Passer au contenu

CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 031 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 28 mai 2008

[Enregistrement électronique]

(1545)

[Traduction]

    Je suis désolé d'avoir fait attendre tout le monde mais il y avait des votes à la Chambre et il y a maintenant des discussions de haut niveau au fond de la salle. Nous allons quand même commencer.
    La séance d'aujourd'hui est la continuation de notre étude des négociations de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Nous accueillons Tom d'Aquino, chef de la direction et président du Conseil canadien des chefs d'entreprise, accompagné de Sam Boutziuovis, vice-président, Économie et commerce international. Nous avons aussi Carl Potts, de Pulse Canada, et Greg Simpson, de Simpson Seeds.
    Je demande à M. Potts de commencer. Je sais que vous allez partager votre temps de parole avec votre collègue et vous aurez 10 minutes pour vous deux. Ensuite, je donnerai la parole à M. d'Aquino.
    Monsieur Potts, de Pulse Canada, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui sur une question extrêmement importante pour notre secteur, les accords de libre-échange bilatéraux, de manière générale, et l'accord en cours de négociation avec la Colombie, en particulier.
    J'ai le grand plaisir d'être accompagné de Greg Simpson, de Simpson Seeds, à Moose Jaw, en Saskatchewan. C'est quelqu'un qui connaît particulièrement bien son industrie et je lui demanderai de faire quelques remarques dans un instant en ce qui concerne particulièrement la Colombie.
    Pulse Canada est l'association nationale représentant les cultivateurs, les transformateurs et les exportateurs de légumineuses et de cultures spéciales du Canada. Nous nous occupons généralement d'expansion des marchés mais aussi de questions d'accès au marché au Canada même.
    L'industrie canadienne des légumineuses et des cultures spéciales exporte environ 70 à 75 p. 100 de sa production dans 150 pays, ce qui représente en moyenne 800 millions de dollars par an. L'an dernier, en 2007, elles ont dépassé 1,25 milliard de dollars. Considérant l'importance des exportations pour le secteur, il est extrêmement important pour nous de préserver notre accès compétitif aux marchés internationaux.
    Le secteur des légumineuses s'intéresse de très près aux négociations bilatérales de libre-échange depuis environ 2004, c'est-à-dire depuis que certains de nos concurrents, notamment les États-Unis, ont entrepris une campagne vigoureuse de négociation d'accords de libre-échange bilatéraux avec des pays qui étaient des marchés cruciaux pour nous.
    Il y a déjà un certain temps que nous appuyons la négociation d'accords bilatéraux stratégiques de libre-échange, notamment avec le Pérou, la Colombie, la République Dominicaine et le Maroc. Nous sommes heureux que le Canada ait lancé en 2007 des négociations avec la Colombie, le Pérou et la République Dominicaine.
    Dans les négociations de libre-échange, notre objectif est que les tarifs douaniers soient éliminés le plus rapidement possible. C'est réellement notre objectif principal pour les légumineuses et les cultures spéciales. Toutefois, le minimum pour nous est d'obtenir au moins un accès paritaire au marché — c'est-à-dire un accès au moins aussi bon que celui qu'ont obtenu nos concurrents — pour ne pas perdre notre compétitivité à cause de tarifs préférentiels.
    Globalement, la Colombie est le septième marché du Canada pour les légumineuses et les cultures spéciales, nos exportations représentant en moyenne environ 42 millions de dollars par an. En 2007, nous y avons exporté pour 57 millions de dollars de produits. Dans l'ensemble de nos exportations de produits agricoles et agroalimentaires en Colombie, les légumineuses arrivent au deuxième rang après les céréales. C'est donc un marché très important pour nous. Toutefois, c'est un marché encore plus important du point de vue de catégories particulières de légumineuses et de cultures spéciales. Ainsi, la Colombie est notre premier ou deuxième plus gros marché d'exportation de lentilles vertes, avec environ 37 millions de dollars d'exportations en 2007. C'est également le cas pour les pois secs, dont nos exportations en Colombie ont atteint environ 15 millions de dollars en 2007. Ce pays est notre sixième marché anada pour les graines à canaris, et le cinquième pour les pois chiches.
    En ce qui concerne l'incidence des accords négociés par nos concurrents, les États-Unis ont obtenu un accès préférentiel pour leurs légumineuses. Ils ont obtenu un accès sans droits de douane pour des quantités illimitées de pois secs, de lentilles et de pois chiches, ainsi que pour certaines cultures spéciales. En ce qui concerne les haricots, l'accord prévoit un système de quotas avec tarifs douaniers qui permettra aux États-Unis d'augmenter progressivement leur accès à la Colombie sur une période d'une dizaine d'années.
    Qu'est-ce que cela signifie du point de vue de la compétitivité des produits canadiens? Tout d'abord, que nos produits seront désavantagés à cause d'un tarif de douane d'environ 15 p. 100 pour les pois secs, les lentilles, les pois chiches et les graines à canaris. À titre d'exemple, les lentilles valent aujourd'hui environ 1 000 $ la tonne; un handicap douanier de 15 p. 100 représente environ 150 $ la tonne. Dans un secteur où une différence de quelques dollars la tonne suffit pour décrocher un contrat ou non, il est évident qu'un handicap douanier de 15 p. 100 signifie que les produits canadiens seront exclus du marché.
    Je crois comprendre que les membres du comité sont allés en Colombie et ont recueilli l'opinion d'officiels colombiens mais j'aimerais quand même vous communiquer certains commentaires que nous avons reçus de ce pays.
    En 2006, nous avons organisé un colloque et des rencontres avec des importateurs en Colombie. Nous avons constaté que la délégation canadienne a été confrontée à des importateurs colombiens en colère contre nous et contre le gouvernement canadien parce que ce dernier n'avait pas encore entamé de négociations avec la Colombie. En tant qu'importateurs, les Colombiens bénéficient d'un accès égal aux légumineuses par rapport aux autres pays producteurs de légumineuses et ils tiennent absolument à conserver l'accès aux produits canadiens. En effet, cela leur garantit qu'il y a une concurrence sur leur marché intérieur et leur assure un accès concurrentiel aux produits dont ils ont besoin.
    Les citoyens colombiens en profiteront-ils? Absolument, parce que les légumineuses sont une source de protéines importantes dans le monde entier et que des tarifs douaniers plus bas peuvent faire baisser le coût des aliments.
     En résumé, je dirais que nous essayons d'atteindre trois objectifs principaux avec un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Premièrement, nous voulons maintenir l'accès au marché colombien sur une base de parité douanière avec les États-Unis et avec nos autres concurrents afin de ne pas être désavantagés sur ce marché. Cela constitue un objectif absolument primordial pour la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie, ou avec n'importe quel autre pays, d'ailleurs, et je crois comprendre que d'autres secteurs agricoles ont exprimé un point de vue similaire devant votre comité.
    Deuxièmement, nous voulons aussi conserver la parité avec les autres pays pour les haricots au lieu d'être confrontés à un désavantage douanier de 60 p. 100 par rapport aux pays andins. Un accord canadien nous aidera à récupérer la parité douanière pour les producteurs de haricots riz.
    Troisièmement, l'abaissement des tarifs douaniers réduira le coût des produits et des aliments pour les importateurs et les consommateurs. Quand on parle de produits très sensibles aux prix, comme les graines à canaris, c'est particulièrement important pour stimuler la demande.
    J'invite maintenant M. Simpson à faire quelques remarques complémentaires sur le marché colombien avec lequel il travaille depuis près de 25 ans et qu'il connaît donc très bien.
(1550)
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
    Je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer mon point de vue sur l'incidence que pourrait avoir cet accord bilatéral de libre-échange sur notre entreprise et sur notre secteur.
    Je viens de Moose Jaw, collectivité qui est au coeur de la production canadienne de lentilles et de beaucoup d'autres légumineuses. Sans les lentilles, notre exploitation et notre entreprise n'auraient pas survécu pendant les 30 dernières années. C'est en grande mesure parce que les prix des céréales étaient très bas que nous avons dû nous diversifier dans une production plus rentable.
    Nous fournissons des semences à près de 2 300 agriculteurs dans un rayon de 200 milles autour de notre ferme, et nous leur achetons leur production de lentilles. Pour vous donner une idée de notre expansion, je vous dirais que nous avions trois employés il y a 30 ans, quand nous avons créé notre entreprise, et que nos expéditions s'élevaient alors à environ un million de tonnes par semaine. Aujourd'hui, nous avons trois usines de transformation et 65 employés. Nous travaillons 24 heures par jour et nous exportons 5,5 millions de livres par semaine. Nous nous sommes donc considérablement agrandis. Nous expédions environ 25 conteneurs par jour quand nous travaillons à pleine capacité.
    Il va sans dire que ce secteur est très important pour nous. La Colombie est le premier acheteur de lentilles de notre région, notamment de grosses lentilles à rayures vertes qui sont surtout cultivées dans notre région. Elle en importe environ 68 000 tonnes par an et nous traitons directement avec les importateurs colombiens. À l'heure actuelle, nous traitons avec le premier importateur de la Colombie qui nous achète environ 50 p. 100 de ces lentilles chaque année.
    La négociation d'un accord bilatéral avec la Colombie est l'occasion pour le Canada d'assurer la viabilité de notre secteur et de contribuer à l'expansion d'une industrie qui s'est en grande mesure développée sans intervention gouvernementale.
    Si les États-Unis nous battent sur la ligne d'arrivée, nous perdrons une partie importante de ce marché en termes de compétitivité et d'expansion du marché. La Colombie est importante. Sans elle, nous aurions rapidement de la surproduction, ce qui entraînerait une baisse des prix pour nos cultivateurs. Ces derniers recevraient alors le signal de ne pas cultiver de lentilles, ce qui aurait une incidence directe sur notre entreprise en termes de réduction des exportations. La réduction des exportations se traduirait par une baisse du personnel parce que nous n'aurions plus autant de produits à expédier. Évidemment, nous ferions des efforts pour trouver d'autres marchés mais ce serait très difficile parce que la Colombie occupe actuellement une place tellement importante pour notre entreprise.
    En fin de compte, le Canada est un pays béni par une abondance de ressources naturelles. Il nous appartient de bien les gérer dans l'intérêt de tous les citoyens, qu'ils soient cultivateurs, transformateurs ou exportateurs. Ce qui est également important, c'est de pouvoir livrer nos pois, nos lentilles et nos pois chiches à nos consommateurs. Abattre les obstacles au commerce international me permettra de mieux faire mon travail et de faire du bien à ceux qui ont besoin de produits alimentaires.
    Le coût actuel des tarifs douaniers, qui est de 150 $ la tonne, est élevé. Le prix des aliments a doublé, si ce n'est triplé, au cours de l'année écoulée à cause de phénomènes mondiaux. Cela représente une somme énorme pour les gens qui essayent d'acheter nos produits.
    Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
(1555)
    Merci, monsieur Potts et monsieur Simpson.
    Avant de continuer, je voudrais clore cette partie concernant nos producteurs céréaliers et alimentaires et nos producteurs de semences. Je crois que vous avez tous reçu une lettre de la Commission canadienne du blé. Nous avions aussi envisagé de la faire comparaître devant le comité. Elle nous a envoyé une lettre et je pense qu'il serait utile d'en lire rapidement les passages pertinents concernant cet accord, ce qui lui fera économiser un voyage. Toutefois, si vous tenez à ce qu'elle comparaisse, nous pourrons aussi la convoquer.
    Voici donc, à titre d'information, ce que dit la Commission canadienne du blé :
La Colombie est l'un des marchés latino-américains connaissant la plus forte expansion pour les céréales de la CCB, et c'est le plus gros marché d'Amérique latine pour l'orge du Canada. En 2006-2007, les agriculteurs de l'Ouest canadien ont exporté environ 417 000 tonnes de blé et 73 000 tonnes d'orge en Colombie.

[Français]

    Avez-vous une copie de cette lettre en français? Les interprètes se plaignent qu'ils n'ont pas de lettre. À la vitesse que vous pouvez lire, les interprètes auront de la difficulté à la traduire en français. Avez-vous au moins une copie pour les interprètes?

[Traduction]

    Je n'ai pas de version française et je vais donc lire un peu plus lentement, si cela peut être utile. Il n'y a que deux paragraphes.
    Nous parlions des agriculteurs et voici ce que dit ensuite la Commission :
Aux cours d'aujourd'hui, ces ventes canadiennes de blé et d'orge avaient une valeur de 230 millions de dollars.

    La perte éventuelle de ce marché crucial inquiète profondément notre organisation. Comme vous le savez, le gouvernement américain a signé un accord americano-colombien de promotion du commerce. S'il est ratifié, le blé et l'orge du Canada destinés à la Colombie pourraient être frappés d'un handicap douanier de 15 p. 100 par rapport aux équivalents américains, ce qui représenterait environ 70 $ la tonne pour le blé, au cours actuel. En outre, la Colombie négocie aussi un ALE avec l'Union européenne.

    Le désavantage commercial de tels accords entraînera l'exclusion du blé et de l'orge canadiens du marché de la Colombie, ce qui se traduira par des ventes perdues pour les agriculteurs de l'Ouest canadien.

Au nom de la CCB, j'encourage vivement votre comité à appuyer ces négociations. N'hésitez pas à nous contacter si vous avez d'autres questions ou souhaitez d'autres informations.

     Cette lettre nous a été envoyée par Larry Hill, président du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. Elle sera jointe au procès-verbal.
    Après cette précision, nous reprenons l'audition des témoins. Je ne déduirai pas mon intervention de votre temps de parole, monsieur d'Aquino.
     Je donne maintenant la parole à Thomas d'Aquino, du Conseil canadien des chefs d'entreprise.
    Merci, monsieur le président. Nous sommes toujours prêts à céder la parole à la Commission canadienne du blé.
    Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vais faire une brève déclaration liminaire. Je vous promets qu'elle ne dépassera 10 minutes. Ensuite, mon collègue, Sam Boutziouvis, et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
    À titre de représentants du Conseil canadien des chefs d'entreprise, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour traiter d'une question très importante pour le Canada. Je vais essayer d'indiquer pourquoi nous appuyons la négociation d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie et je vais tenter de répondre à certaines préoccupations concernant les droits humains, la main-d'oeuvre et l'environnement.
    Pour ceux d'entre vous qui ne le savez pas, le Conseil canadien des chefs d'entreprise regroupe des PDG et des entrepreneurs de 150 des plus grandes entreprises du Canada. Nous sommes un organisme de recherche, d'élaboration de politiques et de promotion. La très grande majorité de l'investissement canadien, des exportations canadiennes, des activités de recherche et de développement du Canada et de la formation professionnelle au Canada émane des entreprises membres du Conseil.
    Je dois vous dire aussi que nous sommes actifs depuis longtemps dans le domaine du libre-échange puisque nous avons joué un rôle de leadership en faveur de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, de l'ALÉNA, et de nos accords de libre-échange avec le Chili, le Pérou, Costa Rica, Israël et l'EFTA. Aujourd'hui, nous participons de manière très active à l'obtention d'accords de libre-échange avec l'Inde et avec l'Union européenne. Le libre-échange est donc l'une de nos préoccupations traditionnelles parce que nous croyons en une économie ouverte et en une économie capable de tirer parti des avantages considérables dont jouit le Canada sur le plan commercial, dans l'intérêt des emplois canadiens et de la croissance canadienne.
    Je commence. Tout d'abord, monsieur le président, nous croyons qu'un accord de libre-échange ambitieux et exhaustif entre le Canada et la Colombie rehaussera notre accès à un marché d'exportation nouveau et en expansion. Avec une population de quelque 45 millions d'habitants — vous le savez puisque que vous y êtes allés — et une forte croissance économique, la Colombie représente un marché important pour les produits et services canadiens. Le potentiel de la Colombie n'est pas passé inaperçu dans nos entreprises. Plus de 1 000 entreprises canadiennes font du commerce en Colombie. L'investissement étranger direct du Canada en Colombie s'élève aujourd'hui à environ 3 milliards de dollars, et nous pensons qu'il augmentera à mesure que nous nous approcherons de la conclusion d'un accord.
    Les exportations annuelles du Canada en Colombie ont plus que doublé au cours des cinq dernières années et atteignent aujourd'hui 660 millions de dollars. L'accord envisagé profitera aux entreprises et aux travailleurs d'un large éventail d'industries comme l'automobile, l'acier, les produits chimiques, les infrastructures publiques, les forages pétroliers, l'environnement, l'ingénierie, l'agriculture — vous avez entendu nos collègues parler de l'importance de la Colombie pour les lentilles, et nous avons aussi entendu la Commission canadienne du blé en parler pour l'orge et le blé —, les engrais, le papier et les autres produits forestiers, les produits du cuivre, les textiles, l'habillement et la chaussure, les mines et la fabrication avancée, par exemple de machinerie et d'équipement minier.
    À nos yeux, mesdames et messieurs, un accord de libre-échange ambitieux, exhaustif et offrant un accès réciproque favorisera une meilleure connaissance de cette économie dynamique et croissante qu'est l'économie colombienne et en ouvrira l'accès au savoir-faire et à l'ingéniosité des entrepreneurs canadiens bien au-delà des produits et services que je viens d'énumérer.
    Les milieux d'affaires canadiens sont fortement en faveur d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie comprenant les dispositions fondamentales suivantes : accès élargi aux marchés publics; libéralisation du secteur des services; protection renforcée des brevets canadiens, des marques de commerce et des secrets commerciaux; facilitation des procédures douanières; avantages accrus pour les PME exportatrices; réforme de l'environnement législatif et commercial local pour encourager l'expansion des entreprises et l'investissement; et, finalement, interdiction de la double taxation.
    La deuxième raison pour laquelle nous appuyons vigoureusement cet accord est qu'il placera les travailleurs, les agriculteurs et les entrepreneurs canadiens sur un pied d'égalité avec leurs concurrents. Comme vous le savez, le marché canadien est déjà ouvert aux importations colombiennes. L'an dernier, plus de 80 p. 100 de ce que nous avons importé de la Colombie est entré au Canada en exonération de droits. Un accord de libre-échange donnera aux entrepreneurs, aux agriculteurs et aux travailleurs canadiens un accès similaire à cet important marché en expansion.
(1600)
    Comme on vous l'a dit, la Colombie impose un tarif douanier moyen de 11 p. 100 sur les biens industriels, de 17 p. 100 sur les produits agricoles — 15 p. 100 sur le blé —, de 15 p. 100 à 20 p. 100 sur le fils de coton et les produits du papier, et pouvant atteindre 80 p. 100 sur la viande de boeuf. L'abolition de ces tarifs de douane serait très bénéfique au Canada.
    Il est crucial de penser au contexte international. Par exemple, les États-Unis ont déjà terminé leurs propres négociations de libre-échange, même si je sais bien que le processus est maintenant en panne et que Nancy Pelosi et les démocrates disent non, pour le moment en tout cas. Je n'ai aucun doute que ce n'est qu'une question de temps et que la Colombie reviendra au premier plan après le changement d'administration.
    Si l'on examine le Canada et les États-Unis, il est souvent arrivé dans le passé que des dirigeants politiques disent : « Je n'appuierai pas cet accord et je l'abolirai si je suis élu » mais qu'ils n'en fassent rien une fois élus. Nous avons donc grand espoir que les États-Unis se rapprocheront de la Colombie, pour des raisons parfaitement convaincantes, que ce soit sous les Démocrates ou sous les Républicains.
    Entre-temps, comme vous le savez, la Colombie essaye de libéraliser son commerce avec l'Union européenne, les membres de l'Association européenne de libre-échange, le Chili, le Mexique et d'autres. À notre avis, le Canada ne peut se permettre de prendre du retard s'il veut rester compétitif et ne pas se faire exclure de ce marché par des négociateurs plus agressifs.
    La troisième raison, monsieur le président, est qu'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie favorisera la croissance économique et la réduction de la pauvreté en Colombie. Les réformes mises en oeuvre au cours de la dernière décennie ont beaucoup profité aux Colombiens. En 2006-2007, la Banque mondiale plaçait la Colombie parmi les 10 premiers pays au monde sur le plan des réformes économiques — pas de la performance économique — et, l'an dernier, l'économie colombienne a connu un taux de croissance de plus de 6,5 p. 100. De même, le Fonds monétaire international s'attend à une croissance économique moyenne de 5 p. 100 par an au cours des cinq prochaines années. Le chômage est tombé de 16 p. 100 en 2002 à environ 10 p. 100 l'an dernier, et on estime que 10 millions de Colombiens sont sortis de la pauvreté au cours des cinq dernières années. Les salaires ont augmenté pendant cinq années de suite et l'inflation est tombée à environ 5 p. 100. Ceux d'entre vous qui êtes membres de ce comité très important savez que bien des pays souhaiteraient avoir des résultats aussi encourageants.
    La conclusion d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie donnera le signal que le Canada appuie vigoureusement les initiatives pro-croissance du président Alvaro Uribe, ce qui rehaussera la confiance des gens d'affaires envers la Colombie.
    Quatrièmement, monsieur le président, nous pensons que l'accord renforcera les réformes démocratiques et les droits humains en Colombie. Contrairement à ce que d'autres témoins vous ont dit, je le sais, l'histoire récente prouve de manière incontestable que des réformes pro-marché favorisent le développement des institutions démocratiques qui sont tellement importantes pour assurer l'efficacité du gouvernement. Elles permettent d'approfondir les relations entre les pays et de rehausser la protection des droits humains et la responsabilité. Le surcroît d'activité économique résultant d'un accord de libre-échange débouchera sur la création d'emplois meilleurs et de nouvelles opportunités dans l'économie officielle. Cela découragera la corruption. Certes, ça ne l'éliminera pas mais ça la découragera, et ça permettra au gouvernement de faire des investissements additionnels dans des institutions favorisant la règle de droit et la transparence.
    Il y a moins d'une décennie, beaucoup pensaient que la Colombie était un État défaillant. En 2000, encore, une bonne partie du pays était contrôlée par des groupes terroristes et d'impitoyables cartels de la drogue. Certes, il y a encore beaucoup à faire mais la transformation en quelques années a été spectaculaire. Les faits sont là. Depuis 2000, les niveaux de violence générale ont baissé de 40 p. 100; d'assassinat, de 40 p. 100; d'enlèvement, de 83 p. 100; et d'attaque terroriste contre les infrastructures publiques, de 76 p. 100.
    Le libre-échange et l'expansion économique seront une source de nouvelles opportunités pour les économies informelle et illicite qui ont pendant trop longtemps été dominées par le commerce de la drogue. L'expansion économique et l'ouverture ont déjà entraîné la démobilisation de plus de 40 000 combattants paramilitaires, dont 95 p. 100 ont réintégré avec succès la société colombienne normale.
    Comprenez-moi bien : la violence reste une plaie en Colombie. Nous le savons fort bien. Les coûts sociaux et économiques du conflit sont extrêmement élevés mais les problèmes restants sont traités avec succès. La Colombie est une démocratie dynamique possédant une longue histoire d'élections libres, de presse libre et de partis d'opposition efficaces.
(1605)
     Il n'est pas sans intérêt de souligner que le peuple colombien vient d'accorder un taux d'approbation de 80 p. 100 à son président. À notre avis, la Colombie est sur la bonne voie.
    Permettez-moi de conclure sur une cinquième remarque, monsieur le président. La Colombie est un élément vital de la stratégie canadienne de repositionnement dans la région. Pendant trop longtemps, le Canada n'a été l'ami de ses voisins de l'hémisphère Sud que quand les choses allaient bien. Heureusement, cela commence à changer. Sur la base de nos accords de libre-échange avec le Chili, le Costa Rica et maintenant le Pérou, le gouvernement du Canada négocie avec plusieurs pays des Caraïbes et d'Amérique centrale. Un accord de libre-échange avec la Colombie consolidera notre stratégie d'engagement accru dans les Amériques, ce qui est pour nous une évolution très positive. Le Canada n'a pas été engagé de manière aussi constructive dans l'hémisphère Sud depuis son accession à l'Organisation des États américains et la signature de l'accord de libre-échange historique avec le Chili.
    Le Conseil est convaincu que ces négociations sont dans l'intérêt économique et stratégique du Canada et de la Colombie. Certes, nous devrons attendre leur aboutissement pour dire si l'accord lui-même est suffisamment ambitieux et exhaustif. Nous ne voulons pas d'un accord fragmentaire. Nous voulons un accord exhaustif et très large.
     Je pense que retarder ou annuler ces négociations enverrait un mauvais signal au mauvais moment au peuple colombien. Tout retard constituerait un recul de notre politique commerciale et étrangère.
    Je crois comprendre que le gouvernement du Canada essaie de négocier des accords de grande qualité sur la main-d'oeuvre et l'environnement parallèlement à l'accord de libre-échange, avec des mécanismes de règlement des différends. En outre, notre gouvernement est déterminé à collaborer étroitement avec la Colombie dans les domaines de la responsabilité sociale des entreprises et du développement des capacités.
    Hélas, certains syndicalistes et militants politiques affirment que nous aurions tort de négocier un accord de libre-échange avec la Colombie tant que celle-ci n'aura pas amélioré sa situation sur le plan des droits humains. À mon avis, cela représente un effort regrettable pour faire dérailler une initiative qui serait extrêmement bénéfique au peuple colombien et à la cause de la démocratie.
    J'évoquais il y a un instant la baisse spectaculaire de la violence dans la société colombienne. Permettez-moi de vous donner quelques exemples supplémentaires illustrant le rétablissement de la confiance et un sentiment accru de sécurité. En 2002, quelque 131 maires de Colombie étaient forcés d'exercer leurs fonctions en dehors de leur municipalité. Aujourd'hui, tous les maires vivent et travaillent dans leur municipalité. Le trafic sur les routes colombiennes a doublé depuis 2000; le nombre de touristes a doublé en cinq ans. Apparemment, l'Organisation internationale du travail approuve l'orientation de la Colombie en matière de droits humains et de réforme du droit du travail car, pour la première fois en 20 ans, elle vient de retirer la Colombie de sa liste de surveillance.
    Je le répète, la Colombie continue de faire face à de sérieux problèmes sociaux, touchant notamment les droits humains et la pauvreté. La bonne nouvelle est qu'elle fait des progrès. Nous devrions encourager ses réformes économiques et démocratiques. Loin de nous écarter, nous devrions appuyer le plus possible ses dirigeants.
    En conclusion, monsieur le président, je pense que les travailleurs et entrepreneurs canadiens, dans tous les domaines, ont tout à gagner de la négociation d'un accord de libre-échange ambitieux et exhaustif avec la Colombie. De plus, il est dans l'intérêt du Canada d'avoir des relations actives avec des pays comme la Colombie qui croient à la démocratie, à la règle de droit, à la paix et à la sécurité. La conclusion de cet accord offrira certainement une meilleure protection aux travailleurs et à l'environnement tout en rehaussant le développement des capacités et la responsabilité sociale des entreprises. Pour toutes ces raisons, nous appuyons cette initiative.
    Permettez-moi de dire aussi que, conformément à la philosophie de notre organisation — nous appliquerions le même raisonnement à la Chine ou à n'importe quel autre pays, que ce soit Cuba ou même la Corée du Nord —, notre position est celle de l'engagement constructif, de l'ouverture des marchés et d'une action patiente pour atteindre ces objectifs — si la patience est nécessaire — qui sont absolument essentiels pour amener progressivement dans la famille des nations, de manière pleine et complète, des pays qui ne partagent pas nécessairement nos valeurs démocratiques.
    Merci beaucoup.
(1610)
    Merci, monsieur d'Aquino.
    Comme nous avons commencé en retard, notre temps est un peu limité. J'ai l'impression qu'il n'y aura qu'un tour de questions. J'aimerais donc demander aux membres du comité de se limiter à cinq minutes pour ce groupe. Vous savez en effet que nous avons un autre groupe de témoins à 16 h 30 — nous allons repousser un peu leur comparution. J'aimerais que chaque parti puisse intervenir pendant cinq minutes. Si vous voulez, vous pouvez partager votre temps de parole avec vos collègues. Il n'y aura qu'un tour de questions pour ce groupe de témoins.
    Nous commençons avec M. Bains, du Parti libéral.
(1615)
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus devant le comité.
    Comme vous le savez, cette question est très importante. Nous sommes allés en Colombie pour faire directement l'expérience de sa complexité. Vous y avez fait allusion dans vos remarques, monsieur d'Aquino. Ce n'est pas tout noir ou tout blanc. Ce pays est plein de contradictions extrêmes. Vous en avez évoqué certaines mais je voudrais illustrer certaines des choses que nous avons vues.
    Il y a une croissance extrême, de 7 p. 100 ou 8 p. 100, mais une pauvreté extrême. Vous avez Uribe à 80 p. 100 — il est donc très populaire — mais vous avez un Congrès dont 30 membres sont en prison et 30 font l'objet d'enquêtes. Vous avez un pays qui est très démocratique mais qui fait face à beaucoup de conflits internes. Ce n'est donc pas tout rose. Il y a des défis extrêmes auxquels il faut s'attaquer. C'est cela qui a suscité cette étude sur les droits humains et l'environnement, en particulier.
    Vous avez dit qu'il ne faut pas examiner le libre-échange isolément. Vous avez dit qu'il doit y avoir un effort concret pour examiner ces autres questions. Jusqu'où pensez-vous que l'accord de libre-échange devrait aller au sujet de ces questions de droits humains, de droit du travail et d'environnement? Voilà une série de questions.
    Deuxièmement, vous avez dit que la Colombie est une priorité. Quel niveau de priorité lui donnez-vous à la lumière de certains des autres accords potentiels de libre-échange que nous pourrions tenter de négocier, ou des autres marchés que nous pourrions viser du point de vue de nos intérêts stratégiques? Où se situe la Colombie en termes de priorité?
    Si vous pouviez répondre à ces questions, je vous en serais très reconnaissant.
    Merci beaucoup, monsieur Bains.
    Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Sur la question de savoir qui devrait être plus prioritaire — par exemple, si l'Union européenne ou l'Inde devraient avoir la priorité sur la Colombie —, si nous commençons à identifier les accords de libre-échange strictement en fonction de la taille du marché, nous pourrions aussi bien avoir une liste de cinq noms et oublier tous les autres. Vous savez que ce n'est pas ce que nous souhaitons.
    Mais nous avons nos propres ressources... [Inaudible]
    Nous n'appuyons pas l'idée de négocier uniquement des accords bilatéraux avec n'importe qui. La raison pour laquelle nous pensons que la Colombie est importante est que c'est un pays très important de l'hémisphère, je suis sûr que vous en conviendrez. C'est certainement un pays très important en Amérique du Sud. C'est un pays de taille importante, de maturité importante et de profondeur importante. Il offre beaucoup d'avantages, même s'il a eu une histoire très troublée et, comme vous dites, beaucoup de problèmes encore irrésolus.
    J'ai dit que la Colombie nous aiderait à bâtir une série de ponts et de pierres angulaires pour le Canada dans un continent dont nous avons été trop longtemps absents. Je n'ai pas à vous rappeler qu'avant de passer un accord bilatéral avec le Chili notre présence en Amérique latine, et même au sud de la frontière des États-Unis, étant donné que notre relation avec le Mexique est relativement récente...
    Il est très important pour nous d'être présents dans cet hémisphère, d'abord parce que nous pensons avoir quelque chose à offrir. Ensuite, parce que nous pensons qu'il y a des synergies importantes. Si vous me demandez où cela s'intègre, je vous dirais que dans notre monde, dans le monde de l'hémisphère occidental, après avoir passé des accords avec le Mexique et le Chili, c'est la Colombie qui vient juste après. Si vous me demandez si elle est plus importante que le Brésil, je vous réponds que le Brésil n'est pas en cause pour le moment et qu'il ne le sera probablement pas avant longtemps.
    Pour ce qui est de la première question, j'ai toujours considéré dans ma vie professionnelle qu'il y a un lien inextricable entre des marchés ouverts, la libéralisation démocratique, la règle de droit et le respect de l'environnement. À mon avis, c'est l'une des raisons pour lesquelles l'Union soviétique s'est effondrée. C'est l'une des raisons pour lesquelles la Chine se joint aujourd'hui à la famille des nations. Il y a beaucoup de pays qui ne partagent pas, en termes absolutistes, nos valeurs démocratiques ou notre protection des valeurs qui nous sont chères, comme l'environnement et les droits humains, mais nous ne leur disons pas que nous n'aurons aucune relation avec eux tant qu'ils n'auront pas atteint notre niveau de perfection. Pourquoi avons-nous des relations avec la Chine? Parce que nous voulons amener la Chine dans le monde de la famille des nations même s'il y a des imperfections qui prendront un certain temps à régler. C'est la même chose pour la Colombie.
    À notre avis, l'environnement, les droits humains, la responsabilité sociale des entreprises et le développement des capacités sont extrêmement importants. Devrait-on leur accorder le même degré d'importance dans la négociation de ce que j'appellerais les éléments noirs et blancs d'un accord de libre-échange? Tout simplement, oui. J'en suis fermement convaincu. Je ne pense pas que nous pouvons aller négocier un accord de libre-échange avec n'importe quel pays sans tenir compte de ces autres choses parce que ce sont des choses essentielles.
    Merci beaucoup.
    Me reste-t-il du temps?
(1620)
    Oui, il vous reste une minute.
    Très bien. Monsieur Dhaliwal, soyez bref.
    Je reviens sur votre affirmation que les droits humains et la responsabilité des entreprises doive être des éléments de l'accord. Pensez-vous que cela devrait faire partie d'un article séparé ou de l'accord lui-même?
    Notre position à ce sujet, si je reviens au tout premier des accords de libre-échange que nous avons négociés, l'accord entre le Canada et les États-Unis, qui fut le précurseur de nombreux autres — bien des gens ne réalisent pas que ce fut la pierre angulaire de milliers d'accords bilatéraux qui ont suivi —, est que nous avons été confrontés à beaucoup des mêmes problèmes quand nous avons commencé à négocier avec le Mexique.
    Mon opinion a toujours été la suivante : un accord de libre-échange doit être un tout en soi. Les protocoles, les accords portant sur l'environnement, les droits des travailleurs et les droits humains, doivent être des éléments autonomes. Je n'ai jamais considéré qu'ils ont moins de valeur ou d'importance parce qu'ils sont autonomes. Donc, quand on insiste pour rejeter tout dans le même...
    Si j'étais un militant à 110 p. 100 à temps plein des droits humains, je dirais que je ne veux pas qu'on accole des accords de libre-échange à mon accord sur les droits humains. La raison en est que je ne voudrais pas nuire en quoi que ce soit à la pureté, à la clarté et à l'importance de cela. Si vous mettez tout ensemble, qu'est-ce que vous avez?
    Je suis donc en faveur d'accords parallèles avec des crocs, sérieux et négociés de manière très sérieuse, mais je ne les mettrais pas tous ensemble. Si vous mettez tout ensemble — je suis avocat d'affaires —, les gens qui seront appelés à appliquer ces accords commerciaux auront tendance à ne peut-être pas attacher autant de valeur aux accords sur les droits humains. Pour ma part, je veux que l'engagement de notre pays et des autorités colombiennes à l'égard des droits humains tienne debout tout seul et repose sur des fondations très solides sans être un élément accessoire d'un autre accord.
    Vous savez, les économistes vous diront que les accords de libre-échange sont extrêmement plus importants et que nous avons en plus ce petit accord secondaire portant sur les droits humains. Ce n'est pas comme ça que je vois le monde. Je suis favorable à ce qu'il y ait des accords secondaires — je ne dis même pas accords secondaires mais plutôt accords complémentaires — qui soient eux-mêmes très solides et négociés très sérieusement. Je pense que, dans le cas de la Colombie, c'est extrêmement important.
    Merci, monsieur Dhaliwal et monsieur d'Aquino.
     Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps, autant que faire se peut, avec mon collègue. En effet, il y a beaucoup de choses à dire.
    Monsieur d'Aquino, vous êtes représentant et proche du PSP, soit le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité. Malheureusement, nous, les parlementaires, n'en sommes pas proches. Vous dites avoir d'importantes préoccupations à l'égard des droits de la personne, des travailleurs et de l'environnement, et c'est tout à votre honneur.
    Les 7 et 8 avril derniers, j'ai assisté à Montréal à une conférence intitulée « Humaniser le commerce ». Plus de 20 spécialistes de toutes provenances s'y trouvaient. S'il y a une chose qui, au terme de ces deux jours de travail et de présentations, faisait l'unanimité, c'était le fait que jamais un accord de libre-échange n'a contribué directement à l'avancement des droits des travailleurs ou de l'environnement. Je comprends que vous ne vouliez pas parler d'ententes parallèles parce que par rapport à un accord de libre-échange, ça demeure en effet parallèle. Ça se rejoint peu, voire pas du tout. Des ententes complémentaires qui ne sont pas intégrées à un accord n'ont jamais non plus été profitables aux droits de la personne et à l'environnement.
    Si on veut vraiment qu'il y ait un avancement — et c'est ce que vous semblez souhaiter —, comment peut-on y arriver et donner du mordant à ces ententes?
    Monsieur Cardin, j'aimerais répondre dans la langue de Shakespeare, et non dans celle de Molière, de façon à mieux m'expliquer.
    Nous ne sommes pas d'accord, évidemment.

[Traduction]

    Ce que vous dites me semble tellement contestable — pas détestable mais contestable — parce que, si l'on examine toute l'évolution depuis l'après-guerre, que voit-on? Si vous et moi avions participé à cette réunion de comité il y a 15 ou 20 ans, la plupart des pays étaient alors des dictatures ou des économies centralisées. Qu'avons-nous constaté au cours des 25 dernières années? Que la plupart des dictatures ont été balayées. Pourquoi? Parce que, dans le même temps, nous avons vu les économies s'ouvrir.
    Qu'est-ce que l'Union européenne si ce n'est un accord massif de libre-échange interne? Pensez-vous que les travailleurs de France, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie et des 27 pays de l'Union européenne n'ont vu aucun lien entre l'ouverture de l'Union européenne et la protection de leurs droits? Allez poser la question à n'importe quel dirigeant d'un pays d'Europe occidentale, vou verrez ce qu'il vous dira.
(1625)

[Français]

« Monsieur Cardin, je ne sais pas dans quel monde vous vivez. »

[Traduction]

    Deuxièmement, prenez le cas du Mexique, pays qui a encore beaucoup de problèmes. Si vous comparez le Mexique d'aujourd'hui, où il y a une presse libre beaucoup plus dynamique, où il y a un président qui, lors de dernières élections, a battu par une majorité extrêmement mince le parti central dominant qui avait été au pouvoir pendant 72 ans, que voit-on dans le Mexique d'aujourd'hui? On voit une démocratie beaucoup plus dynamique, beaucoup plus d'ouverture et, avec cela, plus de responsabilité, plus de transparence et toutes les choses qui vont avec l'ouverture.
    En réalité, qu'est-ce que l'OMC si ce n'est un gigantesque accord de libre-échange? La réalité est que le monde de l'après-guerre a rejeté totalement le postulat de nombreuses personnes voulant que le libre-échange soit incompatible avec les droits humains.
    La dernière chose que je dirais, monsieur Cardin, et c'est une démonstration a contrario, c'est que la raison pour laquelle nous voyons des réformes démocratiques en Chine aujourd'hui n'est pas que les dirigeants chinois ont décidé de réformer leur pays par bonté d'âme. Ils y sont amenés parce qu'ils ont un marché dynamique avec des gens, l'Internet, les communications, la technologie, les télécopieurs et tout le reste. Voilà ce que veut vraiment dire l'ouverture...

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, mais compte tenu que vous ne voulez pas vraiment répondre à ma question, je vais laisser mon collègue poser la sienne.
    Lors de notre mission en Colombie, on nous a dit que les assassinats de syndiqués avaient augmenté au cours des dernières années et que sur les 61 membres du Congrès, 31 étaient en prison et 30 autres faisaient l'objet d'une enquête reliée à des groupes paramilitaires. Je considère qu'il y a derrière ces faits une crise politique. En outre, on parle d'entreprises américaines — et non canadiennes pour le moment — qui se sont associées avec des groupes paramilitaires et ont contribué au déplacement de trois à quatre millions de personnes. On a discuté de cette question au cours des dernières rencontres du comité.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet ainsi qu'à propos de la responsabilité sociale des entreprises. Comment voyez-vous cette responsabilité sociale dans la perspective d'un accord avec la Colombie? Croyez-vous qu'elle devrait être intégrée à l'accord de libre-échange ou à un chapitre de celui-ci?
    Monsieur André, je vais tenter de répondre à votre question.

[Traduction]

    Parlons d'abord de la question très tragique des assassinats. Je sais parfaitement depuis longtemps qu'il y a un nombre d'assassinats élevé et inacceptable, pas seulement en Colombie mais dans de nombreuses parties de l'hémisphère. Ça existe au Mexique d'aujourd'hui, ça existe dans beaucoup de pays et c'est terrible.
    La seule chose que je veux vous dire c'est ceci : selon la revue The Economist, le taux d'assassinat de syndicalistes colombiens est tombé à 5 sur 100 100 en 2007, ce qui représente le septième du taux d'assassinat de Colombiens en général.
    Je ne fais aucune différence entre la perte de vie d'un syndicaliste et de n'importe quel autre Colombien. Toute perte de vie est tragique. Je veux seulement signaler que les homicides de syndicalistes ont baissé de 80 p. 100, à peu près, en passant d'un maximum de plus de 200 en 2001 à 33 l'an dernier. Certes, 33, c'est encore trop, mais soyons clairs : à moins que vous et moi n'ayons des bases de données totalement différentes... Et je ne cite pas le Conseil canadien des chefs d'entreprise ici, je cite l'Organisation internationale du travail et The Economist. Tels sont les chiffres. Toute perte de vie est une tragédie.
    La deuxième chose est que, bien sûr, les entreprises ont le devoir d'appliquer leurs valeurs et leur responsabilité sociale partout où elles investissent. Je dirais à cet égard que le passé des entreprises canadiennes et, dans l'ensemble, des entreprises américaines, britanniques, françaises, allemandes, australiennes, néo-zélandaises — nous pouvons prendre la liste de toutes les entreprises présentes dans le monde émergent — montre qu'elles apportent des valeurs qui représentent leurs pays, qu'elles témoignent d'un engagement plus élevé envers la responsabilité sociale et qu'elles sont des forces motrices pour apporter la notion de responsabilité, en termes de bonne gouvernance, dans de nombreuses parties du monde.
    Vous pouvez me dire : « Saviez-vous que la société minière X rejetait le cyanure de ses mines d'or dans le cours d'eau local? » Vous trouverez toujours quelque part une entreprise qui se comporte mal mais si je vous demande de me donner un exemple d'une entreprise canadienne ayant agi de manière criminelle ou irresponsable en Colombie, vous n'en trouverez pas. S'il il y en a une, j'aimerais la connaître.
(1630)
    Merci.
    Désolé, le temps passe vite.
    Nous devons donner la parole à M. Julian.
     Merci, monsieur le président et merci aux témoins. J'ai trois questions à poser et je ferai ensuite un commentaire.
    Monsieur Potts et monsieur Simpson, j'aimerais savoir combien vous avez reçu de soutien pour faire de la promotion commerciale de produits dans le monde au cours de l'année passée. C'est l'un des problèmes que nous avons continuellement au Canada. Nous n'investissons absolument rien pour faire de la promotion commerciale de produits alors que les autres pays investissent considérablement plus.
    Mes autres questions et mon commentaire sont destinés à monsieur d'Aquino. Il y a beaucoup de choses contestables dans ce que vous avez dit. J'aimerais certainement vous lancer le défi de participer à un débat public sur beaucoup de ces questions — par exemple, sur le fait que le Chili de Pinochet est un État de réforme du marché où il y a eu des abus effarants en matière de droits humains; sur la déliquescence rurale du Mexique qui s'est produite et s'est accélérée cette année à cause de beaucoup des dispositions de l'ALENA; et sur ce qui s'est passé au Canada. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise est extrêmement fier du développement économique des 25 dernières années mais les chiffres contredisent vos affirmations. Depuis 1989, le revenu réel a baissé, en réalité, pour deux tiers des familles canadiennes, et nous avons aujourd'hui le même genre d'inégalité des revenus que nous avions dans les années 30, où les Canadiens les plus riches détenaient 50 p. 100 de tous les revenus. Tels sont les faits. C'est ce que nous dit Statistique Canada sur ce qui s'est passé depuis 1989.
    J'estime donc que beaucoup de vos arguments sur le développement économique ne tiennent pas debout. Essentiellement, ce que nous avons maintenant, ce sont des exportations sans emploi. Nous expédions des billots de bois aux États-Unis. Nous expédions du pétrole et du gaz naturel. Nous créons pas d'emplois avec ça et c'est pourquoi les revenus réels s'effondrent. C'est pourquoi, au lieu de bons emplois dans le secteur de la fabrication, nous avons des emplois de service au salaire minimum.
    C'était le commentaire que je voulais faire. Ma question, pour revenir à la Colombie, concerne certaines choses que nous avons entendues là-bas. Nous avons recueilli des témoignages sur des allégations de collusion entre les paramilitaires — il y en a encore des milliers — et de grandes sociétés comme Nestlé, Coca-Cola et Chiquita. Le gouvernement colombien refuse de faire enquête sur ces allégations qui sont très graves et qui ont débouché sur la mort potentielle de syndicalistes.
    Pensez-vous que les entreprises sont au-dessus des lois ou pensez-vous, comme le NPD, que, quand un dirigeant d'entreprise enfreint une loi, il doit faire l'objet d'une enquête approfondie et, si les allégations sont confirmées, être poursuivi dans la plénitude de la loi?
    Mon autre question concerne l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre. Vous avez parlé d'accords de grande qualité sur la main-d'oeuvre alors que nous savons, d'après notre briefing, que ce qui est réellement prévu dans l'accord, c'est seulement une amende et que, si le gouvernement colombien continue de transgresser les droits humains, s'il continue d'y avoir des morts de militants syndicaux et des liens entre les paramilitaires et le gouvernement — toutes les allégations que nous avons entendues —, tout ce que devra faire le gouvernement colombien, ce sera de verser une amende dans un fonds de solidarité.
    Pensez-vous qu'un tel accord sur la main-d'oeuvre soit un accord approprié et de grande qualité et, si oui, quel prix attribuez-vous au massacre continu de syndicalistes et de militants des droits humains en Colombie?
    Avant de vous laisser commencer, nous n'avons que deux minutes pour la réponse. Nous allons donc donner une minute aux autres témoins et une minute à vous, pour être juste.
(1635)
    Très rapidement, nous avons accès à un programme de promotion du commerce international par le truchement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, appelé le Programme international du Canada pour l'agriculture et l'agroalimentaire. Ce programme permet d'aider des entreprises à élaborer et à appliquer des stratégies internationales à long terme pour améliorer la promotion commerciale et le développement des marchés internationaux.
    Nous nous occupons donc des problèmes d'accès au marché pour les produits intéressant notre industrie et nous agissons pour accroître la demande de produits canadiens et promouvoir les produits canadiens et la marque Canada internationalement.
    Désolé de vous interrompre, je voulais juste connaître le montant. Quel est le montant de cet appui, en dollars?
    Désolé. Nous avons reçu environ 250 000 $ dans le cadre d'un programme à coûts partagés avec Agriculture et Agroalimentaire Canada.
    C'est donc 125 000 $?
    Nous avons reçu 250 000 $ d'AAC et 250 000 $ de l'industrie.
    C'est donc 500 000 $ en tout?
    Nous recevons 250 000 $ de ce programme d'AAC et 250 000 $ de contrepartie de l'industrie.
    Merci.
    Monsieur d'Aquino, pouvez vous répondre en une minute et demie?
    Certainement.
    Puisque vous voulez parler de faits, monsieur Julian, parlons-en 30 secondes. C'est votre parti qui disait que, si nous passions le tout premier des accords de libre-échange, celui qui a ouvert la voie à tous les autres, nous perdrions nos emplois et nos pensions. Nous perdrions notre eau et nous deviendrions des tireurs d'eau et des coupeurs de bois.
    Quels sont les faits? Au cours des 10 dernières années, le Canada, la première économie du G-8, est le pays qui a créé le plus d'emplois dans le G-8, qui a enregistré la plus forte augmentation de valeur de ses exportations aux États-Unis, et qui a constamment enregistré des excédents croissants dans son commerce de biens avec les États-Unis — ce qui est très différent de ce que vous aviez prévu. En fait, le tableau que vous avez essayé de peindre et votre tentative d'effrayer la population sont tellement contraires à la réalité que ça ne mérite même pas de réponse, très franchement.
    Revenons cependant à la Colombie. Tout d'abord, vous avez mentionné Pinochet. Pinochet n'est plus là. Qu'en est-il du Chili depuis Pinochet, monsieur Julian? Est-ce une économie suprêmement performante en Amérique latine? Avez-vous été au Chili? Savez-vous ce que les Sud-américains pensent du Chili? Ils pensent que le Chili est l'économie la plus performante du continent, et pas seulement l'économie de pointe mais aussi le leader de l'Amérique du Sud en termes de réforme de son système de pensions, en termes de politique sociale. Voilà ce qu'est le Chili depuis Pinochet.
    La deuxième chose que je veux vous dire porte sur les accords sur la main-d'oeuvre. Je suis favorable à des accords sur la main-d'oeuvre qui ont des crocs. C'est ce que j'ai dit à M. Bains au début de la période des questions. Si vous me dites qu'il y aura une amende minuscule, ce n'est pas le genre d'accord sur la main-d'oeuvre qui m'intéresse.
    Quelle amende serait adéquate?
    Quelle amende serait adéquate? Je ne peux pas répondre à cette question mais il faut qu'elle fasse mal, qu'elle soit réelle et qu'elle soit significative.
    Voici la troisième chose que je veux vous dire. Bien sûr, vous avez entendu parler de continuation de la violence contre des dirigeants syndicaux. J'estime que c'est déplorable. Avez-vous cependant consacré autant de temps au facteur sept fois plus important des Colombiens qui sont assassinés? J'aimerais le savoir. Le problème de la violence en Colombie n'est pas seulement un problème touchant les syndicalistes, c'est un problème qui touche tous les Colombiens, pauvres ou riches, qui sont victimes de violence et d'assassinats.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que, selon The Economist, il y a eu une baisse spectaculaire du nombre d'assassinats de syndicalistes, ce qui montre à l'évidence que le gouvernement du Chili doit faire...
    Le nombre a augmenté. En réalité, il a augmenté.
    Ce n'est pas ce qui est dit ici, monsieur Julian.
     Il a augmenté. En 2008, les chiffres ont augmenté, et les exécutions sommaires ont augmenté aussi.
    Je suis désolé, ce n'est pas ce qui est dit ici, qui vient directement de The Economist.
     Je regrette, nous allons devoir continuer.
    Je serais bien prêt à demander le consentement unanime pour vous permettre de témoigner toute la journée, monsieur d'Aquino, mais je suis pas sûr que je l'obtiendrais.

[Français]

    Je vais répondre à M. d'Aquino, qui m'a demandé de mentionner une compagnie canadienne. La Columbia Goldfields est une compagnie minière qui a favorisé le déplacement de populations en rapport avec le Marmato's historic center. C'était dans les médias lundi dernier. Il y en a beaucoup d'autres.

[Traduction]

    Monsieur le président, je ne sais rien de cette entreprise mais je vais vérifier.
    Je veux vous demander ceci : savez-vous si les personnes qu'on appelle personnes déplacées étaient favorables à cette forme d'investissement économique ou non? Avez-vous la réponse à cette question? Je connais assez bien l'activité minière en Amérique du Sud où la population locale, peut-être après une réticence préliminaire, a finalement décidé, en voyant le niveau d'investissement — par exemple, l'investissement pour apprendre à replanter, pour élever du bétail, pour cultiver du teck, pour ouvrir des écoles —, que c'était en fait un bon investissement. Je peux vous en donner des exemples mais je ne connais pas ce cas particulier.
(1640)

[Français]

    Sans faire de débat, monsieur d'Aquino, on parle de trois millions, même de quatre millions de personnes déplacées du milieu rural vers le centre-ville.

[Traduction]

    Un rappel au règlement, monsieur le président.
    J'aimerais entendre la réponse de M. Boutziouvis car il voulait répondre. Le Bloc a déjà posé ses questions. Je pense qu'il serait bon d'avoir également les réponses. Je ne crois pas que l'échange avec les témoins soit particulièrement productif dans le cas présent.
    Merci, monsieur Maloney.
    Monsieur le président, le nombre déplorable d'assassinats de syndicalistes en 2002 a peut-être atteint jusqu'à 200 individus. C'est totalement inacceptable mais, en 2007, le nombre était tombé à 33 syndicalistes, ce qui représente une réduction incroyable des assassinats de syndicalistes.
    Pour en revenir à la question principale, la violence reste très élevée en Colombie mais il y a des progrès considérables et l'on n'a aucune raison...
    On peut inclure dans l'accord de libre-échange avec la Colombie divers éléments, des éléments concernant plus de coopération, de responsabilité sociale des entreprises et de développement des capacités, et c'est ce que nous espérons. Outre l'accord de libre-échange que nous négocions avec la Colombie et qui, nous l'espérons, sera adopté par le gouvernement, d'autres programmes et mesures peuvent être mis en oeuvre pour contribuer à une amélioration globale de la relation entre le Canada et la Colombie et pour permettre à la Colombie de continuer à travailler avec le Canada pour aider à réduire et à régler certains de ces abus dont nous parlons cet après-midi.
    Il s'agit donc de libre-échange mais il s'agit aussi de beaucoup plus que cela. Il s'agit de sensibilisation à une évolution et de veiller à ce que le Canada et la Colombie fassent plus à l'avenir étant donné le succès de ce qu'ils ont déjà fait jusqu'à présent.
    Merci.
    Nous allons continuer et je vais surveiller l'horloge de très près. Je vais donner la parole à M. Miller et à M. Allison en vous demandant de vous en tenir à cinq minutes pour les questions et réponses. Il y a d'autres témoins qui attendent.
    Monsieur Miller.
    Je serai très bref, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir fait d'excellents exposés, notamment M. d'Aquino. Votre connaissance et votre compréhension de la situation internationale sont remarquables, y compris des questions de commerce et de droits humains, et on voit que vous savez de quoi vous parlez. J'aimerais que les députés de l'opposition, ou certains d'entre eux, vous prêtent l'oreille. J'ai trouvé assez amusant de vous voir démolir avec beaucoup de facilité l'idéologie et la rhétorique sans préjugé du NPD et du Bloc sur cette question.
    Ce que que je peux vous dire, en réponse à une question que vous posiez tout à l'heure, c'est que, lors de notre voyage en Colombie, il y a quelques semaines, nous n'avons reçu aucun exemple d'entreprise canadienne ayant perpétré là-bas les soi-disant allégations de certains membres du Bloc.
    Nous n'avons pas entendu parler de participation du gouvernement à l'assassinat de syndicalistes mais je peux vous dire que nous avons entendu des allégations de participation de certains syndicalistes à des activités illégales. La chose vraiment positive que nous avons constatée là-bas, c'est l'amélioration considérable réalisée par le gouvernement Uribe du point de vue de l'amélioration des taux d'assassinat, des taux d'enlèvement, du crime, des droits humains et de tout le reste. Certes, ils ont encore beaucoup de chemin à faire mais ils agissent et on doit les en féliciter.
    Je cède maintenant la parole à mon collègue M. Allison, monsieur le président.
    Je suppose que le problème est le suivant : ce n'est pas parce qu'on dit quelque chose que c'est vrai. Malheureusement, c'est une chose que nos amis du NPD ne semblent pas comprendre. Ce n'est pas parce qu'un syndicaliste dit quelque chose que c'est d'office vrai.
    Je veux m'adresser à M. Simpson, qui fait des affaires là-bas, ainsi qu'à M. d'Aquino. Comme l'a dit M. Miller, il y a certains problèmes concernant des syndicalistes participant à des activités criminelles, pas nécessairement dans le domaine des drogues, mais en tout cas des activités illégales. Je me demande si certaines des morts — et vous avez passé du temps là-bas, monsieur Simpson — avaient à voir avec l'argument que les syndicalistes voudraient peut-être répandre, c'est-à-dire que c'est seulement une question de syndicalisme. Ils essaient de donner l'impression que les entreprises ne respectent pas les lois et assassinent allègrement des syndicalistes. Ce que je me demande, c'est s'il n'est pas possible que cela n'ait strictement rien à voir avec les entreprises. C'est peut-être simplement qu'ils étaient impliqués dans d'autres activités illégales et que c'est ça qui cause certains des problèmes en question.
    Vous avez travaillé là-bas. Je sais, monsieur d'Aquino, que vous avez des entreprises qui font des choses. Je ne pense pas que ce soit aussi noir et blanc et qu'on puisse dire que c'est parce qu'ils étaient impliqués avec les entreprises, qu'ils étaient anti-entreprises, qu'ils ont été tués. N'est-il pas possible qu'il y ait d'autres raisons?
(1645)
    Tout d'abord, je n'ai pas été directement en Colombie. Je travaille à partir de mon bureau de la Saskatchewan et je n'ai donc pas été en Colombie pour me pencher personnellement sur cette question. Je peux donc pas vous répondre directement.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que les entreprises avec lesquelles nous travaillons sont parfaitement respectables. Elles ne participent à aucune activité illégale. Nous sommes très transparents. Les gens avec qui je traite ont un niveau élevé d'intégrité. Ils ont à coeur de nourrir les gens. Ils ont à coeur d'agir pour le consommateur. Il y a peut-être des problèmes derrière tout ça en termes de coût des aliments et de choses comme ça, je ne sais pas, mais l'objectif primordial, selon moi, est d'acheminer des aliments à la population d'un pays qui en a besoin, nonobstant les questions politiques. Je ne voudrais pas qu'une chose comme l'accord de libre-échange devienne un ballon de football politique et que l'alimentation soit embringuée là-dedans. D'une manière ou d'une autre, il nous faut livrer un produit du Canada qui est en demande en Colombie.
    Très rapidement, monsieur d'Aquino.
    Merci.
    Je sais que nous avons eu un échange animé avec certains honorables députés de ce côté mais je ne voudrais pas quitter cette pièce en donnant le sentiment que nous sommes tellement opposés sur le plan idéologique qui nous est impossible de trouver un terrain d'entente.
    Permettez-moi d'être simple. Nous parlons d'un pays qui a connu de très grosses difficultés internes. La Colombie d'il y a 10 ou 15 ans, la Colombie que j'ai découverte à l'époque, était un pays où l'on osait pas sortir le soir dans la rue par peur de se faire enlever. Cette situation s'est améliorée. Mon seul argument est qu'il y a beaucoup de bien et beaucoup de mal, à gauche et à droite. Il se trouve que j'ai la conviction qu'une partie du problème fondamental que nous essayons de régler dans l'ensemble de l'Amérique latine est que c'est un continent qui a été déchiré par des luttes de classes, où les pauvres ont été exploités. Il y a eu une longue histoire, malheureuse et déplaisante, de dictateurs travaillant la main dans la main avec des monopolistes, et il y a eu du capitalisme de copinage. Je le sais fort bien. Ce qui m'intéresse, c'est de voir que les choses ont changé, de voir le genre de progrès que nous avons vu dans des petits pays comme le Costa Rica, qui a signé un accord de libre-échange avec le Canada, dans un pays comme le Chili, où le palais présidentiel a été bombardé et le président assassiné. Voyez le Chili aujourd'hui. C'est un exemple de progrès.
    Nous voyons des progrès réels en Colombie aujourd'hui mais le moteur central de ces progrès doit être la démocratisation, l'ouverture de l'économie, la responsabilité, la règle de droit par laquelle vous aurez la protection des droits humains. Et le système d'entreprises — surtout les entreprises de notre propre pays et celles qui apportent avec elles, je pense, les valeurs les plus hautes — peut être perçu comme une force puissante pour promouvoir et faire avancer ces causes.
    Ce n'est pas le moment de dire : « Voyez, des syndicalistes en petite minorité, aussi tragique cela soit-il, sont assassinés, mais vous savez, des Colombiens de la population générale sont assassinés en beaucoup plus grand nombre. Nous ne voulons rien avoir à faire avec vous. C'est trop dangereux d'aller chez vous. » Ce ne serait pas la bonne attitude. Si c'était notre attitude, nous dirions qu'il ne faut pas aller en Chine non plus. Pourquoi aller dans des pays qui sont aujourd'hui à un niveau très élevé dans l'OCDE mais dont la règle de droit, les valeurs, les taux d'assassinat, le manque de responsabilité sont toujours problématiques? Le but de tout cela est d'agir avec les gens et d'apporter la règle de droit, de leur apporter l'ouverture et la transparence. C'est comme cela que j'interprète cette grande initiative avec la Colombie.
    À mes yeux, les quelques — et je dis quelques mais c'est par rapport à des accomplissements plus importants — bienfaits financiers qu'en retireront les entreprises canadiennes, le millier d'entreprises qui sont là-bas maintenant, ainsi que les autres qui arriveront ensuite, en regard de ce que pourra être la Colombie dans cinq ans ou dans 10 ans, si la Colombie peut aspirer à être un autre Chili, je pense que c'est remarquable. Si nous pouvons contribuer à cela, parfait. Un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie donnera le signal que le Canada n'est pas un ami que quand les choses vont bien. Nous voulons aider. C'est pour cette raison que le gouvernement s'est engagé non seulement envers un accord de libre-échange mais aussi envers le développement des capacités, la gouvernance, la responsabilité sociale.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour n'importe quelle entreprise canadienne, de n'importe quelle taille, qui est présente en Colombie, les gens qui dirigent ces organisations vous diraient la même chose que moi. Ils ne veulent pas être dans un pays déchiré par le meurtre, le viol, l'enlèvement. Ils veulent être dans un pays qui marche. La meilleure manière de s'en assurer, c'est d'apporter la règle de droit dans le pays, et un accord de libre-échange peut y contribuer.
(1650)
    Merci, monsieur Allison.
    Je suis désolé, nous avons dû faire un peu vite par manque de temps.
    Je remercie tous les témoins d'aujourd'hui. J'apprécie vos déclarations. Nous allons maintenant faire une pause d'une minute pour permettre au groupe suivant de s'installer.
    Merci.

    Nous reprenons nos travaux.
    Après une brève discussion avec les parties concernées, comme nous avons un vote à 17 h 30 et que nous avons déjà pris du retard, je vais suggérer, par souci d'équité à l'égard de nos témoins... Tous deux ont déjà accepté de revenir une autre fois. Nous allons donc leur demander de faire leurs exposés aujourd'hui et nous aurons peut-être assez de temps pour leur poser une ou deux questions mais ils sont prêts à revenir une autre fois.
    C'est donc ce que nous allons faire. Nous allons écouter leurs déclarations liminaires puis poser quelques questions rapides, après quoi nous lèverons la séance pour le vote de 17 h 30.
(1655)
    Nous pouvons aller jusqu'à 17 h 40. La cloche sonnera à 17 h 40.
    C'est parfait. Tout s'arrange très bien aujourd'hui. Cela dit, nous devons commencer sans tarder. Nous verrons bien quand la cloche commencera à sonner.
    Le principe général, monsieur Dhaliwal, est que nous allons demander à Mme Simons et à M. Hodgson de revenir pour conclure la séance un autre jour, peut-être dans une dizaine de jours.
    Cela dit, pour profiter de cet excellent esprit de collaboration, nous allons entendre Glen Hodgson, vice-président et économiste en chef du Conference Board du Canada, puis Penelope Simons, professeure agrégée de la Faculté de droit, section de common law, de l'Université d'Ottawa.
    Je crois que je vais vous demander de commencer, Mme Simons, étant bien entendu, je le répète, que nous pourrons continuer lors d'une autre séance.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner au sujet de cette question importante qu'est l'accord de libre-échange en cours de négociation avec la Colombie.
    Permettez-moi de résumer rapidement les arguments que je vais présenter.
    Tout d'abord, les entreprises d'extraction qui investissent en Colombie agissent dans une zone de conflit et sont plus susceptibles de devenir complices d'infractions aux droits humains pouvant être commises par les forces de sécurité qui protègent leurs intérêts commerciaux. Elles agissent là-bas avec très peu de responsabilité légale. Il n'y a pas de loi canadienne pour régir cette carence de gouvernance et les codes de conduite volontaires ou les régimes volontaires d'auto-réglementation ne sont pas efficaces pour s'assurer qu'elles ne deviendront pas complices de ces infractions.
    J'affirme aussi qu'un accord de libre-échange avec la Colombie n'améliorera pas la situation des droits humains. En réalité, il risque de renforcer la protection des acteurs corporatifs et de réduire l'aptitude de la Colombie à adopter des règlements pour protéger les droits humains. Il n'imposera aux acteurs corporatifs aucune obligation légale de respecter les droits humains.
    Nous venons d'assister à un débat au sujet de la Colombie. Comme je l'ai dit, les entreprises d'extraction minière ont la possibilité de devenir complices d'infractions terribles des droits humains qui pourraient être commises par les forces de sécurité publiques ayant l'appui des forces paramilitaires, par des forces de sécurité privées ou même par des forces de guérilla les obligeant à payer pour protéger leurs intérêts commerciaux. Les entreprises actives en Colombie rurale ne peuvent pas agir comme entités neutres en plein milieu d'un conflit civil qui perdure.
    J'ai dit que les entreprises oeuvrent dans un contexte de vide réglementaire. Aucune loi internationale générale ni aucune loi internationale touchant les droits humains n'impose clairement d'obligation directe aux entreprises de respecter les droits humains. Il y a peu de chances que le gouvernement local, comme celui de la Colombie dont les forces commettent de graves infractions aux droits humains pour protéger certaines industries d'extraction, réglemente l'activité des entreprises du point de vue des droits humains. Il n'existe aucune obligation internationale légale claire pour les états d'origine, comme le Canada, de veiller à ce que leurs entités commerciales prennent des mesures pour assurer que leurs entreprises respectent les normes touchant les droits humains et le droit humanitaire international et ne deviennent pas complices d'infractions aux droits humains lorsqu'elles agissent à l'étranger.
    Le Canada ne possède aucun mécanisme légal efficace pour garantir que les entreprises canadiennes oeuvrant dans des zones de conflit comme la Colombie ne deviennent pas complices d'infractions aux droits humains et ce, malgré le fait qu'il détient de vastes pouvoirs, en droit international, pour réglementer ces entités corporatives sur le plan extraterritorial. Il n'existe aucune loi canadienne obligeant les entreprises à adopter un code de conduite en matière de droits humains, à effectuer une évaluation de leur incidence sur les droits humains, à atténuer toute infraction potentielle aux droits humains avant d'investir dans une zone de conflit, ou à organiser une surveillance indépendante, tout cela pour assurer que l'investissement canadien à l'étranger ne contribue pas aux infractions aux droits humains ou n'en tire pas profit. Tout cela est laissé au bon plaisir de l'entreprise.
    Le gouvernement préfère compter sur la bonne volonté des entreprises à adopter des régimes d'autoréglementation volontaires. Or, ces codes volontaires ou ces instruments privatisés d'autoréglementation suscitent de sérieuses préoccupations du point de vue de leur efficacité pour assurer que les acteurs corporatifs respectent les droits humains ou ne sont pas complices d'infractions des droits humains lorsqu'ils agissent dans des zones de conflit. Il est rare que ceux de ces instruments qui englobent les lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales, le Contrat mondial et les principes volontaires soient suffisamment explicites au sujet des questions de droits humains reliés à l'activité des entreprises dans les zones de conflit. Ils ne contiennent pas de mécanismes efficaces de conformité ni de normes de rapport ou de vérification et, à toutes fins utiles, il n'est pas dans l'intérêt public de ces entités corporatives de définir leurs propres obligations ou de vérifier leur propre conduite en matière de droits humains. Il est donc probable que les infractions aux droits humains continueront ou pourront continuer avec leur complicité si les entreprises ne sont régies que par des codes de conduite volontaires.
(1700)
    Un accord de libre-échange n'améliorera en rien la situation des droits humains en Colombie et ne résoudra pas cette carence de gouvernance. Il n'y a pas nécessairement de lien entre la libéralisation du commerce et la protection de l'investissement résultant d'un accord de libre-échange, d'une part, et le développement démocratique, la protection des droits humains et la règle de droit, d'autre part. À moins d'être explicitement conçus dans ce but, les accords touchant le commerce et l'investissement ne protègent pas automatiquement les droits humains et peuvent en fait leur nuire. Ces accords protègent vigoureusement les entreprises sans leur imposer d'obligations correspondantes en matière de droits humains. En outre, certaines de leurs dispositions peuvent avoir pour effet de restreindre l'aptitude du pays d'accueil, comme la Colombie, à adopter des règlements d'intérêt public, notamment pour promouvoir et protéger les droits humains.
    Pourquoi de tels accords risquent-ils de restreindre l'attitude de la Colombie à réglementer dans l'intérêt public? Très brièvement, lorsque les lois, les règlements ou les politiques du pays d'accueil vont à l'encontre de dispositions fondamentales touchant par exemple le traitement national, les obligations de la nation la plus favorisée ou les droits de pré-établissement et qu'ils ont ensuite un effet négatif sur l'investissement protégé, les entreprises étrangères concernées peuvent traîner le pays d'accueil, comme la Colombie, devant un processus d'arbitrage international exécutoire. Le gouvernement colombien risque d'être obligé de payer de très grosses indemnités pouvant dans certains cas atteindre des centaines de millions de dollars et ce, même si ces lois ou règlements ont été adoptés pour protéger, promouvoir ou satisfaire les droits humains.
    Ces accords comportent également des dispositions restrictives d'expiration en vertu desquelles la Colombie ne pourrait pas simplement dénoncer un accord qui, selon elle, réduirait son aptitude à respecter, protéger et satisfaire les droits humains. Cet accord Colombie-Canada resterait probablement en vigueur pendant 15 ans après son expiration.
    Par conséquent, un accord de libre-échange donne plus de droits aux entreprises mais aucune obligation, et il n'imposera aucune obligation au pays d'origine des entreprises en ce qui concerne la conduite des investisseurs.
    Donc, les dispositions modèles d'investissement du Canada créent des droits puissants pour les investisseurs, droits qui peuvent être imposés en droit international par l'arbitrage exécutoire, sans obligation d'épuiser les recours locaux. En revanche, il n'y a aucune obligation pour les investisseurs ou leurs pays d'origine. Il n'y a pas de dispositions exigeant que les entreprises respectent les droits humains internationalement reconnus, c'est-à-dire de ne pas causer de tort.
    Il n'y a aucune obligation pour les entreprises qui investissent de conduire ou d'effectuer des analyses d'incidence pré-établissement de leurs investissements proposés ou d'atténuer toute incidence négative identifiée.
    Si un accord ou un chapitre secondaire sur la main-d'oeuvre est négocié, il portera uniquement sur des questions de main-d'oeuvre. Il ne contiendra aucune obligation légale pour l'entreprise de respecter le droit du travail. Tout chapitre ou accord secondaire sur la main-d'oeuvre qui est négocié, même s'il comporte un mécanisme de règlement des différends et un mécanisme de plainte plus solides que l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, ne réglera pas les infractions fondamentales aux droits humains qui ont été attribuées aux forces militaires de la Colombie, qui protègent les industries d'extraction, ou aux forces paramilitaires.
    Il n'y a aucune obligation pour les entreprises de contrôler les forces de sécurité, de leur donner une formation sur les droits humains ou de divulguer les paiements faits au gouvernement du pays d'accueil ou aux forces de guérilla. Les entreprises qui font ces choses-là auront toujours accès aux dispositions de règlement des différends de n'importe quel accord de libre-échange.
    Il n'y a aucune obligation pour le pays d'origine, comme le Canada, de créer un droit de poursuite ou d'assurer l'accès aux tribunaux pour les victimes d'infractions aux droits humains commises par ses citoyens corporatifs ou si de tels citoyens sont complices de telles infractions.
    Il n'y a aucune obligation pour le pays d'origine, comme le Canada, de poursuivre les citoyens corporatifs pouvant commettre ou être complices d'infractions flagrantes aux droits humains constituant des crimes internationaux, comme des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou du génocide.
    En conclusion, j'affirme que la moindre des choses serait qu'un accord de libre-échange avec la Colombie — qui connaît de terribles problèmes de droits humains et qui est un pays en conflit — contienne des obligations minimales obligeant réellement les entreprises transnationales oeuvrant là-bas à garantir que leurs activités ne contribuent pas directement ou indirectement aux transgressions des droits humains et qu'elles ne tirent pas profit de tels abus; qu'elles ne combattront pas ou ne seront pas complices d'infractions aux droits humains ou au droit humanitaire; que toutes leurs dispositions touchant la sécurité respecteront les normes internationales des droits humains, ainsi que les lois et les normes professionnelles de la Colombie; et que toute entreprise ayant l'intention d'oeuvrer là-bas effectuera une évaluation indépendante du risque concernant notamment les conséquences sur les droits humains et les conséquences humanitaires des activités proposées et assumera la responsabilité d'obtenir le consentement et la coopération du gouvernement colombien pour faciliter cette évaluation indépendante du risque et toute surveillance ultérieure de l'investissement résultant.
(1705)
    En outre, il devrait au minimum y avoir pour les investisseurs corporatifs l'obligation de respecter les normes internationales du droit du travail.
    Merci.
    Je viens d'apprendre que la cloche sonnera à 17 h 40, ce qui fait que la proposition de M. Dhaliwal est valide. La cloche sonnera à 17 h 40 pour 17 h 55.
    Merci. Nous allons continuer jusqu'à ce que la cloche commence à sonner.
    Monsieur Hodgson.
    Je peux peut-être commencer en rappelant aux membres du comité ce qu'est le Conference Board du Canada. Nous sommes un organisme de recherche indépendant et à but non lucratif qui essaye de faciliter le dialogue entre les gouvernements, le secteur privé, les syndicats et les organismes à but non lucratif du Canada. Nous ne sommes pas ici pour défendre telle ou telle cause mais pour parler de nos recherches et de notre opinion sur la manière dont le monde pourrait être mieux organisé.
    Permettez-moi d'énoncer d'abord quatre principes fondamentaux, après quoi je parlerai de la Colombie.
    Premièrement, nous croyons que réduire les obstacles au commerce, partout et continuellement, est une bonne chose. Le commerce international est créateur de richesse parce qu'il crée de la concurrence chez soi et des marchés à l'étranger et, de plus en plus, qu'il permet à nos entreprises de devenir plus efficientes en achetant des intrants ailleurs. La méthode idéale pour avoir plus de commerce est le multilatéralisme mais, avec la paralysie de Doha, nous devons envisager des accords régionaux et bilatéraux. Le Canada a pris beaucoup de retard dans ce mouvement vers un libre-échange bilatéral. Nous ne devrions pas rester inactifs dans ce domaine.
    Deuxièmement, nous sommes dans ce que j'appelle l'ère du « commerce intégrateur » dans laquelle il y a de plus en plus de liens entre eux tous les éléments du commerce, l'investissement, les exportations et les importations dans le but de rendre les entreprises plus efficientes. Il est clair que les entreprises canadiennes veulent devenir aussi concurrentielles que possible sur un marché mondial très concurrentiel. Par conséquent, pour être efficaces, nous devons envisager les accords commerciaux les plus exhaustifs possible, c'est-à-dire tenant compte du commerce, de l'investissement, des biens et services, et du fait que les importations comptent autant que les exportations pour les entreprises canadiennes et sont désormais une composante essentielle de notre économie nationale.
    Troisièmement, les Canadiens attachent beaucoup d'importance au respect des droits humains. Toutefois, nous devons être très prudents dans le choix du bon instrument si nous voulons agir sur le plan des droits humains, et veiller à ne pas ajouter de conditions politiques excessives aux négociations commerciales. Cette approche pourrait rapidement devenir une pente glissante vers un protectionnisme rampant. Qu'il me suffise d'attirer votre attention sur la campagne électorale aux États-Unis où l'on a parlé d'intervention politique dans le libre-échange pour montrer que nous sommes aujourd'hui à une étape où l'économie mondiale est très sujette à des forces protectionnistes. Chaque fois qu'il y a ralentissement de la croissance économique, il y a montée du protectionnisme. On peut le constater aujourd'hui sur la scène internationale. Faites donc très attention si vous commencez à ajouter des conditions supplémentaires aux accords commerciaux.
    Quatrièmement, je pense que si les facteurs politiques comme les droits humains sont importants dans n'importe quel pays, nous devons nous efforcer le plus possible de faire d'un respect accru des droits humains un élément du dialogue global plutôt qu'une simple condition dans un accord commercial.
    Pour ce qui est de la Colombie, je dois admettre que je suis relativement agnostique, ou que j'ai des sentiments très partagés. À mon avis, rien n'est tout blanc ou tout noir en Colombie. Très franchement, ce n'est même pas un dossier particulièrement important. La Colombie n'est pas un marché de premier rang pour le Canada. J'ai fait quelques calculs très simples : la Colombie ne reçoit que 0,15 p. 100 des exportations du Canada. Notre commerce annuel avec la Colombie est à peu près équivalent à notre commerce avec le Dakota du Sud et il est en fait inférieur à notre commerce avec le Delaware ou le Rhode Island. Par rapport à certains autres marchés beaucoup plus proches de nous, la Colombie n'est pas un acteur fondamental. Comme l'a dit M. d'Aquino, 80 p. 100 des importations canadiennes provenant de la Colombie arrivent déjà en exonération de droits de douane et les gains issus du libre-échange ne seraient donc probablement pas aussi importants que dans d'autres cas.
    Certes, il y a manifestement certains secteurs — l'un d'entre eux s'est exprimé devant vous il y a quelques instants — qui pourraient bénéficier d'un accès élargi au marché et qui pourraient accroître leurs ventes mais, de manière générale, je pense que nous avons très peu d'indications que les entreprises canadiennes vont rehausser leur compétitivité internationale par l'accroissement de notre commerce avec la Colombie. Il n'y aura pas d'amélioration énorme du fait d'une intégration entre le Canada et l'économie colombienne. Nous devons faire attention à ne pas utiliser la Colombie comme précédent pour d'autres accords car c'est un cas mineur.
    De fait, en l'absence d'accords multilatéraux, que ce soit dans le cadre de Doha ou dans le cadre du libre-échange des Amériques, je pense que nous pourrions probablement obtenir des gains plus importants en termes de création de richesse au Canada au moyen d'un accord sous-régional englobant d'autres pays de la région qu'au moyen d'une série de négociations bilatérales. J'entends déjà parler d'accords bilatéraux avec le Pérou. Ajouter la Colombie à la liste n'améliorera pas nécessairement la situation. En fait, cela rendra la situation plus compliquée pour le bassin limité de talent que nous avons pour mener des négociations de libre-échange au Canada.
    Tout compte fait, nous sommes certainement en faveur du libre-échange avec la Colombie mais la vraie question est de savoir si ça devrait être notre priorité. La Colombie devrait-elle être vraiment le prochain pays sur notre liste ou devrions-nous plutôt songer, par exemple, au libre-échange avec l'Union européenne dans le sillage de notre accord de libre-échange avec les pays de l'EFTA? À ce sujet, il est important de souligner que le premier ministre Charest a fait preuve d'un leadership national important en faisant de la libéralisation des échanges avec l'Europe l'une de ses premières préoccupations.
(1710)
    Je peux peut-être conclure en disant que, si vous voulez débattre des droits humains et du commerce international, la Chine est probablement un cas beaucoup plus intéressant que la Colombie car la Chine est manifestement au centre de la mondialisation à l'heure actuelle. C'est en fait le moteur de l'économie mondiale. Il y a donc des avantages concernant la Chine qui n'existent tout simplement pas dans le cas du libre-échange avec la Colombie. C'est évidemment pour cette raison que la Chine a signé toute une série d'accords bilatéraux de libre-échange, notamment avec des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui respectent aussi les droits humains et sont aussi des démocraties avancées.
    En fin de compte, voici à quoi cela se résume : si vous commencez à parler de libre-échange avec un pays possédant une histoire d'infraction aux droits humains, est-ce une approbation, un appui ou un endossement tacite de ses politiques ou est-ce que le libre-échange est en réalité le moyen d'obtenir un engagement approfondi avec ce pays? Dans nos recherches, nous concluons que poursuivre le libre-échange avec des pays qui ne sont pas aussi démocratiques comme sociétés ouvertes que le Canada est probablement une condition nécessaire pour l'élargissement du dialogue mais, en fin de compte, c'est à votre comité qu'il appartient d'en débattre.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hodgson.
    Nous allons commencer à nouveau avec des tours de cinq minutes en suivant la même procédure que tout à l'heure. Chaque parti aura cinq minutes que vous pourrez répartir comme vous voudrez.
    C'est à vous de commencer, monsieur Dhaliwal.
     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hodgson, vous dites que 80 p. 100 des importations sont exonérés de droits de douane mais on peut envisager la chose de l'autre côté. Plaçons-nous du point de vue canadien. Quand nous parlons de lentilles, d'orge et de toutes ces choses-là, nous sommes des exportateurs vers la Colombie. Nous payons des droits de 15 p. 100 et c'est nous qui allons gagner ces 15 p. 100, non?
    Vous avez raison et c'est pourquoi l'abolition des tarifs de douane est toujours une bonne chose. Cela nous place en fait sur un pied d'égalité, au niveau international, quand nous voulons chercher d'autres marchés.
    Donc, vous convenez que cet accord de libre-échange sera utile pour ce marché. Nous devrions négocier cet accord pour atteindre ce résultat.
    Il est certain que l'élimination des tarifs de douane ou leur réduction serait une bonne chose pour les exportations de légumineuses. Cela les placerait sur un pied d'égalité par rapport aux autres sources d'approvisionnement du marché colombien.
(1715)
    Madame Simons, vous dites que la situation des droits humains va empirer en Colombie. Qu'elle ne s'améliore pas du tout. Quand nous avons parlé au vice-président du pays, il a admis qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire mais il a dit que beaucoup de chemin a déjà été fait en ce qui concerne les droits humains.
    Voici ma question : si nous allons de l'avant et négocions cet accord de libre-échange avec la Colombie, quelles en seront les ramifications? Quelles sont les mesures que nous devrions envisager pour nous assurer que les droits humains et les droits de la main-d'oeuvre qui vous préoccupent seront protégés?
    Je vous remercie de cette question.
    Je ne pense pas avoir dit que la situation des droits humains va empirer. En fait, mon argument était qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre un accord de libre-échange et l'amélioration des droits humains. L'argument du goutte-à-goutte n'a jamais été validé.
    Si nous négocions un accord de libre-échange avec la Colombie, je pense qu'il faudra, comme je l'ai dit, imposer certaines obligations aux investisseurs corporatifs pour nous assurer qu'il ne seront pas complices d'infractions aux droits humains et qu'ils respecteront les obligations internationalement reconnues en ce qui concerne la main-d'oeuvre. C'est en particulier parce qu'il s'agit d'une zone de conflit qu'il devrait y avoir un certain nombre d'obligations minimales, comme contrôler les forces de sécurité et effectuer des analyses d'incidence pré-établissement. Il devrait y avoir l'obligation de ne pas être complices des transgressions des droits humains et de ne pas en tirer profit parce que vos forces de sécurité commettent des infractions aux droits humains pour protéger vos intérêts commerciaux. Ce sont des choses de ce genre-là qui comptent.
    Connaissez-vous des entreprises qui font déjà des affaires en suivant vos recommandations?
    Il y a déjà beaucoup d'entreprises qui ont des codes de conduite volontaires. Mon argument était que, dans les études que nous avons faites à ce sujet, ces régimes — les codes et les rapports sociaux qui en résultent — sont des codes volontaires avec des dispositions vagues qui sont adoptés volontairement. Il y a des auto-évaluations volontaires et ensuite des vérifications volontaires. C'est donc le loup qui garde la bergerie. En outre, leur efficacité n'a pas été démontrée pour assurer que les entreprises ne sont pas complices des infractions aux droits humains quand elles oeuvrent dans des zones de conflit.
    Mme Murray.
    Vos remarques, madame Simons, concernaient en réalité les industries d'extraction, secteur où il y a des entreprises canadiennes sur place, et il n'y a pas de moyen légal de s'assurer qu'elles n'exacerbent pas les infractions aux droits humains ou qu'elles n'en tirent pas profit. Diriez-vous que vos préoccupations et vos commentaires valent aussi pour les entreprises canadiennes qui importent ou exportent mais qui ne sont pas présentes dans un rôle extractif?
    Non, pas celles-là, les entreprises qui ne sont pas présentes sur place. L'objectif réel de cet accord de libre-échange est essentiellement de protéger l'investissement. Nous avons entendu dire que le commerce n'en est qu'une partie minime. Il y a actuellement 3 milliards de dollars d'investissements en Colombie, à peu près, et une bonne partie concerne l'extraction.
    Un témoin précédent a soutenu avec vigueur que les questions de droits humains et d'environnement devraient faire l'objet d'accords parallèles, avec des crocs. S'il y avait des dispositions juridiquement exécutoires pour obliger les entreprises canadiennes à démontrer et à surveiller qu'elles ne profitent pas des abus aux droits humains ou n'y contribuent pas, pensez-vous que cela devrait faire partie d'un accord parallèle ou de l'accord fondamental?
    Cela pourrait se trouver dans un accord parallèle mais je préférerais que ce soit dans l'accord fondamental. Si l'on veut protéger tous ces droits — par exemple, le droit au traitement national et, en cas d'infraction, le droit de poursuivre l'État dans un processus d'arbitrage exécutoire —, il doit aussi y avoir des obligations. Peut-être ne devraient-elles pas avoir ce droit si elles ont été complices d'infractions flagrantes aux droits humains. Pourquoi devraient-elles bénéficier de ce genre de protection si elles commettent des infractions aux droits humains, par exemple?
    Tout dépend de la manière dont l'accord parallèle est relié à l'accord de libre-échange lui-même. Y aura-t-il une sorte de sanction concernant les dispositions de commerce ou d'investissement, sanction reliée à l'accord parallèle, ou est-ce que ce sera totalement séparé, avec de faibles mécanismes d'exécution comme c'est habituellement le cas dans ces accords parallèles?
(1720)
    Bien. Ça dépend donc de comment c'est fait.
    Monsieur Hodgson, vous dites essentiellement que votre organisation préfère des accords commerciaux purs et que vous n'êtes pas favorable aux accords parallèles. J'ai l'impression qu'il y a une certaine ambivalence sur le degré de priorité à accorder à cela, étant donné que c'est 0,15 p. 100 des exportations du Canada.
    Votre manque d'enthousiasme pour l'accord de libre-échange avec la Colombie est-il relié aux infractions des droits humains dans ce pays?
    J'ai entendu le débat de tout à l'heure sur la baisse du nombre d'assassinats. Manifestement, la règle de droit est appliquée beaucoup plus rigoureusement mais la Colombie est encore un pays très compliqué et très troublé, où il y a des milices privées et des caïds de la drogue. Il y a actuellement des conflits frontaliers avec les pays voisins. Donc, si je devais choisir une priorité pour le Canada, ce ne serait pas la Colombie.
    C'est donc autant pour cette raison que pour le fait que c'est minime du point de vue commercial.
    C'est aussi pour cette raison. J'ai cherché des informations aux Affaires étrangères sur notre traité bilatéral avec les États-Unis et j'ai été frappé de voir que ces États américains minuscules sont beaucoup plus importants pour les entreprises canadiennes. À l'heure actuelle, nous faisons deux fois plus de commerce avec le Rhode Island qu'avec la Colombie.
    C'est donc une question de priorité nationale sur le plan commercial et il me semble qu'approfondir notre relation avec les États-Unis devrait être la priorité absolue. Ensuite, si l'on veut faire autre chose...
     Je voudrais une dernière précision. Avoir des mécanismes comme des accords parallèles vigoureux sur les droits humains et les questions d'environnement pour traiter de la situation complexe et difficile de la Colombie n'est pas une solution, selon votre groupe?
    C'est théoriquement faisable en pratique et j'aimerais que le professeur Simons me dise où ça s'est fait. C'est bien en théorie mais difficile en pratique.
    Je regrette, je dois passer à quelqu'un d'autre.
    Monsieur Cardin.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Mesdames, messieurs, bonjour et bienvenue.
    On discute de la Colombie et des droits de la personne, des droits des travailleurs et de l'environnement depuis un bon moment déjà. Je m'aperçois que dans le cadre de nos accords de libre-échange, on devrait déjà être capable de faire la différence entre les gens qui veulent exporter des produits, des biens, et ceux qui veulent faire des investissements. Les exportateurs veulent commercer, ce n'est pas plus compliqué que ça. Tout le monde aimerait qu'il n'existe aucune barrière tarifaire. En ce qui a trait aux investissements, ça se fait déjà. Il n'y a pas d'accord de libre-échange, mais des gens sont à l'étranger, en Colombie, et exploitent des entreprises, des mines. Mon collègue a donné un exemple un peu plus tôt. Un accord de libre-échange devrait couvrir l'ensemble de ces questions.
    On sait que l'objectif des 200 pays qui transigent à travers le monde est de faire en sorte que toutes les barrières tarifaires tombent véritablement. C'est utopique parce qu'il y a des écarts — ce ne sont pas nécessairement des inégalités — entre les différentes sociétés et les différents pays. On sait que les entreprises qui investissent à l'étranger cherchent aujourd'hui à profiter des situations qui sont différentes des nôtres. S'il y a une faiblesse sur le plan des droits de la personne, des droits des travailleurs et du respect de l'environnement, il est évident que les entreprises iront à cet endroit et en profiteront tant et aussi longtemps que la communauté internationale ne décidera pas d'établir des règles et de faire en sorte qu'elles soient respectées. Ce serait plus équitable pour l'ensemble.
    Je sens que Mme Simons et vous, monsieur Hodgson, partagez mon opinion qu'une nouvelle ère s'ouvre sur le plan des accords de libre-échange, c'est-à-dire qu'on est sur le point d'inclure des éléments comme ceux-ci, d'être proactifs et de faire de la promotion de façon à n'exploiter personne et, indirectement, à ne pas donner la bénédiction à des entreprises qui font de l'exploitation en s'associant à des narcotrafiquants ou à des groupes qui font de la protection, ou en faisant du commerce avec des gens qui blanchissent de l'argent. C'est une question globale et je pense que si on ne prend pas l'initiative, si on n'innove pas sur le plan des contrats et des accords de libre-échange en incluant ces considérations, on n'en sortira jamais. C'est une course effrénée et on essaie de profiter des situations qui existent ailleurs.
    Je pense que vous croyez qu'idéalement, il devrait y avoir des chapitres importants là-dessus dans les accords. C'était plutôt un commentaire dont j'avais le goût de vous faire part.
(1725)
    J'ai une brève question sur la Colombie et les problèmes relatifs aux droits humains, aux travailleurs et à l'environnement. J'ai trouvé très intéressant le fait que 80 p. 100 des exportations ne subissent l'imposition d'aucun tarif actuellement. Parlons de négociations en vue d'aider ce type de pays, que ce soit par l'aide internationale ou par d'autres mesures.
    Selon vous, est-il préférable d'exercer des pressions politiques avant de signer un accord avec la Colombie? Croyez-vous qu'il soit possible d'intégrer dans un accord des clauses de respect des droits humains et de responsabilité sociale des entreprises?

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur, mais vous avez une minute pour répondre à ces questions.
    D'accord.
    Vous soulevez la question ultime concernant le lien entre les droits humains et le commerce : que faut-il faire d'abord? Je pense que l'expérience acquise dans beaucoup d'autres pays est que c'est l'engagement qui est important avec les pays qui ont de très mauvais résultats sur le plan des droits humains et qui ne sont pas pleinement démocratiques. Voilà pourquoi j'ai mentionné la Chine. Je pense, par exemple, qu'il est dans l'intérêt du Canada d'avoir plus de relations avec la Chine pour tenter de l'amener à s'adapter à la règle de droit et à des pratiques plus démocratiques.
    Je comprends bien pourquoi on a tendance à résister à cela dans le cas de la Colombie, parce que beaucoup de preuves sont choquantes et que les abus ont été tellement profonds. En fin de compte, toutefois, nous devons trouver les canaux qui existent et servent nos intérêts comme mécanismes d'engagement.
    J'aurais donc tendance à placer en premier l'engagement sur le plan commercial, puis à utiliser cela comme levier pour influencer d'autres comportements à terme. Mais je comprends qu'on puisse avoir un autre point de vue.
     Merci.
    Monsieur Julian.
    Un rappel au règlement, monsieur le président.
     Non, Larry, nous avons cinq minutes ici et cinq minutes là.
    Mon rappel au règlement est qu'il représente 8 p. 100 des membres du comité mais qu'il obtient 25 p. 100 des questions aujourd'hui.
    Je regrette mais c'est comme ça que les choses se sont présentées aujourd'hui.
    Allez-y, monsieur Julian.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suppose que M. Miller parlait de la qualité des questions autant que de leur quantité.
    Madame Simons, vous avez fort bien réfuté les arguments de M. d'Aquino en parlant du fait qu'il n'y a pas de vrai lien entre la protection de l'investissement et la démocratie et le développement des droits humains. Même si nous ne sommes pas très loin de la signature d'un accord, nous avons constaté une certaine augmentation du nombre d'exécutions sommaires par les forces militaires de la Colombie et une augmentation du nombre d'assassinats de syndicalistes, et nous avons donc toutes les raisons d'être légitimement inquiets de voir que nous discutons avec un pays où la situation des droits humains est en fait pire en 2008 qu'elle l'était en 2007.
    Je voudrais poser quelques questions sur la dynamique dont nous avons entendu parler en Colombie. Il y a d'abord le lien entre les entreprises et les forces paramilitaires. Il y a eu des allégations très claires. J'ai parlé tout à l'heure d'entreprises — Nestlé, Coca-Cola, Chiquita — ayant fait l'objet d'allégations très claires d'abus, d'entreprises ayant recours aux forces paramilitaires, le résultat final étant des morts de syndicalistes.
    J'aimerais savoir si vous pensez qu'un accord comme celui-ci est un moyen efficace pour amener devant la justice ces dirigeants d'entreprise qui ont peut-être agi en collusion avec les paramilitaires, ou si vous pensez que c'est en fait exactement le contraire, au sens où ce serait une récompense pour avoir commis des actes criminels?
    En outre, je voudrais connaître votre avis sur cette soi-disant amende pour l'assassinat de militants syndicaux ou de militants des droits humains. Il y aurait essentiellement un fonds de solidarité, et une certaine somme — personne ne sait combien — serait déposée dans ce fonds de solidarité s'il y avait des abus continus. Avez-vous connaissance d'un accord quelconque prévoyant qu'on puisse se dédouaner d'un assassinat simplement en payant une amende? Pensez-vous que ce soient de méthodes efficaces pour mettre fin à des infractions horribles en matière de droits humains?
    Je réponds d'abord à votre deuxième question. Non, je ne pense pas qu'une amende quelconque soit une solution efficace en ce qui concerne les questions de droits humains. En fait, je trouve cela absolument déplorable.
    En ce qui concerne l'accord de libre-échange et la question de savoir si ce sera une sorte de récompense pour les entreprises impliquées dans des infractions aux droits humains, je pense que tout dépend en fait du type d'accord qui est négocié. Si c'est un accord typique avec des dispositions typiques sur l'investissement, sans obligations pour les entreprises, alors, oui, ce sera une récompense. Par contre, si l'on prévoit des obligations minimum et très sévères pour empêcher que les entreprises soient complices d'infractions flagrantes aux droits humains, et pour les obliger à contrôler leurs forces de sécurité, par exemple, alors ce ne sera peut-être pas le cas.
    Je ne prend pas position pour ou contre l'accord de libre-échange, je dis simplement que tout dépend du type d'accord qu'on a négocié.
(1730)
    Lors de notre briefing, on nous a dit qu'il s'agissait ici d'un accord standard de type ALÉNA, comprenant des dispositions du chapitre 11, les dispositions investisseurs-États. Dans ce contexte, sachant que...
     Dans ce contexte, ça ne fera qu'accorder plus de protection aux entreprises. Ça ne fera rien pour protéger les droits humains. Donc, si ça ne fait rien qui...
     Le Canada pourrait aborder la question de plusieurs manières différentes. Il pourrait commencer par mettre en oeuvre l'accord de consensus, les recommandations de consensus issues des tables rondes nationales qui viennent de se tenir. Il pourrait réglementer extra-territorialement les entreprises agissant à l'étranger quand elles agissent dans des zones de conflit. Je ne pense pas qu'une entreprise puisse contester le genre de dispositions dont j'ai parlé car je nen imagine pas une seule qui soit prête à dire publiquement : « Nous voulons l'autorisation d'être complices d'infractions aux droits humains qui constituent des crimes internationaux. » Je ne vois pas une entreprise réclamer le droit d'être autorisée à faire ça pour pouvoir faire des profits. La plupart des entreprises disent qu'elles font déjà tout ça. Celles qui ont ces programmes de responsabilité sociale disent : « Nous contrôlons leurs forces de sécurité. Nous appuyons les droits humains. »
    Je ne conçois donc pas d'arguments valables contre l'insertion d'obligations juridiquement exécutoires dans un tel accord.
    Il me reste une minute et je vais donc m'adresser à M. Hodgson.
    J'apprécie votre témoignage car vous avez soulevé la question de savoir si la signature de cet accord représentera un appui tacite à la transgression des droits humains. Vous travaillez avec des études et des rapports.
    Je veux soulever de questions qui se sont posées quand nous étions en Colombie. Premièrement, le gouvernement colombien a changé la définition du chômage, ce qui fait qu'une personne ayant travaillé huit jours dans l'année sera considérée comme ayant un emploi. De cette manière, il a fait baisser le taux de chômage.
    Je me demande si vous pensez que c'est une manière crédible de s'attaquer aux questions d'ordre économique. Il suffit de changer la définition.
    Deuxièmement, le président lui-même nous a dit qu'il n'y a à toutes fins pratiques pas de forces paramilitaires en Colombie parce que la définition a été modifiée : un paramilitaire est maintenant un criminel. Donc, selon le CINEP, le fait qu'il y ait encore des milliers de paramilitaires en Colombie a été éliminé d'un trait de crayon, simplement en changeant la définition de paramilitaires à criminels.
    Pensez-vous que ce soit une manière crédible de régler ce genre de problème et seriez-vous prêt à signer un rapport dans lequel vous auriez simplement changé la définition des choses pour faire croire qu'elles se sont améliorées?
    Hélas, on a pris l'habitude en Amérique latine de changer les définitions quand on n'aime pas les résultats. En fait, le gouvernement argentin vient de faire exactement la même chose au sujet de l'inflation. L'inflation officielle est de 8 p. 100 alors que l'inflation réelle est probablement plus proche de 25 p. 100.
    Les réponses sont donc non et non. Évidemment, on ne peut pas changer les définitions simplement pour obtenir les résultats qu'on souhaite. Un interlocuteur valable du Canada essaierait plutôt d'adopter le même genre de normes élevées que nous avons.
    Merci.
    Me reste-t-il du temps?
    En fait, vous avez déjà pris une minute de trop, mais c'est très bien, pour vous.
    Monsieur Cannan.
     Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps de parole avec mon honorable collègue M. Keddy.
    Je remercie les témoins.
    Je commencerai avec M. Hodgson. J'ai apprécié votre préambule et le fait que vous soyez un vif partisan du libre-échange, de l'abolition des tarifs douaniers, de marchés concurrentiels et de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Je fais référence à votre dernière publication, Stuck in Neutral: Canada’s Engagement in Regional and Global Supply Chains.
    Dans votre déclaration liminaire, vous avez aussi affirmé que le Canada s'est laissé distancer dans la négociation d'accords commerciaux. Peut-être pourriez-vous préciser votre pensée en nous disant ce que nous devrions faire pour rattraper notre retard?
    Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir mentionné notre rapport. C'est pour cela que nous les produisons, pour éclairer les débats au Canada.
    Sur la question de s'intégrer aux chaînes de valeur régionales, le Canada a manifestement atteint un plateau dans sa relation avec les États-Unis et c'est pourquoi nous ne cessons de clamer que c'est la relation commerciale la plus importante. En fait, nous aimerions voir un ALE II dans lequel nous commencerions à parler des barrières non tarifaires et des autres choses qui deviennent des obstacles réels au commerce Nord-Sud.
    Quelle était votre deuxième question?
    Je sais que nous avons signé un accord avec l'EFTA. C'est le dernier accord...
     De mémoire, je pense que nous n'avons signé que quatre accords bilatéralux dans les 14 dernières années, jusqu'à l'EFTA. Je pense que nous avons des accords bilatéraux avec le Chili, le Costa Rica et Israël, et l'accord avec l'EFTA est le quatrième. Vous pouvez comparer avec des pays comme l'Australie ou la Chine, qui ont signé 30 à 35 accords. Les Mexicains ont un accord bilatéral avec les États-Unis. Nous ne sommes pas un acteur notable dans le grand jeu de la mondialisation du commerce et, fondamentalement, cela est relié à notre attitude à l'OMC et à la question de savoir si nous sommes un champion du libre-échange multilatéralement ou plutôt régionalement et bilatéralement.
    Le premier principe devrait être pour nous d'attacher autant d'importance à la mondialisation du commerce.
    À mes yeux, en ce qui concerne la Colombie, la question est de savoir si c'est le dossier absolument prioritaire ou si nous devrions accorder la priorité à d'autres cas importants, comme l'UE.
(1735)
     J'ai une autre brève question à ce sujet, dans le cadre de la Colombie. Je sais qu'on a parlé tout à l'heure des pays qui sont amis quand tout va bien, et le premier ministre lui-même a fait allusion à cette notion. Vous savez, devient-on l'ami du voisin une fois qu'il a gagné le gros lot à la loterie? Je pense que ce n'est pas le cas du Canada car nous faisons preuve de leadership, et le premier ministre va en Amérique centrale, dans ces pays, pour dire que nous voulons les aider et leur prêter main-forte au lieu de leur donner l'aumône. Ce n'est pas simplement une question d'économie, c'est aussi une question de leadership moral, me semble-t-il. Ne pensez-vous pas que le Canada fait preuve d'un certain leadership à cet égard en négociant un accord avec des pays comme la Colombie?
    Il est certainement nécessaire que le Canada établisse des relations beaucoup plus profondes avec l'Amérique latine, et c'est pourquoi la poursuite du libre-échange sur une base régionale ou sous-régionale serait ma préférence. Toutefois, il y a clairement des choses à faire pour essayer d'avancer sur le plan de la transparence, de la démocratie, du respect des droits humains et de toute la gamme des questions concernant l'Amérique latine. Donc, la visite du premier ministre dans la région était très importante pour signaler que le Canada prend l'Amérique latine très au sérieux.
    Et c'est notre objectif ultime.
    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président, et bienvenue à nos témoins.
    Sur la question de savoir avec quels pays nous devrions entamer des négociations de libre-échange, et combien de fers nous devrions avoir au feu, je pense qu'il faut comprendre que nous avions un sérieux déficit de libre-échange par rapport au reste du monde industrialisé, et c'est d'ailleurs encore le cas. Le gouvernement actuel a sérieusement entrepris de rétablir des ponts avec les Amériques, et c'est surtout dû au premier ministre. Il y a aussi un investissement canadien direct dans les Amériques de plus de 100 milliards de dollars. C'est important et il ne faut pas le négliger. La Colombie en fait partie. Le Pérou en faisait partie et il a maintenant signé. Il y a des négociations de libre-échange en cours avec les quatre pays d'Amérique centrale : le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Salvador. Il y a des négociations de libre-échange en cours avec CARICOM, et il y a des négociations de libre-échange en cours en Asie et en France. Je ne pense donc pas que ce soit aussi simple que de dire qu'on peut négliger ce qui se trouve à notre porte, alors qu'il y a un investissement canadien et un commerce bilatéral important, dans le but de mettre tous nos oeufs dans le panier de l'UE alors que celle-ci en est encore à ses balbutiements du point de vue des négociations puisqu'il n'y en a pas encore eu.
    Madame Simons, j'aimerais avoir des précisions sur toute l'idée d'accords parallèles sur la main-d'oeuvre et l'environnement. J'ai vraiment du mal à suivre la logique que le verre est à moitié plein et que l'humanité naît dans le péché et que nous n'en sortirons jamais. C'est une idéologie à laquelle je n'ai jamais vraiment aspiré. Je pense quant à moi qu'il y a des éléments positifs dans tout cela. Ce n'est pas aussi simple que de dire que les entreprises sont toutes diaboliques et ne sortiront jamais de leur fange. J'ai eu l'occasion d'en visiter plusieurs qui font de l'extraction minière en Amérique centrale. Elles font un excellent travail.
    Que faut-il faire? Ne rien faire n'est pas une option. Laisser l'investissement s'étendre de manière rampante n'est pas une option. Avoir un commerce réglementé et fondé sur des règles, ça, c'est une option, mais je ne vous ai pas entendu en parler.
    Je n'ai pas dit qu'avoir un commerce fondé sur des règles n'est pas une option. Ce que j'ai dit, c'est que, si vous voulez un accord de libre-échange ayant une incidence réelle sur les droits humains, l'une des choses dont il faudra s'assurer, c'est réglementer l'activité des entreprises. Il faut imposer certaines obligations aux entreprises et il y a d'autres dispositions qu'il faut inclure dans ce genre d'accord de libre-échange. Il faut aussi entreprendre des études pour savoir exactement quelles dispositions formuler pour qu'elles contribuent réellement aux progrès sur le plan du développement durable car, actuellement, elles sont axées sur des questions d'ordre purement économique. Mon argument était simplement qu'il faut imposer certaines obligations minimum aux investisseurs corporatifs.
(1740)
    On a aussi dit, dans le cadre d'une autre question, que 31 des membres du Congrès de la Colombie ont été inculpés et que 30 font l'objet d'enquêtes, ce qui est déplorable. Toutefois, le système colombien a un président et un cabinet nommé, et ils se présentent à des élections séparément du Congrès, ce qui fait que je ne saisis pas le lien. J'aimerais cependant savoir ce que vous pensez de cela.
    J'aimerais aussi avoir votre avis sur le fait qu'ils font l'objet d'enquêtes. Certains d'entre eux ont été arrêtés. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Ça montre qu'on applique la règle de droit.
    Je ne suis certainement pas une experte sur la Colombie et le gouvernement colombien. Je sais qu'il y a eu des liens avec les paramilitaires au sein du Congrès...
    Et c'est pour ça qu'il y a eu des inculpations.
    Exact, mais je ne suis pas une spécialiste de la politique colombienne et je ne me sens donc pas qualifiée pour répondre à cette question.
    Merci beaucoup. Je suis désolé d'avoir dû vous presser tous un peu mais je pense que nous avons eu une bonne série de questions. J'espère que tout le monde est satisfait de sa comparution. Je dois dire que nous sommes très heureux de vous avoir entendus aujourd'hui. Merci d'être venus.
     La séance est levée.