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SECU Rapport du Comité

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LES PRODUITS contrefaits AU Canada — une menace pour la sécurité publique

A. Introduction

Contexte de l’étude

Le 20 mars 2007, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale a décidé de tenir des séances d’information sur la contrefaçon de produits au Canada, tout en portant une attention particulière aux risques que certains de ces produits présentent pour la santé et la sécurité publique. Le lendemain, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie décidait d’entreprendre « une étude sur la contrefaçon et le piratage de la propriété intellectuelle[1] ». L’étude entreprise par ce Comité porte entre autres sur les conséquences de la contrefaçon et du piratage sur l’économie canadienne. Elle était toujours en cours au moment de l’adoption du présent rapport.

Du 27 mars au 26 avril 2007, notre Comité a tenu trois séances au cours desquelles il a entendu les témoignages d’experts en droit de la propriété intellectuelle et de représentants de ministères et d’organismes engagés dans la lutte contre la contrefaçon et le piratage au Canada et à l’étranger. Les témoins invités à comparaître avaient tous été proposés par des membres du Comité (la liste des témoins figure à l’annexe A, et la liste des mémoires à l’annexe B).

Nous résumons dans le présent rapport les propos entendus au cours de ces audiences et nous y présentons nos propres observations et recommandations afin de favoriser l’émergence d’une prise de conscience des enjeux de santé et de sécurité liés à la contrefaçon de produits au Canada. À la lumière des témoignages entendus, nous concluons que le moment est venu de renforcer nos lois et d’augmenter les ressources pour faire face au phénomène de plus en plus préoccupant que représente la contrefaçon de produits.

Organisation du rapport

Le corps du présent rapport se compose de quatre sections. La première porte sur les définitions de la contrefaçon de produits et du piratage du droit d’auteur. La deuxième présente un bilan de l’industrie de la contrefaçon et du piratage dans le monde, tout en portant une attention particulière à la situation qui règne au Canada. La troisième expose brièvement les mécanismes dont disposent les pouvoirs publics et les détenteurs de droits de propriété intellectuelle au Canada pour endiguer la contrefaçon de marchandises. Enfin, la dernière section traite des lacunes de l’approche canadienne en matière de lutte à la contrefaçon et des mesures que le Canada pourrait prendre pour mieux s’attaquer au commerce de la marchandise contrefaite.

B. Définir la contrefaçon de produits

Le terme « contrefaçon de produits » est utilisé couramment pour parler de la reproduction non autorisée d’un produit protégé par un droit de propriété intellectuelle. La notion de propriété intellectuelle englobe, au Canada, la protection d’une invention par un brevet, l’enregistrement d’une marque de commerce, d’un droit d’auteur, d’un dessin industriel ou d’une topographie de circuits intégrés[2]. De façon générale, l’enregistrement de ces droits confère au détenteur une protection contre l’utilisation non autorisée de la propriété intellectuelle.

Ainsi définie, la contrefaçon peut comprendre l’imitation d’une marque de commerce, de l’étiquetage ou de toute autre caractéristique importante associée au produit, de même qu’une atteinte au droit d’auteur[3].

D’entrée de jeu, il est important de souligner que cette définition large de la contrefaçon ne correspond pas à la définition donnée dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) annexé à l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) 1994, dont le Canada est signataire. Aux termes de l’Accord sur les ADPIC, l’expression « contrefaçon de produits » ne désigne que les cas de contrefaçon de marques de commerce :

a)   l’expression « marchandises de marque contrefaites » s’entend de toutes les marchandises, y compris leur emballage, portant sans autorisation une marque de fabrique ou de commerce qui est identique à la marque de fabrique ou de commerce valablement enregistrée pour lesdites marchandises, ou qui ne peut être distinguée dans ses aspects essentiels de cette marque de fabrique ou de commerce, et qui de ce fait porte atteinte aux droits du titulaire de la marque en question en vertu de la législation du pays d’importation;

b)   l’expression « marchandises pirates portant atteinte au droit d’auteur » s’entend de toutes les copies faites sans le consentement du détenteur du droit ou d’une personne dûment autorisée par lui dans le pays de production et qui sont faites directement ou indirectement à partir d’un article dans les cas où la réalisation de ces copies aurait constitué une atteinte au droit d’auteur ou à un droit connexe en vertu de la législation du pays d’importation[4].

Dans son témoignage, Cal Becker (coordonnateur et avocat-conseil, Secrétariat de la propriété intellectuelle, ministère de la Justice) a attiré l’attention du Comité sur cette distinction importante entre contrefaçon et piratage, soulignant que le terme « contrefaçon » désigne spécifiquement une violation à l’échelle commerciale d’un droit protégé en vertu de la Loi sur les marques de commerce, alors que l’expression « piratage » désigne une violation commerciale d’une œuvre protégée par un droit d’auteur, par exemple la reproduction de films, de logiciels ou de jeux vidéo. Quoique les mesures d’application de la loi puissent se ressembler dans les deux cas, il a noté l’importance de distinguer ces phénomènes qui sont régis par des cadres juridiques distincts.

Pour Michael Geist (professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa), la contrefaçon de produits ne « devrait pas être amalgamée avec les questions plus litigieuses de droit d’auteur ». Il constate néanmoins que le terme « contrefaçon » est devenu un « fourre-tout » pour un large éventail de questions qui n’ont rien à voir avec la contrefaçon de produits. Il a déclaré ce qui suit au Comité :

Personne ne contestera le fait que la vente de fausses montres ou de faux vêtements implique des produits de contrefaçon, mais cette notion englobe maintenant beaucoup plus que cela. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels les peluches qui ne portent pas une étiquette indiquant qu’ils sont faits uniquement de matériaux neufs sont des produits de contrefaçon. En fait, ces produits ne sont pas correctement étiquetés ou ne répondent pas aux normes de sécurité, ce ne sont pas des contrefaçons. De même, les rallonges électriques qui ne satisfont pas aux normes de l’Association canadienne de normalisation posent un problème de sécurité, mais pas nécessairement un problème de contrefaçon, à moins qu’elles ne portent indûment le logo de la CSA [Association canadienne de normalisation][5].

Par souci de précision, nous utilisons dans le présent rapport les termes « contrefaçon » et « piratage » conformément aux définitions prévues dans l’Accord sur les ADPIC. Pour qu’il y ait contrefaçon de produits, il faut donc que le produit contrevienne à la Loi sur les marques de commerce.

C. Aperçu de la contrefaçon et du piratage

Un phénomène en croissance

Pendant les audiences, plusieurs témoins ont dit au Comité que la contrefaçon et le piratage de produits augmentent au Canada, comme partout dans le monde. À leur avis, cette augmentation peut être attribuée à différents facteurs, dont le progrès technologique, l’accroissement des échanges commerciaux, de même qu’une perception largement répandue dans la population qu’il s’agit d’un crime sans victimes.

Si les activités de contrefaçon de produits étaient autrefois localisées et axées sur la reproduction de produits haut de gamme de grands designers, on nous a expliqué que l’industrie de la contrefaçon et du piratage est aujourd’hui d’envergure mondiale et touche une vaste gamme de produits, allant des vêtements aux médicaments en passant par le multimédia, les piles, les produits électroniques, les jouets, les cosmétiques, les pièces détachées de véhicules automobiles, de bateaux, d’aéronefs, etc. Selon les témoignages, pratiquement aucun secteur d’activité n’est épargné[6].

Pour rendre compte de la croissance de ce phénomène au Canada, le surintendant principal Mike Cabana (opérations fédérales et internationales, directeur général de l’intégrité des frontières, GRC) a fait observer au Comité qu’il y a dix ans, la contrefaçon de marchandises ne représentait pas, selon la GRC, un problème important au Canada.

La contrefaçon frappait principalement les articles de luxe, comme les montres Rolex ou les vêtements griffés. Les marchandises contrefaites étaient écoulées surtout dans les marchés aux puces, et la plupart des consommateurs savaient ce qu’ils achetaient. Dans la population et même chez les policiers, beaucoup croient qu’il en est toujours ainsi, mais en fait, cette perception ne colle plus à la réalité[7].

À l’instar d’autres témoins, il a expliqué que les produits contrefaits et piratés sont de nos jours beaucoup plus nombreux et variés. Ils se vendent par ailleurs dans d’importants magasins de détail et non seulement dans les marchés aux puces. Certains produits contrefaits et piratés seraient par ailleurs beaucoup plus difficiles à détecter, non seulement pour le consommateur, mais aussi pour les commerçants qui, selon M. Cabana, vendent couramment à leur insu des marchandises contrefaites et piratées.

Nous avons appris que, pour gagner la confiance des consommateurs, certains contrefacteurs vont même jusqu’à apposer des marques de certification contrefaites telles que UL (Underwriters Laboratories Inc.) ou CSA (Association canadienne de normalisation) qui, lorsqu’elles sont véritables, indiquent au consommateur que le produit répond aux normes de sécurité des consommateurs et de l’industrie. Cette utilisation frauduleuse des marques de certification peut également entraîner une perte de confiance dans nos organismes de normalisation.

S’il ne fait aucun doute, sur la base des témoignages entendus, que certains produits contrefaits sont fabriqués au Canada, y sont écoulés et y transitent, toutes les estimations tendent à démontrer que le Canada n’est pas une source importante de contrefaçon. Nancy Segal (directrice adjointe, Politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l’information et la technologie, Affaires étrangères et Commerce international) a sur ce point précisé que « la plupart des produits contrefaits viennent de Chine, de Russie et d’autres pays ». C’est aussi ce qu’a soutenu le professeur Geist (Faculté de droit de l’Université d’Ottawa) dans son témoignage, lorsqu’il a noté que la GRC a estimé, en 2004, que près de 90 p.100 de la marchandise contrefaite trouvée sur le marché canadien était fabriquée à l’étranger[8].

Répercussions de la contrefaçon de produits et du piratage

Quoique les répercussions de la contrefaçon et du piratage soient difficiles à mesurer, compte tenu, entre autres, de la nature clandestine de ces activités, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a estimé en 1998 que ce commerce représentait de 5 à 7 p. 100 environ de la valeur du commerce mondial[9]. Si ces auteurs reconnaissent l’absence de données cumulatives appréciables pouvant étayer leur estimation, cette étude n’en demeure pas moins la plus fréquemment citée dans la littérature pour rendre compte de l’ampleur de ce commerce.

À ce jour, le Canada ne possède aucune étude exhaustive indépendante de l’impact de la contrefaçon et du piratage[10]. Cela dit, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada estiment que l’impact économique de ces activités se situerait entre 20 et 30 milliards de dollars par an[11]. Le surintendant principal Mike Cabana (opérations fédérales et internationales, directeur général de l’intégrité des frontières, GRC) a indiqué pour sa part que « [b]ien que la GRC ne soit pas prête à avancer un chiffre exact […] je n'hésite pas à dire que l'impact [de ces activités au Canada] est certainement de l'ordre de milliards de dollars et que sa croissance ne fait aucun doute[12] ». De tous les témoins entendus par notre Comité, seul le professeur Geist était d’avis que la contrefaçon a « probablement un impact économique restreint sur le Canada[13] ».

À la lumière des témoignages entendus, il ne fait aucun doute que les détenteurs de droits de propriété intellectuelle, les entreprises privées et les gouvernements canadiens enregistrent des pertes économiques importantes à cause du commerce de la contrefaçon et du piratage.

Outre les répercussions économiques de ces activités, force est de constater la présence sur le marché canadien de produits de contrefaçon comportant des risques importants pour la santé et la sécurité des Canadiens. À notre avis, l’évolution de ce type de criminalité est inquiétante.

Lors de sa comparution, Doug Geralde (président, Réseau anti-contrefaçon canadien) a fait circuler des objets contrefaits trouvés sur le marché canadien qui présentaient des risques importants pour la sécurité des consommateurs, dont un cordon d’alimentation avec une mise à la terre insuffisante et une rallonge électrique dotée de fils de dimension sous-calibrée qui présentaient des dangers d’incendie et d’électrocution. Pendant les audiences, beaucoup d’autres exemples inquiétants de produits contrefaits potentiellement dangereux ont été portés à notre attention, par exemple des garnitures de frein pour automobiles faites de sciure de bois, du shampoing pouvant causer des infections, de même que des bijoux et des jouets pour enfants contenant du plomb[14].

Au cours de nos audiences, nous avons également pris connaissance des conséquences graves qu’entraînent certains médicaments contrefaits pour la santé des consommateurs. Diana Dowthwaite (directrice générale, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada) nous a expliqué que les médicaments contrefaits peuvent contenir la mauvaise dose, les mauvais ingrédients, des additifs dangereux, ou ne contenir aucun principe actif, ce qui peut entraîner des risques graves pour la santé des patients et même la mort.

Pour illustrer ce danger, Lee Webster (président, Comité de la propriété intellectuelle, Chambre de commerce) a donné l’exemple d’une femme de la Colombie-Britannique qui est décédée récemment après avoir consommé des médicaments contrefaits qu’elle avait achetés sur Internet. Cette tragédie nous rappelle l’urgence d’agir pour contrer ce phénomène préoccupant. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), si moins de 1 p. 100 des médicaments qui se trouvent sur le marché dans les pays développés sont contrefaits, environ 50 p. 100 de ceux vendus par l’entremise d’Internet sont des contrefaçons[15].

Le fait qu’il soit difficile de documenter les cas de blessures ou de décès imputables à la contrefaçon de produits, compte tenu notamment du fait que plusieurs personnes ne savent pas qu’elles ont en leur possession de tels produits, ne doit pas nous faire revenir sur notre détermination à agir. À l’instar des témoins rencontrés pendant notre étude, il nous semble que cette menace nécessite une action forte. Pour la contenir, nous estimons que la population canadienne devra être sensibilisée au fait que les contrefacteurs ne se soucient guère de la santé et de la sécurité des consommateurs : leur unique objectif consiste à gagner de l’argent. Voici ce qu’a soutenu Michael Murphy (vice-président exécutif, Politiques, Chambre de commerce du Canada) à ce sujet :

Hélas, les criminels se moquent bien du fait que les produits contrefaits puissent être dangereux pour les consommateurs. Seul le profit les intéresse. On a ainsi constaté que certaines piles contrefaites importées au Canada contiennent du mercure et risquent d’exploser si elles ne sont pas correctement ventilées. On a aussi trouvé au Canada du shampooing contrefait importé des États-Unis qui était contaminé par des bactéries pouvant causer des infections[16].

Comme la majorité des témoins, nous croyons que les risques suscités par le commerce de marchandises contrefaites découlent également de l’implication du crime organisé. Selon certains témoins, les revenus de la vente de produits contrefaits et piratés bénéficient souvent à ces groupes. À ce sujet, on nous a rappelé à maintes reprises les propos du secrétaire général d’Interpol voulant que les crimes contre la propriété intellectuelle soient dominés par le crime organisé[17]. Doug Geralde du Réseau canadien anti-contrefaçon nous a expliqué que :

Certaines des expéditions [de produits contrefaits et piratés] sont reliées au crime organisé parce qu’elles empruntent les mêmes circuits détournés que la drogue et qu’elles sont souvent dissimulées avec des drogues. Les faussaires sont les mêmes personnes, avec les mêmes réseaux. Ils entrent dans nos chaînes d’approvisionnement et nous devons y mettre fin[18].

Il va de soi que toutes les marchandises contrefaites ne présentent pas des dangers pour la santé et la sécurité publique. Il nous semble pourtant, à la lumière des témoignages entendus, que les Canadiens sont exposés à des risques de plus en plus importants.

D. Aperçu du cadre juridique

La contrefaçon et le piratage sont des violations de la propriété intellectuelle contre lesquelles le Canada s’est engagé à fournir une protection juridique efficace, et ce, en vertu des accords internationaux qu’il a signés, dont l’Accord sur les ADPIC, que nous avons mentionné précédemment, et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le Canada reconnaît ainsi, à l’instar des autres pays signataires, l’importance de protéger la propriété intellectuelle afin d’assurer un environnement favorisant la prospérité économique, l’innovation et la concurrence. Michael Murphy (vice-président exécutif, Politiques, Chambre de commerce du Canada) a fait valoir au Comité que :

Dans une économie du savoir, la propriété intellectuelle est essentielle pour promouvoir l’investissement en recherche et développement, en innovation, en commerce et investissement international et en protection du consommateur, et pour stimuler la croissance économique. Dans une économie changeant rapidement, protéger la propriété intellectuelle est crucial pour assurer la compétitivité[19].

Plusieurs témoins ont fait observer que les entreprises préfèrent s’établir dans des endroits où leurs produits et leurs marques de commerce sont protégés contre la concurrence déloyale. C’est que les entreprises légitimes ne peuvent pas concurrencer les contrefacteurs, qui ne sont pas tenus de respecter des normes de qualité dans la fabrication de leurs marchandises ou d’assumer les coûts de la recherche, du développement et de la commercialisation que doivent supporter les entreprises légitimes.

Actuellement, plusieurs lois canadiennes protègent la propriété intellectuelle[20]. Tel que mentionné précédemment, de façon générale, l’enregistrement d’un droit de propriété intellectuelle confère au détenteur une protection contre l’utilisation non autorisée du produit visé.

Les personnes et les entreprises propriétaires d’une marque de commerce, d’un droit d’auteur ou des deux disposent actuellement de certains recours pour faire respecter leurs droits. La Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur permettent en effet aux titulaires de droit de propriété intellectuelle d’intenter des poursuites civiles pour violation de leur droit. Ceux qui obtiennent gain de cause peuvent recevoir un dédommagement, obtenir une participation aux profits, des injonctions interlocutoires ou définitives et la remise des biens contrefaits ou piratés. Nous avons appris néanmoins que les poursuites civiles en matière de contrefaçon et de piratage sont difficiles, longues et coûteuses à tel point que la majorité des victimes estiment qu’il est inutile d’entreprendre de telles procédures. Certaines des recommandations que nous présentons dans la deuxième section du rapport tentent de pallier certaines de ces lacunes, notamment en permettant l’échange d’information entre les agents frontaliers et les détenteurs de droits de propriété intellectuelle.

Actuellement, les pirates du droit d’auteur s’exposent également à des poursuites criminelles sous le régime de la Loi sur les droits d’auteur. Cette infraction peut entraîner des amendes pouvant atteindre un million de dollars ou un emprisonnement pour une période maximale de cinq ans, ou les deux.

La Loi sur les marques de commerce ne contient pour sa part aucune disposition permettant d’engager des poursuites criminelles contre les contrefacteurs. Ces poursuites doivent être intentées en vertu du Code criminel. Les principales dispositions permettant de poursuivre les contrefacteurs de marques de commerce sont les dispositions prévues aux articles 407 à 411. Ces infractions peuvent entraîner, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 2 000 $ ou un emprisonnement maximal de six mois, ou les deux; ou sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation, un emprisonnement d’une durée maximale de deux ans.

E. Propositions de réformes

Nous sommes au courant des efforts internationaux et nationaux déployés par le gouvernement du Canada pour contrer la contrefaçon de produits et le piratage. Notre étude a néanmoins fait ressortir d’importantes lacunes dans ce domaine. Les sections qui suivent présentent ces lacunes ainsi que les recommandations que nous formulons afin d’y remédier.

Améliorer la coordination

Le Comité est conscient du fait que la contrefaçon de produits comporte des enjeux qui touchent de nombreux ministères et organismes. Nous estimons d’ailleurs que le partage d’informations et de connaissances entre les divers acteurs concernés (ministères, organismes, entreprises, partenaires internationaux, etc.) est un élément essentiel de la lutte contre la contrefaçon de produits et le piratage.

Lors de notre première séance sur la contrefaçon de produits, nous avons pris connaissance du travail accompli par le Groupe de travail interministériel sur les questions de propriété intellectuelle en matière de collaboration et de partage d’informations à l’échelle nationale et internationale. Ce groupe de travail est constitué de dix ministères et organismes fédéraux ayant un intérêt ou des responsabilités en matière de droits de propriété intellectuelle. Il est actuellement présidé par le directeur de la Politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l’information et la technologie du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Quoique nous appuyions entièrement le Groupe de travail, il nous semble néanmoins que l’absence d’un leadership fort se traduit par une lenteur excessive des négociations et constitue, par le fait même, un obstacle à l’élaboration d’une stratégie canadienne efficace de lutte contre la contrefaçon et le piratage.

Pour favoriser une approche plus coordonnée et musclée en matière de lutte contre la contrefaçon de produits, et assurer qu’une priorité élevée soit accordée à l’aspect santé et sécurité publique, le Comité estime nécessaire de désigner le ministre de la Sécurité publique à titre de ministre responsable de la lutte à la contrefaçon de produits.

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande au gouvernement du Canada de désigner le ministre de la Sécurité publique à titre de ministre responsable du dossier sur la lutte contre la contrefaçon de produits.

Afin d’accélérer le processus d’élaboration d’une stratégie coordonnée de lutte contre la contrefaçon, le Comité recommande également la création d’un comité composé de hauts fonctionnaires fédéraux, placés sous la présidence du sous-ministre adjoint de la Sécurité publique. Ce comité devrait être chargé de coordonner la stratégie canadienne en matière de lutte contre la contrefaçon de produits.

RECOMMANDATION 2

Le Comité recommande au gouvernement du Canada de créer un comité composé de sous-ministres adjoints, présidé par le sous-ministre adjoint de la Sécurité publique, pour élaborer une stratégie coordonnée de lutte contre la contrefaçon de produits. Ce comité devra également être chargé de coordonner la stratégie.

Le Comité estime également qu’il serait important et utile de mettre à profit les connaissances et les expertises du Groupe de travail interministériel sur les questions de propriété intellectuelle, qui étudie depuis déjà un certain temps les questions de contrefaçon et de piratage, en lui demandant de soumettre au ministre responsable du dossier de la contrefaçon ses recommandations concernant la lutte canadienne contre la contrefaçon de produits. En conséquence :

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande au groupe de travail interministériel sur les questions de propriété intellectuelle de soumettre au ministre de la Sécurité publique ses recommandations sur la façon dont le gouvernement du Canada doit réagir à la menace que constituent les produits contrefaits, avant octobre 2007.

Modifications suggérées à la Loi sur les marques de commerce et à la Loi sur le droit d’auteur

Des témoins ont fait valoir au Comité que la législation canadienne en matière de protection des droits de propriété intellectuelle est obsolète et inefficace. Au cours des audiences, certains ont aussi déploré le fait que le Canada figure, depuis plus de dix ans, sur la liste spéciale 301 préparée par le United States Trade Representative (USTR), qui évalue la protection des droits de propriété intellectuelle dans 87 pays[21], et ce, malgré le fait que le gouvernement du Canada ne reconnaît pas cette liste. Le gouvernement estime en effet qu’elle repose sur des analyses qui ne sont ni fiables ni objectives et que son processus est dicté exclusivement par l’industrie américaine[22].

Certains témoins étaient même d’avis que le Canada ne respecte pas ses obligations internationales en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage[23]. Le laxisme du pays à ce chapitre en ferait, selon eux, un endroit attrayant pour le commerce des marchandises contrefaites et piratées — une opinion que ne partagent pas tous les témoins que nous avons rencontrés.

Entre 2001 et 2004, la GRC a effectué plus de 1 800 enquêtes liées à la propriété intellectuelle. Au cours de cette période, elle a porté quelque 2 200 accusations contre des particuliers et plus de 100 accusations contre des entreprises. Le surintendant Mike Cabana (Opérations fédérales et internationales, directeur général de l’intégrité des frontières, GRC) a fait observer que « le nombre d’accusations portées [pour ce genre de crimes] est passé d’une moyenne de 400 ces dernières années à plus de 700 en 2005[24] ». Il a aussi noté que les crimes contre les droits de propriété intellectuelle comptent parmi les cinq priorités stratégiques de la GRC.

S’il ne fait aucun doute que les détenteurs de propriété intellectuelle au Canada et les pouvoirs publics disposent actuellement de certains recours pour entraver le commerce de marchandises contrefaites et piratées et que les policiers canadiens appliquent les lois en vigueur dans les cas où les produits présentent des risques pour la santé ou la sécurité publique, ou encore impliquent des organisations criminelles ou terroristes, il nous semble néanmoins que le cadre législatif en matière de marques de commerce et de droit d’auteur présente des lacunes importantes.

À l’instar de la plupart des témoins rencontrés, le Comité estime que des modifications à la Loi sur les marques de commerce et à la Loi sur le droit d’auteur sont nécessaires afin de donner aux pouvoirs publics et aux détenteurs de propriété intellectuelle les pouvoirs et les ressources nécessaires pour endiguer la contrefaçon et le piratage de leurs produits. La législation doit prévoir un recours criminel pour les contrefacteurs de marques de commerce et interdire clairement l’importation de marchandises contrefaites et piratées, de même que la possession de ce type de marchandises dans le but de les vendre.

Les modifications législatives que nous proposons dans les recommandations qui suivent permettraient également, à notre avis, d’envoyer aux Canadiens et à la communauté internationale le message clair que la contrefaçon et le piratage sont des crimes pour lesquels les contrefacteurs et les pirates seront passibles de sanctions rigoureuses.

À la lumière de ces considérations :

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande de modifier la Loi sur les marques de commerce par l’ajout d’un recours criminel semblable à celui prévu dans la Loi sur le droit d’auteur. La nouvelle infraction devra interdire à quiconque de se livrer sciemment à la contrefaçon de produits en manufacturant, reproduisant, distribuant, important ou vendant des produits contrefaits.

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande de modifier la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur de façon à criminaliser la possession de marchandises contrefaites et piratées dans le but de les vendre.

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande de modifier la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur de façon à interdire formellement l’importation de produits contrefaits ou piratés au Canada. Les sanctions prévues pour cette infraction devront être suffisamment sévères pour dissuader les intéressés et neutraliser les coupables. Des peines plus sévères devront également s’appliquer aux récidivistes.

Nous avons également appris, au cours de nos audiences, que les peines imposées actuellement pour ce genre de crime ne dissuadent en rien les contrefacteurs et les pirates. Lors de sa comparution, le surintendant principal Mike Cabana (Opérations fédérales et internationales, directeur général de l’intégrité des frontières, GRC) a déclaré ce qui suit :

Les peines imposées par les tribunaux pour le moment ne dissuadent pas vraiment les criminels et il n’est pas rare qu’on impose des peines à répétition à un même groupe pour des crimes contre les droits de propriété intellectuelle, puisqu’à leurs yeux, les amendes ne représentent en fait que des frais d’exploitation[25].

Michael Murphy (Chambre de commerce du Canada) a pour sa part affirmé qu’il ne faut pas se surprendre de l’implication de plus en plus grande des organisations criminelles dans le commerce des marchandises contrefaites et piratées, puisqu’il s’agit d’une criminalité où les profits sont importants, alors que les risques de se faire prendre ou de recevoir de lourdes peines sont faibles.

Afin de dissuader les contrefacteurs et les pirates, les policiers et plusieurs représentants de l’industrie jugent qu’il serait nécessaire que les procureurs de la Couronne soient autorisés à recourir aux dispositions de la Loi sur les produits de la criminalité, dont celles concernant l’inversion du fardeau de la preuve, dans les cas de contrefaçon et de piratage. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, il n’est pas possible d’invoquer les mesures législatives sur les produits de la criminalité dans les affaires de violation du droit d’auteur. Comme l’a indiqué, entre autres, Brian Isaac (associé, Smart & Biggar/Fetherstonhaugh, Réseau anti-contrefaçon canadien) cela a pour conséquence qu’à l’heure actuelle « il est peu probable qu’on puisse rendre la contrefaçon moins rentable[26] ».

Le Comité est tout à fait d’accord avec cette analyse. En conséquence :

RECOMMANDATION 7

Le Comité recommande de modifier le Règlement sur l’exclusion de certains actes criminels de la définition « infraction désignée » (produits de la criminalité) de façon à ce que les autorités policières puissent saisir les revenus et les biens tirés du piratage du droit d’auteur.

Renforcer les contrôles frontaliers des marchandises

Cal Becker (coordonnateur et avocat-conseil, Secrétariat de la propriété intellectuelle, Justice Canada) a expliqué au Comité que le rôle premier de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) en matière de contrôle de marchandises contrefaites et piratées consiste à exécuter les ordonnances de la Cour obtenues par des détenteurs de propriété intellectuelle[27] et à collaborer avec la GRC, dans le contexte d’enquêtes criminelles, soit en l’informant de l’arrivée de cargaisons suspectes, ou encore en interceptant ces cargaisons grâce aux renseignements fournis par la GRC.

Les agents de l’ASFC, sont aussi chargés d’exécuter les lois fédérales d’autres ministères relativement aux marchandises interdites, contrôlées ou réglementées, dont la Loi sur les produits dangereux et la Loi sur les aliments et les drogues.

Cela dit, puisqu’aucune loi fédérale ne précise que les produits contrefaits et piratés sont interdits, contrôlés ou réglementés, les agents frontaliers ne sont pas généralement habilités à cibler et à saisir de leur propre initiative ce genre de produit, à moins qu’il n’y ait contravention à d’autres lois telles que la Loi sur les produits dangereux[28].

Bien que la GRC ait actuellement le pouvoir de procéder à des enquêtes criminelles en matière de contrefaçon et de piratage, nous avons appris que le manque de ressources humaines a pour conséquence qu’elle doit accorder la priorité aux infractions de contrefaçon et de piratage qui présentent des risques pour la santé et la sécurité du public ou encore qui impliquent des organisations criminelles ou terroristes.

Plusieurs témoins ont déploré cette situation, soulignant que la faiblesse de nos contrôles frontaliers contribue à faire du Canada un endroit privilégié pour le commerce de marchandises contrefaites et piratées et nuit à sa réputation internationale. Cette situation est d’autant plus inacceptable, selon eux, que les autorités policières canadiennes estiment qu’au moins 80 p. 100 des produits de contrefaçon vendus au Canada proviennent de l’étranger.

On a aussi fait valoir au Comité que le rôle des agents frontaliers canadiens est restreint, si on le compare aux agents de pays comme les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni ou encore l’Union européenne[29].

Quoique certains témoins aient noté l’absence d’études concluantes démontrant l’efficacité de mesures frontalières plus rigoureuses pour ce qui est de lutter contre la contrefaçon et le piratage, il nous semble néanmoins que le resserrement des contrôles frontaliers ne peut être que bénéfique pour endiguer ce phénomène. En conséquence :

RECOMMANDATION 8

Le Comité recommande d’élargir le mandat de l’Agence des services frontaliers du Canada, de manière à ce que les agents frontaliers puissent procéder à des fouilles et des saisies de produits contrefaits ou piratés, et ensuite détenir ces produits et les détruire dans le respect de la procédure établie et des lois canadiennes.

RECOMMANDATION 9

Le Comité recommande également au gouvernement du Canada de prévoir des ressources financières et humaines additionnelles pour permettre à l’Agence des services frontaliers du Canada de remplir ces nouvelles fonctions.

RECOMMANDATION 10

Le Comité recommande enfin que l’Agence des services frontaliers du Canada mette en place des règlements susceptibles de favoriser la détection des marchandises contrefaites et piratées, tout en respectant la procédure établie et les lois canadiennes.

Afin d’améliorer la détection des actes de contrefaçon et de piratage, le Comité est aussi d’avis, comme plusieurs témoins qu’il a entendus, qu’il serait préférable que les détenteurs de propriété intellectuelle et les agents des services frontaliers puissent échanger des informations entre eux. Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, à l’heure actuelle, les agents de l’ASFC peuvent communiquer avec la GRC pour l’aviser de l’arrivée de chargements suspects. La Loi ne leur permet cependant pas d’aviser les détenteurs de la propriété intellectuelle visée. Permettre de telles communications serait une mesure peu coûteuse qui pourrait, croyons-nous, s’avérer efficace et dissuasive. En conséquence :

RECOMMANDATION 11

Le Comité recommande de modifier la Loi sur les douanes de façon à permettre l’échange de renseignements entre les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et les propriétaires de droits de propriété intellectuelle concernés par la contrefaçon et le piratage. Les nouveaux pouvoirs devraient permettre à l’ASFC d’établir un système d’enregistrement au moyen duquel les détenteurs de droits de propriété intellectuelle pourraient enregistrer leurs droits auprès de l’ACSF. La Loi devrait également permettre aux détenteurs de droits de propriété intellectuelle d’alerter l’ASFC lorsqu’ils soupçonnent que des produits contrefaits ou piratés sont acheminés vers le Canada.

Augmenter les ressources humaines et financières

La grande majorité des témoins, qui ont comparu devant nous, ont noté l’insuffisance des ressources humaines et financière affectées à la lutte contre la contrefaçon et le piratage de produits. Brian Isaac (associé, Smart & Biggar Fetherstonhaugh) a affirmé que « nous manquons de personnel chevronné se consacrant uniquement aux poursuites contre les faussaires, même dans les rangs des procureurs fédéraux ». D’autres ont aussi dénoncé le manque de policiers affectés aux enquêtes de ce genre. Le surintendant principal Mike Cabana (Opérations fédérales et internationales, directeur général de l’intégrité des frontières) a expliqué, par exemple, que pour l’ensemble du territoire canadien, seules deux petites équipes de projet conjointes GRC-ASFC, à Montréal et à Toronto, sont chargées d’enquêter exclusivement sur les atteintes aux droits de propriété intellectuelle[30].

Nous avons aussi appris que la GRC, faute de ressources, accorde une priorité à la poursuite criminelle des cas de contrefaçons qu’elle soupçonne de présenter des risques pour la santé et la sécurité des Canadiens ou encore d’impliquer des groupes criminels ou des organisations terroristes.

Si nous sommes d’accord sur l’idée que les enjeux de santé et de sécurité doivent être prioritaires dans la lutte contre la contrefaçon, nous avons néanmoins constaté, pendant nos audiences, que les ressources humaines et financières consacrées à endiguer la contrefaçon et le piratage sont insuffisantes. Ainsi que l’ont demandé certains témoins, comment peut-on savoir si le crime organisé est impliqué ou si les objets présentent des risques pour la santé ou la sécurité publique si nous ne procédons même pas à des enquêtes? Compte tenu de ce qui précède :

RECOMMANDATION 12

Le Comité recommande d’accorder des ressources financières et humaines additionnelles aux ministères et organismes appropriés, de façon à leur permettre de mener une action efficace contre la contrefaçon et le piratage.

Sensibilisation de la population

La perception répandue dans la population que la contrefaçon et le piratage sont des crimes sans victimes est l’un des facteurs qui contribuent, selon les témoignages entendus, à la croissance du commerce de la contrefaçon et du piratage de produits au Canada. Le Réseau canadien anti-contrefaçon a présenté à ce sujet les résultats d’un sondage commandé par ce dernier et qui donne à penser que les Canadiens sont trois fois plus susceptibles que les Américains d’acheter des produits contrefaits et piratés[31].

De l’avis, notamment de Paul Hoffert (chef de la direction générale de Noank Media) et de Bob Sotiriadis (avocat et associé au Cabinet Léger Robic Richard, S.E.N.C.R.L.), l’inaction du gouvernement en matière de lutte à la contrefaçon et au piratage ne fait que renforcer cette perception et favoriser « une culture qui se moque de la loi en général[32] ». Voici ce que M. Sotiriadis a noté à ce sujet :

Je crois, logiquement, que si un comportement est banalisé — un peu comme M. Hoffert a dit — il y a un seuil de tolérance d’une activité illégale qui augmente et cela peut aller en augmentant[33].

Le Comité est d’accord avec cette analyse et considère, à l’instar des témoins rencontrés, que la sensibilisation de la population au problème de la contrefaçon et du piratage est au cœur de la solution. Nous estimons que lorsque les consommateurs prendront conscience des risques que certains produits contrefaits présentent pour leur santé et leur sécurité, de même que de l’incidence néfaste de la contrefaçon sur l’économie canadienne, ils seront plus vigilants et moins portés à acheter de tels produits. Par conséquent :

RECOMMANDATION 13

Le Comité recommande au gouvernement du Canada de mettre en œuvre une campagne de sensibilisation sur la contrefaçon et le piratage de produits pour sensibiliser la population aux coûts économiques et sociaux associés à ce fléau et faire ressortir les dangers que posent certains de ces produits pour la santé et la sécurité publique. La campagne devrait également sensibiliser les Canadiens à l’implication des organisations criminelles dans la contrefaçon et le piratage de marchandises.

Surveillance du phénomène

Enfin, le Comité croit qu’il est important d’établir rapidement un mécanisme de surveillance plus rigoureux de la contrefaçon et du piratage de façon à évaluer notre stratégie et les progrès accomplis en matière de lutte contre la contrefaçon et le piratage.

Ces connaissances nous permettront d’évaluer pleinement l’évolution de la contrefaçon et du piratage et, par le fait même, de mieux nous y attaquer. Compte tenu de ce qui précède :

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande au gouvernement du Canada d’élaborer un mécanisme de surveillance pour rassembler, analyser et diffuser l’information sur la contrefaçon et le piratage de produits au Canada.

F. Conclusion

De nature clandestine, la contrefaçon est un phénomène qui se laisse difficilement chiffrer. Toutefois, il nous paraît incontestable, à la lumière des témoignages entendus par notre Comité, que la contrefaçon de produits est un phénomène qui prend de l’ampleur au Canada et qui se caractérise de plus en plus par la présence marquée de produits contrefaits comportant des risques pour la santé et la sécurité des consommateurs. Les représentants d’entreprises et les policiers entendus par le Comité ont dressé un bilan plutôt alarmant de la situation au Canada. Il s’agit d’un phénomène non seulement préoccupant, mais aussi qui appelle des solutions avec une certaine urgence. Nous avons bon espoir que la mise en œuvre des recommandations que nous avons formulées dans ce rapport permettra de combler plusieurs des lacunes qui ont été portées à notre attention au cours de notre étude.


[1]      Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 21 mars 2007.

[2]      Le « brevet » est un « titre par lequel le gouvernement confère à un inventeur le droit d’exclure d’autres personnes de fabriquer, d’utiliser ou de vendre son invention ». La « marque de commerce » désigne « un mot, un symbole ou un dessin, ou une combinaison de ceux-ci, qui sert à distinguer les produits ou les services d’une personne des autres produits et services offerts sur le marché. » Le « droit d’auteur » est une « protection juridique accordée aux œuvres littéraires, artistiques, dramatiques ou musicales, y compris les logiciels et les enregistrements sonores ». Le « dessin industriel » désigne les « caractéristiques visuelles d’un objet manufacturé en ce qui touche la configuration, le motif ou les éléments décoratifs ». Enfin, la « topographie de circuits intégrés » est « la configuration tridimensionnelle de circuits électroniques réalisée dans des produits de circuits intégrés ou des schémas informatiques ». Les définitions sont tirées du site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada http://strategis.ic.gc.ca/ sc_mrksv/cipo/help/glos-f.html, où on pourra trouver d’autres définitions utiles.

[3]      L’étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques intitulée « Les incidences économiques de la contrefaçon » (1998), à laquelle plusieurs témoins ont fait allusion dans leur témoignage, définit la « contrefaçon » comme « toute fabrication d’un produit qui imite l’apparence du produit d’un autre dans le but de faire croire au consommateur qu’il s’agit du produit d’un autre ». Cette définition englobe donc les reproductions qui portent atteintes au droit d’auteur et aux marques de commerce.

[4]     Organisation mondiale du commerce, Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, note 14, article 51, http://www.wto.org/ french/docs_f/legal_f/27-trips.pdf.

[5]     Témoignages, 26 avril 2007.

[6]      Brian Isaac, associé, Smart & Biggar/Fetherstonhaugh, président du Comité sur la législation du Réseau anti-contrefaçon canadien, Témoignages, 29 mars 2007. Voir également le témoignage de Lorne Lipkus, président du Comité de l’éducation et de la formation, Témoignages, 29 mars 2007.

[7]      Mike Cabana, Surintendant principal aux opérations fédérales et internationales et directeur général de l’intégrité des frontières, Témoignages, 27 mars 2007.

[8]      Projet SHAM. Évaluation des renseignements stratégiques sur la criminalité liée à la propriété intellectuelle au Canada, Direction des renseignements criminels. Sous-direction des analyses criminelles, Gendarmerie royale du Canada, 15 décembre 2004.

[9]      En réponses aux inquiétudes croissantes des pouvoirs publics et de l’industrie, l’OCDE effectue actuellement une autre enquête pour déterminer l’impact économique de la contrefaçon et du piratage, de même que les répercussions de ces activités sur la santé et la sécurité des consommateurs. Organisation de coopération et de développement économiques, Les incidences de la contrefaçon, 1998, p. 23.

[10]   Voir entre autres le témoignage de Michael Geist, professeur de droit, Université d’Ottawa, Témoignages, 26 avril 2007.

[11]   Manufacturiers et Exportateurs du Canada, Exposé de position — Intellectual Property Rights in Canada and Abroad, juin 2006 (http://www.cme-mec.ca/pdf/CME_IPR0606.pdf).

[12]   Témoignages, 27 mars 2007.

[13]   Témoignages, 26 avril 2007.

[14]   Voir entre autres Nancy Segal, directrice adjointe, Politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l’information et la technologie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Témoignages, 27 mars 2007.

[15]   Organisation mondiale de la Santé, L’OMS et ses partenaires accélèrent la lutte contre les médicaments contrefaits, 2006 http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2006/pr69/ fr/index.html.

[16]   Témoignages, 29 mars 2007.

[17]   Service canadien de renseignements criminels, Criminalité financière. Violation des droits de la propriété intellectuelle, 2005.

[18]   Témoignages, 29 mars 2007.

[19]   Ibid.

[20]   Pour plus d’information, consulter le site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada http://strategis.ic.gc.ca/ sc_mrksv/cipo/help/glos-f.html.

[21]   Témoignages, 29 mars 2007.

[22]   Nancy Segal, directrice adjointe, Politique commerciale sur la propriété intellectuelle, l’information et la technologie, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Témoignages, 27 mars 2007.

[23]   Mémoire déposé au Comité par le Réseau anti-contrefaçon canadien, Rapport sur la contrefaçon et la piraterie au Canada, 2007.

[24]   Témoignages, 27 mars 2007.

[25]   Témoignages, 27 mars 2007.

[26]   Témoignages, 29 mars 2007.

[27]   Des procédures prévues dans la Loi sur les marques de commerces et la Loi sur le droit d’auteur permettent aux titulaires de droits de propriété intellectuelle de déposer une requête devant un tribunal de juridiction supérieure pour l’obtention d’une ordonnance autorisant l’interception de produits à la frontière.

[28]     Les agents frontaliers peuvent également procéder à des fouilles lorsqu’ils soupçonnent que des marchandises, telles que des médicaments ou des jouets, sont interdites ou contrôlées par une loi, par exemple la Loi sur les produits dangereux ou la Loi sur les aliments et drogues. Témoignages, 27 mars 2007.

[29]   Cal Becker, du ministère de la Justice, a noté, à titre d’exemple, dans son témoignage que : « Aux États-Unis, par exemple, l’agence des services frontaliers est l’autorité compétente lorsqu’il s’agit de déterminer si les produits sont contrefaits ou piratés, et cette dernière a le pouvoir de saisir les produits, de les stocker et de les détruire, et ce aux frais du gouvernement américain. » Il a aussi noté que «l’Union européenne, le Royaume-Uni et l’Australie tendent à faciliter la protection des droits de propriété intellectuelle par le titulaire des droits […] En général, dans ces autres territoires ou pays […] les coûts d’exécution sont à la charge, non du gouvernement, mais des détenteurs [de droits de propriété intellectuelle]. Ces derniers doivent donc supporter les coûts qu’entraîne le fonctionnement des régimes d’inscription, l’entreposage des produits contrefaits et piratés et la destruction de ces produits », Témoignages, 27 mars 2007.

[30]   Témoignages, 27 mars 2007.

[31]   Document présentant les résultats d’un sondage Pollara déposé devant le Comité par le Réseau canadien anti‑contrefaçon, 2007.

[32]   Paul Hoffert, chef de la direction générale de Noank Media, Témoignages, 26 avril 2007.

[33]   Témoignages, 26 avril 2007.