NDDN Rapport du Comité
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Opinion complémentaire
PARTI CONSERVATEUR DU CANADA
Introduction
Les Forces canadiennes ont subi une « décennie de ténèbres » : leurs infrastructures opérationnelles et institutionnelles et leurs infrastructures en ressources humaines se sont progressivement détériorées jusqu’à un niveau sans précédent. Cette érosion systématique de leur capacité est largement attribuable aux limitations imposées par les gouvernements précédents en raison de contraintes budgétaires et d’une politique qui n’en faisait pas une priorité. Une étude tirée d’un rapport publié récemment par l’Université Queen atteste, de fait, que, à moins de mesures urgentes, les Forces canadiennes cesseront d’être une force de sécurité crédible [1].
C’est cette situation intenable que le gouvernement actuel du Canada a héritée lorsqu’il est entré en fonction en février 2006. Il ne l’avait certainement pas choisie, mais des mesures urgentes étaient et demeurent nécessaires pour éviter les conséquences catastrophiques de l’inaction antérieure. Le rapport rappelle les trois grands principes applicables à n’importe quelle réforme de la procédure d’approvisionnement : transparence, équité et efficacité. Ces trois éléments indispensables sont à la base des recommandations et sont acceptés par tous les partis. Notre désaccord a cependant trait à la façon dont ces principes sont pondérés et évalués compte tenu du contexte des besoins et des délais.
Préoccupations
Nous estimons toutefois que le rapport n’aborde pas comme il conviendrait les très sérieux problèmes de l’approvisionnement de défense à l’heure actuelle, à savoir l’acquisition efficace et rapide de nouveau matériel. Il y a plusieurs moyens de régler ces question délicates, par exemple en attribuant un contrat à un fournisseur exclusif et en recourant à des préavis d’adjudication de contrat, en achetant du matériel « de série » ayant fait ses preuves, en réduisant le délai d’attente moyen dans les procédures d’appel d’offres grâce à des réformes mineures et en procédant à une réforme bureaucratique et structurelle à grande échelle.
Le gouvernement s’est, avec discernement, servi des deux premiers systèmes pour acheter certains matériels, à savoir des moyens de transport stratégiques (C‑17) et de nouveaux chars Leopard II pour nos troupes Afghanistan. Nous félicitons le gouvernement de ses efforts.
Mais la procédure d’approvisionnement actuelle est beaucoup trop longue. Le rapport sénatorial provisoire de 2005 rappelait que le délai moyen d’acquisition de nouveau matériel au Canada était de plus de 15 ans entre le stade de la définition des besoins et celui de l’acquisition[2]. Ces délais enferment les Forces canadiennes dans un jeu constant de « rattrapage » technologique, le matériel devenant obsolète avant même qu’il soit déployé. Nous recommandons par conséquent au gouvernement du Canada de réduire sensiblement le délai d’approvisionnement en nouveau matériel de défense.
Le rapport proposait certains moyens, notamment dans la sixième recommandation. La question de la restructuration bureaucratique, c’est‑à‑dire le projet de passer d’un système partagé par trois ministères à un système relevant d’un seul ministère, est un débat important. Nous estimons cependant que le Comité n’a pas encore entendu suffisamment de témoignages pour recommander des mesures véritablement éclairées à cet égard. Nous apprécions la raison d’être et les objectifs de cette recommandation, mais nous ne pouvons pas entériner un remède qui, s’il n’est pas examiné de près, risquerait d’être pire que la maladie elle‑même.
Par contre, les troisième et cinquième recommandations nous inquiètent.
La troisième recommandation invite le gouvernement du Canada à rendre public le plan de défense « Le Canada d’abord » d’ici la fin de l’exercice. Nous avons sans aucun doute hâte d’en prendre connaissance, mais nous ne saurions accélérer le processus de réévaluation de la stratégie de défense du Canada. Dans les dernières années, nous avons été témoins d’une transformation profonde du contexte international en matière de sécurité, notamment sous la forme d’une augmentation du nombre d’organisations terroristes dont les « (…) membres sont en contact grâce à la technologie et les groupes ou cellules des organisations sont peu liés[3] », de « la possession illicite et la prolifération des armes nucléaires, chimiques et biologiques (…) et de leurs vecteurs[4] » et de la mise en œuvre de la doctrine de la responsabilité de protéger les peuples opprimés. Ce ne sont là que quelques‑unes des préoccupations internationales dont un nouveau plan de défense du Canada devra tenir compte, outre certaines questions internes importantes comme NORAD, la souveraineté du nord, et la structure et la répartition des forces internes. Beaucoup de gens ont passé des années à étudier ce genre de questions, et un gouvernement encore jeune doit se permettre et avoir le droit de prendre le temps de les aborder efficacement.
La cinquième recommandation propose d’attribuer un nouveau rôle au Comité, qui serait chargé d’examiner les projets d’approvisionnement de défense de plus de 100 millions de dollars. Le Comité serait plus précisément chargé d’examiner les projets avant et non après qu’ils soient annoncés. Cette mesure ne convient tout simplement pas dans notre système de gouvernement, qui s’appuie sur les principes de confidentialité des documents du Cabinet, de privilège parlementaire et d’appels d’offres confidentiels dans le cas des procédures d’approvisionnement. Nous craignons également que cette recommandation ajoute une couche de plus au poids bureaucratique de la procédure et allonge un processus que nous devrions tenter de raccourcir.
Par ailleurs, le Comité jouit de nombreux pouvoirs qu’il a préféré ne pas employer et qui lui permettrait d’intervenir plus largement dans la procédure. Il pourrait, par exemple, demander à connaître la date à laquelle l’appel d’offres est lancé, pour les besoins des séances d’information ministérielles sur la justification stratégique du contrat, et une procédure semblable pourrait être appliquée au moment où le contrat est attribué. Cette manière serait conforme à notre système parlementaire et au rôle classique que nous attribuons aux comités. Jusqu’ici, le Comité n’a guère employé ses pouvoirs. Nous ne sommes pas convaincus que des pouvoirs supplémentaires (dont la congruence avec notre système parlementaire est, au mieux, douteuse) amélioreraient l’efficacité et la transparence du système d’approvisionnement, d’autant moins que le Comité n’a pas utilisé tous les pouvoirs qui lui sont conférés.
Le rapport fait brièvement état d’impression comme « [traduction] le secteur de la défense est trop étroitement lié au Ministère par l’intermédiaire des lobbyistes ». Nous partageons les préoccupations générales du Comité, mais nous rappelons que le gouvernement du Canada, dans le premier projet de loi qu’il a proposé au Parlement, à savoir la Loi fédérale sur la responsabilité, a instauré les mesures de reddition des comptes les plus strictes qui soient dans le monde occidental. Ces mesures permettront d’améliorer la transparence de toutes les procédures gouvernementales, y compris la procédure d’approvisionnement.
Conclusion
En conclusion, le rapport contient quelques remarques importantes qui devraient faciliter la réforme de la procédure d’approvisionnement, mais beaucoup des recommandations qu’on y propose devraient être élargies et examinées, notamment celles qui ont trait à la restructuration bureaucratique de fond (sixième recommandation) et à l’élargissement du rôle du Comité en matière de surveillance de l’approvisionnement (cinquième recommandation). Nous félicitons le Comité d’avoir abordé ces questions, car la procédure d’approvisionnement est étroitement liée à l’efficacité et à la sécurité de nos braves, hommes et femmes, sur le terrain. Il sera toujours difficile de trouver l’équilibre convenable entre l’équité, la transparence et l’efficacité. Il faut féliciter le gouvernement du Canada de ses récentes décisions en matière d’approvisionnement en moyens de transport stratégique et en chars Leopard II, dont les Forces canadiennes avaient un besoin urgent pour être efficaces sur le plan opérationnel. Cependant, il est toujours possible d’améliorer les délais d’approvisionnement, et nous espérons que ce rapport aidera le gouvernement et le ministère de la Défense à cet égard.
- [1]
- Douglas Bland (dir. de la publ.), Canada Without Armed Forces, Queen’s – McGill University Press, Montréal, 2004.
- [2]
- Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, « Un Canada diminué : Les effets de la négligence sur les Forces armées canadiennes - L’effritement de nos moyens de défense sur le territoire national et à l’étranger - Part III – Défis stratégiques », 38e Législature, 1re session, septembre 2005. Voir le site : http://www.parl.gc.ca/38/1/parlbus/commbus/senate/Com-f/defe-f/rep-f/repintsep05-f.htm.
- [3]
- Gendarmerie royale du Canada (gouvernement du Canada), « Priorité stratégique : Terrorisme », 14 novembre 2007. Voir le site Web de la GRC : http://www.rcmp-grc.gc.ca/terrorism/index_f.htm.
- [4]
- Affaires étrangères et Commerce international, Direction de la non-prolifération et du désarmement, « Le contrôle des armes de destruction massive », 14 juin 2007. Voir le site du MAECI : http://www.dfait-maeci.gc.ca/arms/menu-fr.asp.