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FOPO Rapport du Comité

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DES PORTS POUR PETITS BATEAUX SÛRs ET BIEN FINANCÉS : UNE PRIORITÉ nécessaire

Introduction

Le bien-être économique des localités côtières du Canada dépend d’installations portuaires sûres et fonctionnelles. Les ports et les quais fédéraux sont exploités par Transports Canada et par Pêches et des Océans Canada (MPO), qui exploite et entretient pour sa part le réseau des ports indispensables à la pêche commerciale. Les ports de pêche sont souvent le seul signe tangible de présence fédérale dans les villages éloignés; et à bien des endroits, ces installations offrent le seul accès public à l’eau.

Le Programme des ports pour petits bateaux (PPB) a été créé au MPO en 1972, en vertu de la Loi sur les ports de pêche et de plaisance et de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux. Il assure la construction, l’entretien et l’exploitation des ports de pêche commerciale. Par ce programme, le MPO fournit des services comme l’accostage des bateaux commerciaux et de plaisance.

Les ports pour petits bateaux constituent un des neuf secteurs d’activité du MPO à l’heure actuelle et répondent à un des trois objectifs stratégiques du ministère : des voies navigables sûres et accessibles. Le Programme des PPB comporte trois sous-activités : opération; entretien et dessaisissement. Le MPO se fie à ce programme pour assurer un réseau de ports essentiels à la pêche commerciale au Canada qui soit ouvert, sûr et en bon état. Le MPO a également formulé une vision du Programme des PPB :

Existence d’un réseau national essentiel de ports en bon état pouvant répondre aux principaux besoins de l’industrie de la pêche commerciale et de l’industrie aquacole. Ces ports doivent être exploités et gérés par de solides administrations portuaires (AP) professionnelles et indépendantes. Ces AP, qui représentent les utilisateurs et les collectivités locales, assument l’entière responsabilité de toutes les activités de leur port, notamment la gestion et des activités d’entretien mineures, ainsi que l’apport d’importantes contributions financières au financement de leur port1.

En décembre 2001, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des Communes (le Comité) a présenté le rapport L’infrastructure marine (ports pour petits bateaux) qui traitait du problème du sous-financement chronique au Programme des PPB. Après l’Examen des programmes de 1995, le gouvernement avait confirmé sa décision antérieure de se dessaisir complètement des ports de plaisance et de rationaliser ses ports de pêche. Faute de fonds supplémentaires prévus pour ces cessions, les PPB ont été forcés d’en détourner du programme d’entretien normal avec pour conséquence qu’au moment de l’étude du Comité, 21 p. 100 des installations restantes étaient en mauvais état ou peu sûres. Dans son rapport, le Comité a recommandé l’injection de 400 millions de dollars sur cinq ans pour amener les ports essentiels demeurant au fédéral à un état acceptable, ainsi qu’une rallonge de 28 millions de dollars par an pour en assurer l’entretien par la suite.

Dans sa réponse, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il avait affecté, dans le Budget 2001, 20 millions par an sur cinq ans à la réfection des structures des ports de pêche actifs. Cet investissement, combiné aux 40 millions reçus en vertu du financement quinquennal de l’intégrité des programmes, a porté le budget des PPB à 94 millions de dollars en 2002‑2003, en hausse par rapport à 58 millions en 1997‑1998 (voir figure 1). À l’époque, le gouvernement affirmait que cela permettrait au PPB d’assurer les réparations urgentes requises pour la sûreté des ports de pêche essentiels.

Figure 1 — Dépenses réelles et prévues des PPB, 1997-2010

Source :      Comptes publics du Canada, Rapport sur les plans et les priorités 2007‑2008 du MPO, et Témoignages, 19 novembre 2007.

Note :         Gris = Dépenses réelles; blanc = Dépenses prévues; Hachures = Déficit de dépenses prévues.

Les gouvernements successifs n’ont pas pleinement donné suite à la recommandation de 2001 du Comité d’investir 400 millions pour mettre à niveau les ports essentiels. Cette recommandation découlait du témoignage du directeur général des PPB devant le Comité. En 2001, le Programme des PPB avait évalué à l’interne le coût des réparations, pour remettre à niveau tous les ports de pêche actifs en mauvais état ou dangereux. Ces ports ont été examinés un à un par le personnel de terrain des PPB; toutes les réparations requises ont été compilées et chiffrées.

En mars 2007, le Programme de réparation des infrastructures des ports pour petits bateaux est venu à échéance après cinq ans. Le Fonds pour l’intégrité des programmes, lancé en 2000‑2001, avait pris fin deux ans plus tôt. Le Comité a présenté un second rapport en 2006, dans lequel il recommandait que le gouvernement hausse le budget des PPB de 2006‑2007 de 15 millions au‑delà des 86,6 millions de dollars prévus pour 2007‑2008. La Chambre a souscrit à ce rapport le 6 juin 2006. Dans les faits, le Budget des dépenses 2007‑2008 indiquait à l’origine une baisse de 20 millions au budget des PPB du à la fin du Programme de réparation des infrastructures. En réunion du Comité le 22 mars 2007, les députés et les représentants du Comité consultatif national des administrations portuaires (CCNAP) ont appris l’intention du gouvernement d’ajouter indéfiniment 20 millions de dollars au budget de base des PPB. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2007‑2008 a confirmé ce financement supplémentaire. Le budget de base des PPB s’établit maintenant à 97 millions de dollars pour 2007‑2008, en baisse cependant de 4,5 p. 100 par rapport à l’exercice précédent (voir figure 1).

Importance économique des ports pour petits bateaux

On dit souvent que les ports pour petits bateaux sont essentiels au bien‑être économique des localités côtières du Canada. À bien des endroits sur la côte, les ports de pêche constituent le seul ancrage possible pour les petits bateaux commerciaux; en outre, les ports offrent services et installations à la pêche commerciale, aux loisirs maritimes et aux autres entreprises et secteurs d’activité comme l’aquaculture et la pêche sportive commerciale. Cependant, rares sont les études qui ont chiffré l’importance économique des ports pour petits bateaux au Canada.

En 2003, le MPO a commandé une étude pour connaître l’impact économique du réseau des ports de pêche des PPB en Colombie-Britannique. Elle révèle que l’activité économique liée aux 101 ports de pêche de la région totalisait 800 millions de dollars en 2001‑2002 (500 millions provenant de la pêche commerciale, 200 millions des loisirs maritimes et 100 millions des activités autres : aquaculture, transport, etc.). L’impact économique direct de ces dépenses était évalué à 485 millions de dollars en produit intérieur brut annuel (PIB), à 245 millions en revenus annuels d’emploi (salaires et avantages sociaux) et à 6 135 années‑personnes d’emploi annuel. L’ensemble des retombées : directes, indirectes pour les fournisseurs et induites pour les dépenses de consommation étaient encore plus importantes2.

Dans la région des Maritimes et du Golfe du MPO, les infrastructures portuaires servent d’appui à l’importante pêche commerciale dont les débarquements sont évalués à 1,1 milliard de dollars, ainsi qu’à l’aquaculture dont la production se chiffre à quelque 300 millions de dollars par an. En outre, des retombées importantes profitent aux usines de transformation et à l’emploi local3.

Afin d’illustrer l’impact économique des PPB au niveau national, on estime qu’en 2004, la valeur totale des pêches commerciales, de l’aquaculture et de la transformation a atteint 7,2 milliards de dollars4. Environ 90 p. 100 des pêcheurs commerciaux utilisent les installations des PPB pour le débarquement des prises5. Toujours en 2004, ces trois secteurs ont procuré de l’emploi à quelque 87 000 personnes. En 2006, le PIB combiné des secteurs des pêches commerciales et de la transformation totalisait près de 2 milliards de dollars6.

Stabiliser le budget des PPB et obtenir un supplément pour le déficit infrastructurel

Les fonctionnaires du MPO ont retenu ce qu’ils croient être les objectifs ou défis suivants pour le Programme des ports pour petits bateaux :

·        Stabiliser le budget de base du programme;

·        Obtenir des fonds supplémentaires pour l’entretien des ports essentiels;

·        Répondre à la lassitude des bénévoles et au besoin de soutien accru des administrations portuaires;

·        Accroître le rythme du dessaisissement des ports non essentiels;

·        Le besoin de sept nouveaux ports de pêche commerciaux au Nunavut7.

Selon le MPO, on a répondu au premier objectif par l’ajout de 11 des 99 millions du Plan de transformation au budget de base 2006 des PPB, puis de 8 millions par an par la suite, ainsi que par l’injection annuelle de 20 millions au poste Ports pour petits bateaux — Travailler à la durabilité et réussir l’infrastructure. Dans une lettre au Comité, le Ministre des Pêches et des Océans, l’honorable Loyola Hearn, « reconnaiss[ait] qu’il y a toujours un manque à gagner pour ce programme »8 malgré ces investissements récents.

Six ans après son premier rapport sur le Programme des PPB, le Comité constate que quelques ports pour petits bateaux sont encore en piètre état partout au pays, à maints égards. Il y a néanmoins quelques succès aussi. Nous estimons que le programme mérite d’être financé à un niveau qui le rendrait pleinement fonctionnel. Sans aucun doute, le personnel du MPO veut que ce programme réussisse, mais il est clair que cela n’est pas une priorité pour le gouvernement dans son ensemble.

Le déficit infrastructurel du PPB, qu’on peut définir comme le coût de mettre à un niveau acceptable les ports de pêche, s’est élargi depuis six ans. Selon Robert Bergeron, directeur général des PPB, il semble aujourd’hui que 28 p. 100 des installations essentielles des PPB sont en mauvais état ou peu sûres9. Selon les estimations, il s’agit d’une augmentation de 7 p. 100 par rapport à 2001. M. Bergeron ajoute :

Une bonne majorité de ces structures doivent être barricadées ou l’usage qu’on en fait doit être restreint pour assurer la sécurité des gens. Effectivement, ces structures auraient besoin d’être reconstruites10.

M. Gervais Bouchard, directeur régional des PPB pour la région du Québec, affirme :

Si on considère les capacités financières actuelles, il est certain qu’on a beaucoup de difficulté à maintenir les opérations sécuritaires à tous les endroits […] Il y a beaucoup de problèmes, dont l’insatisfaction de la clientèle, sur le plan de la sécurité et de l’accessibilité dans les ports peu actifs, considérant le faible taux de recapitalisation11..

Il ajoute que les problèmes de sûreté et d’accès

vont augmenter parce que la dégradation des infrastructures n’est pas nécessairement linéaire, elle s’accélère avec le temps12.

Dans la région des Maritimes et du Golfe, 66 p. 100 des structures ont atteint la limite de leur vie utile et 26 p. 100 sont en mauvais état ou non sécuritaires. Mme Jackey Richard, directrice générale adjointe au PPB, affirme qu’il y a :

Beaucoup de structures qui ont des barricades et qui causent d’autres pressions, en fait, sur les autres installations qui sont là13.

En 2004, le personnel des PPB a mis à jour l’évaluation de 400 millions datant de 2001, pour mettre les ports essentiels à un niveau acceptable. Le total révisé se chiffre à 475 millions de dollars, en tenant compte de l’inflation (50 millions) et de la détérioration des structures depuis 2001 (25 millions). Un chiffre semblable nous a été communiqué aux audiences du 19 novembre 2007. Cependant, le Comité a également appris que faute d’un financement supplémentaire pour réparer les structures en piètre état, celles-ci se détérioraient à un rythme évalué à 2 p. 100 par an14.

À un taux de détérioration annuel de 2 p. 100 et avec une hausse moyenne annuelle des prix de 7,6 p. 100 pour la construction non résidentielle depuis 2004, le Comité croit que la somme requise pour corriger le déficit infrastructurel pourrait être plus que vraisemblablement supérieur à 475 millions de dollars. M. Robert Bergeron en convenait quand il a dit :

En 2001, on avait précisé qu'il serait nécessaire de faire des réparations pour un total de 400 millions de dollars. On n'a pas vraiment fait de décompte cas par cas depuis ce temps afin de déterminer si ce montant était passé à 500 ou 600 millions de dollars. On n'a fait que des mises à jour pour tenir compte de l'inflation15.

Le Comité reconnaît que le gouvernement a investi 100 millions de dollars sur cinq ans pour le programme de réparation des infrastructures afin d’essayer de maintenir les ports essentiels de pêches commerciales à un niveau acceptable de réparation et d’activité. Bien que cet argent, comme il était prévu à l’origine, a été utilisé pour tenter de résoudre le problème de détérioration des infrastructures, cela n’a pourtant pas ralenti le processus. En fait, certains témoins ont remis en question la justesse d’un investissement qui ne couvrirait pas entièrement les besoins en réparation évalués par le ministère.

Ce qui m'inquiète le plus aujourd'hui, c'est que pendant cinq ans, le gouvernement a dépensé 100 millions de dollars. Tout l'argent a été bien dépensé, je n'ai aucun doute. Les régions se disputaient pour obtenir le maximum de fonds.

Le 100 millions de dollars a tellement été étiré et réduit qu'à un moment donné, on se demande si le travail est adéquat pour répondre efficacement à toutes les circonstances, que ce soit au niveau opérationnel, des administrations portuaires et surtout au niveau des intempéries actuelles etc. La question se pose.

Si, aujourd'hui, vous dites: « On vous donne 100 millions de dollars sur cinq ans », ce sera la même chose. Par contre, si vous allez faire un travail dans un des havres de pêche, assurez-vous que s'il en coûte 20 millions de dollars, mettez 20 millions de dollars. N'allez pas en mettre 15 pour épargner de l'argent, alors qu'on sait très bien que ce qui sera construit ne sera peut-être pas conforme selon Travaux publics ou les ingénieurs. Au niveau monétaire, il faut être prudent par rapport à cette question. On peut mettre 100 millions de dollars, qui ne dureront pas 20 ans comme prévu, mais 10 ans16.

Le déficit infrastructurel actuel est dû en grande partie au manque de financement annuel de l’entretien et de la recapitalisation au fil des ans. Les PPB sont responsables actuellement de 1 170 ports qui réunissent près de 6 000 structures évaluées à plus de 3 milliards de dollars. En 2006, le MPO a calculé le coût de l’entretien et de la recapitalisation annuels à 114 millions par an, en se fondant sur les principes de gestion du cycle de vie appliqués aux infrastructures marines17. Selon M. Bergeron :

Les 114 millions de dollars nous permettraient d’avoir un budget d’autosuffisance. Nous pourrions stopper la détérioration et, par la suite, entretenir convenablement toutes nos installations, les réparer au fur et à mesure jusqu’à ce qu’elles arrivent à la fin de leur durée de vie utile18.

En 2007‑2008, environ 85 p. 100 du budget du Programme des PPB (à l’exclusion des frais généraux ministériels19), soit 82 millions, ira à l’entretien des ports. Des 82 millions, 33 millions sont destinés aux immobilisations majeures, 4 millions aux immobilisations mineures et 45 millions aux opérations et à l’entretien20. Pendant les prochains exercices, le Ministère a prévu 79 millions par an pour l’entretien des ports. La différence entre les coûts annuels prévus d’entretien et de recapitalisation et le budget actuel d’entretien et de réparations laisse donc un manque de 32 millions cette année, qui passera à 35 millions en 2008‑2009 et par la suite (voir les figures 1 et 2).

Figure 2 — Faits saillants du budget de Programme des
ports pour petits bateaux et du manque à gagner, 2007-2008

Les représentants des administrations portuaires nous ont dit qu’en raison du manque à gagner répété, l’efficacité de leur programme est compromise. « Certaines administrations portuaires n’ont pas connu de réfections ou d’améliorations majeures à leurs ports depuis plusieurs années21. » D’autres pressions sur le Programme des PPB s’ajoutent et n’ont pas été prises en considération. Outre l’érosion naturelle des structures, qui semble aggravée par le changement climatique, et le renchérissement du dragage, certains des plus importantes incidences sur le budget des PPB viendront des changements liés à la pêche. Les Autochtones et l’aquaculture utilisent les ports de plus en plus, et la surutilisation de certains ports donne un aperçu des problèmes à venir. Le MPO doit faire en sorte de bien considérer ces facteurs en appliquant les principes de gestion du cycle de vie.

Bilan du dessaisissement des ports de plaisance, non essentiels et abandonnés

Avant l’Examen des programmes de 1994‑1995, le MPO entretenait quelque 2 100 ports pour petits bateaux, dont environ 1 300 ports commerciaux et 800 ports de plaisance. Ces ports fournissaient des services à environ 74 000 pêcheurs et 34 000 bateaux de pêche et représentaient 5 p. 100 de tous les postes d’accostage récréatif au Canada. Après l’Examen des programmes, le gouvernement a décidé de se dessaisir complètement de ces ports de plaisance et de rationaliser ses ports de pêche. Tous les ports de plaisance ont été ciblés pour cession, de même que les ports de pêche peu utilisés ou abandonnés (catégorisés comme « non essentiels »).

À l’heure actuelle, les PPB sont responsables de 1 170 ports : 987 ports de pêche et 183 ports de plaisance. Environ 750 ports de pêche sont considérés comme essentiels. Sur les 183 ports de plaisance devant être cédés, les procédures ont débuté pour 144 et pas encore pour les 39 autres; 80 p. 100 des ports de plaisance appartenant encore au MPO sont au Québec et en Ontario. La situation des 237 ports de pêche non essentiels n’a pas été fournie en témoignage. Selon le MPO cependant, il reste 340 ports à céder22. En 1995‑1996, il y avait au total 845 ports de loisir à céder. À ce jour, 662 ports de loisir et 308 ports de pêche ont été cédés.

Les ports sont d’abord offerts aux autres ministères fédéraux, aux provinces, aux municipalités, aux associations locales sans but lucratif ou aux Autochtones; ceux qui ne trouvent pas preneur font l’objet d’un appel d’offres destiné au secteur privé. La plupart des structures ont été transférées aux municipalités et aux organismes sans but lucratif des villages côtiers. Le MPO doit fournir des réparations nécessaires (raisonnables) et soit nettoyer le site avant de le céder, soit verser une somme équivalente au nouveau propriétaire pour le nettoyage. Dans ce programme, le MPO encourage également le regroupement des ports là où cela est financièrement avantageux.

En 2005, on avait consacré 61,8 millions depuis 1994‑1995 aux activités de dessaisissement23. Le Comité constate qu’une part importante de cette somme est venue du budget d’opération et d’entretien des PPB, entraînant en partie le manque à gagner du programme actuel des opérations et de l’entretien. Selon le MPO, il n’y a pas eu de fonds spéciaux de dessaisissement au programme depuis 2002‑2003, et à l’heure actuelle les PPB cèdent entre 15 et 25 ports par année en détournant environ 1,5 million du budget d’entretien actuel24. À ce rythme, le dessaisissement devrait être terminé dans 17 ans.

En novembre 2006, le sous‑ministre du MPO, M. Larry Murray, a affirmé ce qui suit : « Au sujet du Programme de dessaisissement, […] on a besoin d’environ 82 millions de dollars durant une période de cinq ans pour régler cette situation25 », montant confirmé récemment par les fonctionnaires du MPO le 19 novembre 2007. M. Cal Hegge, sous‑ministre adjoint au ministère, a dit ceci :

C’est parce que nous l’avons pas [les 82 millions de dollars] que nous essayons de le faire de façon ponctuelle en détournant pour ces dessaisissements 1,5 million de dollars de notre budget26.

Cependant, le MPO reconnaît que « même en ayant de nouveaux fonds de 82 millions de dollars sur cinq ans (selon l’estimation des réparations raisonnables des ports à faire avant le dessaisissement), il est peu probable que nous puissions terminer les dessaisissements en raison de la complexité croissante de ces dossiers27. »

Parmi les facteurs en cause, mentionnons l’accélération de la dégradation à cause des dégâts accrus des tempêtes ainsi que le coût et la complexité de décontaminer les installations à céder. Les représentants du CCNAP ont dit qu’avec l’aggravation de l’état des installations qui compromet la sécurité ou l’accès des usagers, on peut s’attendre à l’accroissement des coûts de dessaisissement.

Lassitude des bénévoles et besoin d’un soutien accru des administrations portuaires

Le MPO compte remplir son mandat des PPB en partie en créant des administrations portuaires (AP) qui assurent le contrôle local de la gestion des ports de pêche commerciaux. Les AP sont généralement des organismes locaux sans but lucratif qui exploitent et gèrent les ports. Selon le Ministère, il s’agit d’une façon efficace d’offrir les services, de renforcer l’investissement public et d’offrir au milieu la possibilité de participer pleinement à la planification, à l’exploitation et à l’entretien des installations portuaires. Chaque AP est reconnue comme une entité juridique autonome qui dispose de la liberté et de l’indépendance d’une entreprise privée pour prendre ses décisions, et qui doit assumer la responsabilité de ses actes. À l’heure actuelle, 576 administrations portuaires gèrent 700 ports de pêche. Les AP sont chargées des opérations suivantes :

·        surveiller les opérations portuaires comme l’accostage et le débarquement des prises;

·        fournir les services publics, la sécurité, le recyclage et la mise à l’eau des bateaux;

·        assurer l’entretien et le nettoyage du port;

·        percevoir les droits;

·        gérer ses affaires commerciales28.

Le 22 mars et le 21 novembre 2007, le Comité a entendu les représentants des administrations portuaires. La majorité de celles‑ci compte sur le bénévolat pour remplir leur mandat. Depuis quelques années, les bénévoles sont frustrés par l’insuffisance des budgets d’entretien; la complexification de la gestion portuaire; la difficulté de recruter une relève bénévole; l’appréhension face à la responsabilité civile pour des installations qui se détériorent. M. Luc Legresley, vice‑président du CCNAP, en témoigne : « Les bénévoles éprouvent de la frustration. Ils sont physiquement et moralement affectés par la situation actuelle. Ils ont beaucoup donné à leur communauté et lorsqu’ils voient leur havre de pêche se dégrader d’année en année à cause d’un manque de fonds, ils deviennent découragés29. »

Selon le CCNAP, la contribution des bénévoles est considérable : « Présentement, il y a au‑delà de 5 000 bénévoles qui travaillent dans les havres de pêche au Canada. Les revenus des administrations portuaires s’élèvent à environ 11 millions de dollars annuellement. L’effort des bénévoles est estimé à 135 000 heures par année, ce qui correspond à environ 70 personnes travaillant à temps plein. De plus, les administrations embauchent environ 125 personnes travaillant à temps plein. Quand on combine les deux, on voit que c’est environ 25,5 millions de dollars par année que les administrations portuaires donnent en temps et en argent dans le cadre du Programme des ports pour petits bateaux. Si les administrations portuaires n’existaient pas, les contribuables de l’ensemble du Canada devraient trouver une façon de payer 25,5 millions de dollars de plus chaque année pour satisfaire les utilisateurs des havres de pêche. On ne peut donc pas négliger la contribution de l’ensemble des administrateurs ou des membres des administrations portuaires30. » Ces chiffres sont confirmés par le Ministère31.

On a dit au Comité que malgré les pressions actuelles sur le financement, la relation entre les AP et le personnel des PPB du Ministère est très bonne et ce, sous tous les rapports. En réponse aux préoccupations des AP, et même s’il est contraint par le budget actuel du programme, le Ministère a accru son soutien financier comme suit :

·        100 000 $ par région par année pour contrer la lassitude des bénévoles;

·        il assume l’assurance responsabilité des tiers;

·        il contribue à l’assurance décès ou pour mutilation par accident de la nouvelle Corporation des administrations portuaires, à l’intention des administrateurs et des dirigeants;

·        il collabore avec le CCNAP à diverses mesures : campagnes de promotion, trousses de formation, les manuels d’administration, d’opérations et d’entretien, etc.

Le MPO souhaite également améliorer les conditions portuaires à un niveau qui permettrait d’appliquer une tarification au taux du marché, ce qui fournirait davantage de revenus pour réinvestir dans les infrastructures, pour embaucher du personnel professionnel et pour rendre les administrations moins dépendantes des bénévoles. Selon le Ministère, « grâce à ces améliorations et à d’autres occasions qui permettraient aux AP de se partager le personnel et de se regrouper en grandes organisations, les AP seraient en mesure de gérer plus activement les travaux d’entretien et de réparations dans leurs ports et de planifier plus facilement les infrastructures portuaires sur de grandes régions32 ». Mme Geraldine Nickerson, gestionnaire à l’administration portuaire de Woods Harbour (Nouvelle‑Écosse) reprend à son compte l’objectif du Ministère :

Quant aux grands travaux de réfection, d’expansion, et au sujet de la dépendance envers l’État, […] nous ne pensons pas que nous devrions constamment devoir tendre la main au gouvernement. Ce n’est pas la bonne façon de faire des affaires. Si nous voulons fonctionner comme une entreprise, nous devons assumer une certaine responsabilité pour gérer nos propres revenus33..

Le Comité a demandé aux représentants des Administrations portuaires des renseignements afin de déterminer ce qui leur serait nécessaire en immobilisations majeures et mineures dans les prochaines années pour faire face aux besoins émergents pour les nouvelles pêcheries, y compris l'aquaculture et la pêche autochtone, pour accommoder l'évolution de la taille des navires, ainsi que pour répondre aux attentes de leurs membres. Étant donné le court temps écoulé depuis cette requête, il est compréhensible que le Comité n’ait encore rien reçu. Il étudiera néanmoins la question plus à fond lors de la prochaine étape de son étude sur le ports pour petits bateaux.

Construction de nouvelles infrastructures des PPB au Nunavut

Le Nunavut est entré dans une ère qui nécessitera la construction de nouvelles infrastructures pour soutenir son développement économique. Les pêches, notamment la pêche commerciale de la crevette et du flétan dans l’Arctique oriental, présentent le potentiel le plus immédiat et le plus considérable. Des retombées économiques accrues, en termes d’emploi et de développement du potentiel, devraient découler de l’expansion de la pêche, de la transformation du poisson et de sa commercialisation, dans le territoire. Sans ports fonctionnels, cela serait impossible. Depuis quelques années, les gouvernements du Canada et du Nunavut discutent des façons d’ériger au mieux les nouvelles infrastructures. Un comité intergouvernemental créé par le sous‑ministre du ministère du Développement communautaire et du Transport du Nunavut, et le sous‑ministre du MPO a eu le mandat d’examiner et d’évaluer la demande d’aide financière du territoire pour les installations portuaires des PPB. L’évaluation commune a été livrée dans un rapport en 2004‑2005, et une version révisée est parue en 200634. Le rapport appuie la demande territoriale de ports de pêche dans sept localités : Pangnirtung, Clyde River, Qikiqtarjuaq, Pond Inlet, Chesterfield Inlet, Repulse Bay et Kugaaruk. Selon le MPO, la construction des installations relève du Programme des PPB, mais il faudra des fonds supplémentaires : 43,9 millions sur cinq ans (estimation pour 2008) pour la construction des sept ports, 2,2 millions (sur cinq ans) pour la mise en œuvre et 1,84 million en permanence pour l’entretien et les réparations futurs35.

Les ports pour petits bateaux et les priorités gouvernementales

Le Rapport sur les plans et priorités 2007-2008 pour le MPO formule sept priorités de programme déjà établies : le renouvellement des pêches, la gouvernance internationale, la gouvernance de l’aquaculture, le Plan d’action du Canada pour les océans, le renouvellement des sciences, le rajeunissement de la Garde côtière canadienne et la modernisation du processus environnemental.36 Pour chacune des priorités, le Ministère a exposé les résultats attendus (livrables) et prévus. Le Programme des PPB ne figure pas dans ces priorités. Le Comité estime néanmoins que faire du Programme des PPB une priorité ministérielle l’aiderait à obtenir plus de fonds. Il constate également que la direction du MPO est convaincue du besoin urgent d’accroître le financement du Programme des PPB et compte demander au Cabinet et au Conseil du Trésor pour un accroissement du financement.

Conclusion et recommandations

Attendu que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des Communes :

·        constate que le bien-être économique des localités côtières du Canada dépend d’installations portuaires sûres et fonctionnelles;

·        a étudié le sujet de la détérioration des installations des ports pour petits bateaux une première fois en 2001; il avait à l’époque demandé au gouvernement de faire des investissements importants pour amener les ports essentiels à un état acceptable;

·        constate que plusieurs communautés côtières risquent de perdre une composante essentielle de leur développement économique;

·        à cause de l’urgence liée à l’état des ports pour petits bateaux, a convenu de soumettre ce rapport intérimaire pour traiter des questions pressantes de financement du programme, et dont la préparation coïncide avec la période de préparation du prochain cycle budgétaire;

·        entend continuer son étude en 2008 en explorant des questions telles que les suivantes :

o       L’état de détérioration des PPB par région;

o       La détermination des besoins financiers les plus criants;

o       Un examen du modèle de gestion des administrations portuaires après 20 ans;

o       L’uniformité de la gestion des PPB d’une région à l’autre;

o       Échecs et réussites du programme de dessaisissement de ports et de cession à des intérêts locaux;

o       Le statut de dessaisissement des ports de plaisance, non essentiels et en mauvais état;

o       L’effet des pêches en évolution, du changement climatique, des besoins et coûts croissants du dragage, et de la congestion des quais;

o       Les besoins de secteurs émergeants telles les pêches des Autochtones, l’aquaculture et les pêches sportives commerciales;

o       Les besoins dans le Grand Nord canadien de plus d’infrastructure portuaire de pêche que les sept installations proposées au Nunavut.

Le Comité recommande alors ce qui suit :

Que le gouvernement du Canada investisse des fonds suffisants pour amener les infrastructures essentielles des ports pour petits bateaux à un niveau de qualité et de sureté en conformité avec les standards approuvés d’ingénierie.

Que le gouvernement du Canada accroisse immédiatement le budget d’entretien et de recapitalisation des ports pour petits bateaux à un niveau conforme aux principes de gestion du cycle de vie.

Que le gouvernement du Canada investisse 82 millions de dollars en cinq ans pour achever le Programme de dessaisissement des ports pour petits bateaux.

Que le gouvernement du Canada respecte jusqu’au bout son engagement à investir 46 millions de dollars en cinq ans dans la construction et la mise en opération de sept ports au Nunavut. En outre, le budget de base des ports pour petits bateaux devrait être accru pour financer les exigences futures d’entretien et de réfection des ports du Nunavut.

Aussi, le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada accroisse les contributions financières aux administrations portuaires et aux directions régionales des ports pour petits bateaux pour alléger les responsabilités excessives des bénévoles, et répondre aux besoins de formation.

Que Pêches et Océans Canada entreprenne une étude afin de déterminer l’effet des pêches en évolution, du changement climatique, des besoins et coûts croissants du dragage, de la congestion des quais et des besoins de secteurs émergeants, tels les pêches des Autochtones, l’aquaculture et la pêche sportive commerciale sur les infrastructures des ports pour petits bateaux. Cette étude devra indiquer s’il y a un besoin d’améliorer les facilités existantes ou d’en bâtir de nouvelles, ainsi que d’évaluer les besoins financiers requis.

De plus, le Ministère devra faire l’analyse de l’effet de politiques ministérielles telles que les règles de remplacement des bateaux sur la grosseur des bateaux et la capacité des quais de pêche.



[1]              Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 11 novembre 2007.

[2]              Edna Lam et Gordon Gislason (GSGislason & Associates Ltd.), The SCH Harbours of BC: A Major Economic and Community Asset, préparé pour Pêches et Océans Canada, Ports pour petits bateaux, Vancouver, 2003, 27 pages.

[3]              Jackey Richard, Témoignages, 26 novembre 2007.

[4]              Pêches et Océans Canada, Statistiques des pêches canadiennes‑2004, Ottawa, 2005, au site http://www.dfo-mpo.gc.ca/communic/statistics/publications/commercial/cfs/index_f.htm.

[5]              Comité consultatif national des administrations portuaires, Mémoire au Comité, 22 mars 2007.

[6]              Statistique Canada. La somme est en dollars constants de 1997. Elle combine les évaluations de PIB pour la pêche, la chasse et le trappage (SCIAN 114; le PIB évalué pour la pêche primaire représentait 99 p. 100 de ce chiffre en 2004) ainsi que la préparation et l’emballage des produits de la mer (SCIAN 3117).

[7]              Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[8]              Lettre du ministre des Pêches et des Océans au président du Comité, M. Gerald Keddy, reçue le 28 mai 2007.

[9]              Robert Bergeron, Témoignages, 29 mai 2007.

[10]           Ibid.

[11]           Gervais Bouchard, Témoignages, 31 mai 2007.

[12]           Ibid.

[13]           Jackey Richard, Témoignages, 26 novembre 2007.

[14]           Cal Hegge, Témoignages, 19 novembre 2007.

[15]           Robert Bergeron, Témoignages au Comité, 29 mai 2007.

[16]           Luc Legresley, Témoignages au Comité, 21 novembre 2007.

[17]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[18]           Robert Bergeron, Témoignages, 29 mai 2007.

[19]           Avec les frais généraux, l’entretien des ports représente 75 % du budget prévu pour cette activité de programme.

[20]           Pêches et des Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[21]           Comité consultatif national des administrations portuaires, Mémoire au Comité, 22 mars 2007.

[22]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[23]           Pêches et Océans Canada, Rapport ministériel sur le rendement 2004‑2005, Ottawa 2005.

[24]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[25]           Larry Murray, Témoignages, 21 novembre 2006.

[26]           Cal Hegge, Témoignages, 29 mai 2007.

[27]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[28]           Comité consultatif national des administrations portuaires, Mémoire au Comité, 22 mars 2007.

[29]           Luc Legresley, Témoignages, 22 mars 2007.

[30]           Ibid.

[31]           Cal Hegge, Témoignages, 19 novembre 2007.

[32]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[33]           Geraldine Nickerson, Témoignages, 26 novembre 2007.

[34]           Gouvernement du Nunavut et Pêches et Océans Canada, Rapport sur les ports pour petits bateaux du Nunavut, 2006 (version révisée), 115 pages.

[35]           Pêches et Océans Canada, document pour le Comité, 29 mai 2007 et 19 novembre 2007.

[36]           Pêches et Océans Canada, Budget des dépenses 2007-2008: Partie III — Rapport sur les plans et priorités. Secrétariat du Conseil du trésor, du Ottawa, 2007, http://www.tbs-sct.gc.ca/rpp/0708/fo-po/fo-po_f.asp.