FAAE Rapport du Comité
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OPINION DISSIDENTE
RAPPORT AU PARLEMENT DU CPAEDI SUR LE DÉVELOPPEMENT DÉMOCRATIQUE
Le rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international renferme des recommandations visant à « renforcer le rôle du Canada dans le soutien international au développement démocratique », dans le but de faire du Canada un « leader mondial » dans ce domaine important – mais néanmoins délicat. De l’avis du NPD, plusieurs enjeux complexes et essentiels au succès des initiatives en matière de développement démocratique ne sont qu’effleurés dans ce rapport majoritaire, auquel les députés conservateurs et libéraux membres du Comité ont donné leur aval.
Les préoccupations du NPD portent à la fois sur la teneur du rapport et sur la façon dont celui-ci a été élaboré. En ce qui concerne le fond, le rapport ne comporte aucune recommandation concrète de mesures à prendre pour permettre au Canada de respecter ses engagements internationaux en ce qui a trait au respect des droits économiques et sociaux fondamentaux des populations les plus pauvres de la planète. L’émergence de démocraties saines exige la mise en place d’un cadre global en matière de droits de la personne. Le rapport du Comité permanent passe largement sous silence ce lien crucial entre les droits sociaux et économiques des démunis et le développement démocratique, et ne formule absolument aucune recommandation pour inciter le gouvernement à en tenir compte dans sa politique actuelle d’aide au développement qui laisse cruellement à désirer.
1) Cadre de développement international du Canada
Le développement démocratique ne se fait pas dans le vide. L’émergence d’institutions gouvernementales efficaces et d’une participation citoyenne constructive est rarement, si ce n’est jamais, possible lorsque les droits économiques et sociaux fondamentaux des particuliers et des collectivités sont bafoués. La sécurité de la personne, la réduction de la pauvreté, l’hygiène, les services de santé de base et la possibilité de s’instruire sont des droits humains fondamentaux qui doivent être reconnus et respectés si nous voulons que les collectivités et les particuliers participent de façon constructive aux mécanismes démocratiques. Garantis par le droit international, ces droits ont été reconnus, ratifiés et défendus par tous les gouvernements canadiens qui se sont succédés au pouvoir, et leur importance a été mise en relief tout au long des témoignages recueillis par le Comité permanent (voir page 30-31, chapitre 1; page 51-53, chapitre 2), tout comme au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis que j’ai joint les rangs du Comité au printemps 2003.
Même si le rapport prend acte de cette interaction cruciale dans la recommandation où il est question de « l’éventail complet des droits internationaux de la personne – y compris les droits socio-économiques et culturels » (recommandation 1), le reste des recommandations en fait honteusement abstraction. Le rapport du Comité permanent ne propose aucune orientation concrète quant à la façon dont ces enjeux indissociables doivent être pleinement intégrés à la politique de développement du Canada. Le rapport reconnaît qu’il est illusoire d’espérer un développement démocratique fructueux si ces droits sociaux et économiques ne sont pas reconnus. Pourtant, les tentatives répétées du NPD pour faire modifier le rapport afin d’y inclure ces considérations cruciales sont toutes demeurées vaines.
Les Canadiens savent tous malheureusement que les gouvernements canadiens qui se sont succédés au pouvoir, d’abord les libéraux et maintenant les conservateurs, se sont toujours montrés incapables de joindre le geste à la parole dans ce dossier d’importance capitale. Le 9 juin 2005, le Comité a unanimement adopté la motion du NPD enjoignant le gouvernement libéral au pouvoir à l’époque de porter le budget de l’aide publique au développement (APD) à 0,7 % du revenu national brut (RNB), comme le prévoit la norme internationale, d’ici 2015[1]. Le 28 juin 2005, soit à la veille du Sommet du G8 à Gleneagles, en Écosse, la Chambre des communes a elle aussi unanimement souscrit à cette motion[2]. Ces motions expriment clairement la volonté du Comité et du Parlement lui-même. Pourtant, ni le gouvernement libéral au pouvoir à l’époque ni l’actuel gouvernement conservateur n’ont respecté la volonté unanime du Parlement d’honorer ces obligations internationales en matière d’APD. L’absence de recommandations concrètes pour mieux tenir compte de ces droits sociaux et économiques est une lacune flagrante du présent rapport.
Ainsi, l’aide publique au développement du Canada en pourcentage du revenu national brut a considérablement diminué depuis le début des années 1990, à l’époque où cette aide équivalait à environ à 0,5 % du R/PNB[3]. En 2001, le budget d’aide au développement du Canada atteignait son niveau le plus bas, soit 0,22 % du RNB, à la suite des mesures d’austérité budgétaire décrétées par les libéraux[4]. L’actuel gouvernement conservateur a réduit à néant plusieurs années de reprise modeste en sabrant de nouveau dans le budget d’aide au développement pour le faire passer de 0,36 % du RNB en 2006 à 0,31 % en 2007 – ce qui est considérablement loin de l’objectif de 0,7 % fixé dans les Objectifs du Millénaire pour le développement, que le Canada a ratifiés[5].
En novembre 2006, les membres du Comité se sont rendus dans cinq pays européens – Suède, Finlande, Norvège, Danemark et R.-U. – qui ont tous amplement satisfait à leurs obligations en vertu des Objectifs du Millénaire pour le développement ou sont clairement en voie de le faire. Les spécialistes en développement démocratique de ces pays de même que de nombreux autres témoins entendus par le Comité permanent au Canada sont unanimes à insister sur l’importance cruciale pour le Canada de faire en sorte que ses programmes de développement démocratiques soient à la hauteur des engagements financiers importants qu’exige la réalisation de ces objectifs de développement connexes. Étonnamment, cependant, les recommandations finales du rapport ne font nullement mention des leçons tirées par ces pays modèles et des recommandations de ces éminents spécialistes en matière de développement démocratique. Le NPD trouve cette omission inadmissible et ne peut en conséquence souscrire au rapport.
Le rapport du Comité permanent prétend proposer un programme d’action pour faire du gouvernement canadien un « leader mondial » dans le domaine du développement démocratique. À notre avis, toutefois, le Canada doit d’abord faire la preuve de son engagement à l’égard de l’ensemble des droits politiques, économiques et sociaux sans lesquels il est impossible d’envisager un développement démocratique fructueux.
Le NPD recommande en premier lieu que le gouvernement du Canada démontre par des mesures concrètes qu’il est prêt à respecter les décisions de son propre Parlement ainsi que ses obligations internationales relativement à ces droits sociaux et économiques fondamentaux, afin de rétablir sa crédibilité auprès des autres pays en matière de développement démocratique. Le gouvernement du Canada doit donner suite aux motions et aux projets de loi adoptés antérieurement par la Chambre des communes (comme le projet de loi C‑293 visant à améliorer la gestion de l’aide, qui a été adopté par le Parlement mais qui n’a toujours pas été promulgué) de même qu’à ses obligations envers la communauté internationale en ce qui a trait à la réalisation des engagements pris en matière d’APD, et doit veiller à ce que l’ensemble des considérations relatives aux droits de la personne soient prises en compte dans toutes les activités du gouvernement en matière de développement démocratique.
2) Le « manque de crédibilité » du gouvernement en matière de développement démocratique
Le NPD est en outre préoccupé par l’impossibilité d’obtenir du gouvernement ses documents d’orientation stratégique en matière de développement démocratique. De même, l’inclusion non prévue dans l’ébauche du rapport d’une recommandation ayant une portée institutionnelle considérable donne à penser que la teneur du rapport et de ses recommandations est politisée de façon à servir les petites fins politiques de l’actuel gouvernement conservateur.
Les délibérations du Comité ont été gravement entravées par le refus du gouvernement de communiquer au Comité les documents stratégiques existants concernant son programme d’action en matière de développement démocratique. Le 5 décembre 2006, le Comité permanent a adopté une motion du NPD ordonnant au gouvernement de lui communiquer son projet de stratégie concernant les États fragiles et en déroute – certains d’entre eux étant ceux‑là mêmes qui sont les plus susceptibles d’être visés par les initiatives du Canada en matière de développement démocratique. Comme l’avait souligné à l’époque le secrétaire parlementaire, Deepak Obhrai : « […] je ne vois pas de problème. Le gouvernement se fera un plaisir de présenter sa stratégie sur les États en déroute et c’est ce que nous avons fait jusqu’ici. C’est ce que stipule cette motion et je pense que c’est une amélioration si bien que je n’y vois pas de problème[6] ».
Les demandes répétées du NPD au cours des six mois suivants afin d’obtenir que le gouvernement donne suite à cette motion ont toutes été rejetées sans explication satisfaisante. Lorsque le rapport final a été mis aux voix à la mi-juin, la position du gouvernement n’avait toujours pas été communiquée au Comité et aucun des fonctionnaires concernés n’avait encore été appelé à témoigner devant le Comité au sujet de cette orientation stratégique.
La frustration du Comité a été aggravée du fait qu’il a été décidé d’inclure dans le rapport une nouvelle initiative stratégique d’importance – en l’occurrence la création d’une « fondation canadienne » pour le développement démocratique – qui n'a pas été systématiquement réclamée par les différents témoins entendus par le Comité et que la majorité des membres du Comité n’ont pas demandée non plus.
Ce qui est plus grave encore, c’est que la recommandation en faveur de la création d’une nouvelle fondation est assortie d’un programme d’action clair que ladite fondation sera appelée à mettre en œuvre – notamment le financement et l’aide logistique aux partis politiques des États bénéficiaires. Dans la foulée du témoignage de Thomas Axworthy, le rapport recommande la création de cette fondation dont les activités « seraient axées sur l’aide aux partis politiques […] ce qui constituerait un outil qui est très largement absent de la politique étrangère canadienne » (les italiques sont de nous, page 132, chapitre 7). Cette proposition préoccupe grandement le NPD. Toute véritable initiative de développement démocratique ne devrait jamais être subordonnée aux seuls intérêts nationaux. La promotion de la « démocratie » peut compromettre le succès des processus démocratiques locaux – et il arrive fréquemment qu’elle le fasse – lorsqu’elle est utilisée abusivement par un État étranger pour servir des fins de politique étrangère de nature partisane.
Quelles que soient les activités proposées de la fondation, le Comité a convenu qu’une évaluation globale des programmes actuels du Canada s’impose avant que les orientations futures du pays en matière de développement démocratique ne puissent être convenablement établies. Le NPD demeure d’avis qu’il faut s’abstenir de créer de nouvelles structures ou institutions (du genre de la fondation canadienne) tant que les résultats d’une évaluation indépendante des programmes actuels du Canada en matière de développement démocratique ne seront pas connus. Il est clair qu’en prenant position en faveur d’une intervention clairement définie sous les auspices d’une nouvelle entité institutionnelle, le rapport porte préjudice aux résultats de cette évaluation.
Ces lacunes quant à la teneur du rapport et à la façon dont il a été élaboré soulèvent de sérieux doutes quant à la volonté du gouvernement de se plier aux voies démocratiques au Canada et de donner suite aux préoccupations exprimées par les spécialistes en matière de développement et par les parlementaires de l’opposition. En passant outre aux voies démocratiques existantes au Canada, le gouvernement sème le doute ici même et à l’étranger quant à sa capacité d’agir comme un intermédiaire crédible dans ces dossiers touchant sa politique de développement démocratique à l’étranger. Le NPD recommande que l’on attende l’issue d’une évaluation indépendante des programmes actuels du Canada avant de décider de la forme et de la structure de toute nouvelle initiative en matière de développement démocratique.
Conclusion
[1] Annexe 1, motion du CPAEDI, 9 juin 2005
[2] Hansard, 28 juin 2005, Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): « Monsieur le Président, j’invoque le Règlement. Sur la base de nouvelles discussions que les partis ont tenues entre eux, je pense que vous obtiendrez le consentement unanime pour l’adoption de la motion suivante. Je propose que le douzième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, présenté le lundi 13 juin, soit adopté sans débat ni amendement ». Site Web : /HousePublications/Publication.aspx?Language=F&Mode=1&Parl=38&Ses=1&DocId=1984361&File=0#Int-1374641<. Consulté le 23 juin 2007
[3] ACPD, « Aide internationale du Canada », site Web de l’ACPD : http://www.acpd.ca/acpd.cfm/fr/section/canaid/articleID/177. Consulté le 2 juillet 2007.
[4] Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, Face aux turbulences : De la nécessité d’actualiser l’aide extérieure et la force militaire du Canada, en réponse aux changements d’envergure qui surviennent. (Chambre des communes, octobre 2006, page 27.)
[5] Ibid; CCCI, « Le budget Harper ne remplit pas les engagements du gouvernement envers les pauvres de ce monde », tiré du site Web du CCCI : http://www.ccic.ca/f/004/news_2007-03_19_budget.shtml. Consulté le 21 mars 2007.
[6] Obhrai Deepak, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, réunion no 34, 5 décembre 2006.