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PACP Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Au chapitre 7 de son rapport Le Point de mai 2006 le Bureau du vérificateur général (BVG) a présenté les résultats de sa vérification de suivi de la gestion, par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC, le Ministère), de l’acquisition de bureaux loués à l’usage des ministères et organismes fédéraux. Le BVG note dans son rapport que, même si les ministères et organismes clients, le Conseil du Trésor et TPSGC partagent la responsabilité de rendre compte du coût des bureaux (ce qui peut occasionner des retards et des frais supplémentaires), TPSGC a le pouvoir d’imposer des solutions en matière de locaux[1]. Le BVG affirme cependant que le Ministère n’a pas toujours usé de ce pouvoir, ce qui a donné lieu, à l’occasion, à des frais supplémentaires pour l’État et les contribuables canadiens.

Pour illustrer ce point, le BVG donne un exemple dans lequel un organisme fédéral (l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, ci‑après désignée Agence ou DEC) a rejeté l’option recommandée par le Ministère, après un appel d’offres concurrentiel, pour les locaux de son siège social montréalais. Le bail des locaux occupés (au 800, Place Victoria) devant expirer en mars 2003, le Ministère avait commencé dès décembre 2000 à chercher de nouveaux locaux. Un appel d’offres concurrentiel avait été lancé et avait abouti au choix de nouveaux locaux à Place Bonaventure. Le Ministère et l’Agence s’étant entendus sur ce choix, un bail a été signé avec les propriétaires.

Dans la pièce exposant les détails de ce cas, le BVG note cependant que « le secrétaire d’État responsable de l’Agence a adressé au ministre de TPSGC une lettre demandant le renouvellement du bail à la Place Victoria. Le Ministre a approuvé le renouvellement[2]. »

L’Agence a fait connaître sa décision de rejeter le résultat de l’appel d’offres concurrentiel deux semaines après que TPSGC a convenu de signer un nouveau bail avec les propriétaires de Place Bonaventure. Le BVG a déterminé qu’en n’exerçant pas son pouvoir d’imposer les résultats de l’appel d’offres, le Ministère avait occasionné des frais supplémentaires de 4,6 millions de dollars. Ce cas a retenu l’attention du Comité parce qu’il semblait témoigner d’un manque de considération pour les coûts qui en ont découlé pour le Ministère, le gouvernement et les contribuables canadiens. Le Comité a donc décidé de l’examiner en détail.

Le 8 juin 2006, le Comité a entendu des témoins représentant Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du vérificateur général du Canada dans le cadre de l’examen du chapitre 7 du rapport Le Point de 2006 intitulé « L’acquisition de bureaux loués »[3]. Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, et Bruce Sloan, directeur principal, représentaient le Bureau du vérificateur général du Canada. David Marshall, sous-ministre, et Tim McGrath, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des biens immobiliers, ont témoigné au nom de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le Secrétariat du Conseil du Trésor était représenté par Jim Libby, directeur exécutif, Autorité de l’acceptation des systèmes financiers, et Blair James, directeur exécutif, Direction des actifs et des services acquis.

Au cours de la réunion du 8 juin, des membres du Comité ont demandé que le Ministère présente des documents au sujet de deux cas mentionnés dans la vérification, celui du 800, Place Victoria, et un autre concernant des locaux à Hamilton (Ontario). Pour le premier, le Comité a demandé au Ministère de déposer des copies de la correspondance échangée entre les ministres de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et le secrétaire d’État responsable de l’Agence de développement économique du Canada ainsi que des documents relatifs au processus d’appel d’offres. Le Comité a reçu ces documents le 20 juillet 2006. Lorsqu’il a repris ses travaux en septembre 2006, il a constaté que la documentation fournie était insuffisante. Le président du Comité a alors écrit au sous-ministre de TPSGC pour lui demander des renseignements supplémentaires.

Le Comité a reçu par la suite quatre autres ensembles de documents et deux lettres de TPSGC[4]. Il en a également demandé à l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, qui les lui a fournis le 12 janvier 2007.

Le 31 janvier 2007, le Comité a entendu des témoignages concernant les événements qui ont abouti à la décision de louer des locaux à Place Victoria pour le siège social de l’Agence[5]. David Marshall, sous-ministre et administrateur des comptes, a comparu au nom de TPSGC, en compagnie de M. McGrath, sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des biens immobiliers, et de Mario Arès, gestionnaire régional, Actifs et installations. Bruce Sloan, directeur principal, représentait le Bureau du vérificateur général. Michelle d’Auray a également comparu à titre de présidente en exercice de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Carol Beal, anciennement de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et actuellement sous-ministre adjointe à la Direction générale des opérations des programmes d’Infrastructure Canada, a comparu à titre personnel.

Le Comité a tenu cinq autres réunions pour discuter de cette question. Le 21 mars 2007, il a entendu André Gladu, qui occupait les fonctions de sous-ministre responsable de l’Agence lorsque la décision de location a été prise[6]. M. Gladu, qui avait depuis pris sa retraite de la fonction publique, a comparu à titre personnel. Le 13 juin 2007, le Comité a entendu Claude Drouin, qui était ministre responsable de l’Agence lorsque la décision de location a été prise[7]. Le 4 mars 2008, le Comité a entendu Gary E. Polachek, dont la société était propriétaire de Place Victoria, et Janice Cochrane, ancienne sous-ministre de TPSGC[8]. Le 6 mars 2008, le Comité a rencontré Alfonso Gagliano et Ralph Goodale, anciens ministres de TPSGC[9]. Le 3 avril 2008, le Comité a reçu Jean-Marc Bard, ancien chef de cabinet d’Alfonso Gagliano, Don Boudria, ancien ministre de TPSGC, et Claude Drouin[10].

CONTEXTE

Dans sa quête pour tenter de comprendre ce qui s’est passé lors de la recherche de locaux à louer pour abriter les bureaux de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, le Comité a reçu de nombreux documents de TPSGC et entendu de nombreux témoins. Le rapport qui suit résume ce que le Comité a appris et décrit comment il se fait que l’Agence a décidé de ne pas déménager après un appel d’offres de TPSGC et que le gouvernement a fini par louer des locaux à la fois à la Place Bonaventure et à la Place Victoria.

A. Documents

La documentation fournie au Comité a permis d’établir les faits suivants. Le bail de 10 ans du siège social montréalais de l’Agence devait expirer le 31 mars 2003. L’Agence occupait des locaux au 800, Place Victoria, depuis avril 1972. Le bail avait été renouvelé précédemment après des négociations avec les propriétaires de l’immeuble.

En décembre 2000, TPSGC a pris des mesures préliminaires en prévision de l’expiration du bail en 2003. En février 2001, des membres du personnel du Ministère se sont entretenus avec des représentants de l’Agence pour connaître les besoins de celle-ci et déterminer le processus à suivre pour trouver des locaux répondant à ces besoins. Les interlocuteurs ont décidé de procéder d’abord à une étude de marché afin de déterminer quels locaux étaient disponibles dans le centre-ville de Montréal. Ils ont convenu que l’étude tiendrait compte des locaux aussi bien de la classe A que de la classe B. L’Agence s’est engagée à informer le Ministère du coût d’un déménagement de ses opérations[11]. Une fois l’étude de marché terminée, un appel de manifestations d’intérêt devait être lancé et être suivi d’un appel d’offres.

Le 7 mai 2001, le Conseil régional de gestion des investissements (CRGI) du Ministère pour le Québec a examiné le projet de bail proposé, et il l’a officiellement approuvé le 5 juin 2001. Un projet de bail légèrement modifié par le CRGI a ensuite été transmis au Conseil de gestion des investissements (CGI) du Ministère à Ottawa pour approbation[12].

Le 11 juin 2001, Jean-Marc Bard, alors adjoint du ministre de TPSGC Alfonso Gagliano, a demandé que le dossier des locaux de l’Agence soit mis en attente. Toutefois, le CGI avait déjà recommandé (le 12 juin) d’aller de l’avant. Les fonctionnaires du Ministère ont donc décidé de transmettre à la sous-ministre adjointe, Direction générale des biens immobiliers, pour signature, la lettre d’approbation accompagnée de la recommandation du CGI, afin d’éviter tout autre retard.

La sous-ministre adjointe, Carol Beal, a alors adressé une note de service au directeur général régional du Québec pour signaler que son bureau avait été informé, « quelques heures après la réunion du Conseil » du 12 juin, que le bureau du ministre « avait un intérêt pour ce projet » et « a demandé à la région de mettre le projet en attente ». Elle a ajouté : « Il est entendu que la région devra faire un suivi de la situation et ne pourra procéder avec le projet que lorsque cette situation aura été réglée. » Notant que le CGI avait recommandé l’approbation du projet de location, elle s’est dite d’accord avec cette recommandation et a accordé l’approbation demandée[13]. Le 31 du même mois, la sous-ministre de TPSGC, Janice Cochrane, a envoyé une note au ministre pour expliquer la stratégie utilisée pour « relocaliser le client [Agence de développement économique pour les régions du Québec] par voie d’appel d’offres public ». La sous-ministre précise : « Les analyses financières indiquent que la solution recommandée est plus économique qu’un renouvellement par voie de négociation directe. » Elle dit en conclusion : « Toutefois, le cas échéant, une proposition présentée par ce propriétaire [de Place Victoria] dans le cadre d’un appel d’offres public sera évaluée à sa juste valeur[14]. »

En janvier 2002, M. Gagliano a cessé de remplir les fonctions de ministre de TPSGC. Entre juin 2001 et son départ, les fonctionnaires du Ministère ont continué à s’occuper du projet de location, malgré les instructions données par l’adjoint du ministre. Aucun des documents transmis par le Ministère n’indique que le cabinet du ministre a mis fin à l’ordre de mise en attente du projet ou a autorisé le Ministère à aller de l’avant.

Fin août et début septembre 2001, TPSGC a lancé un appel de manifestations d’intérêt pour la location de bureaux destinés à l’Agence. Le 10 septembre 2001, 13 lettres d’intérêt proposant 16 immeubles avaient été reçues. Après évaluation, cinq des immeubles ont été rejetés, et neuf propositions portant sur 11 immeubles ont été retenues. Les 3 et 4 octobre 2001, des représentants de l’Agence et du Ministère ont visité les locaux retenus pour en déterminer les avantages et les inconvénients et s’assurer que certains critères (comme l’accessibilité pour les personnes handicapées) étaient pleinement respectés. La Place Bonaventure comptait parmi les immeubles retenus et visités. Après d’autres analyses, quatre proposants qui avaient offert des locaux dans six immeubles, dont les propriétaires de Place Victoria et de la Place Bonaventure,  ont été invités à présenter des offres, au plus tard le 23 janvier 2002[15].

Le 24 septembre 2001, l’Agence a informé le Ministère qu’elle ne souhaitait plus que son bureau local de Montréal partage les locaux du siège social. Le Ministère a répondu en octobre, signalant qu’il avait demandé des manifestations d’intérêt pour des locaux de 5 790 m², que la décision de trouver d’autres locaux pour le bureau local réduirait les besoins de 618 m² et qu’il essaierait de trouver un autre locataire pour l’espace excédentaire[16]. L’Agence a écrit de nouveau au Ministère le 21 novembre pour demander que les locaux du siège social initialement demandés pour le bureau local de l’île de Montréal soient gardés en réserve en prévision de la croissance prévue de 20 à 25 nouveaux postes pendant la durée de 10 ans du nouveau bail[17].

L’ouverture des soumissions pour le projet de location a eu lieu le 23 janvier 2002, et leur analyse a été terminée le 12 mars 2002. Le 13 mars, le Ministère a informé l’Agence que l’offre présentée par WPBI Property Management Inc. relativement à des locaux situés à Place Bonaventure avait été retenue parce qu’elle constituait la solution viable la plus économique pour l’État. L’analyse du Ministère avait permis de classer l’offre concernant les locaux de Place Bonaventure en première position. L’offre relative aux locaux existants de l’Agence, à Place Victoria, était en quatrième position. Le 22 mars 2002, la sous-ministre de TPSGC, Janice Cochrane, a demandé à son ministre (Don Boudria) d’approuver la signature d’un bail avec WPBI. Le 28 mars, Mario Arès, gestionnaire régional, Actifs et installations, à TPSGC a rédigé une lettre adressée à WPBI, dans laquelle le Ministère acceptait la proposition de bail pour Place Bonaventure. Cette lettre a été expédiée le 2 avril.

Le 2 avril, le bureau de Montréal du Ministère a informé la sous-ministre adjointe Carol Beal que le sous-ministre de l’Agence, André Gladu, avait confirmé le 28 mars qu’il était d’accord pour que l’Agence emménage à Place Bonaventure. Dans le courriel, les fonctionnaires notent que M. Gladu leur a dit que le déménagement a été approuvé par M. Drouin, secrétaire d’État responsable de l’Agence. Le courriel précise que le ministre Boudria n’avait pas encore donné son feu vert et avait demandé conseil au sujet du moment opportun pour aller de l’avant[18]. Le même jour (2 avril 2002), Mme Beal a demandé à ses collaborateurs de lui présenter une récapitulation des options possibles en ce qui concerne les locaux du siège social de l’Agence. Le document demandé, qui lui a été remis le lendemain, énumère cinq options. Il mentionne que l’Agence occupait à ce moment des locaux de 4 996,1 m² à Place Victoria, mais avait besoin de 1 150 m² de plus (soit un total de 5 790 m²) pour loger de nouveaux employés. Avant d’exposer les options possibles, les fonctionnaires de TPSGC ont informé la sous-ministre adjointe de ce qui suit :

II est important de réaliser que, si DEC demeure à Place Victoria, ce client verra ses opérations scindées en plusieurs endroits pour les 10 prochaines années, en plus de loger dans des espaces mal aménagés et non fonctionnels[19].

La première option envisagée dans l’analyse consistait pour l’Agence à rester à Place Victoria. Les fonctionnaires ont noté que cette option ne comprenait aucun réaménagement interne et imposerait à TPSGC d’« entreprendre une négociation directe avec le propriétaire », ce qui irait « à l’encontre des directives internes de TPSGC pour entrer en négociation directe pour un bail ». Ils signalent en outre que « la Couronne n’a absolument aucun pouvoir de négociation avec ce propriétaire, puisque ce dernier sait très bien qu’il est impossible de relocaliser DEC ailleurs advenant l’échec de la négociation ». L’analyse aboutissait à la conclusion que les locaux occupés par l’Agence à Place Victoria « n’ont pas la superficie requise pour répondre à [ses] besoins opérationnels actuels et encore moins à [ses] besoins d’expansion future[20] ».

Les fonctionnaires ont ensuite présenté deux options dans lesquelles l’Agence restait à Place Victoria : dans le premier cas, on procédait à un réaménagement des locaux; dans le second, le bureau de l’île de Montréal était déménagé dans l’Est pour répondre dans une certaine mesure aux besoins d’expansion. Un résumé des trois premières options aboutissait à la conclusion qu’elles « sont désavantageuses pour la Couronne puisqu’elles seront renégociées à un taux élevé non compétitif, auquel il faut ajouter le bail en partie improductif de Place Bonaventure ». Ces options coûteraient entre 23 et 26,5 millions de dollars. Les fonctionnaires ont ajouté qu’« aucun autre client que [l’Agence] n’est identifié à court ou moyen terme pour occuper l’espace de Place Bonaventure ».

La quatrième option envisagée consistait à déménager l’Agence à Place Bonaventure : « Cette option a fait l’objet d’un appel d’offres public à un taux très avantageux pour la Couronne (236 $/m2). » Elle assure « des gains importants pour la Couronne » et constitue donc l’« option la plus économique pour la Couronne ». Dans la cinquième option, l’Agence emménageait à Place Bonaventure, et le bureau de l’île de Montréal, dans l’est de la ville. En conclusion, les auteurs de l’analyse recommandent d’adopter la cinquième option qui « offre un coût très avantageux pour la Couronne » et satisfait à tous les besoins actuels et à la plupart des besoins futurs de l’Agence[21].

Le 2 avril 2002, les responsables montréalais de TPSGC ont approuvé le bail des locaux de Place Bonaventure.

Le 4 avril 2002, deux jours après l’approbation du bail de Place Bonaventure et un jour après la présentation de l’analyse et de la recommandation ci-dessus, la sous-ministre adjointe Carol Beal a donné instruction au directeur général régional du Ministère pour le Québec de prendre les mesures nécessaires pour renouveler le bail de Place Victoria et lui a offert d’envoyer un responsable de l’administration centrale d’Ottawa pour participer aux négociations. M. Couture a accepté cette demande le lendemain[22].

Le 15 avril 2002, environ deux semaines après la signature d’un bail avec les propriétaires de Place Bonaventure et 10 jours après l’ouverture de négociations avec les propriétaires de Place Victoria, le secrétaire d’État Drouin a écrit au ministre Boudria « qu’un édifice offrant des espaces à bureaux adéquats et une vitrine de prestige pour l’Agence et le gouvernement du Canada... est primordial ». Il a ajouté :

À mon avis, la Place Victoria répond pleinement à ces critères. Je vous assure que les besoins administratifs de l’Agence sont comblés et que des espaces à bureaux additionnels ne seront pas nécessaires dans l’immédiat. Par conséquent, si cela est possible, je vous demande de conclure un nouveau bail avec la Place Victoria[23].

Des négociations avec les propriétaires de Place Victoria ont eu lieu le 24 avril 2002. Les propriétaires ont offert un nouveau taux de 308 $ le mètre carré[24]. TPSGC a remis au Comité un tableau en disant qu’il s’agissait d’une analyse montrant que, en raison d’une modification des exigences du client (locaux moins spacieux et pas de réaménagement) et du nouveau taux, il serait financièrement plus avantageux pour l’État que l’Agence demeure à la Place Victoria. Cette analyse n’est pas datée et n’a pas été fournie au BVG durant la vérification.

Le 1er mai 2002, M. Couture a écrit au sous-ministre de l’Agence (M. André Gladu) pour l’informer qu’« à la demande de votre ministère », TPSGC avait entamé des négociations avec les propriétaires de Place Victoria au sujet d’un bail de cinq ans, sans rénovations, portant sur 5 340 m² de bureaux et 38,1 m² d’espace d’entreposage. M. Couture a précisé que « le prix offert pour la prolongation de votre bail... se situe à l’intérieur de la fourchette de prix pour cet immeuble de prestige tel qu’identifié et demandé spécifiquement par le Secrétaire d’État, monsieur Claude Drouin ». M. Couture a ajouté que « quelques modifications concernant l’accessibilité » seraient faites[25].

Deux jours plus tard, Mario Arès, directeur général régional de TPSGC, Unité des services à la clientèle, Montréal, a envoyé un courriel ministériel interne s’opposant au renouvellement du bail à Place Victoria. Il vaut la peine de citer le texte intégral de ce courriel :

Il n’est pas de mon intention d’écrire une note ministérielle sur ce dossier. Depuis que nous avons accordé le bail à Place Bonaventure le 2 avril 2002 pour 5 790 mètres carrés, les décisions dans ce dossier sont prises au niveau ministériel et sont à l’encontre de nos recommandations régionales. Les éléments suivants viennent appuyer ma position :

Je ne suis pas au courant de l’évolution des discussions/négociations entre les agents de location et Place Victoria, ces agents faisant rapport au Bureau du ministre. J’en conclus donc que notre ministre est déjà plus au courant de la situation que je ne le suis.

Le courriel de Claude Séguin à Tim McGrath (26 avril) contient des faussetés : notre RAI stipule clairement qu’une négociation directe avec Place Victoria va à l’encontre des 6 principes[26] pour renouveler ce bail sur place, alors je ne vois pas pourquoi ils affirment le contraire. DEC n’a jamais demandé ou exigé de loger dans un immeuble de classe A ou prestige (même si c’est le souhait de tous).

L’insistance démontrée dans ce dossier de demeurer à Place Victoria sert, de toute évidence, des intérêts qui sont autres que de bien gérer les fonds publics. Je ne peux souscrire à couvrir de façon administrative une décision difficilement justifiable financièrement, car elle est coûteuse (le client DEC avait accepté de déménager à Place Bonaventure, ou à la limite, nous aurions pu louer chez le deuxième plus bas soumissionnaire (DEC était d’accord), ce qui aurait été une solution plus avantageuse pour la Couronne).

Place Victoria ne s’est jamais conformée à nos exigences en matière d’accessibilité pour handicapés et n’a jamais démontré d’intérêt à le faire; et il en sera encore ainsi... Ce qui va à l’encontre de nos politiques internes de conformité.

Qui va signer la dérogation cette fois-ci?

Ceci explique en partie pourquoi il est préférable que je n’écrive pas de note ministérielle dans ce dossier puisqu’elle n’irait pas dans le sens souhaité d’intérêts particuliers[27].

Le 25 mai 2002, M. Boudria a cessé d’être ministre de TPSGC et a été remplacé par M. Ralph Goodale.

Le 30 mai 2002, le quotidien montréalais La Presse a annoncé que l’Agence devait emménager à Place Bonaventure[28]. Craignant une situation embarrassante, le Ministère et l’Agence ont fait rédiger des notes d’information à utiliser si les médias posaient des questions. Les notes comprenaient des questions possibles accompagnées de réponses suggérées. L’une des questions demandait quel avantage il y aurait pour l’État de maintenir les locaux de l’Agence dans un immeuble de prestige, à Place Victoria. La réponse suggérée était que la décision n’avait rien à voir avec le fait qu’il s’agissait d’un immeuble de prestige[29].

Une note au ministre de TPSGC datée (au timbre dateur) du 31 mai 2002 demande l’« autorisation pour négocier un accord de location » avec les propriétaires de Place Victoria. Elle signale qu’« il y a un an », l’Agence avait prévu qu’elle aurait besoin de locaux supplémentaires pour loger de nouveaux employés, mais que cela « ne s’applique plus à l’heure actuelle[30] ». La note venait de chez la sous-ministre de TPSGC et portait les noms de la sous-ministre adjointe Carol Beal, du directeur général régional Normand Couture et de Mario Arès. Tout en recommandant que le ministre donne son approbation, la note dit que « quelques clients éventuels » sont envisagés comme locataires des locaux déjà loués à Place Bonaventure, mais qu’il était « encore trop tôt pour statuer sur une probable occupation en date du 1er avril 2003[31] ». Elle mentionne que « les résultats des négociations indiquent que la prolongation du bail pour une durée de cinq ans au tarif de 308 $ le mètre carré, sans aucune rénovation, correspond à la gamme de tarifs pour cet édifice, que le client considère comme prestigieux » [traduction]. Vers la fin de la note, on a l’impression que son objet initial, qui consistait à demander la permission d’engager des négociations, avait changé. L’auteur demande en effet l’autorisation de « conclure un bail[32] » avec les propriétaires de Place Victoria.

Le 18 juin 2002, le ministre a donné son accord. Plus tard, le 22 juillet 2002, le ministre Goodale a répondu à la demande du secrétaire d’État, l’informant que TPSGC prendrait des dispositions pour signer un nouveau bail à Place Victoria.

Bref, d’après les documents fournis au Comité, TPSGC a signé un bail pour de nouveaux locaux à Place Bonaventure après un appel d’offres auquel l’Agence a participé de près. Les représentants de DEC avaient visité les locaux, une analyse du Ministère datée du 4 avril 2002 avait conclu que c’était la meilleure option et le sous-ministre de l’Agence avait accepté le déménagement. À peu près au même moment, le Ministère a cependant donné instruction à ses fonctionnaires de négocier un nouveau bail avec les propriétaires de Place Victoria. Moins de deux semaines après le début de ce processus, le ministre responsable de l’Agence (M. Drouin) a écrit au ministre de TPSGC pour lui demander « si cela est possible... de conclure un nouveau bail avec la Place Victoria ». À ce stade, les négociations étaient déjà en cours.

B. Témoignages entendus par le Comité

Devant le Comité, des témoins ont confirmé les événements décrits dans la documentation et ont comblé quelques lacunes. Les témoignages comportaient cependant des aspects qui s’écartaient sensiblement du rapport du BVG et de l’information contenue dans les documents examinés par le Comité. Certains des écarts sont assez inquiétants. Enfin, le Comité comptait sur les témoins pour éclaircir des ambiguïtés et fournir des renseignements qui manquaient dans la documentation. Cet effort s’est soldé par des résultats mitigés.

Les témoins s’entendaient en général sur les événements qui ont abouti au choix de la soumission de Place Bonaventure dans le cadre d’un processus d’appel d’offres concurrentiel et transparent. Il n’en était cependant pas de même lorsqu’il s’est agi d’expliquer les circonstances et les motifs de l’annulation de la décision de déménager les locaux de l’Agence.

M. Marshall a dit au Comité que, le 4 avril 2002, deux jours après la conclusion d’un accord avec Place Bonaventure, la sous-ministre adjointe Carol Beal :

... a été informée que le client avait changé d’avis. Les locaux additionnels n’étaient plus nécessaires et il souhaitait rester dans des locaux convenant mieux à son programme. Carol a alors été informée que le ministre enverrait une lettre à ce sujet[33].

Même si le personnel de TPSGC considérait que cette demande « arrivait très tard dans le processus », M. Marshall a dit qu’il n’était pas inhabituel pour un client de changer d’avis. À ce moment, on s’attendait à des hausses du loyer des locaux commerciaux dans le centre-ville de Montréal et « à ce que d’autres clients aient besoin de nouveaux locaux au centre-ville ». Le Ministère avait réussi à négocier « un bon loyer » à Place Victoria, « 30 p. 100 de moins » que ce que les propriétaires avaient demandé dans leur soumission initiale[34]. Compte tenu des frais de déménagement, le fait de laisser l’Agence à Place Victoria était « économiquement viable[35] ». Toutefois, le Ministère n’a pas été en mesure de trouver, aussi rapidement qu’il l’aurait voulu, suffisamment de clients ayant besoin de locaux à Place Bonaventure, ce qui a entraîné un coût pour le contribuable « à cause de ce loyer improductif[36] ».

Bien que les documents confirment l’assertion de M. Marshall selon laquelle le Ministère a commencé à envisager la possibilité de négocier un nouveau bail à Place Victoria avant que M. Drouin n’écrive au ministre Boudria, la sous-ministre de l’Agence au moment de l’étude du Comité, Mme d’Auray, a dit : « Jusqu’à ce que la correspondance du secrétaire d’État survienne, le ministère et toute la correspondance relative à ce dossier parlaient d’un déménagement[37]. » Le sous-ministre d’alors, M. Gladu, l’a confirmé dans son témoignage devant le Comité. Il a dit qu’il était « tout à fait à l’aise avec la possibilité de déménager à la Place Bonaventure[38] » et qu’il aurait en fait « préféré déménager parce que ça nous aurait donné plus de marge de manœuvre en termes d’espace[39] ». Il a affirmé qu’avant de recevoir une copie de la lettre de M. Drouin, il ne savait pas que l’Agence allait rester à Place Victoria :

Jusqu’à ce que le secrétaire d’État, M. Claude Drouin, envoie une lettre, j’étais tout à fait d’accord pour déménager à la Place Bonaventure. Je l’avais d’ailleurs confirmé par écrit à mon collègue du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux à Montréal, M. Normand Couture.

La lettre du 15 avril de M. Claude Drouin a été une surprise totale. Je ne savais pas qu’il avait l’intention d’envoyer une lettre de cette nature à son vis-à-vis du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Je n’ai été informé que la lettre avait été envoyée que quelques jours plus tard[40].

M. Gladu a ajouté avoir dit plus tard à M. Drouin que c’était une erreur d’agir ainsi :

... j’ai rencontré [M. Drouin] dans le cadre d’une réunion régulière. Je lui ai dit que selon moi, c’était une erreur que d’avoir envoyé cette lettre, parce qu’il s’agissait d’un dossier de nature administrative et qu’il n’aurait pas dû s’impliquer dans cela[41].

M. Drouin, qui était alors le secrétaire d’État responsable de l’Agence, a présenté une version quelque peu différente des événements. Notant qu’il avait pris possession de ses fonctions en janvier 2002[42], il a déclaré que M. Gladu avait soulevé la question d’un déménagement à Place Bonaventure au cours d’une réunion hebdomadaire. Ayant appris que le déménagement était le résultat d’un appel d’offres concurrentiel, il a dit à son sous-ministre « qu’on allait déménager, respecter le processus et aller à Place Bonaventure[43] ». Selon M. Drouin, M. Gladu aurait alors commencé à énumérer les difficultés possibles d’un déménagement, ajoutant que Place Bonaventure...

… était un édifice en béton à l’intérieur duquel le train passait, alors que Place Victoria était un endroit vitré qui offrait un meilleur environnement à des employés qui travaillaient là depuis une trentaine d’années[44].

M. Gladu aurait dit à M. Drouin que le déménagement coûterait « un million de dollars ». Bien qu’il ait répondu à M. Gladu que l’Agence allait devoir déménager, M. Drouin a décidé alors d’entreprendre « une démarche » de sa propre initiative. Il l’a fait « de façon très transparente » en écrivant au ministre de TPSGC...

… lui demandant d’examiner si on pouvait réduire les coûts – on m’avait parlé d’un coût d’un million de dollars pour le déménagement – et, pour le mieux-être des employés, s’il y avait possibilité d’aller ailleurs, mais tout en respectant les règles[45].

En réponse à des questions, M. Drouin a essayé d’expliquer les motifs pour lesquels il avait demandé que l’Agence ne quitte pas la Place Bonaventure :

Selon l’information que je possédais à l’époque, les gens n’avaient pas le goût de déménager... On m’a dit qu’il y aurait une perte de productivité, car rien ne se fait durant la période de déménagement. Les gens de la fonction publique sont en stand by durant au moins une semaine, m’a-t-on dit. On m’a également dit qu’il y avait des risques que des dossiers soient égarés, etc.[46]

Dans son témoignage, M. Drouin a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’avait pas demandé au ministre de TPSGC de laisser l’Agence rester à Place Victoria : « Tout ce que j’ai demandé, c’est qu’on étudie la situation[47]. » Selon lui, son principal souci était d’éviter de consacrer tant d’argent au déménagement : « Je voulais le placer dans l’industrie afin de créer des emplois et de stimuler la richesse économique[48]. » Il a encore fait la même affirmation quelques instants plus tard : « ... je n’ai pas cassé de décision, j’ai demandé une vérification... J’ai demandé de vérifier s’il était possible d’épargner un million de dollars pour le déménagement[49]. » Contrairement à ce qu’avait dit M. Gladu, M. Drouin a déclaré : « Selon ce que m’a dit M. Gladu, le sous-ministre ne voulait pas déménager. Il était heureux là où il était, à l’époque[50]. » À la question de savoir pourquoi il avait attendu qu’un bail soit signé avec les propriétaires de Place Bonaventure avant d’envoyer sa demande au ministre, M. Drouin a dit : « Je ne pouvais pas intervenir avant : je venais d’intégrer mes fonctions de ministre[51]. »

Le courriel envoyé par M. Arès le 3 mai 2002, dans lequel il disait ne pas vouloir écrire au ministre de TPSGC pour appuyer la décision de maintenir l’Agence à Place Victoria, a retenu l’attention du Comité. M. Arès a expliqué dans son témoignage qu’il ignorait, au moment où il avait écrit ce courriel, que le Ministère avait réussi à négocier un loyer d’un montant inférieur pour Place Victoria. Croyant que le loyer serait de 430 $ le mètre carré, M. Arès estimait qu’« il n’était pas économiquement viable de demeurer à cet endroit[52] ». Toutefois, ayant appris, vers la mi-mai, que le loyer serait en fait de 308 $ le mètre carré, il croyait que « cette solution serait viable sur le plan économique ou, à tout le moins, équivalente à un déménagement[53] ». M. Marshall a déclaré dans son témoignage que M. Arès avait par la suite écrit une note au ministre pour recommander la signature d’un bail de cinq ans avec les propriétaires de Place Victoria[54].

Les témoins ne s’entendaient pas non plus sur l’importance de la perte mentionnée dans le rapport du Bureau du vérificateur général. D’après les résultats de la vérification :

Le renouvellement du bail à la Place Victoria a coûté 2,5 millions de dollars de plus que la soumission gagnante de l’appel d’offres et TPSGC a versé 2,1 millions de dollars en loyer inoccupé au plus bas soumissionnaire tout en s’efforçant de trouver des locataires pour ces locaux supplémentaires. Il reste encore des locaux inoccupés dans cet immeuble.

La demande de l’Agence de ne pas déménager, combinée au non-respect des lignes directrices établies, a entraîné des coûts supplémentaires de 4,6 millions de dollars pour les contribuables[55].

Aucun des témoins n’a contesté ce chiffre au cours de la première réunion tenue par le Comité le 8 juin 2006 pour examiner le rapport du Bureau du vérificateur général. Toutefois, lorsque le Comité a étudié l’affaire de plus près le 29 janvier 2007, M. Marshall a affirmé, en réponse à une question, que le Ministère n’était pas d’accord avec le Bureau du vérificateur général à ce sujet :

Nous avons examiné la différence de loyer entre Place Bonaventure et Place Victoria pour un bail de cinq ans, en tenant compte aussi des frais de rénovation et des frais de déménagement qui ont été évités, et nous avons conclu qu’il coûterait moins cher de laisser l’Agence là où elle était, Place Victoria, si elle n’avait pas besoin de locaux supplémentaires... Le coût réel pour l’État résulte du temps qu’il nous a fallu pour trouver des locataires à Place Bonaventure et nous l’estimons à environ 2,1 millions de dollars. C’est ce que l’opération a coûté au contribuable, d’après nous[56].

Mme Cochrane est même allée jusqu’à affirmer : « On peut dire que si d'autres locataires s'étaient installés dans ces locaux inoccupés aussi rapidement qu'on le pensait en 2002, la Couronne en aurait sans doute retiré un avantage net.[57] »

M. Marshall a déclaré que, pendant que la vérification était effectuée, les fonctionnaires du Ministère avaient eu « de longues discussions » avec les vérificateurs au sujet de l’importance de la perte subie par l’État[58]. Les vérificateurs, eux, n’ont pas été convaincus par les arguments du Ministère et ont maintenu leur évaluation initiale, qui a paru dans le rapport. Le directeur principal Bruce Sloan a dit devant le Comité :

Quand nous avons effectué la vérification, nous nous sommes penchés sur l’analyse financière qui figurait alors dans le dossier. On y indiquait que rester à Place Victoria coûterait 2,5 millions de dollars de plus que déménager à Place Bonaventure et qu’il y aurait également 2,1 millions de dollars de loyer improductif en conséquence.

Nous avions demandé l’analyse financière au bureau régional et à l’administration centrale et c’est ce que nous avons obtenu. Nous confirmons donc les 4,6 millions de dollars[59].

C. Le point

À la demande du Comité, le sous-ministre de TPSGC a fait le point sur les mesures prises par le Ministère au sujet de la transaction de la Place Victoria. Dans sa lettre en date du 30 juin 2009, le Ministère signale qu’un nouvel appel d’offres a été lancé pour trouver des locaux à l’Agence et que celle-ci a emménagé à l’édifice Dominion Square le 1er avril 2008. Le sous-ministre a précisé que le Ministère avait retenu l’offre la moins chère et que le projet avait été terminé à temps et à un coût inférieur au budget prévu.

On dit aussi dans la lettre que le Ministère a pris plusieurs mesures pour améliorer la location de locaux à bureaux. Il a :

  • établi une liste de vérification améliorée pour déterminer les exigences globales des clients en matière de locaux;
  • confié au Comité national des normes de gestion des locaux la gestion des demandes d’exception aux normes de gestion des locaux et d’aménagement;
  • renforcé les efforts concernant le Rapport sur les activités de location planifiées ainsi que les directives et les documents connexes, pour faire en sorte que le renouvellement des baux soit effectué à temps et bien consigné;
  • publié une mise à jour du guide du Rapport d’analyse des investissements, qui décrit une nouvelle méthode améliorée d’atténuation des risques et des éventualités;
  • effectué un examen fonctionnel du processus de renouvellement des baux.

OBSERVATIONS

A. Raisons motivant la décision de rester à la Place Victoria

D’après les documents présentés et le témoignage de M. Marshall, l’Agence a demandé à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada d’examiner la possibilité de négocier un nouveau bail avec les propriétaires de Place Victoria le 4 avril 2002, soit 11 jours avant que l’ancien secrétaire d’État Drouin n’écrive au ministre de TPSGC au sujet des locaux du siège social de l’Agence. Dans son témoignage, M. Gladu a déclaré assez catégoriquement qu’avant que M. Drouin écrive au ministre, l’Agence comptait bien déménager et que c’est la lettre de M. Drouin qui a déclenché un changement des plans.

M. Drouin a dit à plusieurs reprises, dans son témoignage, qu’il a décidé d’écrire au ministre des Travaux publics sur la base des considérations suivantes :

  • À un million de dollars, le déménagement était trop coûteux. Il aurait été plus avantageux de consacrer l’argent aux programmes de l’Agence.
  • Le déménagement était susceptible d’entraîner une perte de productivité et de documents.
  • Le déménagement aurait nui au moral des employés, dont certains travaillaient à Place Victoria depuis une trentaine d’années.

M. Drouin a insisté sur le fait qu’il avait simplement demandé un examen de la situation et non l’annulation du déménagement ou le maintien des locaux de l’Agence à Place Victoria. Son témoignage soulève deux questions.

Aucun des motifs donnés par M. Drouin pour expliquer sa demande de réévaluation de la décision de déménager les locaux de l’Agence n’est mentionné dans la documentation fournie au Comité. Lorsqu’ils en ont eu la possibilité, les représentants de l’Agence ont visité les locaux offerts en réponse à la demande initiale de propositions. Si certaines caractéristiques de Place Bonaventure ont suscité des préoccupations, il n’en a pas été fait mention dans la documentation. S’il y a eu des préoccupations qui n’ont pas été consignées dans la documentation, elles n’ont eu d’effets ni sur le résultat du processus de sélection qui a donné lieu à l’appel d’offres concurrentiel ni sur le résultat final de cet appel. Contrairement à ce que M. Drouin a dit au Comité, tant la documentation que le témoignage de M. Gladu indiquent clairement non seulement que le sous-ministre était disposé à déménager, mais qu’il préférait le faire parce que cela aurait donné à l’Agence « plus de marge de manœuvre en termes d’espace ».

En second lieu, la lettre de M. Drouin au ministre ne mentionne pas des préoccupations au sujet du coût d’un déménagement, d’une perte possible de productivité ou de documents ou d’effets négatifs possibles sur le moral des employés. Dans sa lettre, M. Drouin dit que l’Agence a besoin « d’un édifice offrant des espaces à bureaux adéquats et une vitrine de prestige », que Place Victoria répond à ces critères, que les besoins administratifs étaient comblés et que l’Agence n’aurait pas besoin de locaux supplémentaires dans l’immédiat. M. Drouin ne demande pas au ministre de TPSGC un examen de la situation. Il lui dit plutôt : « ... si cela est possible, je vous demande de conclure un nouveau bail avec la Place Victoria . »

En l’absence de preuves corroborant les raisons invoquées par M. Drouin, le Comité est forcé de se rabattre sur la lettre suivant laquelle M. Drouin souhaitait que l’Agence demeure à la Place Victoria « parce que c’est une adresse de prestige pour l’Agence et le gouvernement du Canada au cœur du quartier des affaires de Montréal » [traduction]. D’ailleurs, quand il a témoigné, M. Drouin a dit : « L'environnement de travail [à la Place Victoria] était très bien, il y avait beaucoup de fenêtres, alors que de l'autre côté [à la Place Bonaventure], c'était du béton, le train passait devant l'immeuble et la restauration était déficiente[60]. » Le fait de ne pas aimer un immeuble parce qu’il n’est pas aussi prestigieux ou agréable qu’un autre ne constitue pas une raison valable pour passer outre aux résultats d’un appel d’offres.



[1] Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de mai 2006, chapitre 7, « L’acquisition de bureaux loués », paragraphe 7.16. Le Ministère a le pouvoir d’imposer des solutions en vertu de la Politique du Conseil du Trésor sur le cadre de gestion des biens immobiliers.

[2] Ibid., pièce 7.2.

[3] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 8.

[4] Les documents ont été expédiés le 24 octobre 2006, le 30 novembre 2006, le 19 janvier 2007 et le 7 février 2008. D’autres lettres ont été envoyées les 10 et 30 avril 2008.

[5] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 35.

[6] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 44.

[7] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 67.

[8] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 19.

[9] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 20. M. Gagliano a été ministre de TPSGC de juin 1997 à janvier 2002. M. Goodale a été ministre de mai 2002 à décembre 2003.

[10] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 24. M. Boudria a été ministre de TPSGC de janvier à mai 2002.

[11] Courriel de Lise Lefort (Services de gestion des locaux destinés aux clients, TPSGC, Montréal) à Guy Collin (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Montréal), 12 février 2001.

[12] Le Conseil de gestion des investissements de TPSGC est chargé de l’examen des décisions d’investissement envisagées. La plupart de ces décisions concernent des baux, des rénovations majeures et de nouvelles acquisitions. Le Conseil présente des recommandations au sous-ministre délégué. Il examine également les projets dont le coût dépasse les délégations de pouvoirs du Ministère (30 millions de dollars et plus). Ces projets sont ensuite transmis au Conseil du Trésor pour approbation. Les conseils régionaux de gestion des investissements sont habilités à examiner et recommander les projets dont le coût ne dépasse pas 10 millions de dollars. Au-delà de cette limite, les projets sont renvoyés au CGI après avoir été examinés par le conseil régional.

[13] Note de service de la sous-ministre adjointe au directeur général régional du Québec, reçue au bureau régional de TPSGC au Québec le 11 juillet 2001.

[14] Janice Cochrane, sous-ministre de TPSGC, note au ministre, 31 juillet 2001.

[15] Conseils et Vérification Canada (CVC), Rapport de fin de projet, 19 avril 2002. Le Ministère avait demandé à CVC de lui fournir un surveillant indépendant de l’équité, chargé d’observer le projet de location à bail et de faire rapport sur l’équité et la transparence du processus.

[16] Lettre de Mario Arès, directeur régional, TPSGC, à Pierre Bordeleau, directeur général, Agence de développement économique pour les régions du Québec, 30 octobre 2001.

[17] Lettre à Mario Arès, directeur régional, Unité des services à la clientèle, TPSGC, de Pierre Bordeleau, directeur général, Gestion des ressources, Agence de développement économique pour les régions du Québec, 21 novembre 2001.

[18] Courriel de Rachel Morneau, de la part de Normand Couture (directeur général régional, TPSGC, Montréal) à Carol Beal, sous-ministre adjointe, 2 avril 2002.

[19] Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Développement économique Canada, Montréal (Québec) – Appel d’offres no EF950-010036/A, 3 avril 2002, p. 1.

[20] Ibid., p. 2.

[21] Ibid., p. 3.

[22] Courriel de Normand Couture, directeur général régional, TPSGC, Québec, à Carol Beal, 5 avril 2002.

[23] Lettre de Claude Drouin, secrétaire d’État, Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, à Don Boudria, ministre de TPSGC, 15 avril 2002.

[24] Courriel de Claude Séguin, directeur des Locations, TPSGC, Ottawa, à Tim McGrath, directeur général, Gestion des locaux et du portefeuille, Ottawa, 26 avril 2002.

[25] Lettre de Normand Couture, directeur général régional TPSGC, Québec, à André Gladu, sous-ministre, Agence de développement économique pour les régions du Québec, 1er mai 2002.

[26] Voir annexe I du présent rapport.

[27] Courriel de Mario Arès à Suzanne Cloutier, 3 mai 2002. Le même jour, le courriel a été transmis à M. Couture, le directeur général régional.

[28] La Presse, 30 avril 2002. Coupure fournie par DEC.

[29] Questions et réponses pour les médias, 5 juillet 2002.

[30] Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Note de service au ministre, 31 mai 2002.

[31] Ibid.

[32] Ibid. Les italiques sont de nous.

[33] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 35, 1535.

[34] Ibid.

[35] Ibid., 1540.

[36] Ibid.

[37] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 35, 1540.

[38] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 44, 1535.

[39] Ibid., 1540.

[40] Ibid., 1555.

[41] Ibid.

[42] M. Drouin a été nommé secrétaire d’État responsable de l’Agence le 15 janvier 2002.

[43] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 67, 1535.

[44] Ibid.

[45] Ibid.

[46] Ibid.

[47] Ibid., 1540.

[48] Ibid.

[49] Ibid., 1555.

[50] Ibid., 1610.

[51] Ibid., 1630.

[52] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 35, 1610.

[53] Ibid., 1615.

[54] Ibid., 1710.

[55] Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada, mai 2006, chapitre 7, pièce 7.2, p. 247.

[56] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 1re session, réunion 35, 1555.

[57] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 19, 1145.

[58] Ibid., 1620.

[59] Ibid., 1630.

[60] Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 39e législature, 2e session, réunion 24, 1210.