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Monsieur le Président, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole à propos du projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Le Bloc québécois juge que ce projet de loi est important pour la protection des citoyens, et non pas pour la promotion du nucléaire. Je tiens à le souligner.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais remercier les personnes qui ont travaillé à ce projet de loi: les recherchistes, l'ensemble du comité et des témoins ainsi que tout le personnel législatif qui a préparé ce projet de loi.
Avant d'expliquer pourquoi nous sommes réellement favorables à ce projet de loi et de défendre les montants contenus dans ce projet de loi, je voudrais donner un aperçu de la situation actuelle du nucléaire ici, au Canada.
Le a récemment vanté à l'Economic Club of Toronto les mérites du nucléaire, y inclus une nouvelle génération de réacteurs. D'ailleurs, on ne sait pas où se trouvent ces réacteurs. On doit les garder secrets, comme toutes ces autres choses que le gouvernement garde secrètes. Un peu plus tard dans son discours, il a mentionné qu'il faudrait des décennies avant de trouver un site d'enfouissement sécuritaire. Nous sommes d'accord avec lui à ce sujet. Il est évident que cela ne se trouvera pas rapidement.
De plus, le partenariat mondial pour le retraitement des combustibles nucléaires irradiés mis en place par M. Bush, dont le Canada fait partie, est à des années-lumière de se réaliser. Il ne faut pas oublier qu'en France, on a travaillé pendant 15 ans à ce projet avant de le reléguer aux oubliettes parce qu'il était irréalisable. En se fiant à l'ensemble des autres pays, le président Bush pense que c'est réalisable. Pour le moment, aucun progrès n'est fait de ce côté. Tout ce qu'on pense, c'est qu'on aura des déchets nucléaires à enfouir et à transporter.
Ce projet de loi prévoit une limite de 650 millions de dollars de dédommagement et nous trouvons ce montant juste. De toute façon, on ne pourrait pas mettre en place ce système en exigeant plus que les 650 millions de dollars demandés, car les compagnies d'assurances ne l'accepteraient pas. Déjà, il faudra de la réassurance afin de se rendre jusqu'à ce montant.
Ainsi, on ne pense pas qu'on puisse arriver à une situation comme celle des États-Unis où l'ensemble de la responsabilité incombe aux compagnies. Celles-ci partagent, dans un fonds commun qui varie de 9 à 11 milliards de dollars, la responsabilité en cas d'accident. Ici, ce n'est pas le type d'attitude qu'on a prise. On a plutôt favorisé une assurance qui ne pouvait pas dépasser 650 millions de dollars. On trouve qu'il s'agit tout de même d'un avantage marqué par rapport à l'ancienne loi qui prévoyait 70 ou 75 millions de dollars.
Toutefois, ce projet de loi a de grands trous. Bien sûr, le gouvernement et l'ensemble de la population devront pouvoir arriver à fournir l'argent nécessaire en cas d'accident. Malheureusement, le calcul des probabilités fait croire qu'il y aura tôt ou tard un accident, car il s'en produit un tous les 30 ans. Espérons que ce ne sera pas au Canada. Si toutefois c'est le cas, les 650 millions de dollars ne seront pas suffisants. Ce sera donc l'ensemble de la population qui devra payer pour continuer à compenser les citoyens qui auront été atteints par ce conflit, cette conflagration — car il en résulte généralement du feu — ou cette irradiation.
La loi ne prévoit toutefois pas de compensation par la compagnie d'assurances dans le cas d'une guerre ou d'un sabotage, donc de tout acte terroriste. On sait qu'actuellement, les actes terroristes représentent la chose la plus dangereuse pour le nucléaire. C'est ce que l'on craint le plus aux États-Unis, de même qu'ici. Il faut dire que depuis 2001, on a quadruplé — je reviendrai sur les chiffres tout à l'heure — le budget alloué à la protection en cas de terrorisme au Canada. Ces coûts ne sont pas calculés dans le coût du kilowattheure.
Ce n'est pas calculé parce que ce sont des coûts de protection — pour les agences de sécurité. Ce sont d'autres budgets qui ne proviennent pas du ministère des Ressources naturelles.
Il y a une contradiction complète au sujet de cette énergie. Notre ministre s'entête à nous dire que c'est une énergie propre. Pourtant, elle génère des déchets, et des dangers d'accident évidents y sont liés. Il se produit environ une soixantaine d'accidents par année de par le Canada. Ce sont des accidents mineurs, mais il se pourrait qu'il y ait des accidents majeurs.
On nous dit que la radiation ne pose pas problème, même quand on fait le minage de l'uranium 235. Or c'est faux. Au fur et à mesure que les mineurs travaillent, le radon, un gaz incolore et inodore, émane des parois de la mine. Ainsi, ces mineurs sont de toute évidence exposés à la radioactivité. Sur le plan de la santé, c'est plus dangereux que l'amiante. De fait, cela donne le cancer à coup sûr. On peut ventiler les mines. Cependant, vous reconnaîtrez comme moi qu'il est très difficile de ventiler des tunnels au fin fond de la mine, où il y a le plus de radon. C'est donc dangereux pour les mineurs, de même que pour ceux qui transportent le minerai.
Depuis 2006, le gouvernement a eu de gros problèmes en matière de nucléaire. Je vous les nomme.
En septembre 2007, le rapport de sécurité a sérieusement remis en question la sécurité partout au Canada. C'est d'ailleurs pourquoi on essaie de changer et de s'en tenir maintenant aux normes de sécurité internationales. En raison de celles-ci, la rénovation des centrales existantes coûtera beaucoup plus cher.
Il y a eu la crise des isotopes. La sécurité des laboratoires de Chalk River a été remise en cause. Puis il y a eu le congédiement de Mme Keen, la présidente de la CCSN, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui était réellement une personne qualifiée, mais qui était embêtante et gênante. Il y a eu la désorganisation de la gestion de crise sur place.
Il y a aussi eu l'étude de la privatisation d'Énergie atomique Canada limitée, qui n'est toujours pas réglée ni dans un sens ni dans l'autre. Il y a eu l'échec de MAPLE — c'est le dernier. On vient de nous annoncer le 16 mai, il n'y a pas longtemps, qu'on ne mettrait pas MAPLE en marche, parce qu'on n'arrive pas à le perfectionner assez pour qu'il soit fonctionnel.
Il y a toujours la fragilité qu'a causée le terrorisme. Je vais y revenir, parce que c'est vrai. Le terrorisme ne touche que deux types d'énergie: l'énergie nucléaire et le méthane des ports méthaniers. C'est dans ces deux domaines seulement que le terrorisme peut réellement frapper durement. Certaines personnes ne pensent pas cela; elles pensent que les barrages hydroélectriques peuvent faire l'objet de terrorisme. Ce serait plutôt surprenant. Souvenez-vous comment les gens, pendant la dernière guerre, ont eu de la difficulté à éliminer des barrages hydroélectriques. Soyez assurés que ce ne seront pas les terroristes qui vont s'en prendre à cela.
Par contre, en ce qui concerne le nucléaire, nul besoin d'un gros avion pour fracasser les petits bâtiments qui protègent les bassins d'eau qui refroidissent les déchets nucléaires. C'est très facile. C'est aussi très facile de pulvériser ces bâtiments si une bombe est larguée sur l'un d'eux. Il y a donc des dangers de terrorisme partout en ce qui concerne le nucléaire, que l'on pense au transport du MOX. À tout endroit où il y a effectivement de la radioactivité, il peut y avoir du terrorisme.
En outre, la gestion des déchets pose problème. Le ministre qui nous dit qu'il faudra des décennies. Il vient de nommer une commission, la plus grande que l'on connaisse: quelque 70 à 75 personnes y siègent. Pourtant il leur faudra des années avant de trouver une solution.
Je voudrais vous rappeler une autre chose dans ce cas. Il est toujours question du nucléaire. C'est une énergie. C'est un champ de compétence des provinces. Selon nous, l'énergie nucléaire doit être régie par le Québec.
Les normes de sécurité peuvent être canadiennes, nous en convenons. De fait, nous sommes tout aussi intéressés à ce que les centrales nucléaires de l'Ontario n'explosent pas. Par contre, je répète que l'énergie est tout à fait de compétence provinciale. D'ailleurs, Hydro-Québec s'en charge très bien.
Revenons-en aux déchets. Selon le , le Canada est encore très loin d'avoir trouvé un endroit où les enfouir, parce qu'aucune communauté n'accepte d'avoir un site d'enfouissement sur son terrain.
Nous sommes donc en faveur de ce projet de loi, mais sous certaines réserves. Ce projet de loi ne doit pas faire la promotion du nucléaire. Par ailleurs, la population n'est pas convaincue de l'avenir du nucléaire. Selon les sondages, malgré toute la promotion du nucléaire et tout le lobbying qu'on fait actuellement à ce sujet, il n'en reste pas moins qu'une majorité de personnes y sont encore défavorables, particulièrement au Québec où la population est franchement en désaccord.
Avant de décider de faire la promotion du nucléaire, il nous faudrait entreprendre une véritable consultation de l'ensemble de la population. Il faudrait consulter les experts, les personnes compétentes en matière d'énergie, les gens qui habitent en bordure des réacteurs. C'est important, car ce sont eux qui subiraient les premiers contrecoups en cas d'accident.
Il faudrait consulter également les personnes qui se trouveront sur la ligne de trajet du transport des déchets. On se souvient d'ailleurs que 150 municipalités se sont opposées au transport du MOX au Québec. Les gens de la province où seront enfouis les déchets devront aussi être consultés.
Donc, tous ces gens devront être consultés, et non seulement les lobbys qui font la promotion du nucléaire à grands coups d'argent qui provient souvent des gouvernements. Aux États-Unis, Bush a investi 18,5 milliards de dollars dans la promotion du nucléaire.
Comme il existe 22 centrales nucléaires au Canada, nous trouvons raisonnable qu'on offre aux populations une assurance qui puisse leur fournir un minimum de protection. Cela ne doit pas servir à construire d'autres centrales, mais à protéger les centrales existantes.
Actuellement, selon la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Gentilly-2, au Québec, respecte et surpasse même les exigences réglementaires dans tous les domaines de la sûreté. Bravo, il s'agit d'une bonne note, mais cela n'empêche pas qu'un accident puisse survenir. Effectivement, il y en a eu un récemment.
Les budgets affectés à la sûreté nucléaire ont beau avoir quadruplé au pays depuis les attentats du 11 septembre, les autorités estiment qu'il existe toujours des failles dans le système qui pourraient un jour constituer une menace à la sécurité nationale. Alors voilà qui est peu rassurant.
On sait que les mesures de sécurité à Gentilly-2 ont été accrues depuis 2001, mais Hydro-Québec se fait tirer l'oreille pour en dévoiler les coûts. Forcément, on peut s'imaginer pourquoi, même si cette société fait un très bon travail. Même les autorités l'admettent: il y a toujours une possibilité que survienne une attaque terroriste dans n'importe quelle centrale existante.
J'ai ici un extrait d'un rapport émis par la CCSN qui démontre la possibilité que surviennent des accidents au Canada. Tout à l'heure, je disais qu'on en comptait une soixantaine chaque année. Ici, il y a deux mois, il s'est produit un accident — et on parle bien d'un « accident » dans ce document provenant de la Commission canadienne de sûreté nucléaire — mettant en cause une machine à combustible effectuant le retrait du combustible d'un des canaux du réacteur afin d'accéder aux tuyaux d'entretien et de remplacement des cales d'écartement. À ce moment, au cours de son déplacement, l'arrière de la queue de la machine à combustible a écrasé et entraîné le chariot élévateur contre un pilier qui a stoppé la course de la machine.
On peut s'imaginer que les grappes de combustible n'ont pas été touchées, mais elles auraient pu l'être. Si tel avait été le cas, elles auraient été entraînées à l'extérieur de l'eau de refroidissement, ce qui aurait pu causer un accident majeur.
Donc, on voit que cela ne prend pas grand-chose. Effectivement, à un moment donné, un accident plus grave que les autres pourrait arriver. Cela fait que le nucléaire reste toujours une énergie qui n'est pas sûre et qui est toujours dangereuse.
C'est pour cela qu'on veut adopter le projet de loi , soit pour protéger ce genre d'établissements, ce genre de centrales. On n'adopterait pas un tel projet de loi pour les éoliennes. Il n'y a pas de danger que les gens reçoivent une pale sur la tête. On n'adopterait pas un tel projet de loi pour l'énergie solaire, car cette énergie n'est pas dangereuse. Le pire qui va arriver, c'est une vitre ou un tuyau qui va briser. On ne légiférerait pas non plus pour la géothermie avec laquelle on peut produire de l'électricité en grande quantité. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de danger de catastrophe avec les centrales géothermiques. J'en ai visité une, cet hiver, en Nouvelle-Zélande. Cela fait 50 ans qu'elle est là. Parfois, on remplace des bouts de tuyaux, mais il n'y a pas de danger. Les dangers de catastrophes existent uniquement avec le nucléaire et avec les ports méthaniers, comme je le disais tout à l'heure.
Heureusement, aucune radiation n'est sortie de la centrale nucléaire au moment de cet accident. Et le mot « accident » est bien dans le texte, je ne l'ai pas inventé.
J'entendais tout à l'heure ma collègue dire que si on construisait les centrales sous terre, ce serait moins dangereux. Cela ne règle pas tous les problèmes. Cela ne règle pas les problèmes du transport du MOX; ni ceux du minage et du transport de l'uranium 235; ni ceux du dépôt sécuritaire des matériaux radioactifs lorsqu'ils ont été utilisés; ni ceux reliés à l'usage de l'eau de refroidissement et les possibilités de fuites à la suite de tremblements de terre. Cela ne règle pas non plus les problèmes de terrorisme qui pourraient arriver ou les dangers de sabotage, même si on construit les centrales sous terre. Cela ne règle donc pas tous les problèmes. C'est pour cela qu'une centrale nucléaire, sur terre ou sous terre, c'est une bombe à retardement.
Je parlais tout à l'heure du transport du MOX. Cent cinquante municipalités ont pris position contre ce type de transport en disant que c'était très dangereux. Actuellement, il existe un mouvement mondial sur la qualité de la sécurité. Ce contrôle de la qualité — qui s'appelle Integrated Safety Review — se situe une coche bien au-dessus de ce qu'on a actuellement. Le problème avec ce type de contrôle de sécurité n'est pas que la sécurité n'est pas bonne, mais que cela fait monter le coût des centrales du double ou du triple du prix qu'on avait évalué, surtout celles qu'il faudra réparer.
Je prend l'exemple d'une centrale que je connais, soit celle de Gentilly. On avait prévu que les coûts de rénovation de la centrale seraient de 1,5 milliard de dollars. Aggel et Baly, des gens qui travaillent dans l'évaluation des travaux à faire aux centrales nucléaires, ont estimé que si les nouvelles normes étaient appliquées, les coûts augmenteraient à 2 milliards de dollars. Donc, on vient d'augmenter le prix considérablement. Ils disent aussi que, probablement, ce prix pourrait aller jusqu'à 3 milliards de dollars, donc le double de ce qu'on avait prévu au départ.
Or, tout cela est toujours pour une durée de temps très limité, parce que c'est cela le problème. J'avais un graphique que j'aimerais bien montrer à la Chambre. La quantité d'électricité produite par une centrale nucléaire est très temporaire. Si on regarde le tableau, on voit que les premières centrales sont entrées en activité en 1970 et ont atteint un maximum en 1995. À partir de là, elles se sont dégradées et elles se dégradent tout le temps. Elles sont de moins en moins efficaces. Même si on les rénove, cela ne dure pas beaucoup plus longtemps.
Monsieur le Président, vous me faites signe qu'il ne me reste qu'une minute, mais j'aurais pu parler du nucléaire pendant tout l'après-midi étant donné que c'est un sujet qui est très important.
Actuellement, alors que la sécurité devrait être au maximum, elle ne l'est pas. Je cite des informations très récentes qui ont paru dans les journaux. Au niveau des dépenses, on donne ici un chiffre de 93 millions de dollars de plus pour la sécurité.
Je voudrais que l'on déduise le coût de la sécurité inhérent au nucléaire pour l'investir dans les autres énergies vertes comme les éoliennes, la géothermie et ainsi de suite. On verrait alors que les autres types de projets sont beaucoup moins coûteux et qu'ils sont beaucoup plus sécuritaires. Nous sommes pour la sécurité. Si on est réellement pour la sécurité, on ne construit plus d'installations nucléaires.
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Monsieur le Président, cette question constitue un défi pour la Chambre. Au cours de la discussion portant sur le projet de loi , la Loi concernant la responsabilité civile et l'indemnisation des dommages en cas d'accident nucléaire, j'ai notamment entendu dire que nous devrions accepter les nouvelles limites qu'il propose, puisqu'elles sont plus avantageuses que les anciennes. L'argument me semble fallacieux. C'est comme dire qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.
Ce ne serait pas la première fois qu'une mesure proposée à la Chambre nécessite un rafistolage pour avoir été mal formulée au départ. Je pense par exemple à la mesure concernant l'identification des électeurs, qui faisait perdre leur droit de vote à plus d'un million d'électeurs ruraux. Faute de diligence de la part de la Chambre, nous avons adopté une mesure législative laissant grandement à désirer.
De plus, on nous demande de faire confiance à la gestion du gouvernement actuel dans ce dossier. Or, compte tenu de toute la confusion dans le cas de Chalk River, j'estime que les Canadiens ne croient pas que le gouvernement soit en mesure de traiter de cette question de façon juste et raisonnable.
Les néo-démocrates ont manifesté diverses inquiétudes concernant cette mesure législative. Je voudrais tout particulièrement souligner l'excellent travail du député de . Il a proposé de nombreux amendements visant à améliorer la mesure. Ils n'ont malheureusement pas été appuyés par les députés.
De plus, je sais que les députées d' et de se sont également interrogées sur certains aspects du projet de loi qui posaient problème.
J'aimerais revenir sur l'historique du projet de loi. Pour faciliter le développement de l'industrie nucléaire au Canada, le gouvernement fédéral a formulé une mesure législative limitant le montant d'indemnisation par l'exploitant d'une installation nucléaire pour des dommages en cas d'accident entraînant une contamination radiologique à l'extérieur de la zone de l'installation. La mesure est nécessaire du fait que les assureurs privés refusent d'indemniser pour des dommages causés par un incident ou un accident nucléaire.
La loi existante remonte aux années 1970 et la limite de responsabilité de 75 millions de dollars qu'elle prévoit est très nettement insuffisante. À titre de comparaison, toute nouvelle mine est tenue de verser une garantie de protection de l'environnement d'environ 50 millions de dollars. Ce niveau restreint de responsabilité empêche les intérêts étrangers, et notamment américains, d'acquérir des entreprises nucléaires canadiennes.
En vertu du droit américain, la victime étrangère d'un accident provoqué par une entreprise ayant son siège social aux États-Unis peut la poursuivre en justice si la loi étrangère n'est pas à la hauteur des normes internationales. Ces modifications alignent notre loi sur les normes internationales minimales. Il est important de le mentionner.
Nous nous attendons souvent à ce que le Canada fasse preuve de leadership dans une foule de domaines et, malheureusement, au cours des deux dernières années en particulier, nous avons été témoins de l'érosion du leadership du Canada dans de nombreux dossiers, notamment dans celui des obligations internationales en matière de droits de la personne.
Nous avons vu le gouvernement renoncer à son rôle de leader lorsqu'il a refusé de signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; le Canada est l'un des trois pays qui ne l'ont pas encore signée. L'Australie est revenue sur sa position.
En ce qui a trait à l'environnement, nous avons vu le gouvernement faire obstacle de toutes les façons possibles au Protocole de Kyoto et essayer de prouver qu'il est un chef de file alors que, à mon avis, il est en fait en train de retourner à l'ère des dinosaures.
Le projet de loi limite à 650 millions de dollars la responsabilité financière totale d'un exploitant d'établissement nucléaire, ce qui correspond à la moyenne internationale la plus basse. Pour les montants plus élevés que cela, un tribunal serait mis sur pied par le et d'autres fonds proviendraient du Trésor public. Essentiellement, cela veut dire qu'un exploitant d'établissement nucléaire serait seulement obligé de verser 650 millions de dollars tandis que le public devrait éponger une facture de millions, voire de milliards, de dollars dans le cas d'un accident.
J'ai mentionné le fait que le député de a proposé 35 amendements et je vais en parler un peu. Une de ces dispositions proposait d'éliminer la limite inférieure internationale de 650 millions de dollars et de rendre l'exploitant responsable de la somme totale.
Dans ce contexte, je tiens à citer un extrait du discours du député de :
L'un des principaux amendements que nous voulons consiste à ne pas imposer de limite à la responsabilité nucléaire. La meilleure façon de régler la question serait probablement que les montants soient illimités, tout comme en Allemagne, où la responsabilité des établissements nucléaires est illimitée. Cela signifie que, advenant un accident, les responsables de la centrale devront en payer les coûts, quels qu'ils soient.
La limite de 650 millions de dollars fixée dans ce projet de loi représente bien peu par comparaison à celui de notre principal partenaire commercial, les États-Unis d'Amérique, qui ont un plafond de responsabilité de 8 à 10 milliards de dollars pour leurs installations nucléaires. La plupart des nôtres sont situées dans des régions populeuses du sud du pays, semblables à celles où se trouvent les installations nucléaires aux États-Unis.
Comme les députés conservateurs font souvent l'éloge des politiques américaines, ils voudront sûrement imiter l'un de nos principaux partenaires commerciaux dans le très sérieux dossier de la responsabilité nucléaire. Si, après avoir examiné la question, les États-Unis ont déterminé qu'un montant de 8 à 10 milliards de dollars était raisonnable en matière de responsabilité nucléaire, il semble que le Canada devrait lui aussi examiner sérieusement cette possibilité quoique, comme l'a indiqué le député de , il ne devrait pas y avoir de limite en matière de responsabilité nucléaire.
J'aimerais mettre tout cela en contexte. La Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires tentait de régler certaines des très graves préoccupations en matière de responsabilité civile dans le monde. Voici un résumé des origines de cette convention:
En septembre 1997, le gouvernement a fait un pas important lorsqu'il a amélioré le régime de responsabilité applicable en cas d'accident nucléaire. À l'occasion d'une conférence diplomatique au bureau central de l'Agence internationale de l'énergie atomique, tenue à Vienne du 8 au 12 septembre 1997, des délégués de plus de 80 États ont adopté un Protocole visant à modifier la Convention de Vienne de 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires et une Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Le protocole fixe le seuil de la responsabilité de l'exploitant à 300 millions de droits de tirage spéciaux [DTS], soit l'équivalent d'environ 400 millions de dollars américains. La Convention sur la réparation complémentaire fixe les montants additionnels que versent toutes les parties contractantes en fonction de la capacité de leurs installations nucléaires et de l'évaluation qu'en font les Nations Unies. La convention est un instrument auquel tous les États peuvent adhérer sans égard au fait qu'ils soient ou pas parties à des conventions existantes sur la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires ou qu'ils aient des installations nucléaires sur leurs territoires. Le protocole fournit entre autres choses une meilleure définition des dommages nucléaires (qui inclut maintenant les concepts de dommages environnementaux et de mesures préventives), élargit la portée géographique de la Convention de Vienne et prolonge le délai prévu pour les réclamations pour perte de vie humaine et dommages aux personnes. Il donne aussi aux États côtiers la compétence relativement à des actions mettant en cause des accidents nucléaires survenus pendant le transport. Ensemble, les deux instruments devraient améliorer considérablement le cadre mondial en matière d'indemnisation bien au-delà de ce que prévoient les conventions existantes. Avant septembre 1997, le régime de responsabilité international était incorporé dans deux instruments, la Convention de Vienne de 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires et la Convention de Paris de 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, reliées par le Protocole conjoint adopté en 1988. La Convention de Paris fut plus tard complétée par la Convention complémentaire de Bruxelles de 1963. Ces conventions sont basées sur le droit civil et reposent sur les grands principes suivants:
Un certain nombre de principes sont énoncés dans ces conventions, mais je veux juste parler de quelques-uns d'entre eux.
Il y a entre autres que la responsabilité repose exclusivement sur les exploitants des établissements nucléaires. De plus, la responsabilité est absolue; par exemple, l'exploitant est tenu responsable sans égard à la faute. Qui plus est, il doit souscrire une assurance qui offre une autre garantie financière pour le montant correspondant à sa responsabilité. Si une telle garantie ne suffit pas, l'État où est situé l'établissement est obligé de combler la différence jusqu'à concurrence de la responsabilité de l'exploitant.
Ce dernier point est une grande source d'inquiétude pour nous, car nous craignons que les contribuables canadiens n'aient à combler la différence entre les 650 millions de dollars et les millions excédentaires qu'il pourrait falloir assumer en cas d'accident nucléaire.
Les députés conservateurs se disent souvent préoccupés par l'argent des contribuables et la reddition de comptes. Je leur proposerais de s'assurer de présenter des mesures législatives qui évitent effectivement aux contribuables de faire les frais d'un éventuel accident.
Je veux parler un instant de l'aspect économique de l'énergie nucléaire. Parmi les facteurs importants à considérer, il y a l'âge et l'état des établissements nucléaires, ainsi que le type d'investissement qui est effectué pour de futures centrales nucléaires, si c'est la voie que le gouvernement décidait d'emprunter. Toutefois, je sais que de nombreux députés à la Chambre et certainement un grand nombre de mes électeurs ne voient pas l'énergie nucléaire comme une option viable.
Dans son rapport The Economics of Nuclear Power, l'organisation Greenpeace analyse divers éléments qui entrent dans la construction et l'entretien de centrales nucléaires. Je ne vais pas faire une analyse approfondie de la totalité d'entre eux, mais on affirme ce qui suit dans le résumé:
L'industrie électronucléaire civile existe depuis plus de 50 ans. Pendant une si long période, il serait normal que les améliorations technologiques et l'expérience accumulée donnent lieu à l'acquisition de connaissances et, ultérieurement, à des améliorations de l'efficience économique. Toutefois, ce n'est pas ce qui s'est produit dans l'industrie nucléaire.
Le rapport fournit une analyse de l'augmentation des coûts et des délais de construction, de la baisse de la demande dans le secteur de la construction et des technologies non éprouvées. Il parle des réacteurs de génération III et III+ et du fait que cette technologie n'est pas éprouvée à long terme.
Bien sûr, quand nous parlons de responsabilité, nous voulons comprendre divers facteurs relatifs à l'état de l'industrie nucléaire canadienne. Dans le rapport, on dit ce qui suit à propos d'un marché défavorable:
Les aspects économiques de l'énergie nucléaire ont toujours été sujets à caution. Le fait que les consommateurs ou les gouvernements assumaient habituellement les risques liés aux investissements dans les centrales nucléaires signifient que les centrales étaient à l'abri de ces risques et qu'elles étaient en mesure d'emprunter de l'argent à des taux tenant compte des risques réduits pour les investisseurs et les prêteurs.
On revient de nouveau sur la question de l'assurance. Les contribuables pourraient avoir à payer la note. On est dans une situation où l'industrie n'assume pas les coûts véritables de l'entretien et de l'exploitation des centrales nucléaires. Dans ce cas, je soutiendrais à nouveau que les restrictions relatives à la responsabilité devraient être supprimées. C'est l'industrie nucléaire qui devrait assumer la responsabilité complète de l'assurance relative à l'exploitation des centrales.
Les auteurs de ce document, intitulé The Economics of Nuclear Power, parlent ensuite de renaissance nucléaire. Ils disent:
La « renaissance nucléaire », dont on fait grand cas, suppose que de nouvelles centrales seront construites à coût moindre que les autres solutions —quant au temps et à l'argent nécessaires —, qu'elles seront fiables et que les coûts liés aux éléments de passif à long terme tels que l'évacuation des déchets et le déclassement des installations vont se stabiliser. Toutefois, il ne suffit pas de rêver qu'il en soit ainsi pour que cela devienne réalité. D'ici à ce que l'énergie nucléaire puisse satisfaire à tous ces critères sur une base durable, les risques de devoir investir davantage seront élevés.
Les auteurs parlent ensuite du fait que l'industrie nucléaire survit uniquement grâce à des subventions importantes. Ils disent:
Aux États-Unis, cela fait maintenant 29 ans qu'une commande a été passée pour une nouvelle centrale nucléaire, et 34 ans qu'une commande a été passée pour une centrale déjà construite. Les services publics ont subi de lourdes pertes dans les années 1980, lorsque les régulateurs économiques sont devenus de plus en plus réticents à refiler aux consommateurs les dépassements de coûts élevés des projets nucléaires, forçant ainsi les services publics à assumer les coûts supplémentaires. L'apparition des marchés de l'énergie a eu pour effet que les propriétaires de centrales sont maintenant très vulnérables, non seulement aux risques de dépassement de coûts, mais aussi à la non-fiabilité des centrales.
Encore une fois, il importe de tenir compte de tous ces facteurs lorsque nous discutons des risques potentiels pour les contribuables canadiens.
Je veux dire un mot sur le déclassement. Le déclassement des centrales est un processus long et compliqué. Il arrive souvent que les coûts soient refilés aux générations futures, sur une période de plusieurs décennies. Il va de soi que les coûts actuels liés au déclassement n'ont souvent rien à voir avec les coûts futurs.
En ce qui a trait au financement des éléments de passif à long terme, les auteurs du document de Greenpeace intitulé The Economics of Nuclear Power disent:
Il existe une obligation morale pour les « pollueurs » de prendre toutes les mesures raisonnables afin de s'assurer que ceux qui doivent faire le nettoyage reçoivent des fonds suffisants pour faire le travail. Cette obligation comporte trois volets principaux:
L'évaluation des coûts devrait être conservatrice ou pessimiste, surtout lorsque les coûts ne sont pas bien établis, afin que les fonds ne soient pas insuffisants en raison du fait que les coûts sont plus élevés que prévu;
L'argent perçu auprès des contribuables devrait être investi dans des véhicules à très faible risque, afin de minimiser les risques de pertes. Le rendement de ces investissements est toujours faible;
La compagnie qui possède la centrale devrait avoir accès aux fonds uniquement pour des fins de déclassement.
Le document de Greenpeace fait allusion à l'expérience vécue au Royaume-Uni:
L'expérience du Royaume-Uni en ce qui a trait aux éléments de passif à long terme est riche en enseignements, en ce sens que les coûts sont toujours sous-estimés et que les dispositions ne sont pas protégées adéquatement.
Bon nombre d'autres expériences dans le monde démontrent sans doute que ce ne sont pas les exploitants de centrales nucléaires qui assument les coûts et les obligations liés à l'exploitation de ces centrales. Il arrive souvent que les coûts soient sous-estimés, tant au moment de la construction que par la suite, au moment du déclassement, et ce sont les contribuables qui finissent par payer la note. Il me semble que ce n'est pas une façon très responsable de procéder.
Dans le cadre des discussions qui auront lieu sur l'énergie et la responsabilité nucléaires, il faudra entre autres déterminer si c'est la meilleure façon de dépenser l'argent des contribuables ou s'il serait préférable d'investir plus de temps et d'énergie dans la recherche de stratégies en matière d'énergies de remplacement. Le document intitulé The Economics of Nuclear Power parle d'efficacité énergétique et des sources d'électricité renouvelables:
L'efficacité énergétique doit être à la base des futures politiques énergétiques. Le potentiel est énorme dans ce domaine. Selon le ministère français de l'économie, les changements qui pourraient être apportés au niveau de la production, de la transmission et de l'utilisation de l'énergie (y compris le transport), pourraient permettre de réduire la consommation globale d'énergie de moitié par rapport à la consommation actuelle, entraînant ainsi des économies équivalant à 9 000 millions de tonnes de pétrole ...par année, d'ici l'an 2050.
On parle ici de conservation, d'utilisation d'appareils ménagers plus efficaces, de voitures à faible consommation d'énergie, de systèmes de chauffage plus efficaces et de méthodes plus efficaces en matière de construction et de réhabilitation thermique des maisons et des immeubles commerciaux et industriels. Nous devons consacrer toute notre attention et nos ressources à l'amélioration de l'efficacité énergétique au pays.
L'autre élément, ce sont les sources d'énergie renouvelable. Une étude mondiale a révélé que l'on s'attend à ce que la plus forte augmentation de la production d'électricité d'ici 2020 provienne de l'énergie hydraulique et de l'énergie éolienne. Dans le contexte des sources d'énergie renouvelable, le Canada tire de l'arrière par rapport au reste du monde.
Ma province, la Colombie-Britannique, est chanceuse parce qu'une bonne partie de son électricité provient de sources hydrauliques. Les barrages ont été construits il y a de nombreuses années, aussi les dommages à l'environnement ont-ils déjà été faits. La province est dans une assez bonne position parce qu'elle a une source d'énergie plutôt propre.
Beaucoup de provinces du Canada, comme l'Ontario, subissent des pressions en faveur de la construction de nouvelles installations nucléaires parce qu'elles n'ont pas investi dans d'autres formes de production d'énergie plus écologiques, propres et renouvelables. C'est pourquoi le projet de loi est important. Si les gens commencent à proposer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il est important que les propriétaires de ces installations en paient le véritable coût.
Le Canada ne possède pas de stratégie nationale globale d'approvisionnement en électricité. Récemment, un journal rapportait que le gouvernement du Nunavut consacre 25 p. 100 de son budget à l'achat de gazole parce qu'il n'a pas eu le soutien du gouvernement fédéral pour élaborer une stratégie sur les sources d'énergie de remplacement. Avec l'augmentation du prix de l'énergie au Canada, des collectivités seront de plus en plus marginalisées parce qu'elles n'ont pas accès à d'autres outils et ressources que nous aurions dû élaborer ces 20 dernières années.
Le député de a proposé des amendements afin que le projet de loi soit mieux adapté aux besoins des Canadiens. Puisque ces amendements n'ont pas été acceptés, le NPD n'est pas en mesure d'appuyer le projet de loi.
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Monsieur le Président, nous débattons aujourd’hui, en troisième lecture, du projet de loi qui est un projet de loi important dans le contexte actuel.
La nécessité de ce projet de loi est apparue au fil des années. Il suffit de dire que l’option nucléaire et l’utilisation des centrales nucléaires pour la production d’électricité ont fait leur apparition au Canada après la Seconde Guerre mondiale et qu’elles ont été fortement réglementées par une loi qui est restée à peu près la même pendant presque toutes ces années. Comme dans bien d’autres domaines, une mise à jour ou une modernisation s’impose. Ce projet de loi porte surtout sur la dimension responsabilité civile.
C’est un domaine très réglementé. Quelles que soient les activités dont il est question dans ce domaine, l’industrie nucléaire est toujours très réglementée. Certains Canadiens ne croient pas que nous devrions compter autant que nous le faisons sur l’énergie nucléaire. Le fait est qu’en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, on compte beaucoup sur cette source d’énergie. Je pense qu’en Ontario, l’énergie nucléaire répond actuellement au tiers des besoins en électricité. Je le dis pour faire comprendre que l’option nucléaire ne va pas disparaître. Nous allons continuer à compter sur elle pendant des années et certaines de nos provinces ont pris cette décision.
Il est certain qu’il existe d’autres sources d’énergie. Nous pouvons améliorer notre production d’hydroélectricité. Nous continuons à produire de l’électricité à partir du gaz. Nous utilisons peut-être le charbon dans certaines régions du pays. Nos voisins du Sud s’en servent dans certaines régions de leur pays. L’énergie éolienne et l’énergie solaire existent également, mais l’énergie nucléaire continuera d’être exploitée.
Est-ce efficace? Est-ce rentable? Est-ce propre? Est-ce sûr? Est-ce renouvelable? Toutes ces questions font partie du débat.
Le projet de loi ne change rien à ces dimensions, mais il reconnaît qu’il y a eu beaucoup de changements au sein de la société canadienne, dans le monde, dans le milieu financier, dans le secteur des assurances et dans notre façon de voir l’énergie nucléaire et les risques qui y sont associés, ce qui nous a amenés à moderniser la loi qui régit ce secteur très réglementé.
Si des gens voulaient produire de l’énergie solaire ou de l’énergie éolienne dans une province, ils appelleraient cela de la cogénération et se brancheraient sur le réseau électrique, probablement sans être soumis à une réglementation très lourde. Par contre, s’ils essayaient de produire de l’énergie nucléaire, ils ne pourraient pas lever le petit doigt sans avoir un permis ou peut-être même une douzaine de permis.
J’ajouterais que les Canadiens dépendent, qu’ils le sachent ou non, de certains processus radioactifs, tant dans le domaine des soins de santé que dans le domaine de l’industrie. Il y a de la radioactivité et des isotopes radioactifs dans un grand nombre de nos villes. C’est soumis à une réglementation très stricte et cela nous est très bénéfique, que nous en soyons conscients ou non.
Il est certain qu’il y a certaines sources de rayonnement de faible intensité. On en trouve dans divers endroits du pays, notamment dans les endroits où l’uranium est extrait ou a été extrait et où il y a des résidus miniers. En général, nous gérons assez bien ces sites et le gouvernement du Canada y joue un rôle actif. Chaque fois que le niveau de rayonnement est supérieur à la norme, le gouvernement canadien estime qu’il doit intervenir et il le fait.
Le projet de loi établit un régime révisé pour la responsabilité civile et l’indemnisation dans ce domaine d’activité. Il vaut la peine de souligner que la loi précédente prévoyait un maigre montant de 75 millions de dollars pour la responsabilité civile maximum d’un exploitant.
De nos jours, quand il est question de responsabilité à l’égard de n’importe quoi, que ce soit du mauvais beurre d’arachides, une automobile, un camion ou un train, ou encore un avion, une limite de responsabilité possible de 75 millions de dollars, c’est peu. On l’admet depuis quelque temps déjà. Le projet de loi remédierait à cela en portant cette limite à 650 millions de dollars.
Certains pourraient dire que ce n’est pas beaucoup. Cependant, le projet de loi a été étudié par le comité de la Chambre des communes et la limite a été établie au terme d’un examen des principes fondamentaux de la responsabilité nucléaire.
Je répète ces quatre principes aux fins du compte rendu. Premièrement, l’exploitant de la centrale nucléaire est la partie responsable, personne d’autre. Deuxièmement, l’exploitant est exclusivement responsable des dommages en cas d’accident. Troisièmement, l’exploitant doit être assuré. Quatrièmement, la responsabilité est limitée par la loi. Il y a des limites qui s’appliquent aux délais et d’autres, aux montants, en l’occurrence, il s’agit d’un plafond de 650 millions dollars. C’est important. Ceux qui fournissent du matériel à l’exploitant d’une centrale nucléaire n'encourent aucune responsabilité à titre de secondes ou tierces parties. Ils peuvent livrer en sécurité les marchandises ou les services à l’exploitant sans se soucier d’une responsabilité possible en cas d’accident.
Heureusement, aucun accident grave n’est survenu au Canada. Il y a eu des accidents dans deux, trois ou quatre centrales dans le monde. L’accident de Tchernobyl est celui qui vient le plus souvent à l’esprit. Il y a eu des répercussions partout dans le monde pendant toutes ces années.
Les facteurs qui ont contribué à fixer ce montant incluent le risque prévisible. Autrement dit, le montant fixé a été fondé sur ce qu’un exploitant pourrait prévoir comme risque et non par suite d’un événement catastrophique imprévu. Nos réacteurs nucléaires sont tous dotés d'un deuxième et d'un troisième systèmes de secours fiables.
Grâce à ce projet de loi, le Canada serait pratiquement sur un pied d’égalité avec la plupart des autres pays producteurs d’énergie nucléaire, certainement en Occident. La limite de 650 millions de dollars ne sera pas mise en place d’un seul coup; elle sera plutôt introduite graduellement au cours de plusieurs années, en vertu des règlements.
Aux termes du projet de loi, le gouvernement et le Parlement procéderont à un réexamen tous les cinq ans. La situation peut changer encore au cours des prochaines années.
Le projet de loi tient compte des changements vraiment considérables qui se produisent dans l’industrie de l’assurance. L’assurance doit être souscrite uniquement auprès d’un assureur agréé. Le gouvernement et la Chambre reconnaissent qu’il y a d’autres façons de souscrire une assurance de nos jours, ce qui n’était peut-être pas possible il y a 50 ans. Il y a notamment les garanties gouvernementales, les lettres de crédit, certains types d’autoassurance et surtout les accords de réassurance.
Dans certains cas, des sociétés d’assurance refusent d’assurer à moins de pouvoir réassurer, ce qui leur permet de répartir les risques parmi les actionnaires et les investisseurs un peu partout dans le pays ou même dans le monde. De nombreux gros contrats d’assurance comportent une réassurance permettant de répartir les risques partout dans le monde. Le mécanisme de réassurance, qui est aujourd’hui une norme dans l’industrie, peut être utilisé ici quand un assureur agréé refuse d’assurer sans un accord de réassurance.
L'assurance et la responsabilité civile couvrent aussi le transport de matières radioactives, l'uranium transporté en surface ou contenu dans les barres de combustible, ou encore toute autre substance radioactive transportée. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'accident jusqu'ici, mais c'est un risque avec ce genre de chose et il peut y avoir des victimes, et c'est pour cela que nous prenons cette assurance.
Avec l'expérience, nous avons appris que parfois les conséquences de l'exposition à des radiations nucléaires n'apparaissaient qu'après des années. C'est pourquoi le délai prévu pour une demande d'indemnisation pour préjudice corporel dû à une irradiation est désormais porté à 30 ans. Dans le cas des demandes d'indemnisation pour préjudice matériel, c'est 10 ans, mais pour les préjudices corporels et le décès, c'est 30 ans.
Dans le cas d'un accident nucléaire qui déborderait sur une autre province, en l'absence de cette loi, il y aurait probablement des procès distincts dans les deux provinces. Le projet de loi stipule que, si l'accident nucléaire survient dans plus d'une province, c'est la Cour fédérale qui est compétente.
Enfin, en cas d'accident important, le gouvernement peut créer un tribunal d'indemnisation en matière nucléaire, c'est-à-dire confier à un tribunal spécial le soin d'examiner les demandes d'indemnisation et de statuer.
Ce que le gouvernement a prévu dans le projet de loi et que la Chambre a approuvé, c'est un certain jeu avec les mécanismes d'assurance et de réassurance sur le marché libre. En théorie, cela devrait nous permettre d'avoir des coûts d'assurance modestes ou tout au moins compétitifs tout en laissant aux exploitants d'installations nucléaires un meilleur accès à l'assurance et de meilleures perspectives de rentabilité.
Le projet de loi prévoit aussi des accords de réciprocité. En effet, l'exploitant peut très bien être une société qui a des ramifications à l'étranger, ou l'installation nucléaire peut être située à proximité d'une frontière. Par exemple, ma circonscription, celle de Scarborough—Rouge River, à l'est de Toronto, n'est qu'à 10 ou 20 kilomètres de la centrale nucléaire de Pickering. Cette centrale, au bord du lac Ontario, est aussi à quelques kilomètres seulement de la frontière des États-Unis d'Amérique.
Grâce à cette loi, le gouvernement peut conclure avec un autre pays une entente de réciprocité en vertu de laquelle les deux pays reconnaîtront mutuellement leurs procédures en cas d'accident nucléaire. Dans un contexte de mondialisation croissante, c'est probablement une bonne chose.
Je félicite le comité qui s'est penché sur ce projet de loi. Sans pouvoir me prononcer sur la troisième lecture, je peux vous assurer que mon parti l'appuiera. J'espère que nous pourrons passer rapidement à la troisième lecture.