CHPC Rapport du Comité
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CHAPITRE 5 : LA GOUVERNANCE DE
CBC/RADIO-CANADA
Les sociétés d'État fédérales sont des entités juridiques distinctes qui sont la propriété exclusive de l'État. Elles ouvrent dans des secteurs variés, tels que les transports, l'agriculture et la culture. Elles jouissent d'une plus grande autonomie de gestion que la plupart des autres entités gouvernementales de sorte qu'elles peuvent fonctionner davantage à la manière d'une entreprise privée. Un conseil d'administration surveille la gestion de chaque société et tient la direction responsable de son rendement. Par l'entremise du président du conseil, le conseil d'administration rend compte au ministre, qui représente le gouvernement et fait le lien entre la Société, d'une part, et le Cabinet et le Parlement, d'autre part. Le gouvernement conserve son pouvoir et son influence sur les sociétés d'État dans des domaines comme les nominations, la rémunération des premiers dirigeants et des administrateurs, et l'approbation des plans et des budgets[292].
CBC/Radio-Canada est une société d'État appartenant au gouvernement du Canada et à tous les Canadiens. La Loi sur la radiodiffusion comporte des dispositions qui définissent les pouvoirs de la Société, sa situation financière et sa constitution, de même que le mandat et les responsabilités de son conseil d'administration.
Le conseil d'administration de la Société est composé de douze membres représentant des citoyens ayant des qualifications dans différents secteurs tels que les affaires, l'économie, le marketing, la comptabilité, les arts, les technologies de l'information, le droit, la radiodiffusion. Ils sont nommés par le gouverneur en conseil pour une période de cinq ans et leur mandat est renouvelable.
La très grande majorité des témoins ont demandé que soit renforcée l'indépendance entre la gouvernance de CBC/Radio-Canada et le gouvernement en place. On demande que la sélection des membres du conseil d'administration soit dépourvue de toute nomination partisane. Par ailleurs, seul le conseil d'administration doit avoir le droit d'embaucher et de renvoyer le président de la Société.
Selon l'organisme Nos ondes publiques, le processus actuel de nomination des membres du conseil d'administration manque totalement de transparence, et au fil des années, on a assisté à de nombreuses nominations de personnes aux compétences douteuses[293].
Le Syndicat des communications de Radio-Canada a ramené sur la table la recommandation 18.1 du rapport de juin 2003 du Comité permanent du patrimoine canadien. Cette recommandation invitait le ministère du Patrimoine canadien à travailler en concertation avec le Comité pour mettre au point d'ici le 30 juin 2004 des critères et des lignes directrices concernant la nomination des administrateurs de la SRC[294].
De son côté, le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier propose que la structure de gouvernance de CBC/Radio-Canada soit modifiée de façon à ce que le conseil d'administration réponde davantage de ses décisions devant les Canadiens et respecte davantage leurs souhaits[295].
De son côté, Friends of Canadian Broadcasting recommande également l'adoption d'un processus de nomination indépendant pour les membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada « qui s'appuierait sur les avis de Canadiens éminents, par exemple des officiers et des compagnons de l'Ordre du Canada. Un tel processus pourrait se dérouler sous la supervision du Conseil privé[296]. »
La professeure Catherine Murray y va d'une recommandation similaire en proposant que le conseil d'administration de CBC/Radio-Canada « soit davantage composé de leaders provenant des différentes régions du pays et issus du milieu scientifique, du milieu de la culture et de la création, du milieu technique et du monde des affaires[297] ».
La CBC/Radio-Canada ne deviendra meilleure que si elle est véritablement indépendante du gouvernement, si elle est perçue comme étant indépendante du gouvernement, et si elle fonctionne de telle manière que les responsables soient comptables de leurs décisions.
Guilde canadienne des médias, 20 avril 2007, 10 h 20
Pour l'ancien président du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada, Anthony Manera, il est invraisemblable que le conseil d'administration soit privé du pouvoir d'embaucher et de mettre à la porte le président et directeur général. Le conseil d'administration ne peut être responsable de l'efficacité de sa société tant qu'il n'a pas son mot à dire sur l'embauche, l'évaluation, la rémunération et le renvoi du PDG[298].
M. Manera a également recommandé que des employés siègent au conseil d'administration de la Société. L'argument à l'appui de cette proposition est que les employés feraient connaître le point de vue de ceux et celles qui sont sur le terrain et qui effectuent le travail au quotidien[299]. La Conférence canadienne des arts a également fait une recommandation similaire[300].
Le Comité a pris note des critiques répétées des témoins quant à la structure de gouvernance de CBC/Radio-Canada. Elles vont à l'encontre des conclusions du dernier examen spécial de CBC/Radio-Canada réalisé par le BVG en 2005. En effet, le BVG écrivait dans son rapport que depuis 2000, « la Société avait déployé beaucoup d'effort pour améliorer et moderniser sa structure, ses systèmes et ses pratiques de gouvernance, et pour améliorer les relations entre le président du Conseil et la direction ainsi qu'avec les intervenants externes[301] ». Globalement, le BVG concluait avoir « trouvé que les éléments de base d'un bon cadre de gouvernance étaient en place[302] ». La seule ombre au tableau concernait les déclarations sur les conflits d'intérêts mettant en cause deux membres du conseil d'administration qui n'avaient pas encore été présentées à la haute direction en juin 2005
Le Comité reconnaît qu'il est primordial de veiller à ce que CBC/Radio-Canada soit dotée d'un conseil d'administration solide, où les administrateurs ont un rôle effectif à jouer. Le système de la radiodiffusion connaît des évolutions technologiques majeures et il est nécessaire de recruter des administrateurs qui sont à la fine pointe de ces changements. Par ailleurs, la complexité et la taille d'une société d'État comme CBC/Radio-Canada exigent également des administrateurs ayant des connaissances connexes dans d'autres secteurs d'expertise : marketing, gestion, etc.
En mars 2004, le gouvernement a présenté un nouveau cadre relatif aux nominations pour les dirigeants des sociétés d'État. Les conseils d'administration des sociétés d'État peuvent désormais établir un comité permanent de sélection pour les appuyer dans le processus. Ce comité de sélection peut également inclure des personnalités éminentes venant de l'extérieur en vue d'appuyer le travail du conseil. Au bout du compte, il convient de souligner qu'il revient quand même au gouverneur en conseil de nommer les membres des conseils d'administration et de nommer leur président[303]. Le Comité estime qu'il est possible d'avoir un conseil d'administration solide sans pour autant diminuer les prérogatives du gouvernement.
Par ailleurs, nous revenons sur le témoignage de la vérificatrice générale du Canada qui a exprimé des réserves à l'idée que le conseil d'administration doive compter des employés de CBC/Radio-Canada. Il y a très peu d'exemples de sociétés d'État où les employés sont représentés au conseil : « Ce n'est pas un modèle de grande société d'État. La pratique courante veut que les employés ne soient pas représentés au conseil d'administration[304]. » Le Comité est d'accord que la présence d'un employé de la société d'État sur le conseil d'administration peut miner l'obligatoire indépendance d'un conseil d'administration. Rien n'empêche toutefois la création d'un comité consultatif formé d'employés de CBC/Radio-Canada qui viendraient présenter à intervalles réguliers le point de vue des employés quant au fonctionnement de la Société au conseil d'administration.
La nomination des administrateurs est une prérogative fondamentale des actionnaires des sociétés des secteurs privé et public, y compris les sociétés d'État. Par conséquent, en tant qu'actionnaire des sociétés d'État, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait continuer à nommer le président et les membres du conseil d'administration par décret.
Cependant, nous croyons toutefois que le conseil d'administration doit prendre une part plus active dans le processus de sélection du président du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada et du premier dirigeant de la Société. Si le conseil d'administration n'est pas partie prenante à ce processus, il est difficile pour le président de la Société de se responsabiliser envers celui-ci. La gouvernance de la Société s'en trouve par le fait même affaiblie.
Le protocole d'entente de sept ans proposé par le Comité entre CBC/Radio Canada et le gouvernement du Canada offrirait la possibilité d'une interprétation claire des rapports de gouvernance entre la Société, le conseil d'administration et le président-directeur général, ainsi que des obligations et fonctions de chacun.
[292] Bureau du vérificateur général, La régie des sociétés d'État, chapitre 18, 2000, p. 18-6.
[293] Nos Ondes Publiques, Mémoire, 26 février 2007, p. 10.
[294] Syndicat des communications de Radio-Canada, Mémoire, 23 février 2007, p. 5.
[295] SCEP, Mémoire, février 2007, p. 2.
[296] Friends of Canadian Broadcasting, Mémoire, 26 février 2007, p. 7.
[297] Catherine Murray, professeure de communications, University Simon Fraser, Mémoire, 14 mars 2007, p. 8.
[298] Témoignages, Comité permanent du patrimoine canadien, réunion no 46, 39e législature, 1re session, 29 mars 2007 09 h 15.
[299] Ibid, 09 h 15.
[300] Témoignages, Comité permanent du patrimoine canadien, réunion no 45, 39e législature, 1re session, 27 mars 2007 09 h 25.
[301] BVG, Rapport d'examen spécial présenté au Conseil d'administration, 30 novembre 2005, p. 11.
[302] Ibid.
[303] Secrétariat du Conseil du Trésor : http://www.tbs-sct.gc.ca/media/nr-cp/2004/0315_f.asp.
[304] Témoignages, Comité permanent du patrimoine canadien, réunion no 57, 39e législature, 1re session, 8 mai 2007 09 h 20.