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AGRI Rapport du Comité

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Rapport sur la crise du revenu dans les secteurs du bœuf et du porc

Introduction

Les secteurs de l’élevage bovin et porcin se trouvent actuellement dans la tourmente. L’effet conjugué de l’effondrement des prix, du coût croissant des intrants, de l’appréciation du dollar canadien et des coûts engagés pour se conformer à la réglementation a précipité le déclenchement d’une grave crise du revenu dans ces sphères d’activités. Les secteurs de la production et de la transformation n’ont pas été épargnés, mais la crise a pris cet automne des proportions alarmantes pour les producteurs de porcs et de bovins, qui ont énormément de mal à faire face à leurs obligations financières immédiates. La conjoncture actuelle a des implications sur les mesures à court terme et transitoires à prendre pour atténuer les pires effets de la crise et sur les mesures à prendre à plus long terme, par exemple, les rajustements à apporter aux programmes courants de gestion des risques de l’entreprise (GRE) afin d’améliorer la compétitivité de l’industrie à long terme. Les recommandations du Comité permanent abordent ces deux volets d’intervention.

Contexte

  1. Secteur de l’élevage bovin

    Il y a véritablement une crise qui secoue l’industrie du bétail en ce moment. C’est à la fois une crise des revenus et une crise du coût des intrants. Les deux pressions s’exercent en même temps. De nombreux facteurs sont à l’origine de la situation, de sorte qu’il faut une combinaison de mesures pour créer une solution au problème. J’ajouterais que je perçois une crise de confiance au sein de l’industrie.

    Brad Wildeman, président, Canadian Cattlemen’s Association. Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 — 15 h 35, 2e session, 39e législature, Ottawa, le 26 novembre 2007.

    Le secteur canadien de l’élevage bovin a été durement touché par la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) qui s’est déclarée en mai 2003. L’embargo décrété par les États-Unis à l’égard des importations de bovins vivants et de viande bovine en provenance du Canada a entraîné un effondrement complet des prix du bétail, comme le démontre le graphique 1. Par la suite, le Canada a amélioré sa capacité d’abattage et la frontière américaine a progressivement été rouverte aux exportations canadiennes; ce qui a aidé quelque peu les éleveurs de bétail à préparer la reprise qui allait s’amorcer dans la période suivant la crise de l’ESB en 2005 et 2006. La faiblesse relative des prix des céréales fourragères et des taux d’intérêts au cours de la même période a également allégé quelque peu le coût de leurs intrants. À la fin de 2006, il y a eu une spectaculaire remontée des prix des céréales. Ce redressement a été particulièrement marqué dans le cas de l’orge, qui a toujours été la céréale fourragère la plus utilisée par les producteurs canadiens de bétail. Peu de temps après, soit au milieu de l’année 2007, les prix du bétail au Canada ont commencé à chuter de façon abrupte, en raison en partie de la baisse du dollar américain par rapport au dollar canadien. Les producteurs de bétail ont donc dû composer avec une hausse vertigineuse du coût des intrants et une baisse du prix des extrants, dont l’effet conjugué les a laissés à court de liquidités.

    Graphique 1.0 – Prix du bétail par rapport aux prix de l’orge en Alberta
    Nota : Le rapport entre le prix du bétail et le prix de l’orge est un bon indice de la rentabilité des parcs d’engraissement.
    Source : CANFAX

    La crise actuelle se distingue de celle causée par l’ESB en 2003 du fait que la conjoncture actuelle s’est aussi avérée très néfaste pour les usines canadiennes de transformation de la viande. La concurrence des usines américaines s’est intensifiée à la suite du renforcement du dollar canadien. De plus, on estime que certaines mesures réglementaires, comme l’imposition de frais d’inspection et l’interdiction décrétée à l’égard des matières à risque spécifiées (MRS) a placé les usines de transformation canadiennes dans une position concurrentielle défavorable par rapport à leurs homologues américaines.

  2. Secteur de l’élevage porcin

    Les producteurs de porcs du Canada traversent une crise financière sans précédent en ce qui a trait aux causes et aux perspectives pessimistes qui s’en dégagent. En bref, les prix dégringolent, le coût des intrants a monté en flèche, et les pertes de liquidité s’accroissent à un rythme si effarant que ce sont des collectivités entières, y compris les producteurs et les fournisseurs qui s’y trouvent, qui sont menacés de faillites financières. Ce qui est le plus troublant dans tout cela, c’est qu’aucune correction positive du marché ne semble prévisible dans un avenir assez rapproché.

    M. Curtiss Littlejohn, directeur, Conseil canadien du porc. Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 — 15 h 40, 2e session, 39e législature, Ottawa, le 26 novembre 2007.

    On a parlé plus tôt de ce qu’était la plus grande inquiétude à l’heure actuelle, soit l’absence de soutien et, dans les conditions présentes, le risque de voir disparaître le dynamisme de notre industrie. On pense qu’il y aura une relance de la demande pour ces produits à l’échelle mondiale, mais va-t-on être encore là? Il faudrait l’être. On ne doit pas laisser toute la place aux producteurs américains. Il faut que le gouvernement canadien soutienne ces produits d’exportation.

    M. Jean-Guy Vincent, président, Fédération des producteurs de porcs du Québec, Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 — 16 h 25, 2e session, 39e législature, Ottawa, le 26 novembre 2007.

    La production porcine se caractérise par des cycles économiques prononcés et il semble que le secteur se trouve actuellement tout au bas du cycle. Les prix du porc ont commencé à diminuer en 2004 et ont suivi une tendance à la baisse depuis. La hausse du dollar canadien a fait en sorte que cette baisse a été plus marquée encore. Même si les prix ont légèrement remonté au début de 2007, ils ont commencé à s’effondrer en septembre et ils sont maintenant plus faibles que jamais (voir le graphique 2). La baisse des prix du porc a coïncidé avec une hausse des prix des céréales fourragères. Les prix du maïs fourragers, qui se sont souvent maintenus sous les 100 $ en 2005 et en 2006, ont atteint plus de 140 $ avant la fin de 2006 et sont demeurés élevés. Tout comme les éleveurs de bétail, les flux de trésorie des éleveurs de porcs se retrouvent pris en étau en raison de l’effet conjugué de l’augmentation du coût des intrants et de la diminution du prix des extrants qui entraîne une crise de liquidités.

    Graphique 2.0 – Prix du porc au Québec par rapport au prix du maïs en Ontario
    Nota : Le rapport entre les prix du porc et les prix du maïs fourrager a toujours été un indice utile pour mesurer la rentabilité de la production de viande de porc.
    Source : CANFAX et Fédération des producteurs de porc du Québec

    Encore une fois, à l’instar des tendances actuellement observées dans le secteur de l’élevage bovin, les conséquences de la crise actuelle se sont aussi fait sentir au-delà du secteur de l’élevage porcin. Ainsi, l’appréciation du dollar canadien a également nui à la compétitivité des abattoirs canadiens en ce qui concerne l’approvisionnement en porcs vivants et la vente de leurs produits sur les marchés nationaux et étrangers.

Mesures transitoires et à long terme

  1. Mesures transitoires

    Les producteurs de porcs et de bétail éprouvent actuellement de graves problèmes de liquidités en raison des pressions exercées par la hausse des coûts et la baisse des prix. En conséquence, même s’ils demeurent confiants que les perspectives de leur secteur d’activités sont toujours bonnes à long terme, les représentants des éleveurs ont insisté auprès du Comité permanent sur la nécessité d’adopter des mesures transitoires immédiates. Une telle intervention pourrait contribuer grandement à atténuer la crise de liquidités qui frappe de nombreux producteurs. Par conséquent,

    Recommandation 1

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada mette en place des mesures transitoires spéciales pour fournir aux producteurs de porcs et de bovins, d’ici la fin de décembre 2007, des liquidités sous la forme de prêts sans intérêt remboursables sur une période de trois à cinq ans et des paiements anticipés négociables en banque.

    Les commentaires formulés au Comité permanent semblent démontrer que l’Initiative de transition du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) pour l’évaluation des stocks (ITES) a été bien reçue par les producteurs. Toutefois, les producteurs continuent de demander que 100 p.100 des paiements auxquels ils ont droit sous les méthodes d’inventaires P1/P2 soient payés pour les années 2003, 2004 et 2005 du PCSRA. Par conséquent,

    Recommandation 2

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada, en partenariat avec les provinces et territoires, payent le pourcentage restant qui est dû aux producteurs au titre de l’Initiative de transition du PCSRA pour l’évaluation des stocks (ITES), tout en respectant l’entente fédérale-provinciale sur le financement.

  2. Mesures à plus long terme

    Tous les témoins qui ont comparu devant le Comité ont insisté sur l’incidence négative importante de l’appréciation du dollar canadien sur les secteurs de l’élevage bovin et de l’élevage porcin. Des témoins ont mentionné que la Banque du Canada devait réduire dès que possible son taux cible de financement à un jour afin de relâcher un peu les pressions à la hausse sur le dollar canadien. Le Comité partage tout à fait l’inquiétude des producteurs au sujet de l’incidence de l’appréciation du dollar, mais croit néanmoins que plusieurs autres facteurs que le taux cible du financement à un jour de la Banque du Canada interviennent et peuvent eux aussi avoir une influence sur l’évolution du taux de change entre le dollar canadien et le dollar américain. Par conséquent,

    Recommandation 3

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) engage des discussions formelles avec le ministre des Finances pour démontrer l’incidence de l’appréciation du dollar canadien sur le secteur de la production et de la transformation des aliments au Canada et envisager des façons d’atténuer les pressions actuellement subies par ce secteur d’activités en raison de la hausse du dollar canadien. Les fonctionnaires d’AAC devront rendre compte au Comité des résultats de ces discussions.

    Les témoins qui ont comparu devant le Comité permanent ne s’entendent pas sur la capacité des programmes actuels et projetés de gestion des risques de l’entreprise (GRE) de venir à bout d’une crise du genre de celle que les producteurs vivent à l’heure actuelle. D’un côté, certains représentants d’agriculteurs ont mentionné que même s’ils étaient très favorables à l’idée de modifier les programmes actuels pour mieux venir en aide aux agriculteurs en manque de liquidités, ils voyaient beaucoup d’avantages à un programme axé sur les marges. Par contre, d’autres agriculteurs estiment que les programmes axés sur les marges n’arriveront jamais à offrir aux agriculteurs l’aide dont ils ont besoin. Le Comité note que dans leur communiqué de presse conjoint du 17 novembre 2007, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de l’Agriculture ont consacré une section spéciale à la crise actuelle et insisté sur la nécessité d’adopter une approche nationale concertée. Le Comité s’en réjouit et aimerait fournir quelques précisions sur la façon dont les programmes actuels pourraient être modifiés afin de mieux répondre aux besoins du secteur agricole lorsqu’une crise survient. Par conséquent,

    Recommandation 4

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande que des mesures soient prises pour améliorer la capacité des programmes de GRE de réagir lorsque le secteur agricole se retrouve en manque de liquidités. Ces mesures pourraient par exemple consister à :

    • permettre aux producteurs, aux fins du calcul de la marge de référence, d’utiliser le chiffre le plus avantageux entre la moyenne olympique, une moyenne des trois dernières années, ou une moyenne mobile de cinq ans;
    • abolir le critère de viabilité qui exige que les marges des agriculteurs soient positives pendant deux des trois années visées;
    • augmenter la limite de contribution annuelle au programme Agri-investissement;
    • accélérer la mise en place du fonds fédéral de démarrage de 600 millions de dollars de façon que l’argent puisse commencer à être versé plus tôt que ce qui était initialement prévu.

    L’industrie canadienne de la transformation de la viande, qui fait l’objet des inspections des autorités fédérales, est la plus réglementée des secteurs de la transformation des aliments. Selon les estimations, les entreprises de transformation de viande soumises aux inspections fédérales versent plus de 20 millions de dollars par année en droits — droits pour les services d’inspection, les certificats d’exportation, l’approbation des étiquettes et ainsi de suite. Cela représente un inconvénient majeur pour elles. (…) C’est très différent des entreprises américaines et des entreprises canadiennes soumises aux inspections provinciales, qui n’ont pas à assumer les mêmes coûts supplémentaires. Pour créer des règles du jeu équitables partout dans le monde, il faudrait supprimer ces frais immédiatement.

    Jim Laws, directeur exécutif, Conseil des viandes du Canada. Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages no 4 — 16 h 10, 2e session, 39e législature, Ottawa, le 26 novembre 2007.

    Que le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire demande au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire de faire un examen approfondi de tous les droits d’inspection exigés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, et que le ministre utilise cette information, et qu’il partage cette même information avec le Comité, pour se pencher sur les meilleures façons possibles pour le gouvernement de rectifier l’injustice de ce que nos producteurs de bétail et nos usines de transformation de la viande paient en droits d’inspection par rapport à leurs homologues américains.

    Motion adoptée par le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Procès-verbal no 2, 2e session, 39e législature, Ottawa, le 19 novembre 2007.

    Le Comité permanent note que le message commun qui ressort des observations des représentants des secteurs de l’élevage bovin et de l’élevage porcin est que les coûts engagés pour se conformer à la réglementation sont beaucoup plus élevés pour les producteurs canadiens comparativement à ce qu’ils sont pour leurs homologues américains.

    À sa réunion du 19 novembre 2007, le Comité a adopté une motion pour demander à Agriculture et Agroalimentaire Canada de faire un examen approfondi de tous les droits d’inspection exigés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments. À la lumière des observations recueillies auprès des représentants du secteur, le Comité comprend que d’autres coûts liés à l’observation de la réglementation peuvent placer le secteur canadien de la transformation de la viande dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux autres pays. Par conséquent,

    Recommandation 5

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire procède à un examen complet des mesures réglementaires susceptibles de nuire à la position concurrentielle du secteur canadien de la transformation de la viande par rapport aux autres pays et communique ensuite cette information au Comité.

    Enfin, il a été porté à l’attention du Comité permanent que les fonctionnaires de l’État avaient peut-être sous-estimé le fardeau financier découlant de l’obligation pour les usines de transformation de la viande de se conformer à l’interdiction relative aux matières à risque spécifiées (MRS). Malgré l’existence d’un programme fédéral-provincial conjoint pour venir en aide aux usines de transformation de la viande qui doivent investir dans de nouvelles immobilisations, celui-ci ne fait rien pour atténuer les effets de l’augmentation des coûts d’élimination découlant de l’interdiction touchant les MRS qui, contrairement à la situation aux États-Unis, réduit automatiquement à néant la valeur des MRS. Par conséquent,

    Recommandation 6

    Le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire recommande qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada examine le financement des programmes disponibles aux producteurs bovins, transformateurs et équarrisseurs afin de les aider à absorber les coûts d’élimination et d’entreposage des matières à risque spécifiées (MRS) provenant de ruminants.