Merci beaucoup, monsieur le président, messieurs les membres du comité. C'est un grand honneur pour moi de pouvoir comparaître aujourd'hui devant le comité.
Je représente ici la Petrobank Energy and Resources Ltd., mais je représente en même temps l'une de nos filiales, la Petrominerales Ltd., une société de prospection pétrolière et gazière qui a son siège à Bogota.
Pour vous situer un petit peu le contexte, je vous dirais que je suis en affaires en Colombie depuis 1992 avec les trois sociétés pour lesquelles j'ai travaillé. Je m'y suis pour la première fois rendu aux environs de novembre 1992. Mon voyage le plus récent en Colombie remonte à la semaine dernière, et j'y étais accompagné de mon épouse et de notre bébé de quatre mois.
La Petrominerales, notre filiale qui a son siège en Colombie, est une société qui est cotée à la Bourse de Toronto. Elle appartient à 76 p. 100 à la Petrobank et à 24 p. 100 au public. Notre capitalisation boursière actuelle est d'environ 1,7 milliard de dollars et toute notre activité est concentrée en Colombie.
La Petrominerales est un important investisseur en Colombie, aux côtés de plusieurs autres sociétés cotées à la TSX et qui réussissent bien. Nous avons de nombreux actionnaires heureux et nous avons eu le bonheur de bien réussir dans le secteur pétrolier et gazier en Colombie ainsi que de pouvoir profiter des récentes petites hausses enregistrées par le prix du pétrole sur les marchés internationaux.
La Petrominerales a pour activité d'exporter l'expertise et des capitaux canadiens et de rapatrier des profits. Une bonne question à poser est celle de savoir pourquoi avoir choisi la Colombie.
Mon expérience personnelle et notre expérience avec les nombreuses personnes qui ont travaillé avec nous en Colombie sont telles que ce pays représente pour nous la meilleure combinaison de potentiel géologique, de régime fiscal et de stabilité géopolitique dans le monde de la prospection.
La Colombie a instauré un solide régime fiscal de royalties et de taxes ainsi qu'un environnement réglementaire qui, conjugués l'un à l'autre, sont selon nous non surpassés dans le secteur pétrolier et gazier international. La Colombie a assuré une continuité en affaires extrêmement solide, le respect du caractère sacré des contrats et des garanties gouvernementales telles que le risque commercial politique en Colombie est minime.
La Colombie a par ailleurs mis en place un très solide cadre réglementaire et environnemental à l'intérieur duquel nous sommes heureux de travailler, et nous avons constaté de nombreuses ressemblances entre le cadre de réglementation colombien et le cadre de réglementation canadien, et plus particulièrement albertain.
Peut-être que le plus gros atout pour nos opérations en Colombie est la population colombienne. Les Colombiens sont un peuple très instruit, hautement motivé, extrêmement passionné et fortement nationaliste, et ils sont prêts à travailler fort pour bâtir une meilleure Colombie pour eux et leurs petits-enfants.
Le gouvernement colombien a quant à lui pris un certain nombre d'initiatives tout à fait brillantes, dont nous avons d'ailleurs prôné l'intégration au cadre de réglementation canadien. Si vous me permettez de n'en citer qu'une seule, une facette intéressante du régime colombien de royalties pour la prospection pétrolière et gazière est que la loi et la réglementation exigent qu'un certain pourcentage de chaque dollar en royalties issu d'opérations de production pétrolière et gazière en Colombie soit reversé à la municipalité et à la province où la production a eu lieu.
L'effet net de cela est que les gouvernements locaux et provinciaux de la Colombie peuvent ainsi participer pleinement à la réussite de toute activité d'exploitation de ressources menée dans leur région. Ils reçoivent un financement direct correspondant au volume de pétrole produit dans leur région, ce qui leur permet de maintenir une solide infrastructure et de consentir des investissements institutionnels durables sous la forme d'éléments d'infrastructure sociale, comme par exemple écoles, hôpitaux, etc.
C'est là un exemple formidable de la façon dont le secteur pétrolier et le gouvernement ont oeuvré ensemble en vue de créer au pays une boucle de rétroaction positive. De fait, à mon avis en tout cas, si un tel régime avait été instauré en Alberta et dans certaines autres régions du Canada où il existe à l'heure un sérieux décalage entre l'industrie locale et les investisseurs, il y aurait aujourd'hui au Canada une bien meilleure continuité.
Nous sommes très partisans du développement pour le long terme d'une relation Nord-Sud. Nous estimons que l'initiative canadienne en vue de la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie et d'autres pays latino-américains est une excellente occasion d'élargir la portée et l'influence positive du Canada dans cette partie du monde. Nous croyons que le Canada peut tout de suite prendre les devants.
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas préoccupés par les tarifs. Nous ne sommes pas préoccupés par le commerce bilatéral. Nous aimerions avoir une relation très ouverte et transparente avec le gouvernement colombien. Nous avons un solide traité fiscal, une protection réciproque des investissements et un accès amélioré au transfert de certains des éléments les meilleurs et les plus doués. Certains des éléments les meilleurs et les plus doués de la Colombie travaillent en ce moment pour nous au Canada; certains des meilleurs et des plus doués au Canada travaillent pour nous en ce moment à Bogota. Nous estimons qu'il s'agit là d'un excellent moyen de favoriser et de bâtir une solide relation dans la région, et nous croyons que la Colombie est un excellent endroit dans lequel entamer cette relation.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour. Si vous n'avez pas d'objection, je m'exprimerai surtout en français aujourd'hui.
Je m'appelle Jean-Michel Laurin. Je suis de Manufacturiers et exportateurs du Canada, la plus grande association industrielle et commerciale au Canada, dont on trouve des membres dans tous les sous-secteurs qui représentent la fabrication d'un océan à l'autre.
Le secteur manufacturier demeure le secteur commercial le plus important au Canada: 16 p. 100 du PIB dépendent de la fabrication et 21 p. 100 dépendent des exportations internationales. Comme on aime à le répéter, chaque dollar de production manufacturière génère plus de trois dollars d'activité économique totale. Lorsqu'une communauté mono-industrielle perd une usine, on s'aperçoit fréquemment que dans cette communauté, tout le reste dépendait de la production industrielle. C'est un bon exemple qui montre comme le secteur manufacturier est important.
Le secteur manufacturier est surtout responsable de nos échanges commerciaux dans le monde. Plus des deux tiers des produits et services canadiens exportés sont des produits manufacturés. Le reste est principalement composé de biens agricoles et d'énergie. La recherche et développement dépend beaucoup du secteur manufacturier. Les trois quarts de la recherche et développement privé qui est financé par les entreprises privées est fait dans les entreprises manufacturières. Environ deux millions de Canadiens gagnent leur pain quotidien en travaillant dans une usine ou dans une entreprise manufacturière.
Vous êtes au courant que le secteur manufacturier vit des moments assez difficiles. Une transformation profonde du secteur est en train de se produire au Canada, particulièrement au Québec et en Ontario. Le diagnostic est le même presque partout au pays. Les entreprises manufacturières doivent être parmi les meilleures dans leur domaine parce que le dollar canadien, on le sait, s'est beaucoup apprécié. Cela a diminué les revenus d'exportation des entreprises manufacturières et exportatrices. Les prix de l'énergie qui augmentent minent leur marge bénéficiaire. Il est de plus en plus difficile de faire du profit, ce qui explique pourquoi on a vu beaucoup d'emplois disparaître dans le secteur manufacturier au cours des cinq dernières années.
La concurrence étrangère est de plus en plus féroce. On a beaucoup ouvert nos marchés. Cela force nos entreprises à avoir de bons résultats, ce qui est de plus en plus difficile. Le ralentissement économique aux États-Unis nous préoccupe aussi beaucoup. Il force les entreprises à revoir leur modèle d'affaires, et à voir s'il y a d'autres sources de croissance et s'il existe des moyens d'atténuer l'effet de la récession sur le principal marché d'exportation.
Enfin, il y a beaucoup d'inquiétudes en ce moment à cause du ralentissement économique et des problèmes que connaît le marché du crédit. Beaucoup de nos membres nous disent avoir maintenant des problèmes d'accès au crédit. Cela vous donne une idée de la situation actuelle du secteur manufacturier.
Si l'économie canadienne et son secteur manufacturier vivent une transformation profonde présentement, ce phénomène n'est pas strictement canadien. Il est un symptôme de ce qui se passe à l'échelle planétaire. On assiste à un réalignement des forces économiques partout dans le monde. La croissance économique mondiale a été assez soutenue pendant les années 1990 en bonne partie grâce à la croissance vigoureuse de l'économie américaine.
Le document PowerPoint que j'ai fait circuler contient des statistiques qui démontrent qu'une bonne partie de la croissance économique des prochaines années viendra des économies en émergence, comme la Colombie. Par exemple, on constate que les économies développées auront une croissance moyenne se situant entre 0 et 3 p. 100 au cours des prochaines années. Aux États-Unis, pour 2008 et 2009, la croissance prévue est en deçà de 1 p. 100. Nos marchés traditionnels ne sont pas des marchés en croissance. La concurrence est de plus en plus féroce. Les économies émergentes voulant percer le marché de la Chine, il est de plus en plus difficile pour nos exportateurs de maintenir leur part de marché dans nos marchés d'exportation traditionnels.
Par contre, du côté des économies en émergence, les pays en développement, la croissance économique est très vigoureuse et assez soutenue. Les données que je vous ai fournies proviennent du Fonds monétaire international, qui fait des prévisions économiques. Que ce soit en Afrique, en Russie, en Chine, en Inde ou en Colombie, le taux de croissance annuel est toujours supérieur à 5 p. 100. Dans certains cas, comme en Chine ou en Inde, la croissance avoisine même les 10 ou les 11 p. 100 par année. Ce sont donc des économies importantes qui connaissent une croissance rapide et assez phénoménale.
Votre étude porte principalement sur la Colombie. Les accords de libre-échange envisagés avec des pays en développement ou des économies en émergence sont un phénomène relativement nouveau. Par le passé, on a plutôt conclu des accords de libre-échange avec les États-Unis. Le Mexique était un des premiers cas. Traditionnellement, on fait beaucoup de commerce avec des pays développés comparables, alors que maintenant, on s'attaque plutôt à des pays en développement. Il est donc tout à fait normal que vous vous posiez ces questions.
C'est un phénomène qui se poursuivra. Il y a quelques années, 85 p. 100 de nos exportations étaient destinées aux États-Unis. Ce chiffre est maintenant de 79 p. 100. La tendance est à la baisse parce qu'on développe des marchés autres que les États-Unis. Les entreprises utilisent l'Amérique du Nord comme base manufacturière, mais leur objectif est de pénétrer les marchés mondiaux.
Pour ce qui est de la performance des exportateurs canadiens au cours de la dernière année, nos exportations vers les États-Unis ont décliné de plus de 3 p. 100. Par contre, nos exportations vers la Chine ont augmenté de 21 p. 100, de 14 p. 100 vers le Brésil et de 29 p. 100 vers la Colombie. Les marchés en forte croissance sont des marchés comme la Colombie. Nos membres ont certainement un intérêt pour le développement et l'ouverture de ces marchés d'exportation. Par conséquent, toute mesure pouvant faciliter l'accès des entreprises canadiennes à ces marchés sont plus que bienvenues.
De plus, non seulement nos exportations vers la Colombie ont augmenté, mais depuis l'an dernier, on a un surplus commercial avec ce pays. On exporte davantage de produits en Colombie qu'on en importe. C'est une situation assez particulière, dans le cas d'un pays en émergence. Normalement, c'est plutôt le contraire qui se produit: on aura un déficit commercial comme celui que l'on a avec la Chine.
Un autre élément important à noter est que le secteur manufacturier joue un rôle important dans les échanges entre le Canada et la Colombie. L'an dernier, plus de 68 p. 100 de nos exportations vers la Colombie étaient constituées de produits fabriqués dans des usines au Canada. Il y a cinq ans, ce chiffre était de 57 p. 100. Il y a donc une croissance importante des exportations de produits industriels du Canada vers la Colombie.
On constate que la croissance économique a vraiment lieu dans les économies en émergence. La majorité de nos membres sont favorables à un accord de libre-échange avec la Colombie. Il est certain qu'il y a des enjeux dans certains secteurs particuliers, comme c'est le cas dans tout genre de négociation d'accord de libre-échange.
Par contre, il ne faut pas voir l'accord et les négociations comme une fin en soi. L'objectif devrait être de faire davantage pour faciliter le commerce entre le Canada et la Colombie. Le témoin qui m'a précédé a dit que la sécurité est certainement un aspect qui vient en tête de liste lorsqu'une entreprise envisage de faire des affaires en Colombie. Il n'y a pas que le développement économique qui doive être pris en compte; il faut aussi considérer le développement social.
Le gouvernement du Canada a un rôle très important à jouer pour aider les entreprises canadiennes à augmenter leur commerce dans des pays comme la Colombie. Par exemple, l'Agence canadienne de développement international a offert pendant plusieurs années des programmes pour aider les entreprises à pénétrer ces marchés et à travailler de concert avec les agences d'aide. Selon nous, les intervenants des secteurs de l'économie, du commerce, de l'investissement et de l'aide internationale devraient travailler de concert pour maximiser l'impact qu'on peut avoir sur le développement de ces pays partenaires.
J'ai hâte à la période de questions. Je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui.
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Très bien. Je pense me souvenir des questions.
Premièrement, pour ce qui est du nombre de personnes que nous avons embauchées, nous employons directement une centaine de personnes environ en Colombie — 96 p. 100 d'entre elles sont des Colombiens, les autres 4 p. 100 étant des expatriés.
En ce qui concerne le nombre de personnes que nous employons dans le cadre de nos opérations sur le terrain, la très grande majorité de nos opérations sont menées par des tiers entrepreneurs. Nous avons à l'heure actuelle trois engins de forage qui travaillent pour nous, et une installation de forage emploie typiquement 100 à 150 personnes dans le cadre de différents groupes de sous-traitance, ce qui nous donne environ 300 à 500 employés de plus. Nous avons également une équipe sismique oeuvrant à temps plein et qui compte probablement entre 100 et 120 personnes, qui sont, encore une fois, principalement des tiers entrepreneurs.
Les conditions de travail pour tous sont, je pense, très bonnes. Le personnel local dans notre bureau se voit verser des salaires qui sont comparables aux salaires canadiens. Les professionnels sont bien payés et sont très demandés. Ce sont des gens très compétents.
Aucune des personnes que nous employons directement n'est syndiquée. Très peu de gens dans le secteur des industries contractuelles sont syndiqués. Tout comme au Canada, en Colombie la syndicalisation est surtout le fait du secteur public.
Enfin, en ce qui concerne la question d'une responsabilité sociale accrue et d'une surveillance liée à un accord de libre-échange, je ne pense pas que nous aurions le moindre problème en matière de normalisation de la responsabilité sociale d'entreprise en vue d'établir certaines normes minimales et ainsi de suite. Je pense que l'une des plus belles exportations du Canada est notre capacité d'interagir dans un contexte multiculturel et de traiter avec des parties en concurrence dans tout type de négociation commerciale et de trouver une solution gagnante pour tout le monde. Je crois que ce sera réellement cela la responsabilité sociale d'entreprise en bout de ligne.
Si vous permettez que je prenne encore 30 secondes, j'aimerais simplement souligner que le montant d'argent que nous investissons dans le volet responsabilité sociale de notre activité au stade de l'investissement changera en vérité au fil du temps. Au fur et à mesure que nous réduirons le niveau de l'investissement, une fois un champ pétrolifère ou gazier mis en exploitation, alors nous réorienterons notre investissement vers une fondation sans but lucratif que nous avons créée et qui s'appelle Fundación Vichituni, qui poursuivra certaines des initiatives que nous avons lancées mais dont nous espérons qu'elle finira en bout de ligne par être autosuffisante, ne requérant plus à long terme l'appui de Petrominerales pour sa réussite.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis le directeur exécutif d'Avocats sans frontières, et je suis ici accompagné de Denis L'Anglais, qui est membre du conseil d'administration d'Avocats sans frontières.
[Français]
Avocats sans frontières est une organisation qui contribue à la défense et à la promotion des droits humains, à la lutte contre l'impunité, à la tenue de procès justes et équitables et au respect de la primauté du droit dans divers pays du monde en crise, en voie de développement ou dits fragiles.
Nous sommes actifs en Colombie depuis 2003, où nous avons effectué une bonne douzaine de missions qui nous ont menés dans à peu près toutes les régions du pays, du nord au sud et de l'est à l'ouest. Nous collaborons avec des partenaires locaux et internationaux tels la Fédération internationale des droits de l'homme, la Commission colombienne des juristes ou le Colectivo de abogados José Alvear Restrepo.
En décembre 2007, nous avons publié un rapport qui, grâce aux services de traduction, vous a été remis en français et en anglais. C'est un rapport qui a été communiqué au Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'indépendance des juges et des avocats. Puisque vous avez le rapport, je ne m'y attarderai pas très longuement aujourd'hui. Je vous en résumerai les faits essentiels, pour ensuite m'attarder au sujet qui nous occupe.
Le rapport contient des témoignages documentés sur des cas récents démontrant qu'il y a encore des agressions et des actes de violence contre les défenseurs des droits humains, particulièrement les avocats. Ces actes de violence incluent des assassinats et des tentatives d'assassinat, la menace ou l'intimidation, qui ont comme conséquence le déplacement forcé ou l'exil des avocats en question.
De plus, le rôle des avocats est fréquemment stigmatisé par les autorités gouvernementales. La persécution et le mépris délibérés pour le droit à la défense s'étendent à une grande partie des administrateurs du système de justice et de la police, qui recourent à des actions administratives et judiciaires afin de criminaliser l'exercice de la profession juridique. Ces agressions entraînent évidemment de graves conséquences pour la lutte contre l'impunité, la protection et le développement de l'État de droit ou de la primauté du droit. Elles affectent également le droit à une représentation effective par un avocat libre et indépendant, notamment en faveur de tous les citoyens, y compris les entreprises locales et les entreprises étrangères.
De même, les nombreuses déclarations du gouvernement et de la part du président actuel voulant que les défenseurs des droits humains sont au service de la cause du terrorisme ou sont des membres des FARC constituent une violation des articles 16 à 18 des principes de base relatifs aux rôles du barreau qui ont été adoptés par les Nations Unies. Ces déclarations portent atteinte à l'État de droit, à la primauté du droit, et en associant les avocats à des acteurs armés, elles mettent en péril la vie et la sécurité de ceux-ci en les exposant à des attaques de paramilitaires. C'est notre premier message aujourd'hui.
Je sais que vous avez entendu, lors de séances préalables, des commentaires sur les graves violations des droits des syndicalistes — mon confrère en parlera encore aujourd'hui —, des peuples autochtones, des environnementalistes et des leaders paysans. Notre rapport démontre que ces violations des droits humains fondamentaux s'étendent à presque toutes les sphères de la société colombienne, y compris aux représentants de la justice, notamment les avocats. C'est une stratégie qui est assez simple: sans avocats, il n'y a pas de justice. Vous comprendrez que la primauté du droit est atteinte en son coeur. Or, le respect par un pays de la primauté du droit est un prérequis à la sécurité juridique nécessaire à l'établissement d'un environnement d'affaires ou d'un libre-échange sain.
Voilà qui m'amène à parler du sujet plus précis d'aujourd'hui.
[Traduction]
Avocats sans frontières est une organisation neutre et non politique. Nous n'exprimons ainsi aucune opinion ni pour ni contre le libre-échange, et nous n'avons pas non plus d'approche particulière ni philosophique quant à la question de savoir si, en théorie, le libre-échange a ou pourrait avoir une incidence positive ou négative sur l'état des droits de la personne dans un pays donné.
Cependant, Avocats sans frontières s'intéresse à la primauté du droit, à la justice et aux droits de l'homme. Nous estimons que notre rôle est de dénoncer les violations des droits de l'homme commises par un État. Si le Canada entreprend des négociations de libre-échange avec cet État, alors nous croyons qu'il est de notre devoir de préconiser la prudence. C'est dans ce contexte que notre comparution ici aujourd'hui doit être reçue.
Un accord de libre-échange est une entente de partenariat. Comme c'est le cas de tout autre contrat, il s'agit d'un geste d'approbation. En l'espèce, la Colombie étant à la recherche de légitimité internationale, nous pouvons être certains que la signature d'un accord de libre-échange avec le Canada sera annoncé par le gouvernement colombien comme étant un sceau d'approbation.
Si les droits de la personne sont réellement une priorité pour le Canada, alors ils doivent constituer une question préliminaire. Si l'engagement du Canada en faveur des droits de la personne doit avoir un sens, il nous faut tout d'abord déterminer si le dossier en matière de droits de l'homme de la Colombie en fait un pays avec lequel le Canada veut être associé.
Malheureusement, la Colombie n'est pas un pays ordinaire. C'est un pays qui est depuis plus de 40 ans déchiré par d'horribles conflits armés internes. Des organes internationaux indépendants comme les Nations Unies ou l'Organisation des États américains maintiennent encore que la situation dans le pays est la pire crise des droits de la personne de tout l'hémisphère. Des violations flagrantes des droits de la personne continuent d'y être commises, y compris avec la participation de forces de l'ordre publiques ou la complicité d'agents gouvernementaux.
[Français]
Là-dessus, je veux être clair. Il existe en Colombie des groupes illégaux, des groupes armés qu'on appelle la guérilla, les FARC, l'ELN et le PL. Ils commettent de graves violations des droits humains que nous dénonçons avec autant de force que celles dont nous allons parler aujourd'hui, soit celles commises par l'État ou par les paramilitaires. Cependant, comme on étudie un traité de libre-échange qui va être conclu avec l'État colombien, nous nous concentrons aujourd'hui sur l'État colombien et sur les liens qu'il peut entretenir avec les paramilitaires.
Nous savons que ce comité a entendu des témoignages et des statistiques contradictoires. Certains disent que la situation s'améliore grandement. C'est ce que vous avez entendu plus tôt. Le deuxième message qu'on vient vous porter aujourd'hui est que la situation est encore tellement grave qu'elle ne saurait justifier la signature d'un traité de libre-échange avec la Colombie sans que des conditions préalables aient été satisfaites, notamment sur le plan des droits humains.
Quelle est la situation actuelle? Encore une fois, vous avez entendu plusieurs témoignages conflictuels. Nous ne sommes pas une organisation politique ou activiste. Nous allons nous fier à ce que nous connaissons le mieux. Nous sommes une association d'avocats et nous vous parlerons de faits qui ont été établis par des décisions de tribunaux internationaux comme la Cour interaméricaine des droits de l'homme ou par des tribunaux colombiens à la suite d'un débat contradictoire. Nous vous parlons aujourd'hui de preuves établies devant des tribunaux après un débat contradictoire.
Même si ce fait est largement méconnu, c'est une réalité établie devant les tribunaux: le gouvernement colombien a lui-même créé les groupes paramilitaires, notamment par le décret 3398 de 1965 et la loi 48 de 1968. Ces groupes ont ensuite été soutenus par le gouvernement, notamment au moyen de renseignements militaires, d'équipement, d'aide logistique et d'autorisations de possession d'armes.
C'est seulement à partir de 1989 que les paramilitaires ont été qualifiés par la loi de groupes délinquants. Malgré une telle reconnaissance législative, le gouvernement canadien, toujours selon les tribunaux internationaux et nationaux, a manqué à son devoir d'adopter des mesures effectives de prévention et de protection de la population civile face au paramilitarisme. Toujours malgré cette reconnaissance législative, le gouvernement a présidé à la création d'un large réseau citoyen de police civile par l'entremise des décrets 356 de 1994 et 2794 de 1997, un euphémisme pour qualifier une nouvelle forme de paramilitarisme.
Pire encore, la participation directe de l'armée, des forces policières ou des fonctionnaires publics à des crimes graves, incluant des massacres de populations, a, jusqu'à encore tout récemment, été établie judiciairement, notamment par la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Nous pourrions vous parler du massacre de la Rochella, une décision de 2007, le massacre d'Ituango, une décision de 2006, le massacre de Pueblo Bello, une décision de 2006, et le massacre de Mapiripàn, une décision de 2005. Ce sont des massacres de populations locales auxquels l'armée, les forces policières ou des fonctionnaires publics ont participé ou qu'ils ont approuvés.
Les décisions que je viens de vous citer sont des exemples; il y en a d'autres. De nombreux cas similaires sont toujours devant la justice nationale colombienne ou la justice internationale. La violence continue à un rythme dramatique en Colombie.
Dans les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l'homme dont je vous parlais il y a quelques minutes, comme dans d'autres cas jugés par les tribunaux colombiens, notamment la cour suprême de Colombie, il a été établi que des liens entre les paramilitaires et divers paliers du gouvernement ou de l'État continuent à exister aujourd'hui. Alors que ces liens étaient autrefois le fait de rumeurs ou étaient gardés secrets, ils sont aujourd'hui avérés au grand jour avec une vague sans précédent d'arrestations, d'inculpations et de peines d'emprisonnement à l'encontre de membres du congrès, de politiciens locaux, de fonctionnaires publics et de membres des forces de l'ordre. Ces arrestations et ces inculpations vont au plus haut niveau de l'État colombien, de l'administration et même de l'entourage du président Alvaro Uribe. Par exemple, Jorge Noguera, qui est le chef du département de la sécurité et qui était le directeur de campagne d'Alvaro Uribe en 2002, est aujourd'hui accusé d'avoir laissé infiltrer le département administratif de la sécurité — le DAS — par les paramilitaires et de leur avoir fourni des listes de syndicalistes à faire assassiner.
C'est dans ce contexte, où les tribunaux ont reconnu et établi des liens étroits entre le gouvernement et les paramilitaires, que le processus de démobilisation desdits paramilitaires a été mis en oeuvre. C'est un processus dont le gouvernement parle beaucoup pour démontrer que de grands progrès vers la paix se font actuellement en Colombie.
Je dois vous parler d'un point légal. Alors que la majeure partie de la communauté internationale, comme beaucoup au Canada, pense que le processus de démobilisation a lieu en vertu d'une loi qui a été adoptée en 2005, la loi dite de justice et paix ou la loi 975, plus de 90 p. 100 des paramilitaires démobilisés ces dernières années l'ont été en vertu d'une autre loi moins connue, une loi de 1982. Or, cette loi octroie une amnistie complète à ceux qui s'en prévalent, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune peine de prison. Ces gens sont tout simplement retournés à la société sans avoir payé pour leurs crimes.
Le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême de la Colombie, a indiqué que cette démobilisation massive en vertu de la loi 782 de 2002 était illégale et qu'elle n'avait pas de fondement juridique. Le gouvernement n'a pas considéré cette décision et a même accusé les juges d'avoir un penchant idéologique.
En fait, le processus de démobilisation n'arrive même pas au résultat final que son nom indique, c'est-à-dire la démobilisation. La Commission nationale de réparation et de réconciliation, qui est un organe de l'État colombien — ce n'est pas une ONG, c'est un organe de l'État colombien — indique, dans son plus récent rapport, que plus de 60 groupes paramilitaires ont été réorganisés et reformés, souvent sous d'autres noms, dans 23 départements de la Colombie. Les paramilitaires existent donc encore, continent encore de contrôler une partie de l'économie et continuent encore de contrôler une partie de l'État colombien aux niveaux local, régional et national.
En général, l'impunité règne en Colombie. Des centaines de membres des forces publiques et de l'appareil étatique ont participé à de graves violations des droits humains qui ont été reconnues par des tribunaux. Or, ces personnes n'ont pas encore été arrêtées, n'ont pas été accusées et, surtout, n'ont pas été punies.
En bref, la Colombie demeure un État où la primauté du droit, la justice et la lutte contre l'impunité sont mises à mal et où le gouvernement fait défaut de respecter ses obligations internationales eu égard aux droits humains, ayant notamment été reconnu coupable de violations du plus fondamental des droits humains, soit le droit à la vie de ses citoyens.
Avant de signer un accord de libre-échange avec la Colombie, le Canada devrait procéder à une évaluation sérieuse de la situation des droits humains et poser des conditions préalables à la signature de l'entente. Au minimum, ces conditions devraient inclure l'adoption de mesures concrètes pour mettre un terme aux liens entre l'État et les paramilitaires, mettre fin à l'impunité, et respecter et protéger les citoyens, les avocats, les juges, les fonctionnaires et les organisations de la société civile qui travaillent à la promotion et à la défense des droits humains et de l'État de droit.
Je vous laisse avec notre troisième et dernier message: pour s'assurer qu'un éventuel accord de libre-échange avec la Colombie produira des résultats positifs concrets sur la situation des droits humains, c'est maintenant que le Canada peut avoir un effet de levier, et non une fois que l'accord sera signé.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais m'efforcer d'être bref.
Je m'appelle Mark Rowlinson et je comparais ici au nom de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical. Nous sommes heureux de pouvoir faire connaître nos vues sur les négociations actuelles engagées dans le but de conclure un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. L'ACAMS s'intéresse tout particulièrement à la situation des travailleurs, des syndicalistes et des militants de la Colombie au cours des 15 dernières années. Nous avons collaboré avec des avocats et des universitaires colombiens pour mieux connaître la situation des droits de la personne et des droits des travailleurs en Colombie et nous participons activement à la campagne internationale visant à mettre un terme à la violation des droits de la personne et des droits des travailleurs dans ce pays.
Comme le comité l'a déjà entendu dire, la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie soulève pour le Canada d'importantes questions d'ordre juridique et éthique. On peut dire que, à l'échelle de l'hémisphère, et cela vient tout juste d'être souligné, c'est en Colombie que l'on trouve la pire situation sur le plan des droits de la personne. Pour ce qui est des droits des travailleurs, la Colombie continue d'attirer l'attention du fait du nombre effarant d'assassinats de syndicalistes.
Compte tenu de notre expertise, nous sommes particulièrement préoccupés par la situation des droits des travailleurs en Colombie. D'aucuns considèrent que les accords commerciaux hémisphériques renfermant des dispositions en matière de travail, que l'on appelle également ententes accessoires sur le travail, servent à garantir le respect des droits fondamentaux des travailleurs par les pays liés par l'entente. Cependant, notre expérience de ces accords hémisphériques révèle que la protection des droits des travailleurs qui y est prévue laisse beaucoup à désirer. Par ailleurs, l'on constate dans de nombreux pays d'Amérique centrale et du Sud, et notamment en Colombie, un refus systémique d'assurer le respect de droits du travail.
De manière générale, les accords commerciaux préférentiels n'ont à notre avis offert aucun mécanisme réel permettant de garantir que les droits des travailleurs seront protégés lorsque ces accords sont exécutés par les parties. En conséquence, notre message au comité, en résumé, est qu'il n'y a aucune raison de croire que l'insertion de dispositions en matière de droits des travailleurs dans un projet d'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie aura quelque effet positif que ce soit sur la situation en matière de droits des travailleurs en Colombie. À notre avis, donc, le Canada ne devrait envisager la libéralisation des échanges avec la Colombie qu'une fois qu'il y aura eu une amélioration manifeste et marquée de la situation générale en matière de droits de la personne en Colombie.
De la page 2 à la page 4 de notre mémoire, nous vous livrons des observations générales sur ce que nous décrivons comme étant la crise des droits de la personne en Colombie. Je ne vais pas parcourir cela dans le détail. Vous avez déjà entendu en la matière des représentants d'Amnistie internationale, du Conseil canadien pour la coopération internationale et, je pense, du Congrès du travail du Canada.
J'aimerais cependant vous livrer un message très important. Je n'ai aucun doute qu'on vous a dit, et ce à répétition, pendant votre voyage en Colombie, que la situation dans le pays est en train de s'améliorer. La situation en Colombie s'est bel et bien quelque peu améliorée, mais je pense qu'il est important de se rappeler un certain nombre de statistiques. Sous l'actuelle administration, l'administration Uribe, plus de 400 syndicalistes ont été assassinés. Depuis le début de l'année, soit pendant une période de seulement quatre mois, 22 syndicalistes ont été assassinés en Colombie. La réalité est que l'Organisation internationale du travail continue de reprocher à la Colombie son défaut répété de se plier aux normes fondamentales du travail de l'OIT et de protéger adéquatement les syndicalistes en Colombie. La réalité est que la densité syndicale en Colombie recule depuis 10 ou 15 ans. Les derniers chiffres dont je dispose indiquent qu'elle était inférieure à 5 p. 100, soit l'une des densités syndicales les plus faibles dans les Amériques.
Je vous encourage à vous rendre à la page 4 de notre mémoire, où nous avons inclus un extrait du plus récent rapport de l'OIT émanant de la Commission sur la liberté syndicale. Les auteurs du rapport soulignent, avec inquiétude, que des membres de syndicats continuent d'être la cible de graves actes de violence du fait de leur appartenance à un syndicat. Ils soulignent que, bien que le gouvernement ait déployé des efforts considérables, ils constatent néanmoins que le nombre de personnes protégées a diminué et considèrent que les efforts de protection nécessaires doivent être renforcés par le gouvernement colombien. Sauf tout le respect que je vous dois, il n'est pas vrai que l'actuel gouvernement colombien s'attaque comme il se doit à ces différents problèmes. Aucune institution internationale de défense des droits de la personne d'importance n'est prête à se lever et à vous dire que la Colombie est en train de s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
J'aimerais maintenant vous entretenir très brièvement de notre expérience en ce qui concerne les dispositions en matière de travail contenues dans les accords commerciaux hémisphériques qui existent. En bref, elles se sont jusqu'ici avérées décevantes.
Je suis bien sûr ici en train de comparaître devant vous sans le bénéfice d'une ébauche d'accord de libre-échange canado-colombien. J'ai examiné le témoignage de M. Pierre Bouchard devant le comité. Il est assez clair, et M. Bouchard l'a indiqué, que même s'il y aura de modestes améliorations dans les dispositions portant sur le travail et les accords de libre-échange en vigueur, les arrangements qui figureront vraisemblablement dans l'Accord Canada-Colombie seront semblables à ceux que l'on retrouve dans l'ALENA, l'Accord de libre-échange Canada-Chili et l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica.
Ces dispositions commerciales comportent un certain nombre de sérieuses failles que j'ai identifiées aux pages 5, 6 et 7 de notre mémoire, et que je vais parcourir très rapidement avec vous.
Premièrement, les accords portent sur l'exécution de lois internes en vigueur et non sur l'élévation des normes du travail.
Deuxièmement, ces accords qui prévoient que les parties respectent les normes fondamentales du travail de l'OIT, comme par exemple l'ébauche de l'Accord entre les États-Unis et la Colombie, exigent seulement que les États ne dérogent pas à l'obligation d'appliquer les normes fondamentales du travail « en ce qui touche au commerce ou à l'investissement entre les parties ». Cela veut dire que la Colombie pourrait continuer de violer les normes fondamentales du travail de l'OIT à condition de ne pas le faire d'une manière qui touche au commerce et à l'investissement. Il s'agit là, selon nous, d'une très sérieuse faille.
Troisièmement, les mécanismes d'exécution prévus dans les dispositions en matière de travail des accords commerciaux sont uniformément insatisfaisants. Ils sont lents. Ils sont lourds. Ils ne sont pas indépendants. Ils ne sont pas souvent transparents. Ils sont trop bureaucratiques. Le résultat — et je n'ai pas le temps de passer en revue toutes les étapes — est que dans le cadre d'accords de libre-échange existants, comme par exemple l'ALENA... Quantité de plaintes ont été déposées relativement au volet normes du travail de l'ALENA, mais aucune encore ne s'est jamais encore rendue à l'arbitrage. Elles font l'objet de consultations ministérielles, puis elles meurent; en d'autres termes, les États signataires n'ont manifesté aucun désir quel qu'il soit de créer, au titre de ces accords commerciaux, des droits du travail exécutoires.
Enfin, les recours possibles en vertu des dispositions relatives au travail contenues dans les accords commerciaux hémisphériques existants sont eux aussi uniformément insatisfaisants. Au mieux, il ne s'agit que d'amendes, et si l'État est d'accord, alors il y a possibilité de révocation de l'accord commercial. Encore une fois, les sanctions reviennent surtout à des amendes. La question à laquelle doit donc réfléchir le comité, dans le contexte de l'état de la Colombie, où les violations des droits du travail sont si flagrantes, est celle de savoir si les genres de recours que vous voyez dans les accords commerciaux existants sont ou non appropriés.
Pour conclure, notre organisation a, en gros, deux recommandations à faire au comité. À notre avis, le gouvernement du Canada ne devrait négocier un accord commercial avec la Colombie qu'une fois que des institutions internationales de défense des droits de la personne respectées aient déterminé que la Colombie agit conformément à ses obligations internationales en matière de droits du travail et de droits de la personne.
Deuxièmement, vu l'importance de cet accord commercial, tant pour la politique étrangère canadienne que pour les Amériques en général, la négociation et la ratification de cet accord doivent se dérouler dans un contexte libre, transparent et démocratique, ce qui veut dire qu'une fois l'accord ratifié, son texte devrait être diffusé au public. Le gouvernement du Canada devrait engager le mouvement syndical, les organisations de la société civile et les associations professionnelles dans un processus consultatif exhaustif au sujet de l'accord, et celui-ci devrait en bout de ligne être soumis pour ratification, si vous voulez, à la Chambre des communes.
Voilà une version très abrégée de nos observations, et nous envisageons avec plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
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Vos commentaires de tout à l'heure contiennent beaucoup d'éléments. J'essaierai d'en aborder quelques-uns très brièvement. Je vois que le président surveille sa montre.
Le gouvernement a-t-il perdu le contrôle des paramilitaires? Il est certain que les paramilitaires ont maintenant une existence qui leur est propre. Ce sont des groupes autonomes. Comme la guérilla, ils sont impliqués dans le commerce de la drogue. Tout cela est une guerre pour le contrôle des terres productrices de coca. Il ne faut pas oublier que la coca est toujours au centre de tout cela.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit et ce n'est pas mon opinion, mais celle des tribunaux colombiens. Après avoir vu les preuves qui leur ont été présentées, les tribunaux colombiens, de même que les tribunaux internationaux, ont établi qu'il existait encore des liens très étroits entre divers paliers du gouvernement, de l'État, et les paramilitaires. Par exemple, des fonctionnaires peuvent fournir des listes de personnes à assassiner à des paramilitaires pour leur faire faire le sale travail. Ce peut être des collaborations.
Par exemple, les cas de la Cour interaméricaine des droits de l'homme que j'ai cités sont des grandes décisions où l'on dit que les paramilitaires sont arrivés dans un hélicoptère, transportés par les forces armées. Les forces armées ont transporté 100 hommes, des paramilitaires sont entrés dans le village, ont massacré quelques hommes et ont violé quelques femmes, puis ils sont partis. Pendant ce temps, les forces policières avaient barré toutes les routes pour qu'ils puissent commettre leurs crimes. Quand on parle de collusion, c'est ce qui arrive. Ce peut être au niveau régional, local ou, comme on le voit maintenant, au niveau national.
Vous parlez d'amélioration du côté des chiffres, mais c'est une guerre de chiffres. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous ne marchons pas dans ces guerres. Je veux toutefois vous inviter à la prudence quand il est question de chiffres officiels. En effet, deux des derniers directeurs nationaux de la statistique en Colombie, en 2005 et en 2006, ont démissionné parce qu'ils considéraient subir trop de pression pour modifier les statistiques. Ces gens avaient été nommés par le gouvernement. Oui, il y a certainement une amélioration mais, comme on l'a dit tout à l'heure, la situation demeure grave.
Avons-nous des craintes pour les compagnies? Oui, certainement. Cet environnement n'est pas facile. Je sais que c'est parfois difficile à imaginer quand on est allé à Bogota, une grande ville où les hommes sont en complet et portent la cravate et où les femmes en tailleur vaquent à leurs occupations. C'est vrai qu'il y a cette Colombie, la Colombie du nord de Bogota. Mais je mettrais au défi certaines des personnes qui parlaient précédemment d'aller avec leur famille dans le sud de Bogota, à un kilomètre du centre. Ils verraient une réalité tout à fait différente, et je ne parle pas des campagnes ou de la jungle, où la majeure partie des violations des droits humains sont commises actuellement, loin des centres. Oui, les compagnies peuvent avoir des craintes. Souvent, elles sont forcées de prendre part à un processus.
J'essaie d'être bref.
Votre dernière question visait à savoir qui assassine. Je ne peux pas répondre à cette question. Par exemple, les tribunaux américains, l'année dernière, ont condamné Chiquita Brands — ce n'est pas n'importe quelle compagnie — à une pénalité record de 25 millions de dollars. On a établi que pendant des années, elle avait payé les paramilitaires pour maintenir la sécurité autour de son site de production. Pendant ce temps, les paramilitaires, qui étaient payés avec cet argent, ont assassiné des dizaines et des dizaines de leaders syndicaux. Cela a été prouvé devant un tribunal des États-Unis. Les compagnies, volontairement ou par la force, se sentent parfois obligées de participer à ce genre de choses. Ce processus se reproduit en Colombie.
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Si vous pouviez envoyer cela à notre greffier, ce serait bien apprécié.
[Traduction]
J'ai trois questions. Premièrement, le gouvernement colombien possède une machine de relations publiques très bien rodée. Nous l'avons vue à l'oeuvre pendant notre séjour à Bogota. Cela est le fait non seulement du gouvernement, mais également de représentants du soi-disant secteur indépendant, qui s'est avéré plus tard être constitué d'anciens ministres du Cabinet ou ambassadeurs. Il y avait donc un grand nombre de personnes qui livraient plus ou moins le même message que le gouvernement, mais il est ressorti, après enquête, que nombre d'entre elles étaient liées au gouvernement.
Lorsque vous découvrez, en votre qualité d'avocats, dans le cadre d'une affaire devant les tribunaux, qu'une personne a un conflit d'intérêts, qu'elle témoigne mais qu'elle ne révèle pas pleinement ses liens avec le gouvernement, que se passe-t-il? Et quels conseils donneriez-vous au comité pour ce qui est de son témoignage?
Deuxièmement, pour ce qui est des témoignages véritablement indépendants que nous avons entendus, ceux-ci ont porté massivement sur les violations continues des droits de la personne et des droits des travailleurs. Les gens sont également très préoccupés par la violence économique que l'on constate, par le fait qu'il y ait, comme vous l'avez dit, des liens très clairs entre le gouvernement et les groupes paramilitaires. Les paramilitaires sont très présents. Il y en a encore des milliers sur le terrain. Et nous avons entendu de la bouche de personnes qui travaillent sur le terrain pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés qu'il y a une violence économique accrue. En d'autres termes, les paramilitaires travaillent avec des entreprises, dont aucune n'a fait l'objet d'une enquête, comme Nestlé, Coca-Cola et Chiquita.
Ma deuxième question pour vous est la suivante: croyez-vous que le gouvernement soit presque en train de récompenser l'activité criminelle en allant de l'avant avec un accord de libre-échange alors qu'il y a toute cette incertitude autour de liens entre les paramilitaires et le gouvernement?
Et ma troisième question est celle-ci. Comme vous l'aurez peut-être constaté dans des témoignages antérieurs, ce que propose le gouvernement canadien est qu'il y ait un genre d'amende. Lorsqu'il y a commission de violations des droits de la personne, de violations des droits des travailleurs, vous versez une amende à un fonds de solidarité, un peu comme avec une contravention pour excès de vitesse, si vous tuez un syndicaliste ou un défenseur des droits de la personne. Pensez-vous que ce soit suffisant pour traiter des problèmes de droits de la personne en Colombie, ou bien croyez-vous, comme moi, qu'il s'agit là de quelque blague de très mauvais goût?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins. J'ai bien aimé entendre votre perspective.
Je tiens à savoir si vous trois vous êtes déjà rendus en Colombie.
Nous y avons fait un excellent voyage. Cela m'a en tout cas ouvert grand les yeux. Nous avons rencontré un excellent échantillon de témoins très représentatifs. Nous avons entendu des indépendants, des représentants du gouvernement et d'ONG, et qui ont été tout à fait francs et honnêtes. D'après certains des renseignements que nous avons reçus, il s'agit définitivement d'un pays en transition. Il se trouve au beau milieu d'une guerre. Je ne sais pas si vous avez entendu les témoins qui vous ont précédés, il y a environ une heure de cela. Ils nous ont dit que le tir est bon, mais que cela prend tout simplement du temps.
Nous avons eu une excellente rencontre avec le président Álvaro Uribe Vélez. Il a déjà fait six de ses huit années. Il a une cote de popularité de plus de 80 p. 100. Je pense que n'importe quel politicien dans cette salle qui jouirait d'une telle cote se dirait qu'il ne se débrouille pas si mal que cela.
Je pense que mes collègues ont, de manière générale, la même perspective en ce qui concerne le fait que 70 p. 100 des Colombiens bénéficient aujourd'hui de soins de santé, une nette amélioration par rapport à 30 p. 100. Toutes les catégories d'activités criminelles sont à la baisse, et il y a notamment eu une réduction nette des prises en otages et des meurtres. Les Colombiens ont un programme « famille en action » dans le cadre duquel ils offrent scolarisation et vaccinations aux enfants, tout en veillant à ce qu'ils soient bien nourris. Il s'agit d'un énorme pas en avant. Y a-t-il place à l'amélioration? Absolument. Ce que nous avons vu est un cliché, pris dans le temps, sur la route que le pays a emprunté.
J'ai discuté avec l'ambassadeur, et il y avait chez lui un bon groupe représentatif de gens d'affaires. Je représente une région de l'intérieur de la Colombie-Britannique, et il y avait là un monsieur qui a été actif dans le secteur forestier pendant 27 ans en Colombie-Britannique. Il a décidé, il y a cinq ans, de déménager en Colombie. Il a dit que c'était la meilleure décision qu'il avait jamais prise. Il recommande ce choix à tout forestier — le secteur connaît bien sûr un fléchissement ici chez nous —, c'est-à-dire prendre ses compétences, son éthique professionnelle et ses pratiques environnementales et les mettre en oeuvre là-bas dans son domaine.
Je regarde ce que nous avons vu et ce vers quoi nous nous dirigeons, et je suppose que la question que j'ai est la suivante. Monsieur Paradis, pourriez-vous commencer par ceci? Nous avons parlé de violations des droits de la personne. Une statistique que nous avons entendue maintes et maintes fois — et j'ai interrogé plusieurs personnes là-dessus — est que 95 p. 100 des violations des droits de la personne sont le fait de groupes paramilitaires et de guérillas comme les FARC. Il y a des centaines de milliers de personnes qui ont été déplacées. Nous nous sommes rendus à Soacha, qui, comme vous l'avez dit, se trouve en bordure de ville, à environ 45 à 60 minutes en voiture, et nous avons vu ces personnes déplacées. Leur sort est le fait de groupes comme les FARC. Je ne sais pas si c'est là une préoccupation de votre organisation. C'est une des miennes.
Vous avez également mentionné les violations des droits de la personne commises par l'État. On nous a pourtant dit que 95 p. 100 des violations sont commises par ces autres organisations. Auriez-vous des exemples de violations des droits de la personne commises par l'État?