Passer au contenu
Début du contenu

RNNR Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 3 — LEÇONS TIRÉES DES ÉTUDES DE CAS

Plusieurs systèmes énergétiques intégrés sont en cours de réalisation dans diverses villes partout au Canada[68] :

  • Vermilion (Alberta, 3 744 habitants), examine « une méthode novatrice de gestion des déchets solides aux fins de production de bioénergie tirée de déchets d'animaux et de déchets organiques urbains ». On prévoit réduire les émissions de GES de l’équivalent d’au moins 9 000 t de CO2.
  • Revelstoke (Colombie-Britannique, 8 047 habitants) construira « une installation de chauffage qui brûlera annuellement environ 7 000 t de résidus de biomasse forestière… afin de produire l’eau chaude et la chaleur nécessaires à plusieurs bâtiments de la ville ». Le système devrait « se traduire par une amélioration nette de 40 à 60 p. 100 de l’efficacité » du captage, de la transmission et de la livraison d’énergie, en plus de réduire les émissions de GES de 4 157 t/an.
  • La municipalité de District de West Hants (Nouvelle-Écosse, 13 780 habitants) fera un audit énergétique de son bâtiment administratif principal, de son usine de filtration et de son usine d’épuration des eaux, en plus d’évaluations poussées de la conservation d’énergie et des solutions d’efficacité. L’étude devrait favoriser des immobilisations qui réduiront la consommation d’énergie de 20 p. 100.
  • Senneterre (Québec, 3 488 habitants) prévoit construire « une station réceptrice — un parc thermique — afin de récupérer l’énergie des rejets thermiques de son unité de cogénération Boralex-Senneterre et de redistribuer cette énergie aux entreprises agricoles, agroalimentaires, agro-industrielles et de transformation » sous forme d’eau chaude. Le système devrait réduire la consommation d’eau à l’usine de cogénération, et les émissions de GES de 91 p. 100.
  • Quispamsis (Nouveau-Brunswick, 13 521 habitants) tiendra une analyse énergétique détaillée et définira un plan d’action locale pour ses services municipaux et son parc de véhicules. La ville estime ses réductions de GES à 826 t/an d’ici 2011 (réduction de 20 p. 100 par rapport à 1994).

Chaque cas suivant illustre une leçon pratique de planification ou de réalisation d’un système énergétique intégré. Les thèmes indiqués dans chaque titre représentent, une fois réunis, les facteurs fondamentaux de l’avancement des systèmes intégrés.

Intégration : Plan énergétique communautaire de Guelph

En 2007, la ville de Guelph (Ontario) a adopté un plan énergétique communautaire proposé par le secteur privé, des organisations sans but lucratif et des organismes publics, dans le but de : fournir des services collectifs intégrés (eau, énergie, transport, etc.); réduire les émissions de GES par habitant en deçà de la moyenne mondiale actuelle; réduire la consommation d’eau et d’énergie par habitant en deçà de la moyenne des villes canadiennes de même taille; et de faire de Guelph « une destination de choix pour l’investissement ». Les évaluations initiales du rendement et de l’énergie renouvelable de la ville montrent qu’on était loin des cibles, ce qui a donné lieu à une stratégie plus intégrée qui envisage la production locale d’énergie et des systèmes d’énergie collectifs. Des projets communautaires sont réalisés en parallèle avec les éléments multiservices du plan de la ville, en incorporant la cogénération, l’énergie collective, et un plan directeur intégré pour l’énergie[69].

Encore à l’étape de la planification, l’intégration de l’expertise, de la planification et des technologies est un principe fondamental de la mise en œuvre des systèmes énergétiques intégrés.

Figure 4 : Contribution globale des stratégies de réduction d’énergie, par personne

Figure 4 : Contribution globale des
    stratégies de réduction d’énergie, par personne

Source : ville de Guelph.

Figure 5 : Contribution globale des stratégies de réduction de gaz à effet de serre, par personne

Figure 5 : Contribution globale
    des stratégies de réduction de gaz à effet de serre, par personne

Source : ville de Guelph.

Ressources locales : Digesteurs anaérobies de Two Hills

La digestion anaérobie est un mode de gestion des déchets qui produit de l’énergie et permet de récupérer des ressources naturelles. À Two Hills (Alberta), le potentiel du fumier des parcs d’engraissement a donné lieu à une usine pilote de digestion anaérobie qui a tellement bien réussi qu’elle est devenue une installation commerciale de 100 millions de dollars, intégrant une usine de production d’éthanol d’envergure régionale, au parc d’engraissement et au digesteur. Les trois éléments forment un cycle fermé de production intégrée, où le sous-produit d’une étape devient l’intrant de la suivante. Les avantages économiques et environnementaux de cette installation profitent à toute la population[70].

Le cas de Two Hills démontre que les municipalités peuvent enregistrer des gains considérables en réalisant le potentiel de leurs ressources locales. Si on les exploite bien, la production et les déchets peuvent former des circuits fermés autosuffisants.

Administration municipale : Southeast False Creek, Vancouver

Le complexe de Southeast False Creek à Vancouver (site du village olympique) est un quartier dense polyvalent de 550 000 m2 construit dans une zone désaffectée, avec des bâtiments verts, un chauffage collectif à énergie renouvelable et un réseau de transport durable. La stratégie du bâtiment vert est favorisée par le code municipal du bâtiment et le règlement sur l’utilisation foncière de Vancouver. Cette situation est exceptionnelle : les villes canadiennes disposent rarement de leur propre code du bâtiment. Dans la planification d’un quartier compact et polyvalent, la stratégie prévoit le transport en commun et le transport actif, favorise les systèmes de chauffage efficaces et justifie du point de vue économique le chauffage collectif et les systèmes d’énergie renouvelable. Les bâtiments intègrent le transport : il y a des prises pour les voitures électriques. En outre, le transport en commun est en cours d’électrification, et on prévoit le retour des tramways à Vancouver[71].

Le cas de Southeast False Creek illustre comment la municipalité (en l’occurrence par ses propres codes du bâtiment et de l’utilisation foncière) peut jouer un rôle central dans la planification des systèmes intégrés.

Financement de l’État : Village solaire de Drake Landing, Okotoks

Le projet pilote solaire communautaire de Drake Landing à Okotoks (Alberta), qui vise la démonstration de l’intégration de technologies efficaces faisant appel à l’accumulation saisonnière d’énergie solaire, peut répondre à 90 p. 100 des besoins de chauffage d’une maison. Comme le quartier compte 52 maisons, le système collectif de chauffage accumule l’excédent estival d’énergie solaire pour répondre aux besoins de chauffage en hiver, et répondre à 60 p. 100 de la demande d’eau chaude toute l’année. L’ajout aux immobilisations étant de 7,1 millions de dollars (plus de 136 000 $ de plus par maison) aux coûts de l’entrepreneur, le projet n’a pu être réalisé que grâce au soutien du fédéral et de la province. Il s’agit de la première application mondiale du stockage communautaire de l’énergie solaire destiné à des maisons unifamiliales[72].

La recherche et le développement à grande échelle présentent des inconnues (coût, exploitation, entretien, expertise, fiabilité, longévité) et un risque élevé, ce qui tend à décourager l’investissement privé et la participation du consommateur. Le cas du Village solaire de Drake Landing indique que le financement de l’État est une exigence préalable à la réussite de projets pilotes d’une telle envergure[73].

Figure 6 : Plan du système solaire communautaire de Drake Landing

Figure 6 : Plan du système
    solaire communautaire de Drake Landing

Source : ATCO Gas, document présenté au Comité.

Figure 7 : Réduction de gaz à effet de serre à Drake Landing provenant du chauffage des locaux et de l’eau

Figure 7 : Réduction de gaz à effet
    de serre à Drake Landing provenant du chauffage des locaux et de l’eau

Source : ATCO Gas, document présenté au Comité.

Gestion financière : Énergie Verte Benny Farm, Montréal

Énergie Verte Benny Farm (EVBF) est une société communautaire d’énergie sans but lucratif, créée pour réaliser et gérer le projet d’infrastructure verte à Montréal, qui intègre toute une gamme de systèmes d’énergie et de chauffage de l’eau dans les bâtiments et entre eux, en utilisant diverses méthodes de conservation d’énergie. Au départ, les promoteurs ont reçu environ 3 millions de dollars du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités; les infrastructures devraient éliminer 313 t de GES, conserver 6 700 000 litres d’eau potable et détourner environ 15 200 000 litres d’eaux usées par an. Ces réalisations réduiront le coût de l’énergie durant toute la vie des bâtiments. EVBF facturera 75 p. 100 des tarifs d’énergie du marché pour que les factures soient raisonnables et pour qu’on puisse passer à d’autres projets d’éducation et d’énergie communautaires[74].

L’expérience d’EVBF illustre que les coûts d’immobilisation et de gestion élevés (conception, technologie, expertise, etc.) peuvent être des investissements à long terme dont les retombées économiques durent toute la vie d’un système énergétique intégré. Cela est particulièrement intéressant dans le contexte de l’augmentation des coûts de l’énergie. Comme le dit Daniel Pearl, « lorsqu’un logement abordable devient inabordable parce que les frais d’énergie sont plus élevés que l’inflation, les habitants sont obligés de partir[75] ».

Incitatif : La stratégie de l’énergie renouvelable de l’Allemagne et de la Suède

Malgré la rareté relative des ressources naturelles (combustibles fossiles et énergie renouvelable), l’Allemagne est un leader mondial de l’industrie de l’énergie renouvelable, qui emploie 250 000 personnes, réduit d’un septième les émissions de CO2 de son secteur énergétique et ajoute au total 25,5 milliards d’euros au PIB du pays. Cette industrie continue de croître malgré la crise économique actuelle[76].

Figure 8 : La part de l’énergie renouvelable dans l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne

Figure 8 : La part de l’énergie
    renouvelable dans l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne

Source : Ministère fédéral de l’Environnement, de la Conservation de la nature et de la Sécurité nucléaire d’Allemagne, Renewable Energy Sources in Figures, p. 11, document présenté au Comité.

Pour contrer le rejet initial de l’éolien dans le public, les promoteurs ont organisé une campagne de sensibilisation et vendu des parts dans les parcs d’éoliennes aux collectivités locales. Dans la population, ceux qui se plaignaient autrefois des ombres en mouvement et du bruit, sont maintenant ceux à qui l’argent des parcs éoliens profite[77]. De plus, les incitatifs suivants ont été utilisés[78] :

  • Une grille tarifaire de branchement d’alimentation, garantissant un taux pour chaque kilowattheure de production (des améliorations aux politiques d’alimentation ont été apportées en 2000 et 2004, qui ont fait progresser la production d’énergie renouvelable, comme on le voit à la figure 9);
  • L’obligation imposée aux exploitants du réseau d’acheter toute la production d’énergie renouvelable;
  • La réduction annuelle de tarifs intégrés pour encourager l’action rapide;
  • L’assistance de l’État pour aider le public avec les détails techniques.

L’Allemagne est également un exportateur net d’électricité et un importateur net de ressources minérales (combustibles fossiles et uranium), ce qui la rend plus attrayante sur le plan économique et politique pour mettre en valeur l’énergie renouvelable. Le gouvernement continue de viser un objectif ambitieux de 50 p. 100 d’énergie renouvelable d’ici 2030. On voit mal comment l’expansion rapide actuelle va se poursuivre, si on tient compte des problèmes actuels d’alimentation de la production électrique au réseau. Les technologies de l’avenir pourraient résoudre certaines difficultés techniques[79].

Figure 9 : Raccordement d’alimentation et tarif en vertu de la Loi sur la vente d’électricité au réseau et la Loi sur les sources d’énergie renouvelable

Source : Ministère fédéral de l’Environnement, de la Conservation de la nature et de la Sécurité nucléaire de l’Allemagne, Renewable Energy Sources in Figures, p. 32, document présenté au Comité.

En Suède, le chauffage par quartiers date de 60 ans. Dans les années 1950, les grandes villes du pays ont décidé de remplacer les chaudières individuelles des maisons par le chauffage collectif pour des raisons environnementales. Après 1970, les deux chocs pétroliers ont suffi à convaincre les petites villes de leur emboîter le pas pour réduire leur dépendance envers le pétrole. L’expansion du chauffage collectif a progressé encore durant les années 1980, pour des motifs politiques : les plans de chauffage offraient un cadre réglementaire en précisant les secteurs prévus pour le chauffage collectif. Aujourd'hui, les compagnies de chauffage collectif opèrent dans un marché déréglementé, en concurrence avec les autres systèmes de chauffage[80].

Selon Peter Öhrström, la part des combustibles fossiles dans le chauffage domestique est passée de 87 p. 100 en 1981 à 12 p. 100 en 2007, ce qui a réduit les émissions de CO2 de plus de 80 p. 100 dans la même période. Entre-temps, le recours à la biomasse passait de 0 à 45 p. 100, l’incinération de 5 à 16 p. 100 et la chaleur issue des déchets industriels de 3 à 7 p. 100. La dépendance des villes envers les ressources locales a été bénéfique, en particulier avec l’éloignement des villes et des villages en Suède[81].

Les cas de l’Allemagne et de la Suède illustrent que les incitatifs créent des conditions propices au changement. Les systèmes énergétiques intégrés témoignent d’une vision et d’une diversification économiques. Ils permettent aux collectivités du Canada de créer une économie locale autonome en réalisant leur potentiel d’aujourd’hui et en investissant dans leurs besoins de demain. Pour réussir la mise en œuvre de ce concept, tous les paliers de gouvernement, les compagnies de services publics, les investisseurs privés, les promoteurs et les citoyens doivent faire leur part dans leur champ de compétence propre.


[68]           Tels que présentés par la Fédération canadienne des municipalités dans le document Les systèmes énergétiques intégrés dans les petites municipalités et les municipalités rurales (25 mars 2009) soumis au Comité.

[69]           Karen Farbridge, ville de Guelph, Témoignages, 12 mars 2009.

[70]           Shane Chrapko et Trevor Nickel, Growing Power Hairy Hill LP, ville de Two Hills, Témoignages, 26 mars 2009.

[71]           Penny Ballem et Sean Pander, ville de Vancouver, Témoignages, 12 mars 2009.

[72]           Brendan Dolan, ATCO Gas, Village solaire de Drake Landing, Témoignages, 12 mars 2009.

[73]           Ibid.

[74]           Alex Hill, Énergie Verte Benny Farm, Témoignages, 26 mars 2009.

[75]           Daniel Pearl, L’Office de l’éclectisme urbain et fonctionnel (L’OEUF), Témoignages, 26 mars 2009.

[76]           Christine Wörlen, Arepo Consult, Allemagne, Témoignages, 23 avril 2009.

[77]           Ibid.

[78]           Ibid.

[79]           Ibid.

[80]           Peter Öhrström, Ortelius Management AB, Témoignages, 23 avril 2009.

[81]           Ibid.