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NDDN Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 — QUESTIONS À L’ÉTUDE

DURÉE DE LA MISSION

C’est comme les éliminatoires au hockey. On perd, et c’est fini. On ne veut pas être éliminé en pensant qu’on aurait pu faire plus.

Jeune officier de l’armée canadienne à Kandahar, sirotant un café
Janvier 2007

Le gouvernement s’est engagé à maintenir les Forces canadiennes en Afghanistan jusqu’en février 2009. Le ministre O’Connor l’a indiqué clairement lorsqu’il a comparu devant le Comité le 30 mai 2006 : « Les gens parlent de 10, 15 ou 20 ans, mais ce ne sont que des hypothèses. À l'heure actuelle, sur le plan militaire — et je ne parle ici ni de diplomatie, ni d'aide — nous nous sommes engagés jusqu'en février 2009. »

À la lumière des événements, il s’avère que la reconstruction de l’Afghanistan et l’établissement d’institutions démocratiques ne seront pas terminés à ce moment-là. Beaucoup de gens disent qu’il faudra des décennies, voire des générations, pour en venir à bout. Concernant l’avenir immédiat, toutefois, la communauté internationale a convenu dans le Pacte pour l’Afghanistan de venir en aide au gouvernement afghan sous différents aspects au moins jusqu’en 2011. Signataire du Pacte, le Canada a réservé un milliard de dollars pour l’aide publique au développement en Afghanistan jusqu’en 2011.

Ces grandes considérations mises à part, le Comité estime que deux questions précises sont d’une importance capitale pour la mission militaire canadienne en Afghanistan. La première est l’instauration, d’ici février 2009, d’un environnement suffisamment sûr pour que la reconstruction et le développement suivent leur cours sans se heurter aux talibans. La deuxième est la mise en place, d’ici février 2009, de forces de sécurité afghanes qualifiées pour protéger leur pays par elles-mêmes. En présence de ces deux réalisations, le Canada pourra déclarer avec satisfaction qu’il a accompli une partie importante de son travail et rapatrier ses militaires en laissant sur le terrain un solide effectif professionnel chargé du développement. En l’absence d’une de ces deux réalisations, si l’on insiste pour rapatrier nos soldats, il faudra que les responsabilités militaires actuelles du Canada soient confiées à quelqu’un d’autre. Nous n’aurons pas mené à terme notre travail.

Des compromis sont possibles, mais qui exigeraient eux aussi qu’un autre pays déploie des forces de combat dans la province de Kandahar où elles prendraient la relève des soldats canadiens. Le Canada pourrait décider de conserver le commandement de l’Équipe provinciale de reconstruction (EPR) et de rappeler le
groupement tactique. Il pourrait aussi envisager de transférer à une autre région de l’Afghanistan les éléments militaires affectés à la reconstruction. Ces deux solutions exigeraient l’envoi de soldats d’un autre pays.

Le Comité estime toutefois que le nœud du problème, pour ceux qui réclament que la mission se termine en 2009 ou avant, c’est que certaines personnes n’aiment pas l’Idée que les Forces canadiennes se livrent à des combats. Or, comme on l’a dit précédemment, cette façon de voir les choses est incompatible avec notre histoire nationale, contredit la force de caractère dont nous faisons preuve en tant que pays et ne concorde assurément pas avec la réalité en Afghanistan.

Ces propos sont dérangeants. Nous avons l’air de vouloir battre en retraite parce que la tâche est trop lourde. Est-il vraiment dans notre nature de prévoir faire les choses à moitié?

Quand il s’est rendu à Kaboul en mai 2007 pour le compte de CARE Canada, active en Afghanistan depuis des dizaines d’années, l’ancien vice-premier ministre John Manley a dit dans une entrevue téléphonique qu’il pensait qu’il était trop tôt pour conclure que le Canada devrait rapatrier ses soldats à l’expiration de la période à laquelle il s’est engagé dans deux ans. « Il ne faut pas sauter aux conclusions » a-t-il dit, ajoutant qu’il faudrait d’abord faire le bilan des réalisations au chapitre de l’établissement d’une société civile et évaluer les plans des alliés du Canada. « Il serait vraiment simpliste de dire que nous avons fait notre part et qu’il est temps de rentrer », a dit M. Manley[1].

Le Comité est convaincu que la décision de mettre fin à la mission militaire, peu importe le moment où elle est prise, devra être basée sur la question de savoir si les objectifs stratégiques fixés par le gouvernement ont été atteints ou peuvent l’être. Il sera notamment important de se demander si le Canada veut ou peut continuer d’assumer les coûts humains et financiers de la mission. Bref, en février 2009, le jeu en vaudra-t-il encore la chandelle?

Quand ils ont témoigné devant le Comité le 27 février 2007, James Appathurai, porte-parole de l’OTAN, et Christopher Alexander, ambassadeur, ont été très clairs : les discussions sur notre retrait de l’Afghanistan réconfortent nos ennemis, affaiblissent la confiance que les alliés ont en nous et atténuent l’espoir des Afghans de voir l’aide se maintenir. Presque tous les témoins sont d’avis que l’Afghanistan est un projet de longue haleine et que le Canada doit tenir jusqu’au bout.

Le Comité estime qu’il est encore temps de donner à la mission militaire la chance de faire ses preuves. Après avoir pris acte de l’échéance pour la mission, nous devons en premier lieu déterminer ce que nous devons faire pour réussir avant la date limite, et non essayer de voir pourquoi et comment nous devrions nous retirer avant d’avoir fini. Il est de notre responsabilité morale et professionnelle d’élaborer et d’exécuter un plan pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en fonction de cette échéance. Forts de nos expériences militaires de la dernière année, que pouvons-nous faire maintenant pour atteindre nos objectifs d’ici février 2009?

À vrai dire, le Comité est d’avis que le Parlement et le gouvernement n’auraient pas dû, au départ, placer le pays dans cette position. Approuver une opération pour une période limitée, c’est comme partir après une seule période au hockey, peu importe le score. Il est contraire à la logique d’établir une échéance avant de déterminer le travail à faire. Une bonne planification stratégique consiste à fixer d’abord l’objectif après mûre réflexion et à établir ensuite une stratégie et un plan de campagne. Le Parlement devrait débattre de la stratégie, et non de l’échéance.

Le Comité croit que, pour redresser la situation, il faudra un effort renouvelé en vue d’aider les Canadiens à comprendre la mission militaire en Afghanistan. Il croit en outre que le gouvernement a une chance de s’assurer un soutien constructif et non partisan pour la mission en veillant à ce que le Parlement tienne en 2008 un débat parfaitement éclairé sur les objectifs et la stratégie. Le débat devrait être précédé d’un effort concerté de la part du gouvernement pour présenter à la population un bilan réaliste du succès de la mission et de ses perspectives d’avenir. Il faudrait aussi expliquer clairement les avantages que le Canada tirerait de cet effort.

RECOMMANDATION 4

Le gouvernement devrait sans tarder tenir un débat sur la mission canadienne en Afghanistan pour présenter aux Canadiens des informations exactes et à jour sur le but de cette mission, son état d’avancement et le rôle que le Canada y joue et pour orienter ses décisions concernant l’échéance de février 2009.

ÉTAT DES EFFECTIFS

Compte tenu de la difficulté des combats, le Comité est impressionné par l’ardeur au travail des hommes et des femmes membres des Forces canadiennes en Afghanistan et par l’endurance dont ils font preuve.

L’armée supporte le poids de l’effectif à fournir pour la mission en Afghanistan. Le lieutenant-général Andrew Leslie, commandant de l’armée canadienne, a comparu devant le Comité le 20 novembre 2006 pour donner un aperçu des défis auxquels il était confronté sur le plan du personnel, et dont les plus importants sont présentés dans les paragraphes qui suivent.

L’armée a des effectifs suffisants pour répondre aux besoins de la mission jusqu’en 2009, mais la tâche ne sera pas facile. Une des grandes difficultés touche les sous-officiers supérieurs (ayant rang de sergent), qui représentent la cheville ouvrière de l’armée. Ils dirigent les soldats dans les opérations, les entraînent dans les centres d’instruction au combat et exercent d’autres fonctions importantes, mais ils ne sont pas assez nombreux.

Outre les effectifs limités, l’armée doit composer avec le fait que la configuration de ses unités ne correspond pas aux structures déployées en Afghanistan. Par exemple, au Canada, les compagnies d’infanterie se composent généralement de 100 à 110 soldats, alors qu’en Afghanistan, les unités opérationnelles comptent de 145 à 150 soldats. Par conséquent, lorsqu’elle forme une compagnie d’infanterie pour la mission afghane, l’armée doit puiser dans au moins deux autres compagnies du même bataillon.

Le lieutenant-général Leslie a ordonné qu’au Canada les effectifs de l’armée soient restructurés à l’image de ce qui se fait dans les opérations. La force de campagne régulière est en train d’être modifiée pour comprendre trois brigades et neuf, peut-être dix, groupements tactiques d’infanterie. Ces brigades et groupements tactiques seront ensuite organisés, instruits et équipés en fonction des opérations. Lorsqu’il aura terminé sa période d’affectation actuelle en Afghanistan, le 2e Bataillon du Royal Canadian Regiment sera désigné comme groupement tactique permanent dans le cadre d’un essai de cinq ans.

Au chapitre du personnel, le traitement des blessés est une autre question qui suscite l’attention générale.

Services de santé

Les Forces canadiennes ont créé un commandement distinct pour les Services de santé. L’existence d’un système de santé militaire tient au fait que la Loi constitutionnelle de 1867 a attribué au gouvernement fédéral la compétence exclusive des questions militaires, y compris des soins de santé. La Loi sur la défense nationale confie la gestion et la direction des Forces canadiennes au ministre de la Défense nationale, qui délègue l’administration des services médicaux et dentaires aux Forces canadiennes.

De plus, la Loi canadienne sur la santé de 1984 exclut formellement les membres des Forces canadiennes de la définition d’« assuré ». Ceux-ci sont également exclus de la protection des régimes de soins médicaux et dentaires de la fonction publique. Par conséquent, les Forces canadiennes ont la forte obligation légale et morale d’offrir des soins de santé complets à leurs membres, tant au Canada qu’à l’étranger. En reconnaissance de leur engagement et de leur obligation de servir le pays sans condition, les membres des Forces canadiennes doivent recevoir des soins de santé comparables à ceux dont bénéficient les autres Canadiens, quoiqu’adaptés à leurs propres besoins.

En dépit de ce que beaucoup de gens présument, les Services de santé des Forces canadiennes ne fournissent pas de soins de santé courants aux familles des militaires. Comme pour tous les citoyens, ces familles utilisent les services de santé qui relèvent des gouvernements provinciaux. De nombreuses familles de militaires, par exemple celles de la BFC de Petawawa, ont du mal à trouver un médecin de famille parce que leur base est éloignée d’une grande ville. En pareil cas, le Centre de ressources pour les familles des militaires installé sur la base offre du counselling aux familles et les oriente vers d’autres services au besoin, en particulier lorsque le conjoint est affecté à une mission opérationnelle comme celle de l’Afghanistan (on trouvera davantage d’information sur ces centres un peu plus loin).

Dans les opérations, les soins de santé revêtent une signification et une importance tout autres. Il y a généralement deux types de blessures sur le théâtre d’opérations : les blessures corporelles et les traumatismes psychologiques.

Blessures corporelles

Les blessures corporelles, en particulier celles causées sur le champ de bataille, sont traitées efficacement par les éléments médicaux de niveau tactique, qui vont de l’équipe des premiers soins immédiats en campagne à l’hôpital multinational de rôle 3[2] à la base aérienne de Kandahar en passant par le poste sanitaire d’unité. Pendant sa visite à l’établissement de rôle 3, le Comité a été très impressionné par l’équipe multinationale, qui traitait tous les blessés — canadiens, alliés, afghans et, oui, même talibans — avec le même empressement et la même attention professionnelle.

Les blessés dont l’état a pu être stabilisé dans l’établissement de rôle 3 mais dont l’état nécessite des soins qu’on ne peut leur offrir sur place sont en général évacués vers l’hôpital régional américain de Landstuhl[3], en Allemagne, un centre médical de classe mondiale qui prodigue les meilleurs soins qui soient à nos soldats blessés. Si un blessé canadien doit passer du temps à Landstuhl, les Forces canadiennes prennent des dispositions pour y faire venir son plus proche parent[4]. Le général Hillier, chef d’état-major de la Défense, a décerné officiellement une mention élogieuse à cet hôpital au nom du Canada pour les soins exceptionnels donnés aux militaires canadiens.

Selon la nature de leurs blessures, les victimes peuvent être expédiées directement au Canada à partir soit de l’hôpital international de Kandahar, soit de l’hôpital de Landstuhl. À leur arrivée au pays, elles sont confiées aux Services de santé des Forces canadiennes.

Pendant leur visite aux BFC d’Edmonton et de Petawawa, les membres du Comité se sont longuement entretenus avec des soldats blessés qui avaient été rapatriés et étaient encore en traitement. Chacun d’entre eux — sans exception — n’avait que des éloges à faire pour les soins et l’attention reçus à partir du moment où ils avaient été blessés, peu importe le parcours suivi pour revenir au pays.

Les soldats blessés plus gravement que le Comité a rencontrés aux BFC d’Edmonton et de Petawawa lui ont dit clairement que leur préoccupation première était de pouvoir continuer à porter l’uniforme. Ils savaient que la gravité de leurs blessures pourrait les empêcher de poursuivre la même vie de soldat, mais ils étaient tous déterminés à rester dans les Forces canadiennes et à faire œuvre utile.

Après une période de traitement, le médecin détermine si le soldat blessé peut continuer de servir dans les Forces canadiennes. Pour prendre cette décision, il se fonde sur la politique des Forces canadiennes concernant l’« universalité du service », selon laquelle chaque membre peut devoir être envoyé sur un théâtre d’opérations et doit donc satisfaire aux exigences physiques de l’affectation. Malheureusement, certaines blessures ou incapacités graves ne seront jamais guéries ou atténuées au point où le militaire peut espérer retrouver son excellente condition physique antérieure.

Les personnes libérées des Forces canadiennes pour raisons médicales sont suivies de près dans le cadre d’un mécanisme intégré de transition géré conjointement par le MDN et Anciens combattants Canada. Ces jeunes vétérans et leurs familles bénéficient des indemnités et des autres avantages prévus par la nouvelle Charte des anciens combattants[5].

Traumatismes psychologiques

Les traumatismes psychologiques sont plus difficiles à diagnostiquer, à traiter et à suivre. Qualifiés officiellement de traumatismes liés au stress opérationnel, ils résultent d’une multitude de stress et se manifestent de différentes façons. Là aussi, le MDN et Anciens combattants Canada ont mis au point un programme concerté et efficace destiné aux militaires en service et aux anciens militaires.

Il n’est pas surprenant que le stress des combats continus soit une des causes du stress opérationnel, mais il y en a d’autres. Le stress opérationnel peut aussi toucher ceux qui vivent dans l’attente ou dans la crainte de mauvaises nouvelles, comme les familles restées au Canada.

En préparation aux combats, les dirigeants des Forces canadiennes de tous rangs sont maintenant instruits régulièrement des symptômes du stress opérationnel et ils surveillent de près tout signe de comportement anormal. Le machisme qui régnait traditionnellement dans les forces armées amenait les militaires à masquer, à négliger et à dénigrer la « faiblesse » apparente d’un « traumatisme » ou d’autres signes de « couardise ». Cette attitude stéréotypée n’a plus cours, mais le Comité a appris que la tendance à cacher les symptômes du stress opérationnel est encore présente, surtout dans les unités de combat. Bien que cela paraisse inquiétant, il faut signaler que c’est dans ces unités que les dirigeants sont le plus sensibilisés aux symptômes du stress opérationnel et aptes à les déceler, car il serait désastreux de laisser ces troubles couver sur le champ de bataille. Selon le brigadier-général Hilary Jaeger[6], alors médecin-chef des Forces canadiennes, la génération actuelle des dirigeants d’arme de combat est très consciente du rôle crucial qu’elle joue dans la surveillance de la santé mentale de ses effectifs; ces dirigeants prennent en considération les réactions émotionnelles possibles lors de chaque incident, encouragent le soutien des pairs et n’hésitent pas à demander conseil[7].

L'entraînement suivi avant le déploiement est d’une importance capitale pour au moins deux raisons : tout d'abord, plus le militaire a confiance en ses habiletés, mieux il pourra réagir en cas de danger; et ensuite, plus il a le sentiment de faire partie d'un groupe homogène, mieux cela vaut pour sa santé mentale. Un entraînement collectif exigeant est extrêmement important aussi pour favoriser l'homogénéité dans l'équipe.

Certaines des observations additionnelles du brigadier-général Jaeger sur le système de santé mentale des Forces canadiennes, présentées au Comité le 27 novembre 2006, sont reprises dans les paragraphes suivants.

Tous les soldats subissent un examen psychosocial général mais minutieux avant leur déploiement. Normalement, les conjoints sont invités à y assister; ils ne le font toutefois pas toujours pour différentes raisons — certains ne le veulent tout simplement pas, d’autres habitent à l’extérieur et d’autres encore en sont empêchés par des obligations. Les séances ont pour objet d'évoquer les préoccupations personnelles du militaire ou les situations susceptibles d’aggraver les choses (sa propre santé, un parent malade, une procédure judiciaire en instance, etc.) et d'évaluer les conséquences du déploiement sur ces éléments de stress. Tous les membres des Forces canadiennes subissent également un examen médical général avant de recevoir le feu vert pour partir en mission.

Une fois sur le théâtre d'opérations, tous les militaires ont accès à une équipe de soins en santé mentale qui compte un psychiatre, une infirmière en santé mentale et un travailleur social. Ils peuvent aussi discuter de leurs problèmes avec un aumônier ou un omnipraticien de l’armée.

Parallèlement, les Services de santé des Forces canadiennes continuent de renseigner tout le personnel sur les questions de santé mentale. Il y a trois points importants à retenir. Premièrement, la réaction aiguë au stress (ou réaction au stress du combat, autrefois désignée sous le nom de psychose traumatique) est typique du bon soldat qui n’est plus capable de fonctionner, qui tremble, pleure, etc., et peut aller jusqu’à faire des fugues. Il s’agit d’un trouble aigu, généralement de courte durée, qui se traite le mieux à proximité de l’unité par des mesures simples, comme un repos suffisant et des aliments sains, car, a priori, le militaire est normal et retournera à ses fonctions, ce qui est la plupart du temps le cas, si le trouble est bien géré. Deuxièmement, l’état de stress post-traumatique, lui, est très différent. Trouble anxieux, il peut résulter d’un facteur de stress unique mais grave et produire divers symptômes pouvant être répartis en trois grandes catégories : évitement, intrusion (l’événement est revécu) et hypervigilance. Dans les Forces canadiennes, cet état semble se manifester en différé. Par conséquent, la plupart des outils de santé mentale qui s’y rapportent sont utilisés au cours du dépistage post-déploiement amélioré qui a lieu de quatre à six mois après le rapatriement des militaires. Troisièmement, le stress du déploiement peut aggraver presque n’importe quel trouble mental, que ce soit la dépression, de simples phobies ou des troubles de la personnalité.

À fin d’une période de service en Afghanistan, tout le personnel passe par un séjour de « décompression » de quatre jours à Chypre pour se détendre et réduire la tension associée au retour au pays. Ce programme vise surtout le repos et la récupération, mais il comporte aussi un volet éducatif qui permet aux soldats de reconnaître, de comprendre et, dans certains cas, de contrôler leurs réactions émotives à certaines situations. Des militaires qui ont participé au programme de décompression ont dit au Comité qu’avant de quitter l’Afghanistan ils voyaient l’escale à Chypre comme un obstacle qui les séparait pendant encore quatre jours de leur femme et de leurs enfants. Toutefois, après avoir mené à bien le programme de décompression, ils ont tous trouvé l’expérience bénéfique et nécessaire, surtout ceux qui avaient participé à des périodes de combat prolongées.

Étant donné que ce programme de décompression est populaire et jugé utile et qu’il a des effets positifs sur la santé mentale des soldats qui rentrent au pays, le Comité se demande pourquoi il n’est pas offert aux soldats qui retournent chez eux pour un congé à la mi-temps de leur période de service. Faut-il y voir une simple omission?

Prenons le cas du groupement tactique du 1RCR dans la ROTO 2, au cours de l’automne 2006 et de l’hiver 2007. Dès les premiers jours, ou presque, de son arrivée en août et pendant au moins trois mois, le groupement est demeuré en période de combat intensif, et il s’est livré à des combats sporadiques le reste du temps. Il est certain que les soldats qui devaient partir en congé en novembre, par exemple, avaient été soumis à un énorme stress du combat. Fait étonnant, on ne semble pas croire qu’une décompression soit nécessaire dans cette situation. Malgré tout le travail que les Forces canadiennes ont effectué ces dernières années pour prévenir, diagnostiquer et traiter les traumatismes liés au stress opérationnel, ce cas semble avoir été négligé. Un soldat qui a vécu un violent stress du combat sera renvoyé parmi les siens à la mi-temps de sa période de service sans décompression préalable. Pourquoi risque-t-il moins d’être victime du stress opérationnel que le soldat qui rentre au pays à la fin de son affectation?

RECOMMANDATION 5

Le ministère de la Défense nationale devrait examiner la nécessité d’un programme de décompression souple destiné aux soldats qui rentrent au pays pour un congé à la mi-temps de leur période de service.

Quatre à six mois après leur rapatriement, tous les militaires subissent un dépistage post-déploiement amélioré, qui consiste en un questionnaire type assez complet, suivi d'un entretien individuel semi-dirigé avec un professionnel de la santé mentale. Cet outil est considéré comme efficace pour le dépistage précoce des problèmes de santé mentale et d’adaptation. Le brigadier-général Jaeger estime qu’il est bon de procéder à cet examen de quatre à six mois après le retour car, à ce stade, beaucoup de symptômes présents au départ auront alors disparu spontanément, tandis que, dans d'autres cas, l'apparition des symptômes aura été retardée ou l'individu acceptera plus facilement de reconnaître qu'ils sont présents depuis son retour. En outre, un militaire qui s'inquiète de sa santé mentale peut en tout temps obtenir de l'aide auprès de différentes sources, sans devoir attendre cet examen.

L’accès aux services de santé mentale et à d’autres formes de soutien n’est pas le même dans toutes les grandes bases de l’armée. Durant sa visite à la BFC de Petawawa, le Comité a appris que, parmi les trois grandes bases qui servent au déploiement des troupes en Afghanistan, celle de Petawawa ne comptait que neuf professionnels de la santé mentale, contre 27 à la BFC d’Edmonton et 35 à la BFC de Valcartier. Toutefois, le brigadier-général Jaeger a expliqué qu’environ 30 professionnels de la santé sont accessibles à Ottawa pour aider les neuf de Petawawa au besoin.

L’équipe de santé mentale compte d’autres membres. En plus des services militaires de santé mentale, il existe un réseau indépendant, mais complémentaire, qui fait un excellent travail.

Soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO)

Le réseau de soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO)[8] a vu le jour au printemps 2001, à la suite des recommandations formulées par le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, par la Commission d’enquête sur la Croatie du ministère de la Défense nationale et par l’ombudsman de la Défense nationale. Ses objectifs sont les suivants :

a.      Concevoir des programmes de soutien social pour les membres, les anciens combattants et leurs familles touchés par le stress opérationnel;

b.      Offrir l’éducation et la formation qui permettront de changer la culture à l’égard des traumatismes psychologiques au sein du ministère de la Défense nationale, en particulier des Forces canadiennes, mais aussi d’Anciens combattants Canada.

Le programme, basé sur le principe du soutien par les pairs, procure un soutien social confidentiel aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants et à leurs proches touchés par le stress opérationnel, par exemple l’anxiété, la dépression ou l’état de stress post-traumatique résultant du service militaire. Le soutien social est offert par des personnes qui ont elles-mêmes subi un traumatisme et par des proches qui comprennent à fond les problèmes que cela occasionne parce qu’ils les ont vécus.

Le programme est offert dans différentes régions du Canada aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants ainsi qu’à leurs familles. Des coordonnateurs formés pour donner un soutien par les pairs sont présents dans la plupart des grandes villes. Ayant eux-mêmes vécu un stress opérationnel, ils apportent leur soutien en écoutant les personnes qui souffrent, en leur faisant profiter d’expériences analogues et en les orientant vers des ressources offertes au ministère de la Défense nationale, à Anciens combattants Canada et dans leur collectivité. Ils respectent la vie privée des gens et préservent le caractère confidentiel des entretiens.

Des coordonnateurs de soutien familial viennent en aide aux familles touchées en les écoutant, en leur donnant de l’information, en les faisant participer à des groupes de discussion et en les dirigeant vers des ressources communautaires.

Un des avantages du réseau de SSVSO est qu’il est entièrement indépendant de la filière de commandement militaire, ce qui met à l’aise les militaires et leurs familles qui cherchent de l’aide. Malgré les encouragements, beaucoup sont d’avis qu’ils nuiront irréparablement à leur carrière s’ils tentent de faire traiter leurs traumatismes par la filière militaire normale.

Pour soutenir le réseau de SSVSO, le ministère des Anciens combattants a établi des cliniques à l’intention des anciens combattants, des membres des Forces canadiennes et des agents de la GRC admissibles qui se remettent de traumatismes liés au stress opérationnel. On y trouve des professionnels de la santé, notamment des psychiatres, des psychologues, des infirmières et des travailleurs sociaux cliniciens qui offrent des services d'évaluation, de traitement, de prévention et de soutien normalisés qui répondent à des normes de qualité élevées[9].

RECOMMANDATION 6

Le gouvernement devrait reconnaître le travail essentiel accompli par le réseau de soutien social aux victimes de stress opérationnel et appuyer ce réseau en lui affectant des fonds suffisants et d’autres ressources pour qu’il puisse continuer de répondre aux besoins des militaires de retour d’Afghanistan et de leurs familles, car la demande de services augmente.

Commodités

La FOI-AFG est sans doute la force la mieux accompagnée que le Canada ait jamais déployée à l’étranger. Le soutien apporté par les Canadiens dans tout le pays est phénoménal. Il égale, et dépasse parfois, l’appui témoigné pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il n’y a assurément eu rien de tel depuis cette époque.

Ce soutien se manifeste par la quantité d’envois que les Canadiens font à leurs troupes. Cartes de Noël d’écoliers, tuques, gâteaux, plein de choses se rendent jusqu’à Kandahar. En fait, plusieurs soldats ont avoué au Comité, d’un air penaud, que les colis étaient trop nombreux. Ils se sont toutefois empressés de préciser qu’ils ne gaspillaient rien et que le surplus était donné à de bons organismes de bienfaisance d’Afghanistan.

L’Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes (ASPFC) offre à la FOI-AFG des programmes, des services et des activités propres à soutenir le moral des troupes. Elle compte plus de 60 volontaires civils (dont 75 p. 100 de femmes) qui organisent des activités sportives, des séjours à l’étranger et des cafés internet, entre autres choses. Elle s’occupe aussi des commodités liées au programme de décompression à Chypre.

L’ASPFC gère le comptoir Tim Hortons de la base aérienne de Kandahar, situé tout juste à côté du « Maple Leaf Gardens », terrain de hockey-balle grandeur nature équipé de projecteurs. La remorque Tim Hortons, qui donne sur la « promenade » surélevée aménagée tout autour du terrain de sport et où des comptoirs commerciaux d’autres pays commencent à faire leur apparition[10], est devenue un symbole du Canada et un point d’arrêt populaire pour les militaires de toutes les nationalités qui vivent sur la base. Ce n’est pas une concession Tim Hortons traditionnelle. Elle appartient au gouvernement canadien et a coûté 1,2 million de dollars à implanter, mais elle génère des profits beaucoup plus rapidement que prévu[11].

L’ASPFC confie à un entrepreneur la transmission en direct d’émissions de radio et de télévision pour les forces déployées à l’étranger. Les militaires peuvent aussi envoyer régulièrement des courriels et réserver des périodes au centre de vidéo de la base pour communiquer avec leur famille.

L’ASPFC offre des livres, des vidéos, des projections de films le soir, et elle organise le populaire spectacle de Noël qui met en vedette des personnalités canadiennes, comme Rick Mercer.

Comme on peut s’y attendre, la plupart de ces belles commodités se trouvent à la base aérienne de Kandahar, mais certaines sont mises à la disposition des militaires affectés aux bases d’opérations avancées et aux centres de résistance. Les équipements d’haltérophilie et d’exercice en général sont courants dans ces postes isolés.

Le programme de bien-être et de maintien du moral des Forces canadiennes en Afghanistan n’a jamais fonctionné aussi bien. Il peut quand même être encore amélioré. Un double sucre double crème accompagne bien une queue de castor.

RECOMMANDATION 7

Le gouvernement devrait activement encourager d’autres entrepreneurs canadiens qualifiés à offrir leurs services aux missions canadiennes à l’étranger.

Le front intérieur

Lors du déploiement des Forces canadiennes en Afghanistan, plusieurs organisations sont mises en activité au Canada pour soutenir les familles des militaires. Ce sont :

a.      Le Centre de soutien au déploiement

b.      Les détachements arrière

c.      Le Centre de ressources pour les familles des militaires

d.      Les groupes et représentants civils locaux.

Les déploiements mobilisent une grande unité, comme un bataillon d’infanterie, mais beaucoup d’autres unités d’une base ou d’une brigade sont sollicitées dans le cadre de la mission. Lors de l’affectation d’un groupe aussi vaste, la base d’attache établit un Centre de soutien au déploiement, point de contact unique pour toutes les questions de déploiement qui intéressent les militaires à l’étranger ou les familles restées au pays. Chaque unité qui a envoyé un nombre important de militaires en mission a, au Centre de soutien au déploiement, un représentant qui s’occupe des intérêts du personnel. Dans les faits, le Centre coopère avec tout le monde et vient en aide à tous également.

Complément au Centre de soutien au déploiement, le détachement arrière est l’élément d’une unité déployée qui reste derrière pour s’occuper des affaires de l’unité. Les détachements arrière servent de point de contact aux familles. Ils aident à tenir les familles au courant de la situation et leur donnent appui et conseils.

L’outil d’aide aux familles le plus précieux est sans doute le Centre de ressources pour les familles des militaires situé sur chaque grande base militaire. Chacun d’eux, indépendant de la filière de commandement mais bénéficiant de son appui, fait partie d’un réseau de centres parrainés et gérés par l’Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes. Il offre tout un éventail de programmes et de services aux familles, comme de trouver des gardiennes et des services de garderie ou de fournir des séances de counselling. Il peut servir de centre d’accueil ou, en période difficile, de refuge. Il donne des ateliers de réunification pour aider les familles à s’adapter au retour de mission d’un de ses membres. Des ateliers sur le déploiement sont offerts aux enfants des militaires pour les aider à composer avec le départ ou le retour d’un de leurs parents. Le programme moyen d’un centre de ressources est un modèle de service à la clientèle.

Chaque Centre de ressources est dirigé par un conseil d’administration, qui se compose généralement de femmes ou maris de militaires et de représentants de la filière de commandement. Un directeur exécutif en assure la gestion quotidienne, avec un effectif restreint. Le gros du travail est réalisé par des bénévoles de la communauté militaire, issus la plupart du temps des vaillantes familles dont nous sommes si fiers.

Dernier point, mais non le moindre, il faut souligner l’apport considérable des groupes et des représentants locaux aux familles de militaires.

Récemment, une question préoccupante a surgi. Comme indiqué plus haut, le stress peut toucher aussi bien les familles des militaires restées au pays que les soldats qui servent à l’étranger. Au retour des militaires de la BFC de Petawawa après six mois de combats presque continuels en Afghanistan, on a observé une hausse sensible des cas de stress dans les familles, qui n’ont toutefois pas pu être traitées avant plusieurs mois dans une clinique locale de Pembroke en raison des temps d’attente. Le budget de la clinique permettait de traiter une dizaine de cas par mois adressés par la base de Petawawa. Or, en janvier et février 2007, la clinique s’est vu adresser jusqu’à 90 cas en un seul mois. Elle a besoin de plus de ressources pour faire face à ce volume.

Les militaires sont soustraits à l’application de la Loi canadienne sur la santé et bénéficient par conséquent de services de santé fournis par les Forces canadiennes au moyen des fonds fédéraux, mais ce n’est pas le cas de leur famille. Les soins offerts aux familles, comme à tous les autres civils, relèvent des provinces. L’attente que doivent subir certaines familles de militaires alourdit un fardeau qui est déjà considérable.

Les autorités provinciales ont tant hésité à assumer cette responsabilité que l’ombudsman de l’Ontario a fait enquête[12]. Dans un communiqué de presse en date du 13 avril[13] on précise que, le jour même où l’ombudsman a dit qu’il fallait faire quelque chose, le gouvernement de l’Ontario a annoncé un financement d’urgence de 2 millions de dollars pour fournir des services de soutien de santé mentale aux enfants de communautés en crise comme celle de Petawawa et s'est engagé à fournir au Centre Phoenix le budget requis pour répondre aux besoins de counselling des familles des membres des forces armées.

Selon le communiqué de presse, l’enquête de l’ombudsman a confirmé que si les services de santé destinés aux membres des Forces canadiennes relèvent des autorités fédérales — et bien que le gouvernement fédéral ait l’obligation morale d’appuyer ses
soldats — la province est entièrement responsable des services de santé dispensés aux enfants de l’Ontario, quelle que soit la profession de leurs parents. Or, rien n’était prévu pour composer avec une situation de crise comme celle qui frappe Petawawa.

L’ombudsman a fait trois recommandations à la province :

Qu’elle finance immédiatement les services de santé mentale à l’intention des enfants par l’intermédiaire du Centre Phoenix;

Qu'elle assure un soutien à long terme pour les enfants du personnel des forces armées en consultation avec le gouvernement fédéral;

Qu'elle présente un rapport d'étape mensuel à l'ombudsman.

Le gouvernement de l’Ontario a accepté les recommandations de l’ombudsman.

RECOMMANDATION 8

Compte tenu de sa responsabilité morale, le gouvernement fédéral devrait vivement encourager les gouvernements des provinces et des territoires à fournir les ressources nécessaires pour offrir aux familles de militaires le soutien en santé mentale dont elles ont besoin.

ÉTAT DU MATÉRIEL

Pour la première fois de l’histoire militaire canadienne depuis la formation du glorieux Corps canadien au cours de la Première Guerre mondiale, on peut dire que le contingent canadien déployé en Afghanistan est l’unité la mieux équipée et la plus apte de toutes les unités de sa taille qui font partie de la FIAS. La vitesse à laquelle les Forces canadiennes se sont procuré certains équipements est digne de mention. Bien connu pour sa lenteur, le processus d’achat gouvernemental dure jusqu’à 15 ans pour l’acquisition d’un appareil important, mais il a été considérablement simplifié pour la mission en Afghanistan. Depuis que les Forces canadiennes se sont jointes à la FIAS en 2003, le gouvernement, l’armée et la fonction publique se sont concertés pour donner aux troupes canadiennes les vêtements, les armes et l’équipement dont elles ont besoin pour accomplir leur mission.

Les tenues et l’équipement que portent nos hommes et nos femmes à Kandahar sont les meilleurs que les Forces canadiennes ont jamais eus. Des gilets de combat aux casques, l’habillement est de première classe. Il convient de souligner les lunettes de protection balistique que tous sont obligés de porter au cours des opérations. Le Comité a vu des photos de soldats canadiens dont le visage avait été légèrement blessé par des éclats et a constaté que la surface autour des yeux avait été épargnée grâce aux lunettes de protection balistique. Une autre photo montrait des verres de lunettes de protection balistique où s’était logé un morceau d’éclat de la taille d’une petite arachide, qui aurait autrement atteint l’œil d’un soldat.

Le véhicule le plus efficace est sans doute le VBL III (véhicule blindé léger). Il jouit de la confiance des militaires, dont beaucoup ont dit au Comité qu’il avait sauvé leur vie, tant dans des embuscades tendues par des talibans armés de mitrailleuses et de grenades propulsées par fusée que dans des explosions d’engins artisanaux.

Face à la menace croissante des engins explosifs artisanaux, les Forces canadiennes ont fait l’acquisition du véhicule à roues Nyala RG-31 construit en Afrique du Sud, dont la caisse a été conçue tout spécialement pour résister à l’impact d’une mine qui explose au-dessous. L’entrée en service du Nyala à Kandahar s’est faite un peu plus d’un an après la demande initiale.

En novembre 2005, l’obusier léger M777 a été commandé pour des besoins opérationnels urgents. Il a été déployé en février 2006, à peine quatre mois plus tard. Le MDN négocie actuellement l’acquisition de six autres M777, avec option pour 15 autres. Il a commencé à acheter, pour ce type d’armement, des obus à guidage de précision par GPS (système mondial de localisation) pouvant être dirigés directement sur la cible.

En 2006, les Forces canadiennes ont déployé un escadron de chars de combat Leopard. Beaucoup de gens pensaient qu’il n’y avait plus d’avenir pour les chars au lendemain de la guerre froide, surtout au Canada. Les programmes militaires prévoyaient les remplacer graduellement par des véhicules plus légers et plus agiles. Cependant, des analyses stratégiques du MDN et les leçons tirées des opérations ont commencé à prouver que les chars avaient encore un rôle à jouer de nos jours. L’expérience de l’Afghanistan a aussi montré qu’ils étaient nécessaires pour leur puissance de feu et leur protection.

L’armée s’est empressée de remettre en état 17 chars et de les envoyer à Kandahar. Le Canada est le seul contingent de la FIAS à avoir des chars en Afghanistan; il n’en avait jamais déployé dans une région aussi éloignée. Les équipes canadiennes chargées du fonctionnement et de l’entretien des chars font des merveilles pour les garder opérationnels dans un milieu aussi aride.

Le Comité juge nécessaire de clarifier certains points. D’abord, le char est une arme offensive et sa capacité de tir de précision direct confère au groupement tactique canadien une énorme puissance de combat et, par conséquent, une plus grande efficacité. Ensuite, le char procure à nos soldats une protection considérable. Il peut résister à l’impact des grenades propulsées par fusée et de la plupart des engins explosifs artisanaux vus jusqu’à présent.

Malgré tous les avantages que procurent les chars dans cette situation, un point est devenu préoccupant, à savoir l’effet de la chaleur sur les équipages pendant les mois d’été torrides. Compte tenu de la chaleur ambiante générée dans un char, les températures à l’intérieur peuvent monter à plus de 50 oC. L’armée a étudié différentes solutions allant de gilets refroidis à l’eau à un système de conditionnement d’air semblable à celui qui a été intégré au VBL III. Malheureusement, aucune n’était satisfaisante, et il a été décidé d’acheter de nouveaux chars.

Ainsi, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il fera l’acquisition d’une centaine de chars Leopard 2 et qu’il empruntera 20 chars Leopard 2A6 qui seront déployés en Afghanistan cet été. Le Leopard 2 est plus récent, mieux blindé et technologiquement plus avancé que le Leopard 1 que l’armée utilise actuellement. Il offre une bien meilleure protection contre les engins explosifs et les mines, peut se déplacer beaucoup plus rapidement en terrain difficile, est équipé d’un moteur plus puissant et possède une capacité de feu supérieure.

Les vingt chars Leopard 2A6 prêts au combat seront prêtés par l'Allemagne pour répondre aux besoins à court terme. Ils seront déployés en Afghanistan cet été lors de la prochaine rotation de troupes canadiennes. Les 100 chars Leopard 2 seront achetés aux Pays-Bas pour satisfaire les besoins à long terme des Forces canadiennes. Ils devraient être livrés d’ici la fin de l’été 2007, après quoi ils seront mis à niveau pour les rendre conformes aux normes des Forces canadiennes.

Le lieutenant-général Leslie et le lieutenant-général Mike Gauthier, commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, ont toutefois un autre besoin qu’ils espèrent pouvoir combler aussi rapidement que les autres. Il s’agit d’hélicoptères de transport moyen à lourd.

Les Forces canadiennes en Afghanistan dépendent en grande partie de convois terrestres pour transporter les soldats vers les opérations, réapprovisionner les bases avancées et assurer le transport administratif courant dans la région de Kandahar. Tout mouvement routier peut être attaqué par un engin explosif artisanal, un kamikaze ou des rebelles en embuscade. Un hélicoptère de transport moyen pouvant transporter des militaires dans les zones d’opérations atténuerait le danger des mouvements routiers et augmenterait la vitesse des déploiements tactiques.

Le lieutenant-général Leslie a fait remarquer que ces hélicoptères sont également nécessaires au Canada pour différentes opérations intérieures. Ils sont particulièrement utiles pour transporter des personnes et du ravitaillement dans les régions touchées par des inondations, des incendies et des tempêtes de verglas.

Le MDN travaille actuellement à un projet d’acquisition de 16 hélicoptères de transport moyen à lourd d’une valeur totale de 4,7 milliards de dollars pour les Forces canadiennes. Cependant, d’après le calendrier d’exécution du projet, les Forces canadiennes en Afghanistan ne recevront pas ces hélicoptères avant février 2009. Le Comité estime nécessaire d’accélérer le calendrier d’exécution de ce projet de manière que les soldats canadiens en Afghanistan disposent des hélicoptères dont ils ont besoin le plus rapidement possible.

RECOMMANDATION 9

Le gouvernement devrait accélérer la livraison des hélicoptères de transport moyen à lourd devant faciliter les opérations de combat des Forces canadiennes en Afghanistan et faire en sorte que les hélicoptères en question soient efficaces pour des opérations menées tant au Canada qu’à l’étranger[14].

LIEN ENTRE LES OPÉRATIONS DE COMBAT, LE DÉVELOPPEMENT ET LA RECONSTRUCTION

Aide humanitaire, développement, reconstruction et COCIM

Avant d’aborder les questions d’équilibre, il serait utile de clarifier le sens de certains termes. Bien qu’il existe assurément de meilleures explications techniques, les éclaircissements donnés plus bas ont aidé le Comité à comprendre les concepts en jeu.

Lorsqu’il s’est rendu en Afghanistan auprès des Forces canadiennes, le Comité a appris les différences subtiles qui existent entre l’aide humanitaire, les programmes et projets de développement, les projets de reconstruction et la coopération civilo-militaire (COCIM).

L’aide humanitaire consiste en des secours et des ressources d’urgence apportés à des personnes en situation désespérée dont la vie est en danger. Elle atténue les souffrances et vise à préserver la dignité humaine. À titre d’exemple, les secours à grande échelle dispensés aux millions de victimes du tsunami en décembre 2005 dans la région de l’océan Indien. Autre exemple, les secours envoyés pour atténuer les souffrances extrêmes et la famine en Somalie en 1992. L’aide humanitaire est toujours fournie par des pays autres que les pays bénéficiaires. Elle est souvent le fait d’organismes de secours de l’ONU ou d’autres organisations humanitaires internationales, comme CARE et le Comité international de la Croix-Rouge.

L’aide au développement s’attaque aux conditions socio-économiques sous-jacentes pouvant conduire à une crise humanitaire. Elle se distingue de l’aide humanitaire par son objectif, qui est d’atténuer la pauvreté à long terme plutôt que les souffrances à court terme. Elle provient de gouvernements de pays industrialisés ou en développement et d’organisations internationales comme la Banque mondiale.

La reconstruction consiste à réparer ou à rebâtir les infrastructures détruites ou endommagées par un conflit, une catastrophe naturelle ou l’usure prolongée. Elle peut englober aussi la construction de nouvelles installations. Un exemple d’activité traditionnelle menée par l’EPR que dirige le Canada est la reconstruction et l’ouverture d’une école locale. Un autre exemple est l’appui et la sécurité assurés pour la construction de la nouvelle route SUMMIT dans le district de Panjwayi.

La coopération civilo-militaire (COCIM) est liée aux opérations d’aide humanitaire, de développement ou de reconstruction, mais ces dernières sont axées sur la population tandis que la COCIM est principalement un « multiplicateur de force » militaire qui aide les commandants à réaliser leur mission. L’EPR de Kandahar comporte un élément de COCIM. Le principal objectif de la COCIM est d’établir la coopération nécessaire entre les autorités civiles et les Forces canadiennes en vue d’améliorer la probabilité de succès des opérations militaires[15].

Selon la doctrine opérationnelle des Forces canadiennes, les principaux objectifs de la COCIM sont les suivants :

a.      Remplir les obligations imposées par le droit national (p. ex. la Loi sur la défense nationale et le Code criminel) et le droit international (p. ex. le droit des conflits armés et le droit international en ce qui concerne les droits de la personne), les quatre conventions de Genève de 1949 et les deux protocoles additionnels de 1977, les traités, les protocoles d’entente et autres accords ainsi que les arrangements techniques conclus entre les autorités nationales ou les parties;

b.      Faciliter la mission en appuyant l’administration civile, en assistant ou en renforçant les pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif ainsi que l’infrastructure politique et socio-économique afin d’augmenter l’efficacité et l’efficience des institutions publiques et de la fonction publique;

c.      Faciliter la mission en réduisant au minimum l’intervention de la population locale dans la phase militaire d’une opération lorsqu’on a recours aux services de civils pour l’exécution de la phase civile et des tâches connexes;

d.      Aider tous les commandants militaires en leur fournissant les ressources nécessaires pour répondre aux besoins essentiels de la population civile, en évitant d’endommager les ressources et les biens civils utilisables et en réduisant au minimum les pertes de vie et les souffrances humaines;

e.      Déterminer et coordonner l’utilisation des ressources, des installations et du soutien locaux tels que la main-d’œuvre, le transport, les communications, la maintenance, les installations médicales et les approvisionnements civils nécessaires au rétablissement du gouvernement local;

f.        Appuyer, au besoin, les organisations internationales, les ONG, l’ONU et les organismes civils nationaux.

En pratique, les commandants militaires déploient des équipes de COCIM au niveau tactique pour « toucher les cœurs et les esprits » de la population locale. Si le travail est bien fait, tout le monde en sort gagnant. La population reçoit de l’aide et les militaires peuvent se concentrer sur les opérations contre l’ennemi.

Participation des forces armées à l’aide humanitaire, au développement ou à la reconstruction

Il existe une divergence d’opinions fondamentale d’ordre idéologique en ce qui concerne le rôle des forces armées dans les activités d’aide humanitaire, de développement ou de reconstruction. Les organismes professionnels d’aide internationale estiment que les forces militaires ne devraient jamais participer à quelque forme d’aide que ce soit.

Dans son témoignage devant le Comité le 8 juin 2006, M. Kevin McCort, vice-président directeur des Opérations, CARE Canada, a indiqué :

Nous ne devons pas mélanger […] les missions des entités chargées surtout des opérations militaires avec celles des organismes chargés de la reconstruction. Je sais que la sécurité est nécessaire au développement tout comme je sais que le développement peut réduire la sécurité. Mais je suis convaincu que les organisations spécialisées dans un domaine ne devraient pas jouer le rôle et avoir les responsabilités des organisations spécialisées dans un autre domaine.

M. Gerry Barr, président et directeur général du Conseil canadien pour la coopération internationale, a donné plus de précisions :

Le flou entre les stratégies d'aide et les stratégies militaires est le problème qui se pose de toutes parts aux nombreuses ONG actives en Afghanistan. Mon collègue monsieur McCort en a touché quelques mots. Ce flou apparaît lorsque les militaires fournissent de l'aide et lorsque l'aide fournie par les ONG ou le gouvernement est liée, implicitement ou explicitement, à une stratégie militaire […]

La position officielle du Canada est qu'il n'y a pas de confusion au niveau des rôles dans la stratégie du Canada en Afghanistan car l'aide humanitaire — c'est-à-dire, l'aide pour sauver des vies — n'est pas fournie par l'Équipe de reconstruction provinciale à Kandahar. En fait, c'est simplement une distinction de poste budgétaire, pas une distinction de rôles. L'armée entreprend des travaux de développement de la collectivité, comme les réparations des écoles locales. Un fonds de coopération civile-militaire géré par l'armée sert à financer ce genre d'activités […]

Nous devons avoir des clarifications sur la position de l'armée concernant l'utilisation de l'aide au développement dans ses campagnes et je dirai respectueusement que le Canada doit corriger la situation […] L'aide devrait être fondée sur les besoins et les droits des Afghans et ne pas être liée à une stratégie militaire ou politique et, sauf en cas de situation exceptionnelle, les forces militaires devraient éviter de s'engager dans des activités de reconstruction ou de secours en Afghanistan. Les travailleurs de l'aide sont tout indiqués pour ce travail […]

[…] les militaires devraient se limiter à la sécurité [et] à la protection des civils et ne pas acheminer de l'aide.

Le Comité a déjà été saisi de ces préoccupations, mais il estime que l’aide apportée aux Afghans par les forces armées est mal comprise. Tout en étant conscient de la différence de rôle entre les organismes d’aide humanitaire et les forces armées, il ne croit pas que cette distinction bien arrêtée puisse s’appliquer en Afghanistan parce qu’elle ne reflète pas la réalité sur le terrain.

La militarisation de l’aide au développement est traitée au chapitre 4. Ici, le Comité veut seulement préciser qu’à son avis ce sont les organismes d’aide professionnels qui devraient fournir une assistance quand ils le peuvent, et non les forces armées. Les commandants militaires sont du même avis. Le problème se pose quand les organismes professionnels ne peuvent pas — ou ne veulent pas — tendre la main à une population qui souffre. C’est le cas dans la province de Kandahar. Bien peu d’ONG ou d’autres organismes d’aide y sont présents pour aider les Afghans, exception faite du Programme alimentaire mondial. M. Philip Baker, directeur général de la Direction de l’Afghanistan à l’ACDI, a dit au Comité le 12 décembre 2006 en réponse à une question sur le nombre d’ONG sur place dans la province de Kandahar :

 En fait, le nombre d'ONG qui sont actives dans la province est relativement limité, par rapport aux autres provinces, pour des raisons de sécurité. Ainsi, certaines ONG avaient commencé à mettre en œuvre le programme MISFA [mécanisme de microcrédit et de soutien en Afghanistan]. Elles avaient tenté de le faire pendant un an, mais elles ont dû arrêter pour des raisons de sécurité. Un peu partout dans la province, il y a d'autres petites ONG qui commencent à s'organiser, mais en ce qui concerne la distribution massive de produits alimentaires, c'est le Programme alimentaire mondial qui a les effectifs et qui mène le bal.

Comme il est indiqué ailleurs dans le présent rapport, les Forces canadiennes ne s’occupent pas elles-mêmes d’acheminer l’aide à la population afghane ou de réaliser des activités de développement. Elles facilitent ces actions par l’intermédiaire de représentants de l’ACDI et de l’USAID, qui travaillent avec des ONG et des organisations internationales présentes dans la province de Kandahar. Elles consultent néanmoins les dirigeants afghans locaux sur les besoins à combler.

Le Comité comprend aussi que le rôle de coopération civilo-militaire (COCIM) de l’armée préoccupe particulièrement les organismes d’aide professionnels. La COCIM englobe des actions utiles à la population locale, surtout au lendemain d’une bataille ou d’une période de combat. Naturellement, compte tenu de leur éthique, les commandants militaires canadiens veulent aider les non-combattants le mieux et le plus rapidement possible. On comprendra aussi qu’il y a un avantage tactique à aider les civils et leurs dirigeants, pour « toucher les cœurs et les esprits ». La COCIM a toujours été une fonction légitime des forces militaires et elle ne se veut pas une activité « neutre ». Cela dit, les commandants militaires de Kandahar sont tous d’avis que la consultation des autorités civiles locales dans le contexte de la COCIM devra se poursuivre aussi longtemps qu’il le faudra, mais que l’aide de l’armée, par exemple pour creuser des puits et reconstruire les murs d’enceinte de villages, cessera dès que les organismes de développement professionnels pourront prendre le relais.

D’après ce que le Comité a vu en Afghanistan, les effectifs militaires et les professionnels du développement comprennent bien leurs tâches et leurs capacités respectives. Il ne semble pas y avoir de différends fondamentaux parmi ceux qui se doivent de venir en aide aux Afghans. Dans la mission canadienne, c’est le rôle de l’EPR de collaborer avec les organismes de développement professionnels afin de régler les préoccupations et les malentendus. Lorsque des difficultés surgissent à un haut niveau, il revient à la FIAS et à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan de les dénouer.

ÉQUILIBRE

Le Comité s’est penché sur la question de l’ « équilibre » de la mission du Canada en Afghanistan. La préoccupation centrale était qu’on consacrait trop de temps et d’efforts à combattre les talibans plutôt qu’à répondre aux besoins de développement si manifestes.

Parmi toutes les questions touchant la mission en Afghanistan, celle-ci est l’une des plus exagérément simplifiées, partant l’une des moins bien comprises. Beaucoup ont prétendu que le nombre de combattants (un groupement tactique d’environ 1200 militaires) par rapport à l’effectif total de l’EPR de Kandahar (environ 350 personnes) témoignait de la trop grande importance accordée aux combats plutôt qu’au développement. La perception commune selon laquelle seulement un ou deux diplomates du MAECI et seulement un ou deux agents de développement de l’ACDI faisaient partie de l’EPR ne faisait qu’ajouter à cette impression.

Ceux pour qui la mission manque d’équilibre invoquent deux critères : l’argent et la répartition des effectifs. Mais ces deux éléments ratent la cible.

Le 6 juin 2006, le ministre MacKay a indiqué au Comité qu’entre 2001 et 2006, les coûts additionnels de la composante militaire de la mission en Afghanistan s’étaient élevés à 1,8 milliard de dollars. Il s’agit des coûts qu’entraîne la présence des Forces canadiennes en Afghanistan. Cela ne comprend pas la solde des militaires et les frais d’entretien de l’équipement qu’il aurait fallu assumer dans le cadre des activités habituelles au pays. Le ministre MacKay a ajouté que 466 millions de dollars avaient été consacrés au développement au cours de la même période. D’aucuns ont alors comparé les dépenses militaires aux dépenses de développement et déploré que les premières sont plus de quatre fois supérieures aux secondes, preuve du déséquilibre de la mission selon eux.

Il s’agit d’un argument spécieux pour trois raisons. Premièrement, il n’existe pas de définition admise d’un éventuel rapport « équilibré » entre les dépenses militaires et les coûts de développement. Deuxièmement, les deux activités sont si intrinsèquement différentes que toute comparaison s’avère dans une large mesure sans objet. Troisièmement, parmi tous les témoins que le Comité a entendus, aucun ne croyait sérieusement que le temps était venu de retirer les Forces canadiennes de l’Afghanistan. Par ailleurs, si les forces militaires canadiennes n’étaient pas en train de mener des opérations (un énoncé hypothétique pour le moment car elles mènent chaque jour des opérations), elles « coûteraient » néanmoins quelque chose au Canada même en garnison.

En revanche, l’incidence de l’activité militaire ou de développement doit sûrement être un critère important dans chaque cas, et plusieurs témoins ont dit très clairement Comité que le climat général d’insécurité entravait le développement. Il apparaît donc logique qu’une plus grande incidence militaire s’avère nécessaire pendant la période en question, dans l’espoir que s’ensuive une plus grande incidence sur le plan du développement. Comme nous l’observons maintenant, une amélioration de la sécurité aura peut-être pour effet de favoriser le développement — une éventualité souhaitée.

L’autre critique formulée fréquemment au sujet de l’équilibre portait sur le nombre de personnes affectées aux différentes tâches. L’effectif total de la mission des Forces canadiennes compte environ 2500 personnes, dont 1200 dans le groupement tactique qui combat. L’Élément de commandement national, l’Élément de soutien national et l’Élément de soutien du théâtre, qui contrôlent et administrent la FOI-AFG, regroupent un peu plus de 950 personnes, ce qui laisse environ 330 personnes pour l’EPR. Certains prétendent toutefois que plus de 100 personnes affectées à l’EPR font partie des effectifs de combat nécessaires à la sécurité locale. En outre, l’administration centrale de l’EPR et l’élément de soutien administratif ont aussi besoin de personnel, ce qui ne laisse qu’environ 180 personnes pour le travail de reconstruction. Selon eux, ce n’est guère suffisant.

De telles critiques reposent sur une perception erronée du travail réel de l’EPR. Comme on l’a mentionné, l’EPR ne prend pas elle-même la décision de réparer ou de construire des choses pour les Afghans. Elle aide ces derniers à décider des travaux à accomplir, pour qu’ils les accomplissent eux-mêmes. L’EPR cherche à créer des capacités afghanes grâce aux Afghans — à donner un « visage afghan » aux projets. Le personnel de l’EPR a donc un rôle de facilitateur, et non d’exécutant. À ce titre, il peut générer et superviser beaucoup plus de travail que ce que les chiffres peuvent laisser supposer. Au sein de l’Équipe, l’ACDI administre l’affectation de fonds à des projets et programmes réalisés par les Afghans, des ingénieurs militaires supervisent des afghans qui creusent des puits et des agents de la GRC aident à former des policiers afghans. On peut constater que l’équilibre ne se résume pas à une question de chiffres. On évaluerait plus justement et de manière plus crédible l’équilibre de la mission en mesurant le rythme et l’incidence du travail de reconstruction facilité par l’EPR. Malgré un départ lent, ce travail s’est accéléré au cours de l’hiver, tout comme ses retombées, de sorte que les 180 facilitateurs ont beaucoup plus d’impact que ce qu’on pourrait imaginer en examinant uniquement les chiffres.

Au cours de la visite du Comité en Afghanistan, le commandant de l’EPR, le lieutenant-colonel Simon Hetherington, a clarifié les chiffres. S’il est vrai qu’il n’y avait qu’une seule agente de développement de l’ACDI au sein de l’EPR, elle n’était pas seule. Il y avait un autre agent de développement à l’état-major supérieur du Commandement régional sud, trois autres dans la ville de Kandahar et trois autres à l’ambassade du Canada à Kaboul. L’agent diplomatique au sein de l’EPR et l’agent diplomatique agissant comme conseiller politique auprès du commandant de la FOI-AFG n’étaient pas isolés non plus. Ils étaient en contact régulier avec le personnel diplomatique et de développement canadien au sein de l’ambassade du Canda, sous la direction de l’ambassadeur Arif Lalani.

L’EPR comprend également cinq policiers civils canadiens, dirigés par le surintendant en chef de la GRC David Fudge. Ce contingent, qui travaille avec des forces de police alliées, aide à former la Police nationale afghane (PNA) et s’élargira à 10 policiers d’ici mars 2007. Il y a aussi un peloton de 25 policiers militaires qui appuient la formation de la PNA. En outre, deux agents des Services correctionnels du Canada sont arrivés à Kandahar pour aider les alliés à mettre sur pied un système de détention afghan adéquat.

Le programme de reconstruction de l’EPR fait intervenir les Afghans eux-mêmes. On demande aux Chouras des villages de décider de la nécessité et de la priorité de projets de reconstruction. Ainsi, non seulement les Afghans s’aident eux-mêmes, mais ils sont encouragés à devenir propriétaires de projets locaux et à développer leurs propres capacités en vue d’activités ultérieures. L’EPR facilite le travail de reconstruction par les Afghans; elle ne l’exécute pas à leur place.

Lorsqu’elle a comparu devant le Comité le 12 décembre 2006, la ministre de la Coopération internationale, Josée Verner, a expliqué pourquoi la propriété locale des projets était importante :

À l’échelle de l'Afghanistan, on a recensé jusqu'à présent plus de 8 100 projets découlant du travail des conseils communautaires, et moins de 1 p. 100 de ces projets ont été attaqués par des rebelles. C'est précisément pour cette raison que nous travaillons avec des partenaires locaux, des conseils élus, des représentants de la population, et que nous nous assurons qu'ils dirigent pleinement ces projets, parce que ces personnes jouissent d'un appui considérable.

Il importe de se rappeler que l’EPR de Kandahar n’est pas une EPR canadienne, mais une EPR dirigée par le Canada. Outre les éléments canadiens déjà mentionnés, elle compte des représentants de l’USAID, du PAM et du Fonds international des Nations Unies pour le secours de l’enfance (UNICEF). Davantage qu’une « unité », l’EPR est une « coopérative » au sein de laquelle des équipes aux talents divers mettent leurs services et leurs compétences de gestion au service d’un éventail croissant d’activités de développement.

Au bout du compte, une fois mis de côté les éléments administratifs de l’EPR, il y aurait, selon ce qu’a appris le Comité, environ 180 personnes de l’Équipe déployées sur le terrain afin de faciliter le travail de développement et de reconstruction.

Il reste que, pour beaucoup d’observateurs, l’affectation de 180 personnes à la reconstruction ne semble pas faire le poids face aux 1200 militaires engagés dans les combats, mais un examen plus attentif révèle qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure. Là où les 1200 militaires ont écarté des centaines de talibans, les 180 travailleurs de la reconstruction, parce qu’ils facilitent le travail des Afghans, ont eu une influence positive sur des milliers d’Afghans, une incidence non proportionnée à leur nombre. Cette incidence élargie s’explique par le fait que le personnel de l’EPR « facilite » les choses au lieu de les « accomplir ». Le Comité a été impressionné par la liste abrégée qui suit des réalisations générales de l’EPR pendant la période rotation allant d’août 2006 à janvier 2007 :

a.      Services médicaux — des équipes médicales mobiles se sont rendues dans les villages pour aider à réparer les cliniques locales, à administrer les premiers soins et à fournir des services de santé aux Afghans ruraux;

b.      Fourniture d’équipement aux forces de sécurité afghanes, aide à la construction d’infrastructures, comme des postes de police, et encadrement complet des soldats et des policiers afghans;

c.      Réparation de 16 écoles, ouverture de deux nouvelles écoles et fourniture de centaines de tentes afin de mettre des classes « portatives » à la disposition de tous les élèves; et

d.      L’EPR a payé des élèves et des enseignants afin d’entreprendre un immense nettoyage du Collège technique de Kandahar, jonché de débris, le premier de projet à petite échelle qui pourrait se transformer en un investissement d’un million de dollars. En février 2007, après des mois de retards attribuables aux anciens entrepreneurs, l’université mettra en activité une nouvelle génératrice de 17 000 $ fournie par le Canada et des plombiers compléteront de nouveaux systèmes d’adduction d’eau et de plomberie[16].

La ministre Verner a également rappelé ce qui suit au Comité :

À Kandahar, jusqu'à présent, ces programmes ont donné d'excellents résultats dans près de 400 villages. D'autres villages en profiteront bientôt. À Kandahar, les projets de l'Équipe provinciale de reconstruction sont achevés au rythme d'environ 10 à 20 nouveaux projets par mois. Pour l'instant, ils sont déployés dans sept districts de Kandahar. Nous finançons leur déploiement dans deux autres des 17 districts de Kandahar. Ils le seront également ailleurs.

Dans la seule province de Kandahar, avec l'appui de notre gouvernement et d'autres donateurs, les projets de l'Équipe provinciale de reconstruction ont donné des résultats probants améliorant la vie des villageois et de la population rurale. Par exemple, plus de 1 000 puits ont été creusés et 800 pompes manuelles distribuées; quatre grands réservoirs d'eau ont été mis en service; 100 kilomètres de canaux d'irrigation ont été remis en état; le réseau de transport provincial a été amélioré, ainsi que le réseau électrique, ce qui représente 150 kilomètres de nouvelles routes, quatre ponts, 50 kilomètres de lignes d'énergie électrique, 10 transformateurs et 42 génératrices d'électricité.

Il devient donc évident que cette question de l’ « équilibre » n’est pas aussi simple qu’il n’y paraissait au premier abord. Mais il y a davantage.

Lors de sa comparution devant le Comité le 9 mai 2006, le professeur Douglas Bland, titulaire de la chaire d’étude en gestion de la défense à l’Université Queen’s, a abordé la question de l’équilibre de la mission et mentionné que les critiques reposent souvent sur un raisonnement fautif, c’est‑à‑dire le fait de considérer comme synonymes les termes équilibre et égalité. « L’équilibre est réalisé pour chacun des D, l’un après l’autre, a‑t‑il dit, en y consacrant la quantité de ressources qui correspond aux exigences particulières de chacun des D. » Il a poursuivi :

L’équilibre est maintenu lorsque nous ajustons les ressources au gré des besoins et des circonstances. Il n’y a pas de moyen logique ni approprié d’équilibrer les trois D sans mesurer les besoins particuliers indépendamment les uns des autres. En d’autres termes, il n’y a aucune logique ou exigence pour les rendre égaux à tous les égards.

Par exemple, en ce qui concerne le premier D, la diplomatie, environ 25 ou 30 diplomates canadiens sont stationnés à Kaboul aujourd’hui, alors qu’il n’y en avait aucun en 2001. D’autre part, nombre de responsables canadiens à Ottawa, à l’ONU, à l’OTAN, à Washington, dans les capitales européennes et ailleurs s’occupent de coordonner les politiques et les efforts diplomatiques du Canada pour les missions humanitaires et de sécurité en Afghanistan. En ce qui concerne le deuxième D, le développement, l’Afghanistan est le plus important bénéficiaire de l’aide publique au développement du Canada, qui est l’un des principaux donateurs d’aide à ce pays. L’enveloppe totale de l’aide à l’Afghanistan pour la période s’étendant de 2001 à 2011 est d’environ un milliard de dollars. Le troisième D, la défense, fait rarement l’objet de rapports aussi complets qu’ils devraient l’être. Les opérations militaires du Canada retiennent beaucoup l’attention des médias et, malgré une amélioration récente à cet égard, l’accent mis précédemment sur les combats et l’arrivée de cercueils ont laissé à nombre de Canadiens l’impression que l’engagement militaire constituait la seule mission du Canada et que nos militaires passaient tout leur temps à se battre. Trop peu de Canadiens savent qu’ils apportent également leur appui à une vaste activité de reconstruction.

Au cours des premières étapes de l’étude, le Comité a entendu de nombreux témoins se plaindre du fait que les médias canadiens en général, et ceux intégrés aux troupes canadiennes en particulier, présentaient des reportages déséquilibrés, se concentrant presque entièrement sur le récit de combats palpitants et de décès tragiques de soldats canadiens en action. Les cérémonies d’adieu solennelles ont fait fréquemment la une et les nouvelles télévisées.

Dans cette couverture médiatique, on a semblé oublier que d’autres Canadiens conseillaient le gouvernement afghan, formaient la police nationale afghane, encadraient des unités de l’armée nationale afghane, construisaient des routes et des canaux et envoyaient des équipes médicales mobiles visiter les mères et leurs bébés dans des villages. Beaucoup ont exprimé l’avis que le « déséquilibre » se trouvait en fait dans les reportages des médias.

Personne n’a contesté devant le Comité la nécessité d’une activité de développement accrue. La question n’était pas de savoir s’il y avait lieu d’augmenter l’aide au développement, mais plutôt de savoir quand, comment et par qui. La stratégie internationale, qu’appuie sans réserve le Canada, vise à donner aux Afghans la capacité de s’aider eux-mêmes. Dans la province de Kandahar, les Afghans choisissent, conçoivent et mettent en œuvre leurs propres plans de développement avec l’aide du Canada. Cela signifie un rythme acceptable pour les Afghans.

De l’avis du Comité, l’idéal serait un « déséquilibre » clair en faveur du travail de reconstruction et de développement. Tout le monde souhaite une situation où il y aurait moins de combats et plus de travail de développement et de reconstruction. Le ministre O’Connor a dit qu’ « il n’existe pas de solution militaire en Afghanistan[17] ». Lorsqu’il informait le Comité lors de la visite de ce dernier en janvier 2007, le brigadier-général Tim Grant, commandant de la FOI-AFG, a expliqué clairement que les militaires travaillaient à se rendre inutiles. Le lieutenant-colonel Simon Hetherington, commandant de l’EPR de Kandahar, a renforcé ces propos; dès que le climat de sécurité s’améliorera et que la menace talibane sera atténuée, a-t-il dit, les forces militaires de combat seront remplacées par davantage de travailleurs affectés à la reconstruction et au développement.

À l’heure actuelle, les combats sont dans une large mesure amorcés par des actions offensives des talibans. Ceux qui réclament plus d’« équilibre » (moins de combats) ont tendance à passer sous le silence le fait que les talibans ont leur mot à dire sur l’évolution de la situation. Là où les Forces canadiennes ont lancé des initiatives, il s’agissait d’une réaction à une menace talibane sur le point de se concrétiser, habituellement l’occupation de villages locaux par les insurgés. L’activité guerrière dépend donc entièrement de la présence et de l’action des forces talibanes. Sans talibans, point de combats. Dans les discussions sur l’équilibre, il n’a jamais été question de la possibilité d’un effort militaire encore plus grand à court terme, dans l’optique d’une offensive majeure en vue d’éliminer la menace talibane à long terme.

Pour le Comité, il apparaît donc évident que le seul obstacle à une plus grande activité de reconstruction et de développement par le Canada est le maintien d’un climat d’insécurité dans la province de Kandahar. Différents témoins ont indiqué au Comité qu’il n’y avait pas lieu de réduire les forces militaires tant que la menace demeure. Le même point de vue a été clairement exprimé, ce qui n’a rien d’étonnant, lors des séances d’information données par les militaires.

En Afghanistan, Sara Chayes[18], une auteure américaine bien en vue et une entrepreneure de Kandahar, a exprimé très clairement son point de vue sur la question de l’« équilibre ». Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle pensait du supposé « débat » canadien sur l’opportunité de garder les forces militaires en Afghanistan ou de les rapatrier, elle a répondu que, formulée de cette façon, la question était beaucoup trop simpliste. « Des opérations cinétiques sont essentielles », a-t-elle dit. Mme Chayes a également expliqué que la sédition afghane n’est pas originaire du pays même. À son avis, il s’agit d’une « invasion » en provenance du Pakistan, qui utilise comme soldats les talibans. Il faut certainement aider davantage, mais l’aide ne peut simplement être remise aux Afghans; une surveillance efficace s’impose afin de s’assurer qu’elle ne se perd pas dans les méandres d’une corruption endémique. Parallèlement, le manque de sécurité nécessite le maintien en place d’une importante force militaire.

L’Afghan Women's Counselling and Integration Community Support Organization a envoyé un autre message clair au Comité dans une lettre[19] datée de janvier 2007. L’organisation dit s’inquiéter du fait que le débat actuel concernant la mission du Canada en Afghanistan simplifie à outrance et politise la crise humanitaire et le conflit très complexe qui déchirent l’Afghanistan. Elle croit que la politique canadienne ne devrait pas être réduite à l’alternative de maintenir la mission militaire actuelle ou de la retirer. L’organisation est fermement convaincue que la présence militaire canadienne est essentielle.

Fin mai 2007, on constate de nombreux signes d’amélioration de la sécurité dans la province de Kandahar. Les activités de reconstruction et de développement sont bien plus nombreuses qu’à la même époque de l’année précédente. Les soldats observent une amélioration sensible dans les rues et les marchés. Des ONG font maintenant du bon travail dans la région.

À la lumière de la très grande majorité des témoignages, le Comité considère que la mission canadienne en Afghanistan est adéquatement équilibrée dans les circonstances. De fait, elle témoigne d’une souplesse étonnante pour ce qui est de s’adapter à l’évolution de la situation. Cependant, il faut se garder d’oublier qu’il faut que les activités de développement et de reconstruction se multiplient à mesure que la sécurité s’améliore.

RECOMMANDATION 10

Le gouvernement devrait rééquilibrer les volets diplomatie, développement et défense de la mission canadienne en Afghanistan, afin de mettre l’accent sur la diplomatie et le développement.

CRITÈRES D’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DE LA MISSION

Le Comité n’a cessé de manifester de l’intérêt pour le mécanisme gouvernemental permettant de mesurer l’efficacité et le degré de réussite de la mission des Forces canadiennes en Afghanistan, mais il a dû pendant un bon moment faire son deuil d’une explication claire. Comment savons-nous si nous améliorerons les choses?

Fait intéressant, l’Énoncé de la politique de défense de 2005 énumère huit facteurs que le gouvernement doit prendre en compte avant de déployer une mission militaire à l’étranger. Une stratégie claire de retrait ou un aboutissement souhaité constituent l’un de ces facteurs, mais la liste ne comprend pas de critères nets permettant de mesurer l’efficacité ou la réussite de la mission. En l’absence de telles mesures, comment pouvons-nous être certains que nous approchons du but souhaité?

Nous comprenons que certains paramètres de la mission puissent être classifiés pour des raisons de sécurité opérationnelle, mais, à notre avis, il n’est pas acceptable de n’en publier aucun. Nous comprenons également que la nature des paramètres varie à différents niveaux et que leur concrétisation peut dépendre des aléas de la situation, en particulier au niveau tactique. Toutefois, à un quelconque échelon supérieur, le gouvernement doit être en mesure d’expliquer au Parlement de quelle façon il s’y prend pour déterminer si la mission des Forces canadiennes en Afghanistan répond aux objectifs fixés.

Le Comité s’est donc réjoui de trouver des critères objectifs, sous forme de questions claires, dans le récent rapport du gouvernement sur les progrès accomplis en Afghanistan[20]. Ces questions sont :

a.      Y a-t-il un gouvernement démocratiquement élu en Afghanistan qui représente la volonté des Afghans, et est-ce qu’il cherche l’appui de la communauté internationale pour établir la sécurité et obtenir de l’aide au développement?

b.      Est-ce que les Nations Unies, l’OTAN et le gouvernement de l’Afghanistan acceptent la participation du Canada à la mission, et est-ce que nos alliés sont prêts à mettre l’épaule à la roue dans notre secteur?

c.      Alors que des progrès sont réalisés pour créer l’Armée nationale afghane (ANA) et la Police nationale afghane (PNA), est-ce que le gouvernement de l’Afghanistan est prêt à déployer davantage d’unités de l’ANA et de la PNA dans le secteur canadien en Afghanistan? Les forces canadiennes et alliées font-elles des progrès concernant la formation de l’ANA et de la PNA?

d.      Des progrès sont-ils réalisés dans la lutte contre la corruption en Afghanistan?

e.      Est-ce que notre aide est significative? En outre, est-ce que le fait de quitter l’Afghanistan mettrait en péril les progrès réalisés dans notre secteur en ce qui a trait à l’éducation, à la construction d’infrastructures de base et à la promotion des droits des femmes?

f.        Le gouvernement afghan s’est-il engagé à respecter les droits de la personne, y compris les droits des femmes?

Deux autres considérations ont trait au partage du fardeau par la communauté internationale pour les trois piliers du Pacte pour l’Afghanistan et à l’ampleur de la contribution canadienne comparativement à celle des autres pays qui se sont engagés à aider l’Afghanistan.

SUCCÈS DE LA MISSION ET AUTRES OBLIGATIONS INTERNATIONALES

Le Comité a voulu savoir si la mission actuelle en Afghanistan pouvait être menée à bien sans que les autres obligations internationales du Canada en souffrent. Cette question comporte de multiples facettes, mais, en règle générale, nous pensons que, tout au long de la mission, le Canada a effectivement réussi à répondre à ses autres obligations internationales.

La mission des Forces canadiennes en Afghanistan n’entrave la conduite d’aucune autre opération militaire existante du Canada à l’échelle internationale. On trouvera une liste des opérations que mènent les Forces canadiennes parallèlement à cette mission dans le site du MDN, à l’adresse http://www.forces.gc.ca/site/operations/current_ops_f.asp.

Bien que tous les engagements militaires actuels soient honorés, plusieurs témoins militaires ont dit au Comité que les Forces canadiennes ne pourraient, pendant qu’elles accomplissent la mission en Afghanistan, déployer une force équivalente en d’autres points du globe. Nous rappelons les observations du lieutenant-général Leslie citées plus haut dans ce chapitre, où il décrit les difficultés personnelles qu’il éprouve. Le commodore Margaret Kavanagh, commandant du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, a indiqué au Comité le 27 novembre 2007 que son secteur connaissait également des difficultés. Lorsqu’on lui a demandé si les Services de santé pourraient appuyer une autre mission, elle a répondu : « Pourrions-nous participer à une autre mission comparable à celle en Afghanistan en disposant des mêmes capacités? Non. Pourrions-nous faire autre chose? Oui. Cela dépendrait de l’endroit où se déroulerait la mission, des tâches qui nous seraient confiées et de la participation de nos alliés. »

Le processus qui consiste à assumer une obligation militaire internationale n’est pas improvisé, même s’il peut arriver qu’un événement occasionnel donne cette impression. Théoriquement, le gouvernement peut déployer chaque soldat, bateau et avion qu’il possède, et, tout aussi théoriquement, prendre autant d’engagements que ses ressources le lui permettent. En réalité, les Forces canadiennes ne peuvent « tout » déployer en même temps parce qu’une bonne partie des ressources doivent demeurer en place pour servir l’institution — écoles de formation, bureaux de recrutement, collèges pour le personnel, ateliers d’entretien et dépôts de fournitures. Une fois cette exigence « organisationnelle » satisfaite, il reste une certaine proportion de capacités déployables qui peuvent être envoyées à l’endroit choisi par le gouvernement.

Toutefois, ces capacités ne sont pas prêtes en tout temps. La Marine, l’Armée et la Force aérienne ont chacune leur « système de disponibilité gérée » qui assure la disponibilité de certaines capacités. Dans le cas du système de l’Armée, le major-général Stuart Beare, commandant du Système de la doctrine et de l’instruction de la Force terrestre, a indiqué au Comité que l’armée devait maintenir « […] la capacité de produire un quartier général de la brigade de haute disponibilité et deux forces opérationnelles terrestres pour les opérations expéditionnaires sur une base permanente ».

Le gouvernement décide du moment et de l’endroit où seront déployées les Forces canadiennes. Pour arriver à cette décision, il doit soupeser une panoplie de facteurs, l’un des plus importants étant la priorité de la mission par rapport à d’autres obligations assumées au même moment. Les conseils fournis par le chef d’état-major de la Défense permettent d’évaluer les risques ainsi que les capacités nécessaires pour concrétiser les objectifs envisagés. En fin de compte, le gouvernement peut déployer ses actifs militaires là où il le veut, mais toute décision en ce sens implique obligatoirement de sérieux compromis, d’où l’importance de la fixation des priorités.


[1]              Murray Campbell, « Ten Killed in Kandahar Bombings », The Globe and Mail (édition papier), 18 mai 2007, http://www.rbcinvest.theglobeandmail.com/servlet/ArticleNews/PEstory/LAC/20070518/AFGHAN18/International/international/international/3/3/24/.

[2]              Dans la terminologie et l’organisation militaires, la capacité médicale de rôle 1 représente les premiers soins de base donnés sur le champ de bataille par le personnel médical en campagne. La capacité de rôle 2 est en général une installation plus établie, mais tout de même rudimentaire, qui fait des chirurgies de base. L’établissement médical de rôle 3 assure le tri, les chirurgies plus avancées et d’autres services médicaux.

[3]              Le Centre médical régional de Landstuhl est un hôpital de 143 lits  situé près de la base aérienne de  Ramstein en Allemagne. Il relève conjointement du commandement de l’armée américaine en Europe et du commandement médical régional européen. Plus de 100 soldats canadiens y ont été traités depuis l’automne de 2005. On y trouve la Maison Fisher, semblable aux maisons Ronald McDonald d’Amérique du Nord, où les parents des soldats blessés sont hébergés et réconfortés pendant qu’on soigne leur proche à l’hôpital. La Feuille d’érable, 25 avril 2007, vol. 10, no 11, p. 15.

[4]              Ces parents sont logés à la Maison Fisher. Le 21 mars 2007, le brigadier-général Grant, commandant de la FOI-AFG, a remis à la Maison Fisher une plaque au nom du groupement tactique du 1er bataillon, The Royal Canadian Regiment, ainsi que la somme de 20 000 $ en dons de la part de tous les membres de la FOI-AFG. La Feuille d’érable, 25 avril 2007, vol. 10, no 11, p. 15.

[5]              Voir, sur le site Web d’Anciens combattants Canada, la nouvelle Charte des anciens combattants, http://www.vac-acc.gc.ca/clients_f/sub.cfm?source=Forces/nvc&CFID=6926210&CFTOKEN=95200984.

[6]              Le brigadier-général Jaeger est maintenant commandant des Services de santé des Forces canadiennes.

[7]              Brigadier-général Hilary Jaeger, Témoignages, Comité permanent de la défense nationale, 27 novembre 2006.

[8]              Voir le site du SSVSO,  http://www.osiss.ca/.

[9]              On trouvera plus d’informations sur les cliniques sur le site http://www.vac-acc.gc.ca/clients_f/sub.cfm?source=mhealth/osic.

[10]           En plus des commerçants locaux, il y a un comptoir de Burger King, un de Pizza Pizza et une banque avec guichet automatique.

[11]           Les prix du Tim Hortons de Kandahar sont les mêmes qu’au Canada, sauf qu’ils sont en dollars américains. Selon des « renseignements privilégiés » fournis au Comité, le plus beau cadeau à offrir à un soldat envoyé en Afghanistan est un ou plusieurs coupons de Tim Hortons achetés au Canada, en dollars canadiens, qu’il pourra utiliser à Kandahar.

[12]           André Picard, « Mental-health services shortchanging children of our soldiers », Globe and Mail, 8 mars 2007.

[13]           Communiqué de presse de l’ombudsman de l’Ontario, 13 avril 2007, http://www.ombudsman.on.ca/UploadFiles/File/PDF/Press%20release%20FR.pdf.

[14]           L’entrepreneur choisi devra livrer 16 hélicoptères de transport moyen à lourd qui satisferont aux capacités obligatoires minimales suivantes : la cabine doit pouvoir accueillir un peloton d’infanterie (30 soldats) et tout son équipement de combat; l’hélicoptère doit pouvoir lever des charges multiples, notamment un obusier de campagne léger et son équipement connexe (un minimum de 5 443 kilogrammes) et avoir un rayon d’action minimal de 100 kilomètres; le premier doit être livré au plus tard 36 mois après l’attribution du contrat et le dernier au plus tard 60 mois après l’attribution du contrat.

Les hélicoptères des Forces canadiennes assistent aussi les autorités civiles en cas d’urgence (inondations, incendies de forêt et tremblements de terre).

Le coût estimatif total de la phase d’acquisition des hélicoptères est de 2 milliards de dollars, ce qui comprend le coût d’achat. Une somme additionnelle de 2,7 milliards de dollars a été estimée pour un contrat distinct de soutien en service d'une durée de 20 ans. À cet égard, le fabricant principal des hélicoptères doit présenter une soumission à l'occasion d'une demande de propositions. Les Forces canadiennes ont un besoin pressant de ces hélicoptères.

[15]           Forces canadiennes, La coopération civilo-militaire en temps de paix, de situations d’urgence, de crise et de guerre, B-GG-005-004/AF-023, 1999-01-15, p. 1-5.

[16]           D’après un article de Doug Schmidt, CanWest News Service, Higher Learning in Disarray in Kandahar, 31 janvier 2007. « Il y a des besoins partout, a dit le Lt Alfred Lai, un agent de coopération civil-militaire auprès de l’EPR de Kandahar. Il nous reste à réparer la structure du collège et de l’université. Lorsque nous aurons terminé, peut-être pourront-ils rémunérer les enseignants […] »

[17]           Gordon O’Connor, ministre de la Défense nationale, comparution devant le Comité le 30 mai 2006.

[18]           Sarah Chayes est une ancienne correspondante de guerre de la National Public Radio (NPR) qui a quitté son emploi en 2002 afin d’aider à la reconstruction du Kandahar. Ses efforts altruistes, sujet d’innombrables reportages, l’ont mise en position d’offrir au monde, dans son livre The Punishment of Virtue: Inside Afghanistan After the Taliban, un compte rendu de première main des dures réalités de la vie dans l’Afghanistan de l’après-guerre. Aujourd’hui, elle gère une petite agro-entreprise appelée Arghand, qui utilise les récoltes fruitières de Kandahar pour produire des produits haut de gamme de soins de la peau, comme du savon et des huiles de bain, ainsi que de la confiture pour le marché local. Mme Chayes a obtenu un baccalauréat en histoire de l’Université Harvard et reçu le prix d’histoire du Collège Radcliffe pour la meilleure thèse rédigée par une femme. Elle a servi dans le Corps des volontaires de la paix au Maroc, puis est retournée à Harvard pour y faire une maîtrise en histoire et en études du Moyen-Orient. Elle a entrepris sa carrière radiophonique en 1991, au Monitor Radio de Boston, puis est entrée à NPR en 1996, en tant que reporter à Paris. Lorsqu’elle était à NPR, elle a produit des reportages depuis l’Algérie, le Liban, Israël et la Palestine, la Serbie et la Bosnie. En 1999, son travail pendant la crise du Kosovo lui a mérité les prix Sigma Delta Chi et du Foreign Press Club.

[19]           Signée par Adeena Niazi, directrice exécutive, Afghan Women's Counselling and Integration Community Support Organization, 4 janvier 2007.

[20]           Gouvernement du Canada. La mission du Canada en Afghanistan.