Passer au contenu

FAAE Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CONCLUSION

Le moment est mal choisi pour lancer des accusations ou pour revenir sur nos engagements. La patience de l’opinion occidentale et des Afghans a des limites; nous risquons de perdre leur appui si nous ne corrigeons pas le tir rapidement. La communauté internationale a visé trop bas, et pas seulement métaphoriquement, en faisant le jeu des réseaux de trafic d’influence au lieu d’instituer des mécanismes de reddition de comptes et de donner une forme plus inclusive à la consolidation de la paix, comme le souhaitait la population. Elle doit non seulement remédier à ses propres insuffisances, mais forcer le gouvernement de Kaboul à assumer la responsabilité de ses failles.

International Crisis Group,
« Afghanistan: The Need for International Resolve »,
Asia Report no 145, 6 février 2008, p. ii. [traduction]

Nous avons grandement progressé depuis 2001, mais il reste encore beaucoup à faire pour « donner au Pacte tout son impact » [ …] Quand il disposera des outils, du soutien politique et de l’appui aux droits de la personne nécessaires, le peuple afghan — avec l’aide de son gouvernement et de ses partenaires internationaux — jouera un rôle déterminant dans le redressement du pays et l’établissement d’une paix durable.

République islamique d’Afghanistan,
Stratégie nationale de développement de l’Afghanistan (2008-2013),
Kaboul, avril 2008, p. vi et 1 [traduction]

La mission en Afghanistan, qui vient en tête des priorités internationales du Canada, est la mission militaire et civile canadienne à l’étranger la plus coûteuse depuis la guerre de Corée il y a près d’un demi-siècle. Plus de 80 militaires et un diplomate canadiens y ont perdu la vie.

Dans le Pacte pour l’Afghanistan de 2006, la communauté internationale s’est entendue sur des objectifs, des jalons et des calendriers précis. Pour qu’ils soient respectés, il pourrait être nécessaire que le Canada consente davantage d’efforts à long terme au chapitre des relations diplomatiques, du développement et des institutions démocratiques, notamment dans le secteur de la sécurité et des institutions indispensables à la règle de droit (armée, police, contrôle frontalier, tribunaux, prisons, etc.).

Dans son rapport, le Comité a mis l’accent sur l’apport du Canada aux trois piliers du Pacte : sécurité et paix durable; reconstruction et développement à long terme; saine gouvernance, règle de droit, droits de la personne et institutions démocratiques. Il a recueilli à cet égard des témoignages concernant les progrès accomplis, quoique ceux-ci soient plus marqués dans certains domaines que d’autres.

Ainsi, la situation est encourageante. Cependant, le Comité est en accord avec les nombreux témoins qu’il a entendus, avec le rapport du 22 janvier 2008 du Groupe d’experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan et avec la motion adoptée le 13 mars par la Chambre des communes : le statu quo ne suffit pas. À vrai dire, comme John Manley l’a affirmé sans ambages au Comité, « la situation actuelle n'est pas acceptable. L'engagement est insuffisant. On pourrait perdre l'Afghanistan[342] ». Il faut apporter des améliorations et le Comité fait 35 recommandations à cet égard au gouvernement.

Selon le Comité, il faudra une combinaison de réalisme et de résolution pour obtenir des améliorations qui profitent vraiment à la population afghane. Aussi, faut-il non pas minimiser les progrès accomplis ou chercher une porte de sortie avant l’heure, mais plutôt affronter les problèmes complexes qu’il reste encore à résoudre. Le général canadien Raymond Henault, président du Comité militaire de l’OTAN et ancien chef d’état-major de la Défense, a bien fait ressortir les deux aspects du problème lorsqu’il a dit récemment :

Nous faisons des progrès en Afghanistan; cela ne fait aucun doute […] les progrès sont lents. Ce n’est pas seulement une mission militaire, et nous n’atteindrons jamais notre but si nous y affectons seulement des forces militaires […] nous n’avons aucune chance de réussir tant que la communauté internationale n’engagera pas les ressources nécessaires sur le plan civil[343].

Ce qu’il faut, c’est une vue d’ensemble avec pour objectif de faire de l’Afghanistan un État démocratique paisible et stable, en paix avec ses voisins. Cependant, le général Henault a ajouté que, sur le plan militaire, « les instances politiques n’arrivent pas à s’entendre sur cette démarche globale ou même à nous donner les éléments politiques d’une démarche basée sur les effets – et cela, en raison de divergences de vues [entre les gouvernements alliés][344] ». Il faudra donc de vigoureux efforts diplomatiques pour surmonter cette carence des pays qui contribuent à l’effort militaire et des donateurs internationaux en Afghanistan.

Par ailleurs, en Afghanistan même, il reste encore à surmonter les conséquences de décennies d’affrontements et de destruction, ce qui exigera temps et patience. Comme on le constate dans une étude récente des interventions internationales dans des États parties à un conflit, « c’est la présence à long terme des donateurs qui permet la création, le soutien et la maturation des institutions qui préviendront un retour en arrière ou le départ des donateurs[345]. »

En dernière analyse, l’Afghanistan demeure l’un des problèmes les plus épineux auxquels la communauté internationale est confrontée. Suivant l’indice composé d’une nouvelle étude de la faiblesse de l’État dans les pays en développement, l’Afghanistan n’est devancé que par la Somalie, et sa marque de zéro pour les indicateurs de sécurité et de bien-être social lui vaut d’être le pire des 141 pays observés[346].

Il faudra, pour réparer tant de dommages, une approche de la résolution des conflits et du développement qui aille bien au-delà de la lutte anti-insurrectionnelle. À cet égard, Nick Grono de l’International Crisis Group a bien résumé la situation en Afghanistan en avril 2008 :

Les conflits qui se succèdent en Afghanistan depuis des dizaines d’années ont endommagé le tissu social et compromis les mécanismes d’État et les mécanismes traditionnels de résolution des conflits. À cause de l’absence d’institutions devant lesquelles porter les griefs, une myriade de conflits locaux, qui, pour la plupart, n’ont rien à voir avec la lutte contre les talibans, prennent un caractère chronique. En fait, un récent sondage réalisé par Oxfam dans tout l’Afghanistan dans la foulée de nos propres travaux de 2003 sur la consolidation de la paix a permis de constater que les principales causes de conflits en Afghanistan ne concernent pas les talibans, mais bien l’eau, les terres et les différends entre tribus, dans cet ordre-là […] Au chapitre de l’insécurité généralisée, le gouvernement Karzaï et la communauté internationale doivent garder leur sang-froid, se concentrer sur le renforcement des institutions et éviter les solutions provisoires. Il importe en particulier de mettre en place les institutions essentielles à l’établissement de la règle de droit et à la prestation des services […] en bâtissant ces institutions, on coupe l’herbe sous le pied des talibans[347].

Le Comité convient que la sécurité, le développement et la gouvernance en Afghanistan ne sauront progresser autrement que de front. Il est convaincu que le Canada est parfaitement capable de relever les multiples défis de cette mission en se donnant une stratégie globale et en révisant son approche tout en s’adaptant au besoin à l’évolution de la situation. Nous ne pouvons pas nous soustraire à cette responsabilité tant que les Afghans auront besoin de nous.

De plus, le Canada est à même de prendre les rênes de l’intervention internationale visant à aider l’Afghanistan.  L’ambassadeur du Canada en Afghanistan, Arif Lalani, a expliqué au Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan le 28 mai que « l'Afghanistan est un endroit où nous sommes en fait un des chefs de file. Une des conséquences de cette situation est que ce n'est pas facile et, en tant que Canadiens, il est essentiel que nous nous en accommodions. Le leadership nous oblige parfois à prendre des décisions et des mesures dures et difficiles; je pense que c'est ce que nous faisons en Afghanistan[348]. » 

Dans cet esprit, le Comité présente dans son rapport des recommandations qu’il estime propres à renforcer l’apport canadien en Afghanistan pour assurer de manière durable la paix et la sécurité, le développement et la gouvernance démocratique. La partie n’est pas gagnée d’avance, mais nous sommes convaincus que les Canadiens et les Canadiennes ne failliront pas à la tâche.

Notes de la conclusion


[342]       Témoignages, réunion 18 du FAAE, 11 mars 2008, p. 14.

[343]       « Interview », Janes Defence Weekly, 26 mars 2008, p. 34, www.jdw.janes.com. [traduction]

[344]       Ibid.

[345]       Satish Chand et Ruth Coffman, « How Soon Can Donors Exit From Post-Conflict States? », Center for Global Development (www.cgdev.org), Working Paper no 141, février 2008, « Abstract ». [traduction]

[346]       Susan E. Rice et Stewart Patrick, Index of State Weakness in the Developing World, The Brookings Institution, Washington D.C., 2008, p. 10.

[347]       Allocution de Nick Grono, vice-président, International Crisis Group, colloque du Geneva Centre for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF) et de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN sur la stabilisation de l’Afghanistan, 17 avril 2008, http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=5396&l=1 [traduction].

[348]       Comité spécial de la Chambre des communes sur la mission canadienne en Afghanistan, Témoignages, réunion 5 du FAAE, 28 mai 2008, p. 12.