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CIIT Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE

PETER JULIAN, DÉPUTÉ – PORTE-PAROLE DU NPD EN MATIÈRE DE COMMERCE – Le 28 mars 2007

« Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que nous aurions pu être. »

George Elliot

Le rapport du Comité permanent du commerce n’est pas équilibré parce qu’il n’est pas représentatif des opinions de beaucoup des groupes et associations progressistes qui sont venus dénoncer des pratiques commerciales déloyales devant le Comité. Il ne tient aucun compte du point de vue et du travail soutenu de groupes comme les syndicats ouvriers et les associations de promotion de la concurrence loyale, les spécialistes et les économistes, qui représentent ensemble des millions de Canadiens et des centaines de milliers de travailleurs.

Le NPD appuie certaines des recommandations faites dans le rapport (1, 2 et 3), mais parmi les autres, beaucoup sont boiteuses ou vagues ou découlent de conclusions erronées. 

Le Comité appuie la recommandation 13, qui propose d’aller de l’avant avec Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP) sans tenir d’audience ni faire de recherche préalables sur cette question pourtant cruciale pour la souveraineté canadienne. Par ailleurs, il ne dit rien dans le rapport et dans ses recommandations (surtout à la recommandation 4) des craintes qui lui ont été communiquées de maintes façons au sujet des secteurs de la construction automobile et navale. À la recommandation 9, il ne précise pas qu’avant de conclure le moindre accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE), le gouvernement devrait, à titre de pratique exemplaire, faire une étude d'impact examinant les conséquences de tels accords sur les droits de la personne.

Le NPD est heureux que le Comité ait apporté des modifications de fond aux recommandations 5, 6 et 7 de manière à mieux prévenir la perte d’avantages canadiens dans des secteurs stratégiques, à mieux appuyer sur le terrain les collectivités canadiennes qui s’efforcent de nouer des relations commerciales avec leurs pays d’origine et à faciliter davantage la commercialisation des produits canadiens afin qu’ils soient reconnus et appréciés à l’étranger. À la recommandation 22, le cadre décrit constitue un pas important vers la révision de nos priorités commerciales.

En général, le rapport repose sur l’hypothèse selon laquelle une déréglementation rapide et le soutien aveugle du libre-échange bilatéral engendreront une prospérité durable et réelle et permettront de créer des emplois, mais il ne tient aucun compte des faits qui trahissent un approfondissement des disparités ni de l’existence de nombreux modèles commerciaux qui diffèrent par leurs hypothèses de base et les solutions qu’ils proposent.

Par exemple, les faits démontrent que l’assise manufacturière canadienne s’effrite constamment depuis l’adoption de l’ALE et encore plus rapidement depuis celle de l’ALENA.

Ils montrent aussi que depuis la signature de l’ALE, moins de ménages canadiens se partagent une plus grande part des revenus, mais le rapport n’en recommande pas moins de conclure d’autres accords commerciaux bilatéraux du même genre même s’ils faussent de plus en plus la répartition de la richesse et qu’ils réduisent fortement l’espace politique dont disposent nos gouvernements, espace sans lequel le Canada ne pourra pas demeurer une nation souveraine.

Par exemple, les inégalités sont beaucoup plus prononcées au Canada depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA; 60 p. 100 des familles canadiennes ont subi une baisse de leur revenu et 20 p. 100 ont vu le leur stagner, alors que celui des Canadiens les plus riches a fortement augmenté.

Les accords bilatéraux du genre de l’ALE ou de l’ALENA ont fait augmenter le dumping fiscal, social et écologique, ce qui a entraîné une baisse des impôts, une réduction des programmes sociaux et un affaiblissement des normes environnementales, les exigences des investisseurs l’emportant toujours sur le développement social, les droits des travailleurs et les impératifs environnementaux.

Dans le cadre de l’ALENA, le gouvernement du Canada a concédé aux États-Unis un accès privilégié à nos ressources pétrolières et gazières, hydriques et forestières stratégiques en échange d’un mécanisme contraignant de règlement des différends qui ne fonctionne pas, comme la crise du bois d’œuvre l’a démontré. Les dispositions de l’ALENA sur le partage de l’énergie forcent le Canada à intensifier l’exploitation de ses ressources pétrolières et gazières non renouvelables à seule fin d’approvisionner l’économie américaine et à importer ensuite de sources non garanties la moitié du pétrole dont les consommateurs canadiens ont besoin. En plus de compromettre le bien-être économique des futures générations, cela cause des dommages irréversibles à l’environnement.

Dans un rapport (CA4FTA) publié en juin 2006 sur l’élargissement du libre-échange avec l’Amérique centrale, l’Association canadienne des avocats du mouvement syndical a signalé que les accords de libre-échange qui lient actuellement le Canada sont essentiellement mauvais et n’ont pas donné les résultats escomptés. L’Association y écrit : « Bien que les échanges commerciaux aient véritablement progressé entre les trois partenaires, on a du mal à en percevoir les bénéfices économiques pour les travailleurs. La croissance économique du Mexique par habitant s'est maintenue à […] 1 p. 100 au cours des dix dernières années. L'économie mexicaine n'a donc pas réussi à générer assez d'emplois pour une population active de plus en plus nombreuse, d'où des salaires nets qui ont baissé de 0,2 p. 100 par an les dix dernières années et qui ont eu pour effet d'accroître l'écart de revenus entre les États-Unis et le Mexique de 10,6 p. 100 en 10 ans.1 » 

Il s’agit moins de savoir s’il faut accroître le commerce ou le réduire que de déterminer quel système et quelles règles commerciales nous aideront le plus à développer notre économie et à réduire la pauvreté. À quelques notables exceptions près, le rapport majoritaire ne définit pas les solutions qui s’offrent à nous.

LES NÉO-DÉMOCRATES CROIENT que toute stratégie commerciale canadienne doit faire une place à tout le monde et ne pas céder le contrôle des éléments de notre politique d’expansion industrielle et de notre politique énergétique grâce auxquels les objectifs du marché demeurent compatibles avec l’intérêt public. Toute politique commerciale canadienne doit mettre en équilibre les besoins des entreprises et ceux des citoyens et de la société civile du Canada et être assortie des politiques complémentaires voulues pour assurer les investissements publics requis dans la santé, l’éducation et l’infrastructure.

La politique commerciale NÉO-DÉMOCRATE est fondée sur les principes suivants.

  • La protection de l’environnement mondial et la volonté de réduire la pollution. Les politiques commerciales ne devraient pas favoriser les pratiques qui mettent les écosystèmes en péril, comme le commerce de l’eau douce et la production ou l’exportation de technologies ou de produits nocifs.
  • La justice et l’engagement à user de pratiques commerciales loyales et à respecter les droits de la personne. Pour favoriser des pratiques commerciales loyales, notre politique commerciale doit promouvoir les droits des travailleurs, des conditions de travail décentes et le respect des enfants et de l’environnement par nos partenaires commerciaux. On associe trop souvent commerce et croissance de façon systématique alors qu’en fait, les pratiques commerciales déloyales nuisent à la concurrence et favorisent l’enrichissement d’une très petite minorité au détriment de la très grande majorité des citoyens.
  • La diversification des exportations. La politique commerciale du Canada devrait éviter de nous faire dépendre indument du marché américain et proscrire les accords commerciaux bilatéraux de genre de ceux que nous avons conclus et qui ont entraîné l’effritement rapide de notre assise manufacturière et la perte d’emplois de qualité sans nous laisser de marge de manœuvre. Le gouvernement fédéral parle de diversification, mais persiste à adopter des politiques qui ont pour effet d’accroître fortement notre dépendance à l'égard des États-Unis et l’intégration de notre économie à la leur.
  • Favoriser la production et la fabrication au Canada de produits comportant une plus grande valeur ajoutée et, notamment, adopter une stratégie d’approvisionnement « Canada d'abord » privilégiant les articles faits chez nous. Les crises que nous avons connues dans le commerce du bois d’œuvre, des textiles et de l’automobile nous ont montré que le Canada n’a pas de stratégie pour accroître la valeur ajoutée ici. Une politique commerciale fondée sur le principe du « fait au Canada » et visant à faire en sorte que nos chaînes de production ajoutent plus de valeur à nos produits protégerait les institutions canadiennes auxquelles nous tenons, nos services publics, et nous permettrait de continuer à prendre nous-mêmes les décisions importantes lorsque notre nation, nos collectivités, nos programmes sociaux et notre environnement sont en jeu.
  • La défense et la promotion de nos systèmes de gestion de l’offre et de nos offices de commercialisation. La gestion de l’offre stabilise les marchés agricoles hautement cycliques et les rend plus prévisibles sans fausser les prix mondiaux. Les offices de commercialisation permettent aux petits agriculteurs de transiger avec le marché et de bénéficier d’économies d’échelle. Ils sont non seulement essentiels aux exploitations agricoles familiales du Canada, dont la prospérité est à la base de l’économie rurale et de notre politique alimentaire nationale, mais ils sont aussi un modèle pour toutes les nations en développement qui veulent se doter de contre-mesures pour résister à la domination des agro-entreprises transnationales. Le Canada devrait s’attacher à promouvoir la gestion de l’offre dans les autres pays.
  • L’appui à une réforme de l’OMC. Il faut réformer les règles de l’OMC de manière à ce qu’elles précisent que les pays participants qui ne reconnaissent pas les droits de grève et de libre négociation collective et qui saccagent l’environnement violent les règles de la concurrence loyale. Des normes mondiales du travail seraient parfaitement compatibles avec le commerce, car elles permettraient à chaque pays d’acquérir ou de conserver un minimum de richesses et de stimuler son commerce intérieur.            
  • La protection de la souveraineté du Canada : Le rapport du Comité du commerce international appuie l’intégration poussée de notre économie à celle des États-Unis sans tenir compte de la nécessité de maintenir l’identité et la souveraineté canadiennes.

Les Néo-démocrates appuient le consensus dégagé à Ottawa lors du Deuxième Forum nord-américain pour une approche commerciale à dimension humaine, en juin 2006. Ce consensus vise à élaborer une approche au commerce qui soit basée sur le facteur humain de manière à favoriser la négociation et la conclusion démocratiques d’accords transparents et la présentation de mesures législatives similaires et compatibles dans les trois parlements nationaux. Il a pour but de faire en sorte que le processus du commerce et de l’investissement permette la création nette d’emplois de qualité assurant un revenu suffisant et stable aux travailleurs et ne mette pas en péril l’emploi, l’environnement ou la souveraineté chez les partenaires commerciaux.



[1] Propositions concernant le projet d'accord de libre-échange entre le Canada, le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua, Association canadienne des avocats du mouvement syndical, 6 juin 2006.