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Oui, j'aimerais traiter de la motion, monsieur le président.
Je veux faire valoir un point qui, encore une fois, relève de la procédure. Nous avons entendu des témoins. M. Bellavance nous a demandé d'écouter les témoins à propos de cette question importante, ce que nous avons fait. Puis, les responsables de l'affaire étaient en train de mettre au point un rapport, ce qui est fait. C'est un rapport provisoire. A-t-il été distribué? D'accord.
La difficulté que cela me pose, du point de vue de la procédure, c'est que la motion précède le rapport. La motion dicte plus ou moins ce qui devrait se trouver dans le rapport avant que nous ayons eu l'occasion, en tant que comité, d'y jeter un coup d'œil. Le rapport comporte des recommandations. La façon habituelle de procéder, au comité, c'est d'écouter les témoins, de faire préparer un rapport provisoire et de le faire distribuer aux membres, d'examiner le rapport en question, puis, au fil de l'examen en question, de régler les cas où on ne s'entend pas sur la nature des recommandations formulées, le libellé d'une phrase particulière ou la justesse d'un paragraphe donné.
Je dirais à M. Bellavance: plutôt que de se servir d'une motion, pourquoi n'examinons-nous pas le rapport? Si vous voulez ajouter ces éléments en tant que recommandations, sachez que c'est la raison pour laquelle nous examinons le rapport. C'est pour déterminer si les recommandations de la version provisoire conviennent ou non à la situation, ou encore s'il faut en ajouter ou en retirer. C'est pour cela que nous examinons ainsi le rapport.
Je constate que la motion précède notre travail d'examen du rapport. Si nous adoptons la motion, nous adoptons des recommandations avant même d'avoir eu l'occasion de discuter du rapport en tant que comité. Je crois que c'est là un point important. Il y a ici des membres de tous les partis. Nous avons tous écouté les témoins, et je crois que nous devrions tous avoir l'occasion de participer à la discussion, d'examiner le rapport ensemble et de nous y attacher comme nous nous attacherions à tout autre rapport.
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Merci, monsieur le président.
Je comprends ce que dit M. Bellavance, mais ce n'est pas ce que dit sa motion. La deuxième phrase de la motion se lit comme suit: « Que le comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire fasse rapport à la Chambre des communes, dans les plus brefs délais, des recommandations suivantes: »
Si la motion est adoptée, cela veut dire que les motions en question sont envoyées à la Chambre « dans les plus brefs délais » — il n'y a pas de rapport.
M. Bellavance dit avoir formulé la motion avec beaucoup de soin; je n'arrive donc pas à comprendre cela: lorsqu'il décrit son intention — et je suis d'accord là-dessus —, il propose que ces éléments-là soient inclus dans le rapport, mais, selon la motion telle qu'on peut la lire, il faut faire rapport de ces recommandations particulières à la Chambre avec ou sans rapport, mais la motion ne prévoit pas de rapport.
Monsieur le président, je voudrais apporter une précision à ce que j'ai dit plus tôt à propos des témoins de l'Institut des engrais. Si le comité estime que le rapport dont nous discutons l'emporte, il faudrait demander aux témoins en question de venir comparaître à une date ultérieure. Sinon, si la motion était adoptée et allait à la Chambre sans délai et que, ainsi, le rapport ne l'emporte pas sur le reste, il faudrait faire venir les gens de l'institut des engrais mardi, assurément. Il y a des questions importantes dont ils aimeraient discuter avec le comité, et le plus tôt sera le mieux.
Je pose la question aux membres du comité: quelle est la question que le comité juge prioritaire, à court terme, en vue de la prochaine réunion, de fait? Est-ce étudier le rapport ou encore est-ce écouter les prochains témoins?
Je sais que si leur témoignage est reporté, cela causera beaucoup d'ennuis aux gens de l'Institut des engrais. Cependant, il s'agit de savoir quelles sont les priorités du comité.
De fait, j'aimerais finir de dire ce que j'avais à dire à propos d'une modification de la motion, de quelque chose qui ferait qu'elle concorderait mieux avec ce que M. Bellavance vient de dire soit qu'il s'agit d'une proposition et que les recommandations en question ne seraient pas déposées à la Chambre « dans les plus brefs délais » en dehors de la question du rapport.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle John Scott et je suis président-directeur général de la Fédération canadienne des épiciers indépendants. Je suis accompagné de Gary Sands, qui est vice-président responsable des questions relevant de la politique gouvernementale à la Fédération.
Je suis président de la Fédération depuis 1991. Économiste de formation, j'ai étudié le commerce d'épicerie au détail au Canada. C'est un secteur que je connais très bien.
Vous nous avez demandé de venir témoigner aujourd'hui. Nous n'en avions pas fait la demande, mais nous sommes heureux d'être là, monsieur le président.
Nous allons résumer très rapidement certaines des questions liées à la concurrence qui se posent dans notre secteur et que vous souhaitez aborder, si je comprends bien, puis nous passerons aux questions, car c'est cela qui vous intéresse vraiment, je crois.
Il y a deux ans de cela, nous nous sommes réunis à huis clos avec le comité de l'agriculture. À ce moment-là, nous avons traité en profondeur des questions liées à la concurrence qui se répercutent sur deux choses. D'abord, la viabilité des épiciers indépendants partout au Canada et, ensuite, la viabilité des membres du milieu agricole dans certaines régions, qui essaient de placer leurs produits dans les magasins et qui, pour certaines raisons, n'y arrivent pas. Nous avons discuté un certain temps de cela.
Je vais brosser pour vous un tableau sommaire de l'industrie, du côté du commerce au détail.
Cinq grands ont une mainmise sur l'industrie. À eux seuls, les deux premiers — Loblaws et Sobeys — accaparent 75 p. 100 du marché. En comptant la part de trois autres — Métro, Safeway et Walmart —, on atteint 85 p. 100 du marché. Le Canada est le seul pays qui permet aux grands distributeurs de tenir un grand magasin, d'exploiter des franchises et de vendre en gros — tout cela sur le même marché. C'est là l'ordinaire; souvent, les grands distributeurs au Canada se retrouvent, essentiellement, à être en concurrence avec eux-mêmes. Nous pourrons voir plus tard comment cela fonctionne.
Les indépendants du Canada forment un groupe très intéressant qu'on peut diviser en quatre catégories distinctes.
Premièrement, il y a les indépendants à proprement parler, ceux qui s'approvisionnent eux-mêmes en marchandises, qui achètent directement auprès du fabricant et qui offrent les produits sur le marché. On en trouve dans diverses régions du pays: Longo, à Toronto; le groupe Farm Boy, à Ottawa; Colemans, à Terre-Neuve; le Grocery Store, à Chesley, en Ontario; le groupe Overwaitea Food, qui appartient à Jimmy Pattison, dans l'Ouest canadien; le groupe Asian, en forte croissance, et le groupe T&T qui se lance ici à Ottawa — et je vous incite vivement à vous rendre dans ce magasin-là: ça va être très intéressant. Ce groupe-là existe; il est très solide, il possède un esprit d'entreprise très prononcé.
La deuxième catégorie est celle des bannières, qui peut faire penser aux franchises, mais ce ne sont pas des franchises. Il s'agit de gens qui se sont regroupés à des fins publicitaires. Dans l'Ouest du Canada, il y a Super A, AG Foods; dans le sud-ouest de l'Ontario, on trouve les marchés d'aliments L&M. La bannière IGA est très répandue chez les indépendants, sans qu'il s'agisse de franchises. C'est simplement pour faire la distinction. Les gens se regroupent pour faire de la publicité et acheter.
Enfin, il y a les franchises. Vous les connaissez, pour la plupart. Bien entendu, IGA est la plus répandue. Elle est très forte, particulièrement au Québec. Il y a aussi Métro, qui est très fort au Québec. Des épiceries Sobeys au Canada, la moitié environ sont des franchises qui étaient auparavant des IGA. De même, il y a Your Independent Grocer, que l'on trouve ici, à Ottawa. Il y a beaucoup de bannières franchisées — Foodland — au pays.
Il y a aussi les magasins de spécialités alimentaires comme Pete's Frootique, à Halifax, Pusateri's, à Toronto, Sunterra Market dans l'ouest du Canada et je m'arrêterai là.
Si je compte les franchisés, les indépendants à proprement parler et les propriétaires de magasin de spécialités, les épiciers indépendants comptent pour environ 40 p. 100 du marché. N'oubliez pas que j'ai dit au début que cinq grands ont la mainmise sur 85 p. 100 du marché. Cela veut dire que les indépendants doivent faire les achats auprès des grands pour offrir des produits chez eux.
Voici les problèmes auxquels font face les indépendants. Premièrement, ils entrent en concurrence avec les grands, qui peuvent exploiter un grand magasin, tenir une franchise et vendre en gros sur le même marché.
Ils affrontent des difficultés entourant l'accès aux produits, l'accès à des marques nationales et l'accès aux produits locaux du fait de l'existence de certaines ententes de fidélité, particulièrement dans le cas des franchises.
Nous avons aussi des problèmes en ce qui concerne les fournisseurs. Vous devez comprendre que la plupart des grands distributeurs au Canada travaillent d'une certaine façon avec les fabricants: ils donnent en location leur espace-tablette, de sorte qu'il faut verser une somme d'argent pour que le produit soit mis sur la tablette. Le prix exigé pour cela, le prix de location, continue d'augmenter à un rythme très rapide. De fait, comme quelqu'un me l'a dit la semaine dernière, ça monte sans relâche, sans cesse, et la situation à cet égard est la pire qu'on ait vu en 40 ans. Ce sont les frais de marchandisage. Selon certaines estimations, le Canada vient au deuxième rang dans le monde pour ces frais-là; ils ne seraient plus élevés qu'en Allemagne. Si on a affaire à un véritable indépendant qui cherche à s'approvisionner auprès du même fabricant, on voit qu'il ne peut pas peser autant sur la décision, obtenir le même soutien. Évidemment, il doit alors se contenter de moins. On obtient le produit à un prix inférieur.
Voilà quelques-uns des problèmes auxquels nous devons faire face en matière de concurrence. La dernière fois que nous sommes venus témoigner, nous avons parlé de certaines des solutions que le gouvernement du Canada pourrait proposer. L'une d'entre elles est liée à certaines des modifications touchant le dernier budget, et nous vous en remercions. Le fait de soumettre les cas de prix d'éviction et de remises promotionnelles discriminatoires aux recours en matière civile est parfaitement logique, à condition que cela tombe sous le régime des dispositions relatives à l'abus de position dominante et que cela donne droit aux sommes versées à titre de sanctions pécuniaires administratives. Le gouvernement a adopté toutes ces mesures-là, et nous vous en remercions; nous remercions aussi votre comité d'avoir agir en ce sens.
Nous ferons tout de même valoir aujourd'hui que ces modifications-là ne seront pas très utiles si le bureau n'est pas prêt à faire respecter les principes énoncés dans le préambule de la loi. Comme l'objet de la loi le dit, de même que le site Web, le bureau existe non seulement pour protéger le consommateur, mais aussi pour s'assurer que les petites entreprises peuvent trouver leur place dans le paysage commercial du Canada. C'est énoncé dans le préambule de la loi et sur le site Web. Cependant, si vous rencontrez les gens du bureau, ils vous diront qu'ils se soucient seulement du consommateur, et ils considèrent les bas prix comment étant la panacée, point à la ligne. Il faut un certain équilibre ici. Il faut que le bureau puisse examiner de près les situations où la conduite d'un grand peut conduire un indépendant à la faillite et déterminer, à long terme, ce qui est bon pour le consommateur. Il est donc très important que le bureau tienne compte de l'esprit et de l'intention de la loi.
La prochaine fois que vous vous pencherez sur des modifications de la Loi sur la concurrence, nous vous prions d'envisager ceci: prévoyez la possibilité de réparation dans la section sur les droits civils; ainsi, si quelqu'un est condamné pour avoir abusé de sa position dominante, le tribunal peut le contraindre de verser des dommages-intérêts. Nous croyons que c'est très important.
À l'heure actuelle, la question qui nous préoccupe le plus — nous et d'autres petites entreprises — c'est la possibilité de voir évoluer le système de carte de débit au Canada. Vous devez comprendre que le réseau des cartes de débit avec les règles qu'il comporte, et dans une certaine mesure le réseau des cartes de crédit, est l'équivalent d'une autoroute. C'est un service public, si vous voulez. Un peu comme le réseau électrique. Selon une entente définie autour de 1995, à laquelle le Bureau de la concurrence a apposé sa signature, le réseau Interac est un organisme sans but lucratif exigeant certains frais. Vous devez savoir que les épiciers indépendants versent entre 3 ¢ et 5 ¢ l'opération en utilisant ces cartes-là. Par contre, certains des grands détaillants du Canada possèdent leurs propres cartes de crédit; de ce fait, ils ne sont pas assujettis à ce genre de frais. Si nous passons à un milieu non réglementé, comme le proposent les responsables du système bancaire et d'Interac, il est possible que ces frais-là augmentent et viennent miner le contexte de la concurrence pour un service qui, à l'heure actuelle, comme je l'ai dit tout à l'heure, peut être assimilé presque à un service public. Cela est très important.
Je vous invite vivement à écouter les mises en garde qui sont actuellement énoncées au Sénat et qui le seront plus tard devant le comité de l'industrie à propos de la carte de débit et de la carte de crédit. Cela pourrait avoir une incidence très marquée sur le contexte de la concurrence dans l'industrie.
Monsieur le président, nous savons que vous vous intéressez particulièrement à la salubrité des aliments. Nous sommes reconnaissants d'avoir pu travailler de concert avec le gouvernement du Canada depuis cinq ans pour améliorer la salubrité des aliments. Aux côtés des grands distributeurs, nous avons mis au point un protocole de contrôle de la salubrité des aliments au Canada et, avec le concours des responsables du CSA, nous avons dispensé dans tout le pays des séances de formation sur l'application d'un système très complet pour assurer la salubrité des aliments. Nous sommes très heureux des résultats obtenus, à tel point que, l'an dernier, nous avons même fait traduire le guide en mandarin et donné des ateliers en mandarin dans divers marchés au Canada. Nous croyons donc en faire beaucoup dans le domaine en question. La question de la salubrité des aliments, à notre avis, n'en est pas une qui relève de la concurrence. Nous croyons que c'est un effort auquel tous doivent participer. Je tiens à souligner que nous apprécions le soutien que nous a accordé le gouvernement du Canada, à nous, les épiciers indépendants, pour veiller à ce que le protocole de contrôle de la salubrité des aliments puisse être mis en oeuvre partout sans entraîner de coûts excessifs, chez n'importe quel détaillant, quelle que soit la taille de son entreprise.
Monsieur le président, ce ne sont là que nos observations préliminaires. Je vous remercie du droit que vous nous accordez de prendre la parole ici. Je ne suis pas certain de savoir sur quelle piste vous souhaitez diriger le dialogue, mais, étant donné ma formation et celle de M. Sands, qui travaille à la Fédération depuis 13 ans, je vous dirais que nous avons une assez bonne connaissance de l'industrie, et je crois que nous sommes en mesure de répondre à la plupart des questions que vous voudrez poser.
Merci.
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Premièrement, la tendance en faveur des achats locaux, l'idée de l'empreinte de carbone, est courante au Canada. Une des choses les plus intéressantes qu'il y a à noter, c'est que, malgré les effets de la récession, le consommateur accorde toujours de la valeur aux produits locaux. Nos consommateurs ont un très bon jugement au Canada; ce qu'ils recherchent, c'est la santé et le mieux-être. Corollaire intéressant: ils achètent un produit en quantités moindres, mais ils s'assurent que le produit est bon pour la santé. Voilà donc une évolution intéressante de la situation, par rapport aux récessions passées.
Les grands distributeurs disposent d'un réseau très bien défini et recourent à des entrepôts centraux. Cela dit, plusieurs options se présentent en ce qui concerne le transport. D'abord, à Toronto, nous avons un truc qui s'appelle le « Marché des produits alimentaires ». Au Marché des produits alimentaires — et vous en êtes peut-être conscient, je ne sais pas d'où vous venez —, on reçoit des produits venant de toutes les régions du monde, mais en particulier de l'Ontario. Tous les jours, les responsables, y compris ceux des grands magasins, s'y rendent pour acheter des produits. Le produit frais arrive dans leurs magasins le jour même.
Il n'y a qu'un marché des produits alimentaires de cette catégorie au Canada, monsieur le président. Il serait bien d'envisager d'en construire un à Montréal et un autre à Vancouver. Nous pourrions facilement y arriver, et cela permettrait d'atteindre deux buts. Cela permet à l'agriculteur et aussi à l'épicier indépendant et au groupe du secteur de l'alimentation de se distinguer. Cela est très important; c'est une chose que j'envisagerais. J'aimerais revenir à une question que nous avons abordée la dernière fois où nous sommes venus témoigner.
Les membres du comité n'étaient pas tous les mêmes à ce moment-là, mais certains d'entre vous allez ressentir un profond ennui à entendre cela de nouveau.
La plupart des ententes de franchisage des grands groupes comportent une clause de fidélité qui garantit que, dans la majorité des cas, les produits seront achetés en gros. C'est ce qui fait que le cultivateur local qui propose son maïs à l'épicerie se fait refuser: le propriétaire dira qu'il doit respecter son entente de franchisage, passée par cette entreprise-là. Il peut avoir le droit d'acheter seulement 5 p. 100 des produits en dehors de l'accord de fidélité, ce qui n'est pas grand-chose — on vient à manquer de produits pendant l'hiver, et il faut acheter du lait, disons, mais c'est vite écoulé.
L'an dernier, lorsque la manie des achats locaux a commencé à faire vraiment fureur, même les grands au Canada ont commencé à affirmer que s'approvisionner localement était leur affaire aussi. C'était très intéressant. On les a vus prendre des distances face aux accords de fidélité en question. Il faut s'assurer qu'ils s'en distancent de manière permanente. Ils l'ont fait dans la province de Québec. L'idée d'acheter des produits locaux y est très forte, mais c'est une chose que nous devons encourager partout au pays: c'est très sain et c'est bon pour le cultivateur local et pour l'épicier indépendant local aussi. Ce l'est. C'est ce que je devrais faire.
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Merci pour vos témoignages.
On parle de compétitivité dans le milieu agroalimentaire, et il est évident que vous êtes un joueur important. En effet, c'est chez vous que le consommateur se retrouve quand il veut acheter des aliments. Il n'empêche qu'on peut en effet en trouver au Canadian Tire. Récemment, j'ai été impressionné de voir qu'il y en avait beaucoup plus qu'auparavant. D'habitude, je vais à la pharmacie pour acheter des produits précis. Certains diront que j'ai sans doute besoin de beaucoup de produits de beauté et de médicaments, entre autres, mais il reste que je ne vais pas là pour acheter des aliments. Pourtant, il y en a de plus en plus. Heureusement, la majorité des gens vont encore à l'épicerie pour se procurer les aliments qu'ils consomment quotidiennement. Bref, vous êtes un joueur important, et vos témoignages sont très pertinents.
Monsieur Scott, vous dites qu'au Québec, on est très sensibilisé à l'achat local, et c'est vrai, mais je dois vous faire part d'une réalité qui prévaut partout. Tout récemment dans ma circonscription, une productrice de miel qui faisait affaire avec les épiceries locales a reçu des gens de Loblaws une lettre tout à fait impersonnelle disant que dorénavant, si elle voulait continuer à faire partie de leurs fournisseurs, elle devrait passer par leurs entrepôts de Toronto. Cette productrice locale vendait son miel sans intermédiaire. C'était une situation de gagnant-gagnant. En effet, parce que ce miel ne venait ni de la Chine ni d'ailleurs à l'étranger, le transport sur de longues distances et les gaz à effet de serre associés à ce transport étaient évités.
Vous pouvez imaginer le ridicule de la situation. Il aurait fallu qu'elle fournisse une grande quantité de miel, ce qui n'était pas possible dans son cas. Beaucoup de producteurs touchés par cette mesure vont devoir expédier leurs produits à Toronto à partir de Victoriaville. Ces produits vont ensuite repartir de Toronto pour être ensuite réacheminés vers la région de Victoriaville, chez nous. On parle là d'une économie absolument sensationnelle. Il faut être accrédité par le siège social de Toronto pour pouvoir vendre localement. Ce qui est enrageant, c'est que l'épicier n'a même pas le pouvoir de dire aux gens de sa chaîne qu'il veut un produit donné parce qu'il le connaît et que ses clients en demandent. On vit une situation totalement ridicule.
Je sais que vous étiez venu nous parler, à l'époque du Bureau de la concurrence. Pensez-vous encore aujourd'hui que la loi relative au Bureau de la concurrence pourrait nous aider à régler une telle situation? En lisant ce qu'on définit comme étant un abus de position dominante, je me suis demandé si l'exemple que je viens de vous donner pourrait être qualifié d'abus de position dominante. À mon avis, c'en est un.
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Je vous félicite, monsieur. Vous venez de décrire excellemment les principaux enjeux pour l'industrie. Tout ce que vous avez dit est tout à fait juste, et la situation va continuer comme cela. Le seul élément que vous avez oublié, c'est la somme d'argent demandée avant l'inscription du produit, étant donné que cette pratique perdure. Si vous voulez être inscrit dans le système central, combien d'argent faut-il verser encore? Vous verrez que ce problème-là existe aussi.
Quant à l'abus de position dominante, revenons à la façon précédente de procéder, soit de porter ces affaires-là devant un tribunal pénal. Suivant la modification la plus récente qui a été adoptée, cela relève désormais du cas d'« abus de position dominante ». S'il s'agit de pratiques vraiment anticoncurrentielles — qui, autrement dit, sont conçues pour conduire telle entreprise à la faillite ou qui ont pour effet de sortir l'entreprise, la petite entreprise, du jeu —, je dirais que le bureau doit se pencher sur la situation.
Le bureau ne s'y attachera pas, par contre, suivant les lignes directrices qui sont actuellement les siennes, et qui font qu'il s'intéresse uniquement au prix qui est demandé au consommateur au bout du compte. Même si le préambule de la loi, dont nous avons copie ici, affirme que le bureau cherchera tout au moins un peu à protéger les petites entreprises pour préserver une certaine stabilité sur le marché, il n'en est rien. Tant et aussi longtemps qu'il aura pour idée fixe les bas prix demandés au consommateur, le bureau ne s'attachera pas à ce genre de situation.
Tout de même, la loi et les modifications apportées à la loi prévoient ce dont vous parliez. Les sanctions prévues semblent suffisantes pour qu'on s'attaque d'ores et déjà au problème de l'abus de position dominante. Ce sont de bonnes modifications qui ont été adoptées, mesdames et messieurs. Maintenant, il s'agit de les appliquer, et, pour cela, il faudra une directive du ministre de l'Industrie, responsable de la question, pour dire: « Écoutez, il n'y a pas que les bas prix pour les consommateurs. Regardons les effets à long terme sur le secteur des petites entreprises. »
Il n'y a pas de parti politique ici représenté qui ne parle pas en long et en large de la contribution de la petite entreprise à l'économie, au moment d'une campagne électorale. C'est de cela tout à fait dont il est question. Montrons ce que nous pouvons faire pour assurer une certaine protection à ces gens-là. C'est votre domaine d'action, monsieur.
Je vais recourir à vos services pour mes futurs ateliers. Vous êtes adepte de ce point de vue.
Des voix: Oh, oh!
Merci beaucoup. Votre présence ici tombe très bien.
Vous avez parlé des cartes de crédit et d'Interac. À l'instigation de deux gérants d'épiceries indépendantes dans ma circonscription et d'autres personnes aussi, de fait, j'ai écrit une lettre au ministre de l'Industrie et au ministre des Finances pour expliquer la situation. J'encourage tous mes collègues à faire de même; je crois que nous nous entendons tous sur ce point. À mon avis, il s'agit seulement de s'assurer de ce fait-là, de ne pas permettre à Interac d'accroître tant les tarifs.
Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais je fais actuellement le tour du pays pour parler de sécurité alimentaire et de souveraineté alimentaire. Je sais que le parti de Wayne, le Parti libéral, a entrepris des consultations. Par le passé, notre comité a formulé plusieurs recommandations sur lesquelles tout le monde s'entendait en ce qui concerne la sécurité alimentaire et ainsi de suite. On ne se trompe pas en disant que tout le monde est d'accord avec l'idée de soutenir l'agriculture locale et la petite entreprise locale, mais il faut seulement trouver les façons de le faire.
Il y a un élément qui revient dans mes consultations. C'est celui des obstacles. Entre autres, bien sûr, il y a les accords de commerce. Les statistiques vous font voir une diminution du nombre de producteurs attribuable à la libre circulation des fruits et légumes provenant des États-Unis et du Mexique. L'autre élément, bien entendu, c'est le réseau de distribution, dont vous avez parlé brièvement. On m'a donné un autre exemple: à Sudbury, il y a une cultivatrice qui doit acheminer ses pommes de terre à Toronto, qui reviennent alors dans les magasins de Sudbury. C'est le même phénomène en Colombie-Britannique, et, selon les gens, le gouvernement devra agir d'une façon ou d'une autre pour régler ce problème-là.
Vous avez parlé du Bureau de la concurrence dans le régime actuel — et c'est un problème que nous pouvons régler. Tout de même, quelles autres mesures pourrions-nous prendre, au gouvernement fédéral ou provincial, pour nous assurer que les producteurs locaux ont un marché où écouler leurs fruits et légumes, les fruits et légumes que vous arrivez à cultiver — et non seulement les épiceries indépendantes, mais aussi les grandes chaînes? Vous avez formulé une proposition concernant les marchés des produits alimentaires. Que pourrions-nous faire concrètement aujourd'hui, dans notre champ d'action, pour que vous puissiez survivre et vendre le plus possible de fruits et légumes locaux et soutenir le plus possible les agriculteurs locaux?
Cela se joue sur divers plans, bien entendu. Si les grands — les Superstore, les Wal-Mart et les Costco — n'avaient pas leur place, ils n'y seraient pas. Il y a un certain nombre de consommateurs qui s'en remettront encore et toujours à la question du prix.
Vous soulevez tout de même un point intéressant. J'ai déjà dirigé un atelier sur cette question. Vous ne voulez pas entendre cela, mais les consommateurs se manifestent surtout suivant quatre grands axes. Je crois que c'est vraiment important, et cela commence tout juste à se produire. Il y a les consommateurs qui se soucient de la valeur du produit, quel que soit le sens du terme — ce n'est pas forcément le prix. Par exemple, il y a une entreprise qui a éliminé la majeure partie du sel qu'elle mettait dans sa soupe. Même si ces soupes se vendent un peu plus cher que d'autres, elles se vendent très bien quand même.
Voilà le deuxième axe. Les consommateurs se soucient de santé et de mieux-être. Ils lisent les étiquettes. Ils apprécient le petit symbole sur le devant du contenant, qui donne la valeur nutritive du produit. Ils lisent les étiquettes, ils savent ce qu'il en est, ils posent d'excellentes questions, malgré la récession.
En troisième lieu, les consommateurs modifient leurs habitudes d'achat discrétionnaire. Il y a un an, 50 p. 100 des consommateurs se procuraient leur repas du midi à l'épicerie. Aujourd'hui, ce sont 80 p. 100 qu'ils le font. Voilà un achat planifié. Je sais que ça fait mal à beaucoup de restaurants; c'est là l'effet d'une récession.
Voici que nous arrivons au coeur de votre question. Le consommateur n'a pas délaissé les achats locaux ni l'idée de durabilité; de fait, les ventes des épiciers indépendants de tout le Canada qui se spécialisent là-dedans — et je peux vous donner les noms région par région — sont à la hausse depuis le début de la récession. Comme je l'ai dit pendant mon exposé, pour une bonne part, le consommateur réduit les quantités qu'il achète et privilégie la valeur et les produits santé.
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J'aimerais ajouter que nos intérêts reflètent ceux des agriculteurs et des transformateurs, et nous avons beaucoup de mal — avec tout le respect que je dois à ces intervenants — à leur faire comprendre cela. Il existe de nombreuses possibilités d'établir des liens entre le secteur agricole et les détaillants.
Si, par exemple, les détaillants indépendants voient le système Interac adopter un but lucratif et tripler nos frais, c'est une mauvaise nouvelle pour eux. Depuis 1992, soit dit en passant, nous avons perdu 15 000 indépendants. Toute la chaîne en souffre, et, avec tout le respect que je vous dois, le comité aussi devrait considérer que ce sont de mauvaises nouvelles. Nous vous demandons instamment de regarder la question de ce point de vue.
Nous n'aimons pas parler de l'« égalité des chances », car, lorsque l'industrie de l'alimentation atteint une concentration comme dans notre pays, les choses ne peuvent pas être égales. Nous voulons seulement nous assurer de rester sur le marché. Par inadvertance, parfois, les gouvernements prennent des règlements et des mesures ou autorisent des choses qui se trouvent à modifier le paysage de la concurrence. Si les frais Interac triplent, ce sera un désastre pour les détaillants indépendants, et les retombées toucheront le système au complet. Et, malheureusement — nous revenons à ce dont nous parlions plus tôt —, il y a des problèmes systémiques au Bureau de la concurrence.
M. Scott et moi-même en avons parlé au bureau il y a seulement quelques semaines. Les représentants du bureau ne comprennent rien à ce que je viens de vous dire. Tout ce qu'ils voient, c'est qu'Interac entrera en concurrence avec les sociétés de cartes de crédit, et ils font valoir que c'est fantastique! Merveilleuse nouvelle! Eh bien, vous savez quoi? Lorsque les indépendants continuent à faire faillite, c'est une mauvaise nouvelle. Cela revient à ce que disait M. Scott plus tôt: le bureau doit examiner de près... Prenez les documents et lisez-les le soir, et lisez le préambule. Lorsque nous serons partis, tout le monde s'en ressentira. C'est ce qu'ils ne voient pas.
Désolé de m'enflammer à ce sujet, mais c'est très frustrant. Le problème est systémique.
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Il n'y a aucune incidence sur les indépendants, mais il y en a une sur les grandes sociétés. D'accord.
L'autre idée qu'on a fait valoir — et c'est un agent que le comité pourrait explorer, à mon avis — touchait les marchés de produits alimentaires. Il ne fait aucun doute que notre pays est vaste. Je crois que cela intéresse une bonne partie des membres du comité.
Vous avez de l'expérience dans tout le pays en ce qui a trait aux meilleurs endroits pour les marchés de produits alimentaires, et avons cinq régions. Je ne sais pas combien de marchés nous devrions avoir, mais, à la lumière de votre expérience, si vous aviez une baguette magique, quel serait le meilleur endroit?
Je crois que, comme l'a dit Bev Shipley plus tôt, je n'envisage pas que cela serve à financer le PCSRA ou un autre programme agricole, mais on pourrait peut-être financer certains accords fédéraux-provinciaux de cette façon. On a pris d'importantes initiatives en ce qui a trait aux dépenses pour l'infrastructure. C'est maintenant, à un moment où le pays a besoin de mesures de stimulation, qu'il est temps d'accomplir de grandes choses. Peut-être qu'il y a une proposition à examiner, et les discussions sur les aliments et les modifications du système sont populaires à l'heure actuelle. Le public est à l'écoute. Il est intéressé par la sécurité, la salubrité et la souveraineté alimentaires.
Selon vous, où serait le meilleur endroit, et combien de marchés de produites alimentaires seraient nécessaires? Nous ne vous prendrons pas au mot, mais, à votre avis, quels sont les besoins au chapitre des marchés de produits alimentaires, et dans quelles régions devraient-ils être établis?