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CIIT Rapport du Comité

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EXAMEN DE CERTAINES QUESTIONS RELATIVES À
LA FRONTIÈRE CANADO-AMÉRICAINE

INTRODUCTION

Les États-Unis restent de loin le principal partenaire commercial du Canada, mais la circulation des biens, des services et des personnes entre les deux pays est devenue de plus en plus difficile ces dernières années. De nouveaux règlements, des mesures de sécurité consécutives aux attaques du 11 septembre 2001 et d’autres décisions stratégiques des États-Unis ont contribué au « resserrement » de la frontière canado-américaine. Ce resserrement a de sérieuses incidences sur les relations commerciales du Canada avec son principal partenaire et sur la compétitivité économique du marché nord-américain.

Dans ce contexte, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes a entrepris une étude des questions d’actualité relatives à la frontière canado-américaine, axée plus précisément sur quatre dossiers : l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental (IVHO); la déclaration obligatoire du pays d’origine; la sécurité, le commerce et la « frontière nord »; les Jeux olympiques de Vancouver de 2010. Le Comité a tenu des audiences en mars et en avril à Ottawa pour connaître le point de vue des intervenants canadiens sur ces questions, avant de se rendre à Washington pour rencontrer des représentants de l’administration américaine et du Congrès. Pour une bonne partie des réunions à Washington, le Comité s’est scindé en deux groupes de manière à rencontrer le plus de personnes possible. À son retour, il a tenu d’autres audiences sur des sujets connexes.

Cette fois, la visite à Washington avait un caractère particulier. En général, le Comité voyage pour s’informer des débouchés économiques dans les marchés étrangers et des obstacles à la consolidation des liens économiques avec ces marchés. Dans ce cas-ci, le Comité s’est rendu à Washington non pas pour trouver de nouvelles possibilités d’échanges commerciaux et d’investissement, mais plutôt pour sensibiliser les États-Unis à d’importantes questions frontalières; pour défendre les intérêts du Canada à cet égard et pour rappeler aux Américains la valeur, tant pour le Canada que pour leur pays, de la plus longue frontière non défendue du monde, ainsi que l’importance de relations harmonieuses et d’une étroite collaboration en Amérique du Nord .

Le présent rapport rend compte de l’étude du Comité. Il donne de l’information sur chaque question examinée et fait état du travail de promotion effectué par le Comité à Washington.

RAPPEL DES FAITS

Le Canada et les États-Unis entretiennent les relations économiques bilatérales les plus étroites du monde. En 2008, la valeur totale des marchandises échangées entre les deux pays a franchi la barre des 600 milliards de dollars, à savoir 376 milliards de dollars en exportations canadiennes vers les États-Unis et 227 milliards de dollars en exportations américaines vers le Canada. Les deux pays pratiquent aussi largement le commerce des services et les investissements directs à l’étranger.

Étant donné la différence de taille (sur le plan économique et sur le plan démographique) entre le Canada et les États-Unis, il va de soi que les États-Unis revêtent une plus grande importance pour la prospérité économique du Canada que l’inverse. Ils sont de loin le principal débouché des exportations canadiennes et la principale source des importations (de biens et de services), et représentent la source et la destination premières des investissements directs.

Certes, le Canada n’occupe pas aux États-Unis la part du marché que ceux-ci détiennent au Canada, mais le commerce entre les deux pays importe tout de même grandement à l’économie américaine. En 2007, le Canada était le principal débouché pour 35 États américains, et l’un des trois premiers pour 46 États. Les exportations américaines vers le Canada dépassent de 38 milliards de dollars celles qui sont destinées aux marchés mexicains et chinois réunis.

En fait, il est presque trompeur de concevoir les relations économiques entre le Canada et les États-Unis comme de simples échanges commerciaux. Il est beaucoup plus juste de dire que, dans de nombreuses industries, les deux pays produisent conjointement. Environ 70 p. 100 du commerce canado-américain se pratique dans un seul secteur industriel et quelque 40 p. 100 des échanges se font à l’intérieur d’une même entreprise ou entre des sociétés affiliées. Le tiers des exportations canadiennes vers les États-Unis se compose de biens qui ont déjà été importés de ce pays. Autrement dit, le Canada importe les pièces ou les matières premières des États-Unis et y exporte les produits finis. L’inverse est vrai également.

QUESTIONS RELATIVES À LA FRONTIÈRE CANADO-AMÉRICAINE

A. La frontière

1. Le problème

Le « resserrement » de la frontière canado-américaine figure parmi les problèmes les plus pressants de l’heure pour les relations commerciales canado-américaines. Il est surtout attribuable à une série de mesures prises aux États-Unis par le département de la Sécurité intérieure et le département de l’Agriculture, en vue de renforcer la sécurité nationale et la réglementation. Ces mesures, très diverses, touchent notamment les programmes de sécurité des chaînes d’approvisionnement, les nouveaux outils électroniques servant à renseigner les organismes de services frontaliers, les droits d’inspection pour les produits agricoles et le financement des cartes de sécurité multiples pour les camionneurs.

S’ajoute au renforcement de la sécurité et de la réglementation le problème de l’infrastructure frontalière. Le besoin se fait sentir depuis longtemps d’accroître les ressources aux points de passage frontaliers, tant pour les installations mêmes que pour l’infrastructure routière qui y conduit. Les routes et les voies ferrées entre les deux pays n’ont pas été conçues en fonction du volume actuel d’échanges commerciaux.

Autrement dit, il y a deux types de problèmes à régler. Le premier concerne les goulets d’étranglement à la frontière, l’infrastructure matérielle et les mesures, notamment les autorisations préalables, qui peuvent faciliter le commerce transfrontalier. Le second réside dans les nouvelles exigences auxquelles les entreprises doivent se plier pour franchir la frontière.

Si pressants soient-ils, ces problèmes ne produisent pas leur véritable impact en ce moment, d’après ce qui a été dit au Comité, à cause de la diminution des échanges commerciaux et du mouvement de véhicules et de passagers à la frontière ces dernières années. Cette diminution, qui résulte d’une combinaison de facteurs, comme le ralentissement de la croissance économique aux États-Unis et la montée du dollar canadien, non seulement masque les difficultés que pose le resserrement de la frontière, mais occulte aussi temporairement les problèmes d’infrastructure matérielle. Lorsque l’économie reprendra de la vigueur et que la circulation s’intensifiera, les longues attentes à la frontière seront à nouveau une réalité.

Certains témoins entendus à Ottawa ont dit craindre que le resserrement de la frontière ne fasse que s’accentuer. Ils ont indiqué que les États-Unis continuent de renforcer la réglementation et les exigences concernant la circulation entre les deux pays et que leurs efforts pour trouver un équilibre entre le commerce et la sécurité penchent encore fortement du côté de la sécurité. Ainsi, selon David Bradley (président-directeur général, Alliance canadienne du camionnage), la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, a affirmé que les mesures frontalières ne devraient pas nuire « indûment » au commerce et qu’il faut éviter les divisions « superflues » entre la sécurité d’une part et le commerce et les voyages d’autre part. On ne sait trop ce qu’elle entend par « indu » et « superflu ».

L’opinion de la secrétaire à la Sécurité intérieure sur les questions frontalières a été façonnée par son expérience de la frontière mexicaine, ce qui vient compliquer les choses. Des témoins ont dit au Comité que Mme Napolitano comprend bien la problématique de la frontière sud, mais qu’on ne peut en dire autant de la frontière nord. Cette constatation

repose sur plusieurs de ses déclarations, qui révèlent qu’aux yeux des États-Unis les problèmes de sécurité à la frontière nord sont comparables à ceux qui existent à la frontière sud[1].

Une étude des frontières publiée par le département de la Sécurité intérieure, montre que les États-Unis continuent de se préoccuper des évaluations canadiennes des risques et des différences « très réelles » dans les politiques d’immigration et de délivrance des visas. Un éditorial du National Post cite Mme Napolitano :

Nous ne devons pas oublier, entre autres, que les États frontaliers du Sud et le Mexique tiennent beaucoup à ce que, si des mesures sont prises à la frontière mexicaine, elles le soient aussi à la frontière canadienne.

Autrement dit, il ne faut pas être souple d’un côté et sévère de l’autre […] Je ne dis pas cela en pensant que toutes les personnes présentes ici seront de cet avis, je le dis parce que c’est une question à laquelle je suis confrontée, et je vous demande de me comprendre[2].

Il s’ensuit l’émergence, aux États-Unis, d’une conception des frontières qui assimile en un tout les frontières nord et sud. Or, les témoins entendus à Ottawa étaient absolument convaincus que les problèmes de chaque frontière sont tout à fait différents. Plusieurs ont soutenu que le Canada n’a pas les problèmes du Mexique — migration illégale, guerre des trafiquants et trafic de drogue — et qu’il faut rappeler aux Américains les différences entre les deux frontières.

Le Comité a été informé qu’il est possible de régler un certain nombre de problèmes existant à la frontière canado-américaine par de petites mesures progressives. L’Alliance canadienne du camionnage a dit au Comité que des initiatives comme une meilleure gestion de la circulation, une meilleure affectation de l’effectif dans les périodes de pointe et une meilleure signalisation ont permis d’augmenter la fluidité de 20 à 25 p. 100 au poste frontalier de Detroit-Windsor[3]. Elle voulait montrer ainsi que de petits changements peuvent grandement améliorer la situation. Le Canada peut collaborer avec les États-Unis pour accroître l’efficacité à la frontière sans compromettre la sécurité.

D’ailleurs, lors des audiences du Comité à Ottawa, les témoins ont suggéré divers moyens d’améliorer le fonctionnement et la gestion des postes frontaliers. Par exemple, Shirley‑Ann George (première vice-présidente, Politiques, Chambre de commerce du Canada) a formulé les trois suggestions suivantes :

  • Établir un seul système de déclaration des importations et des exportations à la frontière canado-américaine. Les expéditions sont réglementées par différents ministères et organismes gouvernementaux. Pendant que les organismes canadiens et américains de services frontaliers travaillent à l’établissement de systèmes de déclaration électronique, des ministères continuent d’utiliser d’autres systèmes.
  • Établir un plan d’urgence frontalier et un plan de communication. Ces plans sont nécessaires pour rouvrir la frontière dès que possible aux voyageurs préautorisés après une pandémie, une catastrophe naturelle ou une attaque terroriste.
  • Envisager la cogestion de la frontière. Le Canada et les États-Unis devraient envisager de faire progresser la collaboration frontalière jusqu’à l’étape logique suivante, qui serait la cogestion de la frontière par des représentants de leurs organismes chargés des services frontaliers et des infrastructures, avec la possibilité d’une présidence par roulement comme pour le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Ce concept pourrait fait l’objet d’un projet pilote dans un poste frontalier auprès de voyageurs et transporteurs à faible risque présélectionnés et sûrs. La cogestion permettrait une planification uniforme des services frontaliers, la coordination des ressources des organismes, l’harmonisation des projets d’infrastructure transfrontaliers et le renforcement du protocole de sécurité aux points d’entrée et entre ces points, ainsi que des mesures d’intervention en cas d’incident.

Parmi les autres propositions qui nous ont été faites, mentionnons :

  • Gérer la frontière selon une approche fondée sur les risques. Plusieurs témoins, dont David Bradley, ont dit estimer que le Canada et les États-Unis doivent revenir à une démarche fondée sur les risques concernant les mouvements de biens, de services et de personnes à la frontière. Selon eux, les deux pays doivent encourager l’adhésion aux programmes pour les expéditeurs et les voyageurs préautorisés et offrir des avantages clairs, mesurés et visibles pour la participation à ce type de programme.
  • Ouvrir davantage de voies aux points de passage frontaliers dans les périodes de pointe pour le transport commercial et la circulation des voyageurs. Randy Williams (président-directeur général de l’Association de l’industrie touristique du Canada), notamment, estime que le Canada et les États-Unis devraient offrir des services frontaliers 24 heures sur 24 tous les jours aux principaux points de passage (postes de contrôle, inspections secondaires et services de soutien connexes).
  • Établir un organe unique au gouvernement chargé des questions relatives à la frontière. David Bradley a proposé que le gouvernement envisage la création d’un comité du cabinet chargé de la frontière ou d’un poste de ministre ou de haut fonctionnaire responsable de tous les aspects de la frontière.

2. Le message du Comité à Washington

En plus des idées mentionnées ci-dessus, le Comité avait plusieurs messages à livrer à Washington au sujet de la frontière canado-américaine. Il voulait notamment rappeler aux membres du Congrès et à l’administration américaine qu’il y a un coût économique associé au resserrement de la frontière. Parce que les économies canadienne et américaine sont fortement intégrées, le renforcement des exigences aura pour effet de nuire aux échanges commerciaux et, en définitive, de supprimer des emplois dans les deux pays. En période de ralentissement économique mondial, il faudrait s’efforcer de rendre l’économie nord-américaine aussi compétitive et efficace que possible plutôt que d’imposer de nouvelles obligations et des coûts inutiles. Faute d’agir ainsi, on risque de prolonger la récession et de retarder ou de limiter la reprise économique.

Dans la recherche d’un équilibre entre les risques pour la sécurité et la stimulation des échanges commerciaux, la politique de l’administration Bush visait l’élimination des risques au lieu de la gestion des risques sous l’optique de la sécurité. Cette politique a, dit-on, joué un rôle clé dans le resserrement de la frontière. Un participant aux réunions tenues à Washington a évoqué l’objectif consistant à soumettre à un contrôle électronique, d’ici 2012, la totalité des cargaisons arrivées par mer comme exemple de mesure qui coûte très cher à l’économie américaine, mais qui procure relativement peu de gains sur le plan de la sécurité. On a mentionné au Comité que la politique américaine devrait être mieux dosée. De solides principes de gestion des risques s’imposent, mais l’approche actuelle est coûteuse et repose sur une conception répressive de la sécurité; les mesures de sécurité frontalière devraient être appliquées de manière à cibler les risques, mais sans pour autant étouffer le commerce transfrontalier.

Un des principaux messages que le Comité voulait faire passer à Washington est le fait que les problèmes relatifs à la frontière du Canada sont tout à fait différents de ceux qui existent à la frontière du Mexique. Comme indiqué plus haut, la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, a fait plusieurs déclarations où elle disait que les deux frontières devraient être traitées de façon analogue. Les membres du Comité n’étant pas de cet avis, ils ont fait ressortir les différences entre les deux frontières et ont soutenu que les problèmes de chacune devraient être traités séparément.

Les membres du Congrès ont bien reçu notre message sur l’importance de distinguer les enjeux de la frontière canado-américaine de ceux de la frontière mexico-américaine. Plusieurs d’entre eux ont indiqué que les mesures frontalières en train d’être instaurées aux États-Unis visent à remédier aux problèmes de la frontière sud, mais finissent par envoyer le mauvais message au Canada. Effectivement, au cours d’une des réunions, il a été dit que la gestion de la frontière aux États-Unis équivalait à chercher « une aiguille dans une botte de foin ». La différence entre les deux frontières est qu’il y a beaucoup plus d’aiguilles dans la botte de foin mexicaine que canadienne.

Bien que les membres du Congrès aient largement souscrit à la position canadienne, des universitaires, des dirigeants d’entreprise et des représentants de l’administration américaine ont indiqué au Comité que le Canada devrait réévaluer sa stratégie et songer à collaborer avec le Mexique pour régler les problèmes frontaliers. On lui a signalé que, même si certains problèmes, comme le trafic de drogue et les passages illégaux, paraissent très différents de ceux aux quels fait face le Canada, un bon nombre des grands problèmes, vus dans une perspective générale, se ressemblent. Par exemple, les deux pays se préoccupent du bois d’œuvre, de la circulation des camions aux postes frontaliers, de l’équilibre entre la sécurité et le commerce et même de l’entrée de drogues illicites aux États-Unis.

Le Comité a été informé qu’un des avantages de la coopération du Canada avec le Mexique est qu’il serait plus facile d’obtenir l’attention de l’administration américaine si les deux pays sont sur la même longueur d’onde. Il a été dit que le Canada aurait plus de chances d’amener les États-Unis à aborder les questions de sécurité et de commerce selon une approche équitable, fondée sur des règles, s’il y a trois pays à la table de discussion au lieu de deux.

On a également signalé au Comité qu’il peut être plus difficile pour le Canada de régler des problèmes et des différends particuliers avec les États-Unis que d’obtenir un consensus sur des questions plus globales. Aux États-Unis, les différends sur un point précis sont souvent alimentés par des groupes de pression restreints mais puissants qui défendent une position limitée, représentative d’un secteur donné. Il est difficile pour le Canada de contrer l’influence de ces groupes. Pour le faire, il devrait démontrer à l’administration américaine que sa position défend un intérêt national supérieur, qui prime sur les intérêts limités des lobbyistes américains. Il est plus facile de faire la preuve d’un intérêt national et d’attirer l’attention de l’administration américaine si l’idée défendue par le Canada est de grande envergure.

Une des idées soumises au Comité est que le moment pourrait être opportun pour réexaminer le concept du périmètre de sécurité nord-américain. Cette proposition a été lancée à l’origine par les États-Unis en réaction aux événements du 11 septembre 2001. À cette époque, le Canada ne souhaitait pas y donner suite, mais certaines mesures de coopération ont quand même été prises. On a dit au Comité qu’en l’absence d’un périmètre complet de sécurité autour de l’Amérique du Nord, les États‑Unis avaient commencé à renforcer la sécurité à ses frontières avec le Canada et le Mexique. Certains ont même laissé entendre que le resserrement actuel de la frontière pourrait être lié à la décision du Canada de ne pas s’engager plus tôt dans le dossier du périmètre de sécurité nord-américain.

On a mentionné au Comité que la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, manifeste le désir de revoir l’idée du périmètre de sécurité. Des participants aux réunions de Washington ont fait valoir que ses déclarations sur le traitement analogue des frontières canadienne et mexicaine ne doivent pas donner à penser que les deux frontières sont pareilles ou demandent la même attention, mais plutôt que les États‑Unis envisagent de gérer les frontières sur la base de « cercles concentriques ». Plus précisément, les États‑Unis veulent adopter un seul ensemble de règles pour la gestion des frontières, même si ces règles n’ont pas à être appliquées de la même manière.

Par conséquent, selon certains témoins, les États-Unis seraient réceptifs à une proposition renouvelée sur la sécurité frontalière envisagée sous l’angle du périmètre nord-américain. Il s’agirait d’une « grande proposition », qui retiendrait l’attention de l’administration américaine; elle pourrait mettre à contribution le Mexique, prendrait en compte les préoccupations américaines en matière de sécurité et serait susceptible d’atténuer considérablement certaines des frictions qui ont pour effet de ralentir la circulation des personnes, des biens et des services à la frontière canado-américaine.

Au cours de son voyage à Washington, le Comité s’est vu proposer plusieurs grandes initiatives qui contribueraient à réduire les problèmes frontaliers entre le Canada et les États-Unis, notamment :

  • Revoir l’idée d’une gestion commune des frontières — Louise Slaughter, membre du Congrès, a indiqué que Mme Napolitano était en train de reconsidérer l’idée d’une gestion commune des frontières. Mme Slaughter a dit au Comité qu’elle travaillerait à ce dossier avec la secrétaire d’État, Hillary Clinton.
  • Envisager la création d’une commission sur les infrastructures de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) — Depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, une série de corridors commerciaux nord-sud se sont développés, mais les infrastructures ferroviaires et routières n’ont pas suivi cette évolution. Une commission des infrastructures pourrait chercher à surmonter ce problème.
  • Revoir les règles d’origine de l’ALENA — Le Comité a appris que certaines entreprises décident de renoncer aux avantages que leur procure l’ALENA et de payer plus cher que le tarif de la nation la plus favorisée pour éviter de se conformer aux règles d’origine jugées fastidieuses. Selon un témoin, une union douanière rendrait inutiles les règles d’origine applicables au Canada et aux États-Unis

Si, à certaines réunions, le Comité s’est vu présenter plusieurs « grandes propositions » sur la façon d’aborder les problèmes frontaliers, il y a eu autant de réunions où les membres du Congrès et d’autres intervenants ont indiqué que de petites mesures peuvent grandement contribuer à améliorer la situation. Les propositions entraient dans deux catégories. La première englobe les mesures pratiques qui peuvent améliorer le fonctionnement des postes frontaliers. Les idées avancées étaient en grande partie les mêmes que celles qui avaient été présentées par les témoins à Ottawa : ouvrir en tout temps les services frontaliers à tous les points de passage; augmenter les ressources pour les inspections secondaires et les services de soutien; accroître le recours aux autorisations préalables au moment du chargement pour faciliter le commerce transfrontalier de certaines marchandises et faire en sorte que les ministères et organismes concernés gèrent et coordonnent mieux les données électroniques aux points de passage.

La deuxième catégorie de mesures relève de la coopération en matière réglementaire. On souhaite en effet combattre ce que certains appellent la « tyrannie des petites différences », qui nuit au commerce et au bon fonctionnement des postes frontaliers entre le Canada et les États-Unis. Il serait possible de proposer une liste de différences « facilement conciliables » en matière de réglementation, en ce sens que le Canada et les États-Unis pourraient prendre les mêmes règlements (ou s’entendre sur la reconnaissance mutuelle de leurs règlements) de manière à éviter l’abaissement des normes. Cette façon de faire aiderait à réduire les coûts de fonctionnement et à diminuer les frictions associées au commerce transfrontalier. Le Partenariat pour la sécurité et la prospérité avait été établi pour régler un bon nombre de ces problèmes, mais le temps passant, il a fini par déborder sa mission originale et est devenu controversé.

B. Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental

1. Le problème

L’IVHO est une mesure législative américaine exigeant, qu’avant d’entrer aux États-Unis, tous les voyageurs présentent un passeport en règle ou un autre document de sécurité approuvé qui fait état de leur citoyenneté et de leur identité. Cette mesure législative, qui s’applique aussi bien aux citoyens des États-Unis qu’aux étrangers, est mise en application graduellement, selon le moyen de transport. Elle est entrée en vigueur en janvier 2007 pour le transport aérien et le 1er juin 2009 pour le transport terrestre et maritime.

La principale difficulté que pose la mise en œuvre de l’IVHO pour le transport terrestre est le pourcentage relativement faible de résidants américains qui possèdent les documents nécessaires. Selon Randy Williams :

Vingt-huit pour cent seulement des Américains détiennent actuellement un passeport, contre 53 p. 100 de Canadiens. Sept cent mille Américains possèdent actuellement une carte de passage. À l'heure actuelle, 300 000 Canadiens et Américains sont titulaires de la carte NEXUS. L'autre option consistant à accorder des permis de conduire améliorés a été mise en œuvre ces dernières années par plusieurs États américains et provinces canadiennes pour offrir à leurs ressortissants un autre type de document de sécurité. Cependant, le nombre des demandes de ces permis de conduire, incorporant une preuve de citoyenneté, est demeuré modeste[4].

Le fait que les Américains soient peu informés des documents requis pour voyager à l’étranger préoccupe grandement les entreprises et les intervenants canadiens. La circulation transfrontalière habituelle est une de leurs préoccupations. Les déplacements par voie terrestre entre le Canada et les États-Unis sont en baisse depuis déjà un certain nombre d’années; les déplacements d’une journée effectués en automobile à partir des États-Unis vers le Canada ont baissé de 57 p. 100 entre 1999 et 2007. Certains pensent que la nouvelle obligation de présenter des documents pour les voyages transfrontaliers fera baisser encore davantage le nombre de visites, surtout les voyages spontanés effectués dans la même journée. Cette mesure pourrait causer des torts considérables aux collectivités et à l’industrie touristique de part et d’autre de la frontière.

La mise en œuvre de l’IVHO suscite une autre préoccupation : si la population n’est pas prête pour les nouvelles règles, il pourrait y avoir congestion à la frontière. Les camionneurs qui disposent des documents nécessaires risquent d’être bloqués dans de longues files d’attente sur les routes qui mènent à la frontière, sans être capables d’atteindre les voies commerciales et le poste même. Ces retards pourraient entraîner d’autres pertes d’emplois au Canada et aux États-Unis, car beaucoup d’industries sont très intégrées et dépendent de la livraison juste-à-temps.

Pour remédier aux difficultés que posent l’IVHO et le taux de demandes de passeport, on envisage d’offrir un choix de documents de voyage conformes aux nouvelles règles. Par exemple, plusieurs provinces et États étudient la possibilité d’instaurer un permis de conduire amélioré (contenant des renseignements sur la citoyenneté du détenteur). Ce permis serait moins coûteux et plus pratique qu’un passeport pour les nombreux Américains et Canadiens, qui ne traversent la frontière que par la voie terrestre.

Il a aussi été suggéré que le Canada et les États-Unis travaillent ensemble à l’établissement d’une voie rapide dans les aéroports pour les détenteurs de la carte NEXUS (conçue pour accélérer le traitement à la frontière des voyageurs préautorisés à faible risque qui entrent au Canada et aux États-Unis). Cette mesure ferait apparaître rapidement l’utilité de la carte NEXUS, comme on l’a vu aux postes frontaliers terrestres, ce qui encouragerait les Canadiens et les Américains à y avoir recours.

Certains témoins étaient d’avis que le Canada aurait dû insister auprès des États-Unis pour faire reporter l’entrée en vigueur de l’IVHO dans le cas du transport terrestre. Cependant, comme un report avait déjà été autorisé (l’IVHO devait entrer en vigueur en janvier 2009 pour le transport terrestre), la plupart des témoins ne s’attendaient pas à un autre report et essayaient plutôt de se préparer pour l’échéance du 1er juin.

Randy Williams a indiqué qu’il valait mieux ne pas faire pression en faveur d’un autre report :

Le problème que poserait un autre report est que les Américains ont le sentiment qu'il n'est pas urgent pour eux d'obtenir les documents exigés, parce qu'ils pensent tous que cette initiative sera indéfiniment reportée. La période de transition a en fait été aussi nocive que le sera la mise en application de cette initiative. Il faut expliquer aux Américains quels sont les documents dont ils auront besoin pour passer la frontière et cela veut dire qu'il faut les sensibiliser à cette réalité en lançant une campagne de publicité[5]

Des témoins ont dit au Comité que les Américains avaient besoin d’être mieux informés des documents nécessaires pour se rendre au Canada. Pour l’Agence des services frontaliers de Canada (ASFC) et le département américain de la Sécurité intérieure, il s’agit d’une occasion de collaborer à l’élaboration d’un plan de communication conjoint visant à sensibiliser la population. Des représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont également indiqué que, si le besoin s’en faisait sentir, le Canada plaiderait en faveur d’une période d’adaptation ou de transition avant la mise en œuvre intégrale de l’IVHO pour le transport terrestre et maritime.

2. Le message du Comité à Washington

Pour sa visite à Washington, le Comité avait, entre autres, comme objectif d’exprimer ses préoccupations concernant la mise en vigueur de l’IVHO. Il avait conclu, d’après des études et des témoignages antérieurs, que les citoyens des deux pays n’étaient pas prêts à se conformer à l’IVHO pour le transport terrestre. Trop peu de Canadiens et, surtout, d’Américains ne possèdent pas les documents de voyage requis ou ne savent pas qu’ils en ont maintenant besoin. Cet avis était partagé par certains membres du Congrès, qui se sont aussi demandé si tous les postes frontaliers étaient en mesure de faire appliquer l’IVHO.

Dans ses réunions avec des représentants du département de la Sécurité intérieure et des membres du Congrès, le Comité a plaidé pour un report de six mois dans l’application de l’IVHO au transport terrestre. Si certains membres du Congrès ont appuyé le Comité sur ce point, la majorité des interlocuteurs estimaient cependant que le travail était trop avancé pour qu’un report soit adopté à temps par voie législative. Même les plus fermes opposants du Congrès étaient résignés à l’idée que l’IVHO entrerait en vigueur le 1er juin 2009 pour le transport terrestre.

Le Comité a toutefois reçu l’assurance de représentants du département de la Sécurité intérieure que la mise en œuvre de l’IVHO à la frontière serait souple et que les États-Unis adopteraient une approche pragmatique de l’application des règles. Lors d’une des réunions, on a indiqué que l’IVHO serait appliquée graduellement : les autorités frontalières donneraient des avertissements, mais autoriseraient la plupart des véhicules à passer pour une période qui pourrait aller jusqu’à 18 mois. De plus, des membres du Congrès ont dit au Comité qu’ils s’engageaient à rédiger et à signer une lettre ouverte adressée à la secrétaire à la Sécurité intérieure où ils feront état de leur préoccupation au sujet de l’IVHO et de ses effets possibles sur la circulation transfrontalière.

Le Comité a aussi été informé que, même si les États-Unis sont déterminés à appliquer l’IVHO « en douceur », ils ne peuvent l’annoncer publiquement. À long terme, l’administration américaine veut que les Américains aient en main des documents de voyage conformes. En publiant une déclaration qui laisse entendre que les règles en vigueur peuvent être oubliées impunément pendant 18 mois, elle n’atteindra pas son objectif de conformité à longue échéance. Enfin, le Comité a appris que les autorités frontalières conservent en tout temps leur pouvoir discrétionnaire d’autoriser ou de refuser l’entrée d’une personne aux États-Unis, peu importe si elle a ou non les documents requis.

On a indiqué que les documents de voyage de l’IVHO pourraient en fait simplifier les passages à la frontière. Des représentants du département de la Sécurité intérieure ont affirmé qu’il y avait auparavant plus de 8 000 documents qui pouvaient être utilisés pour entrer aux États-Unis. L’IVHO réduit ce nombre à six, ce qui, à leur avis, rendra les passages plus efficaces et plus simples.

Dans certaines des réunions, on a expliqué au Comité qu’il y avait une importante distinction à faire entre le nombre de citoyens américains qui ont un passeport ou un autre document conforme à l’IVHO et le nombre de voyageurs américains qui possèdent les documents requis. Il semble qu’une certaine tranche de la population, surtout dans le Sud du pays, est très peu susceptible de voyager un jour à l’étranger. C’est pourquoi les statistiques sur le nombre de citoyens américains munis d’un passeport laissent croire qu’il y a moins de personnes prêtes pour l’IVHO que ce n’est réellement le cas. Le département de la Sécurité intérieure s’attendait à ce que 80 p. 100 des voyageurs américains aient un document conforme au 1er juin.

Les membres du Comité ont aussi parlé d’autres documents qui peuvent être conformes à l’IVHO. Le passeport est le plus courant, mais d’autres titres de voyage, comme le permis de conduire amélioré et la carte NEXUS, sont des options viables et peuvent en général être obtenus plus rapidement que le passeport, et à moindre coût. Le Comité a encouragé les membres du Congrès, qui représentent les États frontaliers, à faire pression auprès de leurs États respectifs pour qu’ils envisagent sérieusement le recours au permis de conduire amélioré et offrent ce document le plus tôt possible. La suggestion du Comité a généralement été bien reçue, mais certains membres ont soulevé la question de la protection des renseignements personnels et de la sécurité en ce qui concerne les données gravées sur la puce que renferme le permis de conduire.

C. Jeux olympiques de Vancouver de 2010

1. Le problème

On pense généralement que les Américains seront nombreux à vouloir se rendre à Vancouver pour assister aux Jeux olympiques (12 au 28 février 2010) et aux Jeux paralympiques (12 au 21 mars 2010) de 2010, et qu’il y aura parallèlement un pic de courte durée du trafic de camions à la frontière en raison de l’accroissement de la demande de produits alimentaires et d’autres produits que le marché de la Colombie‑Britannique importe des États-Unis. Une bonne partie des problèmes de frontière associés aux Jeux olympiques de Vancouver de 2010 tiennent à l’IVHO et à l’effet, sur le nombre d’Américains qui se rendront à Vancouver durant les Jeux olympiques, des nouvelles exigences en matière de documents de voyage.

On a fait valoir au Comité que le Canada doit réussir à admettre les visiteurs sur son territoire de manière accueillante, simple et rapide s’il veut véritablement être une destination touristique de choix. Il serait désastreux pour l’industrie touristique canadienne que les médias internationaux fassent état d’attentes interminables à la frontière entre la Colombie-Britannique et l’État de Washington au moment même où le Canada s’efforce de mettre en valeur ses atouts.

Les personnes que le Comité a entendues à Ottawa ont signalé, outre l’IVHO, deux problèmes importants à régler au sujet du passage de la frontière avant et pendant les Jeux olympiques de Vancouver. Premièrement, Amtrak exploite un train à destination de Vancouver et prévoit en ajouter un second à l’approche des Jeux. Or, l’ASFC a institué une politique de recouvrement des coûts de ses services d’inspection qui concernera le second train (le premier continue de bénéficier de la politique précédente en vertu d’une clause de droits acquis). Amtrak et d’autres organisations américaines craignent que cette politique ne décourage les gens de prendre le train et allonge l’attente à la frontière. Les États-Unis voudraient que le second train bénéficie du régime du premier. Deuxièmement, il est essentiel que les travaux de construction au poste de Peace Bridge soient terminés à temps et que l’ASFC y affecte suffisamment de personnel pour faire face à l’augmentation du trafic tout en maintenant le même degré d’examen des personnes qui traversent la frontière.

2. Le message du Comité à Washington

Les membres du Comité ont abordé la question des Jeux olympiques de 2010 de Vancouver à plusieurs reprises durant leur séjour à Washington. Ils ont fait valoir leurs craintes que les exigences de l’IVHO en matière de documents de voyage découragent les Américains de se rendre à Vancouver et à Whistler pour les Jeux olympiques de 2010, et ils ont demandé que l’application des nouvelles règles soit différée jusqu’après les Jeux ou suspendue durant les Jeux.

Comme nous l’avons vu précédemment, on a dit au Comité que le temps manquait pour faire adopter des mesures législatives pour différer la mise en œuvre de l’IVHO, mais que les autorités feraient preuve d’indulgence au début. Des membres du Congrès, de même que des représentants du département de la Sécurité intérieure, nous ont assuré que cette période d’application « souple » de l’IVHO s’étendrait jusqu’à la fin des Jeux. De plus, on a rappelé au Comité que les autorités frontalières américaines disposent en tout temps de pouvoirs discrétionnaires quant à l’admission sur le territoire.

Les représentants du département de la Sécurité intérieure nous ont dit aussi qu’une campagne d’information spéciale était prévue dans les États de l’ouest des États-Unis durant la période qui précède les Jeux olympiques. Le département de la Sécurité intérieure consacrera 2 millions à cette campagne visant à informer à l’avance les voyageurs potentiels sur les documents dont ils devront se munir pour aller au Canada.

Enfin, on a dit au Comité que, en dépit des règles de l’IVHO, tous les citoyens américains conservent le droit que leur confère leur Constitution de rentrer dans leur pays, qu’ils aient ou non les documents de voyage requis. Autrement dit, les voyageurs américains n’auront sans doute aucun mal à rentrer chez eux s’ils se rendent à Vancouver sans les documents requis.

D. Déclaration du pays d’origine

1. Le problème

En 2002, les États-Unis ont adopté le Farm Security and Rural Investment Act rendant obligatoire la déclaration du pays d’origine du bœuf, de l’agneau, du porc, du poisson, des arachides et d’autres produits agricoles périssables sur l’étiquette des produits.

Après un certain nombre d’amendements et de retards, les exigences de déclaration du pays d’origine sont entrées en vigueur en octobre 2008, avec l’adoption du Farm Bill de 2008 (le Food, Conservation, and Energy Act of 2008). Ainsi, les produits du bœuf provenant d’animaux nés, élevés et abattus aux États-Unis portent la mention produit d’origine américaine, ce qui n’est pas le cas de la viande provenant d’animaux nés au Canada, mais élevés ou abattus aux États-Unis. À cause des coûts et des difficultés que présente la manutention séparée du bétail canadien devenue nécessaire à la suite de l’entrée en vigueur de ces dispositions, certains abattoirs américains ont décidé de ne plus acheter d’animaux nés en dehors des États-Unis, tandis que d’autres n’acceptent d’en acheter que certains jours.

En décembre 2008, le Canada a demandé des consultations avec les États-Unis sur cette question sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) alléguant que la déclaration obligatoire du pays d’origine contrevient aux obligations des États-Unis aux termes des accords de l’OMC[6]. Cependant, en janvier 2009, le département de l’Agriculture des États-Unis, sous l’administration Bush, a assoupli les exigences d’étiquetage, ce qui a amené le Canada à renoncer à sa demande de consultations.

En février 2009, le secrétaire à l’Agriculture des États-Unis dans la nouvelle administration Obama, Tom Vilsack, annonçait que s’il n’avait pas l’intention de revenir sur la décision de janvier 2009, il allait néanmoins demander aux transformateurs américains de déclarer « volontairement » quelles étapes de production ont lieu dans quel pays quand plus d’un pays paraît sur l’étiquette, d’appliquer les règles de déclaration du pays d’origine aux produits de transformation et de ramener de 60 à 10 jours la période de référence pour la déclaration de l’origine de la viande hachée.

Il est difficile de savoir dans quelle mesure l’application de ces dispositions est « volontaire ». Le secrétaire Vilsack a écrit dans une lettre aux parties concernées : « Le département de l’Agriculture contrôlera de près l’observation du règlement et l’application des mesures volontaires suggérées. Suivant le bilan de cet examen, je verrai s’il est nécessaire de modifier les règles pour respecter l’intention du Congrès[7]. »

Les suggestions du secrétaire Vilsack rendraient les règles de déclaration du pays d’origine aussi restrictives pour les animaux vivants que ce qui était prévu initialement dans la loi de 2002. Or, cette version plus restrictive des règles en question a été rejetée par le Congrès dans le Farm Bill de 2008 parce qu’elle était trop coûteuse à mettre en œuvre. En effet, elle aurait exigé un suivi constant de l’animal dès la naissance.

Les partisans de la déclaration obligatoire du pays d’origine affirment que c’est une mesure de commercialisation visant les consommateurs, et certains la présentent même parfois comme une mesure visant la salubrité des aliments. Les intérêts canadiens concernés y voient, pour leur part, strictement une mesure protectionniste. Avec la décision de janvier et l’appel de février à l’application « volontaire » de règles plus strictes, on ne sait plus trop ce que signifie vraiment la déclaration obligatoire du pays d’origine ni comment les règles seront appliquées.

Or, la déclaration obligatoire du pays d’origine pourrait avoir des répercussions considérables sur la production agricole au Canada et aux États-Unis. Le département de l’Agriculture des États-Unis a admis les avantages de l’interdépendance des secteurs canadien et américain du porc sur le plan de la valeur ajoutée et de l’emploi aux États‑Unis. Le Comité a entendu dire que la déclaration obligatoire du pays d’origine crée d’énormes problèmes de gestion des stocks pour les distributeurs et détaillants des États‑Unis sans pour autant présenter d’avantage. On estime que la mise en œuvre de cette directive coûtera 3,9 milliards de dollars à l’économie américaine. Si les mesures additionnelles annoncées par le secrétaire Vilsack sont appliquées, l’impact sera encore plus grand sur les petites fermes américaines, en particulier au Minnesota et dans l’Iowa.

On a confié au Comité que, dans la conjoncture actuelle, avec le ralentissement de l’économie mondiale, les États-Unis ont choisi le pire moment pour imposer un tel coût à l’économie américaine. Les petits éleveurs de porc américains ont besoin des porcs d’engraissement canadiens parce que l’offre est insuffisante aux États-Unis. Le président du Conseil canadien du porc, Jurgen Preugschas, a dit que, selon les analystes, environ 1 375 exploitations indépendantes sont menacées par la perte des porcs d’engraissement canadiens en raison de la déclaration obligatoire du pays d’origine. Apparemment, celle-ci pourrait entraîner la perte de 2 500 emplois agricoles et de plus de 100 millions de dollars de revenus agricoles aux États-Unis. La majorité de ces pertes concerneront le Minnesota et l’Iowa. En outre, cinq entreprises américaines de conditionnement employant environ 4 000 personnes risquent de fermer si la déclaration obligatoire du pays d’origine empêche l’expédition de porcs d’engraissement canadiens aux finisseurs américains.

2. Le message du Comité à Washington

Durant les audiences d’Ottawa, les représentants de l’industrie canadienne avaient indiqué au Comité que les entreprises canadiennes n’étaient pas très heureuses des nouvelles exigences de déclaration, mais qu’elles étaient prêtes à accepter une réglementation américaine forçant les produits canadiens à être étiquetés comme tels quand ils sont expédiés aux États-Unis. Pour les producteurs canadiens, le vrai problème, c’est la règle d’application « volontaire » voulant que le bœuf, le porc et les autres produits portent l’indication du pays de naissance de l’animal. Les intérêts canadiens concernés souhaitaient que le Comité fasse pression pour contester le programme de déclaration obligatoire du pays d’origine en général, mais surtout les directives d’application volontaire parues en février 2009.

L’industrie canadienne estime que les exigences de déclaration du pays d’origine contreviennent à l’OMC et à l’ALENA à deux égards. Premièrement, suivant les règles du commerce international, quand un animal est conditionné pour produire de la viande, la viande est considérée comme provenant du pays où l’animal a été conditionné[8]. Deuxièmement, on a dit au Comité que l’ALENA contient une disposition voulant que les biens finis ne portent pas de marque indiquant la provenance des intrants[9]. L’industrie canadienne veut que les États-Unis considèrent que le lieu d’abattage des animaux détermine l’origine de la viande. Le Comité a transmis ce message à l’administration américaine et aux membres du Congrès à Washington. Il a aussi fait part de ses préoccupations devant le fait que la législation américaine mette en œuvre un ensemble d’exigences, mais que le département de l’Agriculture tente parallèlement de circonvenir ces règles en imposant des normes d’étiquetage « volontaires » plus strictes dont le non-respect pourrait comporter des conséquences.

Les réactions à ce message ont été contradictoires, et le Comité a constaté que les membres du Congrès ne connaissent pas tous très bien les règles de déclaration obligatoire du pays d’origine et ne s’intéressent pas tous à la question. Certains représentants américains de l’industrie et certains membres du Congrès ont dit souscrire à la position du Canada au sujet de la déclaration obligatoire du pays d’origine, mais d’autres étaient contre ou n’étaient pas au courant de la question.

Les membres du Comité ont profité de l’occasion pour rappeler à leurs homologues américains l’existence du système québécois d’identification obligatoire des animaux et demander aux membres du Congrès quelles mesures pourrait prendre le Canada pour améliorer la confiance de la population américaine dans les produits de viande canadiens. De nombreux membres du Congrès ont convenu avec le Comité que la viande et les autres produits agricoles canadiens sont sûrs et que la déclaration obligatoire du pays d’origine ne tient pas à des questions de salubrité des aliments. Ils ont affirmé que les conséquences fâcheuses du programme de déclaration obligatoire du pays d’origine sur l’industrie canadienne sont un effet secondaire involontaire d’une mesure qui ne visait pas particulièrement le Canada.

Plusieurs membres du Congrès ont parlé du principe de l’intégration du « troupeau nord-américain ». On a par exemple signalé au Comité que les deux tiers des six millions de porcs de l’Iowa sont des porcs d’engraissement provenant du Canada. Avec la déclaration obligatoire du pays d’origine, 400 000 places d’engraissement en Iowa seront perdues qui représentent l’abattage de plus d’un million de porcs par année. On a dit craindre une augmentation de la capacité d’abattage au Canada aux dépens de l’industrie américaine de l’abattage. Un autre membre du Congrès nous a dit que, dans l’ensemble, les producteurs américains trouvent que les exigences de déclaration du pays d’origine représentent un fardeau excessif.

Si de nombreux membres du Congrès ont des réserves au sujet de la déclaration obligatoire du pays d’origine, d’autres en défendent le principe. Un membre du Congrès a dit que, pour plusieurs raisons, la viande américaine avait mauvaise réputation sur les grands marchés internationaux comme celui de l’Union européenne, et qu’il était donc difficile de l’exporter dans ces parties du monde. Comme le terme « produit des États-Unis » a encore un certain cachet sur le marché américain, le programme de déclaration obligatoire du pays d’origine serait nécessaire pour aider les producteurs américains à tirer parti de cet avantage pour compenser les désavantages qui leur nuisent ailleurs.

Lors de sa rencontre avec les représentants du département de l’Agriculture des États‑Unis, le Comité a appris que, pour faire suite à la mise en œuvre du programme de déclaration obligatoire du pays d’origine et à la lettre décrivant les mesures volontaires, le département de l’Agriculture mène un examen, sur six à neuf mois, des répercussions de ces mesures sur l’industrie de la viande et qu’il contrôlera la réaction des entreprises et des consommateurs (pour vérifier par exemple quels segments de l’industrie appliquent les mesures volontaires)[10]. Cet examen signifie qu’il évitera d’imposer de nouvelles mesures à cet égard. Les membres du Comité ont demandé au département de l’Agriculture comment les entreprises canadiennes concernées pourraient participer à la collecte de l’information. On nous a dit que l’on n’avait pas encore établi de système de collecte de l’information, mais que le conseiller du secrétaire Vilsack en matière de commerce, Max Holtzman, était prêt à servir de point de contact à ce sujet.

Les membres du Comité se sont montrés très critiques de l’exécution de cet examen et ont fait part de leur opinion aux représentants du département de l’Agriculture. Ils ont fait valoir notamment que le processus d’examen ne semblait pas suivre un plan ou une méthodologie détaillés et que l’objet même de l’examen était loin d’être clair : la mise en œuvre des dispositions législatives sur la déclaration du pays d’origine ou l’application des mesures « volontaires » imposées par la suite. On a dit au Comité que le secrétaire Vilsack croit dans les solutions fondées sur la science aux problèmes de l’agriculture. À notre avis cependant, en l’absence d’une question claire, le processus d’examen des règles de déclaration obligatoire du pays d’origine contrevient aux principes les plus fondamentaux de la méthode scientifique.

AUTRES QUESTIONS

Le Comité avait initialement l’intention de borner son étude aux quatre questions liées à la frontière qui précèdent, mais d’autres ont été portées à notre attention en cours de route, durant les audiences à Ottawa et durant notre voyage à Washington. On aborde deux de ces questions ci-dessous.

A. Liqueur noire

1. Le problème

Produite durant la transformation des copeaux de bois en pâte kraft, la liqueur noire est un sous-produit de l’industrie des pâtes et papiers. Source d’énergie renouvelable, elle est exploitée depuis des dizaines d’années par l’industrie des pâtes et papiers où elle sert au chauffage et à l’éclairage des usines.

En 2005, les États-Unis ont institué un crédit d’impôt pour les énergies renouvelables de rechange aux termes du Surface Transportation Authorization Bill (le Highway Bill), qui vise principalement la consommation de carburant des automobiles et des camions. À cause de modifications apportées au projet de loi deux ans plus tard, l’industrie des pâtes et papiers a découvert qu’en ajoutant au moins 0,5 p. 100 de combustible fossile (généralement du diesel) à la liqueur noire qu’elle produisait déjà, elle devenait admissible au crédit d’impôt, lequel représente l’équivalent d’une subvention de 50 cents le gallon. Grâce à cette particularité du régime fiscal américain, l’industrie américaine des pâtes et papiers touche une subvention de 200 à 250 $ la tonne de pâte. D’après Guy Caron (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier), « [l]e coût de production actuel est d'environ 500 $ par tonne, c'est-à-dire que le crédit d'impôt américain, présentement, subventionne à peu près la moitié des coûts de production[11] ».

En théorie, le crédit d’impôt est censé promouvoir le recours aux biocarburants, mais il a en l’occurrence l’effet contraire, puisque les usines de pâtes et papiers ajoutent maintenant du diesel à une source d’énergie renouvelable qu’elles emploient depuis des dizaines d’années, ce qui va à l’encontre des visées environnementales du crédit.

On a dit au Comité que ce crédit d’impôt coûtera entre 5 et 10 milliards de dollars au Trésor américain en 2009. Censé expirer le 31 décembre 2009, ce crédit s’est révélé extrêmement coûteux et va bientôt dépasser le montant qui lui avait été alloué initialement. En outre, le secteur américain des pâtes et papiers y a réagi essentiellement en inondant le marché de produits de pâte pour maximiser l’avantage qu’il en tire. Cette surproduction a fait baisser les cours mondiaux, ce qui a défavorisé encore plus les producteurs canadiens. Pour l’industrie canadienne, ce crédit d’impôt confère un avantage injuste à l’industrie américaine, alors même que l’industrie nord-américaine des pâtes et papiers est aux prises avec un fléchissement de la demande causé par des fermetures d’usine et des licenciements massifs.

2. Le message du Comité à Washington

Le personnel de l’ambassade du Canada à Washington connaît à fond le dossier de la liqueur noire. D’après eux, il est peu probable que le Sénat américain adopte des mesures mettant un terme à la subvention à l’industrie des pâtes et papiers avant l’expiration prévue du crédit d’impôt le 31 décembre 2009.

Le Comité a abordé la question durant ses diverses rencontres avec des membres du Congrès. Dans de nombreux cas, le Comité a essentiellement sensibilisé ses interlocuteurs à la question, mais certains membres du Congrès ont dit au Comité que la subvention de l’industrie des pâtes et papiers était effectivement un effet secondaire imprévu du crédit d’impôt. Ces membres du Congrès se sont dits préoccupés par le coût considérable du crédit et ont dit au Comité que le crédit avait peu de chances d’être reconduit en 2010.

B. La politique d’achat national du plan de relance américain

1. Le problème

Le 17 février 2009, le président Barack Obama promulguait le American Recovery and Reinvestment Act of 2009 (ARRA), c’est-à-dire le plan de relance américain. Ce plan de relance de 787 milliards de dollars américains destiné à financer une vaste gamme d’activités comporte des dispositions d’achat national qui inquiètent les Canadiens, lesquels y voient la concrétisation de la résurgence du protectionnisme américain. Aux termes de ces dispositions, les produits de fer et d’acier et les produits manufacturés utilisés dans un ouvrage financé par le plan de relance doivent être produits aux États-Unis. La loi précise par ailleurs que les dispositions en question doivent respecter les obligations commerciales des États-Unis et ne peuvent donc pas contrevenir aux modalités de traités comme l’ALENA ou aux engagements des États-Unis à l’OMC.

Les dispositions d’achat national continuent d’inquiéter l’industrie canadienne parce que les marchés passés par un gouvernement infranational ne relèvent pas du chapitre 10 de l’ALENA. Cela veut dire que les dépenses engagées aux termes de l’ARRA par des États ou des administrations locales, lesquelles représentent le gros des dépenses d’infrastructure, ne feront pas l’objet d’appels d’offres ouverts pour la fourniture de produits fabriqués au Canada aux termes de l’ALENA. Le Comité a déjà été saisi de cas où des entrepreneurs américains auraient refusé tout produit fabriqué au Canada. Le Comité a entendu parler en outre d’une société canadienne de fabrication de tuyaux thermo­plastiques dont les tuyaux ont été déterrés par un entrepreneur simplement pour ne pas risquer de devoir le faire après coup si ces dispositions sont effectivement appliquées[12].

Les dispositions d’achat national de l’ARRA font double emploi avec deux autres lois américaines sur le contenu national, les lois Buy American et Buy America[13]. Leurs dispositions sur le contenu national ont été contestées et confirmées aux termes de l’ALENA. En conséquence, d’un point de vue historique, il paraît probable que les dispositions d’achat national de l’ARRA seront elles aussi confirmées aux termes des accords commerciaux internationaux entre le Canada et les États-Unis.

En outre, plusieurs autres projets de loi dont est saisi le 111e Congrès[14] semblent limiter la possibilité pour les entreprises canadiennes de répondre aux appels d’offres relatifs à des marchés publics américains. On pense notamment au Water Quality Investment Act qui prévoit l’affectation de 13,5 milliards de dollars sur cinq ans à des projets d’amélioration de l’approvisionnement en eau potable et du traitement des eaux usées des municipalités, qui concerne directement les entreprises canadiennes qui participent actuellement à la construction d’ouvrages dans ce secteur aux États-Unis.

En outre, le Comité a appris que l’OMC a dénombré 137 cas dans le monde d’augmentation des droits, d’imposition de nouvelles barrières non tarifaires ou de nouvelles restrictions concernant les marchés publics depuis que les dirigeants du G‑20 s’étaient engagés en novembre 2008 justement à ne pas prendre de mesures de ce genre. En particulier, le président de Manufacturiers et Exportateurs du Canada Jayson Myers a dit au Comité que, en dépit de l’engagement du président Obama de ne pas restreindre l’accès au marché américain, les dispositions d’achat national ont pour effet de restreindre considérablement l’accès des exportateurs canadiens aux marchés publics des municipalités et des États[15].

2. Le message du Comité à Washington

Le Comité a exprimé ses préoccupations devant la montée du protectionnisme et le sentiment anti-libre échange qu’incarne la législation américaine courante. Les membres du Comité ont dit à leurs homologues américains que, à cause des dispositions sur l’achat de produits américains, les municipalités canadiennes adoptent des résolutions garantissant un accès réciproque à leur propre marché aux fournisseurs de pays qui donnent accès à leur marché aux entreprises canadiennes. La municipalité de Halton Hills a été la première à le faire. Elle a adopté le 15 avril 2009 la résolution suivante, qui a été présentée à, et adoptée par, la Fédération canadienne des municipalités lors de son congrès annuel qui a eu lieu du 5 au 8 juin 2009 :

…la Ville de Halton Hills adopte une résolution demandant que toutes les municipalités du Canada se donnent une politique d’approvisionnement suivant laquelle, pour tous les ouvrages d’infrastructure canadiens réalisés par des municipalités, y compris les ouvrages à caractère environnemental concernant l’adduction d’eau et le traitement des eaux usées, les produits et matériaux requis seront achetés uniquement auprès d’entreprises dont le pays d’origine n’impose aucune restriction à l’endroit des produits et matériaux fabriqués au Canada, et ce, de manière à encourager des pratiques commerciales ouvertes, justes et compétitives à l’échelle mondiale[16].

Certains témoins ont fait valoir que les mesures de rétorsion de ce genre ne sont pas dans l’intérêt du Canada à long terme, mais on nous a dit aussi qu’elles peuvent constituer un outil utile dans les négociations avec les États-Unis. Si les entreprises américaines constatent qu’elles ont un accès restreint aux marchés publics canadiens provinciaux et municipaux, la politique d’achat national des Américains pourrait perdre des partisans. Le Comité a rappelé aux membres du Congrès que si les provinces et les municipalités canadiennes prenaient de telles mesures, les entreprises américaines pourraient se trouver privées de la possibilité de décrocher des marchés publics au Canada et qu’elles vont certainement avoir de plus en plus de mal à vendre leurs produits sur le marché canadien.

CONCLUSION

Le Canada et les États-Unis ont la plus importante et la plus vaste relation commerciale du monde. Plus de 1,6 milliard de marchandises franchissent quotidiennement la frontière canado-américaine. La majorité des échanges concerne non pas des produits finis, mais des intrants et des composants, ce qui témoigne du degré élevé d’intégration des deux économies. Des millions d’emplois, des deux côtés de la frontière, dépendent de la fluidité des échanges de biens et de services entre les deux pays.

Cependant, les États-Unis ont adopté ces dernières années un certain nombre de politiques, de règlements et de mesures répondant principalement à un souci de sécurité. Ces mesures, et les problèmes d’infrastructure frontalière toujours non résolus, transforment progressivement la frontière canado-américaine qui, autrefois relativement facile à traverser, est devenue une véritable entrave à la libre circulation des marchandises, des services et des personnes.

C’est pour cette raison que le Comité permanent du commerce international a entrepris cette étude des questions relatives à la frontière canado-américaine. Il faut trouver le juste milieu entre l’impératif de sûreté et de sécurité, d’une part, et la préservation d’une relation commerciale ouverte qui permet de créer des emplois dans les deux pays et contribue à la compétitivité de l’Amérique du Nord, d’autre part. À notre avis, on a fait une place excessive à l’impératif de sûreté et de sécurité. Tout en respectant les préoccupations légitimes des Américains sur le plan de la santé et de la sécurité, nous avons voulu, par notre étude, rappeler à nos homologues américains l’importance des relations commerciales canado-américaines et les coûts économiques des obstacles qui entravent le commerce et l’investissement.

Parmi les témoins que nous avons entendus à Ottawa, plusieurs ont fait valoir que le Canada ne doit pas relâcher ses efforts de lobbying à Washington. On nous a dit que certains membres du Congrès des États-Unis ne sont pas au courant des problèmes qui se posent à la frontière canado-américaine et qu’ils ne sont pas conscients des conséquences, sur l’économie américaine, des mesures qui entravent la libre circulation des marchandises, des biens et des personnes à la frontière. Le gouvernement du Canada et les députés ont redoublé d’efforts, ces derniers mois, pour sensibiliser les Américains aux questions de commerce et de frontière, mais il faudra continuer de travailler en ce sens si nous voulons que nos deux pays finissent par régler les problèmes décrits dans le présent rapport.

Recommandation 1

Le gouvernement du Canada devrait multiplier les démarches pour mieux sensibiliser le gouvernement américain et le Congrès des États-Unis aux problèmes associés à la frontière canado-américaine et aux conséquences, pour nos deux pays, du « resserrement » de la frontière.

Recommandation 2

Le gouvernement du Canada devrait prendre l’initiative de proposer des solutions aux problèmes qui se posent à la frontière canado-américaine en cherchant notamment comment faciliter les échanges commerciaux tout en respectant le double impératif de sécurité et de souveraineté.

Pour ce qui est de la question des règles d’origine, nous pensons que le Canada doit dresser la liste des conséquences, sur les industries concernées du Canada et des États‑Unis, des mesures adoptées récemment par les États-Unis en la matière. La période d’examen courante de six à neuf mois offre au Canada l’occasion d’exposer à l’administration américaine les effets fâcheux des exigences de déclaration du pays d’origine sur les producteurs des deux côtés de la frontière.

Recommandation 3

Le gouvernement du Canada devrait mesurer les effets de la déclaration obligatoire du pays d’origine sur l’agriculture et les industries canadiennes, et communiquer ces informations aux autorités du département de l’Agriculture des États-Unis au cours de leur présent examen. Après que le département conclut son examen, le gouvernement du Canada doit s’assurer d’avoir accès aux résultats aussitôt que possible et doit profiter de l’occasion pour en discuter avec l’USDA.

Il est intéressant de noter que, durant notre étude, les personnes que nous avons entendues à Ottawa ont soulevé d’autres questions concernant les relations économiques entre le Canada et les États-Unis, notamment au sujet de l’ALENA, qui mériteraient d’après eux qu’on s’y attarde. Mentionnons pour mémoire le règlement des différends entre un investisseur et un État aux termes du chapitre 11, l’éventualité d’une renégociation des dispositions de l’ALENA sur le travail et sur l’environnement, le mécanisme de règlement des différends prévu aux chapitres 19 et 20, le rapport entre l’ALENA et le différend de longue date au sujet du bois d’œuvre et enfin l’éventualité de la négociation de nouvel accord à caractère économique entre le Canada et les États-Unis — qui pourrait remplacer l’ALENA ou l’emporter sur celui-ci et réglerait les problèmes actuels à caractère économique, social et environnemental qui concernent les deux pays. Ces questions débordent le cadre de la présente étude, mais elles méritent que le gouvernement du Canada s’y intéresse et pourraient faire l’objet de travaux futurs du Comité.


[1]              La secrétaire Napolitano s’est rendue au Canada après la rédaction de l’ébauche du présent rapport et a rencontré le ministre de la Sécurité publique Peter Van Loan. Elle a fait preuve, durant cette rencontre, d’une bien meilleure compréhension des problématiques différentes que présentent la frontière sud et la frontière nord aux États-Unis. Le ministre Van Loan et la secrétaire Napolitano ont fait des progrès dans un certain nombre de dossiers et ont convenu de se rencontrer au moins deux fois par an pour discuter de questions de sécurité d’intérêt mutuel.

[2]              National Post, « The Wacky World of Janet Napolitano », vendredi 27 mars 2009. Le texte intégral de l’article se trouve à l’adresse : http://www.nationalpost.com/related/topics/story.html?id=1436109.

[3]              Témoignages, réunion no 10, 31 mars 2009.

[4]              Témoignages, réunion no 9, 12 mars 2009.

[5]              Ibid.

[6]              Règlement des différends de l’OMC, Affaire DS384, « États-Unis — Certaines prescriptions en mati ère d’étiquetage indiquant le pays d’origine (EPO), http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/cases_f/ds384_f.htm ; MAECI, communiqué  de presse du 1er décembre 2008, http://w01.international.gc.ca/minpub/publication.aspx?publication_id=386638&lang=fra&docnum=232.

[7]              http://www.usda.gov/documents/0220_IndustryLetterCOOL.pdf [traduction].

[8]              Les dispositions à ce sujet se trouvent au chapitre 4 de l’ALENA.

[9]              L’alinéa 5 b) de l’annexe 311 de l’ALENA porte ce qui suit : « Chacune des parties devra exempter des prescriptions de marquage du pays d'origine un produit d'une autre Partie qui doit être soumis à un processus de production sur le territoire de la Partie importatrice par l'importateur, ou pour son compte, de sorte que le produit deviendra un produit de la Partie importatrice en vertu des règles de marquage. » Ainsi, l’abattage d’une bête a pour effet de faire de cette bête un bien de la partie importatrice.

[10]           Claude Guimond a demandé au nom du Comité que le département de l’Agriculture des États-Unis fournisse au gouvernement du Canada les résultats de cette étude dès qu’ils seront connus.

[11]           Témoignages, réunion no 19, 14 mai 2009.

[12]           Ibid.

[13]           Le Buy American Act a été promulgué en 1933 et, dans son état actuel, s’applique uniquement aux marchés publics et aux projets de construction couverts par le Federal Acquisition Regulation. Aux termes de cette loi, 51 p. 100 des éléments constitutifs des fournitures et des matériaux de construction doivent être fabriqués aux États-Unis pour que le produit final réponde aux exigences de contenu national. La seconde loi, la loi Buy America, a été promulguée en 1964 et s’applique maintenant principalement aux subventions octroyées aux États et aux collectivités locales par la Federal Transit Administration (FTA). Aux termes de cette loi, 100 p. 100 des éléments constitutifs des fournitures et des matériaux de construction doivent être fabriqués aux États-Unis pour que le produit final réponde aux exigences de contenu national. Pour de plus amples renseignements, voir Foley & Lardner LLP, « Buy American Provision in Stimulus Legislation Poses Serious Compliance Challenges for Public Works Contractors and DHS Suppliers », http://www.foley.com/publications/pub_detail.aspx?pubid=5720.

[14]           HR 629 Energy and Commerce Reinvestment Act; HR689 Air Force One Built in America Act; HR580 Purchasing Low Emission Vehicles for Use in Government Act; HR 595 American Steel First Act of 2009; HR 861 Strategic Targeted American Recovery and Transition Act of 2009; HR 2187 21st Century Green High-Performing Public School Facilities Act, par exemple. Ces exemples ont été cités par Manufacturiers et Exportateurs du Canada lors de l’audience du 14 mai 2009.

[15]           Témoignages Réunion no 19, 14 mai 2009.

[16]           Ville de Halton Hills, Report, 15 avril 2009, http://www.haltonhills.ca/calendars/2009/ADMIN-2009-0024.pdf.