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FEWO Rapport du Comité

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Chapitre 5 : Renforcer le troisième pilier du système de revenu de retraite

A. Principales recommandations

Au cours de son étude, le Comité a été amené à conclure que, pour assurer la sécurité du revenu des personnes âgées — hommes et femmes —, il faudra plus que de légères modifications aux trois piliers du système de revenu de retraite. Les témoins l’ont encouragé à examiner des moyens de renforcer le troisième pilier. Le Comité a trouvé impressionnante la diversité des propositions qu’ont formulées les spécialistes des régimes de retraite, les chercheurs et les représentants d’organismes du secteur privé et d’organisations syndicales du Canada. Bien qu’il ne soit pas prêt à appuyer aucune de ces propositions pour l’instant, il souscrit à l’idée, maintes fois exprimée, qu’un sommet sur les pensions serait l’occasion d’un débat approfondi sur les revenus de retraite.

Le Comité salue le gouvernement fédéral pour ses consultations récentes sur le renforcement du cadre législatif et réglementaire des régimes privés de pensions. Il attend aussi avec impatience les conclusions du Groupe de travail sur le caractère adéquat du revenu de retraite, qui doit remettre son rapport aux ministres fédéral et provinciaux des Finances en décembre. Le Comité recommande :

Recommandation 7

Que le gouvernement continue d’examiner attentivement les moyens par lesquels il peut mieux protéger le niveau de vie des Canadiens à la retraite, en apportant les changements récemment annoncés aux règlements qui s’appliquent aux régimes de retraite complémentaires régis par le gouvernement fédéral; qu’il collabore avec toutes les parties qui doivent assister à la réunion des ministres des Finances les 17 et 18 décembre à Whitehorse pour examiner attentivement les résultats du groupe de travail sur le caractère adéquat du revenu de retraite.

Cette initiative marque un bon départ, mais ne constitue qu’un élément du vaste projet de réforme du système de retraite. Le Comité recommande :

Recommandation 8

Que le gouvernement tienne un sommet sur les pensions en 2010 et fasse en sorte que ce sommet réunisse l’éventail le plus complet possible d’intervenants pour que les solutions proposées tiennent compte des situations diverses des Canadiens : hommes et femmes; milieux rural et urbain; Autochtones, Canadiens de souche et immigrants; salariés, employeurs et travailleurs autonomes; personnes handicapées, jeunes et personnes âgées.

Le Comité est apte à conclure qu’il y a une importante problématique hommes-femmes à évaluer dans toutes les propositions de mesures et de lois portant sur les pensions. La présence des femmes dans la population active a grandement progressé au cours des dernières décennies, mais elles continuent de gagner moins que les hommes et d’assumer une part beaucoup plus grande du travail de soins non rémunéré. Qui plus est, les femmes ont une espérance de vie plus longue que les hommes et devront donc étirer leur épargne-retraite sur une plus longue période. Selon le Comité, il faut se garder d’être trop optimiste en pensant que l’écart entre les hommes et les femmes au chapitre du revenu de retraite disparaîtra dans un proche avenir. Si le gouvernement établit ses politiques en se basant sur ce postulat erroné, les femmes âgées continueront d’être plus pauvres que les hommes âgés pendant encore de nombreuses années, ce qui serait inacceptable. Le Comité recommande par conséquent :

Recommandation 9

Que le gouvernement fédéral effectue de façon approfondie une analyse comparative entre les sexes de toutes les propositions de mesures touchant les femmes et les pensions. À cette fin, il faudrait prendre en considération l’effet du travail de soins non rémunéré sur le revenu à vie des femmes; l’effet des soins dispensés aux personnes âgées, responsabilité surtout assurée par les femmes; et le fait que les femmes ont une espérance de vie plus longue que les hommes.

L’analyse comparative entre les sexes nécessite des données ventilées selon le sexe. Le Comité a été informé qu’il est difficile d’obtenir ce genre de données sur les femmes et les pensions au niveau fédéral. Il recommande donc :

Recommandation 10

Que toutes les données du gouvernement fédéral sur les pensions et les revenus soient ventilées selon le sexe, aux fins de l’analyse comparative entre les sexes, de manière à faciliter le suivi des tendances dans les revenus de retraite des femmes et des hommes. Le Comité recommande aussi que les futurs examens triennaux du Régime de pensions du Canada déterminent clairement les effets possibles des changements sur les femmes et les hommes.

B. Aperçu des mesures proposées

Au chapitre 4, nous avons vu que beaucoup de Canadiens n’épargnent pas suffisamment pour maintenir leur niveau de vie à la retraite. Le Comité partage l’avis de Mme Martine Sohier, actuaire-conseil principale, Retraite, Watson Wyatt Worldwide :

À l'évidence, il faut élargir la protection en matière de pension et augmenter les économies des Canadiennes qui travaillent dans le secteur privé. Nous devons donc trouver de nouvelles façons d'aider les femmes à épargner pour leur retraite et compenser l'épargne-retraite moins élevée qu'elles ont accumulée à cause de leur parcours irrégulier sur le marché du travail[46].

Différentes mesures actuellement à l’étude au Canada visent à régler cette situation. Le présent chapitre fait état de certaines de ces propositions et des opinions des témoins à leur sujet.

Les principaux changements proposés consistent à :

  •  Élargir la protection du RPC par la hausse du taux de remplacement ou par une hausse généralisée des cotisations;
  • Ajouter un niveau au régime public de pensions pour compléter les prestations provenant des autres piliers du système de revenu de retraite. C’est le sens d’une proposition présentée conjointement par l’Alberta et la Colombie-Britannique ainsi que du projet de RSRC élaboré par Keith Ambachtscheer et décrit dans une publication du C.D. Howe Institute[47];
  • Favoriser l’établissement de régimes de pensions plus vastes, soit en permettant aux petites entreprises, aux gens de métier et aux professionnels d’instaurer des régimes coopératifs, soit en permettant aux institutions financières d’instaurer des régimes interentreprises;
  • Modifier le cadre financier et réglementaire de façon à intégrer de nouvelles dispositions dans les régimes de pensions, à encourager plus d’employeurs à instaurer des régimes et à autoriser les travailleurs autonomes à adhérer à un régime.

a) Élargir la protection du Régime de pensions du Canada

Diverses organisations jugent nécessaire d’offrir une meilleure protection en matière de revenu de retraite à la majorité des Canadiens qui n’ont pas de régime privé de pensions. L’Association canadienne des individus retraités propose l’établissement d’un régime universel de pensions pour les personnes sans régime d’employeur.
Instauré graduellement sur un certain nombre d’années, le régime universel de pensions élargirait la protection du RPC de façon à fournir 70 % du revenu d’avant la retraite.

Le Congrès du travail du Canada a également proposé une mesure qui vise à élargir la protection du RPC. Il s’agirait de doubler la proportion des gains moyens que remplace le RPC en la faisant passer de 25 à 50 % sur une période de sept à dix ans jusqu’à concurrence de 1 635 $ par mois, mesure qui serait financée par la hausse des cotisations des travailleurs et des employeurs.

L’élargissement de la protection serait obligatoire pour tous les employeurs et les travailleurs. Certains témoins ont vanté les mérites de l’universalité, alors que d’autres ont dit craindre que cette mesure n’alourdisse la charge des entreprises.

Le Comité recommande ce qui suit :

Recommandation 11

Que le taux de remplacement prévu par le Régime de pensions du Canada de 25 % soit porté à 50  %, pour garantir un revenu décent et un niveau de vie acceptable, et que cette modification soit apportée progressivement au cours des dix prochaines années.

b) Régime supplémentaire de retraite

Plusieurs propositions visent à élargir le système public par l’instauration d’un régime supplémentaire de retraite. Le Comité a appris, par exemple, que l’Alberta et la Colombie-Britannique proposent d’établir un régime supplémentaire à cotisations déterminées et à participation volontaire qui viendrait s’ajouter au RPC. Keith Ambachtscheer, professeur adjoint de finances à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto, a présenté un projet de régime supplémentaire de retraite dans un document publié en 2008 par le C.D. Howe Institute et intitulé Le régime supplémentaire de retraite du Canada (RSRC — Vers un régime de retraite adéquat et abordable pour tous les Canadiens[48].

Ce modèle présente notamment les caractéristiques qui suivent : les cotisations seraient volontaires pour les travailleurs et les employeurs; le régime assurerait une protection complète aux travailleurs et la transférabilité des fonds d’un emploi à l’autre au Canada; les institutions qui administrent les pensions agiraient de manière transparente et rentable; les cotisations seraient prélevées au moyen des systèmes de paie qui perçoivent les fonds du RPC et de l’assurance-emploi, ce qui faciliterait le travail administratif des employeurs; et une protection pourrait être envisagée pour les gens qui ne font pas partie de la population active.

Si certains témoins considéraient la participation volontaire comme un atout, d’autres étaient d’avis que ce type de régime n’empêcherait pas que des groupes de Canadiens continuent d’avoir un revenu de retraite insuffisant. Le Comité recommande :

Recommandation 12

Que le gouvernement, conditionnel à l’approbation des provinces, instaure un régime de pensions du Canada supplémentaire et facultatif afin d’aider les Canadiens à économiser davantage.

c) Régimes coopératifs et régimes interentreprises

Une autre façon d’accroître la protection et l’épargne-retraite dans les petites et moyennes entreprises consisterait à encourager la création de régimes interentreprises à l’intérieur d’une industrie ou d’un secteur d’activité. Mme Claudette Carbonneau, de la CSN, a expliqué un des grands avantages des régimes interentreprises :

Ils permettent de regrouper un nombre important de petites entreprises et d'atteindre une masse critique suffisante pour permettre des économies d'échelle sur les frais de gestion et d'administration. Plus encore, ils permettent d'instaurer des régimes à prestations déterminées là où cela s'avère extrêmement difficile[49].

Les représentants de Watson Wyatt ont indiqué que les régimes interentreprises auraient comme avantages des frais de gestion moindres et une surveillance professionnelle de la gestion des placements. Il serait ainsi plus facile pour les Canadiens d’épargner en vue de leur retraite. La Confédération des syndicats nationaux a donné au Comité un exemple de régime sectoriel établi pour les services de garde au Québec :

On a réussi à y mettre en place un régime qui vise 1 400 petites entreprises d'environ une trentaine d'employés. Cela permet d'offrir un fonds de pension très intéressant à 50 000 travailleuses, puisque ce sont majoritairement des femmes. Avant la mise sur pied de ce régime, il y avait seulement quelques régimes d'accumulation de capital dans ces entreprises. En regroupant l'ensemble des entreprises du secteur dans un même régime, il a été possible de mettre sur pied un régime de retraite à prestations déterminées de type « salaire final ». Bien que les travailleuses aient à changer d'employeur durant leur carrière, elles demeurent très souvent dans le même secteur[50].

Selon des témoins, il faudrait peut-être apporter des changements d’ordre législatif et réglementaire pour faciliter la création de ce type de régime.

d) Modification du cadre financier et réglementaire

Les témoins ont parlé d’éléments du cadre financier et réglementaire qui empêchent les sans-emploi de cotiser à un régime enregistré. Par exemple, M. Jean-Pierre Laporte a rappelé au Comité que « la Loi de l'impôt sur le revenu […] stipule qu'on ne peut pas avoir un régime de pensions à moins qu'il y ait une relation de travail, c'est-à-dire un revenu établi dans un T4[51] ». Des témoins ont dit qu’il faudrait modifier le cadre financier et réglementaire pour autoriser les travailleurs autonomes à adhérer à un régime de pensions. Ils ont aussi indiqué qu’il faudrait examiner des moyens de permettre aux travailleurs, qui ne participent pas à un régime à prestations déterminées, d’avoir des limites de cotisations leur permettant d’accumuler une épargne comparable à celle des travailleurs qui participent à ce type de régime.

[46]   Témoignages, 2e session, 40e législature, 17 novembre 2009 (Mme Martine Sohier, actuaire-conseil principale, Retraite, Watson Wyatt Worldwide).

[47]   Keith Ambachtsheer, Le RSRC — Vers un régime de retraite adéquat et abordable pour tous les Canadiens, C.D. Howe Commentary 265, mai 2008, http://www.cdhowe.org/pdf/commentary_265french.pdf.

[48]   Ibid.

[49]   Témoignages, 2e session, 40e législature, 19 novembre 2009 (Mme Claudette Carbonneau, présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)).

[50]   Ibid.

[51]   Témoignages, 2e session, 40e législature, 17 novembre 2009 (M. Jean-Pierre Laporte, avocat, à titre personnel).