeuvre et de ressources. À l'heure actuelle, nous n'avons que les Rangers canadiens dans cette région, et ils ne sont pas très nombreux. Ils font du bon travail, mais ils ne sont équipés que de motoneiges et de fusils de chasse. En fait, leur rôle consiste à donner l'alarme. Ils peuvent nous signaler les problèmes ici, à Ottawa.

    Nous savons que d'autres pays voudraient bien s'approprier nos îles et le détroit de Baffin, entre autres, mais nous disposons de ressources très limitées pour protéger notre souveraineté dans notre territoire et au large de nos côtes. Pour obtenir des résultats, il faudrait augmenter les forces affectées à cette région. Nous avons une petite unité à Yellowknife, qui est dirigée par un colonel, je crois, mais ses ressources sont très limitées.

    Il est temps que les Canadiens commencent à prendre le nord de leur territoire au sérieux, et comme je l'ai dit, pas seulement du point de vue d'une menace militaire. Nous manquons vraiment de ressources. S'il y avait une catastrophe à grande échelle dans la région arctique, nous aurions énormément de difficultés à y envoyer des ressources de sauvetage pour s'occuper de la situation. Oui, il nous faudrait de nouvelles forces. La base la plus près dont nous disposons est située à Edmonton, et cette base nous servirait probablement de tremplin. Mais même les ressources de cette base sont limitées, car leurs brigades sont souvent utilisées à des opérations outre-mer, selon un roulement.

    Nous sommes donc en difficulté.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je ne parle pas nécessairement d'une augmentation des ressources totales, mais j'espère que quand vous parlez de l'avenir... vous avez parlé notamment de canons d'une portée de 30 kilomètres, de service outre-mer, etc., et je voudrais seulement m'assurer que nous nous occupions d'abord et avant tout de ce qui se passe chez-nous.

    Vous avez aussi parlé de désastre nordique et de recherche et de sauvetage. À l'heure actuelle, la totalité de notre capacité de recherche et sauvetage se trouve le long de la frontière américaine, c'est-à-dire qu'elle sert à intervenir en cas d'urgence. Ce déploiement vers le sud est bien sûr en partie inutile; nous n'avons pas besoin d'aller aux États-Unis. Par conséquent, sans même augmenter les ressources, ce serait très facile, simplement en les déployant d'une manière plus stratégique, de couvrir une plus grande partie du Canada. Êtes-vous d'accord avec cela?

¿  +-(0950)  

+-

    Le col John McKenna: Pas vraiment, parce que nos effectifs sont déjà tellement à la limite des capacités à l'heure actuelle, et ce que vous proposez, monsieur Bagnell, c'est de les étirer encore davantage.

    Nous avons tellement peu d'effectifs à déployer. En fait, nous sommes en train de nous retirer de la scène mondiale. Le précédent chef d'état-major de la Défense avait refusé tout nouvel engagement outre-mer pendant au moins 18 mois, en attendant que nous rétablissions nos effectifs. Les membres de nos forces qui ont fait de multiples missions à l'étranger sont simplement épuisés, et leurs familles, qui sont bien sûr un élément très important de la structure et du soutien de nos forces, commencent à être passablement écoeurées. Ces gens-là ne veulent plus voir leur mère et leur père envoyés outre-mer à répétition.

    Le seul moyen d'éviter cela—en fait, il y a deux méthodes : soit de ne plus accepter de missions, soit d'augmenter les effectifs. Le processus d'augmentation de nos effectifs est lent et difficile à cause de l'affaiblissement de notre capacité d'entraînement.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je ne parlais pas vraiment de nos autres forces. Je parlais seulement de notre effectif de recherche et sauvetage, qui fait à mon avis du bon travail, mais qui pourrait d'après moi être déployé d'une manière plus efficiente.

    J'ai une question à poser au Conseil Atlantique, et vous pourrez aussi répondre à l'autre question si vous le voulez. Plus précisément, dans cette étude de la défense, quelles seraient à votre avis les deux ou trois mesures très précises et détaillées que nous pourrions prendre—ce n'est pas seulement qu'il nous faut plus d'argent, parce que tout le monde en veut plus—pour améliorer nos forces armées, ou recibler nos priorités compte tenu des ressources existantes, ou même de celles que l'on a annoncées.

+-

    Mme Julie Lindhout: L'avion d'appui et les moyens de transport dont il est fait mention dans notre document seraient également utiles pour appuyer notre propre protection et nos besoins en matière de sécurité dans le Nord. Il ne s'agit pas seulement de les envoyer en Afghanistan; ils seraient également utiles dans nos propres bases septentrionales.

    Il est impossible d'envoyer suffisamment d'effectifs dans le Nord pour réagir aux problèmes qui existent là-bas. Il nous faut un système d'alerte avancé. Il nous faut un bon système de communication dans le Nord. Mais il faudrait que toute activité provienne de nos bases principales et nos soldats auraient besoin de moyens de transport. Ces mesures répondraient donc à ces deux objectifs.

    Deux choses doivent être prises en considération. La première est une manière systématique et organisée de passer en revue chaque année les besoins, de faire une mise à jour et d'élaborer un plan pour chaque année, non pas à la fin de dix ou douze années, quand l'équipement a atteint la fin de sa vie utile. Le cycle des acquisitions est long et il faut donc tout réexaminer chaque année pour que l'on s'occupe régulièrement des changements et de la mise à niveau nécessaire. De cette manière, on peut faire coïncider les besoins et la disponibilité.

    L'aspect ressources humaines est également important. C'est aussi une mesure à prendre immédiatement. C'est pourquoi il serait indéfendable de transférer de l'argent d'autres programmes de la défense pour financer le recrutement. Je viens du milieu de l'éducation. J'ai examiné un certain nombre d'initiatives de ressources humaines pour l'amélioration des capacités d'emploi et de la formation professionnelle des jeunes, et j'ai également examiné les pratiques militaires. Les compétences acquises dans la réserve et les forces armées en général sont tout aussi valables et transférables. En fait, elles sont souvent plus efficaces que celles que l'on enseigne dans certains autres programmes de formation professionnelle.

    Donc, si l'on prend un jeune de 17 ans ou de 18 ans et qu'on lui donne une formation dans un petit programme séparé de formation professionnelle destiné à un secteur ou une compagnie en particulier, ou si l'on prend la même somme et qu'on l'investit dans la formation de réservistes et de membres des forces armées, les résultats pour la jeune personne en question sont exactement les mêmes. L'un des éléments importants qui en ressort, c'est la sensibilisation à la dimension politique ou internationale. Nos programmes de formation sont en fait très bons. Ils sont parmi les meilleurs au monde pour inculquer aux recrues des valeurs internationales, leur apprendre comment composer avec les questions ethniques, multiculturelles et raciales. Notre formation est parmi les meilleures. Les gens qui suivent cette formation deviennent de très bons citoyens.

    Ce sont de bonnes premières étapes.

¿  +-(0955)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Nous allons commencer le deuxième tour avec M. O'Connor, qui sera suivi de M. Rota et de M. Perron.

+-

    M. Gordon O'Connor: Je m'attends à ce que tous ceux qui viendront témoigner auront une liste de ce qu'ils veulent. Mais je voudrais une liste de ce qu'il faudrait éliminer. Y a-t-il une structure quelconque dans les forces armées qu'il y aurait lieu d'éliminer ou de modifier, peu importe le terme qu'on veut utiliser. Les gens en demandent toujours plus, mais que faudrait-il enlever?

+-

    Le col John McKenna: Combien de temps avons-nous, général O'Connor?

    Il n'y a pas vraiment de réponse brève à cette question. On pourrait commencer par notre système d'acquisition, dont on pourrait dire qu'il engloutit des tonnes d'argent. Nous devons passer par un processus épouvantablement lourd à chaque fois que nous décidons d'acheter un nouveau véhicule ou un nouvel avion ou un nouveau navire ou n'importe quel matériel. Il faut appliquer une foule de critères non militaires, à commencer par le développement régional ou local.

    Nous pourrions être beaucoup plus efficients dans nos méthodes d'acquisition du matériel, surtout des véhicules polyvalents, par exemple. On dirait que le processus—c'est du moins ce qu'il m'a semblé dans le passé—consiste à prendre un camion léger disponible dans le commerce et parfaitement valable, ou quelque chose du genre, mais parce qu'il doit servir pour les forces armées, il faut presque le refaire de A à Z. Cela augmente bien sûr énormément le coût. Ensuite, il faut l'acheter de manière stratégique pour que la répartition de la richesse, pour ainsi dire, soit faite judicieusement.

    Nous pourrions économiser énormément d'argent à ce chapitre. Je ne pense pas que, sur le plan structurel, et assurément en matière d'équipement, il y ait quoi que ce soit dont on puisse se débarrasser au ministère, qui soit excédentaire. Nous sommes tellement à court de tout qu'il n'y a pratiquement rien dans l'armoire qu'on puisse jeter pour économiser. Nous avons fermé tellement de bases d'un bout à l'autre du pays, ce qui est d'ailleurs un élément du problème de base quant aux contacts entre le ministère et le grand public. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avions auparavant de petits manèges un peu partout au Canada, dans des endroits comme Picton et une foule d'autres localités, c'étaient les points de contact entre les forces et le grand public qui les appuyait.

    Quand on compare le soutien dont nos forces bénéficient, par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, il n'y a pratiquement pas... aux États-Unis, quand on est dans les forces armées, on est quelqu'un. On peut aller n'importe où et recevoir un rabais pour les militaires. Même en tant que soldat canadien, je pouvais aller dans une base américaine et dire : « Je m'appelle Untel, je suis soldat canadien. Puis-je passer la nuit ici? » Et l'on me répondait : « Bien sûr, monsieur. Voici la clé de la chambre une telle, ça va vous coûter dix dollars », ou quelque chose du genre. Ils ont tellement en haute estime leurs soldats, dans l'ensemble du pays. Cela n'existe pas chez-nous. Nous l'avons perdu parce que nous nous sommes simplement retirés de la vue du public.

    Maintenant, si je peux m'exprimer en ces termes, nos forces se cachent à Gagetown, à Petawawa, à Shilo. Nos soldats sont retranchés dans de petites localités. Il est certain que dans des endroits comme Halifax ou Esquimalt, la Marine est très visible, parce que les marins sont en ville. Mais on ne voit jamais de soldats de l'armée dans les rues, pas même ici dans cette ville où se trouve le quartier général de la Défense nationale. C'est très difficile de trouver des soldats en uniforme, je veux dire des militaires de façon générale, des trois armes.

    Je ne discerne donc aucune possibilité d'économie à l'interne pour le moment. Je suis certain que Sheila Fraser ou quelque employé du Bureau du vérificateur général serait en mesure de trouver quelque chose, mais cela exigerait des ressources qui dépassent de loin mes compétences.

À  +-(1000)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Rota.

+-

    M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.): Merci.

    Je vous remercie pour ce rapport. C'est très bon. Il a tiré au clair certains éléments.

    Voici une brève question sur les 5 000 militaires et les 3 000 réservistes. Vous ai-je bien entendu dire qu'il sera difficile de combler ces postes?

+-

    Le col John McKenna: Pas de les combler, mais de leur donner l'entraînement.

+-

    M. Anthony Rota: De les entraîner, je vois.

+-

    Le col John McKenna: Ce qui est difficile c'est de les absorber dans les effectifs. Si la porte s'ouvrait soudainement et que 35 personnes entraient en disant : « nous voulons commencer à travailler dès maintenant », nous serions obligés de choisir entre nous—« vous vous occupez de ces trois-là et vous, vous vous occupez de quatre-là », et ce genre de choses. Il s'agit de trouver le nombre voulu. Comme je l'ai dit, toutes les armes des forces armées, forces régulières et forces de réserve confondues, manquent sérieusement d'effectifs.

    Le nombre de réservistes s'est accru quelque peu. Leur nombre était tombé à un peu moins de 13 000 et il est maintenant remonté à près de 15 500. Toutefois, la cible était de 18 500. D'ailleurs, ce nombre de 3 000 militaires additionnels dont le recrutement a été annoncé n'est peut-être pas réel. Ils nous permettront peut-être de passer de 15 500 à 18 500 comme l'a annoncé le ministre Eggleton le 6 octobre de l'an 2000, je crois.

    Voilà ce qui se produit. Nous ne présentons pas d'excuses, messieurs, mais on nous répète sans cesse les mêmes promesses et c'est toujours la même offre qui nous est faite périodiquement.

+-

    M. Anthony Rota: Étant donné les ressources existantes, combien faudrait-il de temps pour recruter les 3 000 réservistes et les 5 000 soldats? Combien de temps faudra-t-il compter? Mettrons-nous 20 ans à atteindre l'objectif?

+-

    Le col John McKenna: Évidemment non, pas du tout.

+-

    M. Anthony Rota: Je souhaite tout simplement un rythme de recrutement raisonnable. Je sais bien que nous ne pouvons pas les recruter tous pour demain et assurer leur entraînement en deux mois, mais il me semble que vous avez dit qu'il faut compter en moyenne deux mois pour les membres des forces régulières.

+-

    Le col John McKenna: Mais c'est le temps qu'il faut uniquement pour les recruter, leur donner un uniforme et les inscrire dans le système de paie...

+-

    M. Anthony Rota: Combien de temps devons-nous prévoir?

+-

    Le col John McKenna: Et c'est en supposant que toutes les conditions sont idéales, que la citoyenneté canadienne des recrues n'est pas en doute et qu'elles ont un dossier sans tache, mais dès qu'il y a le moindre problème, le délai peut-être beaucoup plus long. Même cette procédure-là n'est pas parfaite parce que le traitement de la paperasse prend beaucoup de temps et que les résultats des visites médicales doivent être vérifiés par le centre. Étant donné mon âge, je me souviens de l'époque où les recrues éventuelles entraient dans un manège militaire, subissaient une entrevue initiale puis étaient invitées à aller s'asseoir à un pupitre pour remplir le formulaire qu'on leur tendait et quand elles avaient fini, d'aller voir un tel ou un tel. Dès la fin de la soirée, on les envoyait visiter le médecin militaire qui prenait leur température, ou je ne sais quoi encore, et disait : « parfait, signez ici ». En moins d'une semaine et demie, vous les payiez déjà et vous les entraîniez déjà aux exercices militaires. Pareille chose est tout à fait impossible de nos jours.

+-

    M. Anthony Rota: Combien de temps faudra-t-il pour atteindre ces objectifs?

+-

    Le col John McKenna: Eh bien, en supposant un taux d'intégration raisonnable—et bien sûr, la courbe serait exponentielle, puisque cela démarrerait lentement jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment de personnes formées pour devenir des instructeurs... dès qu'il y aurait un nombre suffisant d'instructeurs, alors le taux de recrutement pourrait être accéléré.

    Je ne peux pas l'affirmer avec certitude, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être près de la cible des 3 000 réservistes d'ici trois ans.

+-

    M. Anthony Rota: Très bien, 3 000 réservistes et 5 000 soldats, l'ensemble...?

+-

    Le col John McKenna: Oui.

    Permettez-moi d'ajouter que l'entraînement de base pour les forces régulières prend, selon le degré d'entraînement que vous voulez donner aux recrues,...

    Diriez-vous, général O'Connor, qu'il faut compter au moins un an?

+-

    M. Gordon O'Connor: Je ne veux répondre à aucune question.

    Des voix : Ah, ah!

+-

    M. Anthony Rota: Vous avez sans doute une plus grande expérience que nous tous réunis.

+-

    Le col John McKenna: Touché.

    Il faudrait un an au bas mot pour que les recrues acquièrent un degré de compétence suffisant dans un métier quelconque... bien sûr, je m'empresse de préciser que s'il s'agit de mécaniciens motoristes ou de techniciens en informatique, et ce genre de choses, le rythme sera différent mais, dans le cas des simples soldats, je dirais qu'il faut compter un an avant qu'ils puissent être envoyés sur le terrain, pour ainsi dire.

    J'aimerais dire que l'une des solutions au problème serait de faire appel aux très nombreux anciens membres de la force régulière et à des réservistes qui sont très qualifiés et qui ont quitté récemment les forces en vertu du contrat qu'ils avaient signé et qui prévoit que ceux qui ont plus de 40 ans et qui ont servi dans les forces pendant 20 ans peuvent prendre leur retraite avec une pleine pension. Ils sont nombreux à le faire parce que c'est très attrayant. Ceux qui sont entrés dans les forces à 20 ans et qui ont travaillé 20 ans ont maintenant 40 ans ou peut-être 45 ans et peuvent aisément se trouver un bon emploi à l'extérieur des forces tout en pouvant compter sur leur pension.

À  +-(1005)  

+-

    M. Anthony Rota: Ils peuvent se faire élire député aussi.

+-

    Le col John McKenna: Je vois le général O'Connor qui rit là-bas.

+-

    M. Anthony Rota: J'aimerais poser très rapidement une dernière question, si vous m'y autorisez.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Vous aurez votre chance au prochain tour.

    Monsieur Perron.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Au dernier paragraphe de votre présentation, vous dites: « [...] il existe un besoin impérieux d'avoir un avion de surveillance côtière à un prix abordable. »

    Faites-vous allusion au UAV?

[Traduction]

+-

    Le col John McKenna: Non, je n'ai pas parlé de l'utilisation des UAV. Quoi qu'il en soit, si vous songez au Canadair CL-84 et à l'avion baptisé à l'époque « Peanut » en service il y a de cela de très nombreuses années, alors les UAV sont réellement le choix de technologie qui s'impose aujourd'hui. Nous apprenons à mieux les connaître, mais je dirais qu'il est préférable d'avoir un aéronef avec pilote capable d'observer ce qui se passe plutôt qu'un instrument qui renvoie des signaux qui risquent de ne pas être interprétés correctement. Ces appareils sont aussi vulnérables dans une certaine mesure même s'il est vrai qu'à long terme ils sont moins coûteux. Je ne sais toutefois pas à combien s'élèvent les coûts initiaux?

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Cela y répond un peu, mais je suis un fervent adepte des UAV. C'est la différence.

    En ce qui concerne le recrutement, vous avez répondu à mon collègue Anthony que le premier problème était de pouvoir absorber ces 8 000 personnes au sein des Forces canadiennes. Par contre, si je regarde ce qui se passe au Québec, je constate qu'il n'y a pas de grandes files d'attente devant les centres de recrutement des Forces armées canadiennes et que peu de jeunes sont intéressés à s'enrôler dans l'un ou l'autre des corps d'armée, qu'il s'agisse de la marine, de l'aviation ou de l'armée de terre.

    Ne croyez-vous pas que c'est un problème? N'est-ce pas faire preuve d'un trop grand optimisme que de dire que les jeunes sont prêts à s'enrôler dans les Forces canadiennes? Que doit-on faire pour les encourager à le faire?

[Traduction]

+-

    Le col John McKenna: Je ne découragerais jamais qui que ce soit de se joindre aux Forces canadiennes. C'est une carrière qui comporte un nombre incroyable d'avantages pour les citoyens.

    Quant au Québec—je ne suis pas en mesure de commenter et c'est votre spécialité—, les régiments du Québec ont une longue histoire dont ils peuvent être fiers avec le Royal 22e, les Voltigeurs de Québec et d'autres exemples du genre. Nous n'avons jamais réellement constaté cette prétendue réticence quant il s'agit de servir notre pays.

    On pourra démontrer que j'ai tort, peut-être, mais je ne crois guère ce que je lis dans les journaux parce que parfois ils ne servent que leurs propres intérêts. Je n'ai aucune raison de croire que la population de La belle province serait moins patriotique que celle d'une autre région du pays, mais je crois, bien entendu, que tout dépend des avantages perçus.

    Il faut réellement aligner les avantages sociaux dans les Forces canadiennes sur les emplois civils comparables et leurs échelles de rémunération. Les conditions de vie et de travail pourraient être améliorées considérablement. Comme je l'ai dit plutôt, la vie familiale revêt une importance critique mais on s'en est trop peu soucié au sein des forces armées dans leur ensemble. La situation s'est grandement améliorée par rapport à ce qu'elle était, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.

    Je crois que si les échelles de traitement et le mode de vie étaient plus attrayants, comme le disaient les anciennes publicités : « Si la vie vous intéresse ».

À  +-(1010)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Monsieur Khan.

+-

    M. Wajid Khan (Mississauga—Streetsville, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

    Je suis quelque peu déçu, monsieur le président, qu'on ne nous ait pas présenté une analyse de coûts. Manifestement, le CAC n'a pas eu le temps de la préparer.

    Quand vous parlez de capacité de transport de charges lourdes et moyennes, les modèles C-130 J, qui coûtent environ 70 millions de dollars, et les modèles H, qui coûtent peut-être 20 p. 100 de cela, et des durées de vie utile, si nous avions ces chiffres—je ne sais pas si vous pourrez nous les fournir ultérieurement—, alors nous pourrions avoir une discussion beaucoup plus approfondie.

    Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les forces armées offrent un style de vie attrayant à ceux à qui cela plaît. Cela me plaisait. J'ai servi dans l'aviation et j'ai piloté des avions de chasse.

    J'ai toujours cru que la mission des forces armées est d'abord définie et qu'on leur fournit ensuite le financement, l'équipement, etc. en fonction de cette mission. J'aimerais vous poser une question. Dans quelle mesure les forces armées infléchissent-elles notre politique étrangère et la vision qu'a le gouvernement du Canada de leur rôle sur la scène internationale?

    Enfin, c'est un sujet qui est soulevé de façon inopinée. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que nous avons du mal à entraîner nos effectifs. Quand j'étais aux études, j'ai pu participer aux unités de cadets juniors où j'ai reçu un entraînement pendant deux ans, ce qui est merveilleux. Serait-il possible de faire ce que font de nombreux autres pays et d'envoyer certaines des recrues et certains des instructeurs recevoir leur entraînement à l'étranger avant de les réintégrer dans des unités ici? A-t-on fait une analyse des coûts d'un tel programme? Pourrait-il être utile? Pouvons-nous voir cette analyse des coûts?

+-

    Le col John McKenna: Vous posez là plusieurs questions en une.

    J'aimerais d'abord répondre à votre question au sujet de la place de la défense nationale dans la politique étrangère. Du fait que nous ne disposons pas de toutes les ressources que nous souhaiterions avoir, nous ne pouvons pas toujours répondre aux souhaits exprimés dans la politique étrangère. Les décideurs politiques, les diplomates, disent que nous devrions envoyer des soldats à tel ou tel endroit, à l'extérieur du pays, monsieur Bagnell. Je sais que la défense du pays est importante, en premier lieu, mais dans le passé nous avons souvent mis l'accent sur les missions à l'étranger.

    Ainsi, notre incapacité de faire ce que nous souhaiterions réellement faire, ou autrement dit, notre incapacité de faire ce que nous pouvions faire dans le passé a eu une incidence sur la politique étrangère. Les gens attendaient certaines choses du Canada en raison du rôle qu'a joué le Canada dans le passé et, malheureusement, ce rôle est de plus en plus abandonné.

    Oui, la défense nationale a certainement un effet sur la politique étrangère. J'ai toujours cru que la politique de défense doit être le prolongement de la politique étrangère. Cette dernière doit être formulée dans un premier temps et ensuite les capacités de défense doivent être mises en place en conséquence. La politique étrangère refléterait ces capacités de défense mais, en toute logique, ce sont nos capacités de défense qui devraient être adaptées à notre politique étrangère.

    Quant à la formation, il n'est pas inhabituel que certains des effectifs reçoivent leur entraînement à l'étranger. Nous avons des programmes d'échange permanents. Nous envoyons des gens aux États-unis, nous en envoyons d'autres au Royaume-Uni, nous en envoyons en Australie, et ces pays à leur tour enverraient certains de leurs effectifs recevoir leur entraînement ici dans le cadre de programme d'échange, mais cela se fait surtout pour les plus hauts gradés, les officiers, etc.

    Nous pourrions très rapidement éliminer certains des goulots d'étranglement dans le système d'entraînement si nous rappelions à contrat certains des militaires retraités dont j'ai parlé plutôt. Si nous pouvions leur faire une offre attrayante...

    Lors d'une des discussions que j'ai eues au sujet des militaires qui changent de carrière à la fin de leur contrat, un argument intéressant a été soulevé. Ils peuvent accepter un engagement de durée indéterminée (ED Ind). À ce moment-là, il n'y a pas d'acte de fin de service définitive. Nous offrons volontiers une gratification aux recrues qui signent un contrat avec les forces armées, mais nous n'offrons pas de gratification comparable à ceux qui s'apprêtent à partir à la retraite. Cela me semble quelque peu paradoxal, ou anormal.

À  +-(1015)  

+-

    M. Wajid Khan: Merci.

    J'aimerais poser une autre question si j'ai encore du temps.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Une très courte question.

+-

    M. Wajid Khan: Pourquoi faut-il avoir un diplôme universitaire si l'on aspire à devenir officier dans les Forces canadiennes? Beaucoup de diplômés du secondaire qui n'ont pas de diplôme d'études supérieures peuvent devenir d'excellents officiers. Vous offrez des cours au sein des forces armées. Je crois que c'est une règle très restrictive et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Certains peuvent avoir un diplôme en génie sanitaire. En quoi cela les rend-il plus aptes à devenir officiers dans l'armée?

+-

    Le col John McKenna: La réponse courte c'est qu'il n'est absolument pas nécessaire d'avoir un diplôme universitaire pour devenir officier dans les Forces canadiennes, à moins bien sûr d'être médecin ou ingénieur ou de vouloir exercer une autre profession pour laquelle il faut posséder un agrément professionnel—sinon un diplôme universitaire n'est pas nécessaire.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Vous avez la parole monsieur Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci.

    Je suis un grand partisan de l'OTAN, bien entendu, et j'estime que c'est l'un des atouts de notre premier ministre de pouvoir choisir l'organisation internationale qui fonctionne le mieux dans les circonstances. Elles ne sont pas toutes efficaces dans toutes les situations. Or, l'OTAN fonctionne très bien.

    J'aimerais savoir si l'un de vous souhaite commenter notre rôle au Darfour. Comme vous le savez, nous avons été l'un des premiers pays à envoyer de l'aide—la plupart des pays n'y sont même pas du tout—pour soutenir l'Union africaine, qui est habilitée à porter des secours à la population même si elle ne dispose pas de troupes suffisamment nombreuses pour régler le problème dans la région.

    L'un de vous souhaite-t-il commenter le rôle que pourrait jouer le Canada?

+-

    Mme Julie Lindhout: Je vais commencer.

    C'est l'un des exemples qui illustre le mieux la limite du possible pour les Forces canadiennes puisqu'on a annoncé que 31 militaires seraient envoyés sur le terrain pour soutenir quelques initiatives. Or, ce nombre est si faible que nos militaires ne pourront qu'exercer une surveillance très superficielle. Ils ne seront pas en mesure de soutenir quoi que ce soit. Ils ne pourront qu'exercer une surveillance et transmettre leurs rapports. Mais que ferons-nous s'ils nous disent qu'il faut faire davantage d'efforts ou qu'ils nous annoncent une aggravation de la situation? Se retrouveront-ils dans la même situation que le général Dallaire à l'époque?

    C'est donc un très bon exemple d'une situation où nous devons être en mesure de déployer un nombre suffisant de militaires pour qu'ils puissent obtenir des résultats réels et je crois que c'est le but de notre présence ici, de notre recommandation selon laquelle il faut accroître les effectifs pour que nous puissions être réellement efficaces parce que les compétences des Canadiens sont fort appréciées. Au sein de l'OTAN, les soldats canadiens ont la réputation d'avoir un talent particulier pour créer des liens avec la population sur le terrain. C'est l'une de leurs forces et c'est une façon très efficace d'exercer un contrôle et d'infléchir le cours d'une situation.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je vais vous poser ma deuxième question. L'un de vous, ou les deux, peut-il me dire quels sont les besoins des forces armées en sous-marins et en chars pour l'avenir? Le comité n'a pas pu s'entendre sur la nécessité d'avoir des sous-marins. Pouvez-vous me dire si les forces armées ont besoin de sous-marins et de chars ou uniquement de chars?

+-

    Le col John McKenna: J'ai passé toute ma carrière dans l'armée, mais j'ai été élevé près de l'océan. Les sous-marins sont des vaisseaux uniques en leur genre. À l'heure actuelle—nous avons parlé plus tôt de la protection de notre territoire dans l'Arctique—, ce sont les seuls navires qui peuvent naviguer dans les eaux de l'Arctique. Ils ont la capacité de naviguer sous les glaces. Ce ne sont pas des sous-marins à propulsion nucléaire. Ce sont des sous-marins dont la marche est très silencieuse. Ce sont en réalité des navires très évolués et je crois savoir que nos voisins du Sud souhaitaient ardemment s'en procurer afin de pouvoir enrichir leur entraînement en s'exerçant contre un ennemi silencieux et amical.

    Je suis tout à fait d'accord lorsque vous dites que le sous-marin est un outil utile à avoir dans notre arsenal pour protéger les eaux côtières du Canada et nos eaux arctiques.

    Le char—et je regarde de l'autre côté de la table avec circonspection—est peut-être un outil du passé bien qu'il y ait des territoires où les véhicules tractés ont une bien meilleure mobilité que les véhicules à roues. Toutefois, les progrès technologiques dans la conception des véhicules à roues, particulièrement nos propres véhicules conçus en laboratoire et fabriqués à London, se sont avérés beaucoup plus utiles et beaucoup populaires auprès des forces armées. Leur mobilité est meilleure. Leur maniabilité sur route s'est accrue. Ils atteignent des vitesses plus élevées.

    Si l'extérieur des véhicules peut être doté d'un blindage adapté alors, exception faite des combats de haute intensité comme ceux que nous avons connus dans le passé, je ne vois pas l'utilité de posséder un très grand nombre de chars. Ils sont difficiles et coûteux à transporter. J'imagine mal que nous puissions en avoir besoin sur le continent nord-américain et certainement pas sur le territoire canadien pour le moment, et si nous n'avons pas les moyens de les transporter jusque dans la zone de combat, il n'est pas très utile d'en avoir, monsieur.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Merci.

À  +-(1020)  

+-

    M. Rick Casson: Quelqu'un d'autre souhaite-t-il poser une question?

    Si vous me le permettez, j'aimerais poser une seule question. Vous avez parlé de notre capacité de transporter des charges lourdes, et particulièrement la capacité de transport aérien. J'ai posé une question au ministre au sujet de notre capacité à cet égard et le fait est qu'on semble peu s'intéresser à cette question, et vous l'avez relevé.

    Il a répondu qu'à l'heure actuelle, il est plus rentable de louer les aéronefs selon nos besoins.

    Que pensez-vous de cet argument qui privilégie l'analyse coût-efficacité plutôt que la disponibilité de cette capacité d'emport quand nous en avons besoin?

+-

    Le col John McKenna: Je crois que votre dernière affirmation est la plus importante, c'est-à-dire que nous devons en disposer quand nous en avons besoin. Notre intervention après le tsunami au Sri Lanka l'a bien démontré. Nous avions besoin de cette capacité d'emport mais les avions que nous souhaitions louer l'étaient déjà. Quand on souhaite obtenir sa capacité de transport de charges lourdes sur le marché commercial très concurrentiel, il faut prendre un numéro et attendre son tour.

    Il n'y a pas sur le marché un nombre illimité d'Antonov-124, avion de transport de charges lourdes construit en Ukraine. Nous avons fait notre demande trop tard. C'était gênant. Quand nous sommes arrivés sur le terrain, tous les autres organismes étaient déjà rendus. On avait déjà apporté les secours les plus urgents.

    Il y a aussi la question de la perte de compétences. Si nous n'avons pas un personnel entraîné à intervenir dans des conditions moins qu'idéales, dans des conditions adverses... et soyons francs, en cas de conflits, nous nous trouvons dans des situations où les gens tirent sur nous. Les pilotes civils sont plutôt moins disposés à se retrouver dans de telles situations et il faut donc pouvoir faire appel au personnel entraîné des forces armées en cas de situation à haut risque, où ils doivent atterrir sur des pistes de fortune, et autres situations du genre.

    Le C-130 est un magnifique aéronef construit par Lockheed, mais c'est un aéronef à configuration minimale capable d'atterrir sur des pistes en pleine jungle et d'essuyer des attaques aériennes à basse altitude. Voilà le genre d'équipement dont nous avons réellement besoin et l'offre de ces appareils sur le marché est très limitée.

    Si nous avons une capacité excédentaire pendant certaines périodes, pourquoi ne pourrions-nous pas louer nos appareils à d'autres? Je comprends bien que les forces armées ne voudraient pas entrer en conflit avec les transporteurs civils, mais il y a les forces armées d'autres pays que nous pourrions transporter, les troupes danoises ou peu importe. C'est possible.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Julie Lindhout: J'aimerais tout simplement ajouter que tout l'équipement de transport que nous pourrions acquérir pour transporter des troupes jusqu'aux zones de conflit ou jusqu'aux zones sinistrées serait tout aussi nécessaire ou utile pour des missions dans l'extrême Arctique et pour nos propres opérations de sauvetage. Je crois que nous avons trop tendance à l'oublier et voilà pourquoi j'apprécie la question qui nous a été posée, à savoir : « Qu'en est-il de notre propre sécurité? » Si nous avons la capacité d'emport aérienne pour les missions outre-mer, nous louerons aussi pour assurer notre propre protection et notre sécurité. Comme l'a dit le colonel McKenna, pourquoi ne pourrions-nous pas louer nos appareils à d'autres au lieu d'avoir à en louer nous-mêmes?

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Notre temps est épuisé. Nous allons faire une pause de quelques minutes pour donner aux autres témoins le temps de s'installer.

    Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous avons grandement apprécié vos témoignages.

+-

    Le col John McKenna: Merci monsieur le président.

À  +-(1025)  


À  +-(1035)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Nous reprenons nos travaux.

    Merci et bienvenue.

    Nous sommes heureux d'accueillir maintenant le général à la retraite Evraire et le colonel à la retraite Howard Marsh. Nous en sommes au début de nos audiences sur la politique de défense qui, selon les indications qu'on nous a données, devrait être rendue publique incessamment. Nous avons peut-être mis la charrue devant les boeufs mais tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant ont été très utiles et nous osons croire qu'ils continueront de l'être.

    Vous pouvez prendre tout le temps dont vous avez besoin pour faire vos exposés. Ensuite nous ferons un ou deux tours de table pendant la période des questions. Chacun devrait avoir amplement le temps de poser ses questions. Je vais donc vous remercier d'être venus et vous donner la parole.

+-

    Lieutenant-général (retraité) Richard Evraire (président, Conférence des associations de la défense): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis ravi que vous m'ayez invité à revenir vous rencontrer ce matin pour parler de la politique de défense. Si lors de mes visites précédentes j'ai fait part au comité de ce que la Conférence des associations de la défense espérait trouver dans la politique de défense du Canada, ce matin j'aimerais vous parler de la gestion de la politique de défense.

[Français]

    Je voudrais tout d'abord signaler que le milieu de la défense trouve la situation actuelle pour le moins exceptionnelle. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi.

    À l'étape présente du processus d'élaboration de la politique de défense, le premier ministre a déjà, dans une très grande mesure, fait connaître son opinion en matière de politique étrangère et de défense. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale ont exposé les grandes lignes des intentions du gouvernement à l'égard de la politique étrangère et de défense. Le 3 mars dernier, lors du séminaire annuel de l'Institut de la Conférence des associations de la défense, le chef d'état-major de la Défense a présenté un plan clair en matière de défense pour l'avenir et le gouvernement a rendu public un profil de financement à long terme de la défense. Pourtant, nous ne disposons toujours pas d'un énoncé de politique de défense cohérent et global. La vision, le leadership et l'argent sont offerts à la contemplation de tous. Le chef d'état-major de la Défense a réuni des équipes de planification et de mise en oeuvre, et ces dernières lui soumettront leurs recommandations au mois de juin.

    Y a-t-il quelque chose qui cloche dans ce tableau?

[Traduction]

    Les puristes du processus d'élaboration de la politique me reprocheraient d'avoir énuméré les étapes dans le désordre. D'autres, dont la CAD, croient que l'une des nouveautés les plus rafraîchissantes à survenir depuis très longtemps en ce qui a trait à la politique de défense est le soutien sans équivoque du premier ministre et du cabinet pour des forces armées viables et une politique de défense crédible liée à une politique de sécurité internationale qui permettront au Canada de jouer dans la cour des grands. La CAD attend, comme nous tous, avec impatience et un optimisme retenu le résultat des délibérations censées nous permettre d'atteindre cet objectif.

    Je n'ai donc pas l'intention ce matin d'injecter dans mes propos sur le processus d'élaboration de la politique de défense et les résultats de ce processus une note de pessimisme. Toutefois, je crois qu'il est nécessaire de vous alerter aux délibérations d'une récente conférence coparrainée par l'Université Queen's, l'Institut de recherche en politiques publiques et l'Institut de la CAD sur la capacité du ministère de la Défense nationale de gérer la transformation qui s'imposera s'il souhaite mettre en oeuvre la nouvelle politique de défense.

[Français]

    Lors du congrès qui a eu lieu la semaine dernière à Ottawa, les analystes de la défense ont expliqué qu'il existe, au sein des ministères et des organismes centraux, plusieurs obstacles dans l'administration publique qui entravent les objectifs organisationnels de stabilisation, de transformation et de modernisation des Forces canadiennes. Comme vous le savez, il s'agit de politiques gouvernementales prescrites. Ces obstacles existent sur le plan des politiques, des procédures et de l'autorité en matière d'administration de la défense.

À  +-(1040)  

[Traduction]

    Pour citer Douglas Bland (Ph.D), président de la gestion de la défense à l'Université Queen's et organisateur de la conférence de la semaine dernière, les objectifs de l'administration de la défense sont d'organiser, d'équiper et de soutenir les Forces canadiennes afin de leur permettre de produire une force de coercition maximale à partir des ressources fournies par le gouvernement. Selon lui, même si l'analyse stratégique, l'établissement d'objectifs, l'allocation de ressources et la surveillance publique devraient faire partie intégrante de la politique de défense, la clé de voûte de l'établissement d'une capacité de défense est une administration publique efficace et efficiente. La question devrait se poser en ces termes : le système actuel pour l'administration de la défense est-il celui que nous choisirions si le Canada était en guerre? La réponse de M. Douglas Bland à cette question est que nous sommes en guerre et que le système ne répond pas de façon adéquate aux besoins de la nation.

    Il cite ensuite le rapport de 2003 du ministre de la Défense nationale, John McCallum, intitulé « Atteindre l'efficacité administrative ». Le rapport indiquait notamment que le MDN et les Forces canadiennes—ainsi que les autres ministères et organismes centraux du gouvernement, par application—étaient, sous l'angle de la gestion, mal placés pour répondre aux défis d'ordre stratégique qui se présentent.

    Le rapport indiquait, et je cite :

... sans une transformation fondamentale du cadre et des modes de gestion nationaux du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, les FC seront incapables de se transformer assez rapidement pour s'adapter au nouveau contexte de sécurité du Canada.

    Monsieur le président, membres du comité, sans la coopération des autres organismes et ministères, la transformation des Forces canadiennes, requise par la vision du premier ministre et du gouvernement, sera impossible.

[Français]

    L'objectif premier de l'administration de la défense, tel qu'il a été énoncé plus tôt, s'est perdu dans les conflits au sujet des politiques, des intérêts et des procédures de divers ministères et organismes centraux, qui ont créé des retards dans la planification de la défense et des frais supplémentaires au niveau de l'élaboration de la capacité de combat.

    La Conférence des associations de la défense recommande vivement que le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants se penche sur ce problème d'administration publique, qui a été exposé dans le rapport de 2003 du ministre McCallum, et qu'il préconise des moyens de simplifier les politiques et procédures de manière à accélérer le processus d'élaboration de la capacité de combat.

    Pour conclure, je vais souligner deux obstacles sérieux.

[Traduction]

    En conclusion, permettez-moi de signaler deux obstacles existants : le premier est de nature interne au MDN et aux Forces canadiennes; le second est surtout le fait des autres organismes centraux et ministères, ainsi que de politiques et de procédures qu'il va falloir éliminer pour rationaliser si l'on veut parvenir rapidement à créer une capacité de combat dans les Forces canadiennes.

    La première préoccupation est la création des forces. Un examen approfondi des pratiques de recrutement, de formation et de gestion du personnel au sein du MDN amène à une conclusion troublante : qu'on risque de devoir attendre 2012 avant que les Forces canadiennes soient en mesure d'augmenter leur personnel entraîné et d'atteindre les 5 000 membres et les 3 000 réservistes annoncés.

    Durant la période des questions, le colonel Marsh et moi serions heureux de vous fournir quelques raisons pour ce retard, si vous le souhaitez. À ce stade, laissez-moi simplement indiquer que la Conférence des associations de la défense estime qu'il est vital que ce fait soit pris en compte lorsqu'on assigne des missions ou des tâches aux forces, notamment des déploiements à l'étranger. C'est une question d'administration publique et de mise en oeuvre des politiques de défense.

    L'autre obstacle majeur se rencontre dans l'acquisition des biens d'équipement. Pour l'instant, le ministère manque de civils, de militaires et d'expertises en général pour mener à bien le fameux Plan stratégique d'investissement dans les capacités (PSIC).

    Au cours des six derniers mois, les personnes chargées de faire progresser les projets d'acquisition de biens d'équipement ont manqué 90 p. 100 de leurs jalons. Quand l'effectif était deux fois plus nombreux que celui d'aujourd'hui, il fallait en moyenne 15 ans pour effectuer des acquisitions majeures. Aujourd'hui, vu la façon dont on effectue traditionnellement les acquisitions militaires et le manque criant d'expertise pour ce genre de projet, nous risquons, hélas, de devoir attendre 2020 pour voir la transformation des Forces canadiennes conformément à la mise en oeuvre du plan actuel.

    C'est pourquoi nous pensons qu'il faut changer les procédures d'achat de biens d'équipement. Faute de quoi, si le gouvernement et le ministère de la Défense suivent les pratiques existantes en matière d'administration publique, bien des capacités militaires vont connaître une longue période d'hibernation et risquent de se perdre entièrement. Parmi les nombreux exemples, j'en citerai seulement un, que vous connaissez déjà sans doute.

À  +-(1045)  

[Français]

    Le ministère de la Défense nationale a, à toutes fins pratiques, interdit de vol les deux tiers de sa flotte d'avions Hercules servant au transport tactique. Les avions restants ne peuvent transporter de réservistes en raison du danger que les aéronefs posent et des coûts de responsabilité bien trop élevés.

    Compte tenu de la décision prise récemment par Air Canada de vendre ses avions 747B équipés pour transporter des passagers et du fret, le gouvernement ne dispose pratiquement d'aucune capacité de transport aérien crédible. Le comité peut apprécier la situation problématique dans laquelle seraient placés les politiciens advenant une catastrophe nationale, car les Forces armées seraient dans l'obligation de lancer un appel d'offres pour un transport aérien ou bien d'attendre que des forces alliées leur prêtent secours.

[Traduction]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, la mise en oeuvre de la politique gouvernementale s'effectue au jour le jour, en fonction de la nature du problème et des outils dont on dispose. Or, le Canada souffre en moment d'un manque d'outils militaires qui risque de se prolonger. Combien de temps? Ce n'est pas une question de manque de vision, de leadership, de politique de défense ni même d'argent (le ministère est en ce moment incapable de dépenser les sommes allouées aux biens d'équipement), mais de manque d'efficacité dans l'administration publique de la défense.

    Notre recommandation au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants est donc de s'attacher aux obstacles internes et externes à l'administration publique de la politique en matière de défense en examinant les politiques gouvernementales ainsi que les pratiques de gestion et d'organisation qui, ensemble, sont censées produire et soutenir les capacités militaires mais qui, en fait, les entravent, voir les dégradent souvent. La Conférence des associations de la défense serait fière de contribuer davantage à ce débat des plus importants. C'est pourquoi j'ai fait circuler ce matin un document conçu précisément à cet effet. Si vous aviez d'autres requêtes, nous serons ravis d'apporter d'autres contributions.

    Les options de politique étrangère qui s'offrent en ce moment au gouvernement sont restreintes, en partie à cause des limites des forces armées. Un plus large éventail d'options serait souhaitable, à notre sens. Il ne faudrait pas que notre dernier recours, les Forces armées canadiennes, loyal et discipliné, soit sous-équipé et compte trop peu de membres. La Conférence des associations de la défense estime que les lourdeurs de l'administration publique de la défense entravent la liberté de décisions du Canada en matière de politique étrangère. C'est pourquoi il faut les réduire ou les éliminer. Sans cela, la transformation nécessaire des Forces canadiennes traînera en longueur, les hommes et les femmes qui servent sous le drapeau seront en danger et le Canada continuera de disposer d'options limitées en matière de sécurité, de défense et de politique étrangère.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci beaucoup.

    Nous allons passer directement aux questions.

    Monsieur MacKenzie, vous avez la parole, pour sept minutes.

+-

    M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC): Merci beaucoup.

    Et merci à vous d'être venus aujourd'hui et de nous faire profiter de votre manifeste expertise.

    J'ai été particulièrement intéressé par vos commentaires quant à l'approvisionnement. Si je vous ai bien compris, nous avons réduit de moitié le personnel. Pensez-vous que cela réduira de moitié la durée de l'approvisionnement ou que cela la doublera?

+-

    Lgén Richard Evraire: D'après nos calculs, il faudra deux fois plus de temps, parce que le MDN manque de personnel pour entreprendre le processus de gestion de projets et que, en plus, une bonne part de l'expertise a disparue.

    Le Colonel Marsh pourrait peut-être vous en dire plus long à ce sujet.

À  +-(1050)  

+-

    Col Howard Marsh (analyste de défense sénior, Conférence des associations de la défense) (à la retraite): Quand vous parlez de réduire de moitié, monsieur, j'aimerais préciser un peu les choses. Entre 1995 et 1999, le ministère de la Défense nationale a éliminé 500 000 années-personnes d'expérience. Il peut aligner maintenant seulement 490 spécialistes de la gestion de projets, contre 1 200 il y a six ans. Ce n'est pas demain la veille que nous rétablirons l'expertise perdue.

+-

    M. Dave MacKenzie: Le problème est-il dû en partie à la multiplicité des filtres dans le système, des gens qui se servent au passage?

+-

    Col Howard Marsh: Oui. En ce moment, entre la bureaucratie centrale et celle du ministère de la Défense nationale, un projet doit faire en moyenne presque 100 stations de la croix au sein du ministère et presque 50 à l'extérieur du ministère. En tout, cela prend de 30 à 36 mois.

+-

    M. Dave MacKenzie: Et le gouvernement serait en mesure de trouver des solutions à...

+-

    Col Howard Marsh: Oui, c'est le gouvernement lui-même qui a créé l'essentiel des lourdeurs, entre 1964 et maintenant.

+-

    M. Dave MacKenzie: Vous avez indiqué qu'il fallait changer les pratiques de gestion à la fois au sein de l'organisation et à l'extérieur. Pourriez-vous nous en dire plus long sur votre vision dans ce domaine?

+-

    Lgén Richard Evraire: En ce qui concerne le processus d'approvisionnement, il serait possible de réduire le temps d'ensemble nécessaire à l'approvisionnement, en éliminant un certain nombre de « stations de la croix », pour prendre l'expression du Colonel Marsh. Avant qu'un projet de biens d'équipement soit finalement accepté, il faut fournir des rapports et faire des pieds et des mains.

    Comme le Colonel Marsh connaissait beaucoup mieux que moi ce secteur au sein du ministère, je suggère qu'il vous donne quelques exemples spécifiques des changements qui pourraient être effectués.

+-

    Col Howard Marsh: Le processus prend en général 15 ans, environ. Un tiers de ces années sont requises à l'interne par le gouvernement et par le ministère de la Défense nationale; deux tiers sont absorbés à l'externe par le ministère de la Défense nationale. Je vais d'abord parler des deux tiers.

    Les deux tiers du temps, soit dix ans, sont consacrés à l'établissement d'un consensus avec une quarantaine d'autres ministères du gouvernement. Pour effectuer un projet, il faut parfois comparer la production textile autochtone à la disponibilité de textiles au Québec ou prendre en compte toute autre exigence qui se présente à un moment donné. Au sein du ministère, on consacre beaucoup de temps à l'élaboration d'options génériques. Par exemple, à l'époque où je travaillais au projet de tanks, nous avons dû consacrer environ trois ans à la question de savoir qui devrait effectuer des tirs directs. Pour combattre un tank, l'idée était d'appliquer dix mégajoules d'énergie à un morceau d'acier. Le ministère a alors mis en branle un processus laborieux pour savoir qui pouvait tirer dix mégajoules d'énergie à un morceau d'acier à deux milles mètres.

    L'aviation se targuait alors de pouvoir le faire avec des CF-18 ou des A-10, ou des hélicoptères d'attaques; elle soumettait trois ou quatre options. La marine se proposait de le faire avec des missiles Harpoon, etc. L'armée suggérait des tirs directs, des tirs indirects. Suivait tout un tralala d'élaboration d'options, pour savoir qui était le mieux placé. Quand on s'est finalement convaincu que faire les choses comme avant était encore ce qu'il y avait de mieux, on demanda à l'armée comment elle s'y prendrait dans un cas de bataille sur terre. Voulait-elle des missiles terre-terre, des missiles hybrides, de l'énergie cinétique? Et on repartait à zéro dans ce processus d'élaboration. Je vous passe les détails.

    On franchissait donc toutes les étapes (les options, l'analyse des besoins, le génie) pour arriver enfin à l'énoncé des besoins. L'énoncé des besoins entraînait ensuite des spécifications de génie. Alors là, le personnel de génie (considérable) s'en donnait à coeur joie. Au bout d'environ neuf mois il produisait un document de peut-être 700 pages, où tout était spécifié dans les moindres détails, de la pression des pneus au type d'acier requis. Je vous laisse imaginer le reste, même chaque raccord électrique, chaque charnière de porte ou joint de caoutchouc était analysé en long, en large et en travers.

    On partait ensuite du descriptif pour faire une demande de proposition. Entrait alors en jeu la stratégie d'approvisionnement du gouvernement dont le personnel chargé du projet devait s'accommoder. Imaginez : vous avez 700 pages de descriptif et vous devez donner 38 p. 100 des contrats à l'Ontario, 37 p. 100 aux Maritimes, 23 p. 100 au Manitoba, etc. Il fallait ensuite sillonner le pays pendant environ deux ans pour trouver une entreprise du Nouveau-Brunswick qui pourrait fabriquer un pneu plastique à 27 psi pour temps froid et humide, quelqu'un à Vancouver qui pouvait produire un serpentin de chauffage. Cela prenait du temps. Après cela, il restait encore à étudier les offres, à les évaluer, à faire une liste des options et à présenter le tout au cabinet.

    Autrement dit, nous nous compliquons véritablement la vie à force de détails.

À  +-(1055)  

+-

    M. Dave MacKenzie: Merci.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Dans ce débat, on n'a pas parlé de l'arrivée de Travaux publics Canada. Eux aussi ont leurs spécifications. Il y a aussi des négociations à long terme, etc. Vous avez raison, c'est le fouillis le plus complet.

    Le Bloc québécois a une certaine approche. D'ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que nous avons toujours maintenu dans nos rapports, et ce depuis longtemps, qu'il nous faut une politique de la défense. Nous croyons qu'il y en aura une au plus tard la semaine prochaine; ce sera intéressant. Selon nous, cela a un impact sur les éléments de défense. Je parle de l'armée de terre, de l'aviation et de la marine.

    L'armée a une expression qu'on entend très souvent: « we need more boots on the ground ». Or, on tient souvent ce discours dans un contexte financier restreint. Cela veut dire que si on décide d'augmenter les dépenses pour l'armée, il faudra peut-être faire des sacrifices ailleurs. J'espère que cela paraîtra dans les textes qui seront déposés la semaine prochaine. Il faut que les gens se fassent une idée quant à l'élément qu'ils veulent privilégier, puisqu'on veut maintenant, sur le plan de la politique internationale du Canada, faire tels types d'interventions.

    Cela a ensuite un impact sur tout l'aspect matériel. Or, l'aspect matériel est important aussi, car si on décide de faire plus d'interventions dans des théâtres d'opérations terrestres, qu'il s'agisse de missions de paix ou de stabilisation, il faut faire en sorte d'avoir le moins de pertes possibles et veiller à ce que nos soldats soient bien équipés.

    Cela a toujours été notre logique. C'est pour cette raison que nous ne comprenons pas lorsque nous entendons dire qu'on va dépenser 5 milliards de dollars pour faire l'achat d'hélicoptères ou de telle ou telle autre chose.

    De plus, il faudra que la politique de la défense soit imprégnée d'une philosophie. Vous semblez vouloir maintenir l'aptitude au combat dans tous les éléments. Cela veut dire qu'il ne suffit pas de se préoccuper seulement des boots on the ground supplémentaires. Mais faudrait-il aller jusqu'à maintenir la marine telle qu'elle est, maintenir l'aviation telle qu'elle est?

    J'aimerais donc avoir votre avis à cet égard, car cette philosophie est en évolution. Même à l'OTAN, où je siège souvent, il y a des pays qui commencent à vouloir se spécialiser. Ils se demandent s'ils doivent entraîner des gens afin qu'ils soient aptes à tout faire en matière de défense. On m'a déjà répondu que si on est apte au combat, on est apte à tout.

    J'aimerais entendre votre avis sur la philosophie qui devrait engendrer la prochaine politique. Maintenez-vous qu'il faut être apte à tout, que nos forces devraient être aptes à tout et qu'elles devraient intervenir à tous les points de vue dans tous les éléments? En d'autre mots, maintenez-vous qu'il faut maintenir la marine, l'aviation et l'armée de terre? Êtes-vous d'accord pour qu'on fasse des changements et qu'on en prenne un peu ici et là? Le lobby des généraux et le lobby des amiraux essaient de me convaincre que ce qui est le plus important, c'est ce qui est leur ressort. Pour les amiraux, c'est la marine qui est le plus important. Pour les gens de l'aviation, c'est l'aviation. Le même raisonnement vaut pour les responsables de l'armée de terre. Or, en bout de ligne, ce sont de pauvres députés comme nous, qui ne connaissons presque rien en matière de défense, qui allons prendre les décisions.

    Alors, j'aimerais entendre votre opinion là-dessus.

Á  +-(1100)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Si vous me le permettez, je dirai tout d'abord que peu importe ce que sont les apparences au sein du ministère, c'est le ministre qui doit convaincre ses collègues du Cabinet de la direction à donner à la politique de défense.

    Une chose est claire. Tout le monde ici ce matin sera très heureux de constater que chacun des responsables des trois éléments de l'armée — air, terre et mer — essaie de « vendre sa salade ». Au final, c'est le chef d'état-major de la Défense qui fait des recommandations au ministre. C'est lui qui « brasse la salade » et qui détermine où sera mis l'accent.

    Vous avez entendu récemment les propos du général Hillier. Il a sa vision personnelle et il l'a présentée au ministre. Je ne sais pas quel sera le contenu de la politique de défense, mais je suis convaincu qu'il y aura une vision et une orientation. Par conséquent, l'accent sera fort probablement différent. Cela dépendra de l'élément choisi, des missions que l'on prévoit donner aux forces armées dans le futur. Par conséquent, le partage de l'argent alloué au ministère sera fonction des besoins en matériel et en personnel, de façon à pouvoir éventuellement remplir ces missions.

    Je dois dire que la Conférence des associations de la défense a toujours préconisé l'idée selon laquelle une politique de défense est importante avant de faire de grandes dépenses. On est d'accord là-dessus, sauf, qu'en second lieu, on a toujours dit qu'on ne peut pas se rendre là sans être bien installé ici. C'est pourquoi on a toujours préconisé la dépense d'un certain montant d'argent afin de maintenir les capacités militaires des forces armées. On ne peut pas créer quelque chose de solide à partir d'une boite de sable. Il faut y ajouter des éléments pour renforcer la structure.

    Étant donné qu'on est maintenant sur le point, semble-t-il, d'avoir une politique de défense, on est optimiste. On veut en connaître l'orientation et savoir où l'argent sera dépensé. On ne voit pas une spécialisation à outrance. La raison en est simple. Si, en cas de difficultés, les forces armées doivent intervenir, on a besoin d'une certaine capacité militaire. Si on s'attend à ce que le voisin ou l'allié nous offre cette capacité militaire et que lui-même en a besoin à ce moment-là, on est foutu.

    On doit donc choisir judicieusement les capacités militaires qui seront nécessaires pour assurer notre propre sécurité territoriale, continentale et pour nous permettre aussi d'entreprendre les missions sur le plan international que le gouvernement aura bien voulu demander aux forces armées de remplir. Donc, on ne doit pas agir en vase clos: si ceux-là en ont, eux n'en ont pas.

    On espère développer une force armée qui se concerte, plutôt qu'une force armée qui travaille de façon disparate à différents endroits. La distribution des fonds, basée sur la politique de défense, permettra, on l'espère, aux différents éléments de l'armée d'agir de concert et d'intervenir comme le souhaite le gouvernement.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Colonel Marsh, à vous la parole.

+-

    Col Howard Marsh: Monsieur, vous avez mis le doigt sur une chose très importante : l'évolution de notre approche. Au cours des cent dernières années, le ministère de la Défense nationale et la plupart des habitants du monde occidental ont considéré la guerre et la paix comme un cycle. On a dans l'idée que, quand on sera en guerre, on commencera à fabriquer des balles et des tanks. L'idée d'une période relâche, puis d'une période de guerre s'est transposée dans le cycle d'acquisition. Un des changements majeurs qu'essaie d'apporter le général Hillier est d'amener chacun à prendre conscience d'un fait : les Forces canadiennes sont en action de façon continue.

    Pour répondre à la seconde partie de votre question, je considère, quant à moi, qu'il existe pour la terre et la mer des outils communs de communication et de soutien qui seront incontournables dans les 50 ou 100 années qui viennent. Il nous faut identifier ces outils communs qui vont se maintenir, puis mettre sur pied une base industrielle au Canada pour y répondre. Nous achèterons toujours des camions. Nous achèterons toujours des bottes. Nous achèterons toujours, aussi longtemps que je puisse imaginer, des moteurs. Il y a des choses qui sont communes à long terme; il faut les identifier puis adopter une stratégie centrée sur ces choses.

Á  +-(1105)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Monsieur Bagnell.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je vous remercie.

    Je ne sais pas si vous avez entendu la première question que j'ai posée au dernier groupe. En examinant les forces armées, nous ne devons pas perdre de vue les nouvelles conditions, notamment l'ouverture des glaces de l'Arctique du fait du réchauffement de la planète. Il y a des navires qui viennent déposer sur nos côtes des immigrants; il y a le risque de déversement d'hydrocarbures dans notre Arctique; on a vu des sous-marins étrangers; et pourtant nous n'avons pas de navires en mesure de s'aventurer dans la glace. Auriez-vous des suggestions pour la prochaine étape de nos forces armées, pour changer, non le total des ressources, mais la façon dont elles sont déployées?

    En fait, maintenant qu'on a établi une carte de la plate-forme continentale dans le Nord, le Canada doit à présent défendre une zone de souveraineté plus importante qu'autrefois. Avez-vous des commentaires ou des suggestions sur la façon dont nous pourrions changer l'allocation de nos forces armées afin de protéger la moitié nord de la nation, celle qui comporte le littoral le plus long?

+-

    Col Howard Marsh: Je n'ai pas de recommandations spécifiques hormis qu'il faut y aller.

    Quand le premier ministre Trudeau a pris le pouvoir, j'étais soldat dans le 5e groupement de combat à Québec. On nous poussait beaucoup à l'époque à aller dans l'Arctique. C'est ce que nous avons fait, en amenant avec nous un certain nombre de chercheurs. Nous avons appris très rapidement que nous n'avions ni les vêtements, ni l'alimentation, ni le transport, ni les systèmes de soutien voulus pour ce climat.

    Je ne voudrais pas faire d'autres recommandations que ceci : il faut y aller. Il faut protéger cette capacité. On sait qu'il faudra une composante aérienne, une composante maritime et une composante à terre. Il faut y aller et apprendre; il faut prendre le temps de développer cette capacité.

+-

    Lgén Richard Evraire: C'est exact. L'an dernier, il y a eu un exercice dans le Nord; on en a tiré toute une série de leçons dans les domaines que vous venez de mentionner. Faute de fonds et de personnel pour remplir toutes les autres missions confiées aux Forces canadiennes, nous n'avons pu faire ce que suggère le colonel Marsh, c'est-à-dire nous rendre dans le Nord aussi souvent que possible, plus souvent que maintenant. Si nous n'y parvenons pas, tous ces problèmes feront surface quand nous enverrons un groupe sur place et découvrirons, à notre grande contrariété, ce que nous aurions dû découvrir dans le cadre d'exercices.

    Il manque de fonds pour les exercices et l'une des zones souvent négligées, traditionnellement, est bien sûr le Nord.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je crois que l'armée fonctionne bien dans la région. Comme vous l'avez dit, il y a eu un exercice de grande envergure l'été dernier. On y fait un certain nombre de choses. Vous avez raison, je crois : ils font du bon travail, mais je parlais plutôt d'un emplacement permanent, ce qui m'amène à ma seconde question.

    On pourrait, par exemple, réviser le système de recherche et de sauvetage. Pour l'instant, toutes nos bases sont relativement proches de la frontière avec les États-Unis. Sans augmenter nos ressources, il devrait être possible de les déployer de façon plus efficace et d'avoir au moins un avion de recherche dans le Nord afin de mieux couvrir le pays, surtout maintenant que l'on sous-traite l'entretien de la machinerie et autres tâches qui ne sont pas secrètes.

    Il pourrait aussi y avoir d'autres fonctions; nous avons besoin de ces autres fonctions d'aéronefs dans le Nord. Avec les double fonctions, il serait bien d'avoir une présence dans le Nord pour la recherche et le sauvetage au lieu de devoir consacrer 10 à 12 heures pour se rendre sur le site d'un accident.

Á  +-(1110)  

+-

    Col Howard Marsh: L'Arctique présente un défi de taille : son étendue. Avec l'eau, il s'agit d'une superficie d'environ 7 millions de kilomètres carrés. Malheureusement, les meilleurs outils de surveillance et de détection sont ceux du système américain de défense contre les missiles balistiques, qui peuvent repérer en 10 secondes environ un objet de 10 centimètres qui dégage plus de chaleur que son environnement à raison d'un degré centigrade de plus.

    Survoler l'Arctique à la recherche de corps est essentiellement une peine perdue. C'est impossible. La zone est trop étendue.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Bien sûr, je suis heureux que les forces armées aient étendu la protection par satellite à des zones où elle était présente autrefois et qu'elle soit en passe d'exploiter les véhicules aériens sans équipage, etc. Mais ma question portait sur l'intervention proprement dite, une fois que quelque chose est trouvé. Si tout se trouve près de la frontière américaine, il faut forcément beaucoup plus de temps. Dans le Nord, bien sûr, il est beaucoup plus probable de mourir de froid ou d'hypothermie dans l'océan que dans les lacs plus chauds au sud du pays. Je parlais de la capacité d'intervention dans la pratique et du temps requis pour qu'un aéronef s'achemine de sa base au lieu voulu; je ne parlais pas de la détection du problème.

+-

    Col Howard Marsh: En la matière, le problème est le recouvrement des coûts par personne. Dans le Sud du Canada, il y a chaque année entre 5 000 et 7 000 personnes qui nécessitent des recherches. Comme c'est dans une bande très étroite de 100 kilomètres de large, c'est relativement rentable : cela coûte environ 4 millions par personne retrouvée.

    Dans l'Arctique, par contre, on recherche seulement environ 5 personnes par an. Cela coûte donc environ 100 millions de dollars par personne. C'est-là que se pose un dilemme moral. Quel est le taux de décès acceptable pour des opérations de recherche et sauvetage rentables? Il faut bien prendre une décision. Les lignes directrices des assurances sont d'environ 4 millions de dollars par personne.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Une minute.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: À votre avis, dans les nouvelles forces armées, faut-il continuer à avoir des sous-marins?

+-

    Lgén Richard Evraire: Si vous le permettez, monsieur le président, c'est moi qui répondrai à cette question.

    Nous aimerions voir ce que la politique de défense suggère à cet effet, en ce qui concerne la distribution des ressources. À mon avis, le littoral national le plus long au monde mérite un peu d'attention. Quels que soient les rôles spécifiques assignés aux sous-marins de la marine, ils devraient comprendre la protection des côtes et l'intervention dans des situations où il faut se pencher sur quelque chose.

    J'ai entendu de nombreux témoignages quant à l'utilité des sous-marins dans cette fonction et dans d'autres. Toujours est-il que les sous-marins font partie intégrante de toute marine. La protection des côtes faisant partie des fonctions de la marine, elle se doit d'y veiller. Au bout du compte, que nos sous-marins participent à des interventions en pleine mer, tel qu'on l'envisage en ce moment, cela reste à voir. Mais, à mon avis, la marine serait incomplète sans cet outil particulier dans son attirail.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Deuxième tour, cinq minutes.

    Monsieur MacKenzie.

+-

    M. Dave MacKenzie: Merci.

    Il semble que l'un des problèmes que nous ayons toujours avec notre armée soit la vision qu'en ont les Canadiens. C'est peut-être une question d'optique, mais ils ne semble pas voir l'armée. Pourriez-vous comparer notre réserve à celle d'autres pays? À certains égards, nous sommes peut-être en retard. Nous avons moins de réservistes que de militaires à plein temps, ce qui n'est pas normal.

+-

    Col Howard Marsh: Je commencerai par vous signaler quelque chose qui m'a vraiment surpris. Parmi tous les pays de l'OTAN, il y en a près de 25 aujourd'hui, le Canada est celui qui après les États-unis recourt le plus à sa réserve. Dans nos différentes opérations à l'heure actuelle, nous comptons pour 24 p. 100 sur la réserve; l'on ne peut donc pas dire qu'elle ne participe pas. C'est la première chose que je voulais dire à ce sujet.

    D'autre part, au ministère, et j'ai analysé la chose, il y a actuellement tellement de mouvement entre les réguliers et les réservistes que, du point de vue des coûts, c'est presque la même chose.

    Peut-être voulez-vous parler de la question de l'optique.

Á  +-(1115)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Oui.

    Évidemment, on parle des réservistes au ministère et dans l'armée canadienne depuis très longtemps. On essaie d'en améliorer l'utilité, l'emploi opérationnel. La situation a beaucoup changé dans les 30 ou 40 dernières années, bref, depuis que je suis entré à l'armée.

    Au moment de la guerre de Corée, le gouvernement avait décidé de créer une armée, une armée régulière permanente, ce qui s'est traduit dans les années 60 et 70 et au début des années 80 par une certaine négligence du financement et donc de l'employabilité des réservistes. Ce n'est plus le cas et les réservistes, comme l'a signalé le Colonel Marsh, sont redevenus un élément important et également essentiel dans les déploiements de l'armée canadienne ces 20 dernières années et, probablement, depuis plus longtemps.

    Le problème de visibilité de l'armée au Canada devrait, espérons-nous, être réglé dans une certaine mesure, puisque l'on doit accroître le nombre de réservistes et insister sur cette force. La décision du gouvernement d'ajouter 3 000 réservistes est certainement un pas dans la bonne direction. Mais, moins il y a de gens en uniforme dans nos villes et localités, plus il est difficile de convaincre les Canadiens que l'armée canadienne est un élément important de la sécurité et de la défense de notre pays. Nous accueillons très favorablement l'annonce de l'ajout de 3 000 réservistes et aussi les projets en cours visant à accroître encore ce nombre.

    La décision il y a quelques 25 ou 30 ans, ou même avant, de concentrer une bonne partie de notre armée dans certaines grandes bases éloignées des centres de population et la décision, par exemple, d'éliminer la présence des programmes de formation des officiers dans les universités et les écoles secondaires, surtout dans les universités, ont provoqué une séparation, un éloignement entre l'armée et la population, ce qui a donné des résultats plutôt négatifs pour l'armée.

    Nous nous félicitons de tous les efforts que l'on fait pour accroître le nombre de réservistes. Nous sommes favorables à tout ce qui pourrait redonner plus de visibilité à l'armée, que ce soit dans les campus ou partout ailleurs dans nos villes, pour la simple raison que l'on oublie ce que l'on ne voit pas.

+-

    M. Dave MacKenzie: J'aimerais vous poser une petite question sur la façon dont nous utilisons nos réservistes. Est-ce que nous avons recours à la réserve parce que notre armée régulière est limitée et que nous n'avons pas le choix?

+-

    Col Howard Marsh: Oui, c'est en partie cela. D'autre part, les réservistes ont actuellement tout un éventail de qualifications que la force régulière n'a pas. En outre, il y a beaucoup de Canadiens, surtout entre 20 et 25 ans, qui poursuivent des études supérieures et qui entrent dans une unité de réserve, deviennent caporal, ou entrent au service du renseignement et sont prêts à travailler pendant six mois, ce qui leur permet de rentrer avec 10 000 $ américains en poche pour rembourser leurs études. Il y a donc des incitatifs importants dans ces secteurs.

+-

    M. Dave MacKenzie: D'accord.

    Merci.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Rota, puis nous passerons à M. Perron et ensuite à M. O'Connor.

    Monsieur Rota.

+-

    M. Anthony Rota: Merci, monsieur le président.

    J'aurais une ou deux questions concernant le processus d'acquisition. Je suis un peu troublé, je devrais dire très troublé, mais pas réellement surpris, d'apprendre que 90 p. 100 des étapes des projets ne sont pas respectées. Je devrais peut-être vous demander de quelle importance sont ces projets et quel est l'ampleur des retards?

    Je vais préciser ma question.

    Une des observations du rapport de la vérificatrice générale est que le processus de gestion des projets dans l'armée laisse à désirer. Il semble que la rotation du personnel soit de trois ans. Or, la gestion de projets, c'est quelque chose que l'on perfectionne durant toute sa carrière. On ne peut pas se contenter de venir trois ans, de suivre un cours et de disparaître ensuite pour que quelqu'un d'autre arrive. J'ai l'impression que c'est une formation très coûteuse pour les gestionnaires de projets.

    J'aurais donc deux questions. Que pouvez-vous nous dire du processus de gestion de projets et des gens qui s'en occupent? S'agit-il de civils? De militaires? Il y a-t-il un mélange des deux? Serait-il préférable que les gens restent plus longtemps?

    L'autre question porte sur l'importance des projets. S'ils sont en retard... Si une étape est retardée d'un mois, ce n'est pas peut-être pas tellement grave. Mais cinq ans, ou même un an, je trouve ça plus inquiétant.

    Qu'en dites-vous?

Á  +-(1120)  

+-

    Lgén Richard Evraire: Je demanderais au Colonel Marsh de répondre, il connaît mieux le sujet que moi.

+-

    M. Anthony Rota: Je vois son anneau; c'est probablement en effet l'expert.

+-

    Col Howard Marsh: Il faut que ce soit un mélange des deux et c'est actuellement le cas. La plupart des effectifs responsables de projets sont composés à environ 40 p. 100 de militaires et 60 p. 100 de civils. Il y a des militaires parce qu'il faut cet officier qui a 10 à 20 ans d'expérience opérationnelle et qui sait quel sac de couchage est nécessaire quand il fait froid. La composante militaire est donc essentielle. Mais votre observation est tout à fait juste.

    Quand j'étais directeur des besoins fonciers, l'officier qui m'était adjoint, qui avait la formation technique voulue, qu'il eut été formé en Angleterre, au Canada ou aux États-unis, ne pouvait s'occuper que de deux millions de dollars de projets par an. Après cinq ans de carrière, ou du moins alors qu'il était encore avec moi, il était passé à 50 millions de dollars par an. Il faut un certain temps pour comprendre les rouages du ministère. Il faut donc une certaine stabilité pour ce qui est du personnel technique et, dans une certaine mesure, c'est ce que nous avons. Je suis un agent technique d'État major, j'ai donc peut-être un certain parti pris. Dans l'Armée française, ils ont un groupe séparé pour l'État major technique qui, si je ne m'abuse, s'appelle les ingénieurs...

[Français]

+-

    Lgén Richard Evraire: C'est la Délégation générale pour l'armement.

[Traduction]

+-

    M. Anthony Rota: Est-ce que cela correspondrait à L'Army Corps of Engineers aux États-Unis?

+-

    Col Howard Marsh: Non, parce que ces ingénieurs sont ceux qui construisent des ponts et réparent autres choses. Ce groupe d'ingénieurs spécialisés en armements débute sa carrière dans le corps blindé ou l'infanterie. Ce sont des gens qui ont une qualification technique et leur carrière consistent ensuite à se faire affecter à des opérations, puis ils sont affectés dans le secteur privé.

    Ils ont une échelle salariale différente, si bien qu'un lieutenant colonel dans ce cas gagne la même chose qu'un brigadier général parce que dans tous les systèmes militaires, on ne peut être promu que si l'on est opérationnel et l'on ne peut être opérationnel que si l'on passe 20 ans de sa carrière dans le secteur. Les Français ont contourné ce problème en créant un corps d'ingénieurs en armements.

    Mais vous avez tout à fait raison. Quelqu'un de qualifié qui se spécialise dans ce secteur est dix fois plus efficace qu'un néophyte.

+-

    M. Anthony Rota: Très bien. L'autre question...

+-

    Lgén Richard Evraire: Le retard dans les projets.

+-

    Col Howard Marsh: Ah oui, le retard dans les projets. Ce n'est pas très grave. Si le retard se produit au début, on ne peut pas dépenser d'argent à la fin. Si c'est à la fin... Peu importe où intervient ce mois de retard, il ne peut-être rattrapé.

+-

    M. Anthony Rota: C'est séquentiel. Un retard en entraîne un autre; c'est un phénomène de cause à effet. Je me demandais s'il y avait une moyenne dans l'importance des projets, mais je pense qu'ils sont tous différents.

+-

    Col Howard Marsh: Oui. Il faut que vous sachiez—et c'est là une observation personnelle, j'ai écrit quelque chose à ce sujet—comme le ministère de la Défense nationale a tellement peur de soumettre un dossier au conseil des ministres pour approbation, je crois qu'il essaie de l'éviter. Depuis 40 ans, lorsque l'on veut faire approuver un gros projet par le conseil des ministres, un projet de plus de 100 millions de dollars, on a des chances de se faire prendre l'argent ou de se faire imposer une solution que l'on ne veut pas.

    J'ai constaté au cours des 20 dernières années que le ministère contourne ce problème en divisant les gros projets en projets de moins de 100 millions de dollars. Par exemple, la modernisation des CF-18 représente 2,6 milliards de dollars. Cela consiste en 27 sous-projets, chacun représentant moins de 100 millions de dollars. Il faut donc 27 directeurs de projets pour s'occuper de ces 27 composantes.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Anthony Rota: Me reste-t-il...?

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Non, vous avez déjà dépassé votre temps.

    Monsieur Perron.

[Français]

+-

    M. Gilles-A. Perron: Bonjour, messieurs.

    Si on en croit la théorie de notre ami, après les événements du 11 septembre, que l'on connaît bien, et la fin de la guerre froide, la crainte de conflits doit nous tenir en alerte. Sachant qu'on ne fait pas face à une armée — les terroristes n'ont ni uniforme ni armement militaire —, le ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes se modernise-t-il en fonction de ce type de conflits? Si oui, que doit-il faire en matière de savoir-faire et d'armement?

+-

    Lgén Richard Evraire: Il est clair que la menace est maintenant bien différente de ce qu'elle était avant la fin de la guerre froide. On ajoute au palmarès des dangers le terrorisme et une guerre non conventionnelle.

    Par contre, si on examine le dossier des missions militaires depuis la fin de la guerre froide, on s'aperçoit que les militaires canadiens ont eu à se présenter sur le champ de conflits bien armés, le meilleur exemple étant probablement celui de l'Afghanistan. Il n'est pas question de se limiter strictement aux capacités militaires, à l'entraînement nécessaire pour livrer bataille aux — permettez-moi l'expression — simples terroristes. Toutefois, les militaires canadiens sont obligés de porter des vestes pare-balles, d'être dans des véhicules d'armement protégés. Ils ont besoin d'une variété d'armes pour pouvoir contrer la menace, ce qui n'est pas toujours évident. Cette menace n'est certainement pas aussi évidente qu'elle l'était pendant la guerre froide.

    Par conséquent — et on le dit souvent — un militaire prêt au combat est prêt à toute éventualité. On doit quand même s'assurer que nos militaires envoyés en mission à l'étranger soient capables de livrer une guerre traditionnelle avec les armements que cela implique. Nous espérons voir d'ici quelques jours ce que contiendra la politique de défense. On imagine — et avec raison, je pense — que le gouvernement exprimera dans cette politique le besoin que les Forces armées canadiennes développent ou maintiennent la capacité, non seulement de faire la guerre contre le terrorisme, qui prend toutes sortes de formes, mais aussi d'agir sur l'éventail des conflits potentiels d'aujourd'hui. Cela implique d'intervenir dans des situations d'aide au pouvoir civil, au bas de l'échelle des conflits, autant que dans une guerre dite conventionnelle, à l'autre bout de l'éventail. Il faut donc des véhicules blindés — pas nécessairement des chars d'assaut —, des armes à tir direct et indirect, etc., pour livrer le genre de combat qui a eu lieu en ex-Yougoslavie dans la fameuse poche de Medak, par exemple, et pour la guerre livrée par le PPCLI en Afghanistan lors du premier déploiement des Canadiens dans ce pays. On ne peut donc pas se limiter à un élément de l'éventail. On mettrait les militaires en danger si on ne leur donnait pas la capacité et le matériel militaire nécessaires pour, du jour au lendemain, faire face au combat.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Gilles-A. Perron: Le conflit dont je parle pourrait se trouver sous une tour d'Hydro-Québec entre LG-2 et Montréal ou sous la Tour CN à Toronto. Le système de défense nationale a-t-il commencé à prévoir des stratégies pour face à un tel conflit?

+-

    Lgén Richard Evraire: Oui, effectivement. Le colonel Marsh me rappelle que ce qu'on espère voir dans la politique de défense, c'est la capacité d'intervenir dans tout l'éventail des conflits, allant de ce que vous suggérez — on espère que cela ne se produira pas — à une guerre dite traditionnelle. Le gouvernement a annoncé son intention d'entreprendre à l'étranger, de façon concertée, des interventions militaires auxquelles s'ajouteraient par la suite des interventions diplomatiques et des interventions de secours, de bien-être. Pour que les militaires puissent y contribuer, il faut qu'ils soient aptes non seulement au combat, mais à toute une série d'autres interventions de nature peut-être moins militaire, mais militaire tout de même.

+-

    Le vice-président (M. Claude Bachand): Merci, Gilles.

    Monsieur Khan, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Wajid Khan: Merci beaucoup.

    C'est merveilleux de vous entendre, Général Evraire et Colonel Marsh. J'ai tellement de questions que je ne sais même pas par où commencer. Comme je crois n'avoir que cinq minutes, je vais vous en poser une ou deux et écouter vos réponses.

    Le monde est beaucoup plus instable aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été. Qu'il s'agisse de pandémie ou encore de guerres et de terrorisme au pays et à l'étranger, la charge de l'armée s'est considérablement accrue et nous ne pouvons toujours pas dépendre de l'armée conventionnelle.

    Alors, quelles seraient vos trois grandes priorités? Quel genre d'armée devrions-nous avoir ou viser? Évidemment, vous ne pouvez pas me dire comment faire des économies dans le domaine des achats publics mais vous pouvez certainement parler de capacités d'emport instantané, ce dont d'autres témoins ont déjà parlé.

    On dit que c'est nécessaire, mais personne ne dit comment nous pouvons nous en doter. Nous n'avons pas les moyens d'acheter une telle capacité parce que cela représenterait près de 40 p. 100 du budget de la défense. Serait-il alors possible que quelques pays nordiques se joignent à nous pour acheter ou louer un tel appareil que nous pourrions utiliser collectivement? J'aimerais que l'on me dise ce que nous devrions faire plutôt que ce qui n'existe pas. D'autre part, évidemment, la défense, c'est à bien des égards une prolongation de la politique étrangère.

    Dernière question, si vous avez le temps de répondre, pensez-vous que nos questions de sécurité et de protection civile devraient être confiées à l'armée plutôt qu'à un autre ministère?

+-

    Lgén Richard Evraire: J'aimerais demander également au Colonel Marsh de répondre mais je dirais tout d'abord qu'il est très important, dans toute la mesure du possible, que l'armée n'entreprenne pas de tâches qui ne relèvent pas réellement de sa responsabilité. Nous avons des forces de police et tout un éventail d'autres forces d'intervention au Canada qui doivent être pleinement intégrées dans toutes les opérations nationales nécessaires au pays. La situation idéale est que l'armée ne se charge pas de ce genre de tâches afin de pouvoir se concentrer sur des interventions avec le matériel et la formation à sa disposition dans les scénarios du pire.

    Néanmoins, nous demandons à l'armée d'aider si on n'a pas besoin d'elle ailleurs. Je dois toutefois signaler que l'on a fait appel à beaucoup de militaires sur la côte Ouest et dans les prairies pour lutter, par exemple, contre les incendies de forêts en Colombie-Britannique. Alors qu'ils faisaient cela, il y a des tas d'autres choses qu'ils auraient normalement dû faire et qu'ils n'ont pu faire. Je pense notamment à l'entretien du matériel.

    Donc, l'armée ne devrait pas être employée pour des tâches qui reviennent normalement à d'autres groupes.

    Colonel Marsh.

Á  +-(1135)  

+-

    Col Howard Marsh: Votre observation est tout à fait valide. Beaucoup d'analyses statistiques indiquent que la demande en matériel ou intervention militaire augmente. Par contre, vous avez dit que nous n'avons pas les moyens de nous doter d' une capacité d'emport instantané et, là, je ne suis pas d'accord avec vous.

    À l'heure actuelle, le ministère de la Défense nationale dépense environ 385 millions de dollars, cette année, pour entretenir 31 avions Hercules, dont 19 sont stationnés et 9 peuvent...

+-

    M. Wajid Khan: Je parle d'une capacité lourde.

+-

    Col Howard Marsh: Nous avons environ 400 millions de dollars pour entretenir un tas de vieilleries et, sur dix ans, cela représente quatre milliards de dollars. Je suis sûr que nous pourrions probablement acheter six Globemasters C-17 et 20 Hercules C-130J si nous allions voir un constructeur aéronautique et nous lui disions que nous le paierions 400 millions de dollars par an pendant dix ans. Il nous remercierait probablement beaucoup et nous repartirions avec 20 C-130J et six C-17. Cela nous permettrait probablement de régler le problème en 12 à 18 mois.

+-

    M. Wajid Khan: Quelle est la différence de capacité d'entretien entre C-130J et les C-17?

+-

    Col Howard Marsh: Quand vous avez un CC-130J, qui est un Hercules, il est de relativement courte portée. Si l'on met 20 tonnes à l'arrière d'un Hercule, on ne peut pas aller plus loin que 1 000 kilomètres. On ne peut voler qu'à 400 milles à l'heure si bien que l'on ne peut emprunter les voies aériennes internationales. On doit faire des petits sauts. Si on prend un Hercules de Toronto à Vancouver, il faut rester à l'extérieur des routes aériennes parce que l'on ne peut pas demeurer à la même altitude que les avions à réaction. Cela fait 7 000 kilomètres. Il faut atterrir sept fois pour faire le plein avant d'arriver là-bas.

    Par contre, ils sont parfaits quand on arrive à destination et qu'il faut aller rapidement à 500 ou 1 000 kilomètres sur un champ d'aviation de l'Arctique. Le gros avion transporte 180 000 livres, 90 tonnes, et lorsqu'il est en l'air, il peut y rester et rouler à 650 kilomètres à l'heure pendant 5 000 kilomètres.

    Je crois qu'il nous faut avoir les deux, étant donné ce que nous faisons et le genre de champs d'aviation où nous opérons, parce que si l'on prend une carte du monde et que l'on regarde les régions où il y a des problèmes et les pistes qu'il y a dans ces régions, on s'aperçoit qu'il n'y en a pas beaucoup.

+-

    Lgén Richard Evraire: Pour répondre à votre question plus large sur ce que nous pensons qu'il serait nécessaire d'avoir comme description générale de l'armée, cela a déjà été précisé ou mentionné à plusieurs reprises et nous espérons que ce sera inclus dans la politique de défense comme premier objet essentiel.

    Nous croyons, tout d'abord, qu'il faut que l'armée contribue à la défense du Canada et de l'Amérique du nord. La taille exacte et la nature de cette armée sont encore à déterminer et nous ne voulons pas trop donner notre avis là-dessus car ceux qui sont mieux placés pour le faire sont ceux qui sont eux-mêmes dans l'armée et auxquels on a confié cette tâche.

    Nous pensons d'autre part qu'en tant que pays du G7 ou du G8, et étant donné la nature de notre économie, notre place dans le monde, et la place que nous voulons occuper dans le monde, nous devons contribuer aux alliances et, de façon plus générale, à la paix et à la sécurité dans le monde. Afin d'y parvenir, nous croyons que le Canada doit avoir une force déployable, l'idéal serait une brigade, quelques groupes de combat importants, mais, encore, tout dépend des montants que le gouvernement voudrait y consacrer.

    Idéalement, cette force serait déployable indépendamment de nos alliés, mais il y a là aussi d'autres options possibles. Si nous voulons apporter une réelle contribution, nous devons avoir quelque chose comme une brigade qui serait déployable et durable.

    Sinon, on pourra douter de notre contribution, et je crois que nous n'assumerions pas une responsabilité que nous devrions prendre.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Colonel Marsh.

+-

    Col Howard Marsh: Permettez-moi de répondre. La dernière question souligne l'argument principal de notre exposé, à savoir les obstacles que représentent l'administration publique de la défense. C'est le principal problème.

    Si le ministère peut vous dire qu'il n'a pas assez d'argent, mais en fait il en a assez, c'est à cause de la séparation artificielle entre les crédits un et cinq imposés par le gouvernement central.

    Comme vous le savez, dans le cas du crédit 1, quant on a acheté quelque chose et que cela fonctionne, on peut avoir tout l'argent du crédit 1 pour payer les salaires, les opérations et l'entretien. Vous constaterez qu'il y a 400 millions de dollars du crédit 1 pour entretenir les Hercules, parce qu'ils sont là depuis 40 ans mais il n'y a pas d'argent au crédit 5 pour acheter de quoi les remplacer. À l'heure actuelle, il n'existe pas de mécanisme qui vous permette de prendre 400 millions de dollars dans le crédit 1 pour les mettre au crédit 5 et procéder à cet achat. C'est un des problèmes sur lequel je vous suggérerais de concentrer votre attention.

Á  +-(1140)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Monsieur MacKenzie.

+-

    M. Dave MacKenzie: Deux des mots à la mode sont « intégration » et « interopérabilité ». Quand il s'agit d'achats, pourquoi devons-nous tout faire tout seul? Quand on fonctionne avec d'autres organismes, américains, britanniques, ou autres, pourquoi faut-il que nous réexaminions toute la question quand nous voulons acheter du matériel?

+-

    Lgén Richard Evraire: Ce n'était peut-être pas tout à fait clair dans nos observations précédentes mais je crois que nous avons essayé de dire qu'il ne faut pas réinventer la roue à chaque fois. On pourrait acheter énormément de matériel de série et c'est ce que l'on devrait faire dans certains domaines plutôt que de se lancer dans les démarches cauchemardesques décrites tout à l'heure par le Colonel Marsh pour satisfaire à des exigences dont nous avons, dans bien des cas, du mal à nous convaincre de la nécessité et qui ne font que retarder l'achat de matériel et, à long terme, font qu'il est dangereux de déployer nos militaires, si bien que nous ne le faisons pas.

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Nous passerons à Larry puis nous reviendrons de l'autre côté.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Nous n'avons pas de bateau dans la marine qui puisse pénétrer la glace ou naviguer en dessous. Pensez-vous que cela devrait figurer dans nos plans d'immobilisations futurs?

+-

    Col Howard Marsh: Vous avez tout à fait raison. La coque la plus solide que nous ayons dans la marine nous permet de traverser quatre pouces de glace, ce qui, essentiellement, nous interdit pratiquement tout l'Arctique ou la majorité de nos eaux, pendant neuf mois de l'année. C'est un problème à régler.

+-

    L'hon. Larry Bagnell: Je vais poser à nouveau la question qu'a posé M. O'Connor au dernier groupe.

    Certes, nous modernisons notre marine et notre armée et nous mettons les différentes ressources nécessaires à une armée moderne, tel que les UAV, le Nord et la capacité d'emport instantané, etc. Il nous faut probablement également retirer des choses qui ne sont plus aussi essentielles dans le monde d'aujourd'hui, comme le disait M. Perron.

    Quel genre de choses pensez-vous que nous pourrions retirer?

+-

    Lgén Richard Evraire: Nous préférons ne pas répondre à cette question et je vais vous expliquer pourquoi.

    Étant donné que l'armée ne compte plus qu'à peine 50 000 militaires aujourd'hui et que les Canadiens en sont arrivés au point où lorsque l'on déploie un ou deux bataillons à l'étranger, ils ont l'impression que l'on fait beaucoup, nous considérons que c'est honteux, étant donné la nature de notre pays, étant donné notre histoire et ce que nous espérons réaliser en matière de politique étrangère, de sécurité et de défense. Nous ne pensons donc pas que l'on puisse réduire quoique ce soit. Nous devrions accroître le nombre de militaires, ce que le gouvernement a annoncé du moins partiellement, ou comme solution partielle.

    Il y a peut-être en effet certaines infrastructures ici et là, ou bâtiments, dont on pourrait se débarrasser au lieu de les entretenir. Tout ceci est très complexe. Mais si nous augmentons les effectifs de l'armée, une partie de l'infrastructure que nous pourrions peut-être éliminer aujourd'hui risquerait d'être très utile à l'avenir.

    Ce qui s'est produit, c'est que nous avons si mal entretenu tellement de notre équipement, bases et matériel, que nous en sommes arrivés au point où l'entretien n'est plus le problème parce que les bâtiments sont devenus dangereux et impossibles à entretenir.

    Bref, à notre avis, nous ne pouvons nous satisfaire de ce que nous faisons actuellement. Même si nous devenons plus efficaces, ce n'est tout simplement pas assez et nous devrions avoir honte de ne pas pouvoir déployer davantage de soldats à l'étranger ni contribuer davantage à notre défense nationale et nord américaine.

Á  +-(1145)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

+-

    Col Howard Marsh: J'ajouterais simplement un petit détail car je sais que bien des gens pensent que l'on peut se passer des chars d'assaut. Malheureusement, c'est déjà fait. Chaque fois que l'on se passe de matériel, on perd un outil.

    Il y a des tas de gens qui ne comprennent pas que le char d'assaut est le seul véhicule au Canada qui ait la protection antineutron et un système fermé GMBC. Si donc nous avions une attaque radiologique au Canada, il est probable que nous devrions remettre les chars d'assaut en service pour transporter les gens hors des zones dangereuses. Le char est le seul véhicule au Canada qui puisse avancer dans 1,50 mètre d'eau sans préparation. Si nous avions donc une inondation majeure dans une ville et que l'on voulait transporter des gens dans six pieds d'eau, le char est probablement l'un des meilleurs moyens de le faire. Il a aussi une force au timon de 20 tonnes si bien qu'il peut pousser et tirer 20 tonnes de débris. C'est un véhicule extrêmement polyvalent qui pourrait être utilisé dans des situations d'urgence et de catastrophes nationales et le fait qu'il ne coûte que 28 millions de dollars d'entretien signifie que c'est un de ces outils bon marché dont il ne faut vraiment pas se débarrasser.

    Merci.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    Monsieur Bachand, c'est à vous.

+-

    M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

    Avant d'exprimer mon point de vue, je veux reprendre l'exemple que vous venez de donner. J'ai l'impression que, depuis les événements du 11 septembre, il y a comme un conflit de générations dans les perceptions des véritables dangers. J'entends souvent la réflexion que les généraux sont toujours en retard d'une guerre. Je ne sais pas si cette phrase se traduit en anglais. Je voudrais avoir une discussion avec vous à ce sujet. Tout à l'heure, je parlais de philosophie; maintenant, je vais parler de doctrine militaire.

    Je trouve que la doctrine militaire a énormément changé depuis les événements du 11 septembre. Nous avions une doctrine militaire basée sur des millénaires d'histoire. Autant les armées de Napoléon que celles de César savaient qui elles affrontaient sur les champs de bataille. Aujourd'hui, cette doctrine militaire a totalement changé. On ne peut pas non plus demander que le changement soit aussi dramatique et aussi flexible que le sont nos adversaires, c'est-à-dire les terroristes. Je pense qu'il n'y a plus personne qui veuille affronter l'armée des États-Unis sur un champ de bataille. Leur seul champ de bataille, ce sont la surprise et les fameuses menaces asymétriques.

    Pour cette raison, comme députés, nous allons souvent regarder non seulement quelles sont nos capacités à l'armée canadienne, mais aussi comment les différents corps policiers peuvent contrer ces menaces asymétriques. J'ai toujours dit que je ne croyais pas à un ICBM tiré par la Corée du Nord. Cependant, je crois à l'introduction d'une arme de destruction massive dans un port américain, dans un conteneur.

    Il y a donc une sorte de conflit de générations. On s'accroche parfois à des choses qu'on croit importantes, comme des chars d'assaut, des avions, des porte-avions, des C-17, de nouvelles armes, etc. Parfois, j'ai l'impression qu'on manque un peu le virage de la nouvelle doctrine militaire. Comment peut-on affronter des menaces asymétriques? Y a-t-il actuellement des gens aux commandes, autant du côté militaire que du côté civil, qui sont en mesure de comprendre que ce n'est pas en achetant 300 chars d'assaut ou 10 C-17 qu'on va y arriver? Je ne dis pas que ce n'est pas utile. En effet, si nous avons une politique internationale d'intervention pour la stabilisation, le maintien de la paix et la reconstruction, nous avons besoin d'instruments; ils peuvent être très utiles. Cependant, en ce qui concerne la véritable menace asymétrique, êtes-vous d'accord avec moi que la doctrine militaire doit changer et qu'elle n'a pas encore suffisamment changé pour faire face à ces véritables enjeux?

+-

    Lgén Richard Evraire: Je suis d'accord et pas d'accord, monsieur le président, puisque les forces armées ont énormément changé leur doctrine. Ceux qui représentent la doctrine actuelle ont vécu l'ère dans laquelle on vit. Ce sont des militaires qui ont participé aux déploiements en Afghanistan et en ex-Yougoslavie ainsi qu'à de nombreuses missions des Nations Unies. Comme vous le savez, nous avons même des militaires qui ont participé au conflit en Irak comme membres des forces armées anglaises et américaines.

    Ces gens apportent au débat sur la doctrine militaire tous les éléments dont vous parlez concernant la guerre asymétrique. Ils en arrivent à la conclusion qu'il est absolument essentiel de se réorienter de façon à pouvoir contrer la menace asymétrique. Ils sont également responsables de la vie des militaires sous leur commandement et constatent que cette guerre asymétrique est loin d'être bénigne, qu'elle est extrêmement dangereuse. Par conséquent, ils ne sont pas sur le point de quitter un certain confort, qui est la protection par ce que vous appelez des éléments militaires de la dernière guerre, pour se limiter strictement à ce qu'on pourrait peut-être qualifier d'armement beaucoup plus léger, afin de contrer le terrorisme, par exemple. Il faut qu'on ait un éventail de capacités.

    Va-t-on revoir un jour une guerre pour laquelle on était prêts, comme lorsque je commandais la brigade canadienne en Allemagne face aux forces armées soviétiques? Je n'en sais rien. Mais si on se débarrasse de toutes ces capacités et qu'on en a besoin dans trois, quatre ou cinq ans, on ne pourra pas les récupérer. On les aura peut-être perdues à tout jamais. En tout cas, on ne sera pas prêts à les récupérer assez rapidement. Rappelons-nous que, pendant la Seconde Guerre mondiale, où nous n'avions presque aucune capacité au départ, nous en avons créé une. Mais cela a pris plusieurs années et cela a coûté plusieurs vies avant qu'on n'en arrive au point de pouvoir combattre d'égal à égal avec l'ennemi.

    Donc, à mon avis, la doctrine a été transformée. Elle l'a été magistralement, à tel point que, si je réintégrais moi-même les forces armées aujourd'hui, je serais joliment perdu.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Claude Bachand: C'est un conflit de générations.

+-

    Lgén Richard Evraire: Oui, c'est une autre génération.

    Cependant, je veux insister sur le fait que les généraux d'aujourd'hui, qu'on accuse très souvent de tourner leurs pensées vers la dernière guerre, ne sont pas du tout ainsi, tels que je les connais. Ils sont modernes, ils sont orientés vers les nouveautés, ils sont toujours aux aguets des plus récents changements et développements, et c'est ce qu'ils essaient d'inclure dans toutes leurs recommandations au gouvernement.

    Si vous le permettez, j'aimerais aborder un autre sujet, monsieur le président, de peur qu'on n'ait pas le temps d'en parler. Cela touche à l'importance de ne pas s'attendre à trop de la part des forces armées et au fait qu'on leur donne des missions pour lesquelles les militaires ne sont pas toujours suffisamment nombreux. Vous avez devant vous une diapositive qui fait état de ce qu'on a besoin pour ajouter 8 000 militaires aux Forces canadiennes. Cela coûte 80 millions de dollars.

[Traduction]

    Ce qui est ahurissant, c'est que si l'armée canadienne doit augmenter ses effectifs de 8 000, cela veut dire qu'il faudra que quelque 48 000 nouveaux entrent dans les centres de recrutement, viennent renifler ce qui s'y passe, dont environ 30 000 deviendront effectivement candidats et s'enrôleront. Autrement dit, sur ces 48 000, il y en a 18 000 qui ne reviendront pas. La moitié de ceux qui resteront entrera réellement dans l'armée comme recrues et suivront un entraînement et sur ces 15 000, seulement 8,000 entreront finalement dans les effectifs opérationnellement utiles.

    La difficulté, quand il y a environ 48 000 personnes qui entrent dans les centres de recrutement, c'est évidemment que l'armée canadienne est en concurrence avec des tas d'autres carrières intéressantes au Canada et que beaucoup sont attirées par d'autres recruteurs.

    Donc, à propos de ce qu'a dit le vice-chef d'état-major de la Défense au Comité sénatorial des affaires étrangères et de la défense l'automne dernier, à savoir qu'il n'était pas possible de recruter et d'entraîner 8 000 soldats dans les délais indiqués alors, la situation financière a changé mais le problème est qu'il n'y aura peut-être pas suffisamment de candidats intéressés.

    Aussi, malgré l'optimisme qui règne actuellement dans l'armée quant à cette cible de 5 000 réguliers et 3 000 réservistes, je suis moi-même optimiste, l'armée ne peut qu'être optimiste face à ce qu'elle peut faire, je pense que c'est une tâche extrêmement difficile et nous ne sommes pas entièrement convaincus que ce sera réalisable dans les délais attendus.

Á  -(1155)  

+-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Merci.

    C'était la fin du deuxième tour de questions et il est l'heure de terminer.

    Aimeriez-vous faire d'autres commentaires pour conclure?

+-

    Lgén Richard Evraire: Non, sauf que nous sommes très heureux d'avoir eu cette occasion de comparaître devant votre comité. Je répéterai aussi que la CAD est tout à fait prête et oserais-je dire, en mesure de contribuer davantage au processus d'élaboration des politiques concernant la sécurité et la défense.

-

    Le vice-président (M. Rick Casson): Après vous avoir entendu, c'est en effet très clair. Les choses démarrent bien pour nous. Merci beaucoup.

    La séance est levée.