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SPRV Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 16 novembre 2004




Á 1105
V         La présidente (L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.))
V         M. Rob Walsh (légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes)
V         La présidente
V         M. Rob Walsh

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         La présidente
V         M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, PCC)
V         M. Rob Walsh
V         M. John Reynolds
V         M. Rob Walsh
V         M. John Reynolds
V         M. Rob Walsh

Á 1125
V         M. John Reynolds
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ)
V         M. Rob Walsh

Á 1130
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh

Á 1135
V         La présidente
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)
V         M. Rob Walsh
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Walsh

Á 1140
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         M. John Reynolds
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh

Á 1145
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         M. Rob Walsh

Á 1150
V         M. John Reynolds
V         M. Rob Walsh
V         La présidente
V         M. Michel Guimond
V         M. Rob Walsh
V         M. Michel Guimond
V         La présidente
V         Mme Françoise Boivin

Á 1155
V         M. Rob Walsh
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Walsh
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Rob Walsh
V         Mme Françoise Boivin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         M. Rob Walsh
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         La présidente
V         M. Rob Walsh

 1200
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         Mr. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         La présidente
V         M. J.P. Joseph Maingot (auteur de “Le privilège parlementaire au Canada”, à titre personnel)

 1210

 1215
V         La présidente

 1220
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. John Reynolds
V         La présidente
V         Mme Françoise Boivin

 1225
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         Mme Françoise Boivin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         Mme Françoise Boivin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         Mme Françoise Boivin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         Mme Françoise Boivin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin

 1230
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. John Reynolds
V         La présidente
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin

 1235
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         La présidente
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot

 1240
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. John Reynolds
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         La présidente
V         Mme Françoise Boivin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         La présidente
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         M. J.P. Joseph Maingot
V         M. Yvon Godin
V         La présidente










CANADA

Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    La présidente (L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue à cette deuxième réunion du Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Nous accueillons deux témoins aujourd'hui, et je sais que nous avons pas mal de questions à leur poser.

    Sans plus attendre, comme je vois M. Walsh au bout de la table, je lui laisse la parole.

+-

    M. Rob Walsh (légiste et conseiller parlementaire, Chambre des communes): Merci, madame la présidente.

    Permettez-moi de souligner, madame la présidente, que j'ai remis au greffier du comité les versions anglaise et française de l'exposé que j'ai fait devant le Comité des comptes publics la semaine dernière, ainsi qu'un autre document, intitulé « Renonciation au privilège », lui aussi dans les deux langues officielles. Il peut être distribué aux membres du comité si vous le permettez, madame la présidente.

+-

    La présidente: Je pense que c'est justement ce qu'on est en train de faire.

+-

    M. Rob Walsh: D'accord.

    Pour commencer, j'aimerais en fait résumer ce que j'ai dit devant le Comité des comptes publics, parce qu'à ce moment-là, j'ai eu l'impression qu'il était pertinent que je décrive le contexte pour le Comité des comptes publics. C'était quelques jours seulement après qu'il ait reçu le message, par l'entremise de l'avocat, de monsieur le juge Gomery, qui demandait à la Chambre d'envisager de renoncer à son privilège dans la situation actuelle. J'ai pensé qu'il était approprié de situer le contexte pour le Comité des comptes publics, la question que devrait régler ce comité étant, à mon avis, de savoir s'il aurait la moindre objection à ce que les témoignages entendus soient mis à la disposition de la Commission Gomery par la Chambre, puisque c'était le comité qui pouvait avoir un intérêt propriétal pour la question.

    Comme je le dis dans ma déclaration, j'ai décrit ce qui à mes yeux est un interface entre la loi et la politique, en ce sens que les procédures judiciaires de la Commission se butaient aux procédures politiques et démocratiques parlementaires de la Chambre. Cela comporte des répercussions, c'est évident, quand ces deux éléments peuvent être en conflit, et on pourrait soutenir que la réponse se trouve dans l'article 9 du Bill of Rights britannique de 1689.

    Le privilège dont il est question, à savoir la liberté de parole dans le cadre des délibérations parlementaires, s'appuie sur l'article 9 du Bill of Rights de 1689, qui est libellé ainsi :

Ni la liberté de parole, ni celle des débats ou procédures dans le sein du Parlement, ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour ou lieu quelconque que le Parlement lui-même.

    Cette disposition, considérée par de nombreux tribunaux et parlementaires de tout le Commonwealth comme le plus important des privilèges parlementaires, a établi l'indépendance constitutionnelle de la Chambre des communes anglaise à l'égard de la Couronne. De plus, les parlementaires, représentés par le pouvoir exécutif du gouvernement, ont soigneusement préservé leur indépendance à l'égard des tribunaux et de la Couronne.

[Français]

    Ce privilège, la liberté de parole, constitue la pierre angulaire de l'indépendance de la Chambre des communes dans tout système de gouvernement parlementaire calqué sur le modèle britannique, comme l'est notre système parlementaire canadien.

[Traduction]

    Le mois dernier, lors de l'ouverture de la nouvelle législature, la 38 e depuis la Confédération, le Président de la Chambre a réclamé publiquement à la gouverneure générale, au nom de tous les députés,

« Tous les droits et privilèges qui sont indubitablement les siens et en particulier la liberté de parole dans ces débats, l'accès à la personne de votre Excellence en tout temps raisonnable et l'accueil très favorable de ces délibérations par votre Excellence ».

[Français]

    Remarquons que le seul privilège évoqué précisément dans cette procédure traditionnelle est la liberté de parole.

[Traduction]

    Le 14 octobre 2004 l'avocat de l'une des parties comparaissant devant la Commission d'enquête au sujet du programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada a informé le commissaire de son intention de s'appuyer sur les transcriptions du Comité des comptes publics pour contre-interroger des témoins devant la Commission. L'avocat a fait valoir que les privilèges de la Chambre n'interdisaient pas l'usage des transcriptions de comité dans le but d'attaquer la crédibilité d'un témoin contre-interrogé.

    Le commissaire a demandé à l'avocat représentant la Chambre des communes de déterminer si la Chambre devrait renoncer à ses privilèges ou si, au contraire, elle devrait exiger le respect de ses privilège.

[Français]

    Par conséquent, ce sous-comité est maintenant invité à décider si la Chambre devrait renoncer à ses privilèges ou si, au contraire, elle devrait exiger le respect de ses privilèges.

[Traduction]

    Il s'agit de savoir si les témoins qui se présentent devant des comités parlementaires, et donc pas seulement les membres du Parlement, sont protégés par les privilèges de la Chambre des communes. La réponse juridique, en bref est, selon moi, qu'ils sont effectivement protégés.

[Français]

    Au Canada, les privilèges de la Chambre des communes sont les mêmes que ceux dont jouissait la Chambre britannique à l'époque de la Confédération en 1867. En 1818, la Chambre des communes britannique, alors confrontée à la question de la protection des témoins, a pris la résolution unanime suivante:

[Traduction]

    « Que tous les témoins interrogés devant cette Chambre ou devant l'un de ces comités jouissent de la protection de la Chambre eu égard à tout ce qu'ils pourraient dire au cours de leur témoignage. »

    Une autre question juridique se pose : de quoi exactement ce privilège, la liberté de parole, est-il garant? Pendant qu'un certain nombre d'années, dans le milieu des années 1990, on s'est demandé si la protection accordée aux députés et aux témoins ne concernait que les poursuites au civil et au criminel, ou si cette protection était plus vaste. À ce sujet, j'aimerais attirer votre attention sur une décision du Comité judiciaire du Conseil privé, un comité de la Chambre des lords au Royaume-Uni, rendue dans l'affaire Prebble, jugée en 1994. Cette affaire provenait de la Nouvelle-Zélande. Bien que les Canadiens ne puissent plus interjeter appel devant ce tribunal, celui-ci est toujours considéré comme l'une des principales autorités judiciaires en matière de common law et de questions comme le privilège parlementaire.

Á  +-(1110)  

[Français]

    Dans cette affaire, le Comité judiciaire s'est interrogé sur l'étendue du privilège énoncé à l'article 9 du Bill of Rights de 1689 et, notamment, sur l'argument selon lequel la protection prévue à l'article 9 ne s'appliquerait qu'aux conséquences juridiques.

[Traduction]

    Le Comité judiciaire du Conseil privé a répondu ce qui suit :

Cette opinion fait abstraction du concept fondamental qui sous-tend l'article 9, c'est-à-dire la nécessité de faire en sorte, dans la mesure du possible, que les parlementaires et les personnes qui témoignent devant les comités de la Chambre puissent parler librement sans craindre que leurs propos puissent éventuellement être retenus contre eux devant les tribunaux. L'intérêt public important que protège ce privilège est de garantir que le parlementaire ou le témoin n'ait pas de réticence, au moment où il parle, à dire pleinement et librement ce qu'il a à dire. S'il existait des exceptions permettant de remettre éventuellement ses propos en question, le parlementaire ou le témoin ne saurait pas, au moment où il s'exprime au Parlement, si ses propos pourraient un jour être retenus contre lui. Par conséquent, il n'aurait pas la confiance que le privilège est destiné à protéger.

[Français]

    En outre, s'il était permis de prétendre, dans un contre-interrogatoire ou un plaidoyer, qu'un parlementaire ou un témoin a menti à la Chambre, il pourrait en résulter précisément le conflit entre les tribunaux et le Parlement que le principe plus large de non-intervention est destiné à éviter.

[Traduction]

    Le Comité judiciaire a conclu en ces termes :

C'est pourquoi [...] leurs Seigneuries sont d'avis que les parties à un litige, peu importe son instigateur, ne sauraient remettre en question ce qui a été dit ou fait à la Chambre en laissant entendre, par témoignage direct, en contre-interrogatoire, par inférence ou par allégation que les actes ou les termes ont été inspirés par des motifs inopportuns, ou étaient faux ou trompeurs. Ces questions font intégralement partie du champ de compétence de la Chambre, sous réserve de toute exception prévue par la loi, comme dans le cas du parjure.

[Français]

    De l'avis des Lords juristes du Comité judiciaire du Conseil privé, qui siègent à Londres, en Angleterre, berceau des privilèges parlementaires, le très ancien privilège parlementaire de la liberté de parole, confirmé par écrit dans le Bill of Rights de 1689, était toujours bien vivant en 1994. À mon avis, il s'applique aux travaux de la Commission d'enquête Gomery.

[Traduction]

    Madame la présidente, la question dont est saisi ce comité consiste à savoir si, dans les circonstances, la Chambre des communes devrait maintenir ses privilèges ou permettre une exception limitée à leur égard.

[Français]

    La Chambre des communes du Canada a décidé à deux occasions de ne pas maintenir ces privilèges: d'abord en 1892, puis en 1978. En 1892, il s'agissait de l'affaire Connolly.

[Traduction]

    Durant la fin des années 1980, M. Thomas McGreevy, un député a été accusé d'avoir abusé de son pouvoir en acceptant des pots-de-vin et en offrant d'utiliser son influence pour conclure divers contrats. L'affaire a été portée devant le Comité des privilèges et des élections de la Chambre. Au cours des audiences du comité, les témoins ont semblé mettre en cause une société dont M. Connolly était un dirigeant. Au cours des audiences du comité, le député McGreevy a été interrogé sur ses relations avec M. Connolly, mais il a refusé de répondre.

    M. McGreevy a finalement été expulsé de la Chambre, et il a été question de porter des accusations de conspiration contre MM. Connolly et McGreevy. Pour obtenir le mandat d'arrestation nécessaire pour porter officiellement accusation contre MM. Connolly et McGreevy, le procureur de la Couronne avait déposé les transcriptions du Comité des privilèges et des élections auprès du juge. celui-ci avait refusé de tenir compte de ces transcriptions au motif que leur contenu était protégé par le privilège parlementaire.

[Français]

    Invitée à procéder à un contrôle judiciaire de cette décision, la Haute Cour de justice de l'Ontario a confirmé la décision du juge de première instance. La cour a ajouté que la Chambre des communes pouvait décider de renoncer au privilège en question.

[Traduction]

    Le 12 avril 1992, la Chambre des communes a décidé de permettre que le juge soit saisi de ces éléments de preuve. Il a également déclaré que la permission d'en faire une utilisation limitée n'emportait pas une renonciation à ses privilèges.

[Français]

    En 1978, l'affaire qui nous intéresse visait les délibérations d'une commission d'enquête, tout comme c'est aujourd'hui le cas.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

    Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes avait tenu des audiences pour enquêter sur des prétendus agissements répréhensibles de membres de la GRC. Certains témoins ont alors demandé à témoigner à huis clos et il y ont été autorisés. Quelques mois plus tard, une commission d'enquête était instituée pour procéder à une enquête. Dans le cadre de l'enquête, la commission a demandé d'avoir accès aux enregistrements et aux transcriptions des témoignages faits à huis clos devant le comité de la Chambre. Le 14 décembre 1978, la Chambre des communes a ordonné, et je cite l'extrait des Journaux de cette date, « Que le comité soit autorisé à mettre tous témoignages recueillis à huis clos à la disposition de la Commission d'enquête... aux conditions établies par comité ».

[Français]

    Hésitant à divulguer ces témoignages, car il avait assuré à leurs auteurs qu'ils témoigneraient à huis clos, le comité de la Chambre a écrit à chacun des témoins et a obtenu de chacun d'eux, par écrit, la permission de soumettre leurs témoignages à la commission pour examen. Sur réception de ces permissions, le comité a remis les transcriptions à la commission, en exigeant toutefois que la commission en fasse l'examen à huis clos et les renvoie au comité aussitôt l'examen terminé. Il convient de noter que le comité n'autorisait la commission qu'à examiner les témoignages à huis clos et qu'elle ne pouvait les utiliser à d'autres fins sans faire une autre demande à cet effet.

[Traduction]

    Le Canada n'est pas le premier pays du Commonwealth à recevoir des demandes en vue de l'utilisation de transcription de comités dans une procédure judiciaire. Ainsi que je le signale dans le sommaire que j'ai produit sur la renonciation au privilège, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous eu à étudier cette question.

    Dans un cas survenu en Angleterre, en 1996, un député a voulu se servir des propos qu'il avait tenus à la Chambre pour se défendre dans une poursuite en justice. En Australie, le problème s'est également posé dans le contexte d'une enquête publique, présidée par trois juges, qui souhaitaient eux aussi examiner des témoignages reçus par un comité parlementaire. Dans le cas australien, les présidents des deux chambres du Parlement ont refusé d'autoriser l'utilisation des témoignages en invoquant l'article du Bill of Rights de 1689, ce qui a fort déplu aux commissaires. Ils ont toutefois respecté les privilèges des Chambres et ont signalé dans leur rapport que le refus des deux chambres avait pour résultat d'occulter des témoignages pertinents qu'ils auraient aimé pouvoir examiner.

    Dans chacun de ces trois pays, le Royaume-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, la question gravitait autour de l'interprétation de l'application de l'article 9 du Bill of Rights de 1689 et elle a été déféré au comité de la Chambre normalement chargé des questions relatives au privilège parlementaire.

[Français]

    Dans ces trois cas, les comités compétents ont conclu qu'à défaut d'y être clairement autorisée, la Chambre ne peut pas ou ne devrait pas renoncer au privilège énoncé à l'article 9. À la lecture des rapports des comités parlementaires de ces pays, on peut relever cinq raisons pour lesquelles ils ont fait valoir leurs privilèges.

[Traduction]

    Tout d'abord, les dispositions de l'article 9 revêtent une importance d'intérêt public et ont été édictées pour la protection de l'intérêt public; elles ne peuvent faire l'objet d'une renonciation sans modification législative préalable.

    Deuxièmement, si la renonciation pouvait être permise par un vote de la majorité simple, elle pourrait être utilisée de façon abusive par la majorité aux dépens de minorité ou même d'un seul député.

    Troisièmement, une renonciation pourrait faire obstacle à la liberté de parole puisqu'un intervenant ne saurait pas si la protection du privilège de la Chambre serait écartée à une date ultérieure.

    Quatrièmement, une première renonciation pourrait entraîner des demandes de renonciation ultérieures et plus fréquentes.

    Cinquièmement les dispositions de l'article 9 ne donnent pas seulement à la Chambre le droit constitutionnel à la liberté de parole; elles restreignent également la compétence des tribunaux et d'autres forums. Rien ne prouve que la Chambre peut à elle seule, en renonçant à son privilège, élargir les compétences des tribunaux circonscrites par la Constitution.

[Français]

    En définitive, le présent comité doit décider si nous devons ou non continuer d'appliquer le privilège parlementaire de la liberté de parole ainsi que la protection que ce privilège assure aux délibérations de la Chambre et de ses comités, selon l'article 9 du Bill of Rights de 1689, afin de protéger les témoins qui comparaissent devant les comités de la Chambre et, en particulier, ceux qui ont comparu devant le Comité permanent des comptes publics.

    Le comité pourrait par contre conclure qu'une exception est justifiée dans le cas présent.

Á  +-(1120)  

[Traduction]

    En décidant de la question dont il est saisi, madame la présidente, le comité a un choix à exercer et il ne s'agit pas simplement de décider s'il s'agit de privilège ou de l'absence de privilège. À mon avis, la question est un peu plus complexe que cela. Le comité pourrait recommander que les privilèges soient sans exception et le commissaire, M. le juge Gomery, le 22 novembre, n'est pas de cet avis. Si cela devait arriver, dans l'éventualité où le privilège de la Chambre, ayant été réaffirmé après un examen approfondi de la question, n'était pas respecté, la Chambre des communes doit être prête, à mon avis, à défendre ses privilèges devant les tribunaux si c'est nécessaire.

    À cette fin, madame la présidente, je recommande que le comité ajoute à ses recommandations celle demandant que le Président de la Chambre soit autorisé à prendre toute mesure qu'il pourrait juger indiquée à cette fin, y compris à retenir les services d'un conseiller juridique. Revendiquer un privilège sans le défendre lorsqu'il est contesté en faire un privilège de façade, sans aucune substance.

[Français]

    À supposer que le comité estime préférable que la Chambre des communes n'insiste pas pour appliquer son privilège dans le cas présent, il devrait délimiter clairement, dans son rapport, la portée de l'exception qu'il est disposé à permettre.

[Traduction]

    Le comité devrait insister pour que les privilèges de la Chambre des communes, des députés et des témoins entendus à ce jour et à l'avenir par ces comités ne soient pas réduits plus qu'il n'est nécessaire dans les circonstances particulières au cas qui nous occupe et qu'ils le soient dans la seule mesure des fins énoncées par la Commission.

    Ceci termine mes observations, madame la présidente.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Walsh.

    Nous allons passer aux questions. Je vais vous proposer une tournée de cinq minutes par intervenant, en commençant avec M. Reynolds.

+-

    M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast—Sea to Sky Country, PCC): Merci madame la présidente, et merci beaucoup, monsieur Walsh.

    Peut-on dire sans risque de se tromper que si on décide de ne pas renoncer au privilège dans cette affaire, et le juge Gomery décide, dans le cas de un ou de plusieurs témoins, qu'il peut utiliser les témoignages rendus devant le Comité des comptes publics, il y aurait une contestation judiciaire qui aurait pour conséquence de bloquer ces procédures pendant très longtemps?

+-

    M. Rob Walsh: Je ne peux pas en toute certitude déterminer si la démarche que vous envisagez, monsieur Reynolds, suspendrait réellement les procédures de la Commission. C'est quelque chose dont il est évident que le commissaire devrait tenir compte. Il se pourrait très bien que le commissaire ait d'autres tâches ou fonctions qu'il pourrait poursuivre en attendant la résolution de ces autres questions juridiques. Peut-être y a-t-il d'autres témoins que l'avocat ne s'attend pas absolument pas à voir contre-interroger, ou des témoins qui n'ont pas comparu devant le Comité des comptes publics, et au sujet desquels il n'y aurait pas de problème lié au privilège.

    Alors je ne peux pas vraiment dire si, en fait, les procédures seraient retardées si cette contestation judiciaire dont vous parlez était enclenchée.

+-

    M. John Reynolds: Néanmoins, si ce comité devait décider de ne pas renoncer à son privilège, et s'il décidait d'aller de l'avant, nous devrions de toute évidence... ou est-ce que vous recommandez que nous adoptions certaines mesures et nous adressions à un tribunal pour empêcher le commissaire d'utiliser aucun de ces documents concernant ces témoins? Il est certain que cela lui mettrait les bâtons dans les roues.

+-

    M. Rob Walsh: J'hésite à commenter l'incidence que pourraient avoir ses démarches, puisque c'est à lui d'en décider, selon son jugement.

+-

    M. John Reynolds: D'accord.

    Dans vos notes, à la page 5, vous dites ce qui suit :

Le 12 avril 1892, la Chambre des communes a décidé de permettre que le juge soit saisi de ces éléments de preuve. Elle a également déclaré que la permission d'en faire une utilisation limitée n'emportait pas une renonciation à ces privilèges.

    Donc, dans ce cas-là, la Chambre des communes a décidé de permettre l'utilisation des témoignages entendus par la Chambre des communes.

    Est-ce que vous seriez d'accord avec moi si je disais que cela pourrait être considéré comme un cas tout à fait spécial—celui dont nous traitons en ce moment même—et que dans la mesure où les modalités de la renonciation sont précises et limitées, cela ne créerait pas nécessairement un précédent très général pour le futur? Ce comité pourrait être très précis dans ce qu'il permettrait au juge Gomery d'utiliser, dans la manière dont il pourrait l'utiliser. Cela s'est déjà fait.

+-

    M. Rob Walsh: Pour répondre à la première partie de la question de monsieur, madame la présidente, j'espère que toute exception au privilège serait tout à fait unique et traitée comme telle, non seulement de par la nature exceptionnelle des circonstances, mais aussi dans le sens où cela ne créerait pas un précédent.

    Je pense que la deuxième partie de la question du député, madame la présidente, concerne le pouvoir de la Chambre de restreindre les modalités et la portée de toute autorisation. Oui, je crois que la Chambre pourrait le faire, et à mon avis, dans la mesure où les procédures juridiques sont limitées par le droit parlementaire au privilège, ces procédures seraient aussi limitées par les restrictions énoncées par la Chambre en octroyant cette exception.

Á  +-(1125)  

+-

    M. John Reynolds: Donc, si le parti au pouvoir et ceux de l'opposition s'entendent pour dire que le juge Gomery est la personne qui devrait décider de le faire et nous remettre un rapport... Quoi qu'il arrive à partir de là, que ce soit des mesures policières ou autres, nous voulons tous aller jusqu'au fond du sujet.

    Il me semble que nous avons ici un cas où des témoins ont comparu devant un comité parlementaire, et il appert maintenant que leur témoignage devant le juge Gomery est tout à fait différent du premier. Oui, nous pourrions les rappeler ici et les accuser de parjure, mais je ne pense pas que nous voulions tous devenir juges et jurés. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux pour nous, parlementaires, de permettre au juge Gomery—ou aux avocats—de comparer leurs témoignages pour qu'il puisse aller jusqu'au fond de la question et de lui remettre ces renseignements avec des paramètre précis afin que notre privilège ne soit absolument pas entamé?

    De toute façon, c'est déjà du domaine public et je suppose que c'est ce qui me pose un problème. Un membre de ma circonscription lit le témoignage; c'est déjà public. Il voit ce que le témoin dit devant le juge Gomery; l'histoire est différente. Et nous essayons de protéger un privilège que le Canadien moyen ne comprend tout simplement pas, et nous protégeons un témoin qui pourrait bien être en train de mentir.

    Ne pourriez-vous pas nous donner un conseil qui nous serait utile pour accorder au juge Gomery la liberté d'aller jusqu'au fond de la question et le laisser décider plutôt que de perdre encore bien du temps de notre Comité des comptes publics?

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, je reconnais que ce concept du privilège parlementaire n'est pas forcément facile à comprendre dans une discussion publique générale, bien que je pourrais soutenir qu'il suffirait qu'un membre du public soit convoqué devant un comité parlementaire pour qu'il comprenne très vite ce qu'est le privilège parlementaire, et pour des raisons qu'on peut très bien comprendre.

    Pour ce qui est du commentaire du membre du comité au sujet d'aller au fond des choses et d'examiner le témoignage de personnes particulières dont on pourrait penser, à tort ou à raison, qu'elles donnent un témoignage différent devant la Commission de celui qu'elles ont donné devant le comité il y a quelque temps, on pourrait être tentés de laisser au juge Gomery et à ses procédures le soin de déterminer si un témoin donné disait ou ne disait pas, dit ou ne dit pas la vérité. Dans la mesure où l'objectif de ces délibérations est étroitement limité à ces personnes en particulier, cela pourrait avoir un certain mérite. Cependant, comme le laissent voir les rapports de certaines autres autorités, le problème, avec une situation telle que celle-ci, ce sont les ramifications plus vastes, les conséquences que cela pourrait avoir sur d'autres témoins à qui cela pourrait aussi arriver.

    N'oublions pas, madame la présidente, qu'il pourrait très bien arriver, dans bien des circonstances, que le témoin en question ait une explication toute prête pour dire pourquoi son témoignage a changé par rapport à celui qu'il a donné devant le comité. N'oublions pas que le contexte d'un comité de la Chambre est tout à fait différent, tant dans la manière dont il fonctionne et dans ses objectifs, que celui d'une enquête judiciaire dirigée par un juge selon les règles conventionnelles de la justice naturelle.

    Donc, un témoin pourrait avoir une raison toute prête pour expliquer pourquoi son témoignage était différent du premier, et on pourrait soutenir qu'il faudrait lui donner la chance de l'exprimer, mais ce sont les ramifications plus vastes, madame la présidente, qui inquiètent d'autres autorités, quand on envisage de permettre une exception au privilège.

+-

    La présidente: Monsieur Guimond.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond (Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord, BQ): Merci, madame la présidente. Merci, maître Walsh.

    Dans ses questions, M. Reynolds a fait allusion au fait qu'une résolution de la Chambre ou un rapport qu'adopterait notre sous-comité pourrait comporter une mention par laquelle nous demanderions au juge Gomery de traiter de cette question en priorité.

    Corrigez-moi si je suis dans l'erreur, mais le juge Gomery est maître de son propre agenda. Le juge Gomery jouit d'une indépendance totale et entière de la Chambre des communes. On peut lui demander n'importe quoi, mais il peut décider ce qu'il veut au sein de sa commission. C'est souhaitable qu'il n'y ait pas d'ingérence de la Chambre des communes. Ai-je raison de penser ainsi?

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, en principe, le député a raison de dire que le juge Gomery est maître de ses séances et de sa procédure. Il faut cependant rappeler, monsieur Guimond, l'article 5 de la Loi sur le Parlement du Canada. M. Gomery est obligé de suivre la loi en général et les lois particulières. L'article 5 oblige tous les juges à prendre connaissance des règles sur les privilèges parlementaires. C'est vrai qu'il est maître de ses séances et de sa procédure, mais il doit respecter les dispositions de la loi qui s'appliquent à tous les processus juridiques, y compris l'article 5, qui énonce très clairement:

    5. Ces privilèges, immunités et pouvoirs sont partie intégrante du droit général et public du Canada et n'ont pas à être démontrés, étant admis d'office devant les tribunaux et juges du Canada.

    C'est très clair qu'il s'applique.

Á  +-(1130)  

+-

    M. Michel Guimond: Monsieur Walsh, vous avez sûrement étudié le mandat donné à la Commission Gomery et la loi qui régit les commissions d'enquête comme celle du juge Gomery. J'ai peut-être eu un moment d'inattention et j'aimerais que vous reveniez en arrière. Disons que le témoignage de M. Guité est en contradiction avec un témoignage antérieur qu'il a livré au Comité permanent des comptes publics, et qu'une mésentente ou un différend nous mène vers un processus judiciaire. Le juge Gomery serait-il en mesure de décider de mettre cela de côté et de continuer à entendre d'autres personnes? Ce serait beaucoup trop facile de paralyser la Commission Gomery, d'attendre une décision de la Cour suprême à ce sujet jusqu'en 2007 ou en 2008 et de ne pas faire la lumière sur les choses que la Commission Gomery a été chargée d'étudier. D'après vous, aurait-il le pouvoir de mettre de côté...?

+-

    M. Rob Walsh: En bref, oui.

+-

    M. Michel Guimond: J'étais présent au Comité permanent des comptes publics. Vous avez suivi les audiences de février, mars et avril. Je me rappelle que le président conservateur du Comité permanent des comptes publics, John Williams, avait recours à la procédure d'assermentation des témoins devant les comités parlementaires. Reconnaissons qu'il s'agit d'une procédure inhabituelle. Est-ce exact?

+-

    M. Rob Walsh: Oui, c'est exact.

+-

    M. Michel Guimond: Les remarques préliminaires que le président Williams lui-même ou la greffière faisait à chacun des témoins constituaient-elles aussi une procédure inhabituelle?

+-

    M. Rob Walsh: C'est exact.

+-

    M. Michel Guimond: On dirait quasiment qu'on est dans un cul-de-sac qui nous mènera forcément vers un recours judiciaire. À l'inverse, si on décide de lever le privilège parlementaire, l'avocat de M. Guité pourra dire que son client a obtenu des garanties de la part du Comité permanent des comptes publics et qu'il intente un recours pour faire respecter son droit. Dans le cas de la Commission McDonald, en 1978, on avait demandé à chacun des témoins s'il était d'accord que le privilège soit levé, et cela avait fait l'unanimité.

+-

    M. Rob Walsh: C'est exact. M. Guité lui-même ou son avocat pourrait entamer un processus juridique pour défendre les droits que lui a accordés le Parlement, étant donné que le témoin a lui-même joui de la protection parlementaire.

+-

    M. Michel Guimond: Je reconnais votre sagesse et votre prudence. Dans vos commentaires, vous nous présentez des possibilités. Vous n'allez pas nécessairement très loin pour ce qui est de la décision. Cependant, abstraction faite de l'affaire Connolly et de la Commission McDonald, vous serez d'accord avec moi pour dire que dans ce cas précis, renoncer au privilège parlementaire donnerait lieu à des précédents. Ces derniers pourraient s'appliquer l'année prochaine, dans trois ans ou dans cinq ans, dans n'importe lequel de nos 22 comités parlementaires ou pour n'importe quel des propos tenus par un député à la Chambre. Au moyen d'une résolution de la Chambre, on pourrait dire que tel ou tel député a tenu des propos malicieux et qu'on décide par conséquent de lui enlever son privilège parlementaire. En acceptant de renoncer au privilège parlementaire, on crée un précédent très dangereux.

+-

    M. Rob Walsh: C'est exact. Dans le domaine juridique, si une décision a déjà été rendue par la cour, la cour suivante va rendre la même décision. C'est ce qu'on appelle un précédent. En principe, les règles de pratique veulent que les cours doivent suivre les décisions précédentes. Cependant, dans d'autres domaines, il n'y a pas de précédent. C'est le cas ici, étant donné qu'on n'a pas promis de faire la même chose plus tard si la même question était soulevée.

    En réalité, sur le plan de la logique humaine, le fait d'avoir procédé d'une certaine façon une fois déjà rend tout à fait possible l'éventualité de le refaire une deuxième ou même une troisième fois.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    La présidente: En ce moment, nous avons dépassé notre temps. Je vais devoir laisser la parole à Mme Boivin.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Bonjour, monsieur Walsh.

    J'aimerais clarifier certains concepts dont on débat présentement sur la place publique. Comme vous le savez certainement, nous devrons prendre à la Chambre des communes une décision de nature juridique à laquelle se rattachent de nombreuses conséquences politiques. Nous savons que tout le monde observe et attend l'issue de nos débats.

    D'après ce que j'ai entendu dire récemment, des collègues de certains partis politiques penseraient que la notion de privilège ne vise qu'à protéger la liberté de parole lorsqu'on dit la vérité. J'aimerais savoir si le privilège s'applique également lorsqu'on tient des propos mensongers, diffamatoires ou racistes qui contreviennent, par exemple, à la Charte des droits et libertés.

    S'applique-t-il seulement aux situations jugées acceptables ou s'agit-il vraiment d'un privilège complet, peu importe ce que la personne vient de dire à la Chambre ou au cours des travaux de la Chambre?

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, il y a deux limites en ce qui concerne la liberté de parole. Il s'agit du parjure et de l'outrage à la Chambre. Par exemple, dans le cas où le Comité permanent des comptes publics déterminerait qu'un témoin donné a menti, ce qui constituerait un outrage, il en ferait rapport à la Chambre des communes. Il préciserait qu'il s'agit d'un outrage et demanderait que la Chambre des communes décide si c'est bel et bien le cas. Ce n'est pas au comité mais à la Chambre de prendre une telle décision.

    Le parjure, pour sa part, est une question juridique qui relève du droit criminel. C'est au procureur général de décider si les preuves sont suffisantes pour porter une accusation de parjure. On pourrait dire que le privilège parlementaire ne donne pas aux témoins le droit de mentir. Ces derniers ont l'obligation de dire la vérité lorsqu'ils comparaissent devant le comité. Le problème est de décider quand c'est vrai et quand ce ne l'est pas. Ici, il s'agit d'avocats qui, dans le cadre la Commission d'enquête Gomery, veulent être en mesure de déterminer la véracité des témoignages.

+-

    Mme Françoise Boivin: Finalement, c'est un cercle vicieux. Au moment où on se parle, personne ne peut affirmer qu'il y a eu mensonge devant le Comité permanent des comptes publics. Est-ce que je trompe à cet égard?

+-

    M. Rob Walsh: Le problème est que c'est à la Chambre des communes de décider si un témoin a menti, pas à quelqu'un d'autre.

    Il y a un autre problème juridique. Dans le cas de deux processus consécutifs, si on examine le témoignage de la personne dans le deuxième processus et qu'on constate une différence ou une contradiction avec le premier témoignage, comment peut-on établir si la vérité a été dite la deuxième fois ou la première fois?

    Si je me rappelle bien, selon le droit, la vérité est à prime abord ce qui a été dit la deuxième fois, et non pas la première fois. Cependant, si on établit que le témoignage est faux la deuxième fois, cela veut dire que le témoignage précédent était vrai. C'est inévitable. Il est difficile d'examiner la question de la vérité de la deuxième fois sans en même temps examiner la vérité de la première fois. À mon avis, le privilège parlementaire interdit aux autres instances d'examiner la véracité des témoignages livrés devant les comités parlementaires.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Françoise Boivin: Pour ce qui est des deux cas d'exception que vous avez mentionnés concernant la renonciation au privilège, est-ce que je me trompe en affirmant qu'ils sont très différents du cas que nous avons devant nous?

+-

    M. Rob Walsh: Oui, c'est différent. Il ne s'agit pas d'outrage ou de parjure ici.

[Traduction]

+-

    La présidente: D'accord.

    Monsieur Godin.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.

    Merci, monsieur Walsh, d'être ici pour nous éclairer sur certaines choses.

    En votre qualité d'avocat, pouvez-vous me dire s'il y a une différence entre les mensonges? Y a-t-il deux définitions du mensonge?

+-

    M. Rob Walsh: Non, mais c'est parfois une question complexe.

+-

    M. Yvon Godin: Je le sais. C'est pour cela qu'on est ici.

    Si le président John Williams, député conservateur et président du Comité permanent des comptes publics, assure à un témoin qu'il est protégé par le privilège de la Chambre et qu'ensuite on lève ce privilège, ne pourrait-il pas être accusé d'avoir menti?

+-

    M. Rob Walsh: Non. Par hasard, plus tard, s'il était évident qu'il était dans l'erreur dans le sens...

+-

    M. Yvon Godin: Non, excusez-moi, monsieur Walsh. Si le président assure à un témoin que le privilège de la Chambre lui est accordé et que ce qu'il dira ne sera pas révélé sans sa permission, et si c'est le contraire qui se produit, n'aura-t-il pas menti au témoin?

+-

    M. Rob Walsh: Il s'agit de nuances quant au terme « mensonge ». Je n'aime pas la question, madame la présidente.

+-

    M. Yvon Godin: C'est la même chose pour moi. Je n'aime pas, par exemple, les paroles de mon collègue M. Reynolds citées dans le Ottawa Citizen d'aujourd'hui:

[Traduction]

    « Nous n'avons pas dit que nous les protégerions pour avoir menti. » 

[Français]

    C'est une histoire de mensonges. Je suis d'accord avec Mme Boivin quand elle dit qu'en ce qui concerne le témoignage des gens qui comparaissent devant notre comité, c'est une question d'interprétation.

    Monsieur Walsh, peut-être pourrez-vous régler mon problème. Vous avez répondu à M. Guimond très clairement que, dans le cas de 1978, les témoins étaient d'accord. D'après moi, si les témoins sont d'accord, cela ne pose aucun problème.

    Cependant, dans ce cas-ci, il s'agit aussi de protéger la réputation des députés. Si je demande à une personne de ma circonscription de venir témoigner devant un comité de la Chambre des communes en lui assurant que ce sera à huis clos et qu'elle sera protégée, et si le Parlement lève ensuite ce privilège, c'est vraiment la réputation du Parlement qui est en jeu.

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, je crois que le député parle de crédibilité. C'est une autre chose.

[Traduction]

+-

    La présidente: D'accord. M. Reynolds voudrait faire un rappel au Règlement.

+-

    M. John Reynolds: C'est un rappel au Règlement, madame la présidente, pour que ce soit bien clair, ici, aucun des renseignements dont il s'agit ici n'a été donné à huis clos. Tout est du domaine public. Les journaux en parlent déjà. Donc ce n'est pas que nous traitions de choses qui auraient été dites derrière des portes closes. Je voulais être sûr que ce soit clair.

+-

    La présidente: D'accord.

+-

    M. John Reynolds: Aucun des témoignages entendus à huis clos n'est visé. Ce sont des choses qui sont déjà dans les journaux et qui ont été publiées.

+-

    M. Yvon Godin: D'accord, mais pour revenir à ce rappel au Règlement, en ce qui concerne le privilège, on est encore protégé, qu'on témoigne à huis clos ou non. Est-ce que je me trompe?

+-

    La présidente: Nous traitons de privilège, et non pas de ce que l'information soit publique ou non.

+-

    M. Yvon Godin: Oui, et je voulais être sûr que le privilège à huis clos demeure.

+-

    M. John Reynolds: C'est cela. Je tiens seulement à ce qu'il soit clair que ce dont nous parlons, cependant, est tout à fait public, sur la scène publique, en ce moment.

+-

    M. Yvon Godin: D'accord, je voulais m'assurer que ce soit clair aussi.

+-

    La présidente: D'accord.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Pour ce qui est de la réputation de la Chambre des communes, je crois qu'il faut qu'il y ait, entre le Parlement, les députés et les citoyens, un lien qui permette de dire aux témoins qu'ils n'ont pas besoin d'emmener leur avocat. Normalement, dans le domaine de la justice, même si on a commis un meurtre, on n'a pas besoin de parler avant d'avoir vu son avocat. C'est la justice que nous avons dans notre pays.

    Dans ce cas, ne serait-ce pas entrer par la porte de derrière parce qu'on ne peut pas entrer par celle de devant?

+-

    M. Rob Walsh: Non. D'après ce que je comprends de votre question, monsieur Godin, je vous avoue craindre que si on levait le privilège et qu'on donnait la permission d'utiliser les témoignages livrés par les témoins devant le comité, on pourrait voir arriver des avocats avec les témoins.

    On fait des promesses au témoin et on lui dit qu'il est protégé, mais le témoin peut dire qu'on a levé le privilège il y a quelques mois ou quelques années et que, pour cette raison, il craint que dans le processus qui suivra, on ne lui demande pourquoi il a dit telle chose, etc. Il se fait donc accompagner de son avocat pour le conseiller en ce qui concerne les droits juridiques, parce que la protection parlementaire n'est pas vraiment assurée.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Yvon Godin: Il serait important que nous allions un peu plus loin. Présentement, on parle d'une grosse histoire de 250 millions de dollars où 100 millions de dollars ont disparu, et les Canadiens sont préoccupés. Il y a d'autres choses qui préoccupent les Canadiens. Il arrive même parfois, dans des cas de meurtre, que la justice dise à un témoin que s'il lui donne les noms d'autres personnes, plutôt que d'écoper de 15 ans d'emprisonnement, il n'en aura que cinq. On respecte cela. On ne dit pas à la personne par la suite que, maintenant qu'elle a dit la vérité, on lui impose 15 ans d'emprisonnement. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une affaire de crédibilité?

+-

    M. Rob Walsh: Oui.

[Traduction]

+-

    La présidente: Avant de laisser la parole à M. Reynolds, est-ce que M. Guité aurait des recours judiciaires si ses privilèges étaient révoqués?

+-

    M. Rob Walsh: À mon avis M. Guité pourrait introduire une instance pour un examen judiciaire de la décision de suspendre ses privilèges, dans le but d'infirmer la décision du juge Gomery. La Chambre des communes pourrait en faire tout autant, à la suite d'une décision du juge Gomery.

+-

    La présidente: D'accord. Dans le cadre d'un comité parlementaire, est-ce qu'un témoin peut refuser de répondre à une question directe?

+-

    M. Rob Walsh: Non. Les témoins sont obligés de répondre à toutes les questions que leur pose un comité parlementaire. La sanction, pour ainsi dire, si un témoin refuse de répondre, est que le comité peut le référer à la Chambre pour qu'il soit déclaré coupable d'outrage.

+-

    La présidente: D'accord. Bien. Je vous remercie.

    Monsieur Reynolds.

+-

    M. John Reynolds: Merci, madame la présidente.

    Je suis d'accord avec mon collègue que nous entrons en quelque sorte dans un cercle vicieux ici. C'est une situation très difficile.

    Je voudrais aller à la quatrième page de votre déclaration. Vous dites « ces questions font intégralement partie du champ de compétence de la Chambre, sous réserve de toute exception prévue par la loi, comme dans le cas du parjure [...] ». Vous nous avez dit quelque chose : est-ce le deuxième témoignage qui est correct ou est-ce le premier? Comment le déterminer? Cela devient difficile. Comment décideriez-vous de ce qui est vrai?

    Vous avez parlé d'une affaire antérieure où des exceptions limitées avaient été consenties dans ces domaines. Dans ce cas-ci, il me semble que si M. Guité—nous le prendrons comme exemple—a dit au Comité des comptes publics qu'il voyait M. Gagliano une fois ou deux par mois, et que maintenant il change son histoire et dit l'avoir vu le nombre de fois qu'il l'a vu, de toute évidence beaucoup plus, il y a parjure quelque part.

    Il me semble qu'il vaut beaucoup mieux laisser au juge Gomery—le gouvernement a désigné le juge Gomery—le soin d'aller jusqu'au fond des choses. Si nous voulons aller au fond des choses, je ne voudrais pas que le Comité des comptes publics rappelle des témoins devant lui après cette enquête pour les accuser de parjure. Il vaudrait beaucoup mieux que nous trouvions un moyen limité de permettre au juge d'examiner les transcriptions légalement—de toute évidence, il les a vues, et c'est justement le problème—et de poser cette question dans son enquête, pour que le Parlement puisse obtenir une réponse du commissaire qui nous dise oui, des gens se sont faits parjures devant le comité. De toute évidence, quand ce sera terminé, il fera ses recommandations sur le point de mire que devrait avoir l'enquête de la police, ou des recommandations parlementaires, et autres.

    Je pense tout de même, monsieur Walsh, que ce n'est pas un procès, ce n'est pas une poursuite civile. Nous avons des exemples de gens qui ont été en procès ou dans des poursuites civiles. Ceci touche le Parlement; il s'agit d'examiner une question dont le parti au pouvoir a jugé bon de saisir un commissaire pour aller jusqu'au fond des choses. Il travaille pour nous, et aussi pour tous les Canadiens, pour aller jusqu'au fond de la question. Pourquoi devrions-nous intervenir dans le droit de cette commission d'employer notre privilège parlementaire?

    Si un témoin nous a menti, laissons le juge déterminer s'il a menti. Je ne voudrais pas laisser à un groupe de parlementaires le soin d'en décider. Comment pouvons-nous agir de manière à protéger notre privilège, tout en permettant au juge Gomery de faire son travail? Ce gouvernement et tous les partis se sont entendus pour que cette enquête aille jusqu'au fond des choses.

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, c'est une question très importante que soulève le membre.

    Je ne voudrais pas faire de commentaire sur le témoignage d'aucun témoin en particulier, mais laissez-moi dire d'abord que, en tant que quelqu'un qui a été avocat plaidant pendant plusieurs années avant d'arriver dans ce domaine du droit, je suis ébahi par le nombre de raisons qu'on peut invoquer pour expliquer pourquoi un témoignage peut être différent d'un premier témoignage donné. Le mensonge n'est que l'une de plusieurs explications possibles. J'hésiterais donc à suggérer que les incohérences relevées entre les témoignages reflètent nécessairement l'expression d'un mensonge.

    La deuxième chose, madame la présidente, c'est que le juge Gomery, même s'il permettait que le témoignage entendu devant le comité parlementaire soit utilisé dans ses procédures, n'a pas le rôle de déterminer que le témoin qu'il entend a menti devant ce comité. Je doute qu'il essaie même de le faire. Il est certain que le fait que quelqu'un ait pu mentir devant ce comité mérite un examen minutieux en rapport avec les travaux du comité, mais pas par quelqu'un qui siège ailleurs quelques mois plus tard et qui examine des mots jetés sur un morceau de papier et décide qu'à un moment donné auparavant, dans un contexte tout à fait différent, le témoin a menti.

    On cherche à accéder au témoignage parlementaire rien que pour pouvoir jeter le doute sur des témoins et déterminer sa crédibilité—est-ce que je crois vraiment ce témoin, ou devrais-je douter de la vérité ou de l'exactitude de ses propos? Il ne s'agit pas d'essayer de prouver que quelqu'un est un menteur. Il s'agit d'essayer de déterminer quel poids il faudrait accorder au témoignage d'un témoin donné, à la lumière d'incohérences relevées auparavant. La Commission Gomery ne déterminera pas directement si les propos du témoin devant ce comité sont eux-mêmes vrais ou faux, bien qu'on pourrait en déduire qu'ils étaient faux si, de fait, le témoignage contradictoire donné devant la Commission est accepté. Ce pourrait être une conclusion implicite, mais ce ne serait certainement pas une conclusion que le juge tirerait que le témoignage entendu devant ce comité était, lui-même, faux au moment où il a été donné.

Á  +-(1150)  

+-

    M. John Reynolds: Une très courte question.

    Est-ce que vous seriez d'accord avec moi si je disais, alors, que s'ils ne peuvent pas faire de suivi parce que nous ne leur permettons pas d'avoir accès au témoignage, ils ne peuvent pas faire leur travail correctement?

+-

    M. Rob Walsh: C'est une question intéressante, de savoir dans quelle mesure l'objet de l'enquête est occulté par la non disponibilité du témoignage entendu ici devant ce comité, si on veut mettre en doute la crédibilité des témoins.

    Personnellement, je trouve difficile de dire que le témoignage entendu devant ce comité est essentiel à la bonne exécution de l'enquête Gomery. C'est mon avis. Je pourrais me tromper. Je trouve difficile de croire que ce qui a été dit devant ce comité, avec tout le contexte qui entoure un comité parlementaire, puisse être un instrument si important. Je me hasarderai à dire que la crédibilité d'un témoin qui est sur la sellette aussi longtemps que certains témoins peuvent l'être peut être mise en doute dans le cadre de ce témoignage, parce qu'il est très difficile, si on ne dit pas la vérité, de s'accrocher pendant longtemps, croyez-moi. Un avocat compétent peut probablement faire ressortir certaines incohérences qui feraient peser le doute sur la crédibilité d'un témoin, sans même avoir à toucher au témoignage parlementaire.

+-

    La présidente: Merci, monsieur Walsh.

    Monsieur Guimond.

[Français]

+-

    M. Michel Guimond: Merci, madame la présidente.

    Dans la foulée de la question que je vous avais posée tout à l'heure au sujet du pouvoir du juge Gomery de poursuivre son enquête malgré le fait qu'un processus judiciaire ait été entamé par quelqu'un, j'aimerais savoir si vous avez une connaissance personnelle du fait suivant. Apparemment, le juge Gomery aurait décidé de ne pas entendre certains témoins qui font l'objet d'accusations criminelles. Il l'a déjà fait. Il a déjà dit qu'étant donné que l'objectif de son enquête n'était pas d'en arriver à des poursuites criminelles, il ne suivrait pas cette ligne. Il l'a fait, n'est-ce pas?

+-

    M. Rob Walsh: Je crois que le juge Gomery a décidé que les contrats faisant l'objet d'accusations contre M. Guité étaient au-delà de l'enquête. Il n'y a aucune question en ce qui concerne les contrats qui sont l'objet d'un processus criminel contre M. Guité. Je crois que c'est la décision que M. Gomery a prise.

+-

    M. Michel Guimond: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Boivin.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin: Est-ce que je me trompe lorsque je dis que les avocats de M. Pelletier et de M. Gagliano, par exemple, pourraient tenter de prouver que M. Guité s'est contredit au moyen d'autres preuves que son témoignage devant le Comité des comptes publics? L'idée serait d'essayer d'entacher sa crédibilité. On sait que c'est ce qu'essaient de faire les juristes.

    Je vais vous poser tout de suite mon autre question au cas où je n'aurais pas le temps de la poser plus tard, parce qu'elle est importante pour moi. Est-ce que quelqu'un a déjà demandé à M. Guité s'il acceptait que la Chambre renonce au privilège? Est-ce qu'une demande formelle a été faite à M. Guité? Est-ce qu'on a eu une réponse directe à cet égard?

Á  +-(1155)  

+-

    M. Rob Walsh: Madame la présidente, la seule demande formelle que je connaisse est celle qui est devant le Comité permanent des comptes publics. L'avocat de M. Guité s'est présenté et s'est opposé à ce qu'on accorde la permission de lever le privilège parlementaire.

+-

    Mme Françoise Boivin: Et que répondez-vous à ma première question? Est-ce qu'il existe d'autres moyens de preuve?

+-

    M. Rob Walsh: Je crois que oui. Cependant, il est difficile de le dire de façon spécifique sans savoir ce qui se passe vraiment dans le processus. Je n'ai pas examiné tous les contrats, tous les détails, tous les 10 millions de documents que le comité a en sa possession ou qui ont été donnés par le gouvernement à la commission d'enquête. J'imagine qu'il y a d'autres moyens, mais c'est très pratique quand on a une transcription des témoignages assermentés.

+-

    Mme Françoise Boivin: C'est plus facile.

+-

    M. Rob Walsh: C'est très facile: «Voilà, monsieur, vous avez dit cela. Pourquoi dites-vous cela? Vous avez dit cela il y a quelques mois et vous dites maintenant autre chose.» C'est très facile. Il est parfois très difficile pour le témoin d'expliquer pourquoi il a dit telle chose. C'est difficile.

+-

    Mme Françoise Boivin: Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

+-

    La présidente: Vous étiez sortie et il vous reste à peu près une minute.

    Monsieur Godin.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Quand on vous a posé une question tout à l'heure, on a dit que ce n'était pas au Parlement de voir s'il y avait eu parjure, que c'était au contraire notre responsabilité. Nous ne pouvons pas nous défaire de nos responsabilités. Si nous pensons que quelqu'un qui a témoigné devant un de nos comité ne nous a pas dit la vérité, nous pouvons le convoquer à nouveau. Cela fait partie de nos procédures. Ce n'est pas à la cour ou à une commission de le faire. C'est à nous de le faire; c'est notre responsabilité. Nous n'irions pas trop loin si nous convoquions à nouveau la personne.

+-

    M. Rob Walsh: Si je vous comprends bien, monsieur Godin, vous parlez du processus parlementaire dans un cas d'outrage. Quand il s'agit d'une question de parjure, cela relève de la Couronne, car c'est une accusation en vertu du Code criminel. C'est au procureur général de décider si les preuves disponibles sont suffisantes pour obtenir...

+-

    M. Yvon Godin: Mais c'est à nous de faire cette demande.

+-

    M. Rob Walsh: Oui, on fait une demande officielle au procureur général.

+-

    M. Yvon Godin: Exactement.

+-

    M. Rob Walsh: C'est une question qui relève du procureur général. Peut-être va-t-il décider qu'il n'y a pas assez de preuves. Mais l'outrage, c'est autre chose. Le sens de l'outrage, le fait d'outrage, etc., tout cela relève de la Chambre des communes.

+-

    M. Yvon Godin: Donc, nous pouvons convoquer le témoin à nouveau et lui dire que ce qu'il nous a dit en comité diffère de ce qu'il a dit en public, et qu'il doit s'expliquer.

+-

    M. Rob Walsh: Cela relève de vous.

+-

    M. Yvon Godin: C'est cela. Mais il n'y a rien...

+-

    M. Rob Walsh: C'est aux parlementaires de demander à M. Untel...

+-

    M. Yvon Godin: Dans le système parlementaire, il n'y a rien d'extraordinaire quand on fait cela. On ne l'a peut-être jamais fait parce qu'on ne s'est jamais rendu là, mais si nous sommes rendus là, il serait normal que nous prenions nos propres responsabilités en appliquant la procédure parlementaire.

+-

    M. Rob Walsh: À mon avis, oui.

+-

    M. Yvon Godin: Merci bien.

[Traduction]

+-

    La présidente: Merci.

    J'apprécie le temps que vous nous avez accordé, monsieur Walsh.

    Avant de passer au témoin suivant, je voulais dire que M. Gomery ne travaille pas pour nous. Il ne relève pas du Parlement. C'est une enquête indépendante. Je crois que M. Reynolds a pu laisser entendre qu'il travaillait pour nous, qu'il faisait ce que nous lui demandions. Il a été chargé d'une tâche, et en toute indépendance de...

+-

    M. John Reynolds: Je n'ai absolument pas voulu suggérer qu'il travaillait pour nous. J'ai dit que nous nous étions tous entendus pour que cette commission soit créée, un point c'est tout. Il est indépendant et agit comme il l'entend.

+-

    La présidente: D'accord. Je voulais que ce soit indiqué au compte rendu.

+-

    M. Rob Walsh: Permettez-moi de répondre rapidement à cette question, madame la présidente.

    La Commission d'enquête est un agent, si on veut—je ne dis absolument pas cela dans un sens péjoratif—du parti au pouvoir. C'est le gouvernement qui a créé la Commission d'enquête, en vertu de la Loi sur les enquêtes, dans le but d'étudier une question particulière—dans ce cas, l'affaire des commandites. C'est un organe indépendant. Il n'est pas nécessaire que ce soit un juge qui soit appelé à le diriger, mais ça l'est souvent, pour donner l'assurance, publiquement, que le commissaire est indépendant. On attend du commissaire, avec l'expérience et les connaissances d'un juge, qu'il applique les règles normales de la justice naturelle, du procès équitable, etc.

    Cela revient à toute le question du privilège parlementaire et de l'autonomie du Parlement et de l'organe législatif vis-à-vis de l'État, ou de l'organe exécutif, et cela revient à la question à laquelle la Chambre est confrontée dans le contexte d'une autre affaire qui est actuellement devant la Cour suprême du Canada, concernant la Loi sur les droits de la personne. La Chambre n'est pas opposée aux droits de la personne; la Chambre est opposée aux procédures judiciaires pouvant être intentées en vertu de la Loi sur les droits de la personne lorsqu'une société d'État, la Commission canadienne des droits de la personne, peut faire enquête, peut exiger la production de documents, peut sommer des gens à comparaître. Le privilège de la Chambre vise à garantir l'autonomie et l'indépendance de la Chambre afin qu'elle puisse s'occuper de ses affaires internes sans interférence de la Couronne ou d'un agent de la Couronne. Cette affaire ne concerne pas les droits de la personne, bien que certaines personnes puissent le penser, à tort; il s'agit de protéger les privilèges de la Chambre contre les incursions rendues possibles par diverses dispositions législatives conçues à d'autres fins.

    Il y a aussi le pouvoir dont jouit le commissaire de la Commission d'enquête, en vertu de la Loi sur les enquêtes, à des fins évidentes, que le membre du comité, M. Reynolds, nous incite tous à approuver. Ces pouvoirs sont là dans un but tout à fait valable, mais en même temps, les privilèges de la Chambre existent dans un but tout à fait valable. Le Bill of Rights est conçu pour dire vous vous occupez de vos affaires et nous des nôtres, et chacun laissera l'autre tranquille, d'accord? C'est en fait ce dont il s'agit avec le privilège—laissez-nous tranquilles et on vous laissera tranquilles—parce qu'il n'y a pas de façon simple de concilier ces deux intérêts, autrement qu'en disant que c'est exactement ce que cherche à faire le Bill of Rights de 1689.

  +-(1200)  

+-

    La présidente: D'accord.

+-

    M. John Reynolds: Madame la présidente, le Parlement a renoncé à ces droits plus d'une fois.

+-

    Mr. Yvon Godin: Avec la permission des témoins.

    J'aimerais faire un rappel au Règlement. Je voudrais vérifier une chose.

+-

    La présidente: Oui, pour un rappel au Règlement.

+-

    M. Yvon Godin: Je voulais être sûr d'une chose. On a renoncé au privilège, mais avec la permission des témoins.

+-

    La présidente: Dans un cas.

+-

    M. Yvon Godin: Dans un cas. Avec la permission des témoins, ce qui est très important de souligner.

+-

    La présidente: Pour éviter que nous nous éternisions ainsi, je vais remercier M. Walsh, et nous allons suspendre la séance un moment, en attendant notre deuxième témoin.

  +-(1202)  


  +-(1205)  

+-

    La présidente: Mesdames et messieurs, la séance reprend.

    Je souhaite la bienvenue à notre deuxième témoin ce matin, Joseph Maingot, l'auteur du Privilège parlementaire au Canada.

    Bienvenue au comité, monsieur Maingot. Nous sommes impatients d'entendre votre témoignage aujourd'hui, qui sera suivi d'une tournée de questions des membres du comité. Sans plus attendre, nous vous écoutons.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot (auteur de “Le privilège parlementaire au Canada”, à titre personnel): Merci, madame la présidente. C'est toujours un honneur et un privilège que de venir devant un comité de la Chambre des communes, ou de l'autre Chambre.

[Français]

    Je vais m'adresser à vous en anglais surtout. Cependant, si vous me posez des questions en français, je pourrai y répondre.

[Traduction]

    Je suppose que vous ne voulez pas commencer au tout début, parce que ça remonte à trop loin. Je commencerai probablement avec l'article 9 du Bill of Rights de 1689 en Grande-Bretagne. C'était après, bien entendu, une longue lutte qui a duré des années, qui a coûté leurs têtes à bien des gens, y compris des présidents. Donc, si on commence avec l'article 9, il dit « Ni la liberté de parole, ni celle de débats ou procédures dans le sein du Parlement ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour ou lieu quelconque que le Parlement lui-même. »

    Quelques années plus tard, Blackstone, un auteur renommé du domaine du droit, s'est déclaré d'avis que « quelle que soit la question soulevée concernant l'un ou l'autre Chambre du Parlement elle doit être examinée, discutée et adjugée dans cette Chambre à laquelle elle est liée, et nulle part ailleurs ». C'es une traduction libre d'une citation des commentaires de Blackstone, dont la première édition date de 1778.

    L'article 9 traite, entre autres, de la liberté de parole. La liberté de parole est inséparable du Parlement. Elle est inhérente à sa constitution. Elle fait partie intégrante de la Constitution là-bas, et de la Constitution ici, mais c'est une loi. On se fait toujours dire que si l'on veut changer une loi au Canada, il faut trois choses. Il faut la Chambre des communes, le Sénat et le Parlement. Donc une résolution de la Chambre visant des changements à une loi ne change pas la loi. Elle peut peut-être empêcher de déclarer quelqu'un coupable d'outrage au Parlement, mais cela ne change pas la loi.

    Si on fait quelque chose d'une manière qui ne change pas la loi et qui fait peser une menace sur quelqu'un, je ne pense pas que cela ait été l'intention des concepteurs du Bill of Rights. Quant à cela, le privilège était une protection et a été prévu,à priori, pour protéger les membres contre l'État, contre le Roi. Et dans le droit criminel, c'est le Roi contre un tel et un tel. Par la suite, quand il a été possible d'imprimer tout cela, ils étaient protégés contre un tiers pour ce qu'ils avaient dit à l'extérieur.

    Cette question, comme on vous l'a probablement dit, pardonnez-moi si je le répète—a été débattue il y a 112 ans, en 1892. Dans cette affaire en particulier, celle de Connolly, je trouve intéressant que dans le débat, le ministre de la Justice de l'époque ait dit que le privilège n'est pas un droit du témoin, mais un privilège qui appartient à la Chambre.

    De l'autre côté du débat, ils ont dit, et je traduis :

[...] mais la Chambre doit être également prudente en déterminant que quiconque ayant été obligé de fournir un témoignage contre soi-même en comité doit être déclaré coupable d'après ce témoignage devant un tribunal. Si on ne prévoit pas cette disposition restrictive, on assène un coup fatal à toute enquête parlementaire. En quoi serait-il sensé de saisir un comité d'une telle question et de traîner des témoins de toutes parties du pays devant un comité lorsque, si les témoins donnent des preuves pouvant les incriminer, ces preuves peuvent être utilisées contre eux devant un tribunal? La grande certitude que nous avons pour obtenir la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, dans les affaires dont traitent nos comités, est que les témoins savent, et la loi parlementaire l'affirme comme une garantie, que s'ils fournissent des preuves, ils seront protégés contre tout emploi de ces preuves devant un tribunal en ce qui les concerne.

  +-(1210)  

    Puis, Wilfrid Laurier a déclaré :

En agissant ainsi, nous allons à l'encontre de la loi et du principe de justice sans cesse défendu par tous les tribunaux britanniques, soit que nul qui comparaît devant le Parlement ne peut témoigner contre lui-même. Si nous dérogeons à cette règle, nous devons en instituer une autre. L'honorable député [...] a dit que, si nous adoptons le régime proposé, il sera par la suite difficile de recueillir des témoignages au Parlement. [...] La résolution prévoit que toutes les dépositions d'une de ces parties pourront être utilisées contre elles lors d'un procès. À mon avis, en agissant ainsi, on viole les principes de justice et d'équité, particulièrement de justice britannique, et on va carrément à l'encontre du droit britannique, du droit criminel, du droit civil tel que nous le connaissons en notre pays et à l'encontre de la volonté expresse du Parlement. Naturellement, si le gouvernement décide de persister, il doit en assumer la responsabilité. Quoi qu'il en soit, je proteste, car on nous soumet aujourd'hui une motion qui déroge à la règle bien connue voulant que tous les propos tenus sur le parquet des Chambres du Parlement ou devant un comité parlementaire dans le cadre d'une enquête publique visant à découvrir la vérité, une règle qui subit une grave attaque aujourd'hui [...]

    Ce qu'il y a d'intéressant, c'est qu'entre autres choses, c'est là le rôle du gouvernement. Le gouvernement réclamait cette poursuite. Trois cent cinquante ans plus tard, dans le procès de Strafford, John Pym aurait affirmé qu'il minait l'équilibre juridique traditionnel établi dans la Constitution—que l'assemblée législative est là pour légiférer, la Couronne, pour poursuivre, les tribunaux, pour faire respecter les lois, pour servir de rempart aux droits et pour protéger la Constitution. C'était là une autre dimension de l'affaire.

    Quand la cause a abouti devant les tribunaux, elle a mis en relief le devoir de réserve qu'ont les tribunaux à l'égard des législateurs. En fait, ce devoir est uniforme. Par exemple, dans l'affaire de la Nouvelle-Écosse, à propos de la Charte canadienne, le juge en chef a déclaré :

Notre gouvernement démocratique comporte plusieurs branches : la Couronne représentée par le gouverneur général et ses homologues provinciaux, l'organisme législatif, l'exécutif et les tribunaux. Pour assurer le bon fonctionnement de l'ensemble du gouvernement, il est essentiel que toutes ces composantes jouent le rôle qui leur est propre. Il est également essentiel qu'aucune de ces branches n'outrepasse ses limites et que chacune respecte de façon appropriée le domaine légitime de compétence de l'autre.

    Il y a eu une autre cause, devant la Cour d'appel de l'Ontario cette fois, où le juge a utilisé une très belle expression pour dire que depuis trop longtemps, on s'inclinait devant les privilèges théoriques du Parlement. C'était en 1878 environ.

    Nous en revenons donc à cette affaire, où en fin de compte on a adopté la résolution. Un juge de la cour de comté agissant comme magistrat saisi était préoccupé par l'utilisation de cette preuve et, par devoir de réserve naturel, a renvoyé l'affaire à la cour d'appel, qui a statué qu'en dépit de la résolution adoptée, elle n'avait pas le pouvoir de délivrer un bref de mandamus au juge pour l'instruire d'accueillir une pareille preuve. En d'autres mots, elle a dit qu'elle n'avait pas compétence en la matière. C'est aussi simple que cela.

    Par contre, un des juges, le juge Rose... J'ai appris à connaître ce nom pendant que j'étudiais le droit, car c'était un juge assez extraordinaire. Très instruit, il était, je crois, avocat, médecin et ingénieur... un de ces êtres inhabituels que l'on rencontre parfois. Il était d'accord avec la décision et a dit qu'il appartenait au magistrat d'accepter ou non de recevoir la preuve. En cour d'appel, le juge Rose a dit :

Je ne vois pas comment on peut se demander si on abuse des privilèges parlementaires en entreprenant d'utiliser cette preuve quand c'est le Parlement lui-même, par voie de résolution du comité adoptée par la Chambre, qui a ordonné la présente procédure sur la foi de la preuve présentée devant le comité.

  +-(1215)  

    Il était minoritaire. Les autres juges ont décidé qu'ils n'avaient pas compétence en la matière. Toutefois, le juge du tribunal inférieur disposait de l'avis de Rose, de sorte qu'il a admis la preuve lorsque la procédure a repris. Donc, la seule fois où il y eut une exception à l'article 9, ce fut du fait d'une autre loi.

    En ce qui concerne le parjure, j'ai peut-être tort, mais je semble me rappeler avoir lu que, lorsque ces intéressantes affaires de divorce de Terre-Neuve et du Québec ont été entendues au Sénat, on s'inquiétait de la véracité du témoignage de certains détectives. C'est peut-être la raison pour laquelle on a adopté une loi disposant qu'effectivement, les enquêtes qui ont lieu à la Chambre des communes jouissent de l'immunité, du privilège, mais à cause du parjure et des déclarations contradictoires, on a modifié le Code criminel pour prévoir une exception. On l'a fait en modifiant la loi, non pas en adoptant une motion.

    Qui plus est, si cela se faisait au moyen d'une motion, les personnes seraient sans protection. Les tribunaux statueraient en effet que, quoi que fasse la Chambre à l'égard des droits d'une personne au Parlement même, ils n'ont pas compétence. Par contre, si les droits de ces personnes à l'extérieur du Parlement étaient en cause, alors ils auraient compétence. Donc, à mon avis, une motion comme celle-là serait illégale, parce que l'actuel droit protégeant la liberté de parole est inscrit dans la Constitution.

    Aux termes de l'article 13 de la Charte, on ne peut obliger quelqu'un à témoigner contre lui-même, mais on peut tout de même l'interroger si cet interrogatoire a pour objet de contester ce qu'elle a dit. Toutefois, on ne peut pas le faire en ce qui concerne les déclarations faites au Parlement. C'est un principe sacro-saint, une tradition, et c'est la loi. Pour changer la loi, il faut adopter une autre loi du Parlement.

    Peut-être vaudrait-il mieux que je m'arrête ici, madame la présidente.

+-

    La présidente: Je vous remercie beaucoup. Je suis sûre que vous aurez amplement l'occasion de nous en dire plus à ce sujet. Je soupçonne qu'on aura plusieurs questions à vous poser.

    Monsieur Reynolds.

  +-(1220)  

+-

    M. John Reynolds: Je vous remercie beaucoup.

    Monsieur Maingot, je vous remercie vivement d'avoir répondu à notre invitation.

    Comme vous le savez, à deux reprises, la Chambre des communes du Canada a décidé de ne pas insister sur ses privilèges, soit en 1892 et en 1978. Seriez-vous d'accord pour dire que nous avons le droit, en tant que Parlement, de fournir de l'information recueillie par un comité parlementaire au juge Gomery, si nous en décidons ainsi?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Tout renseignement de source ouverte qui est à la disposition du grand public ne poserait pas de problème particulier. Cependant, ce qui se dit et se fait au Parlement ne peut être mis en cause devant d'autres instances. En ce qui concerne les documents, les avocats ont des moyens bien à eux de réunir l'information dont ils ont besoin dans une cause, et ces documents à la disposition de la Chambre des communes sont également à la disposition d'autres personnes, de sorte que vous pourriez les obtenir d'une autre source que la Chambre.

+-

    M. John Reynolds: Le fait est que tous ces documents sont actuellement publics, mais la commission a besoin de notre permission pour s'en servir. Elle nous en a fait la demande, et c'est ce dont il est question aujourd'hui. Pouvons-nous lui donner...?

    Je vous pose la question. Êtes-vous d'accord pour dire que nous avons le droit d'acquiescer à cette demande et de lui remettre ces documents, de renoncer au privilège? Nous l'avons déjà fait deux fois, en 1892 et en 1978, quelle qu'ait été la raison jugée valable à l'époque. Par contre, si nous décidons que...

    Revenons à, je crois, l'affaire Prebble de 1994, dans laquelle le juge a déclaré : « Ces questions font intégralement partie du champ de compétence de la Chambre, sous réserve de toute exception prévue par la loi, comme dans le cas du parjure [...] ». C'est en réalité là-dessus qu'insistent les avocats. Ils souhaitent pouvoir interroger les personnes devant le juge Gomery au sujet de déclarations antérieures en vue, je suppose, de faire ressortir qu'elles n'ont peut-être pas dit la vérité dans un endroit ou dans l'autre.

    Donc, la question que je vous pose concerne simplement des notions légales de base. Étant donné que cela s'est déjà produit deux fois, êtes-vous d'accord pour dire que nous pourrions le faire à nouveau si notre comité décidait de faire une recommandation en ce sens à la Chambre des communes? Avons-nous le droit de le faire?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: S'il s'agissait d'un cas de parjure ou de déclaration contradictoire, l'exception existe, et on peut s'en servir. Autrement, si l'information est du domaine public, ce serait aux avocats d'y voir.

    Il existe d'autres exceptions que le parjure. Ainsi, la Loi sur le Parlement du Canada prévoit une exception relative à la sanction d'un délateur. Il existe également d'autres exceptions, en ce sens que les députés ne peuvent pas passer de marchés avec le gouvernement. Si vous disposiez de renseignements en ce sens alors que la personne siégeait à la Chambre des communes, ce serait de bonne guerre, il me semble. Dans ce cas-là, ce serait simplement une question d'établir que la personne siège au Parlement et qu'elle a passé un marché avec le gouvernement. Dans le cas de démarches antérieures, on visait à établir que la personne était un député et qu'elle avait voté alors qu'elle n'en avait pas le droit. C'est plutôt simple.

    Toutefois, la protection conférée par l'immunité inclut tout ce qui a permis à la Chambre d'avoir à sa disposition un témoin qui, en raison du privilège, parlera ouvertement et honnêtement et fournira les documents tout aussi ouvertement et honnêtement. C'est ainsi que je le conçois.

+-

    M. John Reynolds: Parfait.

+-

    La présidente: Monsieur Guimond ou madame Picard? Non?

    Madame Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin: Je tiens seulement à m'assurer que j'ai bien compris ce que je viens d'entendre, en ce sens que, dans ce cas-ci... Êtes-vous au courant de l'affaire dont nous sommes saisis?

  +-(1225)  

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Je le crois. Il s'agit de savoir si vous souhaitez lever le privilège parlementaire au sujet d'un témoin qui a comparu devant la Chambre.

+-

    Mme Françoise Boivin: Ou plutôt si nous souhaitons renoncer au privilège et permettre à la commission de... Toutefois, ai-je bien compris ce que vous avez répondu à M. Reynolds au sujet des deux affaires précédentes? Vous avez dit que, si le témoignage est public, ce qui est le cas des témoignages entendus par le Comité des comptes publics... M. Guité a témoigné, et sa comparution a été diffusée à la télé d'un océan à l'autre. Êtes-vous en train de dire qu'à ce moment-là, il n'y a pas de privilège?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis...

+-

    Mme Françoise Boivin: D'accord. Dans ce cas, il va falloir éclairer ma lanterne, parce que c'est ce que je croyais vous avoir entendu dire.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Je dis que les documents sont disponibles ailleurs. Le comité en a demandé la production. Un tribunal pourrait aussi demander ces documents à leurs sources.

+-

    Mme Françoise Boivin: J'ai entendu dire aujourd'hui que certains membres seraient peut-être d'avis qu'il faudrait laisser le juge Gomery découvrir toute la vérité et lui donner vraiment tous les outils dont il a besoin pour aller au fond des choses. N'est-ce pas là, cependant, une façon de...?

[Français]

    Je vais le dire en français pour ne pas me tromper de termes. Est-ce que ce ne serait pas une renonciation légale ou même une admission que les comités de la Chambre n'ont dans le fond aucune pertinence?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Ils ont certainement une pertinence en ce qui concerne la politique publique. L'idée est de [Note de la rédaction: Inaudible] un juge à la Cour supérieure. Les règles de témoignage et de preuve sont mises de côté parce que votre rôle ici en est un qui relève de la politique publique. C'est un peu différent. Vous avez certainement de la pertinence, mais vis-à-vis du public et vis-à-vis de la Chambre des communes. La cour criminelle est une autre chose. La cour a un rôle particulier ainsi que des façons d'arriver à des résultats.

+-

    Mme Françoise Boivin: Merci.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Godin.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur Maingot, il me fait plaisir de vous accueillir à notre comité. Vous avez entamé votre discussion en disant que c'était pour vous un honneur et un privilège d'être ici. Pour vous, qu'est-ce qu'un privilège?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Vous voulez parler du privilège parlementaire?

+-

    M. Yvon Godin: Un privilège. Vous avez dit:

[Traduction]

    C'est un honneur et un privilège d'être ici. Comment définissez-vous le privilège?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: On jouit d'un privilège ou on est une personne privilégiée en raison de ses connaissances, de sa richesse, de sa position, mais il existe aussi un privilège parlementaire, qui consiste à permettre à la Chambre de faire son travail sans entrave.

[Français]

+-

    M. Yvon Godin: Selon votre énoncé, vous avez beaucoup travaillé à la question du privilège de la Chambre. Pour les parlementaires, ne serait-il pas inquiétant que la Chambre donne à quelqu'un le privilège...? En tant que députés, nous avons un privilège.

    Autrefois, avant de me lancer en politique, quand un député ou un ministre se levait en Chambre pour dire à quelqu'un d'autre de lui répéter ce qu'il venait de dire à l'extérieur de la Chambre, je pensais qu'il l'invitait à aller se battre dehors. En réalité, si la personne avait répété à l'extérieur ce qu'elle venait de dire en Chambre, on aurait pu l'amener devant la cour. Donc, le privilège que nous avons est un privilège total. Le Parlement ou les politiciens disent aux Canadiens et aux Canadiennes qui se présentent devant un comité parlementaire qu'ils seront protégés par un privilège de la Chambre des communes. La Chambre est un endroit spécial à Ottawa qui représente tout le Canada, et on donne un privilège à tout citoyen qui s'y présente. On dit aux témoins qu'ils n'ont pas besoin d'avocat, qu'ils sont libres de parler, etc.  Est-ce qu'il ne serait pas dangereux, pour les Canadiens et les Canadiennes ou pour toute personne qui viendrait témoigner devant un comité, qu'on change toute l'allure politique au Parlement du Canada en levant le privilège? Je ne parle pas d'un cas où on dirait à quelqu'un qu'il est convoqué à un comité la semaine suivante et qu'on lui retire ce privilège. À ce moment-là, on serait honnête avec cette personne et elle saurait à quoi s'en tenir. Je parle des cas où on a dit à la personne que ses paroles ne seraient pas rapportées à l'extérieur et ne seraient pas utilisées dans d'autres cours, et où on lui enlève par la suite ce privilège.

  +-(1230)  

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: On ne pourrait pas lui enlever ce privilège. Si quelqu'un doit comparaître devant un comité, on ne peut pas lui dire à l'avance qu'on va le lui enlever.

+-

    M. Yvon Godin: S'il a déjà comparu, est-ce qu'on peut le lui enlever deux ans plus tard?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Non. La seule façon de changer la loi, c'est de le faire au moyen d'une autre loi.

+-

    M. Yvon Godin: Par contre, la crédibilité des parlementaires pourrait alors aller in the drain, comme on dit.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Il s'agit d'une autre chose. Si vous permettez cela, pourquoi ne pas le faire pour d'autres personnes?

+-

    M. Yvon Godin: Revenons à 1978. Est-ce que ce n'est pas différent? En 1978, le privilège avait été levé parce que les témoins avaient accepté volontairement que les documents soient utilisés dans une autre cour. C'est différent de ce que nous voulons faire sans la permission des témoins.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Quelque chose est arrivé en 1978?

+-

    M. Yvon Godin: Il y a eu deux cas où le privilège a été levé: en 1892 et en 1978. En 1978, c'était la Commission McDonald. Je m'excuse, mais vous n'étiez peut-être pas au courant.

[Traduction]

+-

    M. John Reynolds: C'était en 1994.

+-

    La présidente: On a renoncé au privilège en 1978, mais après que les personnes en jeu y aient consenti. Le seul autre cas est survenu en 1892, et à ce moment-là, il n'y avait pas eu consentement. Il s'agit de l'affaire Connolly et de la commission McDonald : dans la première, le privilège a été levé sans le consentement de l'intéressé et dans la seconde, avec le consentement.

[Français]

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Naturellement, je me souviens de la Commission McDonald. À ce moment-là, j'avais lu certaines choses. Je n'étais pas impliqué...

+-

    M. Yvon Godin: C'est d'accord, monsieur Maingot. Tout à l'heure, on avait dit que les témoins avaient volontairement consenti à ce que...

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Oui, je vois cela ici.

+-

    M. Yvon Godin: On ne voit pas de problème là. Si les témoins sont d'accord, tout le monde est d'accord. Cependant, il y a une différence entre les deux.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Oui, c'est comme si ces personnes étaient prêtes à dire la même chose en public.

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur Maingot, quand on donne un privilège comme celui-ci, comme Mme Boivin l'a si bien dit, ce n'est pas seulement parce qu'on pense que le témoin va seulement dire la vérité; on pense aussi à la manière d'interpréter ce qui est dit. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent être dites. Il reste à prouver si c'est un mensonge ou non. C'est autre chose. Les personnes qui viennent témoigner doivent être certaines que leur témoignage ne sera pas utilisé dans une autre cour ou commission. C'est la définition du privilège, n'est-ce pas?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: De l'immunité ou du privilège. C'est cela, sauf si la personne est d'accord pour le dire ailleurs, en public. La personne qui vient témoigner peut mentir à la Chambre des communes, qui est le lieu le plus important du pays où siègent tous les députés qui représentent le peuple. C'est quelque chose de très historique. L'idée est de s'assurer que quelqu'un qui se présente devant un comité soit à l'aise, sachant que ce qu'elle va dire va rester là et que personne, sauf la Chambre elle-même, ne pourra la poursuivre pour ce qu'elle a dit. La Chambre peut trouver quelqu'un coupable d'outrage. On peut convoquer à nouveau le député devant le comité.

+-

    M. Yvon Godin: Ou le témoin.

  +-(1235)  

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Ou le témoin. Si le comité pense qu'il y a eu outrage à la Chambre, il peut l'envoyer en prison. C'est une possibilité. Ce que cette personne a dit ailleurs peut être utilisé contre elle.

+-

    M. Yvon Godin: Vous disiez tout à l'heure, et j'aimerais que vous le réaffirmiez, que la Commission Gomery ou le commissaire avait tout le pouvoir et tous les outils nécessaires pour arriver à un résultat. Il y a des avocats de toutes les parties, etc. Normalement, quand quelqu'un n'a pas dit la vérité quelque part, il lui sera difficile de tenir devant un groupe d'avocats qui s'en prennent à lui. La commission n'a pas besoin du témoignage livré devant le comité pour accomplir ses responsabilités. La commission n'est pas une cour criminelle qui portera un jugement. Son rôle est de faire sortir les faits.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: C'est aux avocats de décider ce qu'ils peuvent faire et ne pas faire. J'ai lu dans les journaux que le juge Gomery avait dit qu'on avait besoin du témoignage qui avait été livré ici. Cependant, en vertu de la loi, comme je l'ai déjà mentionné, ce n'est pas aussi simple que cela. Je ne peux cependant pas dire que M. Gomery peut arriver à des résultats sans l'aide de ce qui s'est passé ici, à la Chambre.

[Traduction]

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Reynolds.

+-

    M. John Reynolds: Ma question s'inscrit dans la foulée de ce que vous avez dit, soit qu'ils pouvaient obtenir les résultats sans utiliser les témoignages faits à la Chambre des communes. Personne n'est poursuivi ici. Il s'agit d'une enquête mise sur pied par le gouvernement afin de savoir ce qui s'est produit dans le scandale des commandites. Y a-t-il eu outrage au Parlement? Nous ne le savons pas encore. Nous entendons des témoignages selon lesquels ce pourrait être le cas.

    J'ai certes l'impression, tout comme mon parti d'ailleurs, que le juge Gomery est probablement le mieux placé pour trancher. Comme vous l'avez dit, toute l'information qu'il aimerait être autorisé à utiliser fait déjà partie du domaine public. Le témoignage a été diffusé à la télévision, à la radio.

    Avez-vous un problème...? Il n'est pas arrivé souvent que des choses survenant au Parlement... C'est pourquoi il existe des gens comme vous pour écrire à ce sujet. De pareils événements ne surviennent peut-être pas très souvent, mais des précédents sont établis. Il y a eu deux précédents, un en 1892 et un autre en 1978, quand le Parlement a renoncé à ses privilèges pour permettre que quelque chose ait lieu.

    Dans le cas qui nous occupe, le juge Gomery qui a été nommé par le gouvernement, mais qui jouit de l'appui de tous les partis, parce que nous souhaitons aller vraiment au fond des choses, tente de produire un rapport qui nous renseignera sur ce qui s'est produit dans le scandale des commandites. Pas de poursuite. Cette décision sera laissée à d'autres, à la GRC entre autres, qui examinera ces rapports et décidera s'il y a lieu d'entamer des poursuites.

    Donc, après avoir examiné toute la preuve et acquiescé à la demande du juge Gomery, soit de lui permettre d'avoir les documents qui font déjà partie du domaine public, nous ne ferions que ce qu'ont déjà fait d'autres législatures. Est-ce juste?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Eh bien, la commission d'enquête Gomery a un rôle particulier à jouer, qui n'est pas le même que celui des cours criminelles.

    Vous avez mentionné les deux précédents. En 1892, les tribunaux ont dit qu'ils n'avaient pas compétence en la matière—si vous souhaitez utiliser les témoignages, le juge a dit qu'il était d'accord. Le précédent créé par la commission McDonald est un peu différent. La personne qui témoignait était disposée à répéter publiquement ce qu'elle avait dit à huis clos, devant le comité. La situation n'est pas tout à fait la même.

    Vous me demandez pourquoi le juge Gomery n'aurait pas à sa disposition tous les témoignages. C'est une autre paire de manches. Cela n'a, en un certain sens, rien à voir avec la Chambre des communes. Il s'agit d'une question distincte. La Chambre des communes fait les choses selon ses propres règles, dans le respect de la Constitution. Cela reviendrait, en un certain sens, à mélanger le rôle constitutionnel des deux. Les témoins sont habituellement protégés lorsqu'ils comparaissent à des fins législatives, parce que le rôle constitutionnel de la Chambre consiste à légiférer. Donc, les témoins sont protégés. Ils soumettent des éléments de preuve à cet égard, mais aussi à l'égard de questions d'outrage.

    Le rôle du pouvoir exécutif en ce qui concerne les poursuites inclut alors quelque chose comme la commission Gomery. C'est là le rôle du pouvoir exécutif, d'intervenir et de décider de la façon dont l'examen se fera.

    Il est sûr que la commission Gomery aimerait, je suppose, obtenir toute l'aide qu'elle peut obtenir—n'importe quel tribunal, n'importe qui le souhaiterait, peu importe ce qu'ils font. Toutefois, il existe certaines règles en vue de protéger les personnes, de protéger les institutions, de protéger notre mode de vie. De la façon dont je conçois la situation, c'est ce qui se passe ici. Vous avez deux tribunes distinctes qui ont des raisons d'être différentes. La Chambre des communes se préoccupe de savoir que nul n'a commis d'outrage, que la politique gouvernementale n'a pas été minée par les actes de certains, alors que les cours criminelles cherchent à déterminer si vous avez violé la loi.

  -(1240)  

+-

    M. John Reynolds: En tant que parlementaires, avons-nous le droit de renoncer à ce privilège?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Vous avez le droit d'adopter une loi à cet effet, effectivement. Cela fait partie du droit. L'article 9 fait partie du droit du Canada. La Cour suprême du Canada en a ainsi statué.

+-

    M. John Reynolds: Dans les deux précédents, on n'a pas adopté de loi pour renoncer au privilège. Le Parlement a simplement renoncé au privilège—il n'a pas adopté de loi pour le faire.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Eh bien, si le Parlement ne l'a pas fait, la Chambre des communes, elle, l'a fait. C'est ce qu'elle a fait en 1892. Et les tribunaux ont déclaré qu'ils n'avaient pas compétence pour régler cette question, mais que si on souhaitait utiliser l'information, ils n'y voyaient pas d'objection. En réagissant ainsi, ils se sont évité une accusation d'outrage.

+-

    M. John Reynolds: Mais c'est là ma question justement. Avons-nous le droit en tant que parlementaires de renoncer au privilège, comme on l'a fait en 1892 et en 1978?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: À mon avis, ce serait illégal.

+-

    M. John Reynolds: On a donc enfreint la loi ces deux fois, selon vous?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: À mon avis, ils ont fait erreur en 1892.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Boivin.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin: Non, merci. Je pense que ça va aller.

[Traduction]

+-

    La présidente: D'accord.

    Monsieur Godin, à moins que ce ne soit extrêmement important, je vais...

+-

    M. Yvon Godin: Pourquoi refusez-vous?

+-

    La présidente: Eh bien, je...

+-

    M. Yvon Godin: N'avons-nous pas le même...

+-

    La présidente: Je ne crois pas que nous soyons ici...

+-

    M. Yvon Godin: Non. Vous vous apprêtiez à céder la parole à un libéral pour qu'il puisse poser une question. Pourquoi pas moi?

+-

    La présidente: Et elle ne l'a pas fait.

    D'accord. Cependant, votre temps est très limité. C'est votre troisième tour de table.

+-

    M. Yvon Godin: Oui, mais vous étiez prête à consentir un troisième tour aux libéraux. Pourquoi pas moi?

+-

    La présidente: Monsieur Godin, allez-y. Posez votre question.

+-

    M. Yvon Godin: Je vous remercie.

    M. Reynolds a dit que l'information fait déjà partie du domaine public, que le grand public est au courant et tout le reste, de sorte qu'il n'y a pas grand mal, puisque tous sont au courant. C'est la même chose pour les députés durant la période de questions : CPAC est là, de même que tous les médias, vous pouvez en lire le compte rendu dans les journaux le lendemain, mais on ne peut utiliser l'information en cour. Le public est au courant de presque tout ce que nous faisons ici; c'est juste que nous ne sommes pas obligés d'en traiter devant une autre instance.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: On ne peut tout simplement pas le mettre en question. Ce qui se dit en cour est constamment utilisé pour juger de la constitutionnalité, mais vous ne le remettez pas en question. De la même façon, vous ne pouvez pas remettre en question ce qui a été dit à la Chambre des communes. Si quelqu'un se lève et vous dit que vous êtes dans l'erreur... ils peuvent dire que vous vous trompez, mais s'ils remettent vos propos en question de telle façon qu'il y a outrage à la Chambre...

+-

    M. Yvon Godin: Mais si même le grand public est au courant, la question demeure que vous ne pouvez pas être interrogé. C'est ça le privilège, n'est-ce pas?

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: C'est juste. Nul ne peut vous poursuivre pour ce que vous avez dit. Vous ne pouvez pas être traduit en justice pour ce que vous avez dit.

+-

    M. Yvon Godin: Et on ne peut utiliser en cour un document... ou utiliser des documents sans que nous ayons adopté une loi pour le permettre.

+-

    M. J.P. Joseph Maingot: Vous avez bien compris.

+-

    M. Yvon Godin: Je vous remercie.

-

    La présidente: Monsieur Maingot, nous vous sommes reconnaissants d'être venu nous éclairer. Je sais que vous suivrez le reste de nos délibérations de très près. Je vous remercie.

    La séance est levée.