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CIMM Rapport du Comité

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INTRODUCTION

La citoyenneté canadienne a connu d’importants changements quand le projet de loi C‑37 est entré en vigueur en avril 2009. D’abord et avant tout, le projet de loi C‑37 a permis de régler la situation d’un bon nombre de « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté », des personnes qui se croyaient canadiennes, mais qui n’avaient pas la citoyenneté pour diverses raisons techniques. Le projet de loi a aussi remplacé la disposition de rétention visant les enfants nés à l’étranger de parents canadiens par un seuil qui limite la transmission de la citoyenneté par filiation à la première génération née à l’étranger.

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration s’intéresse depuis longtemps aux questions de citoyenneté. Il a publié de nombreux rapports sur le sujet au cours des années et a contribué de façon importante à l’élaboration du projet de loi C‑37. Il semble donc à-propos que le Comité se penche de nouveau sur la question, qu’il examine la mise en œuvre du projet de loi C‑37 et qu’il détermine quelles mesures restent à prendre.

Canadiens dépossédés de leur citoyenneté

Le projet de loi C-37 visait à régler le problème des Canadiens dits « dépossédés de leur citoyenneté », qui se considéraient comme citoyens canadiens et qui souhaitaient faire partie de la société canadienne, mais qui, pour divers motifs juridiques, n’étaient plus citoyens canadiens ou ne l’avaient carrément jamais été[1]. Dans bien des cas, ils avaient appris qu’ils n’étaient pas citoyens canadiens au moment de présenter une demande pour obtenir un certificat de citoyenneté canadienne ou un autre document.

Le projet de loi C-37 a permis de redonner la citoyenneté à un bon nombre de Canadiens en ayant été dépossédés. Un témoin a d’ailleurs affirmé que C-37 était un merveilleux projet de loi ayant permis à des centaines de personnes de retrouver la citoyenneté[2]. Toutefois, le projet de loi C-37 n’a pas eu pour effet d’attribuer rétroactivement la citoyenneté, ou de la rétablir, à toutes les personnes qui en avaient été dépossédées[3]. À l’époque, la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Mme Diane Finley, avait affirmé que le projet de loi permettrait de régler 95 % des cas de personnes qui avaient perdu leur citoyenneté et que les autres cas seraient traités individuellement en utilisant les pouvoirs discrétionnaires prévus par l’article 5(4) de la Loi sur la citoyenneté[4]. Les représentants de Citoyenneté et Immigration Canada ont expliqué que, pour ces cas, les agents de citoyenneté prennent en considération le lieu de résidence des demandeurs, la durée de leur résidence au Canada et leur croyance raisonnable qu’ils ont été des citoyens canadiens. De plus, les agents de citoyenneté évaluent si le fait de ne pas leur attribuer la citoyenneté causera une situation particulière et inhabituelle de détresse[5]. Depuis 2007, 184 cas de Canadiens dépossédés de leur citoyenneté ont été approuvés par le gouverneur en conseil en vue de l’attribution discrétionnaire de la citoyenneté[6].

Des témoins ont affirmé que le gouvernement n’avait pas profité suffisamment des pouvoirs discrétionnaires lui permettant de régler les cas laissés en suspens par le projet de loi
C-37[7]. Selon Don Chapman, il y aurait 71 cas toujours non réglés. Certains témoins ont d’ailleurs expliqué au Comité qu’ils croyaient avoir été lésés par le gouvernement puisqu’ils n’avaient toujours pas pu recouvrer la citoyenneté canadienne[8].

Dans son rapport intitulé Recouvrer sa citoyenneté : un rapport sur la perte de la citoyenneté canadienne, le Comité avait recommandé au gouvernement de régler le problème de tous les Canadiens dépossédés de la citoyenneté[9]. Le Comité est d’avis que le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme est en mesure de régler ces situations en utilisant l’article 5(4) de la Loi sur la citoyenneté qui, malgré les autres dispositions de loi, lui confère le pouvoir d’attribuer la citoyenneté dans des situations particulières[10]. Bien que le Comité reconnaisse que ces cas doivent être considérés avec attention, il croit que le processus décisionnel devrait être accéléré.

Recommandation 1
Le Comité recommande que le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme, en vertu de la disposition prévue à l’article 5(4) de la Loi sur la Citoyenneté qui l’autorise à attribuer la citoyenneté, s’assure que l’examen des cas qui n’ont pas été réglés par la mise en œuvre du projet de loi C-37 soit mené à terme le plus rapidement possible.

La situation des enfants adoptés à l’étranger

Le projet de loi C‑14, devenu loi en 2007, autorise les parents canadiens qui adoptent un enfant à l’étranger à demander l’attribution directe de la citoyenneté à leur enfant. Cette option permet aux parents de faire attribuer la citoyenneté à leur enfant adopté à l’étranger sans avoir à passer par le processus de naturalisation. Toutefois, la capacité des enfants adoptés à transmettre leur citoyenneté canadienne a par la suite été modifiée par le projet de loi C‑37. En effet, un enfant adopté à l’étranger ayant obtenu la citoyenneté canadienne par attribution directe est traité de la même façon qu’un enfant de première génération né à l’étranger de parents canadiens : ni l’un ni l’autre ne peut transmettre sa citoyenneté canadienne à ses descendants nés à l’étranger.

Les parents peuvent également choisir de faire attribuer la citoyenneté à leur enfant adopté à l’étranger par le processus de naturalisation. Pour ce qui est des amendements apportés par le projet de loi C‑37, les enfants adoptés ainsi naturalisés sont traités de la même façon que les immigrants au Canada : ils peuvent donc transmettre leur citoyenneté canadienne à leur propre descendance née à l’étranger.

Le Comité a entendu les préoccupations de personnes et de groupes concernés par ces nouvelles mesures. Pour eux, les nouvelles règles constituent une mesure discriminatoire à l’endroit des enfants adoptés et instaurent deux classes de citoyens : ceux qui peuvent transmettre la citoyenneté et ceux qui ne le peuvent pas[11]. En ce sens, les préoccupations des groupes intéressés rejoignent celles exprimées au sujet des enfants de deuxième génération nés à l’étranger (voir plus bas). Par contre, les groupes concernés ont mis l’accent sur le fait que, bien qu’ils soient nés à l’étranger, les enfants adoptés arrivent au Canada à un très jeune âge, y grandissent et ont souvent des frères et sœurs qui eux sont nés au Canada et peuvent transmettre la citoyenneté par filiation.

Tous ces inconvénients font en sorte que plusieurs parents adoptifs n’utilisent pas le mécanisme instauré par le projet de loi C-14 et préfèrent parrainer l’enfant adoptif en tant que résident permanent[12]. Le Comité est d’avis que les enfants adoptifs ne devraient pas être traités différemment des enfants nés en sol canadien.

Recommandation 2
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada accorde aux enfants adoptés à l’étranger par des parents canadiens résidant habituellement au Canada le même statut juridique que les enfants nés au Canada.

Les enfants de deuxième génération nés à l’étranger

Le projet de loi C-37 a modifié la façon dont la citoyenneté par filiation peut être transmise aux enfants nés à l’étranger de parents canadiens. En vertu du nouvel article 3(3) de la Loi sur la citoyenneté, les citoyens ne peuvent transmettre la citoyenneté à leurs enfants de la deuxième génération, ou des générations subséquentes, nés à l’étranger. Une exception s’applique aux personnes nées d’un parent canadien travaillant à l’étranger dans les forces armées canadiennes ou avec celles-ci, dans l’administration publique fédérale ou dans celle d’une province, sauf si le parent a été engagé sur place (paragraphe 3(5)). Le gouvernement soutient que cette disposition vise à s’assurer que la citoyenneté canadienne ne soit pas transmise indéfiniment à des personnes n’entretenant aucun lien avec le Canada.

Toutefois, des témoins ont indiqué au Comité que cette disposition du projet de loi C-37 manque de nuances et ne prend pas en considération l’ensemble des liens que les parents peuvent entretenir avec le Canada. Ainsi, un témoin a rappelé qu’un Canadien, même s’il vit à l’étranger, peut contribuer au développement économique et culturel du Canada[13]. De plus, cette disposition est jugée discriminatoire pour certains témoins puisqu’elle entraine des conséquences fâcheuses pour les femmes. Un témoin a expliqué que pour s’assurer de transmettre sa citoyenneté à son futur enfant, une femme née à l’étranger occupant un emploi à l’extérieur du Canada pourrait choisir de quitter son emploi afin d’accoucher en sol canadien[14].

Enfin, certains témoins ont noté qu’en limitant la transmission de la citoyenneté par filiation aux enfants de deuxième génération, le gouvernement créait une situation dans laquelle certains enfants nés à l’étranger de parents canadiens pourraient être apatrides[15]. En effet, certains pays n’accordent pas automatiquement la citoyenneté aux enfants nés sur leur territoire de parents étrangers. Bien que plusieurs pays aient prévu un mécanisme afin d’attribuer la citoyenneté aux enfants nés sur le territoire qui, autrement, seraient apatrides, la complexité des lois sur la citoyenneté fait en sorte que le risque d’apatridie n’est pas à négliger[16]. À ce sujet, le ministère peut émettre un document d’aller simple à un enfant apatride lui permettant de voyager au Canada[17]. L’enfant pourrait ensuite, en vertu d’une disposition du projet de loi C-37, obtenir la citoyenneté après avoir résidé au Canada pendant au moins trois années[18].

Malgré ces conséquences négatives, certains témoins ont toutefois reconnu la nécessité pour le gouvernement de s’assurer que la citoyenneté ne soit pas transmise indéfiniment à des personnes n’entretenant peu ou pas de liens avec le Canada[19]. Le Comité est d’avis qu’il est dans l’intérêt du Canada que le gouvernement s’assure que la citoyenneté ne soit pas transmise à des « citoyens de convenance ». Toutefois, il juge que la méthode préconisée par le projet de loi C‑37 ne permet pas de juger adéquatement des véritables liens qu’entretient une personne avec le Canada. Nous pensons que l’attachement des parents au Canada peut se mesurer par la période de temps pendant laquelle ils ont résidé au Canada avant la naissance de leur enfant.

Recommandation 3 
Le Comité recommande que le gouvernement du Canada permette la transmission de la citoyenneté par filiation pour les enfants nés à l’étranger d’un parent canadien à condition que le parent canadien ait résidé au Canada pendant une certaine période, qui sera déterminée par voie législative, précédant la naissance de l’enfant.

CONCLUSION

L’acquisition et la transmission de la citoyenneté sont des questions fondamentales pour tout État. Les recommandations faites dans ce rapport visent à régler des problèmes précis qui ont été soulevés lors de la mise en œuvre du projet de loi C-37. À ce titre, elles sont des solutions à court terme. Maintenant que la question des Canadiens dépossédés de leur citoyenneté a été abordée, le Comité tient à s’assurer que des situations similaires ne se produisent plus. Pour ce faire, il croit opportun de revoir les fondements de la citoyenneté et d’aborder les questions suivantes : notre façon d’attribuer la citoyenneté devrait-elle être revue en fonction de critères différents ? Comment juger des liens qu’entretient une personne avec le Canada ? Le lieu de naissance doit-il toujours avoir préséance sur d’autres critères tels que la résidence au Canada ? Le Comité croit qu’il est temps de se pencher sur ces questions et souhaite en faire le sujet d’une étude ultérieure.


[1]      Par exemple, une personne née à l’étranger avant 1977 pouvait acquérir la citoyenneté canadienne par filiation paternelle si elle était née dans les liens du mariage, et par filiation maternelle si elle était née hors mariage. Cette règle anachronique a eu pour effet de priver de leur citoyenneté canadienne les enfants nés d’une mère canadienne et d’un père étranger mariés, et ceux nés d’un père canadien et d’une mère étrangère non mariés.

[2]      Don Chapman, Lost Canadian Organization, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0930.

[3]      En général, il ne s’applique pas à plusieurs groupes de Canadiens dépossédés de leur citoyenneté qui sont nés, ou ont été naturalisés au Canada, avant 1947. Il ne s’applique pas aux Canadiens de la deuxième génération ou des générations suivantes qui sont nés à l’étranger après le 14 février 1977 et qui ont perdu leur citoyenneté canadienne parce qu’ils n’ont pas demandé à la conserver et ne se sont pas fait enregistrer comme citoyens avant l’âge de 28 ans. Enfin, il ne s’applique pas aux personnes qui possèdent une carte de citoyenneté délivrée par « erreur ». À ce sujet voir, Penny Becklumb, Projet de loi C-37 : Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté, LS-591F, Service d’information et de recherches parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, janvier 2008, p. 14. Disponible à : http://lpintrabp.parl.gc.ca/lopimages2/prbpubs/ ls3921000/392c37-f.asp.

[4]      Citoyenneté et Immigration Canada, Projet de loi visant à réintégrer les canadiens déchus dans la citoyenneté, 10 décembre 2007 (http://www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/communiques/2007/2007-12-10.asp, consulté le 12 juin 2009).

[5]      Citoyenneté et Immigration Canada, CP4: Attribution de la citoyenneté, 2007-03-20, p. 4

[6]      Andrew Griffith, Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Témoignages, réunion no 23, 16 juin, 2009, 0905.

[7]      Don Chapman, Lost Canadian Organization, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0935.

[8]      À ce sujet, voir Jacqueline Scott, à titre personnel, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0920;, Marcel Gélinas, à titre personnel, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0945.

[9]      Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Recouvrer sa citoyenneté : un rapport sur la perte de la citoyenneté canadienne, 2e rapport, 2e session, 39e législature, décembre 2007 (/content/committee/392/cimm/reports/rp3159522/cimmrp02/cimmrp02-f.pdf).

[10]     Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, 5(4).

[11]   Dorinda Cavanaugh, Terre des hommes – pour les enfants et Terre des hommes Ontario, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1000; Sandra Forbes, Children’s Bridge, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1010; Sarah Pedersen, Adoption Council of Canada, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1015; Andrew Bilski, à titre personnel, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1020.

[12]   Sandra Forbes, Children’s Bridge, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1010.

[13]   Allan Nichols, Canadian Expat Association, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 1050.

[14]   Ibid., 1040.

[15]   Naeem Noorani, Canadian Immigrant Magazine, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0915.

[16]   Conseil canadien pour les réfugiés, Citoyenneté canadienne – conséquences des modifications, mémoire, 12 juin 2009.

[17]   Andrew Griffith, Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, Témoignages, réunion no 23, 16 juin, 2009, 0905.

[18]   Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, 5(5).

[19]   Naeem Noorani, Canadian Immigrant Magazine, Témoignages, réunion no 22, 11 juin 2009, 0915.