Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait modifier l’article 7 de la Charte canadienne des droits et des libertés pour consentir les droits de propriété aux Canadiens.
-- Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir à la Chambre aujourd'hui pour parler de la motion que j'ai déposée le 23 avril. Il s'agit de la motion no 315 qui dit ceci:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait modifier l’article 7 de la Charte canadienne des droits et des libertés pour consentir les droits de propriété aux Canadiens.
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire qu'il ne s'agit pas d'une idée nouvelle. Avant moi, nombre de députés se sont penchés sur la question, soit dans le cadre d'un projet de loi d'initiative parlementaire, soit en présentant des motions additionnelles. Je sais que le député de a fait beaucoup de travail dans ce dossier et je lui en suis reconnaissant.
Sir John A. Macdonald et les Pères de la Confédération ont clairement compris l'importance d'accorder des droits de propriété absolus à tous les Canadiens. Ils souhaitaient inscrire la primauté du droit de propriété dans la Constitution d'un Canada autonome.
Le premier ministre John Diefenbaker a créé la Déclaration canadienne des droits; pour la première fois, on parlait du « droit de l’individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi ».
Lorsqu'il était ministre de la Justice, Pierre Trudeau avait proposé l'adoption d'une charte qui assurerait la protection constitutionnelle de certains droits, notamment le droit d'une personne à la jouissance de ses biens. À titre de premier ministre, il avait encore une fois proposé d'inscrire ce droit dans la Charte des droits pour le garantir. Mais quand la Charte des droits et libertés a été adoptée, les droits de propriété n'y figuraient pas.
Je suis particulièrement heureux de présenter cette importante motion en cette année du 25e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés. En tant que Canadiens, nous sommes très fiers de la Charte. Elle fait partie de la Constitution du Canada, elle consacre nos droits et nos libertés. Or, nous accordons une grande valeur à ces libertés de même qu'aux droits politiques et civils que nous garantit la Charte.
C'est pour toutes ces raisons que nous célébrons, à juste titre, l'anniversaire de la Charte qui illustre les progrès que le Canada a réalisés en tant que pays. Cependant, au moment où nous soulignons cette étape importante qu'a franchie la Charte et que nous nous penchons sur sa signification pour les Canadiens, tant collectivement qu'individuellement, nous devons également nous demander quels éléments de ce document évolutif peuvent être améliorés et renforcés.
La Charte garantit les droits politiques et civils des Canadiens à l'égard des politiques ou des mesures adoptées par les pouvoirs publics. Elle vise à unifier les Canadiens derrière un ensemble de principes nobles englobant ces droits. Mais, dans leur effort d'unification, les rédacteurs de la Charte ont complètement omis de protéger certains droits, que les Canadiens mériteraient pourtant de se voir consentir.
L'absence des droits de propriété dans la Charte est l'une des questions sur lesquelles nous pourrions nous pencher, à titre de parlementaires, dans nos réflexions en vue de déterminer s'il y a lieu d'améliorer ce document.
La motion no 315 exhorte le gouvernement à reconnaître la nécessité d'enchâsser les droits de propriété dans la Charte. La motion vise à modifier l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés pour consentir les droits de propriété aux Canadiens. Les propriétaires devraient avoir le droit d'être dédommagés, et le dédommagement devrait être versé dans un délai raisonnable.
Je crois aux droits des Canadiens et en particulier au besoin de renforcer la protection des droits de propriété. Chacun a le droit de jouir de sa propriété et de ne pas en être privé tant que les conditions suivantes ne sont pas remplies: premièrement, on doit lui donner l'occasion de défendre en toute équité son droit de conserver sa propriété; deuxièmement, il doit recevoir un dédommagement équitable; troisièmement, le montant de ce dédommagement doit être fixé de façon impartiale; quatrièmement, le dédommagement doit être versé dans un délai raisonnable.
En excluant de la Charte les droits de propriété, on viole les conventions issues de la Déclaration des droits de 1960, de la common law, des lois provinciales et de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies. L'importance de protéger les droits de propriété est depuis longtemps reconnue au Canada et ailleurs dans le monde.
Je sais que mes collègues libéraux et néo-démocrates partagent un respect sain et compréhensible pour les Nations Unies, qu'ils tiennent en haute estime. Je les invite donc à se remémorer l'article 17 de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée en 1948 par les Nations Unies:
(1) Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
(2) Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Bien que le Canada ait ratifié la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU il y a plus de cinquante ans, des Canadiens sont encore privés arbitrairement de leur propriété, et nous avons obstinément refusé de suivre à cet égard la plupart des autres signataires.
D'autres pays démocratiques ont pris les devants dans le domaine de la législation relative au droit de propriété, y compris les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et la Finlande. Plusieurs provinces canadiennes, dont la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et, précédemment, l'Ontario, ont, à diverses époques, manifesté de l'intérêt pour des résolutions favorisant une protection accrue du droit de propriété.
La Grande-Bretagne a reconnu pour la première fois le droit de propriété dans la Grande Charte de 1215. Je sais que l'opposition se plaît à critiquer le gouvernement en matière de droits. S'ils tiennent vraiment à protéger les droits des Canadiens, tous les députés appuieront cette motion. Aucun document ne tente plus ardemment de défendre les droits des Canadiens que la Déclaration des droits.
En 1960, le premier ministre John Diefenbaker a présenté la Déclaration canadienne des droits, dont la partie 1 dit ceci:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l’homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
a) le droit de l’individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi; [...]
Je sais que tous les députés souscrivent au principe énoncé dans la Déclaration des droits en ce qui concerne le droit de propriété. La déclaration présente, toutefois, ce que l'on pourrait appeler une lacune. Elle présente une lacune. Si elle parle du droit de propriété, la déclaration ne garantit pas explicitement la protection et l'indemnisation de personnes dont les biens ont été expropriés.
Pareille ambigüité atténue le niveau de protection du droit de propriété. Étant donné que la déclaration est une loi comme les autres, toute nouvelle loi fédérale pourrait avoir préséance sur elle. Sans mention spécifique de l'indemnisation dans la déclaration, toute nouvelle loi fédérale pourrait plutôt facilement restreindre le droit des Canadiens à une indemnisation juste et rapide.
La motion M-315 corrigerait cela en garantissant aux Canadiens une indemnisation juste et rapide lorsqu'ils doivent céder du terrain au gouvernement.
La Déclaration des droits est toujours en vigueur aujourd'hui, mais les tribunaux ont tendance à se reporter à la Charte canadienne des droits et libertés. Si les deux ont eu des effets bénéfiques sur le Canada et ses habitants dans le passé, l'accent mis sur la Charte limite sérieusement les droits de certains Canadiens.
Cette réalité est on ne peut plus évidente dans un jugement rendu par la Cour d'appel du Manitoba, le 4 février 1999. La cour s'est opposée au droit d'un résidant du Manitoba de vendre son propre grain sur ses propres terres. Elle a déclaré que l'article 1 de la Déclaration canadienne des droits, qui protège les droits de propriété au moyen d'une disposition d'application régulière de la loi, n'a pas été repris dans la Charte, et que le droit à la « jouissance de ses biens » n'est pas un élément fondamental de la société canadienne qui est protégé par la Constitution.
Or, aucun Canadien ne peut être au courant de cette absence de protection des droits de propriété avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant que le gouvernement n'exproprie arbitrairement, sans l'indemniser de quelque manière que ce soit, ce contribuable canadien respectueux des lois.
Cela se produit déjà dans le cas des terres agricoles, lorsque le gouvernement contraint des familles d'agriculteurs à cesser leur exploitation pour des fins gouvernementales. C'est ainsi qu'environ 97 000 acres de terres agricoles, parmi les meilleures du Québec, ont été expropriés. Malgré le fait que 3 200 familles ont été déplacées, seulement 5 000 acres ont été utilisés pour l'exploitation de l'aéroport.
Le professeur Peter Hogg, éminent spécialiste du droit constitutionnel au Canada, traite de cette décision dans son ouvrage intitulé Constitutional Law of Canada. Il dit:
L'omission du droit de propriété de l'article 7 de la Charte en réduit grandement la portée. Cela signifie que cet article ne prévoit aucune garantie d'indemnisation, ni même une procédure juste en cas de confiscation de la propriété par le gouvernement. Cela signifie que l'article 7 ne prévoit aucune garantie de traitement équitable de la part des cours, des tribunaux ou des fonctionnaires ayant pouvoir sur les intérêts purement économiques des personnes physiques et des personnes morales.
L'auteur ajoute ensuite ce qui suit:
Il en résulte un article 7 où la liberté doit être interprétée comme n'incluant pas la propriété, comme n'incluant pas la liberté contractuelle, en un mot, comme n'incluant pas la liberté économique.
Ma motion fournirait aux citoyens canadiens la protection dont ils ont besoin, sans pour autant gêner la capacité du gouvernement de poursuivre son travail. Les Canadiens méritent d'être rassurés et de savoir que le gouvernement fédéral respecte leur droit fondamental de posséder des biens et d'en jouir.
Cette motion se veut donc un effort pour poursuivre la croisade entreprise par nos prédécesseurs et par les rédacteurs de la Déclaration canadienne des droits, en 1960.
La motion M-315 respecte l'engagement clair et ferme pris par notre gouvernement de présenter des mesures qui favorisent le respect des droits dans notre pays. Le gouvernement conservateur agit, que ce soit pour corriger des injustices historiques comme la taxe d'entrée imposée aux immigrants chinois ou le tort causé aux victimes des pensionnats indiens, ou pour protéger les droits des femmes et des enfants, ou encore pour permettre aux Canadiens d'élire leurs représentants au Sénat du Canada.
De plus, la motion no 315 est conforme aux efforts qu'avait faits en ce sens l'ancien premier ministre Pierre Trudeau. Ce dernier était un ardent défenseur de la protection accrue du droit de propriété. Il a défendu sa cause pour la première fois dans un document, intitulé « Charte canadienne des droits de l'homme », qu'il a déposé en 1968 quand il était ministre de la Justice.
Il l'a défendu de plus belle en 1969, dans un document intitulé « La Constitution canadienne et le citoyen », et encore en 1978, quand il a présenté le projet de loi C-60 sur la réforme constitutionnelle. Après cela, il a essayé à deux autres reprises d'élargir la portée de la Charte afin qu'elle comprenne le droit de propriété.
À la lumière du vaste appui de longue date dont jouit cette cause, il semble que nous aurions dû présenter la motion no 315 il y a longtemps. J'aimerais donc encourager mes collègues et le gouvernement à l'appuyer afin que nous puissions faire des progrès tangibles dans la promotion des droits des Canadiens.
Pourquoi voudrions-nous priver les Canadiens de leurs droits intrinsèques?
Une des inquiétudes exprimées au sujet de l'inclusion du droit de propriété dans la Charte porte sur la question complexe de la définition du terme « droit de propriété ». La protection de ce dernier n'est pas une valeur libérale ou conservatrice, mais bien une valeur canadienne que peuvent prôner tous les partis. Tout comme la Charte elle-même, qui est un document évolutif, le terme « propriété » a évolué; il évoque aujourd'hui bien plus que les biens immeubles.
Cependant, le fait que les tribunaux devront interpréter ce terme et pourraient y attribuer un sens très large ne justifie pas l'exclusion du droit de propriété de la Charte.
Si les tribunaux attribuent un sens plus large que le sens traditionnel au concept de propriété, l'inclusion du droit de propriété dans la Charte pourrait avoir une incidence positive sur tous ceux qui n'ont pas encore de biens immeubles.
L'inclusion du droit de propriété dans la Charte pourrait entraîner plus que la protection des propriétaires fonciers contre l'expropriation sans indemnisation.
Autrement dit, il est clair que tous les Canadiens bénéficieront de cette motion.
La propriété ne se limite pas aux terrains et aux immeubles. Elle comprend aussi les biens personnels matériels. Ne serait-ce qu'afin de préserver le droit de chacun à la propriété à un moment donné dans l'avenir, le gouvernement doit maintenant faire preuve de retenue. Le droit à la propriété concerne autant la possession potentielle que la possession réelle.
Promouvoir l'égalité des chances, voilà le mieux que tout gouvernement puisse faire. Le droit de posséder des biens et d'en jouir constitue la base de tous les autres droits.
L'essence de la motion incarne les principes d'égalité et de justice chers au coeur des Canadiens. Notre pays a été fondé sur ces principes et ces valeurs.
C’est la possibilité d’acquérir une propriété sous quelque forme qu’elle soit qui a incité nos ancêtres à venir s’installer au Canada, tant dans l’Est que dans l’Ouest. Ils voulaient protéger cette propriété qu’ils avaient acquise au prix de tant d’efforts. Les Canadiens d’aujourd’hui ne sont pas différents. Notre Charte devrait refléter le droit de propriété et le droit de ne pas en être privé en l’absence d’une application régulière de la loi et du versement en temps voulu d’une juste indemnisation.
Qu’il s’agisse de l’agriculteur qui craint de perdre son gagne-pain à cause de l’expansion de la ceinture verte, de la famille obligée de se déraciner à cause de l’aménagement d’un corridor si nécessaire au milieu de la péninsule dans ma circonscription ou des personnes âgées qui ont travaillé fort et qui ont économisé pour payer leur maison pour en être chassées ensuite parce qu'elle se trouve à proximité d’un habitat d’espèces en voie de disparition, tout Canadien qui possède une propriété et qui en jouit ne devrait pas en être privé de façon arbitraire. C’est précisément l’objet de cette motion qui vise à modifier l’article 7 de la Charte.
Le 25e anniversaire de l’adoption de la Charte fournit l’occasion de faire valoir tous ses mérites et de voir comment l’améliorer. Je crois que l’inclusion du droit à la propriété permettrait de franchir un pas dans cette direction.
L’appui de tous les partis à cette motion serait une preuve de notre engagement à améliorer le droit à la propriété des Canadiens. La Chambre a entendu divers débats sur la protection du droit à la propriété. D’ailleurs, à diverses occasions, la Chambre a même été témoin d’un vaste appui multipartite en faveur de l’amélioration et de la promotion du droit à la propriété.
Le vice-président de la Chambre a déjà déclaré: « Nous devons inscrire le droit à la propriété dans notre Constitution. Le droit de détenir des biens et d'en jouir constitue un des éléments d'équilibre contre une concentration excessive du pouvoir de l'État à quelque niveau que ce soit. »
On n’accordera jamais trop d’importance aux droits de propriété.
Au Canada, il n’est pas difficile de trouver des exemples où le gouvernement a injustement procédé à des expropriations ou forcé des gens à vendre leur terre et d’autres biens sans leur verser d'indemnisation, sans leur offrir d’autres solutions et, en fait, sans leur donner la moindre possibilité de recourir aux tribunaux. On induit les gens en erreur en disant que la propriété est bien protégée chez nous.
C’est seulement lorsque le droit à la propriété sera inscrit dans la Charte que nos droits et libertés ne seront plus menacés. Voilà pourquoi j’invite tous les députés à appuyer l’inclusion, dans la Charte, du droit à la propriété pour les Canadiens.
Dire oui à la motion M-315, c’est dire oui à tous les Canadiens.
:
Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole relativement à la motion présentée par le député de :
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement devrait modifier l’article 7 de la Charte canadienne des droits et des libertés pour consentir les droits de propriété aux Canadiens.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours enflammé du député de . Il a parlé de droits inscrits dans la Charte canadienne des droits et des libertés et de l'importance de consentir les droits de propriété à l'article 7 de la Charte. Cela signifierait que les gouvernements ne pourraient plus reprendre possession de terres sans l'application régulière de la loi. Des mécanismes équitables et transparents seraient établis pour faire en sorte que les propriétaires d'un bien, peu importe sa nature, obtiennent une indemnisation appropriée, équitable et raisonnable en cas d'expropriation, de retrait ou de reprise.
J'ai écouté avec intérêt la réponse du député à une question posée par le député libéral de au sujet de son opinion concernant le Programme de contestation judiciaire.
Nous savons que la Charte canadienne des droits et des libertés garantit déjà certains droits. Nous savons qu'il existe trois ordres de gouvernement, le municipal, le provincial et le fédéral, qui sont habilités à adopter des lois et des règlements et qui, de ce fait, risquent de violer des droits existants inscrits dans la Charte canadienne des droits et des libertés. Nous savons aussi que certaines personnes n'ont pas les moyens financiers de contester devant les tribunaux ce qu'elles considèrent être une violation de leurs droits en vertu de la Charte.
C'est pour cette raison que le gouvernement fédéral avait instauré le Programme de contestation judiciaire. Permettez-moi de citer ce que le gouvernement conservateur pense de ce programme: « [il] est foncièrement imparfait, car il [...] encourage des groupes d'intérêts pour qu'ils fassent la promotion de causes qui ne reflètent pas l'opinion [...] des Canadiens »; « [c'est] une utilisation irresponsable de l'argent des contribuables »; « toutes les lois seront constitutionnelles et le Programme de contestation judiciaire est donc superflu ». Ces déclarations ont été faites par des ministres et par le du gouvernement conservateur. Cela est tout à fait contraire à ce que le député de vient de déclarer.
Il a dit qu'il était nécessaire d'inscrire les droits de propriété dans la Charte canadienne des droits et des libertés parce qu'il existe actuellement des cas où des terres ou d'autres propriétés peuvent être saisies ou ont été saisies par des gouvernements ou des agences gouvernementales sans application régulière de la loi et sans indemnisation appropriée, juste et raisonnable. Je trouve intéressant que le député ne se soit jamais levé une seule fois pour remettre en question la décision de son gouvernement d'abolir le Programme de contestation judiciaire.
Le Programme de contestation judiciaire encourage-t-il réellement les groupes d'intérêts pour qu'ils fassent la promotion de causes qui ne reflètent pas l'opinion des Canadiens? Examinons certaines des questions dont ont été saisis les tribunaux et pour lesquelles des personnes, des groupes ou des collectivités ont pu bénéficier du Programme de contestation judiciaire afin d'intervenir dans une affaire ou de s'opposer à une décision prise par un gouvernement ou un organisme gouvernemental.
Je parlerai de l'affaire R. c. Prosper, 1994, volume 3 du Recueil des arrêts de la Cour suprême, page 236. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada devait statuer si une personne démunie mise en état d'arrestation avait droit aux services immédiats d'un avocat rémunéré par l'État. Selon une partie intervenante, priver les pauvres des services d'un avocat fausserait l'égalité d'accès à la justice et serait incompatible avec l'article 15 de la Charte.
La cour a jugé que, lorsqu'une personne arrêtée demande l'assistance d'un avocat, la police doit s'abstenir de prendre toute déposition tant que l'assistance demandée n'est pas fournie. La juge McLachlin, qui est maintenant devenue la juge en chef, a fait remarquer à l'époque, dans une opinion concordante:
[...] on ne peut refuser à des citoyens canadiens le droit à l'assistance d'un avocat, prévu dans la Charte, simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de recourir aux services d'un avocat de cabinet privé. Les personnes démunies ne sont pas des parias constitutionnels.
Examinons une autre affaire, l'affaire R. c. Mills, qui date de 1999. M. Mills était accusé d'avoir agressé sexuellement une adolescente de 13 ans. Il voulait obtenir les dossiers des visites que la plaignante avait faites à un organisme de consultation et à un psychiatre pour les utiliser dans sa cause. Il ne voulait pas suivre les procédures d'accès à ces dossiers, qui sont imposées par le projet de loi C-46. Il a affirmé que le Code criminel entravait son droit à un procès équitable.
C’est grâce au Programme de contestation judiciaire que la victime, L. C., a pu faire appel de la décision d’un tribunal de première instance qui avait donné raison à M. Mills, affirmant que celui-ci devait pouvoir accéder au dossier d’examen de la victime, alors âgée de 13 ans, qui réclamait des services de counseling, un traitement psychiatrique et une aide. Ce n’est que grâce au Programme de contestation judiciaire que la jeune victime a pu faire appel de cette décision auprès de la Cour suprême du Canada.
Des groupes représentant des femmes, des enfants, des prestataires de services, des soignants et des patients en santé mentale sont intervenus dans cette cause pour expliquer pourquoi il fallait adopter le projet de loi C-46 afin de protéger les droits à l’égalité des victimes d’agressions sexuelles. La Cour suprême a conclu, à la majorité, que les dispositions de ce projet de loi n’enfreignent pas les droits de l’accusé à un procès juste et équitable au pénal, au sens de l’article 7 et de l'alinéa paragraphe 11d) de la Charte.
La cour a précisé que la portée de ces droits n’est pas illimitée et qu’il y a lieu de tenir compte des droits et des intérêts des autres personnes participant au processus, autrement dit, des victimes d’agressions sexuelles qui doivent dénoncer le crime et témoigner en cour. Ces victimes sont majoritairement des femmes et des enfants et elles ont toujours souffert de préjugés et de stéréotypes lors de procès dans ce genre d’affaires. La Cour suprême du Canada a bien précisé que le concept d’égalité fait partie intégrante de la notion d’équité et de justice, surtout en droit criminel.
J’aimerais bien entendre le nous dire que cette jeune victime d’agression sexuelle, âgée de 13 ans, appartenait à un groupe d’intérêt spécial représentant un point de vue que la plupart des Canadiens n’appuieraient pas.
Et puis, il y a eu l’arrêt R. c. Williams, en 1988. Cette décision revêt une importance toute particulière pour ceux qui ont connu les affres du racisme dans le système de justice canadien. Le jugement de la cause Williams a pivoté autour d’une question, à savoir s'il était possible d’interroger les jurés potentiels sur leur éventuel préjugé racial pour garantir un procès juste tenu devant un jury impartial. La Cour suprême du Canada a conclu que le risque de préjugés était réel et qu’il était donc raisonnable, pour l’accusé, de pouvoir contester l’impartialité des jurés.
J’aimerais que le député de se lève pour défendre le Programme de contestation judiciaire. Si les droits de propriété devaient être consacrés dans la Charte canadienne des droits et liberté, les Canadiens peu fortunés, qui auront peut-être travaillé toute leur vie pour acquérir et posséder certains biens, n’auront pas les moyens financiers nécessaires pour contester la reprise abusive de leur propriété. Ce n’est que grâce au Programme de contestation judiciaire...
:
Monsieur le Président, j'ai le plaisir de me prononcer aujourd'hui en Chambre sur la motion qui est présentée par le député du Parti conservateur. C'est la troisième fois qu'on tente de déposer ce genre de motion en Chambre. En effet, en 1998 et en 2005, le député de avait présenté des initiatives semblables en Chambre.
En 1998, le député de , qui était alors au Parti réformiste, proposait le projet de loi C-304 qui modifiait la Déclaration canadienne des droits pour y inclure le droit de propriété. L'un des arguments avancés pour soutenir ce projet de loi était qu'une telle réforme permettrait de protéger les possesseurs d'armes de poing contre les lois visant à en limiter l'usage et la possession.
Je vais essayer dans ce bruit ambiant, qui est engendré par une discussion entre des collègues de l'autre côté de la Chambre, de citer ce qui avait été dit à l'époque.
En 1998, le promoteur de cette motion affirmait ceci:
J'ai seulement le temps de parler ici d'une saisie arbitraire de la propriété par le gouvernement fédéral. Je vais citer l'exemple que je connais le mieux. [...] le chapitre 39 des Lois du Canada, interdit arbitrairement 553 000 armes de poing enregistrées: soit 339 000 armes de poing ayant un canon d'au plus 104 millimètres ou 4,14 pouces environ de longueur et 214 000 armes de poing qui tirent des balles de calibre 25 et 32.
On voit que l'intention originale, au-delà du principe vertueux de protéger la propriété, visait, entre autres, à affaiblir des lois et des dispositifs qui restreignaient le droit de posséder des armes à feu, parce que le droit à la propriété, comme concept non balisé, est très large.
En 2005, le même député, avec cette même idée fixe, maintenant revenu au Parti conservateur, présentait la motion M-227, qui était libellée comme suit:
Que, de l’avis de la Chambre, le gouvernement indemnise pleinement, justement et rapidement quiconque est dépossédé d’une propriété personnelle ou privée ou subit une perte de valeur de cette propriété à cause d’une initiative, d’une politique, d'un processus, d’un règlement ou d’une loi du gouvernement.
Ce n'est pas la première fois que cela se retrouve devant cette Chambre et cela nous revient aujourd'hui par le biais de la motion qui est devant nous. Évidemment, ça part d'un bon sentiment, de quelque chose de noble. À mon avis, peu de gens sont contre le droit à la propriété dans notre société. D'ailleurs, cette protection existe déjà.
À cet égard, j'aimerais me référer à quelques articles du Code criminel qui touchent la propriété, notamment l'article 346 sur l'extorsion, les articles 343 et 344 sur le vol qualifié et l'article 322 sur le vol simple. On peut aller plus loin à des étapes plus subtiles avec l'article 430 qui punit les méfaits sur la propriété, les articles 361 à 364 qui s'occupent de l'escroquerie et l'article 380 qui parle de fraude.
Le député qui a déposé cette motion pourrait aussi consulter la Déclaration canadienne des droits, un document quasi constitutionnel, dont l'article premier se décline comme suit:
Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l’homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
a) le droit de l’individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s’en voir privé que par l’application régulière de la loi; [...]
Les lois civiles en cette matière, qui existent dans les différentes provinces, seraient trop nombreuses pour toutes les citer. Dans le cas du Québec, par exemple, l'article 952 du Code civil se lit comme suit:
Le propriétaire ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est par voie d'expropriation faite suivant la loi pour une cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.
On parle ici d'une indemnité juste dans le cas d'une expropriation faite en raison d'utilité publique. C'est donc un concept lié à un arbitrage qui nécessite un certain équilibre qui est déjà présent dans la loi. On craint que la modification de la Charte qui est proposée vienne rompre cet équilibre qui existe déjà présentement.
La motion a une intention qui est plus ou moins avouée de façon claire — mais tout de même présente — d'instituer le droit à la propriété comme un droit absolu auquel tous les autres seraient soumis. Le texte ne fait pas de nuances ou ne prévoit pas d'applications conditionnelles à ce droit à la propriété. Il est intéressant aussi de noter dans quelle perspective et à quel endroit la motion propose d'ajouter ce droit à la propriété. On parle de l'article 7 de la Charte. Cet article se lit ainsi:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Respectueusement, mettre le droit à la propriété au même niveau que le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la sécurité me semble un peu exagéré. Cela fait preuve d'un certain manque de perspective. Tout le monde veut bien voir ses biens protégés et s'attacher aux biens matériels qu'il possède dans notre monde. Toutefois, prétendre que les citoyens mettent ce droit aux biens matériels sur le même pied d'égalité que leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité est complètement abusif et même déplacé.
Dans un État, il faut préserver un nécessaire équilibre entre les droits et la gestion de l'État. La reconnaissance constitutionnelle du droit à la propriété, de façon aussi absolue, sans nuances, sans conditions, ouvre la porte de façon incroyable à toutes sortes de contestation des lois, ce qui bénéficieraient essentiellement aux plus nantis. On peut penser entre autres aux lois environnementales, qui sont souvent des restrictions sur la façon dont on peut disposer ou utiliser des biens que l'on possède. On peut penser aussi à la Loi de l'impôt sur le revenu, qui permet au gouvernement de s'approprier des biens qui sont la propriété des citoyens. Dire que le droit à la propriété est un droit quasi divin, absolu et quasiment sacré, cela voudrait-il dire que le gouvernement ne peut plus légitimement s'approprier des biens d'un individu en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu? Je vous laisse imaginer quelles conséquences cela aurait pour notre société si cela devait être le cas.
Ce gouvernement devrait se pencher sur plusieurs autres droits qu'il affaiblit présentement. On parle du droit à la présomption d'innocence, le droit de ne pas être privé de sa liberté de façon arbitraire, le droit de vivre dans une société qui reconnaît l'indépendance judiciaire. Ce sont tous des droits qui ont été affaiblis par le gouvernement actuel. On devrait plutôt renforcer ces lois avant de renforcer les droits...
:
Monsieur le Président, j'ai le plaisir d'intervenir au sujet de la motion n
o 315.
Je vais prononcer aujourd'hui le dernier discours qu'un membre de mon personnel, Dennis Young, m'a aidé à préparer. Je tiens à dire publiquement combien il me manquera, combien il manquera également au Parti conservateur et aux Canadiens de tous les coins du pays. Je vais avoir de la difficulté à me passer de son travail exceptionnel et en particulier de toutes les recherches qu'il avait l'habitude d'effectuer pour moi. En 14 ans, il a constitué des dossiers fantastiques sur d'innombrables questions. Pendant ces années, il m'a aidé à rédiger bien des discours. Il va beaucoup me manquer. Je le remercie infiniment.
Je tient d'abord à remercier le député de d'avoir présenté cette motion. Comme nous le savons tous, les droits de propriété ont été intentionnellement exclus de la Charte des droits et libertés. C'était là une grave erreur et la Chambre a maintenant une autre chance de corriger cette omission majeure.
Je dis qu'une autre occasion ou une autre chance nous est offerte pour apporter ce changement, car depuis 1983, la Chambre a débattu à dix reprises des projets de loi et des motions sur les droits de propriété. Je le sais, car cinq de ces débats ont porté sur des projets de loi ou des motions d'initiative parlementaire que j'ai présentés. Malheureusement, la Chambre n'a adopté à cet égard que la motion présentée en 1987 par le député conservateur John Reimer.
La Chine vient d'intégrer les droits de propriété dans sa Constitution et j'estime qu'il est temps que nous fassions de même. C'est pourquoi j'appuie la motion no 315. Et la vaste majorité des Canadiens sont d'accord.
En 2005, l'Association canadienne de l'immeuble a commandé une enquête très large à laquelle ont participé près de 10 000 répondants. Or, 92 p. 100 des personnes interrogées au téléphone ont jugé qu'il était important que le gouvernement indemnise équitablement les propriétaires de biens expropriés et 88 p. 100 ont dit qu'il était important que le gouvernement indemnise équitablement les propriétaires si des restrictions étaient imposées en ce qui concerne l'utilisation de leurs biens.
Je suis certain que de nombreux Canadiens se demandent: « N'est-ce pas ce qui se produit? » Malheureusement, non.
Nous n'avons qu'à demander aux producteurs de céréales des Prairies qui font pousser du blé et de l'orge et qui ne peuvent toujours pas vendre leurs céréales au plus offrant. Lorsqu'ils tentent d'exporter les céréales qu'ils ne peuvent pas vendre au Canada, le gouvernement fédéral les jette en prison pour avoir essayé de vendre leurs propres récoltes. C'est là une liberté économique fondamentale que les producteurs de céréales de l'Ontario et du Québec tiennent pour acquise, mais ce n'est pas le cas dans l'Ouest. En passant, le Programme de contestation judiciaire n'a rien fait pour aider ces gens, et dans tous les exemples que je donnerai, il n'a pas été utile non plus.
Il suffit de demander aux agriculteurs qui ont dû cesser d'exploiter leurs terres en raison de la Loi sur les espèces en péril. Cette loi fédérale ne leur assure même pas une indemnisation à la juste valeur marchande pour les pertes qu'ils subissent.
Il suffit de demander aux dizaines de milliers de propriétaires d'arme à feu respectueux des lois dont les armes à feu légalement enregistrées ont été interdites et ont perdu toute valeur à la suite de l'adoption du projet de loi C-68 en 1995. Ces propriétaires n'ont jamais rien fait de mal ou de dangereux avec leur bien et pourtant celui-ci a quand même été interdit. On leur a même refusé des permis grâce auxquels ils auraient pu jouir de leur bien au stand de tir. On leur a refusé toute indemnité pour la perte et la valeur de leur bien qui, souvent, faisait partie de leur patrimoine. Le gouvernement poursuit actuellement devant les tribunaux quelques centaines de propriétaires d'armes de poing visées par le paragraphe 12(6) parce qu'ils veulent enregistrer leurs armes à feu, mais la mesure législative qui a été adoptée par le gouvernement précédent, le projet de loi C-10A, n'a pas été mise en oeuvre assez rapidement pour entrer en vigueur.
Enfin, il suffit de demander aux 30 000 anciens combattants souffrant d'incapacité mentale à qui le gouvernement a refusé de payer des millions de dollars d'intérêts sur leurs prestations de retraite, lorsqu'ils ont été déboutés par la Cour suprême du Canada en juillet 2003.
La Cour suprême a tranché en ces termes en faveur du gouvernement et des modifications qu'il avait apportées à la Loi sur le ministère des Anciens combattants:
Le législateur a le droit d'exproprier des biens, même sans indemnisation, à condition d'exprimer clairement son intention et, dans le par. 5.1(4), l'intention du législateur d'exproprier est claire et non ambiguë.
La Cour suprême a dit ensuite:
Enfin, bien que des droits substantiels puissent découler de la garantie d'application régulière de la loi, la Déclaration canadienne des droits n'offre aucune protection contre l'expropriation par l'adoption d'une mesure législative non ambiguë.
J'ai alors demandé à quoi servaient les droits de propriété garantis par la Déclaration canadienne des droits s'ils ne protégeaient même pas les droits de propriété fondamentaux d'une personne.
Une protection constitutionnelle adéquate des droits de propriété, grâce à un amendement à l'article 7 de la Charte, tel que proposé par notre collègue, permettrait de prévenir toutes ces injustices.
Cela permettrait également aux Canadiens et au gouvernement fédéral de régler un énorme problème de perte de temps et d'argent. De plus, cela ferait beaucoup pour protéger l'environnement, parce que les gens prennent généralement beaucoup mieux soin de nos terres et de nos ressources que le gouvernement ne l'a jamais fait et qu'il ne le fera jamais.
L'article 7 de la Charte prévoit ce qui suit:
« Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. »
L'article 7 doit être modifié pour prévoir les droits de propriété parce que le droit à la vie et le droit de propriété vont de pair. L'un ne va pas sans l'autre.
J'exhorte tous les députés à appuyer cette motion afin que nous puissions donner au Parlement la chance de réparer l'une des principales lacunes de notre Charte des droits et libertés.
En décembre dernier, le s'est prononcé en faveur de l'ajout des droits de propriété dans la Constitution. Toutefois, si une telle mesure était adoptée par la Chambre, il faudrait tout de même l'approbation de sept provinces et de 50 p. 100 de la population. Ce n'est pas une mince tâche, mais il est grand temps que nous approuvions cette proposition et que nous amorcions le processus.
La Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur le 17 avril 1982 et, comme nous l'avons mentionné, nous avons souligné son 25e anniversaire. L'absence du droit de posséder et d'utiliser un bien est une omission frappante. J'aimerais fournir à la Chambre trois raisons d'inclure ces droits.
Tout d'abord, les droits de propriété sont essentiels pour l'édification d'un pays juste et prospère. Le droit de posséder un bien, de l'utiliser et de ne pas en être injustement privé est fondamental dans une société libre et démocratique. Les droits de propriété s'inscrivent dans le mode de vie canadien. Ils sont essentiels à la liberté et à l'autonomie politiques. Ils font partie intégrante d'une économie qui fonctionne bien. Ces protections en elles-mêmes ne suffisent pas.
Si les droits de propriété sont essentiels au bien-être de notre économie et de notre mode de vie, pourquoi sont-ils si peu protégés? La Déclaration des droits est le pis-aller. Nous en avons déjà parlé. Nous devons inclure ces droits dans la Charte des droits et libertés.
Ensuite, les droits de propriété ont été au coeur du mouvement de protection des droits de la personne depuis le début. Depuis le XVIIe siècle, les gens ont compris que le droit de posséder et d'utiliser un bien est nécessaire à la liberté politique.
Après les guerres civiles anglaises, John Locke a avancé son célèbre argument selon lequel les droits à la vie, à la liberté et à la propriété sont des droits naturels et inaliénables et si l'État désire être légitime aux yeux des gens, il doit protéger ces droits.
Les gens ont perdu leurs illusions à l'égard du gouvernement de nos jours. Nous pouvons corriger ce problème en ajoutant ces droits à la Charte afin que le gouvernement ne les ignore pas.
Dans ce contexte, la Charte semble être une anomalie. En tant que document qui garantit les droits et les libertés dans une société libre et démocratique, son silence à propos des droits de propriété est clairement une omission qui doit être corrigée.
Il y a une autre raison pour laquelle l'absence des droits de propriété dans la Charte constitue une omission. Les droits de propriété étaient censés initialement se trouver dans la Charte. Les premières ébauches de la Charte incluaient naturellement la protection des droits de propriété. C'est ce à quoi l'on s'attendrait de n'importe quelle déclaration des droits. Le Parti conservateur à l'époque était en faveur d'inclure ces droits de propriété dans la Charte. Je pourrais poursuivre et expliquer de nombreuses autres mesures que nous devons prendre à ce sujet.
J'espère que tous les députés ne seront pas distraits par certaines des choses que j'ai entendues ici au cours de la dernière heure. Nous devons nous concentrer sur les droits de propriété, sur les raisons pour lesquelles ils sont importants, sur les raisons pour lesquelles ils doivent être inclus dans la Charte, puis nous devons nous employer ensemble à atteindre cet objectif.
Je demande à tous les députés de garder l'esprit ouvert à ce sujet et de ne pas se laisser distraire par certains des arguments que j'ai entendus.
:
Monsieur le Président, j’ai entendu toutes les interventions jusqu’à maintenant et le débat est excellent. Je suis un fervent amateur des mesures d’initiative parlementaire. J’ai trouvé intéressant d’entendre le bref rappel historique expliquant combien de fois cette question avait été abordée. Il existe toute une histoire à propos de la Charte et, comme le député qui m’a précédé l’a dit, des premières versions qui ont été étudiées.
Il ne s’agit pas ici de questions nettement tranchées. Les rédacteurs de la Charte avaient des raisons de penser qu’il y avait d’autres facteurs à considérer.
Si j’interviens, c’est sans doute pour faire remarquer que, parfois, ce qui est dit dans le débat est expliqué ou présenté de façon à brosser un tableau particulier, mais qui n’est peut-être pas complètement fidèle à la réalité des faits, de tous les faits, qui donneraient une idée bien différente.
Par exemple, le député qui vient de prendre la parole a parlé d’agriculteurs qui ont essayé de vendre leur récolte aux États-Unis et qui ont été arrêtés et jetés en prison.
Je me souviens de cette affaire. J’étais alors secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, qui était également responsable de la Commission canadienne du blé. Le problème relève de cette commission, et la Chambre a beaucoup discuté des questions qui se rapportent à la Commission canadienne du blé, car le gouvernement actuel veut l’abolir. Il veut simplement la faire disparaître.
J’ai beaucoup travaillé afin de comprendre l’histoire et la raison d’être de la commission. C’était un fait que, sans elle, ceux qui avaient à transporter leur produit sur des distances beaucoup plus longues que d’autres ne pouvaient prétendre à la même rentabilité que ces derniers sur les marchés existants.
La question de la Commission canadienne du blé est intéressante. Pour rattacher la question à celle des droits de propriété, le député a dit que les agriculteurs avaient essayé de vendre leur grain aux États-Unis et qu’ils avaient été mis en prison. Ce n’est pas ce qui s’est passé.
En réalité, les agriculteurs violaient les règles du jeu, aux termes de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Ils ont été inculpés d’infractions à cette loi. Ils étaient un certain nombre, et ils ont été accusés et condamnés à payer des amendes. Le député n’est pas sans le savoir. Ils ont dû payer des amendes parce qu’ils avaient enfreint les règles de la commission. Deux d’entre eux ont décidé de faire un coup d’éclat et de ne pas payer l’amende. Conséquence : ils ont dû séjourner en prison. Ce n’est pas tout à fait comme s’ils avaient été envoyés en prison pour avoir essayé de vendre leur grain. Ce n’est pas vrai. C’est une amende qui leur a été imposée.
Le député a parlé des pauvres propriétaires d’armes à feu, par exemple, de ceux qui possédaient légalement des armes à feu et n’avaient jamais fait de mal à personne. Mais voici que le gouvernement propose le projet de loi C-68 qui, au fond, définit les armes considérées comme très dangereuses, les armes automatiques, toutes les armes inscrites qui n’ont absolument aucune autre raison d’être que de tuer des gens. Le député prétend : « C’est mon droit de propriété. Je devrais pouvoir posséder une arme automatique, un pistolet mitrailleur Uzi. »
S’il veut présenter les choses ainsi, le député n’ignore pas que même la législation actuelle sur le contrôle des armes à feu permet aux collectionneurs de garder des armes s’ils respectent les règles de sécurité, mais maintenant le député et le Parti conservateur ne veulent pas de l’enregistrement des armes d’épaule. Ils continuent de reporter ce genre de mesures.
La grande question qui se pose ici est celle du droit de propriété, dans un certain sens, et certains pourraient l’envisager, mais pour des biens fonciers, par exemple.
Un des députés a soulevé la question des espèces en péril en disant que les terres pourraient être confisquées. Je me souviens d’avoir débattu ce projet de loi. Je me souviens d’avoir participé aux recherches sur ce dossier, tout comme ce député le fait avec son personnel. Je fais mes propres recherches.
Lorsque nous désignons des espèces comme des espèces en péril, certains de leurs habitats se trouvent dans des grandes fermes. Cela veut dire qu’il s’agit d’habitats protégés. Cela ne veut pas dire que la ferme est entièrement expropriée. Il peut y avoir des restrictions quant à l’utilisation de certaines parties des terres.
La propriété est entièrement dévaluée.
Le député dit qu’elle est entièrement dévaluée.
À partir de quel moment décidons-nous de protéger les espèces en péril? Les lois du pays évoluent. Cela tient compte d’aspects importants.
Il n’a jamais été question, comme le député l’a laissé entendre erronément, que la totalité des terres serait expropriée sans indemnisation. C’est absolument ridicule.
La dernière question que je voulais soulever concerne le Programme de contestation judiciaire. La motion du député propose d’inclure un nouveau droit dans la Charte. C’est un bon sujet de discussion.
Néanmoins, c’est une proposition qui ne tient pas vraiment si l’accès à la Charte n’est pas garanti à tous les Canadiens. Si d’autres droits sont inclus, à quoi cela servira-t-il si le Programme de contestation judiciaire est éliminé? En quoi cela aidera-t-il tous les Canadiens?
Le gouvernement a aboli le Programme de contestation judiciaire. Ce programme a été créé pour que toutes les protections que confère la Charte des droits et libertés soient accessibles à tous les Canadiens. Si une personne n’avait pas d’argent pour contester une décision rendue par les autorités municipales, provinciales ou fédérales ou par la Cour fédérale, elle pouvait défendre les droits que lui garantit la Charte.
Cela coûte cher. Certaines personnes n’en ont pas les moyens. Les députés laissent entendre et ont déclaré publiquement que cela ne vise que quelques groupes d’intérêts particuliers. Il est triste d’entendre de tels propos lorsqu’on pense au cas de l’hôpital Montfort, par exemple. C’est un hôpital bilingue qui essayait de survivre et qui existe encore aujourd’hui grâce au Programme de contestation judiciaire.
Je soulève la question, car si nous voulons inscrire davantage de droits dans la Charte, il est évident que l’accessibilité joue un rôle important. C’est ce qu’on a oublié dans ce débat.