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Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui sur une question extrêmement importante pour notre secteur, les accords de libre-échange bilatéraux, de manière générale, et l'accord en cours de négociation avec la Colombie, en particulier.
J'ai le grand plaisir d'être accompagné de Greg Simpson, de Simpson Seeds, à Moose Jaw, en Saskatchewan. C'est quelqu'un qui connaît particulièrement bien son industrie et je lui demanderai de faire quelques remarques dans un instant en ce qui concerne particulièrement la Colombie.
Pulse Canada est l'association nationale représentant les cultivateurs, les transformateurs et les exportateurs de légumineuses et de cultures spéciales du Canada. Nous nous occupons généralement d'expansion des marchés mais aussi de questions d'accès au marché au Canada même.
L'industrie canadienne des légumineuses et des cultures spéciales exporte environ 70 à 75 p. 100 de sa production dans 150 pays, ce qui représente en moyenne 800 millions de dollars par an. L'an dernier, en 2007, elles ont dépassé 1,25 milliard de dollars. Considérant l'importance des exportations pour le secteur, il est extrêmement important pour nous de préserver notre accès compétitif aux marchés internationaux.
Le secteur des légumineuses s'intéresse de très près aux négociations bilatérales de libre-échange depuis environ 2004, c'est-à-dire depuis que certains de nos concurrents, notamment les États-Unis, ont entrepris une campagne vigoureuse de négociation d'accords de libre-échange bilatéraux avec des pays qui étaient des marchés cruciaux pour nous.
Il y a déjà un certain temps que nous appuyons la négociation d'accords bilatéraux stratégiques de libre-échange, notamment avec le Pérou, la Colombie, la République Dominicaine et le Maroc. Nous sommes heureux que le Canada ait lancé en 2007 des négociations avec la Colombie, le Pérou et la République Dominicaine.
Dans les négociations de libre-échange, notre objectif est que les tarifs douaniers soient éliminés le plus rapidement possible. C'est réellement notre objectif principal pour les légumineuses et les cultures spéciales. Toutefois, le minimum pour nous est d'obtenir au moins un accès paritaire au marché — c'est-à-dire un accès au moins aussi bon que celui qu'ont obtenu nos concurrents — pour ne pas perdre notre compétitivité à cause de tarifs préférentiels.
Globalement, la Colombie est le septième marché du Canada pour les légumineuses et les cultures spéciales, nos exportations représentant en moyenne environ 42 millions de dollars par an. En 2007, nous y avons exporté pour 57 millions de dollars de produits. Dans l'ensemble de nos exportations de produits agricoles et agroalimentaires en Colombie, les légumineuses arrivent au deuxième rang après les céréales. C'est donc un marché très important pour nous. Toutefois, c'est un marché encore plus important du point de vue de catégories particulières de légumineuses et de cultures spéciales. Ainsi, la Colombie est notre premier ou deuxième plus gros marché d'exportation de lentilles vertes, avec environ 37 millions de dollars d'exportations en 2007. C'est également le cas pour les pois secs, dont nos exportations en Colombie ont atteint environ 15 millions de dollars en 2007. Ce pays est notre sixième marché anada pour les graines à canaris, et le cinquième pour les pois chiches.
En ce qui concerne l'incidence des accords négociés par nos concurrents, les États-Unis ont obtenu un accès préférentiel pour leurs légumineuses. Ils ont obtenu un accès sans droits de douane pour des quantités illimitées de pois secs, de lentilles et de pois chiches, ainsi que pour certaines cultures spéciales. En ce qui concerne les haricots, l'accord prévoit un système de quotas avec tarifs douaniers qui permettra aux États-Unis d'augmenter progressivement leur accès à la Colombie sur une période d'une dizaine d'années.
Qu'est-ce que cela signifie du point de vue de la compétitivité des produits canadiens? Tout d'abord, que nos produits seront désavantagés à cause d'un tarif de douane d'environ 15 p. 100 pour les pois secs, les lentilles, les pois chiches et les graines à canaris. À titre d'exemple, les lentilles valent aujourd'hui environ 1 000 $ la tonne; un handicap douanier de 15 p. 100 représente environ 150 $ la tonne. Dans un secteur où une différence de quelques dollars la tonne suffit pour décrocher un contrat ou non, il est évident qu'un handicap douanier de 15 p. 100 signifie que les produits canadiens seront exclus du marché.
Je crois comprendre que les membres du comité sont allés en Colombie et ont recueilli l'opinion d'officiels colombiens mais j'aimerais quand même vous communiquer certains commentaires que nous avons reçus de ce pays.
En 2006, nous avons organisé un colloque et des rencontres avec des importateurs en Colombie. Nous avons constaté que la délégation canadienne a été confrontée à des importateurs colombiens en colère contre nous et contre le gouvernement canadien parce que ce dernier n'avait pas encore entamé de négociations avec la Colombie. En tant qu'importateurs, les Colombiens bénéficient d'un accès égal aux légumineuses par rapport aux autres pays producteurs de légumineuses et ils tiennent absolument à conserver l'accès aux produits canadiens. En effet, cela leur garantit qu'il y a une concurrence sur leur marché intérieur et leur assure un accès concurrentiel aux produits dont ils ont besoin.
Les citoyens colombiens en profiteront-ils? Absolument, parce que les légumineuses sont une source de protéines importantes dans le monde entier et que des tarifs douaniers plus bas peuvent faire baisser le coût des aliments.
En résumé, je dirais que nous essayons d'atteindre trois objectifs principaux avec un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie. Premièrement, nous voulons maintenir l'accès au marché colombien sur une base de parité douanière avec les États-Unis et avec nos autres concurrents afin de ne pas être désavantagés sur ce marché. Cela constitue un objectif absolument primordial pour la négociation d'un accord de libre-échange avec la Colombie, ou avec n'importe quel autre pays, d'ailleurs, et je crois comprendre que d'autres secteurs agricoles ont exprimé un point de vue similaire devant votre comité.
Deuxièmement, nous voulons aussi conserver la parité avec les autres pays pour les haricots au lieu d'être confrontés à un désavantage douanier de 60 p. 100 par rapport aux pays andins. Un accord canadien nous aidera à récupérer la parité douanière pour les producteurs de haricots riz.
Troisièmement, l'abaissement des tarifs douaniers réduira le coût des produits et des aliments pour les importateurs et les consommateurs. Quand on parle de produits très sensibles aux prix, comme les graines à canaris, c'est particulièrement important pour stimuler la demande.
J'invite maintenant M. Simpson à faire quelques remarques complémentaires sur le marché colombien avec lequel il travaille depuis près de 25 ans et qu'il connaît donc très bien.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'exposer mon point de vue sur l'incidence que pourrait avoir cet accord bilatéral de libre-échange sur notre entreprise et sur notre secteur.
Je viens de Moose Jaw, collectivité qui est au coeur de la production canadienne de lentilles et de beaucoup d'autres légumineuses. Sans les lentilles, notre exploitation et notre entreprise n'auraient pas survécu pendant les 30 dernières années. C'est en grande mesure parce que les prix des céréales étaient très bas que nous avons dû nous diversifier dans une production plus rentable.
Nous fournissons des semences à près de 2 300 agriculteurs dans un rayon de 200 milles autour de notre ferme, et nous leur achetons leur production de lentilles. Pour vous donner une idée de notre expansion, je vous dirais que nous avions trois employés il y a 30 ans, quand nous avons créé notre entreprise, et que nos expéditions s'élevaient alors à environ un million de tonnes par semaine. Aujourd'hui, nous avons trois usines de transformation et 65 employés. Nous travaillons 24 heures par jour et nous exportons 5,5 millions de livres par semaine. Nous nous sommes donc considérablement agrandis. Nous expédions environ 25 conteneurs par jour quand nous travaillons à pleine capacité.
Il va sans dire que ce secteur est très important pour nous. La Colombie est le premier acheteur de lentilles de notre région, notamment de grosses lentilles à rayures vertes qui sont surtout cultivées dans notre région. Elle en importe environ 68 000 tonnes par an et nous traitons directement avec les importateurs colombiens. À l'heure actuelle, nous traitons avec le premier importateur de la Colombie qui nous achète environ 50 p. 100 de ces lentilles chaque année.
La négociation d'un accord bilatéral avec la Colombie est l'occasion pour le Canada d'assurer la viabilité de notre secteur et de contribuer à l'expansion d'une industrie qui s'est en grande mesure développée sans intervention gouvernementale.
Si les États-Unis nous battent sur la ligne d'arrivée, nous perdrons une partie importante de ce marché en termes de compétitivité et d'expansion du marché. La Colombie est importante. Sans elle, nous aurions rapidement de la surproduction, ce qui entraînerait une baisse des prix pour nos cultivateurs. Ces derniers recevraient alors le signal de ne pas cultiver de lentilles, ce qui aurait une incidence directe sur notre entreprise en termes de réduction des exportations. La réduction des exportations se traduirait par une baisse du personnel parce que nous n'aurions plus autant de produits à expédier. Évidemment, nous ferions des efforts pour trouver d'autres marchés mais ce serait très difficile parce que la Colombie occupe actuellement une place tellement importante pour notre entreprise.
En fin de compte, le Canada est un pays béni par une abondance de ressources naturelles. Il nous appartient de bien les gérer dans l'intérêt de tous les citoyens, qu'ils soient cultivateurs, transformateurs ou exportateurs. Ce qui est également important, c'est de pouvoir livrer nos pois, nos lentilles et nos pois chiches à nos consommateurs. Abattre les obstacles au commerce international me permettra de mieux faire mon travail et de faire du bien à ceux qui ont besoin de produits alimentaires.
Le coût actuel des tarifs douaniers, qui est de 150 $ la tonne, est élevé. Le prix des aliments a doublé, si ce n'est triplé, au cours de l'année écoulée à cause de phénomènes mondiaux. Cela représente une somme énorme pour les gens qui essayent d'acheter nos produits.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président. Nous sommes toujours prêts à céder la parole à la Commission canadienne du blé.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je vais faire une brève déclaration liminaire. Je vous promets qu'elle ne dépassera 10 minutes. Ensuite, mon collègue, Sam Boutziouvis, et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
À titre de représentants du Conseil canadien des chefs d'entreprise, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour traiter d'une question très importante pour le Canada. Je vais essayer d'indiquer pourquoi nous appuyons la négociation d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie et je vais tenter de répondre à certaines préoccupations concernant les droits humains, la main-d'oeuvre et l'environnement.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savez pas, le Conseil canadien des chefs d'entreprise regroupe des PDG et des entrepreneurs de 150 des plus grandes entreprises du Canada. Nous sommes un organisme de recherche, d'élaboration de politiques et de promotion. La très grande majorité de l'investissement canadien, des exportations canadiennes, des activités de recherche et de développement du Canada et de la formation professionnelle au Canada émane des entreprises membres du Conseil.
Je dois vous dire aussi que nous sommes actifs depuis longtemps dans le domaine du libre-échange puisque nous avons joué un rôle de leadership en faveur de l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, de l'ALÉNA, et de nos accords de libre-échange avec le Chili, le Pérou, Costa Rica, Israël et l'EFTA. Aujourd'hui, nous participons de manière très active à l'obtention d'accords de libre-échange avec l'Inde et avec l'Union européenne. Le libre-échange est donc l'une de nos préoccupations traditionnelles parce que nous croyons en une économie ouverte et en une économie capable de tirer parti des avantages considérables dont jouit le Canada sur le plan commercial, dans l'intérêt des emplois canadiens et de la croissance canadienne.
Je commence. Tout d'abord, monsieur le président, nous croyons qu'un accord de libre-échange ambitieux et exhaustif entre le Canada et la Colombie rehaussera notre accès à un marché d'exportation nouveau et en expansion. Avec une population de quelque 45 millions d'habitants — vous le savez puisque que vous y êtes allés — et une forte croissance économique, la Colombie représente un marché important pour les produits et services canadiens. Le potentiel de la Colombie n'est pas passé inaperçu dans nos entreprises. Plus de 1 000 entreprises canadiennes font du commerce en Colombie. L'investissement étranger direct du Canada en Colombie s'élève aujourd'hui à environ 3 milliards de dollars, et nous pensons qu'il augmentera à mesure que nous nous approcherons de la conclusion d'un accord.
Les exportations annuelles du Canada en Colombie ont plus que doublé au cours des cinq dernières années et atteignent aujourd'hui 660 millions de dollars. L'accord envisagé profitera aux entreprises et aux travailleurs d'un large éventail d'industries comme l'automobile, l'acier, les produits chimiques, les infrastructures publiques, les forages pétroliers, l'environnement, l'ingénierie, l'agriculture — vous avez entendu nos collègues parler de l'importance de la Colombie pour les lentilles, et nous avons aussi entendu la Commission canadienne du blé en parler pour l'orge et le blé —, les engrais, le papier et les autres produits forestiers, les produits du cuivre, les textiles, l'habillement et la chaussure, les mines et la fabrication avancée, par exemple de machinerie et d'équipement minier.
À nos yeux, mesdames et messieurs, un accord de libre-échange ambitieux, exhaustif et offrant un accès réciproque favorisera une meilleure connaissance de cette économie dynamique et croissante qu'est l'économie colombienne et en ouvrira l'accès au savoir-faire et à l'ingéniosité des entrepreneurs canadiens bien au-delà des produits et services que je viens d'énumérer.
Les milieux d'affaires canadiens sont fortement en faveur d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie comprenant les dispositions fondamentales suivantes : accès élargi aux marchés publics; libéralisation du secteur des services; protection renforcée des brevets canadiens, des marques de commerce et des secrets commerciaux; facilitation des procédures douanières; avantages accrus pour les PME exportatrices; réforme de l'environnement législatif et commercial local pour encourager l'expansion des entreprises et l'investissement; et, finalement, interdiction de la double taxation.
La deuxième raison pour laquelle nous appuyons vigoureusement cet accord est qu'il placera les travailleurs, les agriculteurs et les entrepreneurs canadiens sur un pied d'égalité avec leurs concurrents. Comme vous le savez, le marché canadien est déjà ouvert aux importations colombiennes. L'an dernier, plus de 80 p. 100 de ce que nous avons importé de la Colombie est entré au Canada en exonération de droits. Un accord de libre-échange donnera aux entrepreneurs, aux agriculteurs et aux travailleurs canadiens un accès similaire à cet important marché en expansion.
Comme on vous l'a dit, la Colombie impose un tarif douanier moyen de 11 p. 100 sur les biens industriels, de 17 p. 100 sur les produits agricoles — 15 p. 100 sur le blé —, de 15 p. 100 à 20 p. 100 sur le fils de coton et les produits du papier, et pouvant atteindre 80 p. 100 sur la viande de boeuf. L'abolition de ces tarifs de douane serait très bénéfique au Canada.
Il est crucial de penser au contexte international. Par exemple, les États-Unis ont déjà terminé leurs propres négociations de libre-échange, même si je sais bien que le processus est maintenant en panne et que Nancy Pelosi et les démocrates disent non, pour le moment en tout cas. Je n'ai aucun doute que ce n'est qu'une question de temps et que la Colombie reviendra au premier plan après le changement d'administration.
Si l'on examine le Canada et les États-Unis, il est souvent arrivé dans le passé que des dirigeants politiques disent : « Je n'appuierai pas cet accord et je l'abolirai si je suis élu » mais qu'ils n'en fassent rien une fois élus. Nous avons donc grand espoir que les États-Unis se rapprocheront de la Colombie, pour des raisons parfaitement convaincantes, que ce soit sous les Démocrates ou sous les Républicains.
Entre-temps, comme vous le savez, la Colombie essaye de libéraliser son commerce avec l'Union européenne, les membres de l'Association européenne de libre-échange, le Chili, le Mexique et d'autres. À notre avis, le Canada ne peut se permettre de prendre du retard s'il veut rester compétitif et ne pas se faire exclure de ce marché par des négociateurs plus agressifs.
La troisième raison, monsieur le président, est qu'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie favorisera la croissance économique et la réduction de la pauvreté en Colombie. Les réformes mises en oeuvre au cours de la dernière décennie ont beaucoup profité aux Colombiens. En 2006-2007, la Banque mondiale plaçait la Colombie parmi les 10 premiers pays au monde sur le plan des réformes économiques — pas de la performance économique — et, l'an dernier, l'économie colombienne a connu un taux de croissance de plus de 6,5 p. 100. De même, le Fonds monétaire international s'attend à une croissance économique moyenne de 5 p. 100 par an au cours des cinq prochaines années. Le chômage est tombé de 16 p. 100 en 2002 à environ 10 p. 100 l'an dernier, et on estime que 10 millions de Colombiens sont sortis de la pauvreté au cours des cinq dernières années. Les salaires ont augmenté pendant cinq années de suite et l'inflation est tombée à environ 5 p. 100. Ceux d'entre vous qui êtes membres de ce comité très important savez que bien des pays souhaiteraient avoir des résultats aussi encourageants.
La conclusion d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie donnera le signal que le Canada appuie vigoureusement les initiatives pro-croissance du président Alvaro Uribe, ce qui rehaussera la confiance des gens d'affaires envers la Colombie.
Quatrièmement, monsieur le président, nous pensons que l'accord renforcera les réformes démocratiques et les droits humains en Colombie. Contrairement à ce que d'autres témoins vous ont dit, je le sais, l'histoire récente prouve de manière incontestable que des réformes pro-marché favorisent le développement des institutions démocratiques qui sont tellement importantes pour assurer l'efficacité du gouvernement. Elles permettent d'approfondir les relations entre les pays et de rehausser la protection des droits humains et la responsabilité. Le surcroît d'activité économique résultant d'un accord de libre-échange débouchera sur la création d'emplois meilleurs et de nouvelles opportunités dans l'économie officielle. Cela découragera la corruption. Certes, ça ne l'éliminera pas mais ça la découragera, et ça permettra au gouvernement de faire des investissements additionnels dans des institutions favorisant la règle de droit et la transparence.
Il y a moins d'une décennie, beaucoup pensaient que la Colombie était un État défaillant. En 2000, encore, une bonne partie du pays était contrôlée par des groupes terroristes et d'impitoyables cartels de la drogue. Certes, il y a encore beaucoup à faire mais la transformation en quelques années a été spectaculaire. Les faits sont là. Depuis 2000, les niveaux de violence générale ont baissé de 40 p. 100; d'assassinat, de 40 p. 100; d'enlèvement, de 83 p. 100; et d'attaque terroriste contre les infrastructures publiques, de 76 p. 100.
Le libre-échange et l'expansion économique seront une source de nouvelles opportunités pour les économies informelle et illicite qui ont pendant trop longtemps été dominées par le commerce de la drogue. L'expansion économique et l'ouverture ont déjà entraîné la démobilisation de plus de 40 000 combattants paramilitaires, dont 95 p. 100 ont réintégré avec succès la société colombienne normale.
Comprenez-moi bien : la violence reste une plaie en Colombie. Nous le savons fort bien. Les coûts sociaux et économiques du conflit sont extrêmement élevés mais les problèmes restants sont traités avec succès. La Colombie est une démocratie dynamique possédant une longue histoire d'élections libres, de presse libre et de partis d'opposition efficaces.
Il n'est pas sans intérêt de souligner que le peuple colombien vient d'accorder un taux d'approbation de 80 p. 100 à son président. À notre avis, la Colombie est sur la bonne voie.
Permettez-moi de conclure sur une cinquième remarque, monsieur le président. La Colombie est un élément vital de la stratégie canadienne de repositionnement dans la région. Pendant trop longtemps, le Canada n'a été l'ami de ses voisins de l'hémisphère Sud que quand les choses allaient bien. Heureusement, cela commence à changer. Sur la base de nos accords de libre-échange avec le Chili, le Costa Rica et maintenant le Pérou, le gouvernement du Canada négocie avec plusieurs pays des Caraïbes et d'Amérique centrale. Un accord de libre-échange avec la Colombie consolidera notre stratégie d'engagement accru dans les Amériques, ce qui est pour nous une évolution très positive. Le Canada n'a pas été engagé de manière aussi constructive dans l'hémisphère Sud depuis son accession à l'Organisation des États américains et la signature de l'accord de libre-échange historique avec le Chili.
Le Conseil est convaincu que ces négociations sont dans l'intérêt économique et stratégique du Canada et de la Colombie. Certes, nous devrons attendre leur aboutissement pour dire si l'accord lui-même est suffisamment ambitieux et exhaustif. Nous ne voulons pas d'un accord fragmentaire. Nous voulons un accord exhaustif et très large.
Je pense que retarder ou annuler ces négociations enverrait un mauvais signal au mauvais moment au peuple colombien. Tout retard constituerait un recul de notre politique commerciale et étrangère.
Je crois comprendre que le gouvernement du Canada essaie de négocier des accords de grande qualité sur la main-d'oeuvre et l'environnement parallèlement à l'accord de libre-échange, avec des mécanismes de règlement des différends. En outre, notre gouvernement est déterminé à collaborer étroitement avec la Colombie dans les domaines de la responsabilité sociale des entreprises et du développement des capacités.
Hélas, certains syndicalistes et militants politiques affirment que nous aurions tort de négocier un accord de libre-échange avec la Colombie tant que celle-ci n'aura pas amélioré sa situation sur le plan des droits humains. À mon avis, cela représente un effort regrettable pour faire dérailler une initiative qui serait extrêmement bénéfique au peuple colombien et à la cause de la démocratie.
J'évoquais il y a un instant la baisse spectaculaire de la violence dans la société colombienne. Permettez-moi de vous donner quelques exemples supplémentaires illustrant le rétablissement de la confiance et un sentiment accru de sécurité. En 2002, quelque 131 maires de Colombie étaient forcés d'exercer leurs fonctions en dehors de leur municipalité. Aujourd'hui, tous les maires vivent et travaillent dans leur municipalité. Le trafic sur les routes colombiennes a doublé depuis 2000; le nombre de touristes a doublé en cinq ans. Apparemment, l'Organisation internationale du travail approuve l'orientation de la Colombie en matière de droits humains et de réforme du droit du travail car, pour la première fois en 20 ans, elle vient de retirer la Colombie de sa liste de surveillance.
Je le répète, la Colombie continue de faire face à de sérieux problèmes sociaux, touchant notamment les droits humains et la pauvreté. La bonne nouvelle est qu'elle fait des progrès. Nous devrions encourager ses réformes économiques et démocratiques. Loin de nous écarter, nous devrions appuyer le plus possible ses dirigeants.
En conclusion, monsieur le président, je pense que les travailleurs et entrepreneurs canadiens, dans tous les domaines, ont tout à gagner de la négociation d'un accord de libre-échange ambitieux et exhaustif avec la Colombie. De plus, il est dans l'intérêt du Canada d'avoir des relations actives avec des pays comme la Colombie qui croient à la démocratie, à la règle de droit, à la paix et à la sécurité. La conclusion de cet accord offrira certainement une meilleure protection aux travailleurs et à l'environnement tout en rehaussant le développement des capacités et la responsabilité sociale des entreprises. Pour toutes ces raisons, nous appuyons cette initiative.
Permettez-moi de dire aussi que, conformément à la philosophie de notre organisation — nous appliquerions le même raisonnement à la Chine ou à n'importe quel autre pays, que ce soit Cuba ou même la Corée du Nord —, notre position est celle de l'engagement constructif, de l'ouverture des marchés et d'une action patiente pour atteindre ces objectifs — si la patience est nécessaire — qui sont absolument essentiels pour amener progressivement dans la famille des nations, de manière pleine et complète, des pays qui ne partagent pas nécessairement nos valeurs démocratiques.
Merci beaucoup.
:
Monsieur Cardin, j'aimerais répondre dans la langue de Shakespeare, et non dans celle de Molière, de façon à mieux m'expliquer.
Nous ne sommes pas d'accord, évidemment.
[Traduction]
Ce que vous dites me semble tellement contestable — pas détestable mais contestable — parce que, si l'on examine toute l'évolution depuis l'après-guerre, que voit-on? Si vous et moi avions participé à cette réunion de comité il y a 15 ou 20 ans, la plupart des pays étaient alors des dictatures ou des économies centralisées. Qu'avons-nous constaté au cours des 25 dernières années? Que la plupart des dictatures ont été balayées. Pourquoi? Parce que, dans le même temps, nous avons vu les économies s'ouvrir.
Qu'est-ce que l'Union européenne si ce n'est un accord massif de libre-échange interne? Pensez-vous que les travailleurs de France, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique, d'Italie et des 27 pays de l'Union européenne n'ont vu aucun lien entre l'ouverture de l'Union européenne et la protection de leurs droits? Allez poser la question à n'importe quel dirigeant d'un pays d'Europe occidentale, vou verrez ce qu'il vous dira.
[Français]
« Monsieur Cardin, je ne sais pas dans quel monde vous vivez. »
[Traduction]
Deuxièmement, prenez le cas du Mexique, pays qui a encore beaucoup de problèmes. Si vous comparez le Mexique d'aujourd'hui, où il y a une presse libre beaucoup plus dynamique, où il y a un président qui, lors de dernières élections, a battu par une majorité extrêmement mince le parti central dominant qui avait été au pouvoir pendant 72 ans, que voit-on dans le Mexique d'aujourd'hui? On voit une démocratie beaucoup plus dynamique, beaucoup plus d'ouverture et, avec cela, plus de responsabilité, plus de transparence et toutes les choses qui vont avec l'ouverture.
En réalité, qu'est-ce que l'OMC si ce n'est un gigantesque accord de libre-échange? La réalité est que le monde de l'après-guerre a rejeté totalement le postulat de nombreuses personnes voulant que le libre-échange soit incompatible avec les droits humains.
La dernière chose que je dirais, monsieur Cardin, et c'est une démonstration a contrario, c'est que la raison pour laquelle nous voyons des réformes démocratiques en Chine aujourd'hui n'est pas que les dirigeants chinois ont décidé de réformer leur pays par bonté d'âme. Ils y sont amenés parce qu'ils ont un marché dynamique avec des gens, l'Internet, les communications, la technologie, les télécopieurs et tout le reste. Voilà ce que veut vraiment dire l'ouverture...
:
Monsieur André, je vais tenter de répondre à votre question.
[Traduction]
Parlons d'abord de la question très tragique des assassinats. Je sais parfaitement depuis longtemps qu'il y a un nombre d'assassinats élevé et inacceptable, pas seulement en Colombie mais dans de nombreuses parties de l'hémisphère. Ça existe au Mexique d'aujourd'hui, ça existe dans beaucoup de pays et c'est terrible.
La seule chose que je veux vous dire c'est ceci : selon la revue The Economist, le taux d'assassinat de syndicalistes colombiens est tombé à 5 sur 100 100 en 2007, ce qui représente le septième du taux d'assassinat de Colombiens en général.
Je ne fais aucune différence entre la perte de vie d'un syndicaliste et de n'importe quel autre Colombien. Toute perte de vie est tragique. Je veux seulement signaler que les homicides de syndicalistes ont baissé de 80 p. 100, à peu près, en passant d'un maximum de plus de 200 en 2001 à 33 l'an dernier. Certes, 33, c'est encore trop, mais soyons clairs : à moins que vous et moi n'ayons des bases de données totalement différentes... Et je ne cite pas le Conseil canadien des chefs d'entreprise ici, je cite l'Organisation internationale du travail et The Economist. Tels sont les chiffres. Toute perte de vie est une tragédie.
La deuxième chose est que, bien sûr, les entreprises ont le devoir d'appliquer leurs valeurs et leur responsabilité sociale partout où elles investissent. Je dirais à cet égard que le passé des entreprises canadiennes et, dans l'ensemble, des entreprises américaines, britanniques, françaises, allemandes, australiennes, néo-zélandaises — nous pouvons prendre la liste de toutes les entreprises présentes dans le monde émergent — montre qu'elles apportent des valeurs qui représentent leurs pays, qu'elles témoignent d'un engagement plus élevé envers la responsabilité sociale et qu'elles sont des forces motrices pour apporter la notion de responsabilité, en termes de bonne gouvernance, dans de nombreuses parties du monde.
Vous pouvez me dire : « Saviez-vous que la société minière X rejetait le cyanure de ses mines d'or dans le cours d'eau local? » Vous trouverez toujours quelque part une entreprise qui se comporte mal mais si je vous demande de me donner un exemple d'une entreprise canadienne ayant agi de manière criminelle ou irresponsable en Colombie, vous n'en trouverez pas. S'il il y en a une, j'aimerais la connaître.
:
Merci, monsieur le président et merci aux témoins. J'ai trois questions à poser et je ferai ensuite un commentaire.
Monsieur Potts et monsieur Simpson, j'aimerais savoir combien vous avez reçu de soutien pour faire de la promotion commerciale de produits dans le monde au cours de l'année passée. C'est l'un des problèmes que nous avons continuellement au Canada. Nous n'investissons absolument rien pour faire de la promotion commerciale de produits alors que les autres pays investissent considérablement plus.
Mes autres questions et mon commentaire sont destinés à monsieur d'Aquino. Il y a beaucoup de choses contestables dans ce que vous avez dit. J'aimerais certainement vous lancer le défi de participer à un débat public sur beaucoup de ces questions — par exemple, sur le fait que le Chili de Pinochet est un État de réforme du marché où il y a eu des abus effarants en matière de droits humains; sur la déliquescence rurale du Mexique qui s'est produite et s'est accélérée cette année à cause de beaucoup des dispositions de l'ALENA; et sur ce qui s'est passé au Canada. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise est extrêmement fier du développement économique des 25 dernières années mais les chiffres contredisent vos affirmations. Depuis 1989, le revenu réel a baissé, en réalité, pour deux tiers des familles canadiennes, et nous avons aujourd'hui le même genre d'inégalité des revenus que nous avions dans les années 30, où les Canadiens les plus riches détenaient 50 p. 100 de tous les revenus. Tels sont les faits. C'est ce que nous dit Statistique Canada sur ce qui s'est passé depuis 1989.
J'estime donc que beaucoup de vos arguments sur le développement économique ne tiennent pas debout. Essentiellement, ce que nous avons maintenant, ce sont des exportations sans emploi. Nous expédions des billots de bois aux États-Unis. Nous expédions du pétrole et du gaz naturel. Nous créons pas d'emplois avec ça et c'est pourquoi les revenus réels s'effondrent. C'est pourquoi, au lieu de bons emplois dans le secteur de la fabrication, nous avons des emplois de service au salaire minimum.
C'était le commentaire que je voulais faire. Ma question, pour revenir à la Colombie, concerne certaines choses que nous avons entendues là-bas. Nous avons recueilli des témoignages sur des allégations de collusion entre les paramilitaires — il y en a encore des milliers — et de grandes sociétés comme Nestlé, Coca-Cola et Chiquita. Le gouvernement colombien refuse de faire enquête sur ces allégations qui sont très graves et qui ont débouché sur la mort potentielle de syndicalistes.
Pensez-vous que les entreprises sont au-dessus des lois ou pensez-vous, comme le NPD, que, quand un dirigeant d'entreprise enfreint une loi, il doit faire l'objet d'une enquête approfondie et, si les allégations sont confirmées, être poursuivi dans la plénitude de la loi?
Mon autre question concerne l'accord parallèle sur la main-d'oeuvre. Vous avez parlé d'accords de grande qualité sur la main-d'oeuvre alors que nous savons, d'après notre briefing, que ce qui est réellement prévu dans l'accord, c'est seulement une amende et que, si le gouvernement colombien continue de transgresser les droits humains, s'il continue d'y avoir des morts de militants syndicaux et des liens entre les paramilitaires et le gouvernement — toutes les allégations que nous avons entendues —, tout ce que devra faire le gouvernement colombien, ce sera de verser une amende dans un fonds de solidarité.
Pensez-vous qu'un tel accord sur la main-d'oeuvre soit un accord approprié et de grande qualité et, si oui, quel prix attribuez-vous au massacre continu de syndicalistes et de militants des droits humains en Colombie?
Je sais que nous avons eu un échange animé avec certains honorables députés de ce côté mais je ne voudrais pas quitter cette pièce en donnant le sentiment que nous sommes tellement opposés sur le plan idéologique qui nous est impossible de trouver un terrain d'entente.
Permettez-moi d'être simple. Nous parlons d'un pays qui a connu de très grosses difficultés internes. La Colombie d'il y a 10 ou 15 ans, la Colombie que j'ai découverte à l'époque, était un pays où l'on osait pas sortir le soir dans la rue par peur de se faire enlever. Cette situation s'est améliorée. Mon seul argument est qu'il y a beaucoup de bien et beaucoup de mal, à gauche et à droite. Il se trouve que j'ai la conviction qu'une partie du problème fondamental que nous essayons de régler dans l'ensemble de l'Amérique latine est que c'est un continent qui a été déchiré par des luttes de classes, où les pauvres ont été exploités. Il y a eu une longue histoire, malheureuse et déplaisante, de dictateurs travaillant la main dans la main avec des monopolistes, et il y a eu du capitalisme de copinage. Je le sais fort bien. Ce qui m'intéresse, c'est de voir que les choses ont changé, de voir le genre de progrès que nous avons vu dans des petits pays comme le Costa Rica, qui a signé un accord de libre-échange avec le Canada, dans un pays comme le Chili, où le palais présidentiel a été bombardé et le président assassiné. Voyez le Chili aujourd'hui. C'est un exemple de progrès.
Nous voyons des progrès réels en Colombie aujourd'hui mais le moteur central de ces progrès doit être la démocratisation, l'ouverture de l'économie, la responsabilité, la règle de droit par laquelle vous aurez la protection des droits humains. Et le système d'entreprises — surtout les entreprises de notre propre pays et celles qui apportent avec elles, je pense, les valeurs les plus hautes — peut être perçu comme une force puissante pour promouvoir et faire avancer ces causes.
Ce n'est pas le moment de dire : « Voyez, des syndicalistes en petite minorité, aussi tragique cela soit-il, sont assassinés, mais vous savez, des Colombiens de la population générale sont assassinés en beaucoup plus grand nombre. Nous ne voulons rien avoir à faire avec vous. C'est trop dangereux d'aller chez vous. » Ce ne serait pas la bonne attitude. Si c'était notre attitude, nous dirions qu'il ne faut pas aller en Chine non plus. Pourquoi aller dans des pays qui sont aujourd'hui à un niveau très élevé dans l'OCDE mais dont la règle de droit, les valeurs, les taux d'assassinat, le manque de responsabilité sont toujours problématiques? Le but de tout cela est d'agir avec les gens et d'apporter la règle de droit, de leur apporter l'ouverture et la transparence. C'est comme cela que j'interprète cette grande initiative avec la Colombie.
À mes yeux, les quelques — et je dis quelques mais c'est par rapport à des accomplissements plus importants — bienfaits financiers qu'en retireront les entreprises canadiennes, le millier d'entreprises qui sont là-bas maintenant, ainsi que les autres qui arriveront ensuite, en regard de ce que pourra être la Colombie dans cinq ans ou dans 10 ans, si la Colombie peut aspirer à être un autre Chili, je pense que c'est remarquable. Si nous pouvons contribuer à cela, parfait. Un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie donnera le signal que le Canada n'est pas un ami que quand les choses vont bien. Nous voulons aider. C'est pour cette raison que le gouvernement s'est engagé non seulement envers un accord de libre-échange mais aussi envers le développement des capacités, la gouvernance, la responsabilité sociale.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que pour n'importe quelle entreprise canadienne, de n'importe quelle taille, qui est présente en Colombie, les gens qui dirigent ces organisations vous diraient la même chose que moi. Ils ne veulent pas être dans un pays déchiré par le meurtre, le viol, l'enlèvement. Ils veulent être dans un pays qui marche. La meilleure manière de s'en assurer, c'est d'apporter la règle de droit dans le pays, et un accord de libre-échange peut y contribuer.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner au sujet de cette question importante qu'est l'accord de libre-échange en cours de négociation avec la Colombie.
Permettez-moi de résumer rapidement les arguments que je vais présenter.
Tout d'abord, les entreprises d'extraction qui investissent en Colombie agissent dans une zone de conflit et sont plus susceptibles de devenir complices d'infractions aux droits humains pouvant être commises par les forces de sécurité qui protègent leurs intérêts commerciaux. Elles agissent là-bas avec très peu de responsabilité légale. Il n'y a pas de loi canadienne pour régir cette carence de gouvernance et les codes de conduite volontaires ou les régimes volontaires d'auto-réglementation ne sont pas efficaces pour s'assurer qu'elles ne deviendront pas complices de ces infractions.
J'affirme aussi qu'un accord de libre-échange avec la Colombie n'améliorera pas la situation des droits humains. En réalité, il risque de renforcer la protection des acteurs corporatifs et de réduire l'aptitude de la Colombie à adopter des règlements pour protéger les droits humains. Il n'imposera aux acteurs corporatifs aucune obligation légale de respecter les droits humains.
Nous venons d'assister à un débat au sujet de la Colombie. Comme je l'ai dit, les entreprises d'extraction minière ont la possibilité de devenir complices d'infractions terribles des droits humains qui pourraient être commises par les forces de sécurité publiques ayant l'appui des forces paramilitaires, par des forces de sécurité privées ou même par des forces de guérilla les obligeant à payer pour protéger leurs intérêts commerciaux. Les entreprises actives en Colombie rurale ne peuvent pas agir comme entités neutres en plein milieu d'un conflit civil qui perdure.
J'ai dit que les entreprises oeuvrent dans un contexte de vide réglementaire. Aucune loi internationale générale ni aucune loi internationale touchant les droits humains n'impose clairement d'obligation directe aux entreprises de respecter les droits humains. Il y a peu de chances que le gouvernement local, comme celui de la Colombie dont les forces commettent de graves infractions aux droits humains pour protéger certaines industries d'extraction, réglemente l'activité des entreprises du point de vue des droits humains. Il n'existe aucune obligation internationale légale claire pour les états d'origine, comme le Canada, de veiller à ce que leurs entités commerciales prennent des mesures pour assurer que leurs entreprises respectent les normes touchant les droits humains et le droit humanitaire international et ne deviennent pas complices d'infractions aux droits humains lorsqu'elles agissent à l'étranger.
Le Canada ne possède aucun mécanisme légal efficace pour garantir que les entreprises canadiennes oeuvrant dans des zones de conflit comme la Colombie ne deviennent pas complices d'infractions aux droits humains et ce, malgré le fait qu'il détient de vastes pouvoirs, en droit international, pour réglementer ces entités corporatives sur le plan extraterritorial. Il n'existe aucune loi canadienne obligeant les entreprises à adopter un code de conduite en matière de droits humains, à effectuer une évaluation de leur incidence sur les droits humains, à atténuer toute infraction potentielle aux droits humains avant d'investir dans une zone de conflit, ou à organiser une surveillance indépendante, tout cela pour assurer que l'investissement canadien à l'étranger ne contribue pas aux infractions aux droits humains ou n'en tire pas profit. Tout cela est laissé au bon plaisir de l'entreprise.
Le gouvernement préfère compter sur la bonne volonté des entreprises à adopter des régimes d'autoréglementation volontaires. Or, ces codes volontaires ou ces instruments privatisés d'autoréglementation suscitent de sérieuses préoccupations du point de vue de leur efficacité pour assurer que les acteurs corporatifs respectent les droits humains ou ne sont pas complices d'infractions des droits humains lorsqu'ils agissent dans des zones de conflit. Il est rare que ceux de ces instruments qui englobent les lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales, le Contrat mondial et les principes volontaires soient suffisamment explicites au sujet des questions de droits humains reliés à l'activité des entreprises dans les zones de conflit. Ils ne contiennent pas de mécanismes efficaces de conformité ni de normes de rapport ou de vérification et, à toutes fins utiles, il n'est pas dans l'intérêt public de ces entités corporatives de définir leurs propres obligations ou de vérifier leur propre conduite en matière de droits humains. Il est donc probable que les infractions aux droits humains continueront ou pourront continuer avec leur complicité si les entreprises ne sont régies que par des codes de conduite volontaires.
Un accord de libre-échange n'améliorera en rien la situation des droits humains en Colombie et ne résoudra pas cette carence de gouvernance. Il n'y a pas nécessairement de lien entre la libéralisation du commerce et la protection de l'investissement résultant d'un accord de libre-échange, d'une part, et le développement démocratique, la protection des droits humains et la règle de droit, d'autre part. À moins d'être explicitement conçus dans ce but, les accords touchant le commerce et l'investissement ne protègent pas automatiquement les droits humains et peuvent en fait leur nuire. Ces accords protègent vigoureusement les entreprises sans leur imposer d'obligations correspondantes en matière de droits humains. En outre, certaines de leurs dispositions peuvent avoir pour effet de restreindre l'aptitude du pays d'accueil, comme la Colombie, à adopter des règlements d'intérêt public, notamment pour promouvoir et protéger les droits humains.
Pourquoi de tels accords risquent-ils de restreindre l'attitude de la Colombie à réglementer dans l'intérêt public? Très brièvement, lorsque les lois, les règlements ou les politiques du pays d'accueil vont à l'encontre de dispositions fondamentales touchant par exemple le traitement national, les obligations de la nation la plus favorisée ou les droits de pré-établissement et qu'ils ont ensuite un effet négatif sur l'investissement protégé, les entreprises étrangères concernées peuvent traîner le pays d'accueil, comme la Colombie, devant un processus d'arbitrage international exécutoire. Le gouvernement colombien risque d'être obligé de payer de très grosses indemnités pouvant dans certains cas atteindre des centaines de millions de dollars et ce, même si ces lois ou règlements ont été adoptés pour protéger, promouvoir ou satisfaire les droits humains.
Ces accords comportent également des dispositions restrictives d'expiration en vertu desquelles la Colombie ne pourrait pas simplement dénoncer un accord qui, selon elle, réduirait son aptitude à respecter, protéger et satisfaire les droits humains. Cet accord Colombie-Canada resterait probablement en vigueur pendant 15 ans après son expiration.
Par conséquent, un accord de libre-échange donne plus de droits aux entreprises mais aucune obligation, et il n'imposera aucune obligation au pays d'origine des entreprises en ce qui concerne la conduite des investisseurs.
Donc, les dispositions modèles d'investissement du Canada créent des droits puissants pour les investisseurs, droits qui peuvent être imposés en droit international par l'arbitrage exécutoire, sans obligation d'épuiser les recours locaux. En revanche, il n'y a aucune obligation pour les investisseurs ou leurs pays d'origine. Il n'y a pas de dispositions exigeant que les entreprises respectent les droits humains internationalement reconnus, c'est-à-dire de ne pas causer de tort.
Il n'y a aucune obligation pour les entreprises qui investissent de conduire ou d'effectuer des analyses d'incidence pré-établissement de leurs investissements proposés ou d'atténuer toute incidence négative identifiée.
Si un accord ou un chapitre secondaire sur la main-d'oeuvre est négocié, il portera uniquement sur des questions de main-d'oeuvre. Il ne contiendra aucune obligation légale pour l'entreprise de respecter le droit du travail. Tout chapitre ou accord secondaire sur la main-d'oeuvre qui est négocié, même s'il comporte un mécanisme de règlement des différends et un mécanisme de plainte plus solides que l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail, ne réglera pas les infractions fondamentales aux droits humains qui ont été attribuées aux forces militaires de la Colombie, qui protègent les industries d'extraction, ou aux forces paramilitaires.
Il n'y a aucune obligation pour les entreprises de contrôler les forces de sécurité, de leur donner une formation sur les droits humains ou de divulguer les paiements faits au gouvernement du pays d'accueil ou aux forces de guérilla. Les entreprises qui font ces choses-là auront toujours accès aux dispositions de règlement des différends de n'importe quel accord de libre-échange.
Il n'y a aucune obligation pour le pays d'origine, comme le Canada, de créer un droit de poursuite ou d'assurer l'accès aux tribunaux pour les victimes d'infractions aux droits humains commises par ses citoyens corporatifs ou si de tels citoyens sont complices de telles infractions.
Il n'y a aucune obligation pour le pays d'origine, comme le Canada, de poursuivre les citoyens corporatifs pouvant commettre ou être complices d'infractions flagrantes aux droits humains constituant des crimes internationaux, comme des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou du génocide.
En conclusion, j'affirme que la moindre des choses serait qu'un accord de libre-échange avec la Colombie — qui connaît de terribles problèmes de droits humains et qui est un pays en conflit — contienne des obligations minimales obligeant réellement les entreprises transnationales oeuvrant là-bas à garantir que leurs activités ne contribuent pas directement ou indirectement aux transgressions des droits humains et qu'elles ne tirent pas profit de tels abus; qu'elles ne combattront pas ou ne seront pas complices d'infractions aux droits humains ou au droit humanitaire; que toutes leurs dispositions touchant la sécurité respecteront les normes internationales des droits humains, ainsi que les lois et les normes professionnelles de la Colombie; et que toute entreprise ayant l'intention d'oeuvrer là-bas effectuera une évaluation indépendante du risque concernant notamment les conséquences sur les droits humains et les conséquences humanitaires des activités proposées et assumera la responsabilité d'obtenir le consentement et la coopération du gouvernement colombien pour faciliter cette évaluation indépendante du risque et toute surveillance ultérieure de l'investissement résultant.
En outre, il devrait au minimum y avoir pour les investisseurs corporatifs l'obligation de respecter les normes internationales du droit du travail.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je peux peut-être commencer en rappelant aux membres du comité ce qu'est le Conference Board du Canada. Nous sommes un organisme de recherche indépendant et à but non lucratif qui essaye de faciliter le dialogue entre les gouvernements, le secteur privé, les syndicats et les organismes à but non lucratif du Canada. Nous ne sommes pas ici pour défendre telle ou telle cause mais pour parler de nos recherches et de notre opinion sur la manière dont le monde pourrait être mieux organisé.
Permettez-moi d'énoncer d'abord quatre principes fondamentaux, après quoi je parlerai de la Colombie.
Premièrement, nous croyons que réduire les obstacles au commerce, partout et continuellement, est une bonne chose. Le commerce international est créateur de richesse parce qu'il crée de la concurrence chez soi et des marchés à l'étranger et, de plus en plus, qu'il permet à nos entreprises de devenir plus efficientes en achetant des intrants ailleurs. La méthode idéale pour avoir plus de commerce est le multilatéralisme mais, avec la paralysie de Doha, nous devons envisager des accords régionaux et bilatéraux. Le Canada a pris beaucoup de retard dans ce mouvement vers un libre-échange bilatéral. Nous ne devrions pas rester inactifs dans ce domaine.
Deuxièmement, nous sommes dans ce que j'appelle l'ère du « commerce intégrateur » dans laquelle il y a de plus en plus de liens entre eux tous les éléments du commerce, l'investissement, les exportations et les importations dans le but de rendre les entreprises plus efficientes. Il est clair que les entreprises canadiennes veulent devenir aussi concurrentielles que possible sur un marché mondial très concurrentiel. Par conséquent, pour être efficaces, nous devons envisager les accords commerciaux les plus exhaustifs possible, c'est-à-dire tenant compte du commerce, de l'investissement, des biens et services, et du fait que les importations comptent autant que les exportations pour les entreprises canadiennes et sont désormais une composante essentielle de notre économie nationale.
Troisièmement, les Canadiens attachent beaucoup d'importance au respect des droits humains. Toutefois, nous devons être très prudents dans le choix du bon instrument si nous voulons agir sur le plan des droits humains, et veiller à ne pas ajouter de conditions politiques excessives aux négociations commerciales. Cette approche pourrait rapidement devenir une pente glissante vers un protectionnisme rampant. Qu'il me suffise d'attirer votre attention sur la campagne électorale aux États-Unis où l'on a parlé d'intervention politique dans le libre-échange pour montrer que nous sommes aujourd'hui à une étape où l'économie mondiale est très sujette à des forces protectionnistes. Chaque fois qu'il y a ralentissement de la croissance économique, il y a montée du protectionnisme. On peut le constater aujourd'hui sur la scène internationale. Faites donc très attention si vous commencez à ajouter des conditions supplémentaires aux accords commerciaux.
Quatrièmement, je pense que si les facteurs politiques comme les droits humains sont importants dans n'importe quel pays, nous devons nous efforcer le plus possible de faire d'un respect accru des droits humains un élément du dialogue global plutôt qu'une simple condition dans un accord commercial.
Pour ce qui est de la Colombie, je dois admettre que je suis relativement agnostique, ou que j'ai des sentiments très partagés. À mon avis, rien n'est tout blanc ou tout noir en Colombie. Très franchement, ce n'est même pas un dossier particulièrement important. La Colombie n'est pas un marché de premier rang pour le Canada. J'ai fait quelques calculs très simples : la Colombie ne reçoit que 0,15 p. 100 des exportations du Canada. Notre commerce annuel avec la Colombie est à peu près équivalent à notre commerce avec le Dakota du Sud et il est en fait inférieur à notre commerce avec le Delaware ou le Rhode Island. Par rapport à certains autres marchés beaucoup plus proches de nous, la Colombie n'est pas un acteur fondamental. Comme l'a dit M. d'Aquino, 80 p. 100 des importations canadiennes provenant de la Colombie arrivent déjà en exonération de droits de douane et les gains issus du libre-échange ne seraient donc probablement pas aussi importants que dans d'autres cas.
Certes, il y a manifestement certains secteurs — l'un d'entre eux s'est exprimé devant vous il y a quelques instants — qui pourraient bénéficier d'un accès élargi au marché et qui pourraient accroître leurs ventes mais, de manière générale, je pense que nous avons très peu d'indications que les entreprises canadiennes vont rehausser leur compétitivité internationale par l'accroissement de notre commerce avec la Colombie. Il n'y aura pas d'amélioration énorme du fait d'une intégration entre le Canada et l'économie colombienne. Nous devons faire attention à ne pas utiliser la Colombie comme précédent pour d'autres accords car c'est un cas mineur.
De fait, en l'absence d'accords multilatéraux, que ce soit dans le cadre de Doha ou dans le cadre du libre-échange des Amériques, je pense que nous pourrions probablement obtenir des gains plus importants en termes de création de richesse au Canada au moyen d'un accord sous-régional englobant d'autres pays de la région qu'au moyen d'une série de négociations bilatérales. J'entends déjà parler d'accords bilatéraux avec le Pérou. Ajouter la Colombie à la liste n'améliorera pas nécessairement la situation. En fait, cela rendra la situation plus compliquée pour le bassin limité de talent que nous avons pour mener des négociations de libre-échange au Canada.
Tout compte fait, nous sommes certainement en faveur du libre-échange avec la Colombie mais la vraie question est de savoir si ça devrait être notre priorité. La Colombie devrait-elle être vraiment le prochain pays sur notre liste ou devrions-nous plutôt songer, par exemple, au libre-échange avec l'Union européenne dans le sillage de notre accord de libre-échange avec les pays de l'EFTA? À ce sujet, il est important de souligner que le premier ministre Charest a fait preuve d'un leadership national important en faisant de la libéralisation des échanges avec l'Europe l'une de ses premières préoccupations.
Je peux peut-être conclure en disant que, si vous voulez débattre des droits humains et du commerce international, la Chine est probablement un cas beaucoup plus intéressant que la Colombie car la Chine est manifestement au centre de la mondialisation à l'heure actuelle. C'est en fait le moteur de l'économie mondiale. Il y a donc des avantages concernant la Chine qui n'existent tout simplement pas dans le cas du libre-échange avec la Colombie. C'est évidemment pour cette raison que la Chine a signé toute une série d'accords bilatéraux de libre-échange, notamment avec des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui respectent aussi les droits humains et sont aussi des démocraties avancées.
En fin de compte, voici à quoi cela se résume : si vous commencez à parler de libre-échange avec un pays possédant une histoire d'infraction aux droits humains, est-ce une approbation, un appui ou un endossement tacite de ses politiques ou est-ce que le libre-échange est en réalité le moyen d'obtenir un engagement approfondi avec ce pays? Dans nos recherches, nous concluons que poursuivre le libre-échange avec des pays qui ne sont pas aussi démocratiques comme sociétés ouvertes que le Canada est probablement une condition nécessaire pour l'élargissement du dialogue mais, en fin de compte, c'est à votre comité qu'il appartient d'en débattre.
Merci, monsieur le président.