:
Je ne n'attends pas un traitement de faveur non plus, monsieur le président, alors je vous remercie.
Je suis accompagné ici de Michael Small, le sous-ministre adjoint chargé des affaires internationales.
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous féliciter ainsi que les membres du comité, individuellement et collectivement, d'avoir endossé cette tâche importante et de poursuivre la longue tradition du Canada de promotion de la démocratie. Je pense que les travaux que vous allez faire sont extrêmement importants et très précieux dans cette démarche de promotion de la démocratie. Je crois aussi que cette étude arrive à point nommé et contribuera grandement à trouver des moyens par lesquels le Canada peut jouer un rôle plus actif sur la scène mondiale dans la promotion des principes démocratiques.
Je ne veux pas préjuger des conclusions auxquelles vous arriverez, mais j'espère bien qu'elles refléteront un consensus sur le fait que la promotion de la démocratie est une entreprise éminemment canadienne. C'est une expression des valeurs de notre pays, par-delà les intérêts partisans. Tous, ici, en votre qualité de députés élus, connaissez l'importance de la démocratie à la base. Et vous savez qu'il y a d'importants principes de la démocratie en général que nous pouvons tous adopter. La promotion de la démocratie fait partie intégrante de l'histoire du Canada. Des générations de Canadiens ont contribué à l'édification de notre propre démocratie. Toutes les générations se sont tenues prêtes à défendre notre mode de vie et à agir pour le bien d'autres peuples quand leur liberté était menacée.
Déjà lors de la Première Guerre mondiale, le Canada s'est dressé pour défendre la démocratie. De fait, d'aucuns diraient, et les historiens l'ont affirmé, que le Canada est devenu une nation sur la Crête de Vimy pendant la Première Guerre mondiale. Aussi, plus de 45 000 Canadiens ont donné leur vie en défendant la démocratie pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pendant plus de 40 ans de guerre froide, le Canada s'est rangé au côté d'autres démocraties, d'autres pays, pour s'opposer à des régimes totalitaires. Depuis la chute du Rideau de fer, nous avons tendu la main à des dizaines de nouvelles démocraties dans le monde. La lutte pour le suffrage universel et les droits de la personne fait partie intégrante de notre histoire, de même que le droit de vote, le droit de briguer les suffrages, le droit de servir au sein d'un gouvernement.
[Français]
Notre engagement accru en Afghanistan n'a rien d'exceptionnel. Tout au long de notre histoire, des Canadiens se sont dressés pour s'opposer à des idéologies qui bafouent le droit de chacun de s'occuper de ses propres affaires. Nous avons affronté des menaces à la liberté et à la stabilité mondiale. Notre propre vie en dépend; nos propres valeurs l'exigent.
L'accent qui est mis par ce gouvernement sur la liberté, la démocratie, la primauté du droit et les droits de la personne reflète nos principes de base et sont les ingrédients de succès que nous avons connus en tant que nation. Ces principes serviront de guide lorsque viendra le temps de répondre à plusieurs des défis et des menaces du monde d'aujourd'hui.
[Traduction]
Monsieur le président, notre tradition de défendre la démocratie et les droits de la personne est manifeste dans notre opposition aux régimes autoritaires, tels que ceux en place en Birmanie et en Biélorussie, et dans d'autres pays qui appellent notre attention, la Corée du Nord et l'Iran, et elle illustre notre réponse sans équivoque aux organisations qui préconisent la violence et commettent des actes terroristes.
En mars, le Canada a été le premier pays à interrompre son aide à l'Autorité palestinienne dirigée par le Hamas. Notre position est ferme, le gouvernement canadien n'entrera pas en contact ou n'acheminera pas de fonds à une organisation qui menace la sécurité des Israéliens et de leur démocratie par des moyens terroristes. Nous entretenons un optimisme prudent à l'égard du développement et des efforts que déploie Mahmoud Abbas pour atténuer les pressions qui maintiennent actuellement le peuple palestinien dans une situation si difficile.
En avril, le gouvernement canadien a ajouté les Tigres Tamouls à sa liste d'entités terroristes considérées dangereuses en vertu du Code criminel. Cette mesure lance un signal clair qu'ils doivent renoncer au terrorisme comme outil politique.
À l'instar du gouvernement canadien, la société civile canadienne participe à la promotion de la démocratie dans le monde entier. Et le moment est venu de redoubler d'effort pour relever une nouvelle génération de défis. Il n'y a pas de solution universelle, pas de démocratie parfaite, monsieur le président, et le vieil adage au sujet de la fabrication des saucisses est vrai. Ce n'est pas toujours un processus très attrayant.
[Français]
Avant de parler de relever les défis actuels de la démocratie, permettez-moi de prendre un moment pour placer la promotion de la démocratie dans un contexte mondial.
Quand on lui a demandé de nommer l'événement le plus important du siècle passé, le lauréat du Prix Nobel, Amartya Sen, n'a pas choisi la fin du colonialisme ni des guerres mondiales dévastatrices ni la montée des nouvelles puissances économiques. Pour lui, monsieur le président, l'événement le plus marquant du XXe siècle a été l'avènement de la démocratie en tant que forme prééminente d'une gouvernance acceptable. La gouvernance démocratique a été acceptée comme une norme universelle.
Comment s'explique l'attrait universel de la démocratie? Les pays peuvent adopter des formes de démocratie différentes, mais les valeurs fondamentales de la démocratie renaissent dans toutes les régions et dans toutes les cultures. Ces valeurs sont la dignité des personnes et l'importance que le consentement soit à la base des gouvernements.
[Traduction]
Mes chers collègues, les progrès de la démocratie ne se sont pas faits seuls, ni facilement. Il a fallu que des pays comme le Canada se dressent à la défense des valeurs dans lesquelles ils croyaient et, dans certains cas, pour lesquelles ils étaient prêts à se battre et à mourir. C'est un principe important. Sans vouloir faire d'excès de sentimentalité ou de mélodrame, comme l'ont fait leurs prédécesseurs, les Canadiens de la génération actuelle doivent se dresser à la défense de la démocratie.
Permettez-moi d'avancer trois raisons pour lesquelles le Canada devrait redoubler d'efforts pour promouvoir la démocratie. Tout d'abord, nos valeurs elles-mêmes l'exigent. Les Canadiens croient dans la dignité de la personne et l'appui de la population. C'est pourquoi notre gouvernement a réagi vigoureusement à l'élection présidentielle entachée d'irrégularités au Bélarus en mars dernier. C'était une atteinte flagrante aux normes démocratiques régionales, qui privait la population du Bélarus du droit de choisir son gouvernement par des élections libres et honnêtes. C'était une question de principe pour le Canada que de s'insurger contre cet abus de pouvoir.
Ensuite, la promotion de la démocratie est indissociable des efforts que nous déployons pour bâtir un monde plus pacifique, plus stable et plus prospère. Des démocraties bien établies ont plus de chance d'entretenir entre elles des relations pacifiques, ce qui présente aussi d'autres avantages, comme de stabiliser les efforts internationaux, de créer un climat propice à la prospérité économique et de faciliter le développement durable.
Bref, monsieur le président, je suis convaincu que sur tous ces plans, la démocratie est comme un bouclier qui permet à tous ces autres principes démocratiques importants de développement — la protection de la règle de droit et des droits de la personne — de s'épanouir.
Enfin, le progrès de la démocratie contribue directement à la sécurité des Canadiens. Sans être un remède miracle au terrorisme, l'attrait et la résilience des systèmes de gouvernance démocratique comptent parmi nos meilleurs atouts pour vaincre la terreur.
Nous devrions tourner notre attention vers de nombreux pays fragiles. Citons par exemples Haïti et l'Ukraine, deux États fragiles, au plan de la démocratie. En même temps, nous les applaudissons pour les progrès qu'ils ont pu réaliser.
Le mépris qu'affichent les terroristes pour la démocratie et tout ce qu'ils sont prêts à faire contre elle sont révélateurs. Comment peut-il y avoir cette oppression rampante et les abus flagrant de l'État contre les droits de la personne, qui suffiraient à lui enlever le pouvoir?
Monsieur le président, la clé de la libération des peuples est de leur donner le pouvoir de changer leur gouvernement. Les démocraties transforment ceux qui sont le plus directement touchés par la pauvreté, l'instabilité et les conflits. Elles investissent les citoyens de pouvoirs dans leur propre régime politique, et ils peuvent ainsi attirer l'attention sur des problèmes sérieux, proposer des solutions et prendre leur sort en main. En offrant des avenues pour que s'opèrent des changements pacifiques, les démocraties rendent moins séduisantes d'autres solutions plus violentes.
Quelle est la contribution du Canada dans tout cela? Sur ce plan, je suis tout à fait impatient d'entendre ce que vous avez à dire, vos points de vue et vos conclusions sur la manière dont le Canada peut au mieux aider d'autres pays à réaliser leurs aspirations démocratiques.
Permettez-moi quelques réflexions quant à la contribution que peut offrir notre pays. Le Canada jouit d'une crédibilité unique face à bon nombre de défis aujourd'hui associés à la promotion de la démocratie, et cette crédibilité lui offre des possibilités tout aussi uniques. Il y a, dans le contexte global plus vaste, énormément de bonne volonté, et il peut être très délicat de faire appel à des étrangers pour mettre en place des réformes démocratiques. Par conséquent, la réputation d'impartialité du Canada lui confère des avantages certains. Nous n'avons jamais été une puissance coloniale. Nous n'avons pas les ambitions d'une grande puissance. Nos motifs ne sont pas suspects et nous n'avons pas de buts cachés. De plus, comme je l'ai dit, les Canadiens jouissent d'une immense réputation de bonne volonté. C'est en partie grâce à nos activités de promotion, mais surtout à cause de notre soutien actif des valeurs démocratiques.
Le Canada peut aussi faire partager des expériences utiles. Il se peut que nous tenions trop facilement pour acquis, chez nous, ce que d'autres, à l'étranger, aimeraient imiter. On doit faire reconnaître le fonctionnement efficace et équitable de nos institutions. Il n'est pas nécessaire de verser des pots-de-vin pour bénéficier d'un service public. Nos forces de police agissent avec professionnalisme. Les juges sont impartiaux. Les rédacteurs en chef critiquent la classe politique. Les manifestations sont pacifiques. Les élections se déroulent dans le calme. Il y a alternance des partis au pouvoir et notre régime politique demeure intact.
Mais nos institutions ne sont pas les seules à intéresser la démocratie émergente. Nous avons aussi une foule de compétences individuelles à offrir. La société civile canadienne ne manque pas de gens qui ont l'habitude de se colleter avec bon nombre de problèmes auxquels sont confrontées les démocraties de la planète.
Nous avons des juges érudits, des journalistes, une fonction publique très dévouée et loyale qui servent ce pays. Et en ce moment même, des milliers de Canadiens de tous horizons sont partout dans le monde et dans certaines des régions les plus difficiles et les plus dangereuses du globe, vous trouverez des Canadiens qui servent, de façon désintéressée, des causes dans lesquelles ils croient.
Encore une fois, je pense que l'altruisme et la générosité sont des valeurs profondément implantées chez les Canadiens. Bien des Canadiens peuvent contribuer à résoudre des problèmes dans plusieurs langues, en montrant respect et tolérance à l'égard des autres religions et cultures. Aussi,comme ils sont particulièrement sensibles aux contextes sociaux et culturels difficiles, ils sont d'autant plus en mesure de fournir leur aide.
La grande majorité des Canadiens accepteront que la démocratie devrait jouer un rôle clé dans notre politique étrangère, et c'est exactement le rôle que le gouvernement lui a donné. Le Canada peut offrir une contribution importante sur ce plan. La question la plus difficile, c'est comment le Canada peut promouvoir au mieux la démocratie dans le plus vaste monde.
Nous devrions commencer par reconnaître que la démocratie n'est pas une chose que des étrangers peuvent imposer. Il est dans la logique même de la démocratie qu'elle soit le choix de citoyens qui l'adopteront. Des citoyens du monde entier aspirent à la démocratie, et l'aide fournie par des étrangers devrait l'être en fonction de ses bénéficiaires.
Outre l'aide au développement, nous pouvons faire beaucoup dans la sphère politique et diplomatique. Le gouvernement de Brian Mulroney l'a montré lorsqu'il a pris fermement position contre l'apartheid en Afrique du Sud. Quand il s'agit de défendre un principe, le leadership canadien peut faire une différence. Le grand homme lui-même, Nelson Mandela, souligne le rôle du leadership de M. Mulroney et du Canada dans la fin de l'apartheid en Afrique du Sud.
Notre adhésion à des organisations régionales constitue aussi une plateforme pour exercer de l'influence. Des organes comme l'Organisation des États américains ont adopté les principes démocratiques dont elles ont fait des conditions d'adhésion, et cela fait d'elles des instances vers lesquelles il est naturel de se tourner pour faire respecter et promouvoir des normes démocratiques. Des organisations interrégionales, comme le Commonwealth et la Francophonie. peuvent elles aussi jouer un rôle important.
Cependant, le Canada ne se réduit pas à son gouvernement et l'attachement du Canada à la démocratie va bien au-delà des politiciens, des diplomates et des spécialistes du développement. La démocratie est l'affaire de toute la société canadienne, de nos universités à nos lieux de culte, de nos associations professionnelles à nos partis politiques. Nous devrions mobiliser la société canadienne pour promouvoir la démocratie.
Dans chaque circonscription du Canada, il y a des organisateurs bénévoles qui essaient d'établir une relation entre les citoyens et le gouvernement en les incitant à voter et en recueillant leurs points de vue pour l'établissement des prochains programmes électoraux. Dans chaque coin du pays — chaque village, ville, communauté rurale — se trouvent des gens qui soutiennent des causes avec passion, qui se regroupent pour défendre leurs points de vue. Dans chaque collectivité, il y a des femmes décidées à surmonter les obstacles à leur égalité avec les hommes et des enfants déterminés à apprendre.
Monsieur le président, je dirais qu'aucune organisation particulière ne peut s'attribuer la propriété de ces enjeux. Il est de l'intérêt collectif de la communauté de faire face aux enjeux de l'égalité, de la pauvreté infantile et de l'atténuation de la pauvreté, et cela afin de protéger et promouvoir les droits de la personne en général. Donc, il est important — et ambitieux, j'ajouterais —, de trouver un moyen de mobiliser ces membres de la société civile pour aider ceux ou d'autres sociétés civiles d'autres pays. Les obstacles à la démocratie dans différents pays sont légion. Fort heureusement, le Canada a des légions d'experts qui peuvent aider les habitants de ces pays à surmonter ces obstacles.
J'estime que nous devrions faire de la promotion de la démocratie une priorité non seulement du gouvernement du Canada, mais aussi de notre société toute entière. Tout comme les générations précédentes, la génération actuelle des Canadiens se doit de promouvoir la démocratie face aux défis du XXIe siècle.
Pour terminer, monsieur le président, la véritable épreuve de force — de croyance, d'engagement et de courage — est notre capacité de défendre quelque chose quand cela présente un risque pour soi ou pour son bien-être, et quand il en coûte à la personne, au pays ou à l'organisation, et pourtant, on le fait par principe. Je crois que la démocratie est un principe qui vaut qu'on se batte pour lui, et qu'on le défende avec ardeur. C'est un exercice collectif; il prend en considération des questions d'ordre pratique, mais aussi des aspects complexes.
Je terminerai en vous encourageant tous à une vaste consultation. Je sais que vous entendrez de nombreux témoins et de nombreuses organisations. Comme je l'ai dit au début, je suis impatient de connaître vos recommandations sur la manière dont nous pouvons nous acquitter de cette tâche. Je répondrai volontiers à vos questions, cet après-midi.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président, et merci chère collègue pour votre question.
Votre dernière question concerne la future mission en Afghanistan. Il est certes prévu de donner le contrôle du pays au gouvernement et à la population de l'Afghanistan. Cependant, ce transfert ne peut se faire pour le moment parce qu'il y a des conflits sur le terrain, particulièrement dans le sud de l'Afghanistan. L'instauration de la capacité, de la démocratie et le développement représentent beaucoup de travail pour le Canada et les autres participants à la mission.
[Traduction]
Tous les travaux que font les 37 pays qui participent à la mission de l'OTAN et les 60 autres pays qui font du travail de développement là-bas n'ont pas obtenu les résultats souhaités.
Dans l'entente de Londres, il y a toutes sortes de panneaux très importants jalons qui nous disent quand le retrait peut se faire et très franchement, je vous dirais qu'en seulement cinq ans, les résultats que nous avons déjà obtenus sont extraordinaires si on les compare à ce qu'était l'Afghanistan il y a quelques années seulement : 5 millions de plus d'enfants à l'école; le microcrédit offert aux femmes; les femmes qui votent et participent à la démocratie. Qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas du progrès?
Les femmes comptent pour 27 p. 100 des parlementaires élus. C'est plus qu'au Canada. Et ils déploient d'énormes efforts pour la construction de l'infrastructure — des routes, des autoroutes, des écoles et des hôpitaux — qui permettront à leur économie d'amorcer cette lente reprise.
L'un des gros problème qui reste à régler, vous le savez, est celui du pavot et de l'héroïne. Nous n'avons pas encore réussi à éradiquer ou à complètement régler ce problème. Alors je vous dirais que ce serait rien de moins que de la négligence de notre part de nous retirer en cette période critique.
Nous venons de parler d'États fragiles ou défaillants. On ne peut pas partir avant que le travail soit terminé. On ne peut pas partir sans avoir assuré la sécurité continue de tous les importants travaux de développement, de gouvernance et de construction de l'infrastructure qui ont été entrepris dans ce pays.
[Français]
Il est difficile pour moi de parler des priorités de l'ACDI. Je crois que la ministre de la Coopération internationale, Mme Josée Verner, comparaîtra prochainement devant ce comité. Il vaudrait peut-être mieux lui laisser le soin de répondre à cette question.
[Traduction]
Pour ce qui est de la Chine, il est clair qu'il y a là des priorités en matière de droits de la personne et le Canada peut y contribuer. J'ai rencontré le ministre des Affaires étrangères de la Chine à New York la semaine dernière, nous avons discuté de plusieurs sujets, notamment de notre préoccupation pour un citoyen canadien, M. Celil, qui est en prison en Chine. Nous nous préoccupons de leur système de justice. Nous nous préoccupons du fonctionnement de leur démocratie, si on peut l'appeler ainsi.
Quant à l'investissement véritable de ressources au Canada à cette fin, nous réexaminons la question. Mais je dirais que le Canada a encore une contribution à faire sur ce front.
Je n'irai pas plus loin, monsieur le président.
C'est loin d'être assez de temps, mais j'apprécie que le ministre soit venu devant le comité et j'aimerais poursuivre sur trois sujets qui ont été soulevés.
Le premier concerne Maher Arar. Je pense que la discussion au sujet de la démocratie est plutôt facile, puisque nous pouvons tous nous entendre de tous les côtés, sur l'importance de la démocratie, mais je crois que le test, c'est de savoir ce qu'on entend vraiment par là. Je pense qu'il y a des gens non seulement dans le pays, mais dans le monde entier qui sont horrifiés par les injustices qu'a subies M.Arar, les événements incroyables qui sont survenus dans sa vie.
J'aimerais vous demander de parler un peu plus du refus constant, qui ressort même de vos commentaires aujourd'hui, de simplement reconnaître la nécessité de présenter des excuses, des excuses formelles du gouvernement, et deuxièmement, de faire une déclaration claire d'engagement à l'indemniser. Le fait de se cacher derrière des avocats sous prétexte d'un éventuel procès à venir n'est pas une excuse suffisante pour ne pas faire de déclaration claire et sans équivoque sur une indemnisation juste et des excuses formelles et claires qu'on lui doit. J'aimerais vous demander de commenter brièvement cet aspect.
Deuxièmement, vous avez parlé, je crois avec certaine justification, du fait que le Canada est avantagé, parmi les pays qui soutiennent la démocratie, pas sa bonne réputation sur la scène mondiale. Mais vous savez, je suis sûre, que devant ce comité, à maintes reprises au fil des dernières années, nous avons entendu des témoignages de nombreux représentants d'ONG, diplomates, universitaires, etc. du monde — y compris, en passant, l'actuel président de l'ACDI — qu'en fait, la réputation du Canada s'étiole, a baissé, s'est nettement détériorée à cause, entre autres, du manquement du Canada à s'acquitter nettement d'obligations officielles d'aide au développement à l'étranger, avec des échéanciers et des cibles, en affichant un progrès constant vers l'objectif de 0,7 p. 100 qui aurait dût être atteint depuis longtemps.
Plus précisément, puisque la démocratie est réellement un concept vide, une abstraction, à moins que les conditions de vie des gens s'améliorent réellement, et ce sont là vraiment les conditions positives dans lesquelles la démocratie est plus susceptible de s'épanouir, j'aimerais vous interroger sur l'engagement de votre gouvernement à enfin promulguer les mesures législatives que votre chef a promises et que ce comité a recommandé à l'unanimité au gouvernement de soutenir — en fait, que le Parlement a avalisées à l'unanimité — il y a un an et demi. Dans quelle mesure votre gouvernement est-il déterminé à les mettre en oeuvre?
Troisièmement, en ce qui concerne l'Afghanistan, dont vous avez parlé à plusieurs reprises comme d'un exemple de progrès réel, et vous avez spécifiquement parlé de la situation améliorée des femmes en précisant que le Parlement en compte 27 p. 100, je sais que vous devez savoir qu'en fait, la situation des femmes est tout simplement épouvantable dans de nombreuses régions de l'Afghanistan.
Pour citer brièvement un exemple effroyable de quelque chose qui est arrivé ici même, sous ce toit, le président Karzai est venu nous parler. Avec quelques collègues, j'ai eu la possibilité de m'entretenir avec plusieurs femmes afghano-canadiennes à la suite de son intervention et de leur demander « si vous aviez la possibilité de faire une déclaration, de soulever des questions à la Chambre, quelles seraient-elles, compte tenu de votre engagement à améliorer la situation des femmes et la démocratie? », et elles ont dit de l'interroger au sujet de l'incroyable violence, la brutalité, les viols, les pots-de-vin et les meurtres, dans certains cas, par les parrains de la drogue, par l'Alliance du Nord, et de lui demander de reconnaître que les Talibans ne sont pas la seule menace à la sécurité et à la situation des femmes en Afghanistan. Nous n'avons entendu que des moqueries. Nous avons entendu un chahut en provenance des sièges du parti au pouvoir, d'un bout à l'autre de la pièce, quand ces questions ont été posées.
J'aimerais vous demander d'en parler de façon franche et directe, parce que cela reste une préoccupation importante qu'expriment encore et toujours les femmes, et au nom des femmes de l'Afghanistan aujourd'hui, dans de nombreuses régions du pays.