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CIMM Rapport du Comité

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Réglementation des
consultants en immigration

« Nous définissons les conseillers en immigration comme des gens qui ne sont pas membres d’un barreau, mais qui, contre rémunération, conseillent ou représentent des personnes au sujet de questions d’immigration(1). » À la suite d’allégations de pratiques inacceptables chez les consultants en immigration, le Comité a étudié la question en 1995 et a déposé un rapport assorti de recommandations(2). En octobre 2002, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a créé un comité consultatif chargé d’étudier les problèmes de ce secteur et de lui proposer des options. En mai 2003, le comité a présenté au ministre son rapport final(3) dans lequel il recommandait au gouvernement de créer un organe d’autoréglementation des activités des consultants en immigration.

À la suite du rapport du comité consultatif, la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI) s’est constituée à l’automne 2003. Cet « organisme autonome sans but lucratif et sans lien de dépendance avec le gouvernement fédéral […] a la responsabilité de réglementer les activités des consultants en immigration qui en sont membres et qui offrent des services de conseils rémunérés en matière d’immigration(4) ».

Malgré la création de la SCCI, le public et des membres de la profession eux-mêmes ont continué de se plaindre de pratiques inacceptables de la part de consultants en immigration. En avril 2008, le Comité s’est lancé dans une deuxième étude du sujet : pendant trois semaines il a parcouru le pays d’un océan à l’autre pour entendre des témoins. À partir des témoignages entendus, il formule les recommandations suivantes.

Réglementation des consultants en immigration au Québec

Considérant l'Accord Canada-Québec en immigration et reconnaissant la nature et les besoins spécifiques de la nation québécoise en matière d'immigration, le Comité est d'avis que le contrôle de la profession de consultant en immigration devrait relever uniquement du gouvernement du Québec sur son territoire.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada exige dans ses lois et règlements que, pour représenter ou conseiller une personne dans toute affaire devant le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, un agent d'immigration ou la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, un consultant en immigration du Québec soit reconnu officiellement en vertu des lois québécoises plutôt que d’être assujetti à l’obligation d’être membre de la Société canadienne de consultants en immigration. Cette recommandation ne porte aucunement atteinte aux membres du Barreau du Québec et aux membres de la Chambre des notaires du Québec, qui pourront continuer de représenter leurs clients comme c’est le cas actuellement.

Le Comité reconnaît par ailleurs que, dans ce contexte, l'ensemble des autres recommandations de ce rapport ne s'appliqueront pas au Québec.

Donner suite aux doléances des consultants en immigration au sujet de la SCCI

Au cours de ses déplacements, le Comité a recueilli le témoignage d’un certain nombre de consultants en immigration d’un bout à l’autre du pays, et beaucoup se sont dits fort insatisfaits de la façon dont la SCCI est actuellement régie. Le Comité a entendu les doléances suivantes :

·        La cotisation à la SCCI est trop élevée.

·        La façon dont les examens d’admission sont préparés et corrigés est discutable.

·        La SCCI n’a pas de plan d’ensemble pour son secteur d’activités.

·        Il n’y a ni transparence ni démocratie dans le processus décisionnel de la SCCI.

·        Le conseil d’administration de la SCCI ne rend de comptes à personne.

·        Un membre de la SCCI n’a pas le loisir de réclamer une réunion spéciale.

·        Les indemnisations et les dépenses des membres du conseil de la SCCI sont excessives, farfelues et injustifiées.

·        Des membres du conseil sont en conflit d’intérêts : ils ont créé l’Institut canadien de la migration, une société à but lucratif du même secteur, et siègent au conseil de cette société.

·        Beaucoup de membres doivent débourser 800 $ pour acheter une vidéo éducative désuète afin d’obtenir suffisamment de points de perfectionnement pour conserver leur accréditation à la SCCI.

·        La SCCI ne communique pas également en français et en anglais avec ses membres et ne leur offre pas des services égaux dans les deux langues.

·        Les règles de déontologie de la SCCI ont été modifiées de telle façon que toute intervention ayant pour effet de « dénigrer » l’organisme est maintenant considérée comme une faute professionnelle et les membres ont l’obligation de traiter la SCCI « avec dignité et respect ».

·        Le site Web de la SCCI est conçu de telle façon qu’il est impossible aux membres d’envoyer des courriels en vrac à tous les autres membres.

Ces griefs ont différentes causes et nul doute que bon nombre d’entre eux sont attribuables au fait que la SCCI est une organisation relativement jeune, qui cherche encore à trouver un juste équilibre dans sa façon de réglementer une profession qui jusqu’ici ne l’était pas. Le Comité est toutefois d’avis que les problèmes à la SCCI ne sont pas que passagers. Au départ, la Société n’a pas été dotée des outils nécessaires pour pouvoir bien s’acquitter de son mandat d’organisme de réglementation. À titre d’entité constituée en vertu d’une loi fédérale, la SCCI n’est pas habilitée à sanctionner les consultants en immigration qui n’en sont pas membres et elle n’a pas le pouvoir de demander l’exécution judiciaire des mesures disciplinaires qu’elle impose à ses membres. De plus, parce que la compétence de la SCCI n’est pas régie par une loi, il est impossible aux membres insatisfaits ou à quiconque d’autre d’exercer une quelconque influence sur le fonctionnement interne de la Société par le biais d’un examen judiciaire. De l’avis du Comité, il faudrait légiférer pour remédier à ces lacunes.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada présente une loi distincte pour rétablir la Société canadienne de consultants en immigration en qualité de société sans capital-actions. Cette « Loi sur la Société de consultants en immigration » devrait traiter des mêmes aspects que ceux abordés dans les lois portant création des sociétés du barreau constituées en vertu de lois provinciales, notamment mais sans s’y limiter : fonctions de la société, agrément des membres et déontologie, compétence professionnelle, interdictions et infractions, règlement des plaintes, fonds d’indemnisation et règlements administratifs. Une fois que l’organisme de réglementation aura été rétabli en qualité de société constituée en vertu d’une loi fédérale, l’actuel organisme constitué en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes pourra être liquidé.

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada facilite le rétablissement du nouvel organisme de réglementation et continue d’intervenir dans ses affaires jusqu’à ce que celui-ci soit pleinement fonctionnel.

Le Comité s’attend à ce que le fonctionnement du nouvel organisme s’apparente beaucoup à celui d’une société du barreau constituée en vertu d’une loi provinciale, mais est d’avis que les détails de sa procédure d’intervention devraient être conçus de façon à assurer la meilleure protection possible au public qu’il dessert. Le Comité trouve particulièrement important de faire en sorte que le nouvel organisme soit en mesure d’intervenir efficacement en cas de représentation non autorisée ou abusive, et que les immigrants au statut précaire au Canada puissent porter plainte le cas échéant. C’est pourquoi il formule la recommandation suivante :

Recommandation 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada veille à ce que :

·        le nouvel organisme de réglementation des consultants en immigration mette en place une procédure de règlement des plaintes auprès d’un tiers à titre gratuit afin que les immigrants au statut précaire au Canada puissent porter plainte lorsqu’ils sont victimes de représentation non autorisée ou abusive;

·        les immigrants soient informés que la plainte qu’ils soumettent à l’organisme de réglementation ne nuira pas à leur demande d’immigration;

·        l’organisme de réglementation ait un avocat/enquêteur qui défendra l’intérêt public dans les poursuites pour inconduite.

S’attaquer au problème des consultants fantômes

Les consultants fantômes sont des consultants en immigration rémunérés qui conseillent des clients ou les représentent dans des dossiers d’immigration sans être des « représentants autorisés », c’est‑à‑dire sans être membres en règle d’un barreau provincial, de la Chambre des notaires du Québec ou de la SCCI. Les représentants de la SCCI ont exprimé leur frustration de voir ces consultants offrir ouvertement leurs services, parfois au détriment du public, sans qu’il soit possible de leur imposer quelque sanction que ce soit parce qu’ils ne sont pas membres inscrits de la Société. Les consultants inscrits se sont eux aussi dits frustrés par la concurrence des consultants fantômes, qui semblent offrir plus pour moins cher à leur clientèle parce qu’ils ne sont pas soumis aux normes déontologiques imposées par la SCCI ou par le barreau de la province, et qu’ils n’ont à payer ni de frais d’adhésion à une association professionnelle, ni de frais de scolarité.

Le Comité s’est fait dire que les consultants sans scrupule disposent de différents moyens pour se soustraire à la réglementation fédérale. Il formule donc la recommandation suivante dans le but de réduire considérablement le nombre de catégories de consultants en immigration qui exercent incognito sans être des représentants autorisés.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 13.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés et le guide de Citoyenneté et Immigration Canada portant sur le recours aux services d’un représentant rémunéré ou non rémunéré (IP 9) et tous les autres documents pertinents de façon à :

·        exiger que seuls les représentants autorisés puissent, contre rémunération ou à titre gratuit, donner des avis ou des conseils à une personne qui fait l’objet de procédures ou a présenté une demande devant le ministre de la Citoyenneté et de l’immigration, un agent d’immigration ou la Commission de l’immigration et du statut de réfugié;


·        exiger que seuls les représentants autorisés puissent effectuer du travail de préparation dans le dossier d’une personne qui fait l’objet de procédures ou a présenté une demande devant le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, un agent d’immigration ou la Commission de l’immigration et du statut de réfugié;

·        obliger quiconque a recours à un représentant à le déclarer, peu importe si ce représentant effectue ou non du travail de préparation, dans le cas de procédures ou d’une demande devant le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, un agent d’immigration ou la Commission de l’immigration et du statut de réfugié;

·        resserrer les critères servant à déterminer si un client a recours ou non à un représentant non identifié, afin de pouvoir plus facilement repérer les représentants non identifiés qui interviennent dans les dossiers d’immigration.

Appliquer les normes

En plus d’exprimer leur frustration au sujet des consultants fantômes, les témoins entendus par le Comité ont tour à tour déploré le fait que l’actuelle réglementation concernant les consultants en immigration est inapplicable ou mal appliquée. Certains témoins ont réclamé la création d’une infraction précise dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, tandis que d’autres sont d’avis que les dispositions actuelles régissant les infractions seraient suffisantes si les différents ministères et organismes en cause se concertaient pour bien les appliquer.

Le Comité est d’accord avec les témoins qui réclament que l’exercice non autorisé soit expressément interdit et devienne une infraction. Toutefois, l’ajout d’une disposition à cette fin dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés deviendra inutile une fois qu’une loi prévoyant le rétablissement de la SCCI aura été adoptée. À l’instar des lois provinciales sur les sociétés du barreau, la loi fédérale sur la Société canadienne de consultants en immigration recommandée ici devrait comprendre des dispositions pour interdire expressément l’exercice non autorisé et en faire une infraction. Étant donné que l’adoption et la mise en œuvre d’une telle loi pourraient prendre encore un peu de temps, le Comité formule la recommandation suivante afin de renforcer l’application des lois actuelles d’ici l’adoption de la nouvelle loi.

Recommandation 6

Le Comité recommande que les autorités fédérales responsables de la réglementation et de l’application de la loi (Citoyenneté et Immigration Canada, Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Agence des services frontaliers du Canada, Gendarmerie royale du Canada, Société canadienne de consultants en immigration et Agence du revenu du Canada) travaillent de concert avec leurs partenaires provinciaux (gouvernements provinciaux et sociétés du barreau) afin de coordonner les enquêtes, les communications et les mesures d’application adoptées pour que les cas de consultants en immigration non inscrits soient renvoyés aux sociétés du barreau pour faire l’objet de sanctions ou donnent lieu à des poursuites en vertu des dispositions fédérales actuelles, selon la nature des activités en cause. Ces dispositions comprennent sans s’y limiter les infractions générales prévues dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les dispositions du Code criminel et les lois fiscales fédérales. Au plus tard quatre mois après le dépôt du présent rapport à la Chambre des communes, un organisme responsable serait désigné pour coordonner les enquêtes, les communications et les mesures d’application.

S’attaquer au problème des représentants non autorisés qui exercent ailleurs qu’au Canada

Des témoins se sont plaints au Comité des pratiques douteuses de certains consultants en immigration exerçant à partir de l’étranger, qui abusent de la confiance des personnes désireuses d’immigrer au Canada. Bien que conscient du peu de moyens dont dispose le Canada pour intervenir en dehors de ses frontières afin de couper court à ces pratiques, le Comité croit qu’il est possible au gouvernement du Canada de mieux protéger les immigrants éventuels contre les consultants en immigration malhonnêtes, s’il simplifie les procédures d’immigration, informe les nouveaux arrivants éventuels et les met en garde contre les possibilités d’abus.

Recommandation 7

Le Comité recommande que Citoyenneté et Immigration Canada examine les procédures actuellement applicables aux types les plus courants de demandes de services d’immigration afin de les simplifier dans la mesure du possible.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada révise tous les sites Web des ambassades et missions canadiennes à l’étranger pour s’assurer qu’ils véhiculent une information uniforme, claire et bien visible sur les consultants en immigration. Ces messages devraient :

·        être traduits dans la langue (ou les langues) du pays;

·        informer les immigrants éventuels qu’ils ne sont pas obligés d’avoir recours à un consultant en immigrant pour leur dossier d’immigration, et fournir un numéro de téléphone qui fonctionne à partir du pays même, ainsi que d’autres coordonnées permettant aux immigrants éventuels d’adresser leurs questions aux autorités gouvernementales compétentes;

·        indiquer que les personnes qui décident d’avoir recours à un consultant en immigration peuvent uniquement se prévaloir des services d’un « représentant autorisé »;

·        donner une liste de représentants autorisés qui exercent dans le pays;

·        préciser qu’aucun représentant ne peut garantir à son client que ses démarches en matière d’immigration seront couronnées de succès.

Recommandation 9

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada fasse en sorte que le formulaire de déclaration « Recours aux services d’un représentant » (IMM 5476) puisse être obtenu dans la langue du pays auprès des ambassades et des missions canadiennes à l’étranger. De même, sous réserve de la demande actuelle, le Comité recommande que le gouvernement du Canada fasse en sorte que d’autres formulaires et instructions concernant les services d’immigration, comme ceux relatifs au parrainage de membres de la famille, soient accessibles dans d’autres langues que le français et l’anglais.



([1])   Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Les conseillers en immigration : le temps est venu d’agir, Neuvième rapport, 1re session, 35e législature, novembre 1995, p. 1.

([2])   Ibid.

([3])   Rapport du Comité consultatif sur la réglementation des activités des consultants en immigration, mai 2003, http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/publications/consultants/index.asp.

([4])   Site Web de la SCCI, http://www.csic-scci.ca/content/about.