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OGGO Rapport du Comité

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CHAPITRE SIX — MISE EN ŒUVRE : UN LEADERSHIP FORT POUR LA MISE EN PLACE DE MEILLEURS OUTILS DE PRISE DE DÉCISIONS

La comptabilité d’exercice intégrale vous coûtera plus cher, surtout au début, à cause de l’investissement nécessaire en matière de technologies de l’information. Il faut en outre donner une formation préalable pour que tout le monde soit prêt à appliquer le nouveau système. Toutefois, en fin de compte, je crois que vous obtiendrez une meilleure information pour les décideurs.

Jim McCarter, Vérificateur général de l’Ontario, le jeudi 26 octobre 2006

Les témoignages des hauts fonctionnaires des provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, ont confirmé le sentiment du Comité à l’effet que l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’octroi des crédits sera une entreprise qui nécessitera beaucoup de détermination, de leadership et de ressources de la part du gouvernement. Toutefois, le Comité juge de cette réforme en vaut la peine et que le gouvernement a déjà relevé des défis plus complexes dans le passé notamment le passage au système métrique ou l’introduction de la Taxe sur les produits et services (TPS).

À ce titre, une planification soignée de la mise en œuvre, comprenant un échéancier réaliste, des ressources financières et humaines adéquates et un suivi périodique permettant de rendre compte des progrès, est essentielle au succès de la réforme.

A) Déclaration d’intention du gouvernement

Mais d’abord, le Comité est d’avis que le gouvernement doit envoyer un signal fort en signalant clairement son intention d’aller de l’avant et de mener à terme cette réforme. Qui plus est, au-delà d’une déclaration politique, le Comité estime que cette volonté doit venir du Cabinet et qu’elle doit se traduire par le dépôt d’un projet de loi prévoyant les changements nécessaires à la mise en place de la réforme.

B) Bureau de gestion de projet

Pour donner l’élan qui suscitera les changements nécessaires à la réforme, pour assurer la coordination des efforts et mobiliser les ressources, le gouvernement devra mettre sur pied un bureau de gestion de projet (BGP) dirigé par une personne bien en vue et très respectée. Cette personne devra être un excellent communicateur qui, sans être nécessairement un expert, pourra s’asseoir avec les sous-ministres adjoints des différents ministères, les réunir et gagner tout le monde à la cause. Tel que suggéré dans l’Étude PWC déposée devant le Comité par le Secrétariat du Conseil du Trésor, le BGP devrait avoir les responsabilités suivantes :

  • Gestion de projet — Agir comme centre de coordination du projet pour assurer le bon déroulement du projet, gérer le plan de mise en œuvre, cerner les dépendances, assurer la gestion des risques, coordonner la communication d’information, administrer le budget et fournir des services de soutien administratif.

  • Gestion du changement — Assurer la direction et l’orientation générale des activités du projet pour apporter les changements nécessaires aux processus, systèmes et ressources humaines dans le but d’accepter les résultats attendus du projet.

  • Communications — Élaborer et assurer la communication prévue des résultats aux intervenants du projet.

  • Gestion des intervenants — Sensibiliser les personnes qui participent au projet ou touchées par celui-ci et favoriser leur adaptabilité.

  • Formation — Élaborer la stratégie de formation à l’appui de la réalisation du projet.

Par ailleurs, lors de leurs témoignages devant le Comité, les hauts fonctionnaires de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont souligné à quel point il était important que le BGP soit composé de personnes de différentes disciplines s’intéressant vraiment au processus budgétaire, à son objet et à la réforme envisagée. Il devrait bien sûr être constitué de comptables, mais aussi de gens qui représentent d’autres intérêts, par exemple d’anciens législateurs, des universitaires, etc. Dans la même veine, le Comité a appris que lors de sa transition vers la comptabilité d’exercice, le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé un comité consultatif de la politique comptable, composé d’experts-comptables respectés de l’extérieur. Il y a lieu de signaler que ce comité a été créé par voie législative et qu’il continue à conseiller le gouvernement provincial sur les questions comptables.

En ce qui a trait à la mise en place d’un comité consultatif et au recrutement d’experts extérieurs à la fonction publique fédérale, le Comité est d’avis qu’il s’agit de bonnes idées, mais préfère donner toute la latitude nécessaire au gouvernement pour ne pas contraindre inutilement le processus de mise en œuvre. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 9

Que le gouvernement du Canada mette sur pied un bureau de gestion de projet, énonce son mandat et ses responsabilités.

C) Ressources humaines et formation

L’adoption par le gouvernement du Canada de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits comporte une importante dimension humaine puisqu’elle nécessitera l’élaboration d’un vaste plan de formation pour l’ensemble de l’administration. Le Comité a appris qu’en Ontario, il a presque fallu donner des cours élémentaires de comptabilité dans les services financiers des ministères. Cette démarche fut critique pour assurer le succès de la conversion.

La question des ressources humaines est d’autant plus importante qu’il est actuellement assez difficile de recruter des comptables un peu partout au Canada et que beaucoup d’agents financiers du gouvernement n’ont pas de certification professionnelle en comptabilité et ne sont donc pas nécessairement rompus aux dernières avancées en matière de normes comptables. Par ailleurs, il est probable que cet important changement rencontre de la résistance auprès de certains fonctionnaires. Un important travail de communication et de persuasion sera sans doute nécessaire. Le rôle du BGP sera alors déterminant.

Enfin, le Comité a été particulièrement interpellé par le fait qu’il importe de ne pas limiter la formation et les communications aux seuls services financiers des ministères. En effet, pour maximiser les avantages liés avec cette importante réforme comptable, les hauts fonctionnaires de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont dit qu’il était souhaitable d’élargir la compréhension de la comptabilité d’exercice et des rapports au-delà des services financiers et notamment aux gestionnaires de programme. Ceci permettrait de donner à ces gestionnaires une meilleure information pour qu’ils prennent de meilleures décisions. Ce dernier aspect rejoint le souhait, maintes fois exprimé par divers membres du Comité, quant à la nécessité de profiter de cette réforme comptable pour insuffler le changement de culture tant attendu dans la fonction publique fédérale.

RECOMMANDATION 10

Que le gouvernement du Canada développe un plan de communication et de formation à l’intention de ses agents financiers et qu’il sensibilise les gestionnaires des programmes gouvernementaux aux nouvelles dimensions apportées par la comptabilité d’exercice, en mettant l’emphase sur la gestion des ressources de l’État, ses actifs et ses passifs.

Le Comité est d’avis qu’il sera nécessaire d’offrir aux parlementaires un soutien technique afin qu’ils puissent se familiariser avec les changements apportés aux documents budgétaires suite à l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 11

Que le gouvernement du Canada organise des sessions d’information à l’intention des parlementaires afin qu’ils puissent se familiariser avec les notions de comptabilité d’exercice et la nouvelle présentation des documents budgétaires.

D) Ressources financières et systèmes financiers

L’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits nécessitera des ressources financières additionnelles. L’Étude PWC estime que le coût total de cette réforme pourrait se situer à l’intérieur d’une fourchette allant de 40 à 160 millions de dollars. Selon M. Charles-Antoine St-Jean, contrôleur général du Canada, la somme approximative de 150 millions de dollars est réaliste17.

Le Comité est d’avis qu’une estimation précise des coûts devrait accompagner le dépôt d’un plan de mise en œuvre par le Bureau de gestion de projet.

Cela dit, à la lumière de l’expérience des provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, le montant du coût total dépendra essentiellement des choix qui seront faits en matière de systèmes financiers. En effet, les principaux coûts de cette réforme seront liés aux systèmes financiers, que ce soit l’achat de nouveaux systèmes ou la mise à niveau des systèmes existants. La formation des ressources humaines ne devraitt constituer qu’une faible proportion des coûts totaux. À titre de référence, l’Étude PWC évalue ces coûts à environ 6 millions de dollars.

L’envergure et la complexité du gouvernement fédéral, qui compte sept systèmes financiers différents, constituera sans doute un défi de taille et par conséquent la conversion à la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits devrait se révéler plus longue et plus difficile que dans les provinces. Rappelons que la Colombie-Britannique par exemple, fonctionnait avec un seul système financier pour tous ses ministères et organismes.

Cela dit, la Vérificatrice générale du Canada et le Contrôleur général du Canada ont affirmé devant le Comité, lors de la réunion du 7 novembre 2006, qu’il n’était toutefois pas souhaitable pour le gouvernement fédéral de procéder à un changement complet de ses systèmes financiers étant donné les investissements importants dont ils ont fait l’objet il y a seulement quelques années. Dans la mesure où les systèmes financiers sont compatibles et répondent aux nouvelles exigences, cette approche permettrait sans doute de minimiser les coûts et d’éviter que le gouvernement fédéral ne se retrouve otage d’un seul fournisseur.

E) Échéancier et suivi

Le Comité est conscient de l’ampleur de la tâche qui attend le gouvernement. Néanmoins, il est convaincu que ce projet peut être mis en œuvre dans des délais raisonnables. À cet égard, la feuille de route développée dans l’Étude PWC devrait être sérieusement considérée par le gouvernement. Le Comité pense en effet qu’un échéancier de cinq années permettrait au gouvernement de mener à bien cette réforme comptable en progressant à un rythme offrant suffisamment de marge de manœuvre pour qu’il puisse être possible d’adapter correctement le cycle budgétaire et des dépenses, de procéder à la formation des ressources humaines et de mettre en place les nouveaux systèmes financiers.

Par ailleurs, le Comité pense qu’il est essentiel que le gouvernement fasse rapport de ses progrès à la Chambre des communes chaque année.

RECOMMANDATION 12

Que le gouvernement du Canada complète la mise en œuvre de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits sur une période maximale de cinq ans et fasse rapport annuellement à la Chambre des communes de ses progrès et des dépenses engagées.

F) Convivialité des rapports présentés au Parlement

L’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits aura pour effet d’accroître la richesse, mais aussi la complexité de l’information présentée dans les rapports destinés aux parlementaires. Pour maintenir et accroître l’intérêt des parlementaires vis-à-vis de l’examen des crédits, la présentation de l’information sur actifs, les passifs et les dépenses d’amortissement du gouvernement devra leur permettre de profiter pleinement de celle-ci. Le Comité est d’avis que l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits constitue une occasion unique de remodeler en profondeur le format et le contenu des rapports présentés au Parlement. Il s’agit d’un impératif pour faciliter leur examen par les parlementaires. En effet, malgré certains progrès, l’information dans les documents sur le Budget des dépenses reste aride et les constatations faites par le Comité18 en 2003 demeurent valides :

L’administration fédérale à travers des rapports présentés au Parlement doit impérativement améliorer sa capacité à bien communiquer l’information jugée pertinente par ses clients que sont les parlementaires et le public canadien et ce, dans un format qui leur convient. Comme toute autre publication à caractère économique ou financier qui communique une information chiffrée, à commencer par les documents du Budget par exemple, les rapports présentés au Parlement devraient faire un usage plus intensif d’outils statistiques comme les tendances et les variations annuelles et se servir de tableaux et de graphiques pour présenter les résultats et les idées. Les graphiques et les tableaux devraient être appuyés par de courts textes à valeur ajoutée qui viennent bonifier l’information chiffrée. En effet, mis à part les informations de base sur les crédits budgétaires, les rapports devraient s’employer à mettre en relief les succès, mais aussi les insuccès des programmes, des ministères et des organismes, leurs causes et les correctifs devant être apportés pour atteindre les objectifs.

Le Comité juge qu’il est nécessaire de prévoir, par exemple, des catégories distinctes pour les crédits (à voter ou législatifs) sur les budgets de fonctionnement, les immobilisations et dorénavant les passifs du gouvernement, dans la partie II du Budget des dépenses. Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 13

Que le gouvernement du Canada élabore, en consultation avec les députés, un format de présentation de l’information sur les crédits dans les documents relatifs au Budget des dépenses.

CONCLUSIONS

Les travaux du Comité sont venus confirmer le sentiment initial, exprimé par la motion du 15 juin 2006, à l’effet que le gouvernement du Canada doive aller de l’avant avec l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits.

Cette réforme comptable, que le Comité appelle de tous ses vœux, constituera un outil supplémentaire à la disposition du gouvernement afin qu’il puisse améliorer la gestion des affaires de l’État.

Le Comité croit fermement que cette réforme est dans l’intérêt des citoyens et qu’elle permettra de jeter un regard neuf sur la façon dont sont utilisés les fonds publics. Par conséquent, le Comité est d’avis qu’elle devrait être menée à terme le plus rapidement possible en tenant compte des recommandations formulées dans ce rapport.



17Le Comité n’a pas en sa possession tous les renseignements qui lui permettraient d’évaluer précisément les coûts reliés à l’adoption de la comptabilité d’exercice pour la budgétisation et l’affectation des crédits. De la même manière, le Comité n’est pas en mesure d’évaluer les coûts annuels liés au fonctionnement dans ce nouvel environnement comptable. Toutefois, le Comité est persuadé que l’impact sera globalement positif.
18Rapport 6 - Pour un examen valable : Améliorations à apporter au processus budgétaire (Adopté par le Comité le 24 septembre 2003; Présenté à la Chambre le 25 septembre 2003).