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CIMM Rapport du Comité

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LES CENTRES DE DÉTENTION ET LES CERTIFICATS DE SÉCURITÉ

INTRODUCTION

Le processus de délivrance de certificats de sécurité, qui permet de détenir et de déporter des non-citoyens sur la foi, largement, d’allégations non vérifiées établissant qu’ils présentent un risque pour la sécurité du Canada, fait partie du droit canadien de l’immigration depuis 1978. Au moment de la procédure judiciaire pour décider du caractère raisonnable ou non du certificat, le gouvernement peut présenter au tribunal des éléments de preuve confidentiels et secrets, qui sont communiqués au détenu sous la forme d’un résumé. Les autres éléments de preuve à l’appui de la délivrance du certificat de sécurité, qui renferment des renseignements sur les sources d’information et les techniques d’enquête, ou encore des renseignements fournis à titre confidentiel par un pays étranger, n’ont pas besoin d’être communiqués dans le résumé.

Peu utilisé, le processus fait néanmoins l’objet de critiques de la part des défenseurs des libertés civiles, des juristes et de la magistrature, notamment de la Cour suprême du Canada, lesquelles sont de plus en plus vives depuis les événements du 11 septembre 2001. Les détracteurs de ce processus soutiennent que le gouvernement exploite indûment la législation en matière d’immigration pour contrer la menace terroriste au lieu de recourir à l’arsenal des mesures que la Loi antiterroriste met à sa disposition et de porter des accusations fondées sur le Code criminel à l’endroit des personnes qui auraient contribué aux activités d’un groupe terroriste ou facilité les activités d’un tel groupe. Les détracteurs affirment aussi que le processus est injustement discriminatoire envers les non-citoyens, qu’il prive les personnes qui font l’objet d’un certificat de la possibilité d’être entendues, de réagir aux preuves réunies contre elles et de les contester et qu’il fait craindre que des personnes soient détenues indéfiniment sans qu’aucune accusation soit portée contre elles. Ce dernier danger est le plus palpable dans le cas où les personnes faisant l’objet d’un certificat de sécurité risquent la torture si elles sont déportées dans leur pays de nationalité ou leur pays de résidence habituelle.

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes a déterminé au début de la session parlementaire que le processus même de délivrance des certificats de sécurité et les conditions de détention des personnes visées méritaient qu’on s’y attarde. Il sait que deux autres comité parlementaires, le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste et le Sous-comité sur la revue de la Loi antiterroriste du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, ont abordé la question des certificats de sécurité dans le contexte de leur étude globale de la Loi antiterroriste et du cadre de protection de la sécurité nationale du Canada. Le Comité a pensé qu’une étude, portant spécifiquement sur le processus et sur les conditions de détention au Centre de surveillance de l’immigration de Kingston (CSIK) et les effets de la détention, permettrait de mieux saisir les coûts physiques et psychologiques du recours aux certificats de sécurité. Il n’est pas toujours possible de faire passer en jugement les personnes considérées, à juste titre, comme interdites de territoire au Canada, mais le Comité s’est efforcé ici de trouver des solutions aux lacunes du processus de délivrance des certificats de sécurité en matière d’équité procédurale. Il a étudié aussi les conditions de détention des personnes visées par un certificat de sécurité et les effets de la détention sur leur famille et recommandé des changements pour atténuer ceux-ci.

Le Comité a entendu de nombreux témoins et représentants de ministères. Des membres du Comité se sont rendus à Kingston (Ontario), le 31 octobre 2006, pour visiter le CSIK et parler aux responsables du Centre ainsi qu’aux personnes qui y étaient détenues. D’autres se sont rendus à Montréal pour y rencontrer une personne visée par un certificat de sécurité, qui a été remise en liberté sous condition.

Les questions relatives aux conditions de détention sont devenues plus pressantes encore après que les détenus du CSIK eurent entrepris une grève de la faim à la fin de 2006. Au début de février, l’un d’entre eux refusait de s’alimenter depuis plus de 70 jours, et l’état de santé des détenus était apparemment en train de se détériorer. Le 12 février 2007, les membres du Comité se sont de nouveau rendus à Kingston pour s’enquérir du bien-être des détenus et pour voir s’ils pouvaient être de quelque utilité pour aider à résoudre cette situation de plus en plus préoccupante. La grève de la faim se poursuit : au 26 mars 2007, un des détenus du CSIK faisait la grève de la faim depuis 110 jours.

LE PROCESSUS DE DÉLIVRANCE DES CERTIFICATS DE SÉCURITÉ

Le processus par lequel un non-citoyen peut être détenu et renvoyé sur la foi de preuves confidentielles établissant que celui-ci présente un risque pour la sécurité est décrit aux articles 77 à 85 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR)1. Avant 2007, la Cour fédérale a attesté la constitutionnalité de la procédure de délivrance de certificats de sécurité dans plusieurs décisions2. Dans l’affaire Suresh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), la Cour suprême laisse la porte ouverte à la possibilité de renvoyer les personnes visées par un certificat de sécurité vers leur pays de nationalité ou leur pays de résidence habituelle dans des circonstances exceptionnelles, même si elles y risquent la torture3. La Cour a affirmé la constitutionnalité de ce processus malgré la ratification, par le Canada, de la Convention contre la torture4 dont le paragraphe 3(1) interdit explicitement aux États parties d’extrader une personne vers un autre État où elle risque la torture et dont le paragraphe 2(2) interdit toute dérogation à cette prohibition. Cependant, dans un jugement rendu le 23 février 2007, la Cour suprême du Canada a accueilli des pourvois contestant la constitutionnalité du processus de délivrance des certificats de sécurité. Ainsi, dans l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration)5, la Cour suprême a invalidé certains éléments du processus de délivrance des certificats de sécurité et donné au gouvernement un an pour adopter des dispositions conformes à la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

A. La Loi

La délivrance d’un certificat de sécurité repose sur l’article 77 de la LIPR, laquelle porte ce qui suit :

Le Ministre [de la Citoyenneté et de l’Immigration] et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile déposent à la Cour fédérale le certificat attestant qu’un résident permanent ou qu’un étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée pour qu’il en soit disposé au titre de l’article 80.

Les articles 82 et 83 de la LIPR permettent l’arrestation et la mise en détention de résidents permanents et de ressortissants étrangers faisant l’objet d’un certificat de sécurité. Dans le cas d’un ressortissant étranger (quelqu’un qui n’est ni un citoyen canadien ni un résident permanent), la détention est obligatoire et n’exige pas de mandat d’arrestation. Dans le cas d’un résident permanent, l’arrestation et la détention sont facultatives et doivent être autorisées par mandat. Si un résident permanent (quelqu’un qui n’est pas citoyen canadien, mais qui a obtenu le droit d’entrer et de demeurer au Canada à titre plus que temporaire) est détenu avant que la Cour fédérale statue sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité qui le concerne, la Cour fédérale doit se prononcer sur le bien-fondé du maintien en détention, la première fois au plus tard 48 heures après le début de la détention et tous les six mois par la suite jusqu’à ce qu’il soit autorisé à rester au Canada, ou renvoyé. Par contre, un ressortissant étranger n’a pas droit à un contrôle du bien-fondé de sa détention tant que la Cour fédérale ne s’est pas prononcée sur le caractère raisonnable du certificat. Cependant, une fois le certificat confirmé, aux termes de l’article 84 de la LIPR, le ressortissant étranger peut demander un contrôle du bien-fondé de sa détention s’il n’a pas été renvoyé dans les 120 jours. Un juge peut ordonner sa mise en liberté à certaines conditions s’il estime que la personne ne présentera pas un danger pour la sécurité nationale du Canada si elle est libérée.

L’article 80 de la LIPR porte que, une fois qu’un certificat a été délivré, un juge de la Cour fédérale « décide du caractère raisonnable du certificat […] compte tenu des renseignements et autres éléments de preuve dont il dispose ». Or, la « norme des « motifs raisonnables de croire » exige que le juge se demande s’il existe « un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi6 ». Le critère utilisé pour déterminer si la personne visée présente un danger pour le Canada et doit être détenue repose sur un « soupçon objectivement raisonnable ». Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) :

« [Une] personne constitue un "danger pour la sécurité du Canada" si elle représente, directement ou indirectement, une grave menace pour la sécurité du Canada. La menace doit être "grave" en ce sens qu’elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable. »7

Lors de l’audience, le juge de la Cour fédérale est tenu, à la demande du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, d’examiner, « en l’absence du résident permanent ou de l’étranger et de son conseil, tout ou partie des renseignements ou autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte, selon lui, à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui8 ». Le juge doit communiquer au résident permanent ou au ressortissant étranger un résumé de la preuve de manière que la personne concernée soit suffisamment informée des raisons ayant motivé la délivrance du certificat. Selon la description qu’en a faite un représentant du ministère de la Justice entendu par le Comité, ce résumé exclut « les renseignements qui divulgueraient la source des renseignements, surtout lorsque la sécurité de la source pourrait être compromise; les renseignements qui révéleraient les techniques d’enquête et les renseignements qui ont été fournis, confidentiellement, par des gouvernements étrangers9 ». Le juge peut cependant tenir compte des éléments d’information exclus du résumé pour rendre sa décision sur le caractère raisonnable du certificat s’il les considère comme pertinents10. Le juge peut aussi admettre en preuve « tout élément qu’il estime utile — même inadmissible en justice — et peut fonder sa décision sur celui-ci11 ».

L’article 79 de la LIPR porte que, durant l’audition de la Cour fédérale sur le caractère raisonnable du certificat, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ou la personne visée par le certificat de sécurité peut demander la suspension de l’affaire, le temps que le Ministre étudie une demande d’examen des risques avant renvoi. Cet examen sert à déterminer si la personne concernée risque la torture, la mort ou des traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée dans son pays de nationalité ou son pays de résidence habituelle12. Si le Ministre détermine que la personne serait exposée à un des risques précités et que le danger auquel elle serait exposée si elle était renvoyée est plus grand que le danger pour la sécurité, le Ministre peut surseoir à la mesure de renvoi13. Si le Ministre détermine que tel n’est pas le cas, il peut rejeter la demande de protection14. Dans l’un ou l’autre cas, une fois que le Ministre a pris une décision, le juge de la Cour fédérale reprend l’audience sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité. Il doit en même temps statuer sur le caractère légal de la décision rendue par le Ministre au sujet de la demande d’examen des risques avant renvoi.

Aux termes du paragraphe 80(3) et de l’article 81 de la LIPR, une fois que le juge s’est prononcé sur le caractère raisonnable du certificat, sa décision n’est pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire. Le certificat devient une preuve concluante que la personne qu’il vise est interdite de territoire au Canada et peut être renvoyée sans qu’un contrôle soit nécessaire. En outre, une fois qu’une décision est rendue sur le caractère raisonnable du certificat, la personne concernée ne peut pas demander d’examen des risques avant renvoi.

C’est l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), laquelle relève du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui est la plus active dans le processus de délivrance des certificats de sécurité. Depuis décembre 2003, elle est chargée des fonctions de renseignement, d’interdiction et d’exécution du programme d’immigration du Canada, fonctions qu’assumaient auparavant Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Cependant, comme on l’a dit, CIC joue un rôle dans le processus de délivrance des certificats de sécurité puisque tout certificat doit être signé à la fois par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. De plus, c’est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration qui rend les décisions afférentes aux demandes d’examen des risques avant renvoi présentées dans le contexte de l’étude par la Cour fédérale du caractère raisonnable d’un certificat de sécurité.

B. A-t-on souvent recours aux certificats de sécurité?

Il est important de noter que, depuis 1991, seulement 28 certificats de sécurité ont été délivrés, dont six depuis septembre 2001. Sur les 28 certificats, 19 ont entraîné la déportation de la personne visée, la dernière fois le 26 décembre 2006 quand un citoyen russe, qui vivait au Canada sous le nom de Paul William Hampel, a fait l’objet d’un certificat de sécurité confirmé par la Cour fédérale et a été renvoyé pour s’être livré à des activités d’espionnage15. Trois certificats ont été annulés par les tribunaux, mais un a été rétabli par la suite16. Actuellement, six personnes font l’objet d’un certificat de sécurité : Mohamed Harkat, Hassan Almrei, Adil Charkaoui, Mohamed Mahjoub, Mahmoud Jaballah et Manickavasagam Suresh. Trois d’entre elles, MM. Suresh, Charkaoui et Harkat, ont été libérées sous réserve de strictes conditions. Trois, MM. Almrei, Jaballah et Mahjoub, sont actuellement détenues au CSIK. MM. Mahjoub et Jaballah ont fini par obtenir leur libération du CSIK sous condition au début de 2007 et attendent que le tribunal se prononce sur leurs conditions de mise en liberté. Ces six personnes font l’objet d’un certificat de sécurité fondé sur des allégations voulant qu’elles aient des liens avec des organisations terroristes ou qu’elles se soient livrées, se livrent ou se livreront à une activité terroriste.

C. Les appels de MM. Charkaoui, Harkat et Almrei auprès de la Cour suprême du Canada

En juin 2006, la Cour suprême a entendu les appels de MM. Charkaoui, Harkat et Almrei, qui contestent tous la constitutionnalité du processus de délivrance des certificats de sécurité prévu dans la LIPR. Les appelants ont soutenu que le processus portait atteinte aux libertés garanties à l’article 7 de la Charte du fait qu’il prévoit des privations de liberté contraires aux principes de la justice fondamentale. Ils ont affirmé en particulier que, comme le processus de délivrance des certificats de sécurité permet au gouvernement de présenter les éléments de preuve contre eux durant des audiences à huis clos, dont eux et leurs conseils sont exclus et qu’ils ne disposent que d’un résumé de ceux-ci, ils ont été privés de la possibilité d’entendre les arguments invoqués contre eux, d’y répondre et de les contester.

De plus, les intervenants dans cette cause ont fait valoir que le processus de délivrance des certificats de sécurité allait à l’encontre du droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte. Ils ont soutenu que les non-citoyens forment un groupe défavorisé qui est à la merci de mesures répressives en périodes d’insécurité. Puisque les non-citoyens et les citoyens ont des droits en vertu de la Charte et que le processus de délivrance de certificats de sécurité établit une distinction entre les non-citoyens et les citoyens (et entre les différentes catégories de non-citoyens aux fins de l’examen des motifs de détention), le processus est discriminatoire.

Enfin, on allègue que la détention de prisonniers contrevient au droit des détenus à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités, garantit par l’article 12, puisque les certificats de sécurité peuvent imposer des périodes de détention prolongées et indéfinies, parfois en isolement, sans possibilité de se prévaloir de bon nombre des programmes offerts aux criminels reconnus.

Durant l’audience devant la Cour, les appelants ont aussi fait valoir que les dispositions incriminées n’étaient pas protégées par l’article un de la Charte parce que le processus ne constitue pas une « règle de droit » établie dans des « limites raisonnables » qui peut être justifiée « dans le cadre d’une société libre et démocratique ». En particulier, les appelants soutiennent que le processus ne répond pas à la condition d’« atteinte minimale » afférente à l’article 1 de la Charte : les mesures législatives contestées ne constituent pas une atteinte minimale aux droits des personnes visées. D’abord, les intervenants dans l’affaire ont fait valoir que l’atteinte est plus importante que nécessaire parce que des accusations criminelles pourraient être portées contre des personnes soupçonnées d’activités terroristes. Les conseils des appelants, ainsi que de nombreux intervenants, ont aussi affirmé qu’il existe une solution supérieure sous la forme d’une sorte d’un système d’avocats spéciaux dans lequel la Cour nommerait un avocat jouissant d’une habilitation sécuritaire (pas nécessairement le conseil de la personne concernée), qui pourrait être présent quand le gouvernement présente sa preuve et serait autorisé à contester celle-ci au nom de la personne visée. Ils sont d’avis que ce mécanisme rend le processus plus équitable pour la personne faisant l’objet d’un certificat, et préserve la nature contradictoire des procédures devant les tribunaux canadiens17. Il est intéressant de noter que certains juges canadiens ont exprimé publiquement leurs réserves au sujet du processus de délivrance des certificats de sécurité du fait qu’il les force à vérifier la preuve, un rôle dont ils n’ont pas l’habitude18.

Le 23 février 2007, durant la rédaction du présent rapport, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision. Dans l’affaire Charkaoui, elle est partie du principe voulant que « le droit à une audition équitable comprend le droit à une audition devant un magistrat indépendant et impartial, qui rend une décision fondée sur les faits et sur le droit, le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d’y répondre19 ». Elle a statué que le processus de délivrance des certificats de sécurité présentait deux défauts qui le rendaient incompatible avec la Charte. La Cour a établi que l’alinéa 78g) de la LIPR, qui permet d’exploiter des renseignements secrets qui ne sont pas communiqués à la personne concernée, viole le droit à la vie, la liberté et la sécurité de la personne garantit à l’article 7 de la Charte. Cette disposition ne peut en outre être validée par l’article premier de la Charte parce qu’elle ne peut pas être considérée comme une atteinte minimale. La Cour a déclaré :

Il ressort clairement des mesures mises en place par d’autres régimes démocratiques, et par le Canada lui‑même dans d’autres situations relatives à la sécurité, qu’il est possible de concevoir des solutions qui protègent les renseignements de sécurité confidentiels, tout en portant moins atteinte aux droits des intéressés20.

La Cour ayant indiqué qu’on porterait moins atteinte aux droits en permettant à un avocat spécial de participer au processus de délivrance des certificats de sécurité, il s’ensuit implicitement que si le Parlement modifiait la Loi pour prévoir l’intervention d’un avocat spécial, le processus serait alors conforme à la Charte.

Pour donner au Parlement le temps de modifier la LIPR, la prise d’effet de la déclaration invalidant l’alinéa 78g) est reportée d’un an à compter de la date du jugement. Ainsi, à partir du 23 février 2008, les certificats de sécurité déjà délivrés ne seront plus considérés comme raisonnables, et les six personnes qu’ils visent pourront demander leur annulation. Par contre, il est probable que si le gouvernement modifie la LIPR dans l’année, les certificats concernant les six personnes en question pourraient être délivrés de nouveau et la Cour fédérale en déterminerait alors le caractère raisonnable suivant les nouvelles modalités concernant l’intervention d’un avocat spécial.

La Cour suprême a déterminé aussi que le paragraphe 84(2) de la LIPR, qui ne permet pas d’examen de la détention des ressortissants étrangers avant 120 jours après confirmation du caractère raisonnable du certificat, contrevient aux dispositions interdisant la détention arbitraire contenues à l’article 9 et à l’alinéa 10c) de la Charte. La Cour a statué que les ressortissants étrangers devraient avoir les mêmes droits que les résidents permanents dans ce contexte, ce qui veut dire qu’ils ont droit à un examen de leur détention dans les 48 heures.

La Cour a en revanche rejeté les arguments voulant que la distinction entre citoyens et non-citoyens contrevienne aux dispositions de l’article 15 sur l’égalité. Elle a en outre déterminé que la possibilité d’une période de détention indéfinie ne contrevient pas à l’article 12 qui protège contre les peines cruelles et inusitées du fait que les détentions sont réexaminées tous les six mois et que les personnes concernées ont alors une réelle possibilité de libération assortie de conditions. Enfin, la Cour a décidé que ni l’absence d’un
droit d’appel de la décision de la Cour fédérale portant que le certificat est raisonnable, ni les dispositions qui permettent de lancer un mandat d’arrestation contre un ressortissant étranger, ne sont incompatibles avec la primauté du droit.

CE QUE LE COMITÉ A ENTENDU AU SUJET DU PROCESSUS DE DÉLIVRANCE DES CERTIFICATS DE SÉCURITÉ

Un témoin du ministère de la Justice entendu par le Comité dans le cadre de son étude a insisté sur le caractère extraordinaire et exceptionnel du processus de délivrance des certificats de sécurité21. Selon ses dires, le nombre de certificats de sécurité délivrés depuis 1991 s’élèverait en moyenne à moins de deux par année. Ce témoin a aussi fait ressortir les mesures de protection prévues pour garantir l’équité du processus de délivrance, faisant valoir d’abord que la Cour fédérale a un droit de regard sur la décision rendue par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et celui de la Sécurité publique concernant la délivrance du certificat. Lors de cet examen, « la Cour a accès à tous les renseignements, y compris les renseignements confidentiels, sur lesquels le gouvernement se fonde22 ». Deuxièmement, toute personne visée par un certificat et son avocat reçoivent un résumé des éléments de preuve présentés par le gouvernement qui est « assez détaillé, alors la personne connaît avec un certain détail les allégations qui pèsent contre elle23 ». En réponse aux réserves exprimées au sujet du fait que le principal intéressé et son avocat ne voient pas tous les éléments de preuve, ce même témoin a fait valoir que « la Cour examine rigoureusement la preuve du gouvernement24 ».

Le représentant du ministère de la Justice, qui a comparu comme témoin avant que le jugement Charkaoui ne soit rendu public, a insisté sur le fait que la Cour fédérale et la Cour fédérale d’appel avaient toutes deux jugé que le processus de délivrance des certificats de sécurité était conforme à la Constitution. Le même représentant a de plus affirmé que la Cour fédérale a toujours estimé que la présence d’un avocat spécial ou amicus curiae n’est pas nécessaire pour que la procédure soit constitutionnelle. Conscient que l’intervention d’un avocat spécial dans le processus de délivrance des certificats de sécurité constituerait vraisemblablement une amélioration, le témoin a néanmoins affirmé ceci :

Assurément, même si vous avez un avocat spécial, il y a des limites, des paramètres concernant les communications entre l’avocat spécial et l’individu une fois que les renseignements ont été divulgués à un avocat spécial; c’est‑à‑dire que des limites empêchent que ce genre de processus arrive au niveau des normes des procès criminels. Un certain nombre d’avocats spéciaux qui avaient été utilisés [en Grande-Bretagne] se sont en fait désistés en partie à cause de ces raisons25.

S’il a insisté sur le caractère exceptionnel du processus de délivrance des certificats de sécurité, le représentant du ministère de la Justice a reconnu que le processus pose certains dilemmes et certaines difficultés. À cet égard, il a évoqué une décision de la Cour fédérale concernant la détention de M. Jaballah. Dans cette affaire, la Cour a jugé que M. Jaballah était en droit d’exiger un examen des motifs de la détention en vertu de l’article 15 de la Charte, avant que la Cour ne se prononce sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité délivré à son endroit26. Le représentant a aussi reconnu qu’à la suite de la décision rendue le 15 octobre 2006 par la Cour fédérale du Canada, qui estimait que M. Jaballah ne pouvait en aucun cas être renvoyé dans son pays parce qu’il risquait d’y être torturé, les personnes visées par certificat de sécurité qui refusent de quitter le Canada de leur propre gré risquent de se retrouver en détention pendant de très longues périodes. Aux dires de ce témoin, c’est là une source de « préoccupation27 », même s’il est extrêmement difficile par contre de porter des accusations contre des personnes visées par des certificats de sécurité et de les poursuivre en justice parce qu’ :

[…]aucun pays, aucun pays libéral, aucun pays démocratique n’a trouvé une façon de poursuivre efficacement les personnes accusées de terrorisme lorsque la nature du cas, c’est qu’une partie de la preuve est une preuve secrète qui ne peut être dévoilée à la personne concernée, alors c’est un dilemme qui touche tous les pays occidentaux et aucun n’a réussi à le résoudre28.

Les groupes de défense qui militent en faveur de la modification ou de l’abolition du processus de délivrance des certificats de sécurité, les personnes directement visées par ce processus et les membres de leurs familles ont pour leur part exprimé un autre point de vue sur la question. Ces témoins ont sérieusement mis en doute l’équité du processus et ont attiré l’attention du Comité sur différents problèmes. Par exemple, Amnistie internationale a fait savoir qu’à son avis, la détention obligatoire des ressortissants étrangers est inquiétante, comme en témoigne la déclaration suivante du représentant de cet organisme devant le Comité :

Je crains qu’il y ait discrimination. En avril 2006, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans son examen de la mise en application par le Canada du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a exprimé certaines inquiétudes au sujet de la délivrance des certificats de sécurité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et, en particulier, de la détention obligatoire des ressortissants étrangers qui ne sont pas des résidents permanents.

Dans son rapport, le Comité des droits de l’homme s’interroge sur la détention automatique de tout résident non permanent en vertu du processus de délivrance de certificats de sécurité et sur le fait que la Cour fédérale semble hésiter à accorder la libération sous caution, même lorsque des garanties considérables sont fournies. Cela soulève de sérieuses craintes de discrimination. C’est ce qu’a soutenu Amnistie internationale dans son intervention devant la Cour suprême29.

D’autres témoins se sont dits préoccupés par le fait que le processus fait une distinction entre les citoyens ne pouvant faire l’objet d’un certificat de sécurité et les ressortissants étrangers de même que les résidents permanents. Comme l’a indiqué la représentante de la Coalition Justice pour Adil Charkaoui, lorsqu’elle a comparu devant le Comité :

Selon nous, l’égalité est le point essentiel qui doit être examiné. Le processus des certificats de sécurité n’est utilisé que pour des personnes sans statut juridique ni citoyenneté à part entière au Canada, à savoir les résidents permanents, les réfugiés et les personnes qui demandent le statut de réfugié. Il s’agit d’une situation de discrimination où des particuliers, en raison de leur statut juridique, font l’objet de violations de leurs droits fondamentaux à la vie, à la liberté et à la sécurité.

Nous attendons toujours une réponse satisfaisante qui pourrait expliquer pourquoi et comment cette discrimination est justifiée – nous ne pensons pas qu’elle puisse l’être ‑ et nous croyons qu’il s’agit là du point essentiel qui doit être réglé dans toute solution proposée pour résoudre ce problème30.

Les témoins entendus par le Comité ont soulevé un certain nombre d’autres préoccupations. La norme de preuve à laquelle doit se conformer le gouvernement pour faire valoir ses arguments devant la Cour fédérale s’appuie sur des « motifs raisonnables de croire »; ce qui est beaucoup moins contraignant que la norme applicable aux procès criminels qui oblige à établir la « preuve au‑delà de tout doute raisonnable31 ». Des témoins se sont dits préoccupés par le fait que les éléments de preuve sur lesquels s’appuie le gouvernement pour justifier la délivrance d’un certificat peuvent provenir de pays ayant de piètres antécédents en matière de droits de la personne et ne pas être dignes de foi32. Le fait que la décision de la Cour fédérale concernant le caractère raisonnable du certificat soit sans appel a également été mis en évidence parmi les sujets de préoccupation33. D’autres témoins ont déploré qu’il n’y ait encore aucune disposition dans le droit canadien pour interdire de façon absolue le renvoi vers des pays où la torture se pratique34. Plusieurs témoins ont dit craindre aussi que les personnes visées par des certificats de sécurité ne soient détenues indéfiniment, en particulier si elles ne peuvent être renvoyées du Canada parce qu’elles risquent d’être torturées35. Enfin, quelqu’un a fait valoir que lorsqu’une personne représente effectivement une menace pour la sécurité, son renvoi vers un autre pays ne fait que déplacer le problème ailleurs :

Souvent, la déportation équivaut simplement à libérer une personne. Que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, nous avons observé pendant des années une pratique beaucoup trop répandue consistant à déporter simplement les présumés terroristes ou les individus soupçonnés d’autres types d’abus graves des droits de la personne, lesquels s’en tirent impunément. La justice est bafouée et le risque à la sécurité demeure36>.

Dans leur mémoire en date du 16 novembre 2006, MM. Almrei, Jaballah et Mahjoub décrivent l’incidence du processus sur leurs conditions de détention. Ils y affirment, par exemple, ce qui suit :

Aux termes des dispositions législatives sur les certificats de sécurité, on nous a qualifiés de menaces à la sécurité nationale et accusés d’être des « terroristes » sans que nous ayons pu bénéficier de l’application régulière de la loi. Le traitement punitif et très contraignant que nous avons reçu au Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto-Ouest et au CSIK résulte directement de cette désignation injuste. Certains d’entre nous ont subi de longues périodes d’isolement cellulaire. Nous avons enduré des humiliations, des sarcasmes, des raclées et des menaces parce que nous étions considérés comme des terroristes. L’amélioration des  politiques  discriminatoires au CSIK n’améliorera pas nécessairement notre sort, car en pratique cette étiquette de terroristes nous expose aux mauvais traitements des gardiens et du personnel et sert d’excuse pour nous refuser les droits et privilèges accordés aux autres détenus37.

Ils y évoquent aussi le stress de devoir vivre constamment dans la crainte d’être renvoyés dans leurs pays d’origine, où ils risquent la torture :

Comme les certificats de sécurité facilitent l’expulsion, nous vivons constamment sous la menace d’une expulsion vers les pays qui utilisent des méthodes de torture pires que celles dont a été victime M. Arar. Cette situation quotidienne est d’autant plus réelle que les avocats du gouvernement soutiennent qu’il est acceptable de nous expulser vers les pays qui pratiquent la torture et que les ministres de la Sécurité publique et de l’Immigration ont déclaré publiquement que nous pouvons quitter le Canada à tout moment. Aucun autre détenu ne fait face à cette menace constante. Nous vous demandons d’affirmer, conformément au droit international, que le Canada ne devrait jamais expulser des personnes vers les pays qui pratiquent la torture38.

Bon nombre de témoins représentant des organismes autres que gouvernementaux sont d’avis qu’il faudrait carrément abolir le processus de délivrance des certificats de sécurité, et que le seul recours utilisé contre les personnes soupçonnées d’entretenir des liens avec des organisations terroristes, sans égard à leur citoyenneté canadienne ou non, devrait consister à porter des accusations et à engager  des poursuites en vertu du Code criminel, lorsque les éléments de preuve recueillis le justifient. Certains témoins estiment toutefois qu’il faudrait modifier le processus de délivrance des certificats de sécurité pour le rendre plus juste sur le plan de la forme, et que le recours à des poursuites pénales devrait être la méthode privilégiée et non la seule à être utilisée à l’endroit des résidents permanents et des ressortissants étrangers soupçonnés d’entretenir de tels liens ou d’agir pour le compte de telles organisations.

En conséquence, le Comité recommande :

Recommandation 1

§   Que le gouvernement du Canada respecte la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration) et qu’il modifie la LIPR de manière à prévoir l’intervention d’un avocat spécial lors de l’instance devant la Cour fédérale pour déterminer le caractère raisonnable d’un certificat de sécurité.

Recommandation 2

§   Que l’avocat spécial soit un avocat possédant l’attestation de sécurité requise désigné pour représenter les intérêts de la personne visée par le certificat et pour vérifier les éléments de preuves confidentiels ou secrets présentés par le gouvernement;

Recommandation 3

§   Que les mesures mises en œuvre pour permettre l’intervention d’un avocat spécial offrent aux détenus, sous réserve des considérations relatives à la sécurité nationale et d’une atteinte minimale aux droits des détenus, la possibilité de répondre aux allégations formulées contre eux en prenant connaissance de la preuve et en ayant la possibilité de la contester ou de présenter une contre‑preuve;

Recommandation 4

§   Que le gouvernement instaure une politique prévoyant que le recours à des accusations en vertu du Code criminel sera le moyen privilégié pour intervenir dans les cas de résidents permanents ou de ressortissants étrangers soupçonnés de participer à des activités terroristes, d’y contribuer ou d’en faciliter le déroulement;

Recommandation 5

§   Que le gouvernement adopte une loi pour modifier la LIPR afin d’empêcher que des résidents permanents ou des ressortissants étrangers ne soient renvoyés vers leurs pays de nationalité ou de résidence habituelle s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’ils risquent d’être torturés, que leur vie sera en danger ou qu’ils s’exposent à subir des peines ou des traitements cruels et inusités dans ces pays;

Recommandation 6

§   Que le gouvernement adopte une loi pour limiter la durée de détention des personnes visées par des certificats de sécurité dont la Cour fédérale a confirmé le caractère raisonnable et exiger que ces personnes soient accusées ou poursuivies en vertu du Code criminel ou libérées sans condition au terme de cette période;

Recommandation 7

§   Que le gouvernement adopte une loi pour permettre d’en appeler auprès de la Cour fédérale d’appel et, sur autorisation, auprès de la Cour suprême du Canada, d’une décision de la Cour fédérale sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité;

Recommandation 8

§   Que le gouvernement veille à ce que les services de police et de renseignement disposent des ressources nécessaires pour faire enquête sur les allégations d’activités criminelles liées à la sécurité, au terrorisme, à l’espionnage et au crime organisé et porter des accusations en conséquence en vertu du Code criminel.

LE CENTRE DE SURVEILLANCE DE L’IMMIGRATION DE KINGSTON (CSIK) ET LES CONDITIONS DE DÉTENTION

Certains des détenus gardés au CSIK s’y trouvent depuis quelques années déjà. M. Jaballah y a été détenu durant sept mois en 1999 et y est gardé sans interruption depuis août 2001, même s’il est apparemment sur le point d’obtenir une nouvelle libération conditionnelle. M. Almrei y est détenu depuis octobre 2001. Les personnes relâchées sous conditions y ont également fait de longs séjours avant d’obtenir leur libération. Ainsi, M. Harkat a été détenu de décembre 2002 à juin 2006; M. Charkaoui, de mai 2003 à février 2005 et M. Suresh, d’octobre 1995 à mars 1998. M. Mahjoub a été incarcéré en juin 2000 et attend sa mise en liberté sous conditions.

Jusqu’à récemment, les personnes détenues en vertu de certificats de sécurité étaient gardées dans des établissements de détention provinciaux, comme le Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto‑Ouest ou le Centre de détention de la région Ottawa‑Carleton. Ces établissements sont conçus pour accueillir les contrevenants devant purger des peines de moins de deux ans d’emprisonnement et ceux accusés de crimes (parfois violents et graves) qui attendent leur audience de cautionnement, ou dont la demande de cautionnement a été rejetée et qui attendent leur procès. Ils ne sont pas conçus pour accueillir des détenus à long terme et n’offrent pas les programmes et services normalement accessibles dans bon nombre de pénitenciers fédéraux, comme des programmes de formation et d’éducation, un accès plus facile à des livres et de meilleurs privilèges de visites. Ces établissements ne sont pas non plus conçus pour accueillir des personnes qui, du fait de leur manque d’expérience du système pénitentiaire, peuvent se trouver en danger parmi la population carcérale ordinaire. C’est ce qui explique qu’au cours de leur détention dans ces établissements, certaines des personnes détenues en vertu d’un certificat de sécurité aient été placées dans des unités d’isolement. Ces unités sont généralement réservées aux délinquants très violents ou à haut risque, et on y offre très peu de programmes, de services ou de privilèges39.

Comme ces établissements provinciaux convenaient mal à la détention à long terme, et puisque la détention de certaines ou de l’ensemble des personnes visées par un certificat de sécurité semblait susceptible de se prolonger, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile a créé le CSIK qui est un établissement de détention spécialement conçu pour les personnes visées par un certificat de sécurité en vertu de la LIPR40. Le CSIK est situé dans les locaux du pénitencier de Millhaven à Bath, près de Kingston, en Ontario. Il a ouvert ses portes le 26 avril 2006 et les personnes toujours détenues en vertu d’un certificat de sécurité y ont aussitôt été transférées41. Située derrière les murs du pénitencier de Millhaven, l’unité est constituée de bâtiments séparés et autonomes, soit une roulotte et un pavillon administratif. Les détenus n’ont aucun contact avec les autres prisonniers de Millhaven. L’ASFC gère le CSIK et en établit les politiques, tandis que le SCC fournit presque tous les services destinés à cet établissement, et que l’essentiel du personnel affecté à l’unité est constitué d’employés du SCC engagés à contrat par l’ASFC. Le SCC est responsable du fonctionnement quotidien de l’établissement.

En créant une unité distincte, on espérait que les détenus auraient ainsi accès à plus de privilèges, de libertés et de programmes que dans les centres de détention provinciaux. La situation à ce chapitre s’est effectivement améliorée depuis l’ouverture du nouvel établissement, mais la création du CSIK n’est pas une panacée. Par exemple, les détenus du CSIK ont entamé une grève de la faim en mai 2006. Selon les reportages parus dans les médias, les détenus voulaient ainsi jouir d’un meilleur accès à la cantine et aux téléphones42>. Ils ont mis fin à leur grève en juin 2006 après avoir obtenu satisfaction; ils continuent toutefois de se plaindre de problèmes comme la climatisation déficiente dans les locaux où ils sont gardés et les trop longs délais pour obtenir l’autorisation d’utiliser le téléphone43.

Au moment de la rédaction du présent rapport, les détenus visés par des certificats de sécurité avaient entamé une nouvelle grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention44

CE QUE LE COMITÉ A VU ET ENTENDU AU SUJET DU CSIK

A. Témoignage des représentants de l’ASFC

Les représentants de l’ASFC ont fait savoir au Comité que même si la responsabilité de l’établissement relève de l’ASFC, ce sont des employés du SCC en affectation spéciale qui fournissent les services à l’établissement, principalement parce que cette clientèle est considérée comme étant à haut risque45. Les représentants de l’ASFC ont aussi indiqué que tous les détenus reçoivent un dépliant d’information au sujet de l’établissement de même que de « l’information précise sur l’établissement de détention46 ». Il y a aussi des protocoles opérationnels en place, appelés les directives du président, qui régissent le fonctionnement du CSIK. Les protocoles énoncés dans les directives du président portent notamment sur le mode de prestation des soins de santé, le respect des pratiques religieuses, l’accès au grand air et au gymnase ainsi que sur les règles applicables aux visites, aux appels téléphoniques et aux services de cantine47.

En ce qui a trait au traitement des plaintes, les représentants de l’ASFC ont fait savoir que celles-ci sont acheminées soit à l’ASFC ou au SCC, dépendamment de leur nature. Comme l’a précisé une représentante de l’ASFC :

La procédure de règlement des plaintes est] une procédure à trois étapes. Par exemple, si c’est une question de santé, elle est renvoyée directement à l’autorité sanitaire du Service correctionnel du Canada. Si la question n’est pas réglée au plus bas niveau là‑bas, elle passe à l’étape suivante et ensuite, à la suivante. L’Agence des services frontaliers du Canada et le Service correctionnel du Canada interviennent à chacune des étapes du processus.

S’il s’agit d’une question opérationnelle, la question est alors renvoyée au Service correctionnel du Canada. S’il s’agit d’une question de politique, l’Agence des services frontaliers du Canada s’en charge. Tout est mis en œuvre pour que les questions soient résolues au plus bas niveau possible et pour favoriser leur règlement informel […]48.

Les représentants de l’ASFC ont admis que la direction de l’établissement posait certains problèmes. Par exemple, on n’offre pas de programmes de formation aux détenus visés par un certificat de sécurité, en raison à la fois de leur petit nombre et du fait qu’ils ne sont pas détenus à des fins de réinsertion. Ils affirment toutefois inciter les détenus à faire de l’autoformation. De la même façon, les problèmes posés par le chauffage et la climatisation ont mis du temps à être réglés. Toutefois, selon les représentants, des efforts sont faits pour permettre aux détenus de se mêler les uns aux autres dans une aire commune et pour leur offrir la possibilité de prendre l’air dans une cour extérieure et de faire de l’exercice dans un gymnase. L’ASFC s’efforce aussi de respecter les exigences religieuses et alimentaires des détenus. À titre d’exemple, les représentants ont indiqué qu’ils avaient embauché un imam pour que les détenus puissent pratiquer leur culte. On sert aux détenus des repas halal qu’ils peuvent partager avec leur famille, sauf le soir durant le ramadan, puisque les heures de visites quotidiennes sont de 12 h 30 à 16 h 30. Les représentants ont aussi fait savoir que s’ils veulent changer leurs conditions de détention, les détenus disposent d’une procédure de recours et de grief, et les autorités de l’établissement font de leur mieux pour donner suite aux demandes spéciales des détenus49.

B. Visite du Comité au CSIK en octobre 2006

Le 31 octobre 2006, les membres du Comité ont eu l’occasion de visiter le CSIK et de s’entretenir avec les représentants de l’ASFC et du SCC responsables de cet établissement et aussi de discuter des conditions de détention avec les détenus visés par un certificat de sécurité.

Le CSIK est constitué de deux bâtiments, une roulotte abritant les quartiers des détenus et un pavillon administratif contenant les aires communes. Il y a six cellules en tout, dont l’une est adaptée aux fauteuils roulants. Chaque cellule renferme un pupitre, une tablette, une toilette et un lit. Chaque détenu dispose d’un téléviseur de 13 pouces dans sa cellule, et les frais de câblodistribution sont assumés par le CSIK. Les cellules ont toutes une fenêtre vers l’extérieur, qui s’ouvre et qui est protégée par un rideau, ainsi qu’une petite fenêtre donnant sur l’intérieur de la roulotte, qui est protégée à l’extérieur par un rideau que les gardiens peuvent tirer pour voir à l’intérieur de la cellule. Il y a aussi une salle commune dans les quartiers de détenus, où ils peuvent se rencontrer. Cette salle est munie d’un micro‑ondes, d’une laveuse et d’une sécheuse, de chaises, de tables et de cassettes audio de cours d’anglais langue seconde.

À l’extérieur des quartiers des détenus, il y a une cour d’exercice en ciment. Les détenus ont demandé à ce qu’elle soit recouverte de gazon, mais aux dires des représentants de l’ASFC et du SCC, les normes internationales n’exigent pas que les cours d’exercice soient gazonnées. Les détenus peuvent utiliser la cour d’exercice pendant plus de quatre heures par jour.

Les détenus ont aussi accès au bâtiment administratif qui abrite une petite salle d’exercice équipée de plusieurs appareils de conditionnement physique accessible aux détenus trois heures par jour, une salle commune meublée de tables et de chaises (les chaises sont boulonnées aux tables, qui sont elles-mêmes fixées au plancher) que les détenus peuvent utiliser lorsqu’ils reçoivent la visite de leurs proches, une salle de vidéoconférence donnant accès au matériel de vidéoconférence d’Ottawa et de Toronto et reliée aux installations de la Cour fédérale, une salle où ils peuvent s’entretenir en privé avec leurs avocats et une salle d’examen, où des infirmières et des médecins peuvent répondre aux besoins médicaux de base des détenus. Si les détenus ont besoin de soins de santé plus poussés, ils peuvent être transférés au pénitencier de Millhaven, qui dispose d’installations médicales plus complètes ou, au besoin, à l’hôpital. Cependant, les soins ne sont offerts à Millhaven que lorsque les détenus de cet établissement sont dans leur cellule afin de réduire le plus possible les contacts entre les détenus visés par un certificat de sécurité et les contrevenants reconnus coupables d’infractions criminelles.

En ce qui concerne les politiques, les représentants de l’ASFC et du SCC ont fait savoir que les détenus ont droit à une heure par jour d’appels au Canada sans frais. Tous les numéros appelés doivent être approuvés au préalable et ce sont les représentants du SCC qui établissent la communication au nom des détenus. Une fois la communication établie, les détenus peuvent toutefois apporter l’appareil avec eux dans leur cellule pour préserver leur intimité. Les appels aux avocats sont exclus de cette heure d’accès gratuit et peuvent être faits en tout temps.

Les repas des détenus sont préparés à la cuisine du pénitencier de Millhaven. Les services d’un diététiste ont été retenus par l’ASFC et le SCC afin de satisfaire aux besoins alimentaires des détenus. Selon les représentants de l’ASFC et du SCC, l’Islamic Society of North America approuve les repas et les aliments servis aux détenus et y appose son autocollant de conformité. Chaque détenu a un plan de repas personnalisé. Les détenus peuvent aussi se procurer des aliments spéciaux par le biais de la cantine. La liste des aliments offerts par la cantine est révisée chaque année. Les articles de la cantine sont vendus au prix de vente au détail, plus les frais de livraison. Lorsqu’ils reçoivent la visite de leur famille, les détenus et leurs visiteurs peuvent se procurer de la nourriture dans un distributeur automatique situé à proximité de la salle commune, dans le bâtiment administratif. Les familles des détenus peuvent donner 25 $ par visite aux détenus pour qu’ils puissent utiliser le distributeur automatique.

Les représentants de l’ASFC et du SCC ont fait savoir que la Croix‑Rouge surveillait les conditions de détention et s’était rendue au CSIK à deux reprises pour vérifier que l’ASFC se conforme aux exigences internationales. La Croix‑Rouge canadienne assure aussi une surveillance sur place pendant toute la durée des grèves de la faim, et les détenus reçoivent des boissons nutritionnelles. Une infirmière du pénitencier de Millhaven se rend au centre de détention quotidiennement pendant les grèves de la faim.

Les détenus ne peuvent faire appel aux services de l’Enquêteur correctionnel, qui agit comme ombudsman auprès des délinquants de responsabilité fédérale, mais ils ont accès à une procédure de règlement des griefs. Les représentants de l’ASFC et du SCC ont affirmé que, dans la mesure du possible, les problèmes soulevés par les détenus sont réglés de façon informelle, mais que les détenus peuvent présenter des plaintes écrites officielles au sujet de leurs conditions de détention. Le processus de règlement des griefs compte trois paliers. Au premier palier, la plainte est examinée par les dirigeants du CSIK. Les représentants ont indiqué que l’examen de la plainte à ce palier peut parfois prendre un certain temps selon la complexité de la plainte. Les représentants de l’ASFC et du SCC ont fait savoir que jusqu’ici, aucun détenu n’avait présenté de plainte au deuxième palier. Au deuxième palier, la plainte est examinée par un directeur de l’ASFC. Au troisième palier, c’est l’administration centrale de l’ASFC qui en est saisie. Lors de la visite du Comité en octobre, les représentants ont fait savoir au Comité qu’il y avait trois plaintes en suspens. Elles portent sur des questions et des préoccupations touchant les biens personnels, les loisirs et l’escorte par des agents du SCC.

Lorsque les membres du Comité se sont rendus au CSIK, ils se sont aussi entretenus avec MM. Mahjoub, Almrei et Jaballah. Les détenus ont déclaré qu’il leur était difficile parfois de savoir de qui (ASFC ou SCC) ils relevaient et à quelles politiques ils étaient assujettis. Ils ont également fait savoir que certaines des demandes qu’ils avaient adressées aux représentants du CSIK avaient été refusées ou ignorées (comme la possibilité de voir leur famille après le coucher du soleil pendant le ramadan, ou de recevoir les membres de leur famille ou leur femme en privé) et qu’il avait fallu beaucoup de temps aux autorités pour donner suite à certaines de leurs préoccupations ou de leurs demandes (comme l’accès au téléphone à n’importe quel moment plutôt qu’à des moments fixes et la présence d’une gardienne plutôt que d’un gardien pour superviser les visites familiales dans la salle commune afin que les femmes des détenus puissent enlever leur voile et leur coiffe). Il semble aussi que même si les détenus préfèrent faire part de leurs demandes ou de leurs préoccupations de façon informelle aux représentants du SCC ou de l’ASFC, ces derniers ont tendance à y prêter une oreille plus attentive et à les prendre plus au sérieux si elles ont été présentées de façon officielle, par écrit.

C. Visite du Comité au CSIK en février 2007

Comme il est mentionné précédemment, les détenus ont entamé une nouvelle grève de la faim en novembre 2006, pour protester contre les conditions au CSIK. Ils veulent obtenir des changements quant à leurs conditions de détention et réclament notamment l’accès à de meilleurs soins médicaux dans leurs quartiers plutôt que dans le bâtiment administratif. Ils demandent aussi un meilleur traitement de la part des gardiens, une plus grande liberté d’accès aux médias, l’élimination du dénombrement quotidien, l’accès à des visites conjugales et familiales privées, l’obtention de télécartes pour pouvoir effectuer des appels à l’étranger et une plus grande liberté religieuse50.  Les détenus souhaitent en outre être autorisés à circuler entre les deux bâtiments accompagnés d’un superviseur et non d’un gardien parce qu’ils craignent certains des gardiens à l’emploi du CSIK.

Pendant que les détenus poursuivaient leur grève de la faim, les membres du Comité se sont rendus au CSIK en février 2007 pour les rencontrer et s’enquérir de leur état de santé. Ces derniers leur ont alors fait savoir que leur santé se détériorait et qu’ils avaient perdu beaucoup de poids. Ils ont indiqué qu’ils n’avaient pris aucun aliment solide depuis le début de leur grève de la faim, se contentant de lait de soja et de jus d’orange, alors qu’un des détenus ne prend plus désormais que de l’eau. Ils ont exprimé leur frustration devant le peu d’empressement à donner suite à leurs préoccupations et l’impossibilité d’avoir accès à un arbitre impartial pour trancher les différends entre eux et les administrateurs du CSIK. Les détenus semblent particulièrement préoccupés par leurs rapports avec certains des gardiens du CSIK qui, selon leurs allégations, les menaceraient ou les harcèleraient psychologiquement. Ils affirment que les gardiens les traitent encore plus mal lorsqu’ils essaient de se prévaloir de la procédure de règlement des plaintes.

Les membres du Comité ont encore une fois rencontré les représentants du SCC et de l’ASFC afin d’essayer de savoir comment ils avaient réagi à la dernière grève de la faim. Les représentants ont expliqué qu’ils avaient assoupli les règles relatives au dénombrement quotidien, de façon que les détenus n’aient pas à interrompre leurs activités au moment du dénombrement. Ils ont par ailleurs indiqué qu’il n’y avait pas de régime en place pour autoriser les visites conjugales, puisqu’il ne fait pas partie de leur mandat de veiller à la réadaptation des détenus, qui est justement la principale raison d’être des visites conjugales. Les membres du Comité se sont fait dire que les privilèges et les droits accordés aux détenus du CSIK se situait entre ceux consentis dans les pénitenciers à sécurité maximale et ceux en vigueur dans les établissements à sécurité minimale. Aux dires des représentants, certains des problèmes soulevés par les détenus ne peuvent se régler rapidement. Par exemple, les détenus souhaitent pouvoir préparer eux-mêmes leurs repas, mais l’aménagement d’une cuisine dans leurs quartiers exigera des travaux de rénovation et devra être conforme aux codes du bâtiment et de prévention des incendies. En ce qui concerne les allégations de harcèlement psychologique de la part de gardiens, les représentants du CSIK ont affirmé au Comité que toutes les plaintes font l’objet d’enquêtes approfondies et que, selon la nature de la plainte, la Police provinciale de l’Ontario est ensuite appelée à faire enquête à son tour. Les détenus se sont plaints de violences physiques de la part des gardiens, mais le Comité note que les allégations pourraient plutôt concerner le Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto-Ouest51.

D. Mémoire présenté au Comité par les détenus faisant l’objet d’un certificat de sécurité

Dans un mémoire présenté en novembre 2006, les détenus visés par un certificat de sécurité ont précisé leurs préoccupations au sujet de leur détention et des changements qu’ils souhaitent obtenir à leurs conditions de détention. Dans ce mémoire, ils affirment que puisqu’ils sont en détention provisoire, ils méritent d’être traités avec un minimum de restrictions, conformément à la disposition de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies52 portant sur les individus qui ont été arrêtés et incarcérés, mais qui n’ont pas encore été jugés. De façon générale, voici ce que ces détenus ont à dire au sujet de leurs conditions de détention :

Le CSIK ne convient pas à la détention de longue durée. Pendant des années, nous avons été incarcérés dans des centres de détention provinciaux, qui ne sont pas conçus pour la détention de longue durée. Lorsque nous avons contesté cette situation, l’ASFC a annoncé qu’elle construisait le CSIK, un établissement qui nous convenait davantage. Ce n’est pas le cas. À de nombreux égards, il est encore pire que le Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto-Ouest. Il s’agit d’une petite unité mobile qui grince lorsqu’on bouge. La nuit, quand quelqu’un se tourne, nous l’entendons tous. La lumière des lampes de sécurité de forte intensité du pénitencier de Millhaven pénètre par les fenêtres de notre chambre pendant toute la nuit. Jusqu’à tout récemment, le CSIK nous interdisait d’installer des rideaux. L’unité est meublée de chaises dures inconfortables qui sont boulonnées à de petites tables. Au milieu et à l’extrémité de chaque table, il y a un gros boulon de métal. Il n’y a donc pas de place pour manger confortablement ou étendre un jeu de table, du matériel pour écrire, etc. Le fait de rester assis toute la journée sur ces chaises nous cause des maux de dos. Ce qu’on fait passer pour une cour d’exercice n’est qu’une courte allée en asphalte entre notre unité et l’immeuble de l’administration. Elle est trop petite pour permettre de courir ou de pratiquer des sports. À l’intérieur de l’immeuble de l’administration, il y a une petite pièce où nous pouvons recevoir des visiteurs et une autre pièce minuscule bondée d’exerciseurs. On ne nous autorise pas à utiliser les toilettes adjacentes à la salle d’exercice lorsque des visiteurs viennent. Il n’y a ni bibliothèque, ni programme d’éducation ou de loisirs, car l’ASFC soutient que nous sommes détenus en attendant notre expulsion. Contrairement aux détenus incarcérés dans les pénitenciers à sécurité moyenne ou minimale ou dans les autres centres de surveillance de l’Immigration, nous avons seulement un four à micro-ondes. Nous n’avons pas de cuisine53.

Dans leur mémoire, MM. Almrei, Mahjoub et Jaballah demandent qu’un nombre de changements soient apportés à leurs conditions de détention :

§   que leurs familles soient autorisées à acheter pour eux de la nourriture pour la cantine, plutôt que de laisser cette responsabilité à la Kingston Muslim Society qui ne peut s’approvisionner qu’à un dépanneur à des prix très élevés;

§   qu’ils aient le droit de porter leurs vêtements personnels en tout temps (à l’heure actuelle, ils doivent porter des uniformes de prisonnier lorsqu’ils reçoivent la visite de leurs familles et de leurs amis au CSIK);

§   qu’ils puissent sans frais téléphoner eux-mêmes aux membres de leur famille, sans avoir à passer par les gardiens. Ils aimeraient aussi pouvoir communiquer avec les membres de leur famille à l’étranger (en particulier dans le cas de M. Almrei, qui n’a aucune famille au Canada). Si le CSIK n’est pas prêt à assumer les frais de ces appels à l’étranger, ils demandent que les membres de leur famille soient autorisés à leur faire parvenir des télécartes pour en absorber le coût;

§   qu’ils soient autorisés à faire de l’exercice dans une grande cour inutilisée entourée d’une clôture à l’intérieur de l’enceinte du pénitencier de Millhaven, plutôt que dans l’actuelle petite allée de ciment qui leur tient lieu actuellement de « cour d’exercice » et qu’ils trouvent trop petite;

§        qu’ils soient autorisés à préparer eux‑mêmes leurs repas;

§   qu’ils soient autorisés à recevoir la visite de leur femme et de leur famille et que le CSIK prévoie une roulotte à cette fin;

§   qu’ils soient autorisés à quitter leur cellule avant 7 heures pour pouvoir faire leurs ablutions avant les prières et manger avant le lever du soleil pendant le ramadan;

§   qu’ils soient autorisés à parler aux médias à partir de leur unité et disposent de plus d’une heure à cette fin, et qu’ils peuvent aussi donner des entrevues aux médias sans que le personnel du CSIK soit présent;

§   que le personnel du SCC qui assure leur surveillance soit remplacé par du personnel de l’ASFC, parce que le personnel du SCC est formé pour travailler avec des criminels et les traite comme s’ils étaient des criminels;

§   qu’ils ne soient pas tenus de voir l’infirmière tous les jours dans leur cellule, mais seulement lorsqu’ils le demandent;

§   qu’ils soient protégés contre les mauvais traitements ou le harcèlement des gardiens;

§   qu’ils aient accès à des programmes d’éducation et de loisirs;

§   qu’ils ne soient plus assujettis à un dénombrement quotidien;

§   qu’ils jouissent d’une plus grande intimité;

§   qu’ils puissent faire appel au Bureau de l’Enquêteur correctionnel chargé de surveiller le traitement réservé aux détenus sous responsabilité fédérale, de la même façon qu’ils avaient accès à l’ombudsman des Services correctionnels provinciaux lorsqu’ils étaient détenus dans des établissements de détention provinciaux, pour que leurs plaintes puissent faire l’objet d’enquêtes indépendantes;

§   que le CSIK leur donne accès à des interprètes pour les aider à rédiger leurs plaintes officielles54.

E. Point de vue des groupes de défense

Certaines des préoccupations soulevées par les détenus visés par des certificats de sécurité et certaines des demandes formulées par eux ont été reprises par les groupes de défense qui ont témoigné devant le Comité. Ainsi, les groupes de défense et la femme de l’un des détenus, en l’occurrence M. Mahjoub, ont insisté sur la nécessité de faire en sorte que les détenus aient plus facilement accès à des programmes d’éducation et à des livres et puissent recevoir plus facilement des visites (notamment celles de leur femme) et des appels téléphoniques des membres de leur famille55. Quelqu’un a aussi proposé de confier à un agent ou à un organisme impartial la responsabilité d’assurer un suivi constant des conditions de détention, d’examiner les plaintes des détenus et de trouver des solutions efficaces à celles jugées recevables56.

F. Mesures prises antérieurement par le Comité

Le Comité a adopté un rapport le 6 février 2007, qui a obtenu l’agrément de la Chambre des communes le 13 février 2007, afin de tenter de mettre fin à la grève de la faim alors engagée par les détenus57. Le rapport recommandait plusieurs solutions pour mettre fin à la grève et demandait au ministre de la Sécurité publique et à celui de la Citoyenneté et de l’Immigration de répondre par écrit pour donner un aperçu des mesures prises par le gouvernement qui donnent suite au rapport.

G. Rapport du Bureau de l’Enquêteur correctionnel

Enfin, le Comité note que le Rapport 2005-2006 du Bureau de l’Enquêteur correctionnel renferme des observations sur l’ouverture du CSIK :

Dans les établissements de l’Ontario, les détenus pouvaient déposer des plaintes sur les conditions de détention auprès du Bureau de l’Ombudsman. Le Bureau avait le pouvoir d’enquêter sur les plaintes déposées par les détenus en vertu de la Loi sur l’ombudsman. Le Centre de surveillance de l’Immigration a été construit à Kingston dans le périmètre de l’Établissement de Millhaven. L’Agence des services frontaliers du Canada a conclu un contrat avec le Service pour utiliser l’établissement de détention et obtenir les services du personnel de sécurité. L’Agence des services frontaliers du Canada a également un contrat avec la Croix-Rouge, une organisation sans but lucratif, pour surveiller les soins et le traitement des détenus dans les centres de surveillance de l’Immigration, notamment le nouveau Centre de surveillance de Kingston. La Croix-Rouge, une organisation non gouvernementale, n’a pas de cadre législatif pour assumer le rôle d’organisme de surveillance.

Le transfèrement des détenus des établissements de l’Ontario au Centre de surveillance de Kingston signifie que ceux-ci perdront les avantages d’un cadre législatif rigoureux qui leur permet de déposer des plaintes sur les soins et le traitement qu’ils reçoivent. Le Bureau de l’Enquêteur correctionnel s’inquiète du fait que les détenus ne bénéficieront plus de ces avantages ni de la protection légale que leur procure un bureau d’ombudsman. Selon le protocole facultatif à la Convention contre la torture, une organisation sans but lucratif qui ne bénéficie pas d’un cadre législatif, comme la Croix-Rouge, ne peut pas répondre à l’exigence de surveillance interne prévue dans le protocole58.

H. La culture institutionnelle au CSIK

Les détenus gardés au CSIK n’ont été accusés d’aucun acte criminel et ne sont pas des criminels. En fait, à la lumière de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Charkaoui, ces personnes ont été emprisonnées suivant un processus qui, en partie du moins, va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est donc essentiel que le CSIK adopte un mode de fonctionnement différent pour s’adapter à cette nouvelle clientèle qui, contrairement à la clientèle habituelle qui est constituée de criminels reconnus, est formée de personnes qui, en fin de compte, ne représentent peut-être pas une menace pour la sécurité du Canada. Même si le CSIK a beaucoup en commun avec un pénitencier, il ne doit pas être dirigé comme s’il en était un et la mentalité des responsables de l’établissement doit évoluer en conséquence.

Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 9

§   Que le gouvernement du Canada mandate le Bureau de l’Enquêteur correctionnel dont relèvent tous les détenus sous responsabilité fédérale, à l’exception de ceux gardés au Centre de surveillance de l’immigration de Kingston, pour lui confier la responsabilité du CSIK et des enquêtes sur les plaintes actuelles des personnes détenues au CSIK.

Recommandation 10

§   Que l’Agence des services frontaliers du Canada établisse ses propres règles et procédures en matière de détention afin qu’elles soient adaptées aux besoins de la détention à des fins d’immigration et diffèrent de celles applicables aux prisonniers incarcérés à la suite de condamnations criminelles.

Recommandation 11

§   Que les procédures et les règles établies par l’Agence des services frontaliers du Canada reconnaissent la nécessité de faire en sorte que le mode de fonctionnement des centres de détention de l’Immigration soit différent de celui des établissements correctionnels, et que le personnel, en particulier s’il est issu du milieu correctionnel, reçoive une formation en conséquence.

Recommandation 12

§   Que des procédures soient mises en œuvre et une formation offerte pour remédier aux problèmes de profilage racial et religieux ou de profilage fondé sur d’autres stéréotypes.

Recommandation 13

§   Que l’isolement cellulaire ne soit jamais considéré comme un traitement acceptable dans le cas des personnes détenues à des fins d’immigration et que d’autres dispositions soient prises, si jamais il devait y avoir une seule personne détenue au CSIK.

Recommandation 14

§   Que le CSIK modifie ses procédures pour permettre aux familles et aux amis des détenus de procurer à la cantine des aliments adaptés à la culture de ceux-ci à des prix concurrentiels.

Recommandation 15

§   Que, dans la mesure où les protocoles de sécurité sont respectés, les détenus puissent avoir facilement accès à un téléphone sans qu’il leur en coûte trop cher et puissent téléphoner à leurs familles au Canada ou à l’étranger pendant au moins une heure chaque jour. Étant donné les difficultés financières éprouvées par certaines des familles des détenus, le coût de ces appels devrait être pris en charge par le CSIK ou les proches des détenus devraient être autorisés à leur faire parvenir des télécartes pour absorber le coût des appels interurbains.

Recommandation 16

§   Que les détenus soient autorisés à se servir de la vaste cour inutilisée située à proximité de l’établissement pour y faire de l’exercice.

Recommandation 17

§   Que les détenus disposent d’une cuisine dûment équipée et aient la possibilité de préparer eux-mêmes leurs repas.

Recommandation 18

§   Que le CSIK construise les installations nécessaires pour permettre les visites conjugales.

Recommandation 19

§   Que des aménagements raisonnables soient effectués afin de permettre aux détenus de quitter leur cellule pour observer de bonne foi les rites imposés par leur religion, et que les membres de leurs familles soient alors autorisés à se joindre à eux.

Recommandation 20

§   Que les visites médicales se limitent aux situations où les détenus en font la demande ou aux cas d’urgence.

Recommandation 21

§   Que d’ici à ce qu’un enquêteur correctionnel soit nommé et puisse faire enquête sur les allégations de mauvais traitement de la part des gardiens, les détenus soient accompagnés, sur demande, d’un superviseur lorsqu’ils se déplacent à l’intérieur du CSIK.

Recommandation 22

§   Que les détenus aient accès, à tout le moins, à des programmes d’éducation et de loisirs équivalents à ceux offerts aux détenus régis par les politiques du SCC.

Recommandation 23

§   Que le CSIK mette fin au dénombrement quotidien systématique.

Recommandation 24

§   Que des aménagements raisonnables soient effectués pour offrir davantage d’intimité aux détenus.

Recommandation 25

§   Que le CSIK offre aux détenus des services d’interprète pour les aider à apprivoiser le processus officiel de règlement des griefs.



[1]           L. C. 2001, c. 27.

[2]           Voir, par exemple, Ahani c. Canada, [1996] A.C.F. no 937 (CAF), confirmant les raisons plus détaillées de la juge McGillis de la Section de première instance ([1995] 3 C.F. 669). La Cour d’appel fédérale a statué que le processus relatif aux attestations de sécurité prévu dans l’ancienne Loi sur l’immigration et la détention qui en résulte ne contreviennent pas aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité prévus à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Voir aussi Charkaoui (Re), 2004 ACF 421, où la Cour d’appel fédérale est arrivée à la même conclusion au sujet du processus de délivrance de certificats de sécurité prévu dans la LIPR.

[3]           Suresh c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002, en particulier le paragraphe 78.

[4]           La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Can. T.S. 1987 no 36, peut : être consultée sur le site Web du Haut-commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies à l’adresse http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/h_cat39_fr.htm.

[5]           2007, CSC 9.

[6]           Ibid., paragraphe 39.

[7]           2002, 1 R.C.S. 3

[8]           LIPR, alinéa 78e).

[9]           Daniel Therrien, avocat général principal, Bureau du sous-procureur général adjoint, Ministère de la Justice, Réunion no 21, 26 octobre 2006, à 09:10.

[10]         LIPR, alinéa 78e).

[11]         Ibid., alinéa 78j).

[12]         Ibid., paragraphe 79(1) et articles 97, 112 et 113.

[13]         Ibid., alinéas 113d) et 114(1)b).

[14]         Ibid.

[15]         Celui qui affirme être Paul William Hampel a été détenu dans la région de Montréal en attendant son renvoi et n’a jamais été envoyé au CSIK. On n’explique mal pourquoi il ne l’a pas été, mais il est probable que c’est parce qu’il a comparu devant la Cour fédérale à Montréal et que son renvoi du pays s’est fait promptement. Il a été arrêté le 14 novembre 2006 et a été renvoyé le 26 décembre 2006.

[16]         Dans l’affaire Smith c. R., [1991] 3 C.F. 3 la Cour fédérale a annulé les certificats de sécurité délivrés à l’endroit de deux détenus iraquiens, parce qu’elle a jugé qu’il n’existait pas de motifs suffisants de croire que les détenus allaient se livrer à des activités subversives ou à des actes de violence pendant leur séjour au Canada. Dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Jaballah, 1999 CarswellNat 2317, [1999] C.F.J. No 1681 (Fed. T.D. 2 novembre 1999), le certificat a été annulé après que le juge eut estimé que les éléments de preuve présentés par M. Jaballah et son épouse étaient crédibles. Un certificat de sécurité a par la suite été rétabli contre M. Jaballah et a été jugé raisonnable.

[17]         L’information à ce sujet a été présentée dans le contexte des appels de MM. Charkaoui, Harkat et Almrei à la Cour suprême du Canada et provient des transcriptions des débats judiciaires des 13 et 14 juin 2006, ainsi que du factum de l’Association du Barreau canadien, que l’on peut consulter sur le site de l’Association à l’adresse http://www.cba.org/CBA/News/pdf/2006-06-12_factum.pdf.

[18]         Voir James K. Hugessen, juge, Cour fédérale du Canada, Watching the Watchers : Democratic Oversight  dans David Daubney et coll., dir., Terrorism, Law & Democracy : How is Canada changing following September 11?, Montréal, Institut canadien d’administration de la justice, 2002, p. 384-386. Voir aussi les remarques formulées par le juge à la retraite de la Cour supérieure de l’Ontario Roger Salhany quand il a comparu devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes le 18 mars 2003, au sujet du fardeau que placerait sur les juges un processus proposé de délivrance de certificats de sécurité pour la révocation de la citoyenneté canadienne. Le passage pertinent se trouve dans le compte rendu des délibérations de la réunion no 49 du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes de la deuxième session de la 37e législature à 11:20.

[19]         Supra, note 5.

[20]         Ibid., paragraphe 139.

[21]         Des représentants du ministère de la Justice, de CIC et de l’ASFC figuraient tous au nombre des témoins entendus par le Comité, mais le représentant du ministère de la Justice a été le premier à s’exprimer au sujet du processus.

[22]         Daniel Therrien, avocat général principal, Bureau du sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice, Réunion no 21, 26 octobre 2006, à 09:10.

[23]         Ibid.

[24]         Ibid.

[25]         Ibid., à 09:15.

[26]         Daniel Therrien, avocat général principal, Bureau du sous‑procureur général adjoint, ministère de la Justice, Réunion no 21, 26 octobre 2006, à 09:05, et Jaballah (Re), [2006] C.F. 115, paragraphes 81 et 93. L’article 15 de la Charte garantit que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous.

[27]         Ibid., à 09:15 et ibid.

[28]         Ibid., à 09:35.

[29]         Alex Neve, secrétaire général, Section anglophone, Amnistie internationale Canada, Réunion no24, 9 novembre 2006, à 09:15. Le rapport d’avril 2006 auquel le témoin fait allusion est celui du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Quatre‑vingt‑cinquième session, Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, CCPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006. Voir en particulier le paragraphe 14 du rapport. Ce rapport est accessible sur le site Web du Haut
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à l’adresse suivante :
http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/CCPR.C.CAN.CO.5.Fr?OpenDocument.

[30]         Mary Foster, membre, Coalition Justice pour Adil Charkaoui, Réunion no 24, 9 novembre 2006, à
09:20 – 09:25.

[31]         Ibid.

[32]         Mona El‑Fouli, femme de Mohamed Mahjoub, Campagne pour mettre fin aux procès secrets au Canada, Ibid., à 10:00.

[33]         Mary Foster, membre, Coalition Justice pour Adil Charkaoui, Ibid., à 09:20 – 09:25.

[34]         Alex Neve, secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale Canada, Ibid., à 10:55.

[35]         Ibid., à 09:15, et Christian Legeais, porte‑parole, Comité Justice pour Mohamed Harkat, à 09:30.

[36]         Ibid., à 09:55.

[37]         Hassan Almrei, Mahmoud Jaballah, Mohamed Mahjoub, détenus visés par un certificat de sécurité, Mémoire, 16 novembre 2006, pages 1‑2. Le Comité reconnaît que les conditions de détention au Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto – Ouest diffèrent grandement de celles qui règnent au CSIK. Des plaintes ont été reçues au sujet des deux centres, mais le Comité n’est en mesure d’aborder que la situation au CSIK.

[38]         Ibid., page 1.

[39]         C’est le cas de M. Almrei, qui a été isolé dès son incarcération, puis libéré, puis de nouveau placé en isolement après avoir été battu par des codétenus. Les règles vestimentaires de l’unité d’isolement du Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto‑Ouest sont très strictes, et M. Almrei n’a pas été autorisé à porter un chandail ou des chaussures de sport ordinaires lorsqu’il se trouvait dans cette unité, et ce, malgré les problèmes de contrôle de la température dans cet établissement. M. Almrei s’est adressé à la Cour supérieure de l’Ontario pour demander une ordonnance l’autorisant à porter un chandail et des chaussures. Il a sursis à sa requête pour l’obtention d’un chandail à la suite de l’amélioration des conditions de chauffage à la prison et de la décision d’un fonctionnaire du pénitencier de lui fournir d’autres vêtements. Il a toutefois réussi à obtenir une ordonnance l’autorisant à porter des chaussures de sport. Voir Almrei c. Canada (Procureur général), [1993] O.J. no 5198 (Cour supérieure de justice de l’Ontario).

[40]         Selon toute vraisemblance, la décision du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile de créer un établissement de détention distinct pour les personnes visées par un certificat de sécurité a été influencée par le rapport publié le 5 décembre 2005 par le Groupe de travail sur la détention arbitraire de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Après une visite au Canada en juin 2005, le Groupe a condamné de façon générale le principe du certificat de sécurité et remis en question, plus particulièrement, la détention des personnes visées par ce genre de certificat dans des établissements à sécurité élevée destinés à accueillir des criminels. Voir pages 19, 20 et 23 du document intitulé Rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire — Visite au Canada, UN ESCOR, 62e séance, UN Doc. E/CN.4/2006/7/Add.2 (2005), accessible à l’adresse suivante : http://ap.ohchr.org/documents/dpage_f.aspx?c=33&su=44.

[41]         Voir le communiqué de presse du 24 avril 2006 intitulé « Ouverture du Centre de
surveillance de l’Immigration de Kingston », accessible à l’adresse suivante :
http://www.cbsa-asfc.gc.ca/newsroom/release-communique/2006/0424ottawa-f.html.

[42]         « Three terror suspects back on hunger strike; Conditions still bad, family says ‘Security’ detainees fear deportation », Toronto Star, 26 mai 2006, page A7, Michelle Shephard.

[43]         « Terror suspect wants out of ‘Guantanamo North’; Stifling Heat, Restrictions », National Post, 29 juin 2006, page A8, Allison Haynes.

[44]         « Day takes a peek at jailed terror suspects » Globe and Mail, 27 janvier 2007, page A14, Oliver Moore.

[45]         Susan Kramer, directrice, Exécution de la loi — intérieur du Canada, Agence des services frontaliers du Canada, Réunion no 21, 26 octobre 2006 à 09:45.

[46]         Ibid.

[47]         Ibid.

[48]         Ibid., à 09:50.

[49]         Ibid., à 10:05, 10:15, 10:25 et 10:40.

[50]         Ibid. Voir aussi « Jail site costs double : $2.5 M-facility holds suspected terrorists »,
Kingston Whig‑Standard, 6 janvier 2007, page 2, Christina Spencer.

[51]         Voir note 37, supra.

[52]         L’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies est accessible sur le site Web du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à l’adresse suivante : http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/h_comp34_fr.htm. Les articles 84 à 93 de ces règles portent sur les prévenus.

[53]         Hassan Almrei, Mahmoud Jaballah and Mohamed Mahjoub, détenus en vertu d’un certificat de sécurité, Mémoire, 16 novembre 2006, page 3.

[54]         Ibid., pages 2-7.

[55]         Alex Neve, secrétaire général, Section anglaise, Amnistie internationale Canada, Réunion no 24, 9 novembre 2006, à 09:10, et Mona El‑Fouli, femme de Mohamed Mahjoub, Campagne pour mettre fin aux procès secrets au Canada, Réunion no 24, 9 novembre 2006, à 09:45.

[56]         Ibid., à 10:55.

[57]         Rapport 10 – Étudier les questions soulevées par l’utilisation de certificats de sécurité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, adopté par Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration le 6 février 2007; présenté à la Chambre des communes le 8 février 2007; adopté par la Chambre des communes le 13 février 2007. Il y était notamment recommandé de mandater le Bureau de l’Enquêteur correctionnel pour lui confier la responsabilité des détenus; d’autoriser les professionnels de la santé à entrer dans l’unité résidentielle; de permettre aux détenus de sortir de leurs cellules avant l’aube pour observer les rites imposés par leur religion; d’autoriser les visites conjugales; de permettre un meilleur accès à la cantine; de mettre fin au dénombrement quotidien et d’exiger que les détenus soient accompagnés d’un superviseur lorsqu’ils circulent entre les édifices.

[58]         Rapport annuel du Bureau de l’Enquêteur correctionnel 2005‑2006, septembre 2006.