OGGO Rapport du Comité
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Les conditions propices aux progrès en matière de transparence et de reddition de comptes surviennent souvent à la faveur d’un élargissement de la notion d’éthique au sein du gouvernement. Pour qu’il y ait une responsabilité accrue envers le Parlement, il faut plus de transparence et des renseignements financiers fiables. Un moyen de parvenir à ces résultats consiste à recourir à la méthode comptable la plus appropriée.
La plupart des gouvernements estiment que la comptabilité d’exercice est le meilleur moyen de répondre à la nécessité d’une communication plus transparente des opérations financières du secteur public. En 2004, un tiers des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait adopté la comptabilité d’exercice pour déclarer leurs activités, et un certain nombre d’autres pays l’avaient acceptée pour certaines opérations6. Dans de nombreux pays, dont le Canada, les pouvoirs publics utilisent la comptabilité d’exercice pour leurs rapports sur leurs activités financières.
Toutefois, la budgétisation selon la comptabilité d’exercice c’est-à-dire l’adoption des principes de la comptabilité d’exercice pour la publication des prévisions budgétaires et des budgets de l’État est plus contestée. Les principaux pays industrialisés semblent ne pas s’entendre sur le bien-fondé de l’adoption de systèmes budgétaires axés sur ce type de comptabilité. En 2004, trois membres de l’OCDE seulement avaient adopté ce mode de comptabilité pour certaines opérations budgétaires. Au Canada, les provinces et les territoires ont tous adopté, sous une forme ou une autre, la comptabilité d’exercice. Deux provinces, l’Ontario et la Colombie-Britannique, recourent à la comptabilité d’exercice intégrale.
Dans son plan budgétaire de 1996, le gouvernement canadien a annoncé son intention de passer à la comptabilité d’exercice intégrale pour son budget et sa comptabilité; les mesures qui s’en sont ensuivies ont abouti à la présentation selon la comptabilité d’exercice des états financiers dans les comptes publics de 2002-2003 et du budget de 20037. Selon les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), la comptabilité d’exercice a également été adoptée pour appuyer les décisions prises par le Cabinet. Cependant, les budgets des dépenses, l’affectation de crédits et la plupart des plans et rapports ministériels s’appuient toujours sur une comptabilité de quasi-caisse8.
Même si le gouvernement fédéral s’est engagé à adopter un système de budgétisation selon la comptabilité d’exercice, il ne l'a toujours pas fait. En fait, il a retardé à maintes reprises un tel passage, bien que le Bureau du vérificateur général et le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes l’aient instamment pressé de le faire9.
B) Types de comptabilité d’exercice
Si le débat porte sur le choix entre l’adoption de la comptabilité d’exercice ou le maintien de la comptabilité de caisse, il existe en fait toute une gamme de variantes des deux méthodes pour les finances publiques. Selon la comptabilité de caisse, on constate essentiellement les opérations en espèces au moment où les sommes sont reçues ou versées, si bien que les comptes débiteurs et créditeurs du gouvernement ou certains éléments hors trésorerie ne sont pas comptabilisés. À l’autre extrême, selon la comptabilité d’exercice intégrale, les opérations sont inscrites lorsqu’elles ont été gagnées ou engagées sans égard à la date de réception ou de versement des espèces.
Entre ces deux extrêmes, il existe toutes sortes de formes hybrides comme la comptabilité de caisse modifiée, qui permet de constater en fin d’exercice certains éléments hors trésorerie comme les comptes débiteurs et les comptes créditeurs. La comptabilité d’exercice modifiée, quant à elle, suit les principes de la comptabilité d’exercice intégrale à une grande exception près, puisqu’elle ne permet pas d’inscrire les immobilisations dans l’état de la situation financière. En fait, ces actifs sont constatés entièrement comme des dépenses au moment de leur achat.
Actuellement, le gouvernement fédéral emploie diverses méthodes comptables pour ses divers niveaux d’administration. Le tableau ci-après présente un aperçu.
Tableau 1
ÉTAT ACTUEL DES FONCTIONS ET DE L’INFORMATION FINANCIÈRE AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL | ||
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Niveau agrégé |
Niveau ministériel |
BUDGÉTISATION |
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Budget fédéral |
Exercice |
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Budget principal des dépenses des ministères |
Quasi-caisse |
Quasi-caisse |
Crédits |
Quasi-caisse |
Quasi-caisse |
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COMPTABILITÉ (RAPPORTS) |
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États financiers sommaires |
Exercice |
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États financiers des ministères (non-vérifiés) |
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Exercice |
Rapports ministériels sur le rendement |
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Quasi-caisse |
SOURCE : Bureau du vérificateur général, Aperçu de la budgétisation et de l’affectation des crédits suivant la méthode de la comptabilité d’exercice, mémoire présenté au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, 26 septembre 2006.
C) Principes et normes comptables dans le secteur public
Les principes fondamentaux de responsabilité et de reddition de comptes exigent que les pouvoirs publics fournissent des renseignements financiers crédibles au Parlement et au public. Pour juger ces renseignements crédibles, le Parlement et le public doivent être sûrs que ces renseignements sont conformes aux principes et normes généralement reconnus et acceptés qu’aura élaborés un organisme non assujetti aux pressions politiques ou économiques.
Les normes comptables précisent comment les opérations et autres activités financières doivent être comptabilisées, mesurées, présentées et divulguées dans les états financiers du gouvernement. Au Canada, les normes comptables acceptées pour la comptabilité financière et la présentation de rapports financiers, élaborées selon un processus organisé proviennent d’un organisme d’élaboration des normes reconnu, le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public (CCSP)10.
Les normes comptables sont la principale source de principes comptables généralement reconnus (PCGR). Le Manuel de comptabilité de l’ICCA pour le secteur public contient les normes comptables qui s’appliquent aux gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et locaux. Il stipule aussi que certains organismes du secteur public suivent le manuel de l’ICCA comptabilité, sauf s’ils doivent respecter les normes du Manuel de comptabilité pour le secteur public. Il faut noter que les normes de comptabilité généralement reconnues changent au fil de l’évolution sociale et économique. Il importe de se souvenir que les échelons supérieurs du gouvernement canadien sont souverains et ne peuvent donc être contraints de se conformer entièrement aux normes comptables de l’ICCA. En pratique, toutefois, le niveau de conformité est élevé.
Le passage de la comptabilité de caisse à la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits devrait procurer plusieurs avantages, notamment sur les plans de l’efficience, de la transparence, de la gestion financière et de la reddition de comptes. Toutefois, la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits est controversée et fait l’objet depuis longtemps d’un débat dans les ouvrages traitant de comptabilité dans le secteur public11. Les nombreuses parties intéressées par la comptabilité publique ont des points de vue différents sur les avantages que son adoption présente pour les finances publiques. Des organismes internationaux ont activement encouragé le passage à cette méthode comptable chez les gouvernements. Les consultants en gestion et certains éminents réformateurs du secteur public appuient également une telle transition. Tous les témoins qu’a entendus le Comité ont cependant reconnu que les avantages de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits du gouvernement devraient compenser les coûts liés à une telle transition. Dans sa note d’information au Comité, la vérificatrice générale a dégagé les avantages suivants de l’adoption de la comptabilité d’exercice intégrale12.
1. Montre toute l'étendue et la taille du gouvernement :
- les ressources (tous les actifs financiers et non financiers)
- les obligations (tous les passifs)
- les coûts (les ressources utilisées)
2. Est davantage axée sur les ressources utilisées
3. Montre mieux les liens entre les résultats et les ressources utilisées pour les obtenir
4. Procure au gouvernement de l'information plus complète pour la prise de décision
- met plus l'accent sur les actifs (besoins d'entretien, politiques de remplacement, acquisition ou location)
- met plus l'accent sur la gestion du passif
- met plus l'accent sur le coût entier des programmes et des services
La vérificatrice générale a énoncé clairement son opinion sur les avantages que présente l’adoption de la comptabilité d’exercice lorsqu’elle a souligné que :
Dans le chapitre, nous avons reconnu que les besoins de trésorerie des ministères et la gestion de la trésorerie continueront d'être importants pour le Parlement. Toutefois, nous avons conclu que celui-ci serait mieux servi s'il recevait aussi de l'information en comptabilité d'exercice pour le budget et l'affectation des crédits. Une telle approche rendrait le processus plus conforme à celui qui est utilisé par le gouvernement dans ses rapports financiers sur ses résultats.
M. Ronald Salole (vice-président, Normalisation, Institut des comptables agréés) a également dit préférer que le gouvernement adopte la comptabilité d’exercice pour tous ses dossiers financiers. Il a rappelé au Comité que ce mode de comptabilité
… est un rapport historique. Il ne regarde pas nécessairement vers l'avenir. Il dit les choses telles qu'elles sont et non pas comme on aimerait qu'elles soient.
Il a dit préférer le système de comptabilité d’exercice parce que :
La comptabilité d'exercice est le meilleur moyen que l'on ait trouvé dans le monde pour atteindre ce but. Elle brosse un portait des transactions et des événements qui se sont produits au cours d'une période donnée. Voici le bilan, l'état financier. Il vous dit quels sont l'actif et le passif et quels sont les changements survenus dans cet actif et dans ce passif. Nous établissons des normes à cet égard, car nous pouvons établir des principes rigoureux, bien fondés à partir desquels nous raisonnons.
Il a également remarqué que :
… la recherche montre que les rapports financiers qui ont été préparés jusqu'ici selon la comptabilité d'exercice sont également ceux qui permettent le mieux de prédire l'avenir .
M. Bruce Bennett, contrôleur intérimaire au ministère des Finances de l’Ontario, a témoigné devant le Comité de l’expérience de sa province de l’application de la comptabilité d’exercice à l’affection de crédits. Après avoir indiqué les nombreux obstacles rencontrés, il a déclaré que cela avait été une expérience constructive. À propos des avantages de cette méthode, il a affirmé :
Le plus important réside dans la possibilité de mieux évaluer les dépenses liées aux programmes. De plus, on dispose d’une meilleure base pour comparer les dépenses liées aux programmes d’un exercice à l’autre. Autrement dit, le moment où un paiement est effectué est moins important que celui où la dépense correspondante a été engagée.
La nouvelle méthode assure une meilleure base pour le contrôle tant législatif qu’administratif des dépenses provinciales. […] elle élimine la confusion découlant du maintien de deux méthodes de comptabilité différentes pour les budgets des dépenses et les états financiers condensés de la province.
M. Arn van Iersel, vérificateur général intérimaire au Bureau du vérificateur général de la Colombie-Britannique, a présenté une longue liste de coûts et de défis qu’a présentés pour sa province le passage à la comptabilité d’exercice. Il a cependant expliqué que la décision d’adopter cette méthode était basée sur les bénéfices attendus. Compte tenu de son expérience, il estime que la comptabilité d’exercice « augmente la transparence et la responsabilité lorsque les prévisions budgétaires et les comptes publics sont présentés sur la même base ». Il juge également que ce mode de comptabilité améliore la gestion des ressources gouvernementales :
Nous croyons en outre que le nouveau système améliore la gestion ou l’intendance des ressources, dont les éléments d’actif font partie. Dans l’ancien système, les éléments d’actif étaient imputés à un exercice donné. On avait donc tendance à les acheter simplement parce qu’il restait assez d’argent dans le budget en fin d’exercice. En quelque sorte, on les achetait, puis on les oubliait.
Cela ne se produit plus maintenant. Lorsqu’on achète des biens, on sait, selon la période d’amortissement, qu’il y aura un coût à reporter dans les budgets futurs. Si on acquiert un bien important, cela se répercute bien sûr sur d’autres frais de fonctionnement. Nous croyons, par conséquent, que le nouveau système rend les gens plus responsables en matière d’immobilisations.
Même si les témoins qui ont comparu devant le Comité étaient généralement en faveur de l’adoption de la comptabilité d’exercice au gouvernement, le Comité est conscient que le processus soulève certaines préoccupations. Il peut être très complexe et onéreux pour l’appareil gouvernemental d’adopter la comptabilité d’exercice intégrale. Les témoins de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont expliqué très clairement au Comité les nombreux obstacles et défis que présente le passage réussi à la comptabilité d’exercice. En outre, le Comité a étudié une analyse détaillée effectuée pour le Secrétariat du Conseil du Trésor sur les questions et les problèmes que le gouvernement fédéral aurait à surmonter s’il adoptait cette méthode de comptabilité. Ainsi, il est clair que la préparation d’états financiers plus complets et l’ajout de nouveaux éléments aux documents budgétaires nécessiteront initialement plus de ressources par rapport à la situation actuelle. Cependant, ces coûts supplémentaires seront compensés par l’élimination de coûts importants liés aux rapprochements qui doivent être faits à la fin de chaque exercice financier en raison de l’utilisation simultanée de deux méthodes comptables par le gouvernement fédéral. De plus, l’accroissement de la transparence des documents financiers du gouvernement entraînera des économies permanentes par le biais de la prise de meilleures décisions par les ministères.
Le Comité a estimé que la plupart des défis et problèmes cités pour contester la pertinence de l’adoption de la comptabilité d’exercice sont des questions d’ordre technique qui ont été généralement résolues par les comptables. En particulier, il y a des problèmes d’évaluation des biens patrimoniaux et militaires et du passif environnemental et social. Évidemment, ces problèmes techniques ne sont pas courants dans le secteur privé où la comptabilité d’exercice est pratiquée depuis longtemps. Le principal problème tient à l’existence d’éléments d’actif et de passif uniques au secteur public pour lesquels il n’existe aucune règle bien établie pour guider les responsables de la préparation des documents et des états financiers. Faute de règles, ces éléments d’actif et de passif pourraient être traités inadéquatement, ce qui pourrait se répercuter sur la politique budgétaire. Lorsque les programmes se traduisent par des flux de trésorerie futurs, la budgétisation selon la comptabilité d’exercice est telle que les coûts sont comptabilisés à une date ultérieure et que l’on peut ainsi évaluer la viabilité de la politique budgétaire. En revanche, lorsqu’une activité porte sur des immobilisations, la budgétisation selon la comptabilité d’exercice retarde la comptabilisation des coûts en les échelonnant sur la vie utile des biens, ce qui pourrait nuire aux politiques budgétaires.
Le fait que certains éléments d’actif et de passif peuvent s’accumuler pendant une période et que leur amortissement se fait dans une autre période est également préoccupant. La comptabilité d’exercice permet de constater des événements qui pourraient un jour donner lieu à l’octroi de crédits pluriannuels ou à l’acquisition d’éléments d’actif dont la période d’amortissement serait plus longue que le mandat du Parlement. Une telle perspective inquiète bien des gens soucieux de discipline budgétaire.
Enfin, si le gouvernement fédéral devait adopter la comptabilité d’exercice intégrale, il faudrait qu’il remanie le contenu des rapports budgétaires qu’il présente au Parlement, de telle sorte que ces derniers tiennent compte de la situation financière, ainsi que de l’état des finances et de la trésorerie du gouvernement.
Le Comité a discuté de toutes ces préoccupations avec les divers témoins et il exprime ses opinions dans les chapitres qui suivent.
Après avoir examiné les témoignages qu’il a reçus sur les avantages et les inconvénients de l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits, le Comité a conclu que les avantages d’une telle méthode surpassent les préoccupations exprimées par ses détracteurs. Le Comité recommande donc :
RECOMMANDATION 1
Que le gouvernement du Canada adopte la comptabilité d’exercice intégrale pour sa budgétisation et l’affectation des crédits.
6 | Jon Blondal, Questions soulevées par la budgétisation sur la base des droits constatés, Revue de l'OCDE sur la gestion budgétaire, volume 4, no 1, p. 121-143. |
7 | Secrétariat du Conseil du Trésor, La comptabilité d'exercice dans la préparation du budget et l'affectation des crédits, mémoire présenté au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, septembre 2006. |
8 | Au 1er avril 2001, tous les ministères et organismes avaient implanté avec succès de nouveaux systèmes financiers capables de traiter l’information financière selon la méthode de la comptabilité d’exercice et de transmettre cette information aux systèmes centraux du gouvernement pour la préparation des états financiers sommaires. Rapport du vérificateur général du Canada, décembre 2002, chapitre 5, p. 1. |
9 | Voir les rapports du vérificateur général pour 2002 (chapitre 5), 2004 (chapitre 6), et 2005 (chapitre 8). Le Comité permanent des comptes publics a recommandé à maintes reprises au gouvernement de mettre en place un système de budgétisation selon la comptabilité d’exercice. Le rapport du vérificateur général de février 2005 présente à l’annexe C une liste partielle des recommandations du Comité des comptes publics. |
10 | Le CCSP est constitué d’un président et d’un maximum de 11 membres recrutés pour agir à titre individuel et non comme représentants d’un organisme ou du gouvernement. |
11 | Jon Blondal, 2004, Questions soulevées par la budgétisation sur la base des droits constatés, Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, vol. 4, no 1, p. 121-143. |
12 | Bureau du vérificateur général, Aperçu de la budgétisation et de l’affectation des crédits selon la méthode de la comptabilité d’exercice, mémoire au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, 26 septembre 2006. |