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AGRI Rapport du Comité

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UN PROBLÈME DE SALUBRITÉ ALIMENTAIRE :
LA CRISE DE LA LISTÉRIOSE DE L’ÉTÉ 2008

Contexte

A. Les maladies d’origine alimentaire et la listériose

La consommation d’aliments et de boissons contaminés par des micro-organismes comme des bactéries, des parasites et des virus peut rendre malade et, dans certains cas, entraîner la mort. Les cas bénins de maladie d’origine alimentaire sont courants et l’ASPC estime leur nombre à quelque 13 millions par année au Canada. Heureusement, dans la grande majorité des cas, l’état de la personne atteinte n’est pas suffisamment grave pour nécessiter des soins médicaux. Dans d’autres cas, il peut arriver que la personne atteinte consulte un médecin qui préférera traiter les symptômes plutôt que de chercher à déterminer l’origine du problème. Dans un nombre limité de cas de toxi-infection alimentaire, l’état de la personne atteinte sera suffisamment grave pour nécessiter des soins médicaux et des analyses seront effectuées pour en déterminer la cause. En général, les symptômes de maladie d’origine alimentaire, souvent appelée « empoisonnement alimentaire », sont la nausée, les vomissements, la diarrhée, les crampes d’estomac et la fièvre. De façon générale, les enfants et les adultes en bonne santé ne meurent pas d’une maladie grave contractée après avoir consommé des aliments contaminés. Par contre, certains segments de population sont plus vulnérables, par exemple, les poupons et les très jeunes enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées et les personnes de santé fragile peuvent souffrir de maladie grave à cause de ces agents pathogènes. La cause d’une maladie d’origine alimentaire est difficile à déterminer parce que la personne atteinte doit se rappeler de tous les aliments et de toutes les boissons qu’elle a consommés au cours des derniers jours ou des dernières semaines.

La listériose est causée par l’ingestion de la bactérie Listeria monocytogenes, communément appelée Listeria dans le cadre de ce rapport. La Listeria est très répandue dans l’environnement. On en retrouve, par exemple, dans le sol et dans l’eau, de sorte que les plantes et les animaux sont parfois contaminés et peuvent à leur tour infecter les humains. Les déchets humains et animaux infectés perpétuent le cycle. À l’instar d’autres sources de maladies d’origine alimentaire, la Listeria ne rend pas systématiquement malade tous ceux qui consomment des aliments ou des boissons contaminés. En effet, bien des gens ne ressentiront aucun effet indésirable autre que de légers symptômes, parfois même insuffisants pour eux de croire qu’ils aient pu être infectés par quelque bactérie. Toutefois, dans le cas des groupes plus vulnérables énumérés ci‑dessus, la maladie peut se propager au système nerveux et provoquer des maux de tête, des raideurs au cou, de la confusion, une perte d’équilibre et des convulsions. Dans le cas des femmes enceintes, l’infection peut être transmise à l’enfant à naître ou, pire encore, entraîner un avortement spontané ou la naissance d’un enfant mort‑né. La Listeria est plus susceptible de causer la mort que les autres bactéries à l’origine des intoxications alimentaires. Environ 20 à 30 p. 100 des infections à Listeria d’origine alimentaire chez les personnes à risque élevé peuvent être mortelles.

Le plus souvent, la listériose est associée à la consommation de lait, de produits laitiers ou d’aliments prêts à manger contaminés. Il est possible d’éliminer la Listeria du lait et des produits laitiers par la pasteurisation, mais le lait cru et les produits à base de lait cru, en particulier les fromages à pâte molle, présentent un risque accru. Les aliments prêts à manger et transformés présentent eux aussi un risque accru en raison du nombre de manipulations qui interviennent dans leur préparation. Toutes les étapes de préparation sont autant d’occasions de contamination. Si ces aliments sont cuits avant d’être consommés, la Listeria et les autres bactéries présentes seront détruites. Parmi les agents pathogènes bactériens d’origine alimentaire, la Listeria a ceci de particulier qu’elle continue de proliférer même si les aliments sont réfrigérés ou conservés dans une forte concentration de sel. Comparativement aux autres pathogènes d’origine alimentaire, il est plus difficile de déterminer la source de l’infection dans le cas de la listériose, parce qu’il peut s’écouler jusqu’à 70 jours après la consommation des produits contaminés avant que les premiers symptômes n’apparaissent. En moyenne, toutefois, la maladie se manifeste environ 30 jours après que le micro-organisme a été ingéré. Il peut être très difficile cependant de déterminer quels aliments ou boissons ont été consommés un mois ou deux auparavant.

B. L’éclosion

À l’été 2008, le Canada a connu une éclosion de listériose qui a exigé le rappel de plusieurs produits Maple Leaf. Une fois toutes les statistiques compilées, on a finalement établi à 57 le nombre de cas confirmés, et à 22 le nombre de décès attribuables en tout ou en partie à la maladie.

Au Canada, quelques cas de listériose sont habituellement déclarés chaque semaine. On ne parle d’éclosion que lorsque le nombre de cas déclarés est plus élevé que la norme habituelle. En juin et au début de juillet 2008, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (MSSLD) de l’Ontario a fait savoir qu’il avait décelé une légère augmentation du nombre de cas de listériose[1] grâce à son Early Aberration Reporting System (EARS), qui analyse les données de la surveillance systématique effectuée grâce au Système intégré d’information sur la santé publique (SIISP), mais aucune tendance ni lien n’ont été établis avant la fin du mois de juillet, après que plusieurs cas eurent été dénombrés. Même si l’Ontario est demeuré le principal interlocuteur, une collaboration s’est établie dans les semaines suivantes entre le Bureau de santé publique de Toronto, le MSSLD, l’ASPC et Santé Canada pour analyser des échantillons alimentaires et humains, procéder à la détermination des empreintes génétiques afin d’établir un lien entre des échantillons d’aliments précis et des cas de personnes atteintes, ainsi que pour déterminer la source des aliments à l’origine de l’éclosion. Le 29 juillet, le MSSLD a publié un rapport par l’intermédiaire du Centre canadien de surveillance intégrée des éclosions (CCSIE) (qui est décrit sous la rubrique Gestion des urgences, Système national de surveillance des maladies d’origine alimentaire), qui mettait en garde tous les partenaires responsables de la santé publique, notamment l’ACIA, contre une augmentation du nombre de cas de listériose. Puis, le 30 juillet, il a organisé une téléconférence à laquelle auraient été conviés plus de 100 participants bien qu’il n’y ait eu aucun appel des présences. Les témoignages se contredisent à savoir si l’ACIA a été invitée. Le Sous-comité reconnait qu’il y a une différence d’opinion entre les officiels de la santé publique de l’Ontario et ceux de l’ACIA à savoir si l’ACIA a été mise au courant du problème de la listériose le 29 juillet ou le 6 août. Il est cependant clair que le 6 août, l’ACIA a été avisée qu’une enquête de santé publique était en cours sur deux cas de listériose signalés dans un centre d’hébergement de Toronto. L’ACIA a alors lancé une enquête pour confirmer l’existence de lots d’aliments contaminés. Le 8 août, elle a communiqué avec Aliments Maple Leaf pour lui demander s’il lui était possible de retracer certains produits.

L’ASPC a pris en charge la coordination de l’enquête de santé publique le 15 août, lorsqu’il est devenu évident que les cas se répartissaient à l’échelle nationale. Lorsque l’ACIA a confirmé le dépistage de L. monocytogenes dans un échantillon prélevé dans un emballage non ouvert de produit Maple Leaf le 16 août, elle a communiqué avec la direction des Aliments Maple Leaf, qui a tout de suite procédé à un rappel volontaire. La liste des produits rappelés a finalement continué de s’allonger jusqu’au 5 septembre. Il s’est avéré que la source de la contamination à l’usine des Aliments Maple Leaf se trouvait dans une trancheuse à viande et que celle‑ci devait être entièrement démontée pour être désinfectée. Dès le début de septembre, 31 cas de listériose liés à l’éclosion avaient été confirmés, et 16 décès étaient attribués à la bactérie Listeria. Ce nombre a continué de progresser dans les quelques mois suivants pour atteindre 57 cas confirmés et 22 décès; ce qui confirme que la période d’incubation peut être très longue dans le cas de la bactérie Listeria.

Ce que le Sous-comité a entendu au sujet de l’éclosion

A. Aperçu des rôles joués par les ministères et organismes fédéraux au moment de l’éclosion et des mesures prises en réaction à celle-ci

Le Sous-comité a d’abord invité les représentants des Aliments Maple Leaf à venir témoigner au sujet de l’éclosion de listériose. Ces derniers ainsi que d’autres témoins de l’industrie ont affirmé au Sous-comité que pour eux, les normes et les règlements appliqués par l’ACIA étaient un « minimum », et que les fabricants de produits alimentaires s’efforçaient de dépasser ces exigences minimales afin de maintenir un niveau de qualité et de salubrité élevé. Le président de la société, M. Michael McCain, a expliqué que Maple Leaf effectue des analyses environnementales fréquentes dans ses usines, même si l’ACIA ne l’exige pas. Il a affirmé qu’au moment de la tragédie, le nombre d’échantillons recueillis par les Aliments Maple Leaf dans le cadre de leur programme d’analyses environnementales s’élevait à plus de 3 000. Chaque fois qu’une analyse révèle la présence de la Listeria ou d’une autre source de contamination, l’endroit est désinfecté jusqu’à ce que de nouvelles analyses confirment qu’il n’y a plus de Listeria. Malgré l’échantillonnage et l’analyse diligents, la prolifération de la Listeria est passée inaperçue parce que la bactérie a pu s’incruster profondément à l’intérieur d’une trancheuse, dans un endroit considéré comme inaccessible. Le Sous-comité s’est fait dire qu’aucune inspection n’aurait pu empêcher l’éclosion de se produire. Les membres ont aussi appris que ce que Maple Leaf ne faisait pas à l’époque lorsqu’elle analysait ses échantillons et qu’elle fait maintenant, c’est de recourir à des outils scientifiques perfectionnés d’enquête et de reconnaissance des constantes dans les résultats d’analyses pour mieux identifier la cause profonde du problème. Voici ce qu’a dit Michael McCain à ce propos :

[…] Si on s'interroge sur la cause précise de l'éclosion en question, on constate que ce n'était pas un problème d'inspection. Ce n'est pas l'analyse des produits ou le manque d'inspecteurs qui est en cause. Le problème, c'est qu'on n'a pas analysé les données d'essais, que les gens n'étaient même pas obligés de rassembler […][2].

Plusieurs témoins ont dit au Sous-comité que depuis l’éclosion, une nouvelle politique était entrée en vigueur le 1er avril 2009. L’ACIA a indiqué qu’une bonne part des préoccupations exprimées ci-dessus par M. McCain sont prises en considération dans les nouvelles mesures. La nouvelle politique sera abordée plus en détail dans une autre rubrique du rapport.

Les membres ont félicité M. McCain pour la façon dont il a réagi à la crise et aux événements qui ont suivi. Plusieurs membres ont constaté que M. McCain était devenu la personne la plus en vue dans dossier de la listériose et se sont demandé si le gouvernement fédéral n’aurait pas dû être plus présent au moment de l’éclosion. D’autres ont interrogé M. McCain et d’autres témoins de l’industrie pour savoir si les normes d’inspection de l’ACIA n’étaient pas en partie responsables de la contamination.

Le Sous-comité a entendu des témoignages contradictoires au sujet des rapports d’inspection de l’usine de Maple Leaf qui ont été modifiés après l’éclosion de listériose. M. Bob Kingston, président du syndicat de l’agriculture, estimait que la modification de rapports si longtemps après les faits n’est pas normale. Les officiels de l’ACIA ont convenu que les rapports ont été modifiés mais que cela a été fait dans le but de clarifier les registres avant l’enquête en profondeur[3]. Le témoignage de M. Don Irons, superviseur de la transformation des aliments à l’ACIA, a confirmé que bien que ce soit inhabituel, ceci est fait de temps à autre quand il y a une vérification approfondie.

Des témoins de l’industrie ont convenu que des inspections plus fréquentes n’auraient rien changé à la suite des choses. Par contre, Bob Kingston, président du syndicat représentant les inspecteurs des aliments, a fait remarquer qu’il est souvent utile d’effectuer un plus grand nombre de vérifications visuelles des lieux et de l’équipement pour détecter les signes avant-coureurs et les situations favorables au développement de risques liés à la salubrité des aliments. Des témoins ont insisté sur le fait que la décontamination de l’équipement à la source du problème oblige à démonter complètement une machine qui n’est pas conçu pour l’être. Cependant, M. Nelson Vessey, un ancien auditeur de l’ACIA, a dit au Sous-comité qu’un programme de vérification efficace des équipements aurait pu déceler le problème.

L’ACIA a dit au Sous-comité qu’elle avait commencé à agir dès que les cas de listériose lui ont été signalés le 6 août, et qu’elle avait lancé une enquête sur la salubrité des aliments le 7 août. David Williams, médecin hygiéniste en chef, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario, et David McKeown, médecin conseil en santé publique du Bureau de santé publique de Toronto, ont toutefois affirmé que l’ACIA avait été mise au courant de l’augmentation du nombre de cas de listériose dès le 29 juillet, lorsque l’Ontario a publié son rapport par l’intermédiaire du CCSIE. Une fois que son enquête sur la salubrité des aliments a permis de déterminer que la viande dans les sandwichs échantillonnés provenait des Aliments Maple Leaf, l’ACIA a communiqué avec l’entreprise le 8 août pour obtenir les dossiers de distribution et savoir s’il était possible de retracer les produits. L’ACIA a ensuite cherché des produits dont l’emballage n’avait pas été ouvert, puisque jusque-là, seules les analyses de produits dont l’emballage avait été ouvert avaient abouti à des résultats positifs, d’où la possibilité d’une contamination postérieure à l’ouverture de l’emballage. Le 12 août, l’ACIA a repéré un emballage non ouvert et l’a envoyé pour qu’il soit analysé. Le 16 août, les résultats ont confirmé la présence de L. monocytogenes, et l’ACIA en a informé les Aliments Maple Leaf en invitant l’entreprise à procéder sans délai à un rappel volontaire de ses produits.

Les docteurs Williams et McKeown ne sont pas d’accord avec la position de l’ACIA selon laquelle il fallait effectuer des analyses sur un produit dont l’emballage n’avait pas été ouvert avant de pouvoir se prononcer sur la source de la contamination. Ils ont souligné aux membres du Sous-comité qu’il était très peu probable que différents emballages de viande ouverts puissent par la suite avoir été contaminés par le même type de bactérie. Selon eux, la procédure aurait pu être écourtée de plusieurs jours si l’ACIA n’avait pas décidé de repérer, d’échantillonner et d’analyser des emballages non ouverts. Cependant, les représentants de l’ACIA ont insisté sur le fait que des produits non ouverts étaient nécessaires pour confirmer le rappel des aliments.

La politique de Santé Canada sur L. monocytogenes dans les aliments prêts à manger existe depuis 1994 et elle a été mise à jour en 2004. Elle renferme des conseils pour la fabrication salubre des aliments prêts à manger et prévoit un contrôle des risques liés à la présence de la Listeria. En ce qui concerne le rôle joué par Santé Canada au moment de l’éclosion de listériose en 2008, sa première intervention remonte à la fin de juillet, lorsque le Ministère a reçu une demande de routine concernant l’analyse d’échantillons d’aliments pour y déceler la présence de la Listeria. Un Centre national de référence pour la listériose (CRL) a été créé en 2001 grâce aux efforts conjoints du Bureau des dangers microbiens de Santé Canada et du Laboratoire national de microbiologie (LNM) de l’ASPC. Le CRL fait l’analyse des échantillons alimentaires et cliniques. Les laboratoires de Santé Canada font l’analyse des échantillons d’aliments, tandis que le LNM s’occupe particulièrement des isolats cliniques humains. Tout au long de l’éclosion, les laboratoires de Santé Canada ont effectué le génotypage d’au-delà de 200 échantillons au total.

Le Sous-comité a appris que l’ajout d’un composé relativement simple et peu coûteux aux produits prêts à manger prévient la prolifération de la Listeria. Si les Aliments Maple Leaf avaient pu ajouter de l’acétate de sodium ou du diacétate de sodium à leurs produits prêts à manger, la prolifération de la Listeria dans ces produits aurait pu être évitée. Aux États-Unis, l’utilisation de ces additifs est autorisée depuis cinq ans et selon le Conseil canadien des viandes il n’y a eu depuis aucun rappel de viande prête à manger en raison de maladies liées à la Listeria.[4] Ces additifs alimentaires n’avaient pas été approuvés par Santé Canada au moment de la tragédie, même si déjà en 2002, Schneider Foods avait demandé l’autorisation de les utiliser[5]. Les représentants de Santé Canada ont dit aux membres du Sous-comité que ces substances avaient été approuvées en septembre 2008.

Le 10 juillet, l’ASPC a commencé à recevoir du MSSLD des échantillons cliniques devant faire l’objet d’une analyse systématique et, pendant tout le reste du mois, elle en a aussi reçu de la part des laboratoires provinciaux de santé publique. Certains membres s’expliquent mal qu’il se soit écoulé tant de temps entre le moment où les échantillons ont été envoyés aux fins d’analyse et le moment où les résultats ont été communiqués. Le Dr Frank Plummer, directeur du LNM de l’ASPC, a expliqué que cette procédure, en particulier la détermination d’empreintes génétiques, peut être assez longue et prendre jusqu’à 14 jours pour les échantillons non urgents. Dans une lettre au Dr David Williams, les dirigeants de l’ACIA, de l’ASPC et de Santé Canada ont laissé entendre que le MSSLD n’aurait pas dû envoyer ces échantillons au laboratoire d’Ottawa, mais plutôt à un laboratoire de l’ACIA à Scarborough. Le docteur Williams a répondu qu’au moment de l’échantillonnage, rien n’indiquait qu’une éclosion se préparait. En fait, à ce moment, les échantillons prélevés devaient servir aux analyses systématiques et, à ce titre, ils devaient être envoyés au CRL à Ottawa. Les gestionnaires du gouvernement fédéral ont confirmé que les échantillons avaient été envoyés au bon laboratoire. Le Sous-comité a appris que le MSSLD avait demandé en vain à l’ACIA de lui fournir les dossiers de distribution des produits alimentaires concernés.

L’ASPC a continué d’effectuer des analyses et de communiquer avec les responsables de la santé publique pour leur faire part des résultats et des sources possibles de contamination. C’est seulement une fois qu’on a établi un lien entre les cas de listériose dépistés dans d’autres provinces et l’éclosion en Ontario que l’ASPC a pris en charge la coordination de l’enquête épidémiologique nationale et de l’intervention. On était alors rendu au 15 août. À titre de principal coordonnateur, l’ASPC a normalisé la collecte des données, centralisé les données pour faciliter la préparation des rapports et des analyses à l’échelle nationale afin d’établir des liens entre les cas dépistés. Elle a diffusé un Avis d’alerte médicale pour demander que tous les centres de santé publique utilisent un questionnaire normalisé pour obtenir de l’information sur les cas de Listeria, et l’Administrateur en chef de la santé publique a publié un avis pour informer les Canadiens au sujet de l’enquête en cours en matière de santé publique.

Le Sous-comité a appris qu’en plus de tenir des conférences de presse quotidiennes ou des séances d’information technique, l’ASPC a aussi publié des avis à l’intention des médias, écrit aux associations de personnes âgées et aux organismes professionnels et élaboré des lignes directrices. L’ASPC dit avoir fait son possible pour que son intervention au moment de l’éclosion et sa collaboration avec les autres partenaires fédéraux soient très visibles. Tout au long de la crise, Santé Canada, l’ASPC et l’ACIA de même que le Bureau de santé publique de Toronto ont tenu des téléconférences quotidiennes. Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire était également activement impliqué dans ces téléconférences.

B. L’enquête indépendante — Un examen de l’intervention fédérale durant l’éclosion

Le 20 janvier 2009, le premier ministre a annoncé la nomination de Sheila Weatherill au poste d’enquêteure indépendante sur l’éclosion de listériose. Mme Weatherill a indiqué que son mandat était le suivant :

[…] examiner les faits, les circonstances et les facteurs qui ont contribué à l'éclosion de listériose; examiner l'efficience et l'efficacité de l'intervention des organismes fédéraux, de concert avec leurs partenaires au sein du système de salubrité des aliments, pour ce qui est de la prévention, du rappel des produits contaminés, ainsi que de la collaboration et de la communication, dont la communication avec les consommateurs; et formuler des recommandations fondées sur les leçons tirées de l'incident et des pratiques exemplaires d'autres pays afin de prévenir la survenance d'une éclosion similaire à l'avenir et de retirer du marché les produits contaminés[6].

L’échéancier décrit par Mme Weatherill prévoit une collecte et une analyse des faits entre janvier et la fin avril. Cette étape sera suivie d’un examen en profondeur jusqu’en juin puis de la rédaction d’un rapport.

Le Sous-comité a été informé des six paramètres du mandat établi aux fins de l’enquête. En plus des trois susmentionnés, les autres précisaient que l’enquêteure devait assumer ses fonctions sans formuler de conclusions ni de recommandations relatives à la responsabilité civile ou criminelle éventuelle de personnes ou entités concernées. Il précisait également que l’enquêteure devait adopter toute procédure nécessaire pour une conduite diligente et appropriée de l’examen, y compris analyser tous les dossiers et documents pertinents et mener des consultations, le cas échéant. Le rapport doit être préparé et présenté au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, dans les deux langues officielles, au plus tard le 20 juillet 2009.

Mme Weatherill a énuméré les cinq principes directeurs devant orienter l’enquête, à savoir : « l'accès à l'information la plus précise et la plus complète disponible; l'indépendance de toutes les parties, qu'elles soient au gouvernement ou à l'extérieur; des techniques d'enquête méthodiques; des conseils d'experts externes; et la considération de tous les points de vue légitimes afin de s'assurer que l'approche adoptée est équitable, constructive et réalisée en collaboration[7] ».

L’enquête, dont le coût est évalué à 2,7 millions de dollars, sera menée par un personnel dédié à temps plein auquel s’ajouteront, au besoin, d’autres personnes. Le Sous-comité a appris que l’on fera appel à des spécialistes de l’expertise judiciaire des écritures et des spécialistes de la recherche documentaire, afin de pouvoir recueillir tous les documents et les témoignages nécessaires. Le personnel à temps plein affecté à l’enquête comprend des professionnels de trois bureaux d’experts-conseils et six fonctionnaires fédéraux d’Environnement Canada, de l’Agence de la santé publique du Canada, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ainsi que d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Au besoin, l’enquêteure aura accès à cinq experts-conseils et à sept attachés de recherche-conseils.

Dans son témoignage devant le Sous-comité, Mme Weatherill a indiqué qu’elle avait obtenu l’entière collaboration de tous ceux à qui elle a demandé des documents et des entrevues. Elle a indiqué que son rôle se limitait à examiner l’intervention du gouvernement fédéral pendant l’éclosion seulement et elle a précisé qu’elle n’avait pas participé à l’élaboration des paramètres de l’enquête. Certains membres lui ont fait remarquer au moment de sa comparution qu’elle n’avait toujours pas eu d’entretien avec le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. D’autres ont déploré que l’enquêteure n’ait pas davantage les coudées franches, puisqu’elle doit faire rapport directement au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Mme Weatherill a fait savoir que « personne n’a tenté d’influencer ni de limiter l’enquête d’une quelconque façon[8] », et elle s’est dite confiante dans la façon dont l’enquête sera menée et le rapport préparé. Elle a affirmé aux membres qu’elle allait interroger le ministre et recueillir toutes les données nécessaires, puis elle a affirmé qu’elle allait « suivre la piste des éléments de preuve où qu’elle […] mène ». Elle s’est en outre dite convaincue de pouvoir respecter l’échéance fixée pour le dépôt du rapport. En fait, le Sous-comité a appris que le ministre a rencontré personnellement Mme Weatherill pendant deux heures le 4 mai.

Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a indiqué au cours de sa comparution devant le Sous-comité qu’il allait rencontrer Mme Weatherill dans les prochains jours. Il a exprimé sa confiance dans la capacité de Mme Weatherill de mener une enquête approfondie et exhaustive, et l’a décrite comme une personne extraordinairement compétente. Il a confirmé que le rapport serait rendu public et a promis que « les recommandations qui seront formulées dans les rapports sur les leçons apprises et dans le rapport de Mme Weatherill seront mises en œuvre[9] ».

Recommandation 1

Le Sous-comité recommande que le gouvernement demande une enquête publique pleinement transparente et indépendante, avec tous les pouvoirs donnés en vertu de la Loi sur les enquêtes, sur les actions du gouvernement fédéral, de ses agences et ministères, en relation avec les évènements qui ont menés à, et se sont passés pendant et après la crise de la listériose de l’été 2008.


[1]              En Ontario, la listériose est une maladie à déclaration obligatoire en vertu du règlement 569 pris en application de la partie 16 de la Loi sur la protection et la promotion de la santé de l’Ontario.

[2]              Michael McCain, président, Aliments Maple Leaf, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 3, 16:30, 2e session, 40e législature, Ottawa, 20 avril 2009.

[3]              M. Cameron Prince, Vice-président, Opérations, ACIA, Sous-comité de la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 5, 16 h 55, 2e session, 40e législature, Ottawa, 29 avril 2009.

[4]              M. Martin Michaud, vice-président, Services techniques, Olymel, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 8, 17:35, 2e session, 40e législature, Ottawa, 13 mai 2009.

[5]              Ibid.

[6]              Mme Sheila Weatherill, enquêteure indépendante, Secrétariat pour l’enquête sur la listériose, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 4, 16:10, 2e session, 40e législature, Ottawa, 22 avril 2009.

[7]              Ibid., 16:15.

[8]              Ibid., 17:00.

[9]              Gerry Ritz, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire, Témoignages, no 5, 16:55, 2e session, 40e législature, Ottawa, 29 avril 2009.