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CIIT Rapport du Comité

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ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-AELE

INTRODUCTION

En janvier 2008, le Canada a signé un accord de libre-échange avec la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, quatre pays qui ensemble constituent l’Association européenne de libre-échange (AELE). Cet accord est le premier à être déposé à la Chambre des communes aux termes de la nouvelle politique du gouvernement fédéral qui consiste à fournir aux députés la possibilité d’examiner les traités internationaux et d’en débattre à la Chambre des communes pendant 21 jours de séance. Le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes a profité de l’occasion pour tenir des audiences sur l’accord en question afin de contribuer au débat. Le présent rapport est le résultat de ces audiences.

CONTEXTE

Le projet d’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE a mis dix ans à aboutir. Les négociations en bonne et due forme ont commencé en 1998, mais ont achoppé en 2000 sur la question du traitement des navires et des produits industriels navals. Beaucoup de gens craignaient que la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’AELE ne force le Canada à supprimer ses droits de douane de 25 % sur les navires et n’expose l’industrie canadienne, déjà aux prises avec un excès de capacité, à une concurrence accrue de la part de producteurs norvégiens subventionnés. Il importe de noter cependant que la Norvège a fait savoir depuis qu’elle avait cessé de subventionner ses constructeurs de navires.

L’ambassadeur d’Islande au Canada, Son Excellence Markús Orn Antonsson, a signalé qu’on avait tenté à plusieurs reprises de rompre l’impasse, mais les négociations n’ont repris qu’en 2006. En juin 2007, les deux camps ont annoncé leur aboutissement et l’accord a été signé à Davos, en Suisse, en janvier 2008. Il est censé entrer en vigueur d’ici le 1er janvier 2009.

L’ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-AELE

L’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE est de portée relativement modeste. C’est un accord de libre-échange de la première génération axé essentiellement sur l’élimination des droits de douane et le commerce des marchandises. Contrairement à l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, par exemple, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE ne comporte pas de nouvelles obligations importantes quant à l’investissement, aux services ou à la propriété intellectuelle. Ces questions, ainsi que la plupart des sauvegardes de même que les droits antidumping et compensateurs, continueront de relever de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cependant, comme on l’a dit au Comité, l’accord comporte des dispositions permettant un retour sur ces questions après trois ans si les parties le souhaitent.

L’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE comporte quatre textes : un accord principal et trois ententes bilatérales sur l’agriculture entre le Canada et la Norvège, l’Islande et la Suisse, respectivement. Le Liechtenstein est couvert dans l’accord bilatéral Canada-Suisse. Aux termes de l’accord principal, les droits de douane sur tous les produits non agricoles seront éliminés dès l’entrée en vigueur de l’accord, à l’exception seulement des droits de douane canadiens sur les navires. Les réductions des droits de douane sur les produits agricoles diffèrent suivant le pays, comme on le verra plus loin.

A. Navires, bateaux et engins flottants

Le Comité a appris que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE confère à l’industrie canadienne de la construction navale une protection unilatérale dans la mesure où les constructeurs de navires canadiens bénéficieront d’un accès total immédiat au marché de l’AELE, tandis que certaines protections continueront de s’appliquer au marché canadien.

Dans le cas des produits les plus sensibles de la construction navale, l’élimination progressive des droits de douane canadiens de 25 % sera étalée sur une période de 15 ans. Pour les produits moins sensibles, la période sera de dix ans. Dans tous les cas, en revanche, il n’y aura aucune réduction des droits de douane sur les importations pendant les trois premières années d’application de l’accord.

La seule exception concerne les navires de taille post-panamax — ainsi appelés parce qu’ils sont trop gros pour emprunter le canal de Panama. D’après les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, aucun chantier naval canadien ne se présente comme capable de construire une coque de cette taille. Les droits de douane canadiens sur les navires de cette taille tomberont à zéro dès l’entrée en vigueur de l’accord.

En outre, l’accord comprend un mécanisme de sauvegarde qui confère une protection additionnelle à l’industrie navale du Canada. S’il est avéré que des importations en provenance de l’AELE causent du tort aux constructeurs navals canadiens durant la période de transition de 10-15 ans, le taux des droits antérieur à la conclusion de l’accord de libre-échange (25 %) peut être rétabli pour une période allant jusqu’à trois ans.

On a fait savoir au Comité que rien dans l’accord n’oblige le Canada à modifier sa politique d’achat préférentiel de navires canadiens en matière de marchés publics.

B. Agriculture et produits agroalimentaires

Les trois ententes bilatérales sur le commerce des produits agricoles diffèrent en fonction des particularités et des priorités du Canada et des pays de l’AELE concernés. Aux termes de toutes les ententes, la plupart des produits agricoles et des produits agroalimentaires seront exempts de droits de douane, mais chaque pays a obtenu ou accordé des concessions au sujet de certains produits clés de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire.

Le Comité a appris par exemple que le Canada n’avait pas fait de concessions au sujet des taux de droits hors contingent applicables aux produits agricoles soumis à la gestion de l’offre, mais qu’il a en revanche accordé à la Suisse un accès en franchise de droits au marché canadien du fromage pour les importations contingentées. Le Canada a par ailleurs obtenu un accès amélioré, mais pas en franchise de droits, à certains secteurs sensibles des pays de l’AELE, notamment dans le cas des frites congelées en Islande, des bleuets congelés et du blé dur en Norvège et du blé dur et de la viande de cheval en Suisse.

RÉPERCUSSIONS DE L’ACCORD

On a fait valoir au Comité que la réduction des droits de douane aux termes de cet accord n’aura que de modestes conséquences financières. En effet, les droits sur beaucoup de produits agricoles sont très bas (2 % ou moins) et beaucoup d’autres produits sont déjà exempts de droits de douane.

Il reste que plusieurs des témoins que nous avons entendus prévoient que cet accord entraînera une augmentation des échanges. Certaines industries canadiennes devraient bénéficier d’une amélioration de l’accès aux marchés des pays concernés, particulièrement dans le secteur de l’agriculture où sont observées la plupart des réductions importantes des droits de douane. Certains secteurs industriels aussi devraient être avantagés par l’accord, notamment ceux du bois et des produits de métal en ce qui concerne l’Islande, de l’habillement pour la Norvège et des cosmétiques dans le cas de la Suisse.

Les témoins ont fait remarquer que les avantages de l’accord ne se limitent peut-être pas à la simple réduction des droits de douane. Ils ont signalé notamment la possibilité d’une diversification des échanges, d’une amélioration de la coopération industrielle et, par la voie d’une interaction accrue avec les entreprises européennes actives dans les pays de l’AELE, d’un resserrement des liens économiques avec l’Union européenne. L’accord placera par ailleurs le Canada sur un pied d’égalité avec les autres partenaires de libre-échange de l’AELE, ce qui lui conférera un avantage sur des pays comme les États-Unis qui n’ont pas d’accord de libre-échange avec l’AELE.

Le Comité a appris également que les accords commerciaux ont un poids symbolique non négligeable. George Haynal (vice-président des relations gouvernementales chez Bombardier) a dit que les accords commerciaux suscitent de la confiance chez les investisseurs même si, comme dans le cas de l’accord conclu avec l’AELE, l’accord ne contient pas de dispositions sur les investissements. Per Øystein Vatne (premier secrétaire de l’ambassade de Norvège) a fait remarquer aussi que la conclusion d’un accord de libre-échange aiguise l’intérêt des gens d’affaires; ceux de l’AELE sont beaucoup plus nombreux à envisager de participer à une mission commerciale au Canada depuis l’annonce de l’accord.

Cependant, certains témoins se sont dits préoccupés par l’accord. Les représentants de l’industrie de la construction navale en particulier s’inquiètent de ses répercussions potentielles. Andrew McArthur (expert-conseil indépendant, conseil d’administration, Association de la construction navale du Canada) a fait remarquer que si l’industrie norvégienne de la construction navale, de classe mondiale, n’est plus subventionnée, elle doit néanmoins sa compétitivité actuelle au généreux soutien de l’État dans les années passées.

Pour cette raison, les constructeurs de navires canadiens réclamaient que leur secteur d’activité soit explicitement exclu de la portée de l’accord, comme il l’est dans le cas de l’ALENA. Ils ont fini par accepter l’idée d’une diminution progressive des droits sur une longue période sous réserve cependant de l’adoption d’une nouvelle politique canadienne sur la construction navale prévoyant notamment l’achat préférentiel de navires canadiens en matière de marchés publics et de la combinaison des deux mécanismes de soutien qui sont actuellement mutuellement exclusifs, à savoir le mécanisme de financement structuré et l’amortissement accéléré des biens d’équipement.

L’accord prévoit effectivement une longue période de transition et n’interdit en rien la politique d’achat préférentiel de produits canadiens par les pouvoirs publics, mais rien n’a été fait en revanche du côté du mécanisme de financement structuré et de l’amortissement accéléré. Or, dans leurs représentations au gouvernement, les porte-parole des constructeurs navals et des travailleurs du secteur ont affirmé vigoureusement que, en l’absence du bénéfice simultané du mécanisme de financement structuré et de l’amortissement accéléré des biens d’équipement, l’accord aurait des effets catastrophiques sur l’industrie et entraînerait des pertes d’emplois. À leur avis, cette aide additionnelle de l’État est cruciale pour que l’industrie canadienne de la construction navale survive à l’intensification de la concurrence de la part des producteurs norvégiens. Certains témoins ont fait remarquer cependant que le calendrier de diminution progressive des droits de douane (et les dispositions de sauvegarde) concernant les produits industriels navals était particulièrement généreux. D’après Cyndee Todgham Cherniak (avocate, Groupe du commerce international, cabinet d’avocats Lang Michener, LLP), l’élimination progressive sur 15 ans des droits sur les produits navals sensibles représente un délai très long; Mme Cherniak a étudié une centaine d’accords de libre-échange et ne connaît qu’une seule période de transition plus longue. Elle a assuré au Comité qu’il s’agissait d’un « délai anormal » qui pourrait susciter une résistance à l’OMC de la part des autres grands constructeurs navals comme la Chine et la Corée du Sud.

Abstraction faite de la construction navale, certains se sont inquiétés des répercussions de l’accord sur la gestion de l’offre de produits agricoles. Terry Pugh (secrétaire exécutif, Syndicat national des cultivateurs) craint que la baisse des droits sur les produits contingentés à offre réglementée ne porte atteinte aux fondements du programme de gestion de l’offre.

Enfin, plusieurs témoins ont fait remarquer qu’aucune analyse d’impact n’avait été faite pour estimer les répercussions de l’accord sur l’économie canadienne et qu’il était en conséquence bien difficile de savoir si l’accord était bon pour le Canada.

Conclusion

L’accord de libre-échange entre le Canada et l’AELE est un accord de libre-échange de base couvrant le commerce des marchandises qui ne contient pas de dispositions sur des questions comme les services, l’investissement et la propriété intellectuelle, mais n’exclut pas que ces questions soient abordées ultérieurement.

Pour ce qui est de l’accès aux marchés, c’est surtout pour l’agriculture et l’agroalimentaire que cet accord est avantageux pour le Canada. Certains autres secteurs y gagneront aussi, mais, dans la plupart des cas, les droits sur les produits non agricoles ne sont pas vraiment élevés.

C’est le secteur de la construction navale qui posait le plus de difficulté du point de vue de la négociation, mais le Canada semble avoir obtenu des modalités de transition généreuses qui donnent aux constructeurs canadiens beaucoup de temps pour s’adapter à l’augmentation de la concurrence de la part des constructeurs navals de l’AELE. Il reste que l’accord suscite quand même certaines inquiétudes quant à la viabilité à long terme du secteur canadien de la construction navale en l’absence de soutien gouvernemental additionnel. En conséquence, le gouvernement canadien doit sans tarder mettre en œuvre une vigoureuse stratégie de soutien de l’industrie de la construction navale qui soit par ailleurs conforme aux engagements du Canada à l’OMC.

En résumé, l’accord permet d’espérer des gains modestes sur le plan des échanges et pourrait ouvrir la voie à un accord élargi qui engloberait éventuellement les services et l’investissement. De plus, d’après plusieurs témoins, la simple existence d’un accord de libre-échange pourrait amener plus de gens d’affaires à exploiter les possibilités que présentent le Canada et l’AELE. L’accord de libre-échange avec l’AELE non seulement permettra de réduire les droits de douane, mais il pourrait aussi susciter une augmentation de la coopération entre le Canada et les pays de l’AELE sur le plan des échanges et de l’investissement et sur le plan économique.