:
Monsieur le Président, avant de commencer mon discours officiel, je tiens à prendre un moment pour souligner le rôle joué par certains de nos collègues qui sont ici, à la Chambre des communes, dans les événements d'aujourd'hui. Quoique en dernier ressort, le responsable des excuses ce soit moi, plusieurs de mes collègues méritent un certain crédit.
Tout d'abord, je tiens à remercier de leur dur labeur et de leur professionnalisme le et son prédécesseur, maintenant . Ces deux hommes ont été des partisans convaincus et passionnés, pas uniquement des excuses qui seront présentées aujourd'hui, mais également du règlement du dossier historique des pensionnats indiens que notre gouvernement a signé.
En deuxième lieu, je m'en voudrais de ne pas féliciter mon ancien collègue de Cariboo—Chilcotin, Philip Mayfield, qui a été pendant très longtemps une voix forte au sein de notre caucus en faveur d'une action de grande portée au sujet de ce triste épisode de notre histoire.
Enfin, le dernier, mais certainement pas le moindre, je tiens à remercier mon collègue, le chef du Nouveau Parti démocratique. Depuis un an et demi, il me parle régulièrement et avec beaucoup de conviction de la nécessité de présenter des excuses. Ses conseils, qui transcendent les partis politiques et qui sont dispensés avec confiance, ont été persuasifs et très appréciés.
[Français]
Je me lève aujourd'hui pour présenter nos excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens. Le traitement des enfants dans ces pensionnats est un triste chapitre de notre histoire.
Pendant plus d'un siècle, les pensionnats indiens ont séparé plus de 150 000 enfants autochtones de leurs familles et de leurs communautés.
[Traduction]
Dans les années 1870, en partie afin de remplir son obligation d’instruire les enfants autochtones, le gouvernement fédéral a commencé à jouer un rôle dans l’établissement et l’administration de ces écoles.
Le système des pensionnats indiens visait deux objectifs principaux: isoler les enfants et les soustraire à l’influence de leurs foyers, de leurs familles, de leurs traditions et de leur culture, et les intégrer par l’assimilation dans la culture dominante.
Ces objectifs reposaient sur l’hypothèse que les cultures et les croyances spirituelles des Autochtones étaient inférieures.
D’ailleurs, certains cherchaient, selon une expression devenue tristement célèbre, « à tuer l’Indien au sein de l’enfant ».
[Français]
Aujourd'hui, nous reconnaissons que cette politique d'assimilation était erronée, qu'elle a fait beaucoup de mal et qu'elle n'a aucune place dans notre pays. Cent trente-deux écoles financées par le fédéral se trouvaient dans chaque province et territoire, à l'exception de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Traduction]
La plupart des pensionnats étaient dirigés conjointement avec les Églises anglicane, catholique, presbytérienne ou unie.
Le gouvernement du Canada a érigé un système d’éducation dans le cadre duquel de très jeunes enfants ont souvent été arrachés à leur foyer et, dans bien des cas, emmenés loin de leur communauté.
Bon nombre d’entre eux étaient mal nourris, mal vêtus et mal logés. Tous étaient privés des soins et du soutien de leurs parents, de leurs grands-parents et de leur communauté.
Les langues et les pratiques culturelles des Premières nations, des Inuits et des Métis étaient interdites dans ces écoles.
Malheureusement, certains de ces enfants sont morts en pension et d’autres ne sont jamais retournés chez eux.
[Français]
Le gouvernement reconnaît aujourd'hui que les conséquences de la politique sur les pensionnats indiens ont été très néfastes et que cette politique a causé des dommages durables à la culture, au patrimoine et à la langue autochtones.
Bien que certains anciens élèves aient dit avoir vécu une expérience positive dans ces pensionnats, leur histoire est de loin assombrie par les témoignages tragiques sur la négligence et l'abus émotifs, physiques et sexuels d'enfants sans défense, et par leur séparation de familles et de communautés impuissantes à les aider.
L'héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd'hui.
[Traduction]
Il a fallu un courage extraordinaire aux milliers de survivants qui ont parlé publiquement des mauvais traitements qu’ils ont subis. Ce courage témoigne de leur résilience personnelle et de la force de leur culture.
Malheureusement, beaucoup des anciens élèves sont décédés avant d’avoir reçu les excuses du gouvernement du Canada.
[Français]
Le gouvernement reconnaît que l'absence d'excuses a nui à la guérison et à la réconciliation. Alors, au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens et Canadiennes, je me lève devant vous, dans cette Chambre si vitale à notre existence en tant que pays, pour présenter nos excuses aux peuples autochtones pour le rôle joué par le Canada dans les pensionnats pour Indiens.
[Traduction]
Devant les quelque 80 000 anciens élèves toujours en vie, devant les membres de leurs familles et de leurs communautés, le gouvernement du Canada admet aujourd’hui qu’il a eu tort d’arracher les enfants à leur foyer et s’excuse d’avoir agi ainsi.
Nous reconnaissons maintenant que nous avons eu tort de couper les enfants de leur culture et de leurs traditions riches et vivantes, créant ainsi un vide dans tant de vies et de communautés, et nous nous excusons d’avoir agi ainsi.
Nous reconnaissons maintenant qu’en séparant les enfants de leurs familles, nous avons réduit la capacité de nombreux anciens élèves à élever adéquatement leurs propres enfants et avons scellé le sort des générations qui ont suivi, et nous nous excusons d’avoir agi ainsi.
Nous reconnaissons maintenant que, beaucoup trop souvent, ces institutions donnaient lieu à des cas de sévices ou de négligence et n’étaient pas contrôlées de manière adéquate, et nous nous excusons de ne pas avoir su vous protéger.
En plus d'avoir vous-mêmes subi ces mauvais traitements pendant votre enfance, une fois devenus parents à votre tour, vous avez été impuissants à éviter le même sort à vos enfants, et nous le regrettons.
[Français]
Le fardeau de cette expérience pèse sur vos épaules depuis beaucoup trop longtemps. Ce fardeau nous revient directement, en tant que gouvernement et en tant que pays. Il n'y a pas de place au Canada pour que les attitudes qui ont inspiré le système de pensionnats indiens puissent prévaloir à nouveau.
[Traduction]
Vous tentez de vous remettre de cette épreuve depuis longtemps, et d’une façon très concrète, nous vous rejoignons maintenant dans ce cheminement. Le gouvernement du Canada présente ses excuses les plus sincères aux peuples autochtones du Canada pour avoir si profondément manqué à son devoir envers eux, et leur demande pardon.
[Français]
Nous le regrettons.
[Traduction]
[Nimitataynan. Niminchinowesamin. Mamiattugut.]
Entrée en vigueur le 19 septembre 2007, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens s’inscrit dans une démarche de guérison, de réconciliation et de règlement des tristes séquelles laissées par les pensionnats indiens. Des années d’efforts de la part des survivants, des communautés et des organisations autochtones ont abouti à une entente qui nous permet de prendre un nouveau départ et d’aller de l’avant en partenariat.
La Commission de divulgation des faits et de réconciliation est au cœur de la Convention de règlement. Cette commission constitue une occasion unique de sensibiliser tous les Canadiens à la question des pensionnats indiens. Il s’agira d’une étape positive dans l’établissement d’une nouvelle relation entre les peuples autochtones et les autres Canadiens, une relation basée sur la connaissance de notre histoire commune, sur un respect mutuel et sur le désir de progresser ensemble, avec la conviction renouvelée que des familles fortes, des communautés solides et des cultures et des traditions bien vivantes contribueront à bâtir un Canada fort pour chacun de nous.
Que Dieu vous bénisse et bénisse notre pays.
:
Monsieur le Président, aujourd’hui, le Canada fait face à l’un des chapitres les plus sombres de son histoire.
On a voulu forcer les Autochtones à s'assimiler par le biais du système de pensionnats indiens, un système qui est malheureusement plus vieux que la Confédération elle-même. Ce sont des écoles qui visaient à « sortir l’Indien de l’enfant » et à éradiquer son identité autochtone. Leur fonctionnement était axé sur la séparation de l’enfant de sa famille et de sa communauté. Elles étaient conçues pour arracher l’enfant à son identité, à sa culture, à ses croyances et à sa langue autochtones.
[Français]
C'est un système déshumanisant qui a mené aux pires abus.
[Traduction]
Cette politique gouvernementale a déchiré le tissu familial parmi les Premières nations, les Métis et les Inuits. Elle a tué l’estime de soi chez les parents comme chez les enfants. Les parents et les grands-parents n’ont pas eu le choix. Leurs enfants leur ont été volés.
[Français]
Et seulement aujourd'hui commençons-nous à mesurer le prix terrible de ces mauvaises politiques.
[Traduction]
La réalité d’aujourd’hui est issue du système de pensionnats indiens. Le présent est hanté par le passé tragique et douloureux des enfants des Premières nations, des enfants métis et des enfants inuits, de leur famille et de leur communauté. C'est un triste et lourd passé que tous les Canadiens doivent accepter d’inclure dans leur histoire.
Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont choisi de nier plutôt que d’admettre la vérité. Lorsqu’ils ont été confrontés au poids de la vérité, ils ont choisi le silence. Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont refusé de reconnaître leur rôle direct dans la création du système de pensionnats indiens et dans la poursuite de leur triste et insidieux objectif qu’était l’élimination de la culture et de l’identité autochtones. Pendant trop longtemps, les gouvernements canadiens ont choisi d’ignorer les conséquences de ce drame plutôt que de tenter de les comprendre, de sorte que la souffrance persiste encore aujourd’hui parmi les Premières nations, les Métis et les Inuits.
Permettez-moi de citer un passage de la condamnation prononcée par la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996:
Pourtant, sauf quelques rares exceptions, aucun haut fonctionnaire, aucun ecclésiastique et aucun député ne s'est insurgé contre le principe des pensionnats ou contre leur caractère abusif. Bien sûr, le souvenir ne s'est pas dissipé et n'a toujours pas disparu des mémoires. Il a persisté, s'est amplifié et a pris l'allure d'un spectre lugubre [...]
[Français]
C'est la première pierre que l'on doit poser pour ce monument pour la vérité, la réconciliation et un avenir meilleur.
[Traduction]
Aujourd’hui, en tant que représentants du peuple canadien, nous offrons nos excuses à ceux qui ont survécu aux pensionnats indiens et à ceux qui sont morts à cause des lois adoptées par les gouvernements et les législatures précédents. En parlant directement aux victimes et aux survivants dans l’enceinte de la Chambre des communes, nous offrons nos excuses à ceux qui sont morts sans avoir entendu ni ces paroles ni la reconnaissance de ces torts.
Les gouvernements canadiens successifs et diverses Églises ont été complices des violences psychologiques, physiques et sexuelles commises contre des milliers d’enfants autochtones dans le système des pensionnats. À titre de chef du Parti libéral du Canada, qui a formé le gouvernement pendant plus de 70 ans au XXe siècle, je reconnais notre rôle et notre part de responsabilité dans ce drame. J’en suis profondément désolé et je présente nos excuses.
[Français]
Je suis désolé que le Canada ait essayé d'effacer votre identité et votre culture en vous arrachant à vos familles lorsque vous étiez enfants, et en créant un système pour vous punir d'être ce que vous étiez.
À vous, mères et pères inuits, métis et des Premières nations, je dis que je suis désolé qu'on vous ait volé vos enfants; désolé qu'on n'ait pas reconnu votre valeur comme parents; désolé qu'on vous ait manqué de respect et de confiance.
[Traduction]
Les excuses que nous présentons aujourd'hui visent un passé qui aurait dû être entièrement différent. Mais elles doivent aussi nous permettre de nous tourner vers l'avenir, de procéder à une réconciliation collective et d'apporter des changements fondamentaux.
Elles doivent nous permettre de progresser ensemble, Autochtones et non-Autochtones, vers un avenir fondé sur le respect. Elles doivent nous aider à trouver au fond de chacun de nous une partie de l'immense courage que nous voyons dans les yeux de ceux et celles qui ont survécu.
Elles doivent nous permettre d'être inspirés par la détermination de survivants comme le chef national Phil Fontaine et Willie Blackwater, qui ont eu le courage de parler haut et fort et d’exiger que justice soit faite. Elles doivent nous inciter à poursuivre les efforts de l'ancien député Gary Merasty, membre des Premières nations, qui a présenté une motion demandant que le gouvernement présente des excuses officielles aux survivants des pensionnats indiens, motion adoptée à l’unanimité par la Chambre le 1er mai 2007.
[Français]
Pour réussir, nous devons nous engager à fond dans le travail de la Commission de la vérité et de la réconciliation, présidée par le juge Harry LaForme, et chargée d'enquêter sur tous les aspects du système des pensionnats indiens au Canada.
Cela signifie qu'il nous faudra entendre les témoignages des victimes de violences physiques, mentales et sexuelles. Cela signifie qu'il nous faudra comprendre pourquoi et comment le Canada a laissé les pensionnats indiens propager la maladie, la mort, la tuberculose, la pneumonie. Cela signifie aussi qu'il nous faudra découvrir ce qui est réellement arrivé aux nombreux enfants qui ont disparu dans des tombes anonymes.
Cela veut dire donner une voix à ceux que le Canada a fait taire. Cela veut dire donner un nom à ceux dont l'identité a été effacée. Cela veut dire montrer notre respect à ceux que nous avons humiliés. Cela veut dire comprendre la douleur des parents et des familles abandonnés et, à cause de nos actions, abîmés à tout jamais.
Nous devons écouter attentivement les victimes qui vont porter témoignage à la Commission de la vérité et de la réconciliation et nous devons être prêts à entendre la commission rendre compte d'un passé collectif vraiment honteux. Ensemble et en tant que pays, nous devons faire face à la vérité pour que plus jamais nous n'ayons à présenter des excuses à une autre génération, pour que plus jamais ne se reproduise une telle tragédie.
[Traduction]
Je prononce ces mots en pensant aux survivants et aux survivantes que j’ai rencontrés hier soir. L’une d’elles se souvient encore de sa petite enfance, passée avec sa famille dans une communauté isolée. Elle avait sept ans quand son père l’a menée en canot au pensionnat indien. Ses jours passés avec ses parents et ses frères et soeurs, elle en a un souvenir merveilleux. Toutefois, elle ne se souvient pas ses deux années passées au pensionnat. C’est ainsi qu’elle a réussi à survivre aux mauvais traitements qu’elle y a subis.
Une autre survivante, Marion Ironquill-Meadmore, m’a parlé des dix ans qu’elle a passés dans une institution religieuse. La première leçon qu’on lui a apprise, c’est que ses parents ne valaient rien. Quand elle a quitté l’institution après dix ans, elle s’est trouvée perdue dans les deux mondes, celui des Autochtones et celui des non-Autochtones, incapable de retourner dans sa communauté d’origine et incapable de fonctionner ailleurs.
Pour que la réconciliation se fasse, il va falloir que la société canadienne s’engage à agir. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que tous les Canadiens autochtones — Premières nations, Métis et Inuits — puissent profiter, eux aussi, des richesses et des possibilités qu’offre le Canada. Cela signifie qu'il faut nous assurer d'entendre les voix des Premières nations, des Métis et des Inuits dans leurs propres langues et veiller à ce que ces voix et ces langues autochtones continuent d'enrichir le patrimoine culturel mondial.
Il ne faut pas que nous nous laissions intimider par l’envergure de ce défi, ni décourager par les échecs du passé. Nous devons léguer à tous nos enfants un pays encore meilleur que celui que nos parents nous ont légué. Nous n’y arriverons pas tant que les Autochtones seront laissés pour compte.
Quatre ans après la conclusion des travaux de la Commission de la vérité et de la réconciliation, le Canada va souligner le 150e anniversaire de la Confédération. Ce jour-là, j'espère sincèrement que sera exaucé l’espoir exprimé il y a 60 ans, dans cet édifice même, par l’ancien combattant autochtone décoré Thomas Prince, l’espoir d’une nouvelle relation entre les Premières nations, les Métis, les Inuits et les non-Autochtones de notre pays, « afin qu’il puissent se faire confiance et [...] marcher côte à côte sur cette Terre dans la foi et la confiance mutuelles. »
En attendant, nous offrons humblement nos excuses, qui représentent un premier pas dans la voie de la guérison et de la réconciliation.
Merci. Thank you. Meegwetch. Ekosi. Nakurmiik.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de vivre ce moment où le gouvernement canadien offre enfin ses excuses aux membres des Premières nations, des Métis et des Inuits qui ont été victimes des pensionnats fédéraux.
Près de 150 000 personnes ont attendu toute leur vie cette journée de vérité et de réconciliation; 90 000 sont toujours vivantes. En fait, ces 90 000 personnes sont des survivantes et des survivants. Il y a déjà plus de 100 ans, le rapport Bryce révélait un taux de mortalité de près de 25 p. 100 dans ces pensionnats. Ce taux atteignait même 47 p. 100 dans le pensionnat Old Sun's de l'Alberta. Voilà pourquoi je dis que les anciens élèves sont des survivants.
Ces 150 000 personnes ont été enlevées des bras de leur mère et de leur père. Ils ont été séparés de leurs sœurs et frères. Ils ont été arrachés de force à leur communauté et à leur culture traditionnelle.
Pour ceux et celles qui ne peuvent s'imaginer les impacts que les pensionnats ont eus sur les peuples autochtones, ayez une image en tête: pensez à un petit village, une petite communauté, duquel on retire les enfants, tous les enfants. Dès lors, il n'y a plus d'enfants de 7 à 16 ans qui jouent dans les rues ou dans les forêts, inondant de leurs rires et de leurs joies le cœur des plus vieux. De plus, il y a cette crainte toujours présente de voir les enfants disparaître dès qu'ils atteignent l'âge scolaire.
Et puis, il y a ces rumeurs qui circulent quant au traitement que les enfants subissent. C'est terrible d'y penser encore aujourd'hui. Les enfants ont été tirés des bras de leur mère pour être assimilés. Ils ont été enlevés et élevés dans un seul but: tuer « l'Indien dans l'enfant ». Obligés de désapprendre leur langue, ces enfants ne pouvaient plus communiquer avec leurs propres parents. Tout cela est bien réel et fait partie de notre histoire à tous.
Entre 1934 et 1962, six pensionnats ont vu le jour au Québec, deux en Terre crie, un en Terre algonquine, un chez les Attikameks et deux chez les Innus. Ces pensionnats ont laissé, comme partout ailleurs, des blessures causées par des abus, des sévices et des négligences.
Roméo Saganash, qui a lui-même survécu aux pensionnats, m'a raconté l'histoire de son frère décédé au bout d'un an. Jamais sa famille n'a pu apprendre la raison de sa mort, et il a fallu 40 ans — 40 longues années — avant que sa mère ne retrouve l'endroit où il avait été enterré. Il est impossible d'effacer ces profondes cicatrices, de réparer les âmes cassées par la mémoire.
Pourtant, ces excuses sont nécessaires. Elles sont nécessaires, mais non suffisantes. Comme le dit en effet Roméo Saganash: « Des excuses, une fois exprimées, ne valent que les gestes qui les suivent. » Pour ceux qui ont perdu leur enfance dans les pensionnats, les meilleures excuses sont faites de gestes concrets qui permettront à leurs enfants et à leurs petits-enfants de voir l'avenir avec espoir. Cela signifie que le gouvernement doit agir maintenant, de façon bien concrète.
Par exemple, on constate que le gouvernement n'investit pas les sommes nécessaires pour permettre le plein épanouissement de la jeunesse autochtone. Par exemple, quand des problèmes qui touchent les enfants surviennent, le gouvernement préconise que ces enfants soient retirés de leur milieu afin de les protéger. On répète en quelque sorte les erreurs du passé.
Avec les Premières nations du Québec, nous demandons depuis plus d'un an que des sommes supplémentaires leur soient confiées afin que les enfants puissent rester dans leur communauté. Ne croit-on pas qu'il y a déjà eu assez d'enfants autochtones enlevés à leur communauté dans le passé?
Voici un autre exemple: l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador attend depuis plus d'un an et demi une réponse du gouvernement pour mettre en place le projet « 10 000 possibilités ».
Ce plan sur dix ans consiste à construire 10 000 logements, à faire en sorte que 10 000 jeunes de plus obtiennent leur diplôme d'études secondaires et à créer 10 000 nouveaux emplois.
Si les excuses du sont sincères, qu'il en profite pour agir concrètement. Nous l'appuierons.
Et finalement, il y a cette disgrâce: le refus du gouvernement d'endosser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Bloc québécois a donné un appui clair à ce projet de déclaration et j'en suis très fier. En acceptant d'endosser la déclaration, le a l'occasion de démontrer clairement aux peuples autochtones qu'il a appris des erreurs du passé et qu'il prend l'engagement solennel auprès des victimes que leurs enfants et leurs petits-enfants auront doit au respect et à la dignité.
Je m'adresse à vous, représentants et représentantes autochtones présents sur le parquet de la Chambre, ou vous qui nous écoutez du haut de la tribune. Tous les députés du Bloc québécois se joignent à moi pour vous tendre la main afin que, tous ensemble, nous puissions construire un avenir meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants.
Cela passe par des relations de respect qui ne peuvent être que de nation à nation, et rien d'autre.
Au nom du Bloc québécois, je vous offre des excuses sincères pour le passé et je nous invite à bâtir l'avenir entre nations.
:
Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour ajouter la voix du Nouveau Parti démocratique à celles des autres partis qui présentent très humblement des excuses sincères aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits au nom des Canadiens.
J'aimerais rendre hommage aux aînés qui sont des nôtres aujourd'hui et à ceux qui prennent part à cette cérémonie d'un bout à l'autre du pays en ce moment.
[Français]
J'aimerais rendre hommage aux chefs des Premières nations, des Métis et des Inuits qui sont ici avec nous et à tous ceux qui guident leur communauté en cette journée difficile, émotive, importante et pleine d'espoir.
[Traduction]
Je rends hommage aux enfants, les enfants ici présents et ceux qui nous écoutent en groupes à la maison partout au pays, qui sont témoins des séquelles laissées par les pensionnats.
Par-dessus tout, je veux que les survivants des pensionnats, dont quelques-uns se sont joints à nous aujourd'hui, sachent que nous déplorons ce qui est arrivé.
[Français]
Aujourd'hui, nous marquons un moment très important pour le Canada. C'est le moment où nous, en tant que Parlement, en tant que pays, assumons la responsabilité d'une des époques les plus honteuses de notre histoire. C'est le moment de dire, enfin, que nous nous excusons. C'est le moment où nous commençons à bâtir un avenir partagé, sur un pied d'égalité, en nous appuyant sur le respect mutuel et la vérité.
[Traduction]
C'est le Parlement du Canada qui a promulgué, il y a 151 ans, la loi raciste instituant les pensionnats. C'est lui qui a décidé de ne pas traiter les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits comme des être humains égaux. Il s'était donné pour mission de tuer l'Indien dans l'enfant. Cette décision tout à fait répréhensible a causé des souffrances incroyables, privant les Premières nations, les Métis et les Inuits de la liberté fondamentale de choisir leur mode de vie. Nous sommes vraiment navrés de tous ces torts qui leur ont été causés.
Leurs enfants ont été privés de l'amour et du soutien de leur famille et de leur collectivité à cause de la décision que nous avons prise.
[Français]
Cela a privé ces enfants de la fierté et de l'estime de soi qui découlent de l'apprentissage de son patrimoine, de sa langue, de sa culture et de ses traditions. En plus de ces blessures, il y a notre négligence, les soins de santé inadéquats, les mauvais traitements et les sévices sexuels qui ont porté atteinte à tant d'enfants et qui en ont tué.
Ceux qui ont survécu ont appris, à cause des politiques du Canada, à avoir honte de qui ils sont.
Pour ces actions néfastes, nous nous excusons.
L'héritage des pensionnats jette une ombre sur notre pays. Cela a déchiré des familles et des communautés pendant des générations et cela se fait toujours sentir, très personnellement.
[Traduction]
Presque tous les membres des Premières nations de mon âge qu'il m'a été donné de rencontrer sont des survivants des pensionnats. Nombreux sont ceux aussi qui sont les enfants de survivants.
[Français]
Un de ces enfants m'a parlé de sa mère, une Crie du Nord du Québec, à qui on a enlevé 12 de ses 14 enfants. Son frère est mort dans un pensionnat, mais on n'a jamais expliqué pourquoi ni comment à sa mère. On ne lui a jamais dit où son fils était enterré. Elle n'a pas eu le droit de rendre hommage à sa vie ni à sa mort. Et elle n'a pas pu faire son deuil ni ses derniers adieux à son enfant, comme toute mère doit le faire.
[Traduction]
Des années plus tard, sa fille, qui travaillait dans le Nord de l'Ontario, a raconté en passant l'histoire de son frère à un homme de l'endroit qui lui a dit: « Je sais où ton frère est enterré. » Ils se sont rendus au cimetière, et il a indiqué du doigt le sol à côté d'une pierre tombale en disant: « Ton frère est enterré ici, dans l'anonymat. »
Tant les enfants forcés à aller vivre dans les pensionnats autochtones que les parents à qui on a arraché les enfants ressentent profondément la souffrance infligée par ces pensionnats. Elle se ressent encore au sein des collectivités des Premières nations, des Métis et des Inuits partout au pays.
[Français]
Le déchirement des liens familiaux et communautaires, les blessures psychologiques, la perte de langue et de culture, et l'éducation inférieure ont tous mené à la pauvreté généralisée qui sévit dans les communautés des Premières nations, des Métis et des Inuits aujourd'hui.
[Traduction]
Les horreurs des pensionnats indiens hantent encore aujourd'hui des gens qui ne les ont pas vécues personnellement.
Il ne peut y avoir d'équivoque. Ce sont des lois sciemment adoptées par cette Chambre qui ont permis la création des pensionnats indiens et le maintien pendant de nombreuses années de ce système.
Le processus de réconciliation doit commencer ici, à la Chambre. Voilà pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui pour exprimer nos regrets. Cette présentation d'excuses constitue une première étape cruciale.
Toutefois, la réconciliation doit être axée sur des mesures positives qui expriment le respect et qui rétablissent la confiance. Ces excuses ne doivent pas marquer la fin du processus, mais bien le début de celui-ci.
[Français]
Il faut s'engager à ne jamais permettre qu'une telle parodie de justice et une telle transgression de l'égalité se reproduisent.
Cela commence en reconnaissant officiellement les droits et les cultures des Premières nations, des Métis et des Inuits et en signant la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones.
[Traduction]
La réconciliation signifie également que, en tant que Parlement et pays, nous devons prendre des mesures pour remédier aux terribles inégalités auxquelles sont confrontés les Premières nations, les Métis et les Inuits. Nous pouvons commencer en rétablissant la relation de nation à nation entre le gouvernement du Canada et les Premières nations, les Métis et les Inuits.
Au moment même où nous nous parlons aujourd'hui, des milliers d'enfants autochtones sont privés d'écoles appropriées, d'eau potable, de nourriture adéquate, d'un lit bien à eux, de soins de santé de qualité, de sécurité, de confort, d'une terre et de droits.
Désormais, nous ne pouvons plus baisser les bras et prétendre qu'il n'y a rien à faire. Si nous voulons assumer notre responsabilité et travailler à la réconciliation, nous devons dire « Unissons nos efforts pour régler le problème ».
Renversons la vapeur et faisons changer les statistiques horribles et honteuses liées à l'affligeante réalité des populations autochtones, notamment les taux élevés de pauvreté et de suicide, l'absence d'éducation ainsi que le surpeuplement et la détérioration des logements et l'insalubrité de l'eau potable. Assurons-nous que les survivants des pensionnats indiens reçoivent la reconnaissance et l'indemnisation qui leur sont dues.
[Français]
Il faut que ce soit notre engagement sérieux et collectif. Nous devons tous, les Premières nations, Métis et Inuits, les Canadiens qui sont ici depuis des générations et les néo-Canadiens, bâtir ensemble un avenir juste, équitable et respectueux.
Meegwetch. Ekosi. Nakurmiik.