SVAC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 6 décembre 2004
Á | 1105 |
Le président (M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.)) |
M. André Marin (ombudsman, Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC) |
Le président |
M. Gordon O'Connor |
M. André Marin |
Á | 1120 |
M. Gordon O'Connor |
Le président |
Brigadier-général (retraité) George Sharpe (conseiller spécial à l'ombudsman, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale) |
M. Gordon O'Connor |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
Á | 1125 |
Le président |
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ) |
M. André Marin |
M. Gilles-A. Perron |
Mme Barbara Finlay (directeur général des opérations, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale) |
Á | 1130 |
Bgén George Sharpe |
M. Gilles-A. Perron |
Bgén George Sharpe |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
Bgén George Sharpe |
Á | 1135 |
M. André Marin |
Le président |
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD) |
M. André Marin |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
Á | 1140 |
Bgén George Sharpe |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.) |
M. André Marin |
Mme Rose-Marie Ur |
Á | 1145 |
M. André Marin |
Mme Rose-Marie Ur |
M. André Marin |
Mme Rose-Marie Ur |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
Bgén George Sharpe |
Á | 1150 |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
Bgén George Sharpe |
Le président |
Bgén George Sharpe |
Le président |
M. André Marin |
Á | 1155 |
Le président |
Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC) |
M. André Marin |
Mme Betty Hinton |
 | 1200 |
M. André Marin |
Mme Betty Hinton |
M. André Marin |
Mme Betty Hinton |
M. André Marin |
Mme Betty Hinton |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
Le président |
 | 1205 |
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. André Marin |
L'hon. Larry Bagnell |
M. André Marin |
L'hon. Larry Bagnell |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
L'hon. Larry Bagnell |
 | 1210 |
Le président |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén George Sharpe |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
M. André Marin |
 | 1215 |
Le président |
Mme Rose-Marie Ur |
M. André Marin |
Mme Rose-Marie Ur |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
 | 1220 |
Bgén George Sharpe |
Mme Rose-Marie Ur |
Le président |
M. Gordon O'Connor |
M. André Marin |
M. Gordon O'Connor |
 | 1225 |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
M. Gordon O'Connor |
Le président |
L'hon. Larry Bagnell |
M. André Marin |
 | 1230 |
Bgén George Sharpe |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén George Sharpe |
Le président |
Mme Betty Hinton |
M. André Marin |
 | 1235 |
Mme Betty Hinton |
M. André Marin |
Bgén George Sharpe |
Mme Betty Hinton |
Le président |
M. Peter Stoffer |
Le président |
M. Peter Stoffer |
Mme Barbara Finlay |
 | 1240 |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
M. Peter Stoffer |
M. André Marin |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
 | 1245 |
Le président |
M. André Marin |
Le président |
CANADA
Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 6 décembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
Le président (M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.)): Bonjour. Good morning.
Je tiens à remercier tout le monde d'être venu ce matin, particulièrement nos trois invités. Nous accueillons M. André Marin, l'ombudsman des forces armées; le brigadier-général George Sharpe; et Barbara Finlay, la directrice générale des opérations au Bureau de l'ombudsman. Merci à tout trois d'être ici.
Avant de commencer, je voudrais signaler que vous avez tous devant vous une reliure dans laquelle le greffier a rassemblé pour vous tout un tas d'information. Nous en parlerons plus tard. Au cas où vous vous demandiez ce que c'est, ce n'est que pour faciliter le fonctionnement et vous tenir au courant, et aussi pour vous permettre d'avoir toute l'information quand vous en avez besoin, où vous en avez besoin, et on peut partir de là.
J'ai dit plus tôt que j'avais parlé à M. Marin et lui avais dit le but de notre présence ici. Nous examinons différents sujets dans lesquels nous pourrions nous spécialiser ou nous concentrer, au sein du comité. L'un de ces sujets est celui des traumatismes liés au stress opérationnel, et nous avons demandé à M. Marin et à ses collaborateurs de venir nous en parler aujourd'hui.
Sans plus attendre, je vous remercie d'être venu et je vous laisse la parole.
Monsieur Marin.
M. André Marin (ombudsman, Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes): Merci beaucoup.
[Français]
Bonjour. Je suis reconnaissant d'avoir l'occasion aujourd'hui de prendre la parole devant le sous-comité à propos d'une question que mon bureau estime être de la plus haute importance pour les hommes et les femmes au service des Forces canadiennes.
[Traduction]
Le rapport étroit qui existe entre notre bureau et le Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants de la Chambre nous a été essentiel pour la bonne exécution de notre travail et je suis donc reconnaissant de l'appui de votre comité.
[Français]
Le poste d'ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes a été créé en 1998. Le bureau sert d'oreille indépendante et objective, de médiateur et d'informateur pour les questions importantes aux yeux des membres actuels et des anciens membres des Forces canadiennes et de leurs familles, ainsi qu'aux yeux du personnel civil de la Défense nationale. Bref, le mandat de l'ombudsman consiste à apporter des améliorations substantielles et durables à la qualité de vie des membres et des anciens combattants du ministère de la Défense nationale, des Forces canadiennes, et de leurs familles.
Le bureau reçoit approximativement 1 500 plaintes par année concernant les avantages sociaux, la libération des forces, les questions médicales, le recrutement et le harcèlement.
[Traduction]
Le Bureau aide nos membres de diverses façons, dont bon nombre ne sont pas très publicisées. Par exemple, nous fournissons de l'information aux membres et les aiguillons vers des ressources et des services offerts par l'entremise des Forces canadiennes et du ministère des Anciens combattants. Nous offrons des conseils, des compétences spécialisées et une orientation à la chaîne de commandement. À titre d'exemple, à la demande du chef d'état-major des Services maritimes, j'ai dépêché en Écosse des membres haut placés de mon personnel afin qu'ils informent la commission d'enquête du MCSM Chicoutimi concernant les leçons apprises à la suite des enquêtes que nous avons menées dans le cadre de commissions d'enquête. Nous publierons au début de 2005 un rapport d'enquête sur la façon dont les forces armées font leurs enquêtes et sur les lacunes des enquêtes antérieures dans des cas d'incident grave ayant causé des blessures ou la mort—hors des situations de combat—ainsi que sur la façon d'améliorer ces enquêtes. Je suis heureux de souligner que nos conseils ont été bien accueillis et qu'on y a promptement donné suite.
Nous enquêtons sur les plaintes individuelles lorsque les circonstances l'exigent, comme celles qui entraînent des difficultés financières. Nous enquêtons et faisons rapport sur les problèmes systémiques qui touchent les membres du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, et l'un de nos rapports à venir porte, comme je l'ai déjà mentionné, sur la façon dont les Forces canadiennes enquêtent sur les décès et les blessures graves ainsi que sur le traitement offert aux familles dont les membres décèdent subitement. Nous avons également dirigé plusieurs enquêtes importantes sur la façon dont le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes traitent avec les membres qui subissent des traumatismes liés au stress opérationnel. De même, je parachève une enquête sur la façon dont les Forces canadiennes traitent les plaintes relatives à l'exposition à des dangers environnementaux durant les déploiements.
Alors, en tant qu'organisation centrée sur le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes, comment interagissons-nous avec le ministère des Anciens combattants?
[Français]
Le mandat de l'ombudsman est énoncé dans les directives ministérielles mises en oeuvre par une directive et ordonnance administrative du ministre de la Défense, dont l'ombudsman relève. Mon mandat traite des questions liées au ministère de la Défense nationale et aux Forces canadiennes. Les directives ministérielles stipulent que si une plainte est du ressort du ministère des Anciens combattants ou du Tribunal des anciens combattants, l'ombudsman ne peut pas la traiter, et qu'il doit plutôt la transmettre au ministère des Anciens combattants.
Depuis le début de nos activités, en 1999, nous avons reçu 276 plaintes faisant partie de cette catégorie. La plupart de ces plaintes avaient trait à la pension. Dans ces cas, le Bureau de l'ombudsman fournit au plaignant des renseignements sur les services d'Anciens combattants Canada et les oriente vers les ressources appropriées, notamment le Centre pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leurs familles du ministère de la Défense nationale et du ministère des Anciens combattants.
Si une plainte est urgente, le bureau communiquera avec le personnel du ministère des Anciens combattants de manière non officielle pour tenter de faciliter la résolution du problème. Au fil des années, nous avons créé une approche de collaboration et établi de bonnes relations de travail avec le personnel d'Anciens combattants Canada.
Á (1110)
[Traduction]
Même si nous sommes obligés d'intervenir en coulisses dans les dossiers relatifs aux anciens combattants parce que notre mandat exclut expressément toute participation de notre part dans les affaires d'Anciens combattants Canada, il existe de bons exemples de coopération entre nous-mêmes et le ministère, entre autres dans l'affaire du gaz moutarde. Dans ce dossier, nous avons travaillé de très près avec le personnel du ministère des Anciens combattants pour faire enquête sur les plaintes des ex-membres et de leurs plus proches parents concernant les essais de gaz moutarde effectués sur les membres, à Suffield, au cours de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 3 500 soldats canadiens ont été soumis aux essais et bon nombre ont subi des torts terribles.
Nos efforts conjugués ont amené le ministre de la Défense nationale et le ministre des Anciens combattants à accepter ma recommandation visant à indemniser les victimes et les plus proches parents, qui avaient attendu pendant plus de 60 ans que le gouvernement du Canada reconnaisse le problème et y réagisse.
Parfois, les plaintes qui relèvent du mandat de l'ombudsman soulèvent également des questions qui sont du ressort du ministère des Anciens combattants. Dans ces cas, le Bureau de l'ombudsman dirigera la personne vers le ministère des Anciens combattants afin que ce dernier puisse l'aider pendant que nous continuerons de travailler à l'aspect de sa plainte qui relève du mandat du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. On nous a également soumis des cas où les membres du personnel travaillant au ministère de la Défense nationale et au Centre pour le soutien des militaires blessés ou retraités et de leurs familles du ministère des Anciens combattants ont orienté vers notre bureau des anciens combattants afin qu'ils obtiennent de l'aide; ils estimaient avoir reçu un traitement injuste, mais ils ne connaissaient pas d'autre recours. Puisqu'il n'y a pas d'ombudsman pour le ministère des Anciens combattants, un certain nombre de clients d'Anciens combattants Canada ont interjeté appel directement auprès de notre bureau pour obtenir de l'aide et ont été référés par les députés.
Le Bureau a connu certains cas où la question découle d'un chevauchement ou des lacunes entre le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants. Par exemple, des plaintes concernant la difficulté d'établir le droit à pension faute de documents du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes concernant les troubles de santé ou les blessures subies en service; deuxièmement, des plaintes concernant le temps que mettent le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes à fournir de l'information sur les troubles de santé, les blessures ou la zone de service pour étayer le droit à pension ou aux autres prestations de service; troisièmement, des préoccupations concernant la confidentialité des renseignements médicaux qui circulent entre les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants, y compris les cas où les membres des Forces canadiennes ont présenté une demande relative à une pension pendant qu'ils étaient encore en service; enfin, des préoccupations concernant la transition des soins pour les membres qui se retrouvent à Anciens combattants Canada après avoir été libérés des Forces canadiennes, particulièrement ceux qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel.
En 2004, les traumatismes liés au stress opérationnel dont souffrent les membres des Forces canadiennes constituent toujours une préoccupation importante pour mon bureau. Mon bureau examine actuellement pour la troisième fois de quelle manière les Forces canadiennes—et, obligatoirement, le ministère des Anciens combattants en raison de l'interaction étroite entre les deux services—traitent les traumatismes liés au stress opérationnel. Le rapport sera publié l'an prochain et présentera la mise à jour des progrès réalisés au regard des 31 recommandations que nous avons formulées lorsque nous nous sommes penchés sur le problème systémique la première fois en 2002.
Pourquoi répéter l'exercice? Parce que, comme votre comité l'a sans doute déjà reconnu, le problème existe toujours. Il est difficile de chiffrer officiellement le nombre de cas, principalement parce que, en 2003, les Forces canadiennes ont cessé de recueillir manuellement les statistiques touchant les traumatismes liés au stress opérationnel. Malheureusement, le système automatisé n'est pas encore au point. On nous a dit qu'il faudra probablement attendre cinq ans avant qu'il le soit.
Nous savons toutefois que le Canada est encore responsable d'un nombre élevé de victimes de troubles psychologiques d'origine militaire. Selon les indications, la situation se maintiendra à long terme, et le nombre de personnes exigeant des soins augmentera. Comme dans le cas de victimes de traumatismes physiques, ces militaires sont blessés au service de la nation.
À l'échelle nationale, les Forces canadiennes et Anciens combattants Canada progressent toujours dans la mise en oeuvre de la plupart des initiatives axées sur le traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Je suis également encouragé par le nombre d'initiatives locales qui ont vu le jour dans les bases et les unités au Canada. Ces initiatives ont de bons résultats. À ce titre, nous avons de bonnes nouvelles à communiquer. Un certain nombre d'initiatives entreprises par le groupe du projet de soutien social aux victimes de stress opérationnel, aussi appelé SSVSO, affichent un taux de réussite exceptionnel.
Á (1115)
L'excellente coopération entre le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes de même que le ministère des Anciens combattants dans la dotation du centre et dans la mise en oeuvre du projet SSVSO ainsi que les initiatives visant la création du centre pour les anciens combattants, à Sainte-Anne de Bellevue à Montréal, témoignent qu'ils sont tous deux disposés à collaborer pour améliorer la qualité des services destinés aux militaires actifs et aux membres retraités.
Avant de répondre à vos questions, monsieur le président, permettez-moi de présenter les deux personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Il s'agit du brigadier-général à la retraite George Sharpe, qui a travaillé à notre bureau pendant bon nombre d'années à titre de conseiller spécial en matière de traumatismes liés au stress opérationnel. Il est l'un des dirigeants de notre enquête actuelle au sujet de ces traumatismes; Barbara Finlay, notre directrice générale des opérations, supervise toutes nos enquêtes, y compris celles portant sur les traumatismes liés au stress opérationnel.
Le président: Très bien, merci.
Nous allons commencer notre période de questions.
Monsieur O'Connor.
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): De combien de temps disposons-nous, monsieur le président?
Le président: Vous avez sept minutes. Nous aurons sept minutes chacun pour le premier tour, puis nous ferons un tour de cinq minutes, en alternant les députés ministériels et ceux de l'opposition.
M. Gordon O'Connor: Merci beaucoup.
Monsieur Marin, je connais très peu le sujet. Je sais que d'une façon générale, le problème existe depuis aussi longtemps que la guerre; on lui a simplement donné des noms différents. Il semble maintenant que ce problème de stress augmente, mais j'ignore si c'est le cas.
Pourriez-vous me dire quelle est l'ampleur de ce problème à l'heure actuelle, à votre avis?
M. André Marin: À mon avis, ce problème est très étendu. Il a toujours existé, mais la population est maintenant mieux informée et se préoccupe davantage de la façon dont nous traitons nos soldats. C'est pour cela que nous en entendons parler davantage.
Malheureusement, l'intérêt de la population n'est pas constant. Cet intérêt est très vif à l'heure actuelle, ce qui amène les Forces canadiennes à réagir. Mais ce que nous aimerions, c'est que le quartier général de la Défense nationale adopte relativement à ce problème une approche uniforme et centralisée.
Dans notre premier rapport sur le syndrome du stress post-traumatique, nous avions formulé 31 recommandations. Ce rapport compte plus de 200 pages. Nous sommes en train d'effectuer un troisième examen de la question, mais nous avions formulé 31 recommandations dans notre premier rapport. Malheureusement, deux des plus importantes recommandations n'ont pas été mises en oeuvre; l'une d'entre elles était de créer un poste de conseiller spécial auprès du chef d'état-major en vue de centraliser les dossiers relatifs aux traumatismes liés au stress opérationnel et de veiller à ce que ce problème ne tombe pas dans l'oubli. Malheureusement, cela ne s'est pas réalisé.
À l'heure actuelle, il n'y a de réaction que lorsque des comités comme le vôtre se réunissent, lorsque nous faisons une enquête et publions des rapports ou lorsque le général Dallaire parle de ses expériences. Mais nous nous inquiétons de ce qu'en dehors de cela, le quartier général de la Défense nationale ne s'intéresse pas de façon constante à ce problème. Tant que le dossier n'arrivera pas à ce niveau, il n'obtiendra pas l'attention qu'il nécessite.
Á (1120)
M. Gordon O'Connor: Le général Sharpe ou vous pourrez peut-être répondre à cette question. Est-il possible de mieux préparer nos soldats, nos marins et nos aviateurs au stress auquel ils seront confrontés au moyen d'un entraînement qui les endurcirait davantage, si je puis m'exprimer ainsi, afin qu'ils soient moins nombreux à souffrir de traumatismes en bout de ligne?
Le président: Vous voulez répondre, monsieur Sharpe?
Brigadier-général (retraité) George Sharpe (conseiller spécial à l'ombudsman, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Oui, d'accord, je vais en parler brièvement.
On fait encore beaucoup de recherche sur la façon de prémunir les soldats contre un traumatisme lié au stress opérationnel, mais il semble que deux types d'entraînement puissent influer sur le nombre de cas et la gravité des traumatismes. Le premier est en fait une sensibilisation au problème qui commence aux échelons les plus bas de la hiérarchie. On apprend aux gens à se connaître eux-mêmes et à reconnaître leurs propres symptômes. Cette formation est également donnée aux échelons plus élevés de la chaîne de commandement afin qu'ils soient mieux sensibilisés au problème, entre autres.
Cette formation permet de détecter les traumatismes liés au stress opérationnel dès les premiers signes, ce qui permet de prendre des mesures pour les corriger. La majorité des gens qui souffrent de tels traumatismes sont en fait soignés et peuvent reprendre leurs activités sans souffrir de problèmes à long terme. La difficulté, c'est de les amener à reconnaître le problème, à le signaler et à aller chercher de l'aide rapidement. Cela nous amène à la question du changement de culture, au fait qu'il faut essayer de mettre en place une organisation où les blessures psychologiques sont acceptées et traitées sur le même pied que les blessures physiques. Ce qui complique grandement la situation, c'est qu'il faut parfois des mois ou même des années pour que les traumatismes se manifestent après les événements, et cela va à l'encontre d'un traitement rapide.
L'autre type de formation consiste en une désensibilisation. À mon avis, ce type de formation en est encore à ses premiers balbutiements. Il existe des opinions à ce sujet, mais très peu de recherches montrent qu'on peut vraiment entraîner les gens à augmenter leur résistance au stress. Au contraire, la plupart des recherches semblent montrer que cette résistance dépend grandement des antécédents. Votre vulnérabilité à des traumatismes graves liés au stress dépend de votre enfance, de ce que vous avez vécu lorsque vous étiez jeune et de toutes sortes d'autres facteurs.
M. Gordon O'Connor: D'accord. Il y a une autre question liée au stress post-traumatique, et il s'agit peut-être de deux problèmes distincts : le syndrome de la guerre du Golfe et peut-être aussi le syndrome de la guerre de Bosnie. Des soldats revenus de ces deux régions se sont plaints de toute une gamme de problèmes. Ces soldats souffrent peut-être aussi de stress, mais ils semblent avoir d'autres problèmes également. Avez-vous fait enquête à ce sujet?
M. André Marin: Nous faisons actuellement enquête également sur la façon dont les Forces canadiennes réagissent aux plaintes des soldats qui ont été exposés à un environnement qui a eu des répercussions sur leur santé. Il s'agit de notre enquête sur l'exposition environnementale. Nous présenterons également au début de la nouvelle année un rapport à ce sujet.
Nous n'avons pas fait d'enquête en particulier sur la Croatie ou la guerre du Golfe, mais nous avons examiné comment, à l'échelle institutionnelle, l'organisation répond à ce problème. Dans quelle mesure incombe-t-il aux soldats de démontrer le lien et de documenter les effets sur leur santé? Comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils fournissent des preuves que la science n'est pas en mesure d'offrir? Le système est-il équitable? Nous présenterons un rapport à ce sujet l'an prochain.
Anciens combattants Canada et le ministère de la Défense nationale ne reconnaissent pas l'existence du syndrome de la guerre du Golfe en soi. Nous préférons voir la chose sous l'angle suivant : compte tenu de ce que les recherches scientifiques ne sont pas suffisamment avancées, comment pouvons-nous rendre le système aussi équitable que possible pour les soldats qui estiment avoir un problème?
Général Sharpe, avez-vous quelque chose à ajouter?
Bgén George Sharpe: Oui. Le nom que l'on donne au problème est à vrai dire moins important que la façon dont on le traite. Nous envoyons au combat des personnes en bonne santé et lorsqu'elles reviennent, bon nombre d'entre elles souffrent de problèmes. Le stress peut avoir des manifestations physiques qui rendent son diagnostic difficile. C'est ce qui cause à mon avis certains problèmes. Il est plus facile de dire qu'on a été exposé à un élément quelconque dans l'environnement que de déclarer qu'on a des problèmes psychologiques.
Il est intéressant de noter qu'une étude réalisée au Walter Reed Hospital, aux États-Unis, un hôpital militaire américain, révèle que 17 p. 100 des soldats de la marine américaine et 19 p. 100 des soldats des forces terrestres américaines actuellement en Irak signalent eux-mêmes qu'ils souffrent d'un stress grave. Ces soldats estiment que cela leur cause des problèmes. Le chiffre est très élevé, mais c'est encore là une question de culture, et les gens commencent à signaler eux-mêmes le traumatisme lié au stress dont ils pensent souffrir.
En 1990, durant la guerre du Golfe, ce n'était pas possible. Et je crois personnellement que c'est pour cela que le syndrome de la guerre du Golfe s'est développé. Grâce à la plus grande ouverture actuelle, il n'y aura peut-être pas de syndrome de la guerre en Irak—et c'est aussi une opinion personnelle—mais il semble que l'hôpital Walter Reed examine actuellement la question.
Á (1125)
Le président: Merci, monsieur O'Connor.
[Français]
Nous passons maintenant à M. Perron.
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour. Soyez les bienvenus au comité.
Monsieur le président, je dois dire en débutant que je ne suis pas un vieux routier comme Peter, mais plutôt une jeune recrue comme vous. Ma première remarque s'adresse à M. Marin ou au groupe assis à l'avant. Vos études sur le stress relié à la guerre du Golfe et tout ce qui touche les anciens combattants sont-elles disponibles? J'aimerais en avoir une copie, puisque je suis un nouveau membre de ce comité.
Dans votre discours d'ouverture, vous avez mentionné un mot qui m'a vraiment accroché. Si j'ai bien saisi, vous avez dit, en ce qui concerne les anciens combattants, que vous étiez obligé, dans vos études, d'entrer par la porte arrière. C'est à peu près ce que vous avez dit. Que pourriez-vous faire pour entrer par la porte avant? Seriez-vous prêt à être officiellement responsable autant des anciens combattants que de la Défense nationale?
M. André Marin: Lors du Jour du Souvenir, cette question a justement été soulevée par les anciens combattants de la première guerre du Golfe. Ils ont émis un communiqué de presse afin de demander la création d'un bureau de l'ombudsman et, si possible, que la tâche nous soit confiée. Nous sommes prêts a accepter cette fonction.
Il y a quelques temps, la Légion royale canadienne a dit publiquement que le rôle d'ombudsman des anciens combattants était le sien. Depuis ce temps, j'ai eu des discussions avec la légion et il semblerait que sa position soit présentement à l'étude. Cependant, tant que la légion s'opposera à ce qu'il y ait un ombudsman pour les anciens combattants, le ministère des Anciens combattants ne se sentira pas particulièrement intéressé à créer un tel poste ou à élargir mon rôle de façon à inclure les anciens combattants.
Serais-je prêt a accepter cette fonction? Oui. Toutefois, il faudrait que la légion et le ministère des Anciens combattants s'entendent. Je ne vois pas de difficulté à ce qu'un ombudsman--moi-même ou un autre--assume cette fonction et vienne appuyer la légion dans sa démarche. Je ne vois pas comment la venue d'un ombudsman enlèverait de l'importance à la fonction de la légion. Il s'agirait plutôt pour lui d'appuyer ces gens.
J'ai mentionné dans mon discours d'ouverture que nous avions pu aider les anciens combattants qui avaient été victimes de tests de gaz moutarde. Malgré les interventions de la légion au cours des dernières années, le gouvernement n'a pas reconnu que ces tests sur les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale avaient eu lieu. Il a fallu que le Bureau de l'ombudsman intervienne. À mon avis, nous avons démontré, par cette intervention, le rôle que peut jouer notre bureau, et nous sommes prêts a exercer ce rôle. Cependant, il faudrait que le ministre des Anciens combattants et le ministre de la Défense nationale nous accordent ce mandat.
M. Gilles-A. Perron: Dans votre discours, vous avez aussi mentionné avoir reçu directement 276 plaintes d'anciens combattants, que vous avez retransmises à l'ombudsman non officiel des anciens combattants, la Légion royale canadienne. De ces 276 plaintes, combien ont été réglées avec succès? Avez-vous ce chiffre?
Mme Barbara Finlay (directeur général des opérations, Bureau de l'ombudsman, ministère de la Défense nationale): Je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Les plaintes sont pour la plupart renvoyées à Affaires des anciens combattants Canada. Nous collaborons avec le ministère pour les résoudre au moyen d'un mécanisme interne. Il m'est impossible de préciser les chiffres, mais je dirais que nous pouvons résoudre environ la moitié des plaintes ou faire des recommandations à leur sujet au ministère. L'autre moitié, les plaintes qui ne peuvent pas être résolues facilement, sont celles liées aux pensions. Comme vous le savez, les pensions font l'objet d'une réglementation rigoureuse. Ce n'est pas un domaine pour lequel nous avons le pouvoir de faire enquête ou d'exiger la production des documents. Nous ne pouvons donc pas faire enquête sur les plaintes qui ont trait aux pensions. Nous sommes en mesure d'intervenir dans bon nombre des autres plaintes qui portent sur les traitements et les services fournis aux membres en transition, et nous pouvons nous assurer que ces gens obtiennent l'aide dont ils ont besoin.
Le général Sharpe peut sans doute ajouter quelque chose à ma réponse.
Á (1130)
Bgén George Sharpe: Je ferai un bref ajout à ce que vient de dire Barbara.
L'approche non structurée que nous utilisons pour résoudre les plaintes dépend en grande partie des relations personnelles qu'entretiennent les employés du Bureau de l'ombudsman avec le personnel du ministère des Affaires des anciens combattants. Ce ne serait pas exagéré de dire que cette approche fonctionne bien grâce aux personnes en cause et non à cause de la structure de l'organisation.
Quant au nombre de cas résolus, je dirais que le nombre en est très élevé grâce aux bonnes communications et à l'interaction personnelle avec le ministère des Affaires des anciens combattants. Nous avons également recours au centre des Forces canadiennes et d'Affaires des anciens combattants Canada, un organisme composé d'employés des ministères des Anciens combattants et de la Défense nationale.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Cette question s'adresse surtout au général. Vous avez parlé tout à l'heure du syndrome de la guerre du Golfe. Je ne sais pas si vous êtes au courant ou si vous avez lu l'étude faite par un juge à la retraite, dont le nom m'échappe, pour le ministère de la Défense du Royaume-Uni. Cette étude a été déposée au début de mois de novembre; c'est tout chaud. Parlant du syndrome de la guerre du Golfe, il mentionnait qu'à ses yeux, ce n'était pas un syndrome mais une réalité qui était peut-être due aux injections contre les différents gaz qu'il pouvait y avoir, etc. Selon lui, c'est une maladie. Ce rapport met les ministères de la Défense du Royaume-Uni et du Canada sur la défensive, mais semble être bien accueilli par les Allemands et les Français.
Êtes-vous en mesure de nous faire part de vos commentaires sur ce que je viens de dire?
[Traduction]
Bgén George Sharpe: Permettez-moi de répondre de façon très générale à votre observation. Je connais l'étude dont vous parlez, et d'autres pays, dont l'Australie, ont fait des études semblables qui en arrivent à ce genre de conclusions.
Il s'agit encore une fois d'une opinion personnelle, mais lorsqu'on commence à examiner les causes, on se retrouve avec un grand nombre de zones grises. Pour notre part, nous mettons l'accent sur la façon dont les gens sont traités plutôt que sur la façon dont ils ont été blessés. Il est possible de comprendre comment les gens sont blessés afin d'éviter que d'autres se trouvent dans la même situation, lorsque c'est possible. Mais à vrai dire, que ce soit en raison d'injections, de l'exposition aux produits chimiques dans l'environnement, du stress ou d'autre chose, si des soldats—des hommes et des femmes qui représentent leur pays—sont affectés à des missions à l'étranger et en reviennent blessés, ces personnes méritent d'être traitées de façon équitable, sans égard à la façon dont leurs blessures ont été causées, et nous devons nous assurer qu'elles n'aient pas à supplier pour obtenir de l'aide.
Pour ce qui est de savoir s'il existe ou non un syndrome de la guerre du Golfe, il nous est très difficile de tirer cette conclusion, puisque nous ne sommes pas experts dans ce domaine.
Le président: Merci.
M. Perron a encore une petite question à poser. Je lui accorde 30 secondes.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: On est un peu au courant de tout ce que vous nous avez dit. Ce qui me préoccupe, c'est que pendant que tout le monde fait ces études et espère, que fait-on pour ceux qui sont présentement aux prises avec un tel problème? Des jeunes qui ont l'âge de mon fils viennent à mon bureau presque à tous les jours. Ils ont, je pense, le syndrome du Golfe. Que fait-on pour eux?
[Traduction]
Bgén George Sharpe: Je vais laisser André et Barbara répondre à la question, mais j'estime pour ma part qu'il faut que nous nous occupions de ces personnes. Nous devons également prendre soin de leurs familles. Nous devons les traiter avec dignité et respect. Il faut cesser de constamment les obliger à prouver qu'elles ont un problème. Nous avons envoyé en mission des personnes saines et nous avons ramené des malades; c'est aussi simple que cela. Nous devons les traiter convenablement. Nous devons nous occuper de leurs familles également et nous devons cesser de nous inquiéter pour savoir si leur problème, qu'il s'agisse d'une blessure ou d'autre chose, a été causé directement par leur service.
Le problème, c'est que nous essayons de procéder par la négative. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, mais si nous essayons de prouver que ces inoculations n'ont pas causé les problèmes, par exemple, nous allons susciter toutes sortes de théories sur des complots, entre autres. Il faut cesser de réfléchir à ce qui n'a pas causé le problème et commencer à voir comment on peut traiter ces gens. C'est ainsi qu'on réglera en grande partie le problème.
Les personnes qui souffrent aujourd'hui méritent d'être traitées convenablement. Elles méritent que l'on prenne soin d'elles et de leurs familles.
Á (1135)
[Français]
M. André Marin: La préoccupation que vous avez soulevée dans votre question est la raison pour laquelle nous faisons présentement une enquête sur la façon dont les Forces canadiennes traitent ceux qui se disent affectés par une exposition environnementale. Nous allons faire des recommandations concrètes au ministère pour pouvoir traiter ces gens immédiatement. Nous pourrons nous pencher sur cette question lorsque notre rapport sortira.
Le président: Merci beaucoup.
La parole est à monsieur Stoffer.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. Vous m'excuserez d'avoir dû quitter la réunion pour un instant.
Le ministre McCallum essaie de faire des économies en raclant les fonds de tiroir. Prévoit-on que votre ministère subira des compressions budgétaires prochainement?
M. André Marin: Nous sommes bien sûr liés par les politiques du Conseil du Trésor, mais nous n'avons pas été informés d'autres compressions budgétaires.
M. Peter Stoffer: Comme vous le savez, certains groupes ont tenu le mois dernier une conférence de presse pour réclamer un ombudsman pour les Affaires des anciens combattants. Vous nous indiquez dans votre déclaration que vous vous occupez un peu des dossiers d'Anciens combattants, même si vous n'avez pas de mandat de ce ministère et que votre mandat vient des Forces canadiennes. Si votre service était doté de ressources et de personnel supplémentaires, seriez-vous en mesure d'offrir à ces groupes ce qu'ils réclament?
M. André Marin: Tout à fait. Ces groupes ont communiqué avec moi lorsqu'ils ont publié leur communiqué, et ils me posaient la même question. Je leur ai répondu par l'affirmative.
Il n'y a pas eu d'autre demande que celle de ces groupes, car Affaires des anciens combattants Canada est d'avis que la Légion s'oppose à la création d'un poste d'ombudsman ou de l'octroi de pouvoirs supplémentaire au bureau. La Légion s'y oppose en déclarant que c'est elle qui est l'ombudsman.
Je comprends mal cette position, car je ne crois pas que nous serions une menace pour la Légion; je crois au contraire que nous pourrions l'appuyer. La Légion pourrait nous référer les cas, comme le font les députés, et nous pourrions travailler avec elle.
Le cas des anciens combattants qui avaient fait l'objet d'essais au gaz moutarde est un exemple patent de cas où la Légion n'a pas réussi à aider des anciens combattants. La Légion a réclamé pendant des années que le gouvernement reconnaisse le problème et indemnise les victimes. Il a fallu attendre que nous fassions une enquête sur cette question et que nous publiions un rapport public pour que le premier ministre annonce la création d'un fonds pour indemniser ces personnes.
J'estime donc que nous avons des rôles complémentaires. Depuis un mois environ, j'ai entamé des discussions avec la Légion pour essayer de sensibiliser davantage ses membres à ce que nous pourrions faire ensemble. J'ai bon espoir que la Légion reviendra sur sa position. J'ai l'impression que tant que ce ne sera pas fait, Affaires des anciens combattants ne fera rien pour régler la question.
M. Peter Stoffer: Merci.
On pourrait donc dire aux fins du compte rendu que vous seriez d'accord pour que votre Bureau traite les plaintes des forces armées et celles des anciens combattants si on vous donnait les ressources et la main-d'oeuvre nécessaires?
M. André Marin: Tout à fait. Je puis vous assurer que les membres des forces armées ont de la difficulté à comprendre pourquoi ils ont accès à nos services lorsqu'ils sont en uniforme et n'ont plus la possibilité de se prévaloir de ce recours le lendemain de leur retour à la vie civile. Ils estiment que c'est une sorte de ligne artificielle tracée dans le sable—ils se demandent pourquoi ils n'ont plus la possibilité de demander notre aide. Cette aide n'est-elle pas encore plus nécessaire lorsqu'ils prennent leur retraite ou qu'ils sont libérés, lorsqu'ils demandent une pension ou une indemnisation?
La plupart des cas que nous traitons chaque année portent sur des questions d'indemnisation et de prestations. Quels sont généralement les problèmes des anciens combattants? Ce sont les indemnisations et les prestations. Il y a bien sûr des mécanismes d'appel et des structures officielles, mais rien ne peut remplacer l'approche non structurée que notre bureau adopte pour résoudre ces cas rapidement, sans obliger les plaignants à avoir recours à des avocats, à remplir des formulaires fixes ou à subir des procédures rigides.
Á (1140)
Bgén George Sharpe: Sans faire de digression, mais toujours en ce qui concerne ce que nous faisons, plusieurs cadres supérieurs du ministère se sont mis en rapport avec nous au cours de l'année dernière pour nous dire expressément qu'à leur avis, il fallait un ombudsman pour représenter les hommes et les femmes qui ont servi dans les Forces armées canadiennes ainsi qu'au ministère de la Défense nationale. Le principal argument est que cela permettrait aux soldats, aux marins et aux aviateurs de savoir à qui s'adresser lorsque toutes les portes semblent fermées. Cet état de choses crée beaucoup de frustration, une frustration qui est peut-être malsaine, voire dangereuse, si à chaque fois on leur dit non et qu'ils n'ont plus d'autres recours. Cela, c'est quelque chose que des gens qui travaillent au ministère des Affaires des anciens combattants m'ont dit personnellement.
M. Peter Stoffer: Je vous remercie.
Vous le savez sans doute monsieur, dans la société civile, il y a pénurie de professionnels de la santé, de médecins, d'infirmiers et d'infirmières et de psychiatres. À votre avis, y a-t-il dans les Forces canadiennes suffisamment de psychologues et de psychiatres pour faire face aux cas de SSPT? Faudrait-il ou pourrait-on en avoir beaucoup plus pour ce genre de choses? Les forces armées recrutent-elles des psychologues et des psychiatres face à ce problème?
M. André Marin: La dernière fois que nous avons examiné ce dossier à fond, nous avons effectivement constaté que le personnel était extrêmement sollicité et qu'il fallait effectivement aussi recruter des gens qui avaient les compétences voulues pour s'occuper de cela. Le général Sharpe a offert son concours pendant ma dernière enquête.
Dans cet ordre d'idées, général, pourriez-vous faire le point pour les membres du comité?
Bgén George Sharpe: Effectivement, et nous le disons d'ailleurs dans le rapport, il y a toujours une énorme pénurie de professionnels de la santé mentale dans tous les domaines. Cela est également vrai pour la société canadienne en général. Mais cela se traduit par un énorme problème pour les membres des Forces canadiennes.
Nos militaires sont traités à l'interne pendant un certain temps. Une fois qu'ils reçoivent leur congé, à ce moment de transition, les Forces canadiennes arrêtent de s'occuper d'eux, c'est-à-dire les professionnels de la santé mentale dont ils étaient les patients, ils réintègrent la vie civile et doivent alors se mettre en quête d'un médecin spécialiste de la santé mentale. Très souvent, cette transition ne se fait pas très bien, avec pour résultat bien souvent aussi une période de carence. Pour ces gens-là, c'est un problème grave.
Les pénuries représentent donc un problème à la fois pour la société civile et pour les forces armées, mais dans ce dernier cas le problème est plus grave encore en raison précisément de cette transition entre un environnement médical militaire et un environnement médical civil entièrement différent, où les médecins n'utilisent pas nécessairement les mêmes médicaments ou le même genre de thérapies que nous.
M. Peter Stoffer: Combien y a-t-il à l'heure actuelle de spécialistes de la santé mentale dans les Forces canadiennes?
Nous avons des milliers et des milliers de soldats et il y a tous ceux qui sont en congé pour une raison ou pour une autre. Si j'étais victime du SSPT, ou si je pensais souffrir de ce syndrome, à combien de gens pourrais-je m'adresser si j'étais militaire?
M. André Marin: Bonne question. Nous pouvons nous renseigner à ce sujet et nous vous donnerons le renseignement. Mais comme cela, il me serait impossible de vous donner un chiffre exact.
Bgén George Sharpe: Il y a par contre au Canada cinq centres opérationnels de soutien aux victimes de traumatisme et de stress.
M. Peter Stoffer: Je vais vous en reparler un peu plus tard.
M. André Marin: Nous allons nous renseigner.
Le président: Je vais maintenant donner la parole à madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci pour votre exposé. Vous m'excuserez pour mon léger retard, mais j'ai dû affronter le verglas en venant ici.
Je pense vous avoir bien entendu dire, monsieur Marin, que les légions s'opposent à l'idée d'un ombudsman.
M. André Marin: La Légion royale canadienne a pour position officielle qu'il ne devrait pas y avoir d'ombudsman pour aider les anciens membres des forces armées, des anciens combattants, parce que la Légion se considère elle-même comme un ombudsman. J'ai eu moi-même des entretiens avec des cadres supérieurs de la Légion, et ces gens m'ont donné une réponse très différente de celle-là, mais il n'empêche que la position officielle de la Légion, au moment où je vous parle, est qu'elle s'oppose publiquement à la création d'une charge d'ombudsman.
Mme Rose-Marie Ur: D'accord.
Je trouve cela intéressant parce que j'ai personnellement d'excellentes relations avec les légions qui se trouvent dans ma circonscription, 22 au moins. Comme vous l'avez dit dans votre exposé, ces gens ont du mal à trouver quelqu'un qui veuille bien les écouter—la touche personnelle, le respect qu'ils veulent obtenir. Ils ne demandent pas la lune. Ils veulent simplement pouvoir être écoutés, compris et respectés, et sans cette charge...
Même s'il y a des ombudsmans au ministère et dans les Forces, et je pense que c'est important, il faudrait entre les deux un genre d'intermédiaire, un genre de conseiller, qui puisse... J'ai rapidement parcouru votre texte pour essayer de rattraper le temps perdu—je le relirai plus tard—mais il me semble qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de sympathie entre le MDN et les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants. Il me semble que chacun représente sa clientèle, mais qu'il n'y a pas vraiment de lien entre les deux. Comme vous l'avez dit, c'est comme s'il y avait un fossé. Et c'est précisément là où, à mon avis, il y a comme un manque, ce qui fait que nous ne parvenons pas à obtenir ce que nous devons pouvoir offrir à nos anciens combattants.
Á (1145)
M. André Marin: Lorsqu'un membre des forces armées devient un ancien combattant, il ne veut pas qu'on lui dise: «Vous savez, il y a deux bureaucraties différentes et nous, nous sommes impuissants. Vous avez perdu votre ombudsman.»
Mme Rose-Marie Ur: Précisément.
M. André Marin: Tout ce qu'ils veulent savoir, c'est ceci: «Est-ce qu'on va me donner ce dont j'ai besoin et sinon, pourquoi?»
Comme je le disais en réponse à une question précédente, nous serions certainement en mesure d'offrir un concours, et j'espère d'ailleurs que la Légion finira par admettre que nous pourrions travailler ensemble sur ces dossiers. Nous avons également, c'est clair, d'excellents rapports avec le personnel de la Légion dans les régions, mais lorsqu'il s'agit d'une position nationale officielle, la Légion affirme que c'est elle l'ombudsman.
Cette année-ci, le jour du Souvenir, plusieurs groupes d'anciens combattants ont réclamé un ombudsman, et j'espère donc que la question finira par être tranchée parce qu'il est manifeste que le ministère ne fera rien si la Légion s'y oppose.
Mme Rose-Marie Ur: C'est parfois le cas lorsque ceux qui décident n'ont jamais été en première ligne. Lorsqu'on n'a pas vécu ce genre de situation, on est mal placé pour en parler. Malheureusement, il est parfois très difficile à ces gens de se mettre dans les souliers de ces anciens combattants.
Avez-vous également constaté que pour les anciens combattants, il est plus facile et plus logique que ce soient les forces armées qui leur offrent les soins médicaux nécessaires au lieu que ce soit un organisme public, étant donné que les forces armées sont beaucoup mieux placées pour les comprendre étant donné qu'ils sont issus des différentes armes?
Bgén George Sharpe: Je voudrais dire quelques mots à ce sujet. Il y a manifestement des problèmes dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé par exemple, mais la réalité est qu'effectivement, ce serait préférable.
Pendant la dernière enquête, lorsque nous avons étudié comment on traitait aujourd'hui les traumatismes liés au stress opérationnel, des représentants d'au moins deux établissements hospitaliers des Forces canadiennes sont venus nous parler pour nous dire comment à leur avis, ils pourraient continuer à s'occuper des membres des Forces armées après leur retour à la vie civile, et aussi qu'ils espéraient pouvoir continuer à faire valoir cette idée. Nous avons vérifié en haut de l'échelle pour voir quel genre d'accueil cette idée recevrait, et l'accueil ne serait pas très très bon pour toutes ces autres raisons.
La réponse très simple est donc oui. Beaucoup de ces anciens combattants auxquels nous avons parlé et qui sont victimes de ce genre de lésions psychologiques sont extrêmement frustrés de devoir s'adresser à des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce dont ils leur parlent. Je ne veux pas dire de mal, mais ces gens-là n'ont pas la moindre idée de ce qui s'est passé en Croatie en 1994, en Afghanistan ou ailleurs.
Mme Rose-Marie Ur: Devrions-nous nous tourner davantage vers ceux qui ont combattu pour qu'ils contribuent davantage à améliorer la compréhension qu'on a de la situation de ces personnes? C'est bien beau d'avoir de l'information dans un manuel, mais il est bon aussi d'avoir de l'information acquise sur le terrain. Est-ce qu'on pourrait ainsi mieux comprendre la situation de ces personnes?
Bgén George Sharpe: Nous parlons beaucoup des activités d'information menées dans certaines des organisations. André a mentionné le projet de soutien social aux victimes de stress opérationnel. Il s'agit dans tous les cas d'anciens combattants qui ont subi un stress opérationnel de nature psychologique. On a créé un bureau de conférenciers qui délègue des anciens combattants réputés—des gens qui ont subi un stress opérationnel mais qui s'en sont remis—pour qu'ils s'adressent aux responsables de divers établissements médicaux, par exemple, dans l'ensemble du pays. Mais c'est comme vouloir éteindre un incendie avec une seule goutte d'eau. Il y a énormément de travail à faire, et on ne dispose pas de suffisamment de ressources pour y arriver.
Mme Rose-Marie Ur: À leur retour de mission, quand on évalue l'état de ces personnes, ont-elles le droit de demander un deuxième avis, ou est-ce que l'information qui leur est fournie à la suite des examens effectués par les autorités militaires constitue le seul critère dont ils doivent tenir compte?
Bgén George Sharpe: Oui, ils ont en fait le droit de demander une deuxième opinion, s'ils le veulent.
Une des choses que je devrais dire, à titre d'observateur seulement... Et je le répète, je n'ai pas la moindre formation médicale; je suis navigateur de métier, et bien que les navigateurs soient des gens très qualifiés, ils ne s'y connaissent pas particulièrement en médecine. Ce que nous avons constaté dans l'ensemble du pays, sans exagérer, c'est que les soins dispensés aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes pendant leur période de service sont exceptionnellement bons. Ils sont probablement de loin supérieurs aux soins qu'ils peuvent obtenir après leur libération des Forces canadiennes, tant sur le plan de la santé mentale que de la santé physique. Pour ce qui est de la santé mentale, le nombre de pourvoyeurs de soins par rapport à celui des patients est supérieur à ce qu'on trouve dans les autres institutions, et les soins y sont aussi de meilleure qualité.
Cela dit, pourtant, si l'intéressé n'est pas satisfait, il peut effectivement demander une deuxième opinion, et on fait appel pour cela aux services de pourvoyeurs de soins de l'extérieur.
Á (1150)
Mme Rose-Marie Ur: C'était rassurant de vous entendre dire qu'une aide est offerte aux militaires à leur retour, ainsi qu'à leur famille, parce que très souvent nous oublions que leur famille aussi subit des traumatismes et non pas seulement le militaire qui a été envoyé en mission.
Le président: Nous allons nous arrêter là, et j'aimerais peut-être poser deux ou trois questions, si vous êtes d'accord.
J'aimerais revenir à une observation du brigadier-général Sharpe. Vous avez dit qu'il fallait des années pour que se manifeste le syndrome de stress post-traumatique. Met-il des années à se manifester, ou faut-il des années pour le diagnostiquer?
Si je vous pose la question, c'est que parfois les gens se sentent dépassés. Ils ne savent pas trop pourquoi. Ils vivent des moments difficiles.
En outre, on a parlé d'une enquête sur l'exposition environnementale. Est-ce comme une entrevue de fin d'emploi, où l'on pose des questions aux militaires qui quittent les forces armées et où l'on n'effectue qu'une vérification, simplement pour voir si l'on peut déceler s'il se passe quelque chose? Pouvez-vous nous en parler?
Bgén George Sharpe: À propos du fait qu'il faut des années pour que le syndrome se manifeste, cela rejoint les deux questions que vous avez soulevées.
J'ai entendu un exposé mercredi dernier présenté par un sergent qui venait tout récemment de recevoir son congé, qui avait d'abord souffert de problèmes psychologiques en Yougoslavie, à Sarajevo, en fait, au début des années 90. Il s'est en fait effondré à son retour du Kosovo en 1999. Il a donc fallu, véritablement, dans son cas, sept ou huit ans pour que ce traumatisme le pousse hors du service. Mais pendant cette période, sa famille s'est disloquée et son rendement a commencé à diminuer de façon importante. Il s'est passé beaucoup de choses de ce genre, mais il n'a su que deux ans avant qu'on pose véritablement un diagnostic qu'il souffrait de graves traumatismes psychologiques.
Cela tient donc vraiment à ces deux facteurs. Il faut des années pour que le syndrome se manifeste vraiment et il faut du temps pour l'identifier dans de nombreux cas. Parfois, cela peut se faire beaucoup plus rapidement.
Ce que l'on vise à faire par l'éducation et le travail pour changer les mentalités, c'est de faire en sorte que les gens s'en rendent compte plus rapidement, quand le traumatisme peut encore être traité et géré et que l'individu peut s'en remettre et revenir au sein de l'organisation.
Le président: Vous essayez donc de le dépister le plus tôt possible?
Bgén George Sharpe: Il existe d'extraordinaires initiatives en matière d'éducation et de sensibilisation. La difficulté, c'est qu'elles sont très mal coordonnées pour l'instant. Tout le monde a d'excellentes idées. Mais personne ne les rassemble en un plan intégré unique à cette étape, et nous y travaillons depuis trois ou quatre ans.
Pour ce qui est de l'enquête sur l'exposition à l'environnement, elle porte davantage sur des cas précis comme le déploiement en Afghanistan, par exemple, et on essaie de voir comment les Forces canadiennes s'en occupent.
Nous avons eu un incident en 1993 ou en 1994, à propos d'une opération que nous avions appelée l'opération Harmony quand nous avions déployé des forces en Croatie. Les soldats sont revenus très préoccupés au sujet d'une poussière rougeâtre à laquelle ils avaient été exposés, d'un fort taux de traumatismes, de traumatismes ultérieurs, etc. Matt Stopford est le soldat qui poursuit en fait cette quête. Vous vous souvenez peut-être de son nom. Une vaste enquête avait porté sur la question et avait donné lieu à une série de recommandations adressées aux Forces canadiennes et au ministère des Anciens combattants relativement à la façon dont on devrait modifier la façon dont on traite ce genre de question. C'est vraiment ce que nous examinons—nous voulons savoir dans quelle mesure ces changements ont été mis en oeuvre et comment les soldats sont traités aujourd'hui quand ils disent qu'ils pensent avoir été exposés à de la poussière radioactive ou à des matières fécales en Afghanistan.
Le président: Très bien.
Je vais encore poser une courte question à M. Marin. C'est au sujet d'un incident dont j'ai entendu parler, je pense que c'était à Winnipeg en 2003. Il y avait un défilé et l'un des chars avait pour thème « le train en folie ». Quand je l'ai vu et que j'ai lu le nom qu'on lui donnait, je me suis dit qu'on avait vraiment manqué d'égard.
Ma question a trait au leadership du personnel militaire basé au sol. Dans quelle mesure est-il sensible à ces problèmes, y réagit-il ou n'y a-t-il eu que cet incident isolé?
M. André Marin: Nous ne sommes au courant d'aucun événement qui ressemblerait à ce qui s'est passé dans le cas de l'incident du train en folie que vous avez mentionné, mais nous avons vu des améliorations dans les régions. Je pense que depuis l'histoire du train en folie nous avons constaté des améliorations.
Le problème, comme je le mentionnais en répondant à la question de M. O'Connor, c'est que ce dont on doit s'occuper c'est de la réaction actuelle du quartier général de la Défense nationale. Nous estimons que la Défense nationale ne réagit pas de façon coordonnée, cohérente et constante face aux victimes de stress opérationnel.
Quand nous avions examiné cette question il y a quelques années dans notre premier rapport, nous avions recommandé l'affectation d'un conseiller sur le syndrome de stress post-traumatique auprès du chef d'état-major de la Défense nationale. Voici la justification que nous avions présentée à l'époque:
Il me semble nécessaire de créer une autorité de supervision unique qui adopterait une approche holistique du SSPT et de tout ce qui s'y rattache; une telle autorité permettrait aux FC de relever avec un maximum d'efficacité ce défi particulièrement complexe dans un contexte militaire. Tandis que la plupart des décideurs des FC que les enquêteurs ont rencontrés sont prêts à apporter des changements, une coordination à l'échelle des FC toutes entières devient un impératif incontournable. |
C'est à la page 220 de notre rapport.
Les Forces canadiennes se sont opposées à la recommandation visant à créer un poste de coordonnateur du SSPT parce qu'on estimait que cette responsabilité incombait au sous-ministre adjoint responsable des ressources humaines, et qu'on ne voulait pas créer une fonction distincte. Au lieu de cela, un comité de surveillance de l'avancement des travaux a été constitué. Ce comité s'est d'abord réuni à quelques reprises étant donné le battage publicitaire autour de cette question et s'est réuni, je crois, la semaine dernière pour la première fois en 18 mois. Il s'est réuni suite à notre enquête en cours sur ces questions.
Nous redoutions qu'au quartier général de la Défense nationale on n'accorde que peu d'attention à cette question en dehors des périodes où elle suscite beaucoup d'intérêt dans les médias. Pour pouvoir arriver à dominer la situation en ce qui a trait au SSPT, nous devons nous assurer qu'on adopte une approche nationale coordonnée pour y faire face.
Á (1155)
Le président: Très bien. Merci.
Nous allons maintenant entendre madame Hinton.
Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC): Merci, monsieur le président.
D'abord, je vous prie de m'excuser pour mon retard. Je devais prendre la parole à la Chambre des communes. Je suis sûre qu'étant donné vos fonctions, vous comprenez que quand on essaie d'être à deux endroits en même temps...
M. André Marin: Bien sûr.
Mme Betty Hinton: ... ce n'est pas toujours facile. Veuillez m'excuser d'arriver aussi tard.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt un certain nombre de questions qui ont été posées, et si j'en pose une qui l'a déjà été, veuillez m'en excuser.
La deuxième chose que je tiens à dire avant de vous poser une question, c'est que j'ai le plus grand respect pour la Légion canadienne. Je pense qu'elle fait de l'excellent travail. Le point sur lequel nous divergeons d'opinion concernant la Légion, c'est que je ne pense pas que nous ayons à choisir entre les deux. Je pense que la Légion conjugue ses efforts pour faire ce qu'il faut faire pour ses membres—et ce sont d'extraordinaires porte-parole—mais je pense aussi que nous avons besoin d'un ombudsman, pour diverses raisons. Après avoir écouté ce que vous aviez à dire, j'en conclus que la seule chose qui vous empêche d'agir, c'est le manque de financement.
D'abord, quel type de financement vous faudrait-il? Je vais vous poser quelques questions, si vous le permettez, puis je poursuivrai.
J'ai mon idée quant à la façon dont la Légion et l'ombudsman pourraient coordonner leurs activités—et j'ai entendu bien des gens dans l'ensemble du pays et je me ferai un plaisir de faire part de ces réflexions à la ministre, ce qui lui facilitera peut-être la tâche au moment de prendre sa décision—mais d'après ce que j'ai entendu dire par des membres qui ont eu du mal à obtenir l'aide dont ils avaient besoin, ce que j'ai entendu dire à répétition, c'est que c'est la paperasserie qui les submerge.
Ce qui arrive, c'est qu'ils doivent remplir tellement de formulaires, franchir tellement d'étapes, aller consulter des médecins et remettre toute cette paperasse aux médecins du secteur privé qui s'occupent d'eux—c'est différent quand ils sont toujours au sein des Forces canadiennes—médecins qui n'ont tout simplement pas le temps de s'en occuper, si bien qu'ils ont de plus en plus de mal à obtenir de l'aide, quels que soient leurs besoins. Je pense qu'il faut mettre fin à ce problème. Nous devons trouver un moyen de faire quelque chose à ce sujet.
Vous avez aussi mentionné plus tôt le fait que cela prend parfois du temps avant qu'apparaissent les symptômes ou qu'un membre vous laisse entendre que c'est ce dont il souffre.
Cela dit, pour ma part je n'appelle pas cela le syndrome de la guerre du Golfe; je parle du syndrome du service dans les forces armées, parce qu'en souffrent des soldats qui sont allés en Afghanistan et en Bosnie et ailleurs encore.
Je pense qu'il faut penser à l'état d'esprit des militaires. Ils sont très solides. Ils sont très disciplinés. Ils n'ont pas tendance à se plaindre. Ce que j'ai entendu dire par des gens qui ont servi dans les forces armées et qui sont maintenant extrêmement malades, c'est qu'ils n'ont rien dit pendant très longtemps parce qu'ils ne voulaient pas donner l'impression d'être faibles. Ils voulaient être en mesure de continuer de faire leur travail et ils tenaient au respect de leurs camarades. C'est pourquoi il faut parfois tellement de temps avant que ces choses ressortent.
Maintenant que je vous ai dit tout cela, j'ai deux questions à vous poser. D'abord, de quel financement auriez-vous besoin? Deuxièmement, comment pourriez-vous coordonner votre travail avec la Légion, qui a jusqu'à maintenant fait un travail remarquable et qui doit certainement être appelée à participer? A-t-on toujours des problèmes au sujet des dossiers médicaux et des documents requis quand des individus qui ont subi une exposition à l'environnement quittent les forces armées et demandent une pension pour invalidité ou d'autres services au ministère des Anciens combattants?
 (1200)
M. André Marin: Eh bien, je répondrai aux deux premières parties de votre question, et je vais demander au général Sharpe de répondre à la dernière.
Pour ce qui est du financement, nous devrions effectuer une analyse pour fournir un montant exact, mais j'ai l'impression—notre budget dépasse légèrement les 5 millions de dollars—qu'il faudrait peut-être ajouter quelques centaines de milliers de dollars de plus. Ce n'est pas énorme. Sur notre ligne sans frais 1-800, nous recevons des appels de gens qui croient que nous sommes leur ombudsman aussi. Cela n'augmenterait donc pas nécessairement le nombre d'appels. Nous répondrions simplement à ces appels.
Pour ce qui est de l'enquête et des relations que nous entretenons avec le ministère des Anciens combattants, nous avons les points de contact que nous avons établis de façon informelle. Il nous faut peut-être quelques enquêteurs de plus. Nous devrions effectuer une évaluation en bonne et due forme, mais en somme, cela ne me semble pas être une question de financement et je ne pense pas que le ministère des Anciens combattants y voit non plus une question de financement. Il s'agit plutôt de rendre des comptes à un observateur civil. C'est ça la question. Si l'on fait affaire avec une organisation qui travaille maintenant en toute autonomie et qu'on lui demande si elle aimerait rendre des comptes à quelqu'un, je pense qu'il est bien humain de résister à cette proposition. Je pense que c'est plus cela qu'une question de financement.
Mme Betty Hinton: Est-ce que vous êtes en train de dire que pour moins d'un quart de million de dollars, sans double bureaucratie, ni secrétariat, vous pourriez mettre en place ce genre de choses?
M. André Marin: Oui.
Mme Betty Hinton: D'accord. Merci.
Poursuivez.
M. André Marin: Il y avait trois volets à votre question, et j'ai répondu au premier. La deuxième partie consistait à savoir comment nous avons l'intention de traiter avec la Légion.
Si cela se produisait, je pense que nous pourrions avoir d'excellentes relations avec la Légion. La Légion mène des campagnes de sensibilisation et organise des levées de fonds. Nous ne nous occupons pas de ces choses. Toutefois dans les dossiers où la Légion a beaucoup de mal à recueillir un appui pour diverses initiatives, nous pourrions l'aider. S'il y a des questions concernant d'anciens combattants en particulier qu'elle souhaiterait examiner, elle pourrait nous les soumettre, comme le font les députés de tous les partis ici.
La différence entre un groupe non gouvernemental comme la Légion et le Bureau de l'ombudsman, c'est que nous avons accès à tous les niveaux de l'organisation, compte tenu du devoir de coopérer, et nous avons accès aux gens, aux documents et aux tribunes qu'il faut. Nous sommes indépendants du gouvernement, mais nous détenons un mandat du gouvernement qui nous permet d'accéder à toutes ces différentes choses. Nous avons un statut moral qui nous permet de publier des rapports et d'attirer l'attention des gens sur différentes questions. Notre nature est tout autre. Nous ne menons pas de campagnes de financement, et notre mission est très distincte de celle de la Légion. J'imagine très bien que nous puissions travailler de façon harmonieuse sans la moindre difficulté.
Mme Betty Hinton: Vous êtes intarissable.
M. André Marin: La plupart du temps.
Bgén George Sharpe: Ce que j'ajouterais à la réponse d'André, c'est que l'ombudsman n'est pas un militant, et encore là, je l'ai entendu dire par des employés du ministère des Anciens combattants. Le Bureau est respecté pour cette impartialité, parce que parfois les plaintes ne sont pas fondées. D'une certaine façon, le problème qui se pose dans le cas de la Légion, c'est qu'ils défendent une cause et doivent le faire, quoique cela ne pose pas de problème du point de vue des membres ni des autres organisations d'anciens combattants, et ils font de l'excellent travail. Mais si vous êtes le bureaucrate soumis à la pression de cette organisation, vous préférez avoir affaire à quelqu'un qui ne défend pas une cause—et pas nécessairement un non-militant, mais quelqu'un qui représente un organisme d'enquête impartial qui peut effectivement fournir une réponse juste.
Le président: Nous allons donner la parole à M. Bagnell.
 (1205)
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.
Merci d'être venus. Votre témoignage nous est très utile.
J'aimerais avoir une meilleure idée de l'importance du financement. Vous avez dit que votre budget était d'environ 5 millions de dollars. En quelle année votre bureau a-t-il été créé et quel était alors son budget grosso modo?
M. André Marin: Nous avons commencé en 1998. La première année, nous n'étions pas opérationnels et avons dû nous contenter d'un minimum de quatre personnes parce que notre bureau avait été laissé pour compte sans mandat. La première année s'est passée en consultation avec des parlementaires, le public et différents intervenants sur le type de mandat dont nous avions besoin. Nous sommes devenus opérationnels en 1999 et depuis nous avons un budget constant. Il n'a ni doublé ni triplé. Dès que nous sommes devenus opérationnels et que nous avons atteint notre vitesse de croisière, notre budget s'est toujours maintenu à 5 millions de dollars.
L'hon. Larry Bagnell: Combien d'employés avez-vous environ?
M. André Marin: Cinquante.
L'hon. Larry Bagnell: Je ne veux poser de questions que sur un seul sujet. J'ai été un peu étonné par l'une des observations qu'a faites le brigadier-général. Il a semblé laisser entendre que votre bureau consacrait davantage de ressources et de temps et peut-être plus d'importance au traitement du stress qu'à sa prévention.
Dans l'affaire Walkerton, nous avons dû nous occuper de gens qui sont tombés malades. Bien sûr, on n'a pas pu faire grand-chose pour ceux qui sont décédés. Nous ne pouvions même pas faire grand-chose pour ceux qui étaient malades. Leur état se serait probablement amélioré de toute manière, une fois qu'ils auraient cessé de boire cette eau. Nous avons des milliers d'administrations au Canada, qui dépensent tout leur argent en prévention. C'est pourquoi aucun incident comme celui de Walkerton ne s'est produit pendant des dizaines d'années, parce que la plupart des fonds au Canada servent à la prévention, et non pas au traitement.
Bien sûr, il faut penser au traitement. Je reconnais que de façon générale il nous faut disposer d'un traitement. Quel type d'investissement faites-vous en matière de prévention?
M. André Marin: Je pense qu'étant donné que les traumatismes liés au stress opérationnel sont tout à fait uniques, on ne peut faire de la prévention que de façon assez limitée. On ne peut anticiper toutes les possibilités d'exposition à l'environnement qui entraîneront un stress opérationnel, alors que le risque est continu de l'étape du prédéploiement à celle du retour après le déploiement. Peut-être qu'en matière de prévention, nous estimons que la période postérieure au déploiement est tout aussi importante que celle qui a précédé ce dernier.
Quand les gens sont de retour du théâtre des opérations, que leur arrive-t-il entre le moment où ils ont été exposés à un ou plusieurs incidents qui peuvent leur avoir causé un stress opérationnel et le moment où ils rentrent chez eux? Nous consacrons beaucoup d'efforts à cette question, parce qu'elle est extrêmement importante. La prévention avant leur départ du Canada est importante, mais nous croyons que l'intervalle entre le déploiement et leur retour au Canada est tout aussi important, sinon plus.
Nous avons consacré énormément d'efforts pour exhorter les Forces canadiennes à aider leurs soldats à décompresser avant leur retour au pays. C'est une des choses que j'ai retenues de mon voyage en Afghanistan il y a deux semaines. C'est peut-être une chose que nous aurions dû mentionner plus tôt dans notre réponse. C'est une chose à laquelle nous consacrons beaucoup de temps.
Avez-vous quelque chose à ajouter à ce propos?
Bgén George Sharpe: Oui, très brièvement.
Je pense qu'en raison de la nature même des opérations militaires, de nos jours surtout, nous allons continuer à connaître ce genre de traumatismes, mais en fait l'un des moyens les plus efficaces de les prévenir à long terme, c'est d'avoir un moyen efficace pour y faire face quand ils se produisent.
Autrement dit, c'est de la façon dont le système traite ces soldats qui sont psychologiquement atteints maintenant que dépendra le nombre de cas à l'avenir. C'est un aspect important de la prévention, c'est-à-dire qu'on doit s'en occuper convenablement maintenant. Autrement dit, c'est à nouveau une question de changement des mentalités. Il s'agit de voir comment on encourage les gens à faire rapport de leur état, de voir comment on les traite une fois qu'ils nous ont signalé leur situation, et comment on les amène à participer à des programmes de traitement précoce et de retour au travail sans traumatisme à long terme.
Je ne voulais pas minimiser l'importance de la prévention. Si l'on peut faire de la prévention, tant mieux. Mais la nature des opérations militaires est telle qu'on ne peut prévenir tous les incidents. Il faut en réduire le nombre autant que possible, et dans les cas où on ne le peut pas, il faut apprendre comment s'occuper de ces cas inévitables à leur retour.
L'hon. Larry Bagnell: Me reste-t-il du temps?
 (1210)
Le président: Oui, 30 secondes.
L'hon. Larry Bagnell: Je ne comprends pas vraiment la réponse. J'y reviendrai peut-être plus tard.
Vous avez dit qu'on pouvait prévenir le stress notamment en sachant quoi faire en situation de stress. À mes yeux, c'est comme dire qu'on peut prévenir les fractures en réparant les jambes cassées. Je ne vois pas le lien.
Il est évident que vous vous trouvez toutefois dans de terribles conditions, et que les gens sont prévenus. Avez-vous mené une étude approfondie de la façon dont on se prépare à travailler dans de telles conditions sans trop subir les effets du stress?
Bgén George Sharpe: Non, pas nous, mais nous avons vu des études qui ont été menées sur ces sujets.
On ne peut pas vraiment comparer les blessures physiques aux atteintes psychologiques. L'un des facteurs qui contribuent aux atteintes psychologiques, c'est l'inquiétude concernant la façon dont on traitera la blessure. Qu'adviendra-t-il de ma famille si on m'expulse des forces armées? C'est la règle de l'universalité du service : si vous n'êtes pas apte physiquement et psychologiquement au service militaire, vous êtes libéré des Forces canadiennes. En soi, cela est une source de stress.
Si nous pouvions garder ces personnes au sein des forces armées, faire en sorte qu'elles ne perdent pas leur emploi, elles subiraient un stress moindre et la gravité du préjudice en serait d'autant réduite. Tout cela est interrelié.
Le président: Monsieur Perron, vous avez la parole.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Merci, monsieur le président.
Tout comme Rose-Marie et Betty, je crois que la Légion royale canadienne fait un bon travail. Malheureusement, si j'en étais membre, je serais l'un des plus jeunes. Je vais vous faire le portrait de la situation, que vous connaissez sûrement. Les présidents sont élus à l'assemblée générale annuelle. Donc, il manque, dans les légions locales, une certaine stabilité. Le président peut être là pour un ou deux ans ou il peut mourir entre-temps. L'officier de service a le même problème. Or, c'est lui qui devrait répondre aux besoins des membres. En voici la preuve?
Au Québec—et je vais faire un peu de politique en passant—nous sommes peut-être distinct, mais le président régional de tout le Québec, M. Norman Shelton, a été élu il y a deux ans. L'officier de service, Robbie Robertson, que vous connaissez sûrement et qui est un bonhomme formidable, faisait un travail du tonnerre. Toutefois, il est assis chez lui les deux pieds sur la bavette du poêle: il est à la retraite. Je ne l'en blâme pas: il mérite sa retraite. Mais en attendant que Francis, qui l'a remplacé, soit aussi bon que lui, cela peut prendre 10, 12, 15 ou 20 ans, parce que Robbie était là depuis 20 ou 25 ans, je crois.
C'est en me basant sur ces constatations que j'en arrive à croire que l'on a absolument besoin d'un ombudsman, parce que la Légion royale canadienne, même si elle fait un travail du tonnerre, n'est pas équipée pour pourvoir aux besoins de ses membres.
Une autre chose me préoccupe. J'aime appeler amicalement les anciens combattants de la guerre du Golfe et de la guerre du Kosovo «mes jeunes anciens combattants.» Ils se sentent un peu jeunes pour appartenir à la Légion royale canadienne: ils n'ont que 30 ans. Leur âge, leur formation, leurs principes ou leur façon de penser n'en font pas de véritables membres de la légion. Pour les jeunes de l'armée, la Légion royale canadienne est autre chose. Sur qui ces jeunes se fient-ils pour assurer leur défense? Sur un député comme moi? Sur eux-mêmes? Des Jean-François Gignac, des Marc Steben, des Nathalie, dont le nom m'échappe, étaient ici, en 1997, sur la Colline parlementaire. Je travaille avec eux depuis ce temps et ils sont encore ici. Ils ont avancé un peu mais ils ne sont pas allés loin.
Mettez ces réflexions dans votre bagage d'arguments pour aller vendre l'idée que nous avons besoin d'un ombudsman pour les anciens combattants. En quelques mots, les voilà, les voici. J'aimerais avoir vos commentaires.
Monsieur le président, ce sera ma dernière question.
M. André Marin: Je vous remercie de votre intervention.
Tout ce que vous avez dit est très valable. J'ai certainement entendu des commentaires semblables d'autres gens également. Comme je vous l'ai dit, nous sommes prêts à assumer cette fonction additionnelle si on nous demande de le faire. Je crois qu'un des avantages du bureau est justement la continuité dans son approche.
Je comparais devant ce comité à titre de premier ombudsman ayant fondé le Bureau de l'ombudsman des Forces armées canadiennes en 1998. Nous avons quand même établi une bonne base de données sur les tendances. Nous vous donnons des chiffres quant au nombre de plaintes. Je suis souvent appelé à témoigner devant le Comité de la Défense nationale et des anciens combattants, où on me demande des données, des statistiques, des tendances quant aux problèmes systémiques d'origines diverses. Le bureau est une réponse institutionnelle qui peut fournir les recours nécessaires pour faire avancer les choses d'une façon que la Légion royale canadienne ne peut pas le faire. Nous demeurons disponibles et prêts à travailler avec la Légion royale canadienne si on nous le demande.
 (1215)
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Madame Ur, avez-vous encore des questions à poser?
Mme Rose-Marie Ur: Oui.
Vous avez dit dans votre exposé qu'il est difficile de chiffrer officiellement le nombre de cas surtout en raison de la collecte manuelle de statistiques par les Forces canadiennes. Pourquoi cela s'est-il produit à l'ère de l'informatique? Pourquoi a-t-on cessé de recueillir des données?
M. André Marin: Je ne suis pas certain de la réponse et je demanderai au brigadier-général Sharpe de m'aider dans un moment.
Je peux vous dire qu'une de nos premières préoccupations concernant le SSPT était l'absence d'une approche coordonnée. Je crois que si on avait examiné attentivement ce qui se faisait, nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd'hui. S'il y avait eu un coordonnateur en matière de SSPT, cet examen aurait été fait. J'hésite à dire que je l'avais bien dit, mais nous avions prévenu les forces armées. Nous étions inquiets de l'absence de direction...
Mme Rose-Marie Ur: Il n'y avait pas de président.
M. André Marin: En effet. Il faut que quelqu'un surveille la situation. Le comité n'a tenu aucune réunion en 18 mois; il s'est senti tenu de se réunir la semaine dernière parce que nous avons parlé de l'étude qui sera rendue publique, et cela m'inquiète. Si nous nous entendons tous pour dire que cette question est sérieuse, comment peut-on la négliger à ce point, surtout compte tenu de tout le personnel qu'il y a au QGDN?
L'absence de données fiables m'inquiète. Nous avons soulevé ce problème il y a déjà quelques années.
Brigadier-général, voulez-vous ajouter quelque chose?
Bgén George Sharpe: Je vais tenter de vous donner ma réponse la plus brève.
La collecte des données manuelle est difficile et on y a mis fin parce qu'on craignait de recueillir deux fois les mêmes données, dans le cas, par exemple, d'une personne qui était traitée à Petawawa et aussi à Ottawa. Honnêtement, je peux vous dire que c'était difficile et que ça prenait beaucoup de temps.
Nous avons constaté une chose intéressante au chapitre de la communication: la moitié des endroits où nous sommes allés n'avaient pas cessé la collecte manuelle des données et envoyaient toujours ces informations quelque part à Ottawa.
Nous avons réussi à obtenir certains renseignements en communiquant directement avec les CSTSO, mais nous n'avons pas terminé le traitement de ces données. Il semblerait toutefois que le nombre de personnes souffrant de SSPT est stable ou à la hausse, selon la région, et qu'il y a une hausse importante dans certaines régions. Au CSTSO d'Ottawa, par exemple, il y a 20 nouveaux diagnostics de SSPT par mois.
Mme Rose-Marie Ur: Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est malheureux.
Dans vos remarques, vous avez fait mention du centre de Sainte-Anne, à Montréal. Combien d'hôpitaux de ce genre existe-t-il au pays ou le centre de Sainte-Anne est-il le seul?
Bgén George Sharpe: Pour l'instant, le seul qui existe est celui de Sainte-Anne de Bellevue. L'hôpital Deer Lodge, à Winnipeg, sera bientôt ouvert et on prévoit en ouvrir encore deux ou trois autres. Le centre de Sainte-Anne constituait notre premier essai et il s'est avéré une réussite.
Mme Rose-Marie Ur: Que trouve-t-on à Sainte-Anne pour les anciens combattants que l'on ne trouve pas à l'hôpital Parkwood, par exemple?
Bgén George Sharpe: On y trouve une meilleure compréhension de l'ancien combattant de l'ère contemporaine et de l'expérience qu'il a vécue, mais il y a encore des lacunes. Par exemple, il n'y a pas d'unité protégée. Sainte-Anne ne peut accueillir ceux qui souffrent d'alcoolisme et de toxicomanie, et nombreux sont ceux qui ont tenté de se soigner ainsi.
Mme Rose-Marie Ur: J'en connais très peu sur l'aspect militaire du ministère, mais en écoutant la discussion de ce matin, j'ai l'impression qu'on insiste beaucoup sur la préparation de nos troupes au combat. Quand nous les envoyons combattre, nos militaires ont toutes les connaissances et les compétences nécessaires. Nous ne semblons toutefois pas les accueillir aussi bien à leur retour. La situation semble grave et elle mérite notre attention.
Cela me rappelle la première séance à laquelle j'ai participé ici. Je me suis dit que, plutôt que d'être un simple sous-comité du Comité de la défense nationale, nous devrions avoir notre propre identité pour mieux défendre les anciens combattants. Si nous sommes ici, c'est grâce à nos anciens combattants; mais ce que j'ai entendu ce matin me porte à croire que la relation entre le ministère de la Défense nationale et les Forces armées, d'une part, et le ministère des Anciens combattants, d'autre part, est quelque peu dysfonctionnelle.
 (1220)
Bgén George Sharpe: On a posé une question un peu plus tôt sur la documentation. Si vous me le permettez, je profite de l'occasion que vous me donnez maintenant pour m'en servir comme exemple.
Au ministère de la Défense nationale, le personnel médical est surchargé de travail et n'a pas suffisamment de ressources. Quand il parle de documentation, il parle du dossier de celui qui est encore en uniforme. Le ministère des Anciens combattants veut une documentation tout à fait différente. Il veut établir un lien entre la blessure et l'opération pendant laquelle la blessure a été infligée. Le MDN s'inquiète du diagnostic et des soins et, en conséquence, les documents qu'il transmet au ministère des Anciens combattants sont souvent très peu utiles. Quand on demande au personnel médical de la Défense nationale les documents utiles, il est si surchargé de travail qu'il n'a pas le temps de fournir ces renseignements dans des délais raisonnables.
Il arrive qu'une personne attende de six mois à un an les documents qui lui permettront d'être mutée d'un ministère à l'autre. On peut difficilement blâmer quelqu'un, car c'est un problème qui est attribuable à la structure organisationnelle.
Il y a un autre problème dont j'ai touché quelques mots plus tôt et dont je pourrais peut-être vous parler plus longuement maintenant : quand plusieurs personnes sont responsables d'une activité, elles doivent toutes rendre des comptes mais, en dernière analyse, aucune d'elles n'aura de comptes à rendre. C'est ce que nous avons constaté en faisant nos recherches, qu'on ne peut attribuer la faute à une personne ou à un bureau en particulier.
Mme Rose-Marie Ur: Merci.
Le président: Je cède maintenant la parole à monsieur O'Connor.
M. Gordon O'Connor: J'ai quelques petites questions à vous poser.
Premièrement, en ce qui concerne l'ombudsman des anciens combattants, je trouve l'idée bonne, mais du point de vue organisationnel, je n'aime pas l'idée que vous soyez à la fois l'ombudsman de la Défense nationale et l'ombudsman des Anciens combattants. Vous relèveriez alors de deux ministres. De plus, un quart de million ou un million de dollars à ce niveau du gouvernement, ce n'est pas beaucoup si vous voulez être efficace. Si l'on crée un poste d'ombudsman des anciens combattants, je préconiserais un poste distinct du vôtre pour que cet ombudsman n'ait pas deux patrons.
En outre, mais mon interprétation est peut-être erronée, la vie de l'ombudsman de la Défense nationale est précaire : le ministre peut supprimer ce poste par une simple note de service. Ces postes d'ombudsman ne semblent pas avoir été créés par une loi.
Ce sont là quelques remarques. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, puis j'aurai une autre question à vous poser.
M. André Marin: Vos observations témoignent de votre perspicacité. Il ne fait aucun doute que la relation hiérarchique soulèverait des questions, et que cet ombudsman devrait avoir un patron. Il faudrait trouver une solution, c'est certain. Ce serait tout un défi que de relever de deux ministres. La solution serait peut-être d'établir une autre relation hiérarchique ou de créer un poste distinct d'ombudsman, comme vous le suggérez.
En ce qui a trait au mandat, vous avez tout à fait raison. Quand notre bureau a été créé en 1999, le ministre de l'époque, M. Eggleton, a affirmé que dans les six mois suivants, le mandat de notre bureau serait décrit dans un document ayant force de loi. Je crois qu'on avait prévu une période de six mois parce qu'on craignait que notre simple existence perturberait la chaîne de commandement. Je crois que M. Eggleton voulait que l'on puisse voir où nous allions nous situer par rapport à la chaîne de commandement.
Il y a encore une chaîne de commandement, mais nous avons fait comme si elle n'existait pas et elle fonctionne toujours très bien. Toutefois, une fois les six mois écoulés, aucune loi n'a été adoptée nous conférant les pouvoirs dont nous avons besoin pour faire notre travail et nous le signalons dans chacun de nos rapports annuels depuis. Il faut régler ce problème, ce qui sera inévitablement fait, mais nous préférerions certainement que cela se fasse le plus tôt possible. Nous le signalons chaque fois que nous en avons l'occasion.
M. Gordon O'Connor: J'ai maintenant une question sur Matt Stopford, dont on a mentionné le nom. Il a peut-être subi les effets du stress, mais il a aussi été empoisonné par ses subalternes, et cela a été documenté. Est-ce que votre bureau a participé à cette enquête et est-ce que l'un de ceux ayant empoisonné Matt Stopford a prétendu souffrir de stress?
 (1225)
M. André Marin: Au début de cette affaire, nous avons offert notre soutien à Matt Stopford. Quand il a intenté une poursuite, toutefois, conformément à notre mandat, nous avons laissé au tribunal le soin de traiter de cette affaire qui était devenue une cause juridique. Nous l'avons aidé, nous avons travaillé en étroite collaboration avec lui, mais nous avons dû nous retirer du dossier dès que la poursuite a été intentée.
Bgén George Sharpe: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter une chose.
M. Stopford a communiqué avec moi récemment pour me demander si l'ombudsman serait prêt à reprendre son dossier en main s'il retirait sa poursuite, mais nous ne lui avons pas encore répondu.
Sa situation démontre précisément pourquoi nous devons nous inquiéter de la façon dont nous traitons les gens et non pas de ce qui a causé le problème. L'empoisonnement a fait l'objet de toutes sortes d'enquêtes, mais quelle que soit la façon dont il a été blessé ou lésé, il a été traité de façon abominable et il méritait mieux que cela.
C'est là le message qu'on transmet aux militaires, on leur laisse entendre que leur sort nous importe peu—ou plutôt, que leur sort nous importe, mais que ce qui a causé leur problème nous importe peu. Nous voulons leur dire que si cela va mal, ils méritent qu'on les traite mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, qu'on ne l'a fait dans le cas de Matt Stopford.
M. Gordon O'Connor: Je ferai une dernière remarque.
Cela soulève des questions sur la chaîne de commandement de l'époque, le fait qu'un militaire puisse être empoisonné par ses subalternes. Au sein de son unité et de l'organisation, c'était un fait connu, mais rien n'a été fait.
Merci.
Le président: Nous passons maintenant au tour de monsieur Bagnell.
L'hon. Larry Bagnell: Merci.
Je reviens au thème de la prévention. J'ignore ce qu'en pensent les autres membres du comité, mais j'aimerais bien avoir un rapport écrit un peu plus long sur vos activités de prévention. Nous consacrons des millions de dollars aux simulateurs pour nos aéronefs et pour nos sous-marins, et tout cela est à la fine pointe, mais je ne suis pas certain que nous en fassions autant en matière de stress. Je sais qu'on peut brancher une personne à différents appareils de détection pour déterminer le niveau de stress dans certaines situations. Si l'on ne fait pas déjà cela, peut-être devrait-on envisager de le faire.
Vous avez dit que vous n'aviez pas encore compilé toutes les études théoriques qui avaient été menées sur ce sujet jusqu'à présent. Je suis certain que certaines industries où le stress est élevé ont de la documentation qui pourrait servir à la prévention. Il y a peut-être une étude interne établissant des liens entre les antécédents et la tendance au stress. Mieux vaut prévenir que guérir, et je sais que vous faites de la prévention. Peut-être que, comme vous le dites, au bout du compte, quand une personne connaît une expérience stressante, il y a des entrevues et des études par la suite pour déterminer le niveau de stress. Si, plusieurs mois après le retour au Canada, aucun symptôme de stress ne se manifeste, il serait bon de voir quand les effets du stress se feront ressentir.
Les études ont démontré que l'une des expériences les plus stressantes pour une personne est de quitter son emploi, quel que soit le genre d'emploi. Je me demande comment se compare la situation des militaires qui quittent les forces armées—un lieu de fraternité et de camaraderie qui est beaucoup plus qu'un lieu de travail—à ceux qui quittent d'autres genres d'emploi, du point de vue statistique. Autrement dit, si ces militaires ne montrent aucun symptôme de stress à leur retour au Canada, quand vous faites votre examen, mais que les symptômes apparaissent plus tard, est-ce que ça ne pourrait pas être simplement parce qu'ils ont quitté un bon emploi et beaucoup d'amis?
M. André Marin: Pour répondre à la première partie de votre intervention, je comprends tout à fait ce que vous dites sur la prévention. Nous n'avons pas encore terminé notre enquête sur les traumatismes liés au stress opérationnel, et je transmettrai ces vues aux enquêteurs. Je suis certain qu'ils donnent suite à toutes les suggestions en matière de prévention. Je leur transmettrai vos observations et je vous en remercie.
En ce qui a trait au stress qu'éprouvent les militaires quand ils quittent les Forces canadiennes, j'ai l'impression que ce stress n'est pas attribuable au fait de quitter l'armée, mais plutôt au fait qu'on ne leur offre pas l'indemnisation qu'ils croient mériter parce que les symptômes ne se sont pas encore manifestés et se manifestent parfois seulement après leur départ.
Je pense à un exemple très connu, celui du général Dallaire. Même des années après avoir quitté les Forces canadiennes, il continue de souffrir du traumatisme qu'il a subi au Rwanda.
Mais je ne suis pas au courant que le fait de quitter la camaraderie des forces armées puisse être source de stress, comme vous le dites.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
 (1230)
Bgén George Sharpe: Non, je dirai seulement que la transition est toujours difficile. C'est tout à fait naturel de vivre difficilement un changement d'emploi ou une perte d'emploi. Si vous êtes en bonne santé, c'est difficile. Si vous soufrez de traumatisme psychologique, c'est horriblement difficile; le pire, c'est de devoir faire une telle transition avant d'être guéri.
Mais pour la plupart des gens, ce n'est ni plus ni moins stressant que de changer d'emploi.
L'hon. Larry Bagnell: Il me reste dix secondes; en terminant, je vous dirai seulement que vous devriez peut-être passer en revue les rapports d'étude sur la situation dans les autres groupes professionnels. Cela pourrait vous être utile.
Merci.
Bgén George Sharpe: Merci.
Le président: Très bien.
Je cède maintenant la parole à madame Hinton.
Mme Betty Hinton: Merci, monsieur le président.
Il est toujours agréable de travailler avec un collègue qui a des connaissances d'expert dans un domaine où vous n'en avez aucune, et c'est fréquemment le cas avec mon collègue du Parti conservateur. Étant lui-même brigadier-général, il s'intéresse à la chaîne de commandement et à l'histoire. Moi, je n'ai pas son expérience et je m'intéresse davantage à la situation actuelle; nous faisons donc bonne équipe.
J'ai deux questions à vous poser. Je les ai déjà posées mais je n'ai pas obtenu de réponses. Je vous ai demandé s'il y a encore des problèmes de documentation et de dossiers médicaux pour ceux qui ont été exposés à des risques environnementaux, qui quittent les forces armées et qui demandent une pension d'invalidité ou d'autres services à Anciens combattants CAnada.
J'espère que ma deuxième question ne vous semblera pas indélicate : quel est le taux de suicide chez ceux avec lesquels vous traitez?
M. André Marin: En réponse à votre première question, oui, il est encore difficile d'obtenir de l'armée des documents sur ce à quoi les militaires ont été exposés.
Quand les troupes ont quitté Kaboul en janvier 2004, on s'inquiétait beaucoup, par exemple, de la qualité de l'air auquel les troupes avaient été exposées. Les médias ont fait grand cas de la présence possible de matières fécales dans l'air et des effets à long terme que cela pourrait avoir. L'armée a fait analyser l'air et a rassuré les troupes, leur disant que la qualité de l'air ne soulevait aucune question de santé dans l'immédiat.
Quand je suis rentré de Kaboul, c'était la préoccupation première des soldats. On a dit aux soldats, peu importe si la communauté médicale avait jugé leur préoccupation fondée ou non à l'époque, que leur dossier allait être annoté et comprendre les informations pertinentes de sorte que, si on constatait dix ans plus tard que la qualité de l'air à Kaboul avait été mauvaise, leur dossier serait complet.
Dans le cadre de notre enquête actuelle sur les traumatismes liés au stress opérationnel, nous nous sommes penchés sur la question de la documentation. À notre connaissance, en dépit des garanties données par le major-général selon lesquelles les informations pertinentes seraient versées au dossier, ces dossiers ne contiennent pas la documentation médicale demandée. Cela demeure donc un problème. Encore une fois, c'est un manque de coordination. Quelle a été la décision définitive du QGDN à ce sujet? La documentation médicale pertinente devrait-elle être versée à ces dossiers? Comme M. O'Connor le sait pertinemment, il y a deux chaînes de commandement : la chaîne de commandement sur la théâtre des opérations et la chaîne de commandement médical. Ces chaînes de commandement ont toutes un rôle à jouer. Laquelle, en dernière analyse, imposera sa volonté ou donnera des directives à toute l'organisation? Voilà pourquoi nous répétons qu'il faut qu'un coordonnateur assume cette responsabilité pour que l'approche soit uniforme et constante.
Maintenant, en ce qui concerne votre deuxième question... Quel est le taux de suicide chez les plaignants?
 (1235)
Mme Betty Hinton: Oui.
M. André Marin: Nous n'avons pas ces données et, pour autant que je sache, les Forces canadiennes n'ont pas non plus de chiffres sur le nombre de militaires souffrant de traumatisme lié au stress opérationnel qui se suicident ou tentent de le faire. Nous les avons priés instamment, dans notre rapport précédent, de recueillir des statistiques à ce sujet. Nous ne pourrons pas le faire, car nous ne communiquons pas avec le plus proche parent comme le fait l'armée quand une plainte est déposée. Mais nous avons fortement encouragé les Forces canadiennes à recueillir des données là-dessus.
On me corrigera si je me trompe, mais je ne crois pas que cela se fasse, n'est-ce pas, général Sharpe? Êtes-vous au courant?
Bgén George Sharpe: Le centre a des statistiques sur le suicide, mais quand nous avons posé la question, on nous a répondu que le centre n'a des données que sur les suicides qui lui sont signalés par la police militaire ou par suite d'une enquête spéciale. Cela se produit si un membre des forces armées se suicide dans l'exercice de ses fonctions, mais pas nécessairement dans les autres cas. Ces données ne comprennent pas non plus les réservistes; dans certains cas, les réservistes sont nombreux, comme ils l'ont été en Croatie, où ils constituaient 40 p. 100 des troupes. Ils ne sont pas inclus dans ces statistiques qui excluent aussi ceux qui ont été libérés ou réformés pour des motifs de santé et qui se seraient suicidés par la suite.
Je ne suis donc pas certain que ce chiffre soit utile et même s'il l'était, il serait très difficile d'obtenir des données précises. C'est ce que nous a répondu le MDN.
Mme Betty Hinton: Je crois que ces chiffres seraient utiles, qu'il s'agisse de suicide ou de mort de plaignants qui attendaient une réponse. Je crois savoir qu'il y a des anciens combattants qui ont tout simplement renoncé et qui n'ont plus d'autre recours. Si, au sein des forces armées, on ne recueille pas ces statistiques et qu'on ne le fait pas non plus à l'extérieur des forces armées, et que vous ne le faites pas parce que vous n'avez pas les ressources nécessaires, il est évident que ces données ne sont pas recueillies.
Merci.
Le président: Normalement, à la fin de chaque série de questions, le président dispose de cinq minutes pour poser ses questions. Avec la permission des autres membres du comité, j'offre mes cinq minutes à monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Cela signifie-t-il qu'il n'y aura pas une autre série de questions?
Le président: C'est exact. J'en reparlerai à huis clos. J'ai cela par écrit.
Je sais que vous avez des questions et je veux que vous puissiez les poser. Si j'ai moi-même des questions, je vous les transmettrai.
M. Peter Stoffer: Monsieur le président, je crois que vous devriez user de votre prérogative pour interroger les témoins. N'hésitez pas.
Madame Finlay, vous êtes directrice générale des opérations; quand s'est produit l'incident du Chicoutimi, votre bureau est-il intervenu et a-t-il pris des mesures de prévention, comme le soulignait M. Bagnell? Vous savez qu'un incident s'est produit à bord du sous-marin et vous savez que ces sous-mariniers ont vécu une expérience traumatisante. Est-ce que vous prenez l'initiative d'aller les voir, eux et leur famille, ou attendez-vous les instructions des forces armées avant d'aller leur parler? Il ne s'agit pas de se mêler de l'enquête mais plutôt de demander aux sous-mariniers, essentiellement, comment ils se portent.
Mme Barbara Finlay: Normalement, la façon dont notre bureau fonctionne c'est que l'on repose sur les plaintes, donc nous comptons sur les gens pour prendre contact avec nous. Nous avons fait plusieurs choses suite à l'incident du Chicoutimi. L'ombudsman a pris contact avec le Chef d'état-major de la Force maritime, entre autres, pour offrir nos services à la commission d'enquête qui s'assemblait pour examiner ce qui est survenu sur le Chicoutimi. J'ai voyagé avec un de mes directeurs et j'ai fait une présentation devant la commission d'enquête sur les enseignements tirés d'études d'autres enquêtes importantes. Cela comprenait les préoccupations que certains membres de l'équipage et leurs familles avaient soulevées suite à d'autres expériences à ce sujet.
En ce qui concerne les services pour l'équipage du Chicoutimi et leurs familles, je me suis assuré que notre bureau ait une équipe d'accueil vraiment à jour en ce qui concerne les ressources disponibles. Nous surveillons de près l'histoire du Chicoutimi. Le bureau de l'ombudsman laisse les mécanismes et les enquêtes existants suivre leur cours avant de s'impliquer. Nous surveillons activement ce qui se passe à la commission d'enquête sur le Chicoutimi.
Nous leur avons recommandé d'être le plus ouvert et transparent que possible en fournissant des renseignements aux membres de l'équipage et à leurs familles. C'est ce qu'ils ont fait par le truchement de leur site Web. Ils mettent régulièrement leurs données à jour. À partir de l'expérience que nous avons vécue avec des cas précédents, nous les avons encouragés à prendre des mesures afin d'inclure la famille Saunders dans le processus afin qu'elle puisse assister à des réunions diverses et prendre contact avec eux. C'est ce qu'ils ont fait.
Il est plus facile pour nous, au lieu de servir de courroie de transmission, d'aider les gens à mettre la main sur les renseignements dont ils ont besoin immédiatement. Par exemple, il est probablement bien plus utile pour la famille Saunders de pouvoir assister aux travaux de la commission eux-mêmes et d'entendre ce qui se passe plutôt que de l'entendre de notre part. Nous étions ravis que la commission soit ouverte à ce genre d'idées et qu'elle ait passé à l'acte.
 (1240)
M. Peter Stoffer: Comme vous savez, les militaires ont interdit aux sous-mariniers du Chicoutimi de parler aux médias. Si dans les faits ils vous ont parlé et vous ont donné des renseignements personnels ou d'ordre confidentiel, est-ce que tout cela reste à l'intérieur de votre bureau, ou êtes-vous tenus de dire à la commission d'enquête ce que vous avez entendu?
M. André Marin: Non. Nous ne sommes pas tenus d'en parler à qui que ce soit. Le plaignant qui vient chez nous a le droit de le faire confidentiellement. Nous ne divulguerions des renseignements qui pourraient identifier la personne que si elle a renoncé à son droit de confidentialité par écrit.
En ce qui concerne les préoccupations d'ordre général que nous recevons au bureau, nous avons à l'occasion présenté les faits à la commission d'enquête sans divulguer l'identité des personnes lorsque nous croyions que cela pourrait être utile à la recherche d'une solution.
M. Peter Stoffer: Avez-vous les budgets ou les effectifs qui vous permettraient de voir ce que font d'autres pays pour le syndrome de stress post-traumatique, comme les forces armées britanniques, les Néerlandais, les Néo-zélandais, les Australiens et les Américains? Où nous situons-nous?
M. André Marin: Je pense que nous sommes légèrement au-dessus de la moyenne. Je crois que certains militaires en font beaucoup moins que nous pour traiter de cette question. Notre bureau a donné beaucoup d'élan à cette question. Nous avons travaillé de concert avec ce comité pour y donner un nouvel essor ces dernières années. Il y a eu l'expérience du général Dallaire. Il y a eu des événements qui ont incité les militaires à pouvoir aller de l'avant sur cette question, davantage qu'avant.
M. Peter Stoffer: Vous avez mentionné le fait que la Légion n'appuie pas l'idée que vous soyez l'ombudsman pour les affaires des anciens combattants. Avez-vous discuté de cette proposition avec les groupes d'anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes, avec le groupe de Cliff Chadderton, ou avec des groupes autochtones?
M. André Marin: Plusieurs groupes d'anciens combattants nous ont parlé de la nécessité d'avoir un ombudsman, que ce soit nous ou quelqu'un d'autre. Ils ont fortement appuyé cette idée. Les anciens combattants du groupe Gulf War One, par exemple, veulent avoir un ombudsman, et il y a également d'autres groupes qui partagent cette opinion. Par exemple, les anciens combattants victimes du gaz moutarde étaient très satisfaits que nous puissions les aider à résoudre leur problème et ils appuient également fortement l'idée d'avoir un ombudsman. Il y a donc plusieurs petits groupes qui appuient cette idée.
M. Peter Stoffer: J'aimerais obtenir une réponse à la question soulevée par M. O'Connor, à savoir si l'ombudsman doit servir deux maîtres. Je crois qu'il serait assez facile de régler ce problème. En fait, je n'y vois aucun problème du tout. Créer une toute nouvelle bureaucratie permet aux anciens combattants de se tourner vers quelqu'un. S'ils n'ont qu'à frapper à une seule porte et qu'on leur dit ensuite où aller, je crois que ça serait une bonne solution.
La dernière fois que nous nous sommes parlés en comité, nous avons discuté de l'uranium appauvri. Qu'en est-il de cette situation maintenant? Il semble qu'on l'ait un peu oubliée, mais je sais qu'il y a quelques anciens combattants dans ma circonscription qui me posent cette question à chaque mois, ou presque. Où en est rendu le dossier maintenant?
M. André Marin: La question de l'uranium appauvri, l'expérience en Croatie, le syndrome de la guerre du Golfe : ce qui unit toutes ces choses est la réaction des forces armées aux anciens combattants qui allèguent que leur santé s'est détériorée après leur expérience. En réaction à ces plaintes communes, nous avons initié une enquête sur les facteurs environnementaux auxquels auraient été exposés les anciens combattants. Donc, lorsque nous présenterons notre rapport, il portera précisément sur le genre de questions que vous soulevez. Ce sont tous des exemples d'anciens combattants qui allèguent que leur santé a été affectée et que le système les a rejetés après qu'ils aient fait état de leur préoccupation. Nous allons en parler dans le rapport.
Le président: Monsieur Perron, une minute.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Ce sont des commentaires au sujet de la réponse de Mme Finlay à l'effet que les gens de l'armée ont tendance à aller les voir. Personnellement, je crois pas que ce soit le cas, au contraire.
Je vais vous donner deux exemples. Le premier porte sur le NCSM Chicoutimi. J'étais à Halifax il y a environ trois semaines et j'ai rencontré des marins qui étaient à bord du NCSM Chicoutimi qui m'ont dit qu'ils en auraient beaucoup à dire, mais qu'ils craignaient des représailles. Ils ont ajouté qu'ils parleraient lorsqu'ils seraient à leur retraite. Je pourrais en citer trois.
Lorsque j'étais impliqué dans l'histoire entourant le stress post-traumatique, j'avais été invité à assister une réunion quasi secrète de militaires du Royal 22e Régiment de Valcartier qui se tenait dans un hôtel de Québec. Lorsqu'ils ont appris que j'y étais, ils ont décidé de ne pas tenir leur réunion en ma présence. Alors, je suis parti. La raison qu'ils m'ont donnée était qu'ils craignaient qu'il y ait des représailles. Ils disaient que si leurs noms devaient, par malheur, être mentionnés par la suite, ils étaient foutus. Et c'étaient des militaires en service.
Je trouve qu'il est anormal, lorsqu'il y a un problème à la Défense nationale, que les militaires se fassent entendre seulement lorsqu'ils sont à la retraite. Je m'interroge beaucoup à ce sujet. Je pense qu'il y a peut-être une espèce de tordage de bras, comme cela s'était produit il y a 10 ans, alors qu'on avait dit à l'équipage de pas parler à la presse sous peine de punition. J'ai l'impression que cela a paru dans les journaux, mais que ce n'était pas supposé paraître dans les journaux. Cependant, j'ai l'impression que c'est une situation régulière, malheureusement, au sein des Forces canadiennes et, peut-être, au sein de nos forces internationales, car le principe des forces armées a toujours été: fais ce que je te dis et non ce que tu penses. Ce principe étant, on l'applique jusqu'au bout. Cependant, en l'an 2005, ce principe ne fonctionne plus.
C'étaient mes commentaires sur ce sujet. Je ne voulais pas vous critiquer, madame, je voulais simplement vous faire part d'une expérience que j'ai vécue.
 (1245)
Le président: Je ne sais pas s'il y a une réponse à cela ou si c'était plutôt un commentaire.
J'aimerais remercier le brigadier-général Sharpe, M. Marin et Mme Finlay. Merci d'être venus aujourd'hui.
[Traduction]
Vous nous avez grandement aidés à rassembler des informations et à nous donner une meilleure idée de l'orientation que nous devons prendre. Vos réponses ont été très directes et très utiles. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres.
M. André Marin: Il m'a fait plaisir d'être ici, monsieur le président, et nous sommes disposés à revenir devant le comité à n'importe quel moment pour vous aider.
Le président: Merci.
Nous allons suspendre la séance pour une minute pour vous donner le temps de partir et ensuite nous allons siéger à huis clos pendant quelques instants.
[La séance se poursuit à huis clos]