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AGRI Rapport du Comité

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LA SALUBRITÉ DES ALIMENTS : UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE

Approche nationale à l’égard de la salubrité des aliments

En vertu des différents pouvoirs qui leur sont conférés par la Constitution, il est du ressort des instances fédérales, provinciales et territoriales de décider de différents aspects de la salubrité alimentaire et, dans certains cas, les provinces délèguent ce pouvoir aux municipalités.

Au niveau fédéral, la Loi sur les aliments et drogues constitue le fondement du système de salubrité des aliments au Canada. Elle tient son autorité du pouvoir fédéral de légiférer en matière de droit pénal et exige notamment que tous les aliments vendus au pays soient propres à la consommation humaine. Un certain nombre de produits (produits laitiers, œufs en coquille ou transformés, fruits et légumes frais et transformés, miel, sirop d’érable, bœuf, porc, volaille, poisson) sont aussi visés par des lois distinctes adoptées en vertu de la compétence fédérale en matière de commerce. Ainsi :

·         Les établissements canadiens qui transforment ces produits et les distribuent d’une province ou d’un territoire à l’autre ou à l’étranger sont tenus de s’enregistrer auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Pour cette raison, ils sont dits « sous contrôle fédéral ».

·         Les importateurs ou établissements de transformation étrangers peuvent être assujettis à des contrôles à l’importation plus rigoureux, comme des vérifications des systèmes de qualité des importateurs et des inspections des établissements étrangers, etc.

·         Les autres établissements alimentaires sont dits « non enregistrés au fédéral » et soumis à un régime d’inspection différent de celui des établissements qui sont sous contrôle fédéral.

Les provinces et les territoires ont aussi un rôle à jouer dans la protection de la salubrité des aliments, comme en témoigne le Rapport du vérificateur général du Canada de décembre 2000[1] :

En vertu de leur mandat en matière de santé publique et de commerce, les provinces et les territoires étendent leurs compétences à tous les produits fabriqués, échangés et vendus à l'intérieur de leurs frontières. Les gouvernements provinciaux réglementent non seulement les détaillants et les services d'alimentation, comme les restaurants, mais également les exigences relatives à tous les établissements alimentaires, y compris ceux qui sont sous contrôle fédéral. Par exemple, la plupart des provinces précisent les normes de construction et les exigences sanitaires de base applicables à certains établissements sur leur territoire. Dans certaines provinces, les administrations municipales mettent également en application des règlements.

Le Comité fédéral-provincial-territorial de la salubrité des aliments (CFPTSA), qui regroupe des fonctionnaires des ministères de la santé et de l’agriculture d’un bout à l’autre du Canada, coordonne l'élaboration d’un éventail de politiques nationales en matière de salubrité alimentaire, met en œuvre des mesures pour donner suite aux priorités et aux objectifs nationaux à cet égard et améliore de façon générale la reddition de comptes dans ce domaine. C’est une tribune où les intervenants discutent des enjeux scientifiques, des préoccupations relatives aux obstacles techniques au commerce interprovincial ainsi que des politiques et des programmes d’inspection agroalimentaire.

Même si la compétence en matière de salubrité alimentaire est partagée entre les différents ordres de gouvernement, les Canadiens, peu importe où ils résident ou l’endroit où ils achètent leurs aliments, ont droit au même niveau d’assurance de salubrité, qui s’appuie sur des normes et des attentes communes. Le Sous-comité a appris que les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la salubrité des aliments discutent de l’élaboration d’une stratégie nationale sur la salubrité alimentaire au moins depuis 2003. En février dernier, les ministres de l’Agriculture ont aussi réclamé un Plan d’action en matière de salubrité des aliments. Tous les ordres de gouvernement, l’industrie agroalimentaire et les autres intervenants doivent être invités à participer et faciliter l’élaboration d’une approche nationale intégrée et coordonnée à l’égard de la politique et de la réglementation sur la salubrité des aliments, qui s’inspire de sains principes d’évaluation et de gestion scientifiques des risques et des normes internationales.

Responsabilité à l’égard de la chaîne d’approvisionnement alimentaire

Dans la foulée de l’éclosion mortelle de listériose survenue à l’été 2008, Michael McCain, président des Aliments Maple Leaf, a déclaré qu’il assumait l’entière responsabilité de la distribution de la viande contaminée. Il a répété devant le Sous-comité que sa société avait failli à son devoir de protéger les consommateurs et qu’en conséquence, elle était responsable du décès de 22 Canadiens[2].

[…] Nous assumons la responsabilité de l'affaire, nous avons des comptes à rendre là-dessus, étant donné que ça s'est produit dans notre usine à nous, sous notre veille, et que les consommateurs au Canada mangent notre produit. Nous avons comme obligation de produire un aliment sain – et c'est une obligation qui nous tient vraiment à cœur depuis plus de 100 ans. Nous avions mis en place des systèmes et des protocoles qui nous paraissaient être les meilleurs, mais qui ont fait défaut. La responsabilité de la série d'événements dont il est question repose donc tout à fait sur nos épaules à nous, en tant qu'organisation, et je suis moi-même personnellement responsable de cette organisation-là, de sorte que ça repose très directement sur mes épaules à moi.

Même s’il est clair que Michael McCain prend tout le blâme en ce qui concerne l’éclosion de listériose, il n’empêche que tout le monde est bien conscient que la responsabilité de la salubrité des aliments ne demeure pas uniquement entre les mains d’une seule personne. La chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui va des producteurs agricoles aux consommateurs, est extrêmement fragmentée et fait intervenir beaucoup de gens, et s’il est parfois possible de déterminer avec exactitude la source d’un problème d’insalubrité, le danger peut provenir de n’importe quel maillon du continuum de production des aliments. Dans son rapport de décembre 2000, la vérificatrice générale du Canada souligne que[3] :

La responsabilité à l'égard de la salubrité des aliments est l'affaire de tous les maillons de la chaîne, de la production à la consommation :

  • les agriculteurs doivent produire des aliments salubres, et les pêcheurs capturer et manipuler le poisson de manière salubre;
  • les transformateurs, grossistes et distributeurs d'aliments doivent respecter les normes en vigueur;
  • tous les paliers de gouvernement doivent vérifier le respect de ces normes;
  • les consommateurs doivent veiller à manipuler correctement les aliments.

Bien des pays ont adopté cette approche. Conformément aux lois de l’Union européenne, par exemple, la responsabilité de la salubrité incombe principalement aux producteurs d’aliments, tandis que les inspecteurs interviennent activement pour vérifier la conformité. En ce sens, la responsabilité du producteur est proactive et met l’accent sur la prévention. M. James Hodges, vice-président exécutif de l’American Meat Institute, a lui aussi affirmé aux membres que c’était là la vision adoptée par les États‑Unis :

[…] La responsabilité ultime de produire des aliments sains relève du fabricant. Le gouvernement, qu'il s'agisse des États-Unis ou du Canada, ne fabrique pas d'aliments. Il a un rôle très important à jouer en ce qui concerne la surveillance et l'établissement de normes appropriées pour protéger la santé de la population. Il doit exercer une surveillance vigoureuse pour s'assurer que ces normes sont respectées[4].

Des témoins représentants l’industrie canadienne de transformation des aliments ont reconnu qu’il est de leur devoir de produire des aliments salubres. Les membres du Sous-comité ont toutefois interrogé l’ACIA pour savoir si elle n’avait pas elle aussi une part de responsabilité à assumer dans la crise de la listériose, puisque c’est à elle qu’il incombe de veiller à ce que les fabricants de produits alimentaires se conforment aux normes de salubrité. L’ACIA, de même que Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), estiment que la salubrité des aliments est une responsabilité partagée entre elles trois et qu’à la base, la responsabilité du gouvernement consiste à fixer des normes de salubrité des aliments et à surveiller la conformité et à tenir l’industrie pour responsable en cas de non-respect de l’obligation de produire des aliments salubres. La Loi sur les aliments et drogues et d’autres lois fédérales comme la Loi sur l’inspection des viandes confèrent ces pouvoirs au gouvernement fédéral. C’est dans ce contexte que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Gerry Ritz, a déclaré que : « Le gouvernement du Canada accepte sa part de responsabilité pour ce qui s'est produit l'été dernier[5] ».


[1]              Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, « Chapitre 25, Agence canadienne d’inspection des aliments – Les programmes d’inspection des aliments », décembre 2000, p. 25-8.

[2]              Michael McCain, président, Aliments Maple Leaf, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 3, 16:25, 2e session, 40e législature, Ottawa, 20 avril 2009.

[3]              Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, Chapitre 25, « Agence canadienne d’inspection des aliments – Les programmes d’inspection des aliments », décembre 2000, p. 25-7.

[4]              M. James Hodges, vice-président exécutif, American Meat Institute, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 10, 19:45, 2e session, 40e législature, Ottawa, 27 mai 2009.

[5]              Gerry Ritz, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 5, 16:00, 2e session, 40e législature, Ottawa, 29 avril 2009.