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SECU Rapport du Comité

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EXAMEN, PRÉVU PAR LA LOI, DE LA LOI SUR L’IDENTIFICATION PAR LES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

INTRODUCTION

L’analyse de l’acide désoxyribonucléique (ADN) fait partie intégrante du système judiciaire canadien. Étant donné que le profil génétique d’une personne est unique[1] et immuable, l’ADN est une méthode d’identification très précise pour distinguer un individu d’un autre. Grâce à l’ADN, on a pu repousser les limites scientifiques et accomplir des progrès remarquables dans le domaine de l’administration de la justice.

La Banque nationale de données génétiques (ci-après la BNDG) constitue un instrument d’enquête extrêmement efficace sur lequel les policiers peuvent compter pour mener à bien leurs enquêtes ou encore pour innocenter un suspect. L’information contenue dans la BNDG a aussi permis d’innocenter des personnes condamnées à tort pour des crimes qu’elles n’avaient pas commis. La BNDG permet non seulement d’abréger la durée des enquêtes policières, mais encore de résoudre de façon plus efficiente les nombreuses causes qui se trouvent devant les tribunaux. Il ne fait aucun doute que les preuves fournies par des échantillons d’ADN facilitent les déclarations de culpabilité. On ne saurait trop insister sur le fait que les preuves recueillies de cette façon simplifient l’administration de la justice et permettent des économies importantes.

Le présent rapport examine les dispositions de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques qui établit la BNDG. Il souligne la grande utilité de la BNDG et des laboratoires judiciaires dans l’administration efficiente de la justice. Le rapport insiste également sur la nécessité et l’urgence d’accorder des ressources additionnelles à la BNDG et aux laboratoires judiciaires afin d’assurer le bon fonctionnement de l’administration de la justice.

DÉMARCHE ET MANDAT DU COMITÉ

Le Comité a entrepris l’examen de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques (ci-après désignée « la Loi ») le 10 février 2009. Adoptée en 1998, celle-ci est entrée en vigueur en deux étapes, soit en mai et en juin 2000[2]. Selon l’article 13 de la Loi :

Dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, un comité du Sénat, de la Chambre des communes, ou mixte, désigné ou établi à cette fin procède à un examen des dispositions et de l’application de la présente loi.

Le Comité a consacré trois réunions à l’étude de la Loi afin de déterminer si ses objectifs législatifs étaient atteints et si des améliorations s’imposaient. Entre le 24 février et le 28 avril 2009, le Comité a entendu des représentants de la GRC, du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques, du ministère de la Justice, de l’Association canadienne des chefs de police, de la Criminal Lawyers’ Association, du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal et du Centre des sciences judiciaires de Toronto[3].

Le présent rapport relève les points forts et les lacunes de la Loi et du cadre administratif de la BNDG. Il souligne le travail exceptionnel des scientifiques qui œuvrent à la BNDG et dans les laboratoires judiciaires. Il établit, par ailleurs, l’urgence d’investir sans délai des fonds supplémentaires aux laboratoires judiciaires et à la BNDG afin d’assurer le bon fonctionnement de l’administration de la justice. Il propose également des recommandations qui visent à maximiser les bénéfices qu’offre l’analyse des empreintes génétiques en criminalistique. Le rapport souligne enfin la confiance qu’inspire au Comité la science de l’ADN ainsi que sa conviction que la BNDG est un instrument extrêmement utile et important pour le système de justice pénale. L’analyse de sites génétiques permet d’établir une distinction presque certaine entre deux individus. Diane Séguin, du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, a signalé au Comité que, lorsque 13 sites génétiques sont analysés, les chances d’une fréquence d’apparition d’un profil comparable sont de « 1 personne sur 600 milliards».[4]

OBJET ET PRINCIPE DE LA LOI

La Loi sur l’identification par les empreintes génétiques établit la Banque nationale de données génétiques afin d’aider les organismes d’application de la loi à identifier des personnes ayant possiblement commis des infractions désignées([5]), visées à l’article 487.04 du Code criminel du Canada (ci-après « le Code »), même avant l’entrée en vigueur de la Loi. Elle trace les grandes lignes de la structure et de l’administration de la BNDG et, conformément à certaines dispositions du Code, autorise les tribunaux à ordonner le prélèvement d’échantillons de substances corporelles sur des personnes reconnues coupables d’infractions désignées à des fins d’analyse génétique.

Il appartient aux procureurs d’en faire la demande et aux tribunaux de déterminer si une ordonnance sera accordée. Dans certains cas, la poursuite doit demander elle-même une ordonnance; dans d’autres cas, le tribunal est tenu de délivrer une ordonnance. Quand le prélèvement d’échantillons d’ADN n’est pas obligatoire, le tribunal n’est pas tenu de rendre une ordonnance « s’il est convaincu que l’intéressé a établi que l’ordonnance aurait, sur sa vie privée et la sécurité de sa personne, un effet nettement démesuré par rapport à l’intérêt public en ce qui touche la protection de la société et la bonne administration de la justice, que visent à assurer la découverte, l’arrestation et la condamnation rapides des contrevenants »[6]. Selon l’article 4 de la Loi, les principes suivants sont reconnus et proclamés :

a)    la protection de la société et l’administration de la justice sont bien servies par la découverte, l’arrestation et la condamnation rapides des contrevenants, lesquelles peuvent être facilitées par l’utilisation de profils d’identification génétique;

b)    ces profils, de même que les substances corporelles prélevées en vue de les établir, ne doivent servir qu’à l’application de la présente loi, à l’exclusion de toute autre utilisation qui n’y est pas autorisée;

c)    afin de protéger les renseignements personnels, doivent faire l’objet de protections :

                              i)        l’utilisation et la communication de l’information contenue dans la banque de données — notamment des profils —, de même que son accessibilité,

                            ii)        l’utilisation des substances corporelles qui sont transmises au commissaire pour l’application de la présente loi, de même que leur accessibilité.

STRUCTURE ET CADRE ADMINISTRATIF DE LA BANQUE NATIONALE DE DONNÉES GÉNÉTIQUES

La BNDG repose dans les locaux de la Direction générale de la GRC, à Ottawa. Elle se compose de deux grands répertoires de profils génétiques : le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Le fichier des condamnés est une base de données électronique élaborée à partir d'échantillons d’ADN prélevés par la police sur des personnes reconnues coupables d'infractions désignées. Ces échantillons sont traités par la BNDG, à Ottawa, et les profils génétiques obtenus sont téléchargés puis entrés dans le fichier des condamnés[7], établi et mis à jour par la GRC.

Le fichier de criminalistique est un fichier électronique distinct contenant les profils d'identification génétique établis à partir d’échantillons biologiques trouvés sur les lieux d’infractions désignées[8]. Les laboratoires judiciaires de la GRC — à Halifax, Ottawa, Regina, Edmonton et Vancouver — et les deux laboratoires de médecine légale de l’Ontario et du Québec font l’analyse des échantillons d’ADN recueillis sur les divers lieux de crime et versent les résultats de leur analyse au fichier de criminalistique.

Au Canada, seuls le Québec et l'Ontario ont des laboratoires de sciences judiciaires qui font leurs propres analyses d'ADN pour le compte de la BNDG. Les autres provinces et territoires font effectuer leurs analyses par les Services de laboratoires judiciaires de la GRC[9]. Les profils génétiques issus des analyses sont versés au fichier de criminalistique pour les comparer avec le fichier des condamnés et avec les autres profils génétiques du fichier de criminalistique[10].

CE QUE NOUS AVONS APPRIS

Les témoignages entendus ont permis au Comité de s’enquérir de l’état de la jurisprudence en ce qui a trait à l’ADN. On a dit au Comité que la grande majorité des « […] tribunaux reconnaissent l’utilité des prélèvements d'ADN »[11]. En 2006, la Cour suprême du Canada a aussi affirmé que le prélèvement d’ADN sur une personne « porte minimalement atteinte à l’intégrité physique du contrevenant »[12]. Pour ce qui a trait à l’utilité de la Loi, le Comité reprend les observations qu’a faites la juge Charron dans le jugement prononcé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Rodgers, observations citées par le témoin Greg Yost, du ministère de la Justice, au cours de son exposé devant le Comité :

Nul doute que la preuve génétique a révolutionné le déroulement de l’enquête et de la poursuite dans le cas de nombreux crimes [...] On ne saurait trop insister sur l’importance de cette percée médico-légale pour l’administration de la justice.

Dans l’ensemble, les témoins ont dit au Comité que la création de la BNDG avait amélioré l’administration de la justice en aidant à cibler les enquêtes. Les policiers ont brossé à grands traits l’utilité de laa BNDG pour établir des liens avec les criminels en série; elle permet d’éliminer des suspects et d’associer des crimes à des criminels dont le profil est dans la BNDG.

Il faut préciser cependant que certains témoins ont exprimé des points de vue différents, parfois même opposés, quant à la nécessité d’étendre la portée de la Loi à d’autres crimes ou de rendre le prélèvement d’échantillons d’ADN automatique, et de l’incidence possible de ces modifications au chapitre des droits à la protection de la vie privée.

La BNDG n’a jamais fait l’objet d’une étude exhaustive visant à démontrer les économies qu’elle permet de réaliser : par exemple, dans quelle mesure une interrogation de la BNDG représente une économie de temps pour les enquêtes policières ou encore le nombre de condamnations obtenues grâce aux informations contenues dans la BNDG. Lorsque le Comité a demandé à Ronald Fourney, directeur des Services nationaux et recherche de la GRC, dans combien de cas d’exonération la BNDG avait joué un rôle, il a noté que du point de vue de la BNDG, les mesures de protection des renseignements personnels nous empêchent d’obtenir cette information. Les scientifiques de la BNDG ignorent la provenance de l’échantillon sur lequel ils travaillent, car l’échantillon porte un code à barres. Les enquêteurs sont uniquement informés qu’il y a ou non une correspondance. Eux seuls connaissent l’identité de la personne. Voici ce que M. Fourney a soutenu à cet égard :

Malheureusement, du point de vue de la banque nationale de données, nous ne pouvons pas communiquer ces renseignements. En effet, les mesures de protection des renseignements personnels et de sécurité mises en place pour le codage des échantillons préservent l’anonymat de la personne en cause. En toute franchise, nous ne pouvons pas dire le nombre de fois où nous avons exonéré une personne en nous fondant sur son ADN.[13]

Le Comité comprend qu’il est difficile de chiffrer les exonérations rendues possibles grâce aux nombreuses correspondances établies avec la BNDG. Il estime néanmoins, à l’instar de la majorité des témoins, que la BNDG est un outil important qui permet d’exonérer les innocents et de mieux cibler les enquêtes policières, ce qui entraîne une économie de temps et d’argent considérable.

 Selon M. Fourney, les correspondances établies à l'aide du fichier des condamnés ont servi à faire avancer plus de 11 000 enquêtes, y compris plus de 700 enquêtes sur des meurtres et près de 1 500 enquêtes sur des agressions sexuelles.[14]

Enfin, compte tenu de la nature unique de l’ADN et du fait que celle-ci ne s’altère pas avec le temps, le Comité souhaite souligner l’importance de prendre toutes les précautions voulues lorsqu’on manipule les échantillons d’ADN contenus dans la BNDG, afin de veiller à la protection des intérêts privés des personnes visées. Il faut contrôler rigoureusement le traitement des échantillons d’ADN et l’information qui en découle et continuer d’utiliser les renseignements contenus dans la BNDG conformément à la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques. Tous les autres usages demeurent strictement interdits et punissables au regard de la loi.

INQUIÉTUDES SOULEVÉES ET RÉFORMES SUGGÉRÉES

Étant donné que l’ADN est un outil de criminalistique puissant qui permet des économies considérables à l’administration de la justice et que les ressources qui y sont présentement allouées sont insuffisantes, le Comité soulève avec vigueur dans les prochaines sections ses inquiétudes de même que les recommandations qu’il formule pour y remédier.

A. Le manque de ressources

Le Comité constate que le financement des laboratoires judiciaires est actuellement inadéquat et entraîne des délais important dans l’analyse des échantillons d’ADN. La résolution des crimes en est directement affectée. Le Comité a appris que les délais actuels compromettent plusieurs enquêtes policières.

Plus précisément, le Comité a été informé que faute d’un financement adéquat, les laboratoires judiciaires de l’Ontario et du Québec ne sont actuellement pas en mesure d’effectuer les analyses d’échantillons d’ADN prélevés sur les lieux des nouvelles infractions désignées depuis l’entrée en vigueur des projets de loi C-13 et C-18[15]. Par conséquent, l’utilité de la BNDG est diminuée[16]. Les laboratoires du Québec et de l’Ontario sont en mode d’urgence. Pour les dossiers urgents, c’est-à-dire lorsque le suspect est en liberté ou en fuite, les résultats de l’analyse peuvent demander deux semaines. Pour les autres dossiers, soit 99 p. 100 des cas, les policiers doivent attendre plus d’un an le résultat des analyses. Le laboratoire de l’Ontario, qui fonctionne aussi en mode d’urgence, a pris l’initiative de refuser certains dossiers. M. Raymond Prime a précisé que le laboratoire n’accepte aucun travail supplémentaire découlant des nouvelles infractions désignées aux termes des projets de loi C-13 et C-18, sauf les cas qui menacent la sécurité publique. En ce qui a trait aux délais dans les laboratoires de la GRC, la vérificatrice générale du Canada en a fait mention dans le segment de son rapport de 2007 traitant des laboratoires judiciaires de la GRC[17]. Comme l’a souligné la vérificatrice générale,

Dans les 99 p. 100 restants, qui représentent les demandes classées comme courantes, les Services de laboratoires judiciaires ne parviennent en général pas à respecter la cible de 30 jours qu’ils se sont fixée pour ces cas. Bien que les délais d’exécution moyens se soient améliorés pour tous les autres genres d’analyses, ceux des demandes d’analyse génétique ont empiré — passant de 91 jours en 2003-2004 à 114 jours en 2005-2006 — et ce, malgré l’affectation de sommes accrues et de personnel supplémentaire. L’arriéré des demandes d’analyse génétique contribue pour beaucoup aux longs délais d’exécution. [18]

Le Comité juge nécessaire de combler cette grave lacune et de reconnaître l’urgence de la situation. Il est impératif d’agir maintenant. Le manque de ressources entrave les enquêtes policières et le bon fonctionnement de l’administration de la justice. Cette préoccupation est d’autant plus importante que les recommandations contenues dans le présent rapport aboutiront à une expansion du fichier des condamnés de la BDNG.

Le Comité se soucie également de la nécessité de doter les laboratoires judiciaires de ressources additionnelles suffisantes — financières et humaines — afin qu’ils puissent suffire à la demande. Les scientifiques qui oeuvrent dans les laboratoires ont fait des études supérieures. Ils ont par ailleurs besoin d’une formation prolongée en laboratoire avant de témoigner devant les tribunaux à titre d’experts scientifiques. On a dit au Comité qu’il faut prévoir un an et demi à deux ans de formation pratique avant que les scientifiques soient reconnus comme experts dans l’analyse de l’ADN. Yves Dufour, directeur général du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec, a mentionné au Comité que ses services avaient besoin d’au moins 30 à 35 nouveaux employés pour pouvoir répondre à la demande engendrée par l’adoption des projets de loi C-13 et C-18. Il a aussi noté que les investissements dans les ressources humaines prendront un certain temps avant de porter fruit puisque la formation pratique requise est d’environ deux ans en laboratoire.

Le Comité conclut, comme bon nombre des témoins, qu’il est urgent d’affecter aux laboratoires judiciaires un financement additionnel afin qu’ils puissent recruter et conserver le personnel nécessaire pour pouvoir accomplir l’analyse d’ADN dans des délais raisonnables.

On a aussi informé le Comité que, lorsque les laboratoires publics sont trop occupés, la GRC fait parfois appel aux services de laboratoires privés. Le Comité craint que le manque de ressources et les délais d’analyse qui en découle entraînent une augmentation du recours aux services de ces laboratoires.

À la lumière de ces observations :

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada maintienne la Banque nationale de données génétiques et toutes les installations connexes à titre de service public et autorise uniquement le recours aux installations privées en cas de surcharge exceptionnelle.

RECOMMANDATION 2

Étant donné l’importance de l’analyse d’ADN pour l’administration de la justice et des économies considérables qu’elle permet de réaliser, le Comité recommande au gouvernement du Canada et aux gouvernements provinciaux de l’Ontario et du Québec de reconnaître l’urgence de la situation en octroyant sans délai des fonds supplémentaires aux laboratoires judiciaires qui sont chargés d’effectuer des analyses pour les besoins de la Banque nationale de données génétiques.

B. Le prélèvement automatique d’échantillons d’ADN sur déclaration de culpabilité

Comme il a été mentionné plus haut, il incombe actuellement aux procureurs de faire une demande pour le prélèvement d’échantillons d’ADN et aux tribunaux de délivrer des ordonnances de prélèvement. Au cours de son étude, le Comité a appris que le système actuel pose de nombreux problèmes. Un témoin a décrit le système en ces termes : « fastidieux du point de vue administratif et tendant à causer des erreurs »[19]. On a signalé au Comité que les policiers consacrent une bonne partie de leur temps à des tâches administratives, par exemple renvoyer des ordonnances erronées, demander aux procureurs d’obtenir des ordonnances proprement rédigées et, parfois, solliciter une interprétation juridique dans le but de déterminer si une infraction pourrait donner lieu ou non à une entrée dans la banque de données. Les témoins ont aussi noté que l’application des ordonnances de prélèvements varie grandement d’une région à l’autre. Certaines provinces semblent davantage exiger le prélèvement d’ADN que d’autres.

Pour résoudre ces lacunes, qui touchent directement l’efficacité de la BNDG, des témoins ont exhorté le Comité à modifier la Loi de sorte que le prélèvement d’échantillon d’ADN soit automatique sur déclaration de culpabilité. En rendant automatique le prélèvement d’échantillons d’ADN dès la déclaration de culpabilité, comme c’est le cas notamment dans la majorité des États aux États-Unis et des pays européens, on pourrait assurer une application uniforme des ordonnances de prélèvement partout au Canada. Cette approche nous semble appropriée.

Greg Yost du ministère de la Justice a déclaré que la BNDG accueille actuellement environ 36 000 profils d’ADN par année. Selon les évaluations du ministère, si l’on prélevait des échantillons d’ADN au moment de la déclaration de culpabilité pour toutes les infractions désignées par la Loi, la BNDG accueillerait environ 113 000 profils par année, ce qui représente une augmentation importante du nombre de profils.

Quoique le Comité juge nécessaire de modifier la Loi afin de rendre le prélèvement automatique pour l’ensemble des infractions désignées, il considère néanmoins qu’il importe d’abord de fournir à la BNDG les ressources supplémentaires nécessaires pour accomplir la somme de travail supplémentaire qui découlera de la mise en œuvre de cette recommandation. En conséquence :

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande que la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et les lois connexes soient modifiées de manière à exiger systématiquement le prélèvement d’échantillons d’ADN dans tous les cas de déclaration de culpabilité pour l’ensemble des infractions désignées. Avant de procéder à cette modification, le gouvernement toutefois doit affecter les ressources nécessaires pour répondre à la demande accrue d’analyses d’ADN qui résultera du prélèvement automatique sur déclaration de culpabilité.

C. Assurer l’efficacité de la Banque nationale de données génétiques

Le Comité a constaté que la Loi ne mentionne pas que la BNDG permet d’exonérer les innocents. Le seul objectif identifié à l’article 3 stipule que la BNDG vise à aider les policiers qui sont chargés de l’application de la loi à identifier les auteurs présumés d’infractions désignées. Le Comité estime que la protection de la société et l’administration de la justice sont bien servies par la découverte, l’arrestation et la condamnation rapide des contrevenants, mais aussi par l’exonération des innocents puisque l’administration de la justice est au service de la vérité.

Une personne qui souhaite donner volontairement de son ADN pour démontrer son innocence devrait donc pouvoir le faire. Dans un tel cas, les policiers devraient informer la personne de son droit à l’avocat et des conséquences possibles de son geste. Les substances fournies volontairement et les résultats de l’analyse afférente devraient être détruits sans délai lorsqu’il est déterminé que la substance trouvée sur les lieux du crime ne correspond pas à cette personne,

Le Comité a aussi appris que la Loi ne s’applique pas aux Canadiens reconnus coupables à l’étranger d’une infraction comparable à celles qui figurent dans la liste des infractions désignées dans le Code. Si le Comité reconnaît qu’il pourrait être difficile d’élargir l’application de la Loi aux personnes qui échappent aux exigences des prélèvements faute d’avoir été condamnées au Canada, il est d’avis que les personnes reconnues coupables d’une infraction équivalente aux infractions désignées devraient être traitées de la même façon que s’ils avaient commis leur infraction au Canada.

Enfin le Comité estime que les modifications proposées dans ce rapport devront s’appliquer à toutes les personnes qui purgent une peine pour une infraction désignée au moment de l’adoption de la loi. Le prélèvement de l’échantillon d’ADN devrait s’effectuer dans les plus brefs délais de façon à ficher leurs profils dans la BNDG et ainsi assurer son efficacité.

À la lumière de ces considérations :

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande au gouvernement du Canada :

  • de modifier l’article 3 de la Loi sur l’identification des empreintes génétiques de façon à ce que l’objet de la Loi indique que la Banque nationale de données génétiques vise à aider les policiers, à identifier les auteurs présumés d’infractions désignées, à les arrêter et à les condamner et vise également l’exonération des innocents, étant donné que l’administration de la justice est au service de la vérité;
  • de modifier le Code criminel de manière à permettre à une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction désignée de fournir volontairement un échantillon d’ADN aux fins d’un test de disculpation;
  • d’étendre l’application de la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques de façon à obliger un citoyen canadien reconnu coupable à l’étranger d’une infraction équivalente à l’une des infractions visées à l’article 487.04 à se soumettre à un prélèvement d’échantillon d’ADN;
  • de prévoir la rétroactivité de l’application systématique des prélèvements d’ADN qui découleront de la mise œuvre de la recommandation 3 du présent rapport à toutes les personnes qui purgent une peine pour une infraction désignée. Le prélèvement devrait être réalisé en tout temps entre la date d’entrée en vigueur de la modification et l’expiration légale de la peine imposée ou la libération du délinquant de l’établissement correctionnel, selon la première éventualité.

D. La création d’un fichier des personnes disparues et d’un fichier des victimes

Des témoins se sont prononcés en faveur de l’ajout de deux fichiers dans la BNDG, l’un portant sur les victimes de crimes, l’autre sur les personnes disparues. Une telle mesure permettrait d’effectuer des recherches dans le fichier des condamnés à partir du profil génétique d’une victime. La création d’un fichier des victimes pourrait aussi aider à résoudre des cas de personnes disparues. Le juge Cory, membre du Comité consultatif de la BNDG, souligne qu’il faut trouver un juste équilibre entre les exigences de l’enquête et les questions de confidentialité, ce qui demande le maintien de mesures de protection adéquates advenant l’ajout de tels fichiers dans la banque de données. Le Comité estime également qu’il faudrait limiter les motifs de prélèvement d’échantillons dans ces cas à la résolution de dossiers sur des personnes disparues et des victimes, ainsi qu’aux recherches dans le fichier des condamnés. Le Comité est d’accord avec la nécessité de créer ces nouveaux fichiers. Il estime cependant que le plan d’action doit être fondé sur des ententes entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral. Le Comité est conscient que certaines provinces ou territoires pourraient préférer administrer leur propre fichier. Dans ces cas, il faudra s’assurer que les fichiers sont compatibles entre eux. Compte tenu de ce qui précède :

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande que les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Justice et de la Sécurité publique s’entendent sur la meilleure façon de procéder pour créer les deux nouveaux fichiers d’empreintes génétiques, à savoir le fichier des personnes disparues et le fichier des victimes.

E. L’autonomie de la Banque nationale de données génétiques par rapport à la GRC

Bien que la structure de la BNDG semble bien fonctionner pour le moment, des témoins ont soutenu qu’il y aurait peut-être lieu de placer la banque sous l’autorité d’un organisme indépendant si l’on veut assurer une apparence d’objectivité par rapport à la police. Le juge Cory abondait dans ce sens : « Tôt ou tard, la banque de données devrait être entièrement indépendante de la GRC afin d'éliminer toute indication ou soupçon d'abus d'influence. »[20] À son avis, cela ne se ferait cependant pas sans difficulté parce que la BNDG et les échantillons d’ADN se trouvent actuellement dans les locaux de la GRC, qui en assure la garde et l’entretien; en outre, le financement dont dispose la banque actuellement n’englobe pas ces services. Par conséquent, le Comité recommande ce qui suit.

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada amorce un processus de réflexion afin de déterminer s’il serait préférable que la Banque nationale de données génétiques, soit totalement indépendante, afin d’éliminer toute perception de partialité.

Le Comité a aussi appris que de tous les laboratoires judiciaires appelés à effectuer des analyses d’ADN pour le compte de la BNDG, deux seulement n’appartiennent pas à la GRC : le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, qui relève du ministère de la Sécurité publique du Québec, et le Centre des sciences judiciaires de Toronto, qui relève du ministère de la Sécurité publique et des Services correctionnels de l’Ontario. Le Comité favorise cette structure où la fonction d’analyse des échantillons d’ADN est distincte de la police, et il encourage les gouvernements à tendre vers ce modèle. En conséquence :

RECOMMANDATION 7

Le Comité recommande que les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux de la Justice et de la Sécurité publique songent à la possibilité de créer leurs propres laboratoires judiciaires.

CONCLUSION

Le Comité partage l’opinion de tous ceux qui ont souligné que l’analyse d’empreintes génétiques a grandement amélioré l’administration de la justice. Il s’agit de l’un des progrès les plus spectaculaires du dernier siècle. Il croit aussi en la valeur de la BNDG pour établir des liens avec des criminels, écarter des suspects et aider à associer de nouveaux crimes à des contrevenants fichés dans la BNDG. Pour les enquêteurs, il s’agit d’un outil efficace qui leur permet de traduire les criminels devant la justice.

Il est dommage qu’aucune étude n’ait été faite pour démontrer les économies importantes qui résultent de la BNDG. Le Comité estime qu’il faudra, pour les besoins des examens futurs, tenir de meilleurs dossiers, propres à fournir des données sur le nombre de suspects écartés et de condamnations et de confessions obtenues grâce à des preuves génétiques.

La génétique est une science en constante évolution et le Comité estime que le Canada peut et doit être un chef de file dans ce domaine. Il est essentiel également de fournir à la BNDG et aux laboratoires judiciaires des fonds suffisants, afin d’assurer la saine administration du système de justice. Faute d’un financement suffisant, le Comité craint que l’on doive faire appel davantage aux laboratoires privés. Le Comité tient à souligner l’importance de veiller à ce que la BNDG et toutes les installations connexes demeurent un service public. Enfin, le Comité a bon espoir que la mise en application des recommandations contenues dans le présent rapport permettra de corriger les lacunes qui ont été portées à son attention.


[1]              Seuls les jumeaux identiques partagent le même ADN.

[2]              Les articles 2, 3 et 12 sont entrés en vigueur le 8 mai 2000, voir TR/2000-37; les articles 1, 4 à 11 et 13 à 25 sont entrés en vigueur le 30 juin 2000, voir TR/2000-60.

[3]              Voir aux annexes A et B la liste des témoins entendus par le Comité et celle des mémoires qui lui ont été soumis.

[4]                     Diane Séguin, directrice adjointe, Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale, Témoignages, 28 avril 2009.

[5]              Voir à l’annexe C la liste des infractions désignées primaires et secondaires apparaissant actuellement dans le Code.

[6]              Paragraphe 487.051(2) du Code.

[7]              Ronald Fourney, Témoignages, 24 février 2009.

[8]              Ibid.

[9]              Yves Dufour, directeur général, Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, Témoignages, 28 avril 2009.

[10]                 Ibid.

[11]           Greg Yost, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, Témoignages, 24 février 2009.

[12]           R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554.

[13]           Ronald Fourney, directeur, Services nationaux et de recherche, GRC, Témoignages, 24 février 2009.

[14]           Ibid.

[15]           L’adoption des projets de loi C-13 (L.C. 2005) et C-18 (L.C. 2007, ch. 22, entré pleinement en vigueur en 2008), intitulés tous deux Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale, a entraîné des modifications à la Loi. C’est ainsi, notamment, qu’ont été ajoutées à la liste des infractions secondaires désignées toutes les infractions prévues au Code ainsi que celles visées aux articles 5, 6 et 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances punissables par voie d’accusation d’un emprisonnement de cinq ans ou plus de même que pour les besoins des ordonnances de prélèvement pour l’inclusion du profil d’identification génétique dans la BNDG, qu’a été dressée une liste de 16 infractions à l’égard desquelles les tribunaux sont tenus de prononcer des ordonnances de prélèvement et que s’est allongée la liste des infractions désignées par les dispositions rétroactives.

[16]           Yves Dufour, Témoignages, 28 avril 2009.

[17]           Rapport de mai 2007 de la vérificatrice générale du Canada, Chapitre 7—Gestion des Services de laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada, mai 2007.

[18]           Ibid, p.2.

[19]            David Bird, avocat, ministère de la Justice, Témoignages, 24 février 2009.

[20]           Juge Peter Cory, membre, Comité consultatif de la banque nationale de données génétiques, Témoignages, 24 février 2009.