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Monsieur le Président, je vais aujourd'hui parler du projet de loi ou Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves. Ce texte modifie le Code criminel quant à l’admissibilité des auteurs de haute trahison ou de meurtre à la réduction du délai préalable à la libération conditionnelle.
Cette modification prévoit la suppression de la clause dite de la dernière chance. En vertu de cette clause, les délinquants condamnés à la prison à perpétuité pour meurtre ou haute trahison peuvent demander leur libération conditionnelle après avoir purgé 15 années de leur peine.
Cet article du Code criminel est communément appelé la clause de la dernière chance du fait qu'elle donne aux délinquants condamnés pour meurtre la possibilité d'obtenir leur libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans d'une peine d'incarcération à perpétuité ne donnant pas droit à la libération conditionnelle avant une période supérieure à 15 ans.
Les délinquants condamnés pour meurtre au premier degré doivent purger une peine minimale d'emprisonnement à vie sans être admissibles, en vertu de la loi, à une libération conditionnelle avant d'avoir purgé 25 ans de leur peine. En ce qui concerne les délinquants condamnés pour meurtre au deuxième degré, une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité leur est également imposée, mais le juge peut déterminer à quel moment, au bout de 10 à 25 ans, ils deviendront admissibles à la libération conditionnelle. Ceux qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité peuvent obtenir leur libération conditionnelle si la Commission nationale des libérations conditionnelles la leur accorde.
Lorsque ces détenus obtiennent leur libération conditionnelle, ils demeurent pendant le reste de leur vie soumis à leurs conditions de libération sous la supervision d'un agent de libération conditionnelle du Service correctionnel du Canada. La libération conditionnelle peut être révoquée et les délinquants peuvent être remis en prison en tout temps. Elle ne permet pas aux condamnés de recouvrer leur liberté pour de bon. Ils peuvent être retournés en prison en tout temps s'ils contreviennent à une condition de leur libération conditionnelle ou s'ils commettent un autre délit. Ce ne sont pas tous les criminels condamnés à l'emprisonnement à perpétuité qui obtiennent leur libération conditionnelle. Certains ne seront jamais mis en liberté sous condition du fait qu'ils posent un risque de récidive.
Je tiens à dire aujourd'hui que je suis contre l'élimination de la clause de la dernière chance. Je m'y oppose, car il s'agit vraiment d'une dernière chance. Il y a en fait très peu de détenus qui profitent vraiment de cette clause. Par contre, elle encourage les détenus à bien se comporter, favorise la sécurité des agents de correction et, en général, améliore la bonne conduite dans l'ensemble du système carcéral, car elle fait miroiter une dernière chance de libération.
L'Association québécoise des avocats et avocates de la défense a comparu devant le comité et a présenté un excellent mémoire sur les répercussions réelles et les implications de l'abolition de la clause de la dernière chance. Elle a posé une excellente question au comité. Pourquoi se débarrasser d'une mesure susceptible d'encourager les personnes qui ont commis un crime grave à prendre la voie de la réadaptation? Pourquoi nous débarrasserions-nous d'une chose qui les encouragerait à se réadapter et à devenir des membres actifs de la société?
En outre, pour ce qui est du temps passé en détention par un délinquant ayant reçu une peine à vie pour meurtre au premier degré, la durée moyenne des peines au Canada est supérieure à celle dans tous les autres pays inclus dans l'étude de l'association, y compris les États-unis. La durée moyenne des peines est de 12 ans en Suède et de 14,4 ans en Angleterre. Devinez de combien elle est au Canada. Elle est de 28,4 ans. Au Canada, les délinquants purgent des peines de plus de 25 ans.
En 1976, un projet de loi devant permettre une révision de la période d'inadmissibilité après 15 ans a été présenté. Il en est question dans le mémoire de ce groupe, qui cite Jim Fleming, qui était secrétaire parlementaire du ministre des Communications à l'époque. Il aurait dit que la disposition était « une lueur d'espoir importante, si on veut laisser un stimulant quand une sanction aussi rigoureuse est imposée pour les crimes les plus graves ». Cette observation est encore pertinente aujourd'hui.
En 1998, dans l'affaire Vaillancourt, le juge en chef adjoint Callaghan, de la Cour suprême de l'Ontario, a statué que le processus de révision établit un juste milieu entre la nécessité de faire preuve de clémence à l'égard du condamné qui affiche une bonne conduite durant l'exécution de sa peine, ce qui peut contribuer à sa réinsertion sociale, et les intérêts de la communauté, qui exigent qu'on condamne l'acte ayant mené à l'incarcération du délinquant.
Le nombre de criminels qui se prévalent de la clause de la dernière chance n'est pas aussi élevé que ce que le gouvernement aimerait nous faire croire. Les meurtriers ne font pas la queue pour se prévaloir de cette disposition et sortir de prison sans purger leur peine. Ce n'est pas le cas, contrairement à ce que le gouvernement veut nous faire croire. Il essaie de nous effrayer pour que l'on adopte ces projets de loi sur la répression de la criminalité qui concernent très peu de personnes, mais qui auront des répercussions énormes sur ces dernières.
Parmi le groupe de criminels admissibles à la clause de la dernière chance entre 1987 et 2000, seulement 21 p. 100 ont présenté une demande d'audience. Au cours de ces 13 années, 84 criminels ont réussi à obtenir une réduction du délai préalable à leur libération conditionnelle, soit 6 par an en moyenne. C'est très peu.
Au cours de cette même période, 4 criminels ont vu leur libération conditionnelle être annulée pour avoir commis un autre crime. Il s'agissait de vols à main armée, d'infractions en matière de drogue et de deux infractions moins sérieuses en matière de drogue, mais la libération conditionnelle peut être révoquée pour n'importe quelle infraction.
Les quatre modifications apportées au Code criminel en 1997 ont sérieusement limité l'application de l'article 745.6. Selon l'Association du Barreau canadien, peu de gens sont touchés par ces dispositions. En effet, des 63 demandes présentées avant 1995, 13 ont été rejetées, 19 ont été acceptées, 27 ont été soumises à la commission après que le criminel ait purgé entre 16 et 20 ans de sa peine, et seulement 3 ont été soumises à la commission après que le criminel ait purgé entre 21 et 23 ans de sa peine. Six prisonniers dont la demande avait été acceptée par un jury ont vu leur demande rejetée par la Commission des libérations conditionnelles.
Par conséquent, il ne faut pas oublier que les gens s'éliminent eux-mêmes du processus en ne présentant pas de demande. Même ceux qui obtiennent l'autorisation de présenter une demande et ceux qui obtiennent une libération conditionnelle, et ils sont de moins en moins nombreux, font l'objet d'une surveillance continue pour le reste de leur vie et peuvent être emprisonnés de nouveau pour une quelconque infraction. Fait remarquable, parmi tous ceux qui ont obtenu leur libération conditionnelle jusqu'à maintenant, un seul contrevenant a récidivé en commettant un vol à main armée.
Ce sont de petits nombres, mais les résultats sont remarquables parce que cela signifie que la réadaptation est possible. Je fais remarquer que cela peut avoir des répercussions sur les contribuables. Cela pourrait leur faire économiser des dizaines de milliers de dollars chaque fois que la commission conclut qu'une personne est réadaptée après 15 ans de prison.
J'ai dit un peu plus tôt que l'Association du Barreau canadien avait comparu devant le comité. Il s'agit d'une association nationale qui représente plus de 37 000 juristes, des avocats, des notaires, des professeurs de droit ou des étudiants, d'un bout à l'autre du Canada. Un de ses objectifs primordiaux est d'améliorer le droit et l'administration de la justice. Elle regroupe des procureurs, des avocats de la défense et des professeurs de droit de chaque province et chaque territoire, et s'emploie à améliorer le droit et l'administration de la justice.
L'association s'est prononcée assez clairement contre l'abolition de la clause de la dernière chance. Je vous lis un extrait de son mémoire. On y parle de ce que le gouvernement a fait. Selon l'association, les communiqués du gouvernement sur le projet de loi laissent entendre que le nombre de contrevenants libérés en vertu de cette clause a augmenté. Elle montre, chiffres à l'appui, que c'est tout à fait faux.
On y lit que, d'après ce qu'on entend du gouvernement, une seule personne ayant accès à la Commission des libérations conditionnelles avant d'avoir purgé 25 ans de prison, c'est déjà trop. L'association affirme clairement qu'elle n'est pas d'accord là-dessus, et je ne le suis pas non plus.
S'il nous faut envisager un examen ou une modification du Code criminel, nous devons partir du principe que toutes les réformes doivent être basées sur des faits. Une réforme devra être fondée sur une évaluation de la situation actuelle et sur une analyse attentive des conséquences des changements pour déterminer s'ils amélioreront vraiment l'atteinte des objectifs de la détermination de la peine dans le cadre du système de justice pénale. Elle ne devra pas uniquement se fonder sur les résultats des sondages.
Il faut répondre à d'importantes questions, par exemple celle de savoir à quoi nous voulons arriver. Il faut nous demander si ces changements rendront vraiment nos collectivités plus sûres et si nous avons vraiment besoin de ces modifications législatives.
Examinons certains points de plus près.
Je reviens à la clause de la dernière chance. Cette mesure est juste et efficace. Il faut la conserver et l'on ne devrait même pas la modifier. Elle donne de l'espoir aux gens qui purgent de longues peines d'emprisonnement, ce qui les incite à se réadapter. Il en résulte des prisons plus sûres et un monde extérieur également plus sûr quand un détenu en sort réadapté.
Chaque fois que la Commission nationale des libérations conditionnelles décide qu'un détenu peut, sans danger, être graduellement remis en liberté sous surveillance, après avoir passé 15 ans en prison, les contribuables économisent des dizaines de milliers de dollars. C'est aussi une occasion unique pour le public de donner son point de vue à une étape essentielle qui fait partie intégrante de la détermination de la peine.
J'ai parlé de ceux qui se laissent dicter leur conduite par les sondages. Beaucoup de gens croient que la clause de la dernière chance permet simplement à des personnes condamnées pour meurtre d'être libérées après avoir purgé seulement 15 années de leur peine. Mais, ce n'est pas le cas, et il est temps de remettre les pendules à l'heure.
L'Association du Barreau canadien cite le professeur Allan Manson, qui dit ceci:
ceux qui affirment que le public est contre la révision anticipée du délai préalable à la libération conditionnelle semblent ignorer que c'est un jury qui se prononce sur la demande du détenu et que ce jury est habituellement composé de personnes provenant de l'endroit où le crime a été commis. Le détenu voit sa demande acceptée uniquement si le jury le veut.
C'est la population locale qui décide si une personne va être libérée. Je peux difficilement imaginer comment on peut obtenir un assentiment plus large du public qu'en confiant ces décisions à un jury composé des pairs du détenu, qui sont issus de la population locale.
Le verdict du jury doit être considéré comme une mesure de l'appui du public, dans ce processus, en particulier parce que la décision du jury doit être unanime. Il faut davantage que deux ou trois personnes qui décident que le détenu en a eu assez. Il faut qu'il y ait décision unanime du jury.
Mes collègues de et de ont eu une conversation dans cette enceinte tout à l'heure à propos des gens qui ont été condamnés pour meurtre et qui connaissaient leurs victimes. C'est souvent le cas. Je n'ai pas les statistiques sous la main, mais la vaste majorité des personnes condamnées pour meurtre connaissaient leurs victimes. Alors, si l'on donne aux proches des victimes l'occasion de se faire entendre par le jury, on se trouve en présence de personnes qui se connaissent. Ce sont des gens de la même famille parfois.
Parmi les opinions qui peuvent être données à un jury se trouvent celles des familles ou de la population locale. Ces gens disent parfois au détenu qu'ils sont prêts à le voir revenir dans son milieu de vie, avec eux. Ils considèrent que le détenu s'est réadapté et ils souhaitent qu'il revienne. Ils y voient leur intérêt. C'est un argument très fort à prendre en considération.
En résumé, la clause de la dernière chance est très importante car elle offre un ultime espoir. Une personne reconnue coupable de meurtre ou de haute trahison qui regrette sincèrement ses crimes et tient vraiment à se réhabiliter pourrait ainsi être remise en liberté après 15 ans d'emprisonnement, avant d'avoir purgé la totalité de la peine de 25 ans.
Il s'agit là d'une dernière chance, car cette personne doit d'abord convaincre son équipe de gestion de cas, ses psychologues, ses psychiatres, un juge et un jury que sa demande mérite d'être examinée par la Commission nationale des libérations conditionnelles.
Regardez bien toutes ces étapes. Au bout du compte, c'est à la Commission nationale des libérations conditionnelles qu'il revient de déterminer si un contrevenant mérite une libération anticipée, mais voyez combien de personnes il faut d'abord convaincre. C'est un processus à juste titre coûteux et à ne pas prendre à la légère.
La clause de la dernière chance offre un incitatif. On peut le répéter, car il est extrêmement important que ceux qui purgent une peine d'emprisonnement à vie aient une raison de bien se conduire en prison et de vouloir suivre un programme de réadaptation.
Que feraient les députés à la place de ces prisonniers? S'ils étaient en prison sans aucun espoir de remise en liberté, participeraient-ils à un programme de réadaptation? Je n'en suis pas convaincue.
Cette clause leur fournit une raison de chercher à améliorer leur comportement. Elle leur fournit une raison de participer à un programme de réadaptation.
N'oublions également pas les personnes qui travaillent dans ces prisons. La clause de la dernière chance rend les conditions de travail moins dangereuses pour les employés et les gardiens de prison du Service correctionnel du Canada. Nous devrions tous appuyer les mesures visant à rendre leur environnement de travail plus sûr.
Un modèle purement punitif n'est pas compatible avec les années de recherche et de statistiques sur lesquelles la philosophie canadienne en matière de détermination de la peine est fondée. Nous n'avons pas inventé cette philosophie ni les principes de détermination de la peine. Ils découlent d'années de recherche sur ce qui fonctionne. Nous avons besoin de principes de détermination de la peine qui montrent qu'on rend la société plus sûre en mettant l'accent sur des initiatives de réadaptation et en se conformant aux principes de respect des droits de la personne dans les pénitenciers.
L'Association du Barreau canadien recommande de ne pas adopter le projet de loi . Je vais lire le dernier paragraphe du mémoire de l'association qui résume parfaitement ce que nous devrions savoir sur cette clause. L'association écrit ce qui suit:
La clause de la dernière chance ne nuit pas à la sécurité publique, comme l'expérience l'a démontré jusqu'à présent. Les restrictions relatives aux audiences de la dernière chance empêchent amplement la présentation de demandes injustifiées ou futiles. Il y a peu d'audiences de la dernière chance. Le nombre de meurtriers qui commettent des infractions, encore moins des infractions avec violence, lorsqu'ils sont en liberté conditionnelle est extrêmement faible. En revanche, la clause de la dernière chance joue un rôle important en nous permettant d'être justes envers les contrevenants qui ont changé considérablement pendant les 15 années ou plus qu'ils ont passées en prison et de leur offrir des possibilités de réadaptation.
Je crois que la conclusion de l'Association du Barreau canadien résume parfaitement la situation. Nous devons offrir la clause de la dernière chance pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, à savoir pour contribuer à la sécurité dans les prisons, encourager les prisonniers à bien se comporter et faire économiser de l'argent aux contribuables. Pour toutes ces raisons, nous devons appuyer la clause de la dernière chance et nous opposer à ce projet de loi.
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Madame la Présidente, il convient de signaler que le projet de loi C-36 ne porte qu'un titre en français et en anglais: Loi modifiant le Code criminel, en français, et An Act to amend the Criminal Code, en anglais. Il convient de signaler aussi, à la lecture des documents qu'ont préparés diverses associations et divers procureurs au cours des derniers mois, et l'Association du Barreau canadien en offre un bon exemple, il convient de signaler, donc, que le projet de loi C-36 peut être et est désigné comme étant la Loi renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves.
Mais qui s'en soucie, pourrait-on demander. Cela décrit peut-être la façon dont les conservateurs voulaient l'emballage, mais il y a là une distinction extrêmement importante, une distinction qui mérite un peu de notre attention, aujourd'hui, si nous voulons tenter de décoder ce que les conservateurs ont en tête.
Il n'est pas du tout question de la soi-disant protection des victimes. Il est question des contrevenants qui ont commis un acte criminel et qui sont gardés en détention et du fait de savoir si nous devrions consacrer du temps et des efforts en vue de leur réadaptation. Nous devrions rendre la vie des gardiens de prison moins dangereuse en faisant en sorte que les contrevenants aient une dernière chance, comme on dit, à savoir que s'ils se comportent de façon appropriée, ils pourraient avoir la possibilité de se présenter devant un juge et de demander à ce que leur dossier soit examiné par quelqu'un d'autre.
Cependant, les conservateurs préfèrent s’adonner à des jeux en donnant différents titres à leurs mesures. En l’occurrence, ce titre bidon apparaît de nouveau dans des documents assez sérieux, notamment le résumé législatif rédigé par un employé de la division des affaires juridiques et législatives de la Bibliothèque du Parlement ainsi qu’un document sur les questions et considérations relatives au projet de loi. Dans les deux cas, on parle d’abord de « Loi modifiant le Code criminel » et ensuite on utilise le sous-titre, « Loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves », qui n’existe pas vraiment. Il y a donc lieu de se poser plusieurs questions: si ce n’est pas le titre de la loi, qu’est-ce que c’est? Si ce titre ne fait pas partie du processus législatif, pourquoi en est-il question au Parlement du Canada? Comment se fait-il qu’il se retrouve là, et qu’est-ce qu’il signifie vraiment?
La réponse à la question de savoir pourquoi les conservateurs se livrent à de tels jeux est la suivante. La mesure n’a absolument rien à voir avec le sujet sérieux qu’est le Code criminel. Elle n’a rien à voir avec la protection des victimes. Elle a tout à voir avec la stratégie et les manoeuvres; cela fait des années que les conservateurs emploient de telles tactiques pour flatter leur base réformiste.
Juste avant la reprise du débat, un député conservateur a pris la parole pour parler du registre des armes à feu. Il a rappelé combien celui-ci avait coûté et s’est ensuite servi de cela pour dire qu’on devrait l’éliminer. Bien au contraire, l’existence même du registre et le fait qu’il a été établi à grands frais est une bonne raison de le garder, surtout à la lumière du fait que tous les services de police au Canada demandent au Parlement de ne pas se débarrasser du registre des armes d’épaule.
J’ai assisté à la cérémonie annuelle de remise des prix aux agents de police, jeudi dernier à Montréal. Des membres de la Gendarmerie royale du Canada, de la Sûreté du Québec et des services de police de Montréal, de la région et de l’ensemble de la province étaient présents à cet événement soulignant le travail extraordinaire de ces courageux hommes et femmes.
Le message politique transmis systématiquement par les agents de police pendant toute cette journée, du fait qu'il y avait sur place un grand nombre de parlementaires, députés et sénateurs et représentants d'autres ordres de gouvernement, était le suivant: « Quoi que vous fassiez, n'abolissez pas un outil dont nos vies dépendent ». Ils nous ont expliqué que le registre des armes à feu est consulté des dizaines de milliers de fois chaque jour, d'un bout à l'autre du Canada. C'est un instrument de protection du public et un instrument de protection de la police.
Comme je suis moi-même père d'un agent de police, je suis toujours extrêmement préoccupé, car je comprends ce que signifie pour un agent de police le fait d'être appelé à intervenir pour une chicane de ménage dans une zone où l'usage des armes à feu est fréquent. L'agent dispose au moins de ces quelques renseignements lorsqu'il va frapper à la porte; il sait qu'il y a probablement des armes à feu dans la maison. C'est un outil de plus pour assurer la protection des agents de police.
Il n'y a pas plus paradoxal. Les députés conservateurs ont beau intervenir chaque jour et donner des titres bidons à des projets de loi, leur jeu est évident. Nous pouvons aisément deviner que le thème de la protection contre le crime n'est qu'illusion sans substance. Ils ne parlent jamais d'augmenter les ressources de la GRC ni les ressources nécessaires aux forces locales de maintien de la paix. Cependant, ils font tout pour adopter une position conforme à leur base réformiste.
Alors que les agents de police nous demandent de maintenir le registre des armes à feu, les fonctionnaires des établissements carcéraux nous disent que nous devons laisser aux détenus un certain espoir d'être libérés. Sinon, la vie dans les établissements carcéraux sera de plus en plus difficile. Si les conservateurs arrivent à leurs fins et que nous adoptons le système américain et ses peines de 125 ans, où les détenus n'ont aucun espoir de libération, quelles seront les conséquences pour les fonctionnaires qui travaillent dans le milieu carcéral? Les choses iront de mal en pis. Pourquoi pensez-vous que l'Association du barreau canadien implore le Parlement de ne pas se laisser aller à ces petits jeux politiques?
Est-ce que les conservateurs s'en préoccupent? Absolument pas. Sont-ils préoccupés par la loi et l'ordre? Foutaise. Ils se balancent complètement de la loi et l'ordre et s'ils s'en préoccupaient le moindrement, la dernière chose qu'ils feraient serait de démanteler le registre des armes à feu car ils feraient en sorte de laisser un outil très important aux agents de police d'un bout à l'autre du Canada.
Ce que les conservateurs cherchent à faire ici — et c'est le cas pour bon nombre de leurs projets de loi — c'est de faire croire aux gens qu'ils agissent en ce qui concerne l'ordre public alors qu'il n'en est rien. Ils vont même jusqu'à changer le titre du projet de loi pour en faire une publicité en faveur de leurs politiques de droite, mais ils se gardent bien de présenter un projet de loi avec de la substance.
De fait, ils ont réduit les salaires des membres de la GRC une fois que ceux-ci avaient voté en leur faveur. Voilà ce que les conservateurs ont fait. D'un côté, ils disent qu'ils sont là pour faire respecter l'ordre public, mais de l'autre, ils éliminent le registre des armes à feu et diminuent les salaires des membres de la Gendarmerie royale du Canada. Ils ne sont pas là pour faire respecter l'ordre public; ils sont là pour défendre leurs intérêts. Mais ils savent que c'est important pour leur base politique. Alors, ils proposent ce genre de projet de loi dont le titre vise à amadouer leur base réformiste en disant qu'ils font vraiment ce qu'ils ont promis qu'ils feraient.
L'année dernière, les conservateurs ont proposé un projet de loi dont le titre évoquait la traite des personnes. De fait, la plupart des députés de ce côté-ci de la Chambre l'ont appuyé. J'ai voté pour parce que je pensais qu'il envoyait le bon signal. Mais lors d'un important débat parlementaire, certains collègues à la Chambre ont dit que le projet de loi posait trop de problèmes sur le plan de la loi, de la Charte des droits et d'autres questions de fond, et ils ont exprimé des inquiétudes. Faisant ce pourquoi on les avait envoyés ici, ils ont voté contre le projet de loi.
[Français]
Ce qui était particulièrement choquant, c'est que dans la foulée d'un débat sur un sujet qui était encore une fois une tentative de changer la réalité en mettant un titre ronflant qui parlait du trafic des êtres humains, les débats étaient intéressants, mais beaucoup d'experts ont dit que cela pouvait poser problème.
J'ai voté en faveur de ce projet de loi parce que je trouvais qu'il envoyait le bon signal, mais d'autres collègues ont décidé de voter contre. Qu'est-il arrivé? Les conservateurs, utilisant l'argent des contribuables, ont envoyé des dépliants. Ce sont les mêmes dépliants qui ont fait la manchette dernièrement en ce qui a trait au droit de faire des envois dans 10 p. 100 des comtés, et ce, aux grands frais des contribuables. Je l'ai vu. C'est assez extraordinaire comme démagogie.
Je fais de la politique depuis longtemps et je crois n'avoir jamais vu une telle chose. En page couverture, on voit une balançoire vide. Il ne s'agit pas d'une balançoire normale avec une planche plate, mais plutôt d'une balançoire dans laquelle on mettrait un enfant trop petit pour marcher. On pouvait donc voir une balançoire vide et un adulte, de dos, en train de partir avec l'enfant.
Ils ont attaqué individuellement, un à un, les collègues députés qui ont voté contre ce projet de loi. En fait, je ne partageais pas leur point de vue, comme je viens de le mentionner, et j'ai voté en faveur de ce projet de loi. C'est un choix informé. Je suis avocat. J'ai regardé ce projet de loi et je trouvais qu'il envoyait un signal important, même si, substantivement, je n'étais pas convaincu que cela allait produire l'effet suggéré dans leur publicité. Mais quand j'ai vu cela, quand j'ai vu ce genre d'attaques mesquines, j'ai compris que cela avait tout à voir avec une tentative de noircir la perception de l'adversaire dans l'esprit du public et rien à voir avec le fond du dossier.
Ce sont de grands donneurs de leçons. Ils disent qu'il faut faire attention avec l'argent du public. Ils font tout cela avec l'argent du public, tout comme ils sont en train de dépenser 100 millions de dollars pour des pancartes sur les infrastructures avec l'argent du public. Ce sont des enseignes et des affiches qu'ils font souvent imprimer aux États-Unis. Il faut le faire! Ce n'est pas assez d'avoir à vivre avec le Buy American Act des Américains où l'on fait travailler les trains canadiens aux États-Unis parce qu'ils ont un Buy American Act, mais on est assez tatais pour envoyer notre travail se faire faire aux États-Unis. De plus, les conservateurs sont en train de faire fabriquer aux États-Unis les enseignes pour le programme d'infrastructures du Canada. C'est toujours à peu près dans le même registre que ce dont on est en train de parler aujourd'hui.
L'ensemble des experts, qui connaissent le milieu carcéral et qui ont eu l'occasion de comparer la durée des peines au Canada par rapport à celles dans d'autres sociétés, réfutent catégoriquement la prétention des conservateurs voulant que ce projet de loi ait un rapport quelconque avec des peines plus importantes et avec les familles. Chaque fois, on nous ressasse l'un des seuls cas qu'il n'y a jamais eu dans l'histoire du Canada où quelqu'un, qui avait justement été un tueur en série, est revenu. Mais le fait est que cela ne s'appliquait même plus à quelqu'un dans cette catégorie.
Cela ne les empêche pas de se lever, coup après coup, avec un trémolo dans la voix, pour entonner des questions comme ils l'ont fait tantôt et demander: « Pourquoi êtes-vous contre les victimes? Pourquoi voulez-vous qu'elles souffrent une deuxième fois? »
Les seules personnes qui souffrent de ce genre de démagogie, c'est un public las d'un gouvernement qui n'a pas encore compris, quatre ans plus tard, qu'il n'est plus dans l'opposition.
Je vais partager avec mes collègues que lorsque je faisais partie d'une formation qui avait fait une longue traversée du désert de neuf ans dans l'opposition à Québec et que nous sommes arrivés au pouvoir, certains fins finauds de chez nous ont eu le goût de prendre les éléments de notre programme et de commencer à construire le titre d'une loi avec ce genre de suggestions. Ce n'est pas juste une loi pour modifier le Code criminel, c'est une loi pour modifier le Code criminel afin d'envoyer un message avec des peines plus sévères pour les crimes les plus graves et ainsi de suite.
Une chance qu'il y avait des adultes dans la pièce pour dire que c'est tentant, que cela se raconte bien, mais, comme le dit la loi d'interprétation, le titre d'une loi en fait partie, un peu à l'instar d'un préambule pour les quelques lois qui en contiennent encore, et sert parfois aux tribunaux pour interpréter la loi.
Le fait même qu'ils soient en train de jouer ce jeu démontre à quel point ils n'ont pas de respect pour l'institution. Inventer un titre bidon qui n'apparaîtrait jamais nulle part, mais qui est purement une « pub » qu'ils sont en train d'instaurer en leur propre faveur, cela démontre clairement qu'ils ont ouvert leur jeu.
Les masques tombent. C'est une tentative pure et simple d'avoir le vote d'une certaine partie de la population très sensible à ce genre de discours. Je me permets de dire ceci à ces gens qui peuvent être tentés d'écouter le chant des sirènes des conservateurs à ce sujet. Comment se fait-il que les mêmes conservateurs, qui essaient de les convaincre qu'ils sont pour la loi et l'ordre, soient en train d'aller à l'encontre du choix clairement formulé par l'ensemble des corps de police au Canada sur le maintien du registre des armes à feu? Ce registre protège les policières et les policiers, et il est un important outil pour combattre le crime. Les conservateurs disent qu'ils veulent lutter contre le crime, mais pourquoi disent-ils une chose et font-ils le contraire?
Comment se fait-il, lorsqu'il s'agit de déterminer si on va changer les règles du jeu et d'enlever tout espoir à quelqu'un qui a été condamné, que les conservateurs soient en train de jouer avec la sécurité du public plutôt que de poser des gestes? Pourtant, cet espoir pourrait amener un détenu à avoir un meilleur comportement dans le milieu carcéral et, contrairement à ce qui a été affirmé, cela n'affecte pas les familles négativement. Ainsi, la société n'enlèverait pas ad vitam aeternam toute possibilité de réhabilitation.
Pensons trois secondes aux hommes et aux femmes qui travaillent en milieu carcéral. Cela va rendre leur vie plus dangereuse. Pensons trois secondes aux policiers qui seront aux prises avec certaines personnes.
Les conservateurs ont récemment formulé un autre souhait: commencer à additionner les peines comme cela se fait aux États-Unis. On va se retrouver avec la folie américaine et avec des peines de 125 ans de prison, ce qui est plus long que la vie humaine n'a jamais été, mais ça ne semble pas être grave pour eux. Ils peuvent copier le modèle américain et essayer de se convaincre, tout en tentant de convaincre le grand public, que leur but est d'avoir une meilleure protection. Il y aura toujours une partie de la population sensible à ce genre d'arguments.
La tentation, quand on est dans un Parlement et qu'on est face à des démagogues de cette nature, serait de dire que la dernière chose qu'il faut faire est d'en parler parce que cela leur permettrait justement d'atteindre le but recherché. Il doit s'en trouver quelques-uns parmi eux qui sont contents de voir qu'on répète le titre qu'ils auraient bien voulu donner à ce projet de loi.
Pour ma part, j'ai plus confiance en l'intelligence des électeurs. Je préfère de loin mettre un cercle autour de cette tache que l'on voudrait enlever et qui consiste à toujours jouer avec les sentiments des gens dans des dossiers comme la protection du public et la lutte contre le crime. Il faut dénoncer cette tache qui consiste à utiliser nos institutions parlementaires à des fins bassement partisanes n'ayant rien à voir avec la protection du public. Il faut dire ce qu'il en est, afin que les gens puissent prendre une décision éclairée lors de la prochaine campagne électorale.
Je suis heureux de me tenir debout ce soir et de dire haut et fort que les conservateurs ne m'impressionnent pas. Les conservateurs n'auront pas la possibilité d'intimider ni de faire peur aux gens de ma circonscription, aux gens en qui j'ai confiance.
Ce projet de loi va rendre la vie plus dangereuse pour les hommes et les femmes qui travaillent en milieu carcéral. L'Association du Barreau canadien, qui représente l'ensemble des avocats et des notaires partout au Canada, a fait une sortie pour s'opposer farouchement à ce genre de démagogie. Elle a fait un travail merveilleux pour démasquer les réelles intentions dont il est question ici.
Ce projet de loi fait partie d'une série de mesures que les conservateurs tentent de vendre comme des démarches en faveur de la loi et de l'ordre, alors qu'en fait, il s'agit tout simplement d'un effort de marketing politique. Ils ne sont pas en train de poser des gestes concrets pour mieux protéger le public. Ils sont en train de poser des gestes hautement partisans dans leur propre intérêt et qui ne visent finalement qu'une seule chose: faire plaisir à leur base politique et partisane.
À notre point de vue, si le projet de loi devait être adopté, cela constituerait un net recul en matière de loi et d'ordre, notamment pour les gens qui sont appelés à appliquer la loi.
[Traduction]
Nous sommes loin d'être intimidés par cette tentative, qui consiste à jouer avec les sentiments des gens pour présenter cette mesure comme visant à favoriser la loi et l'ordre. L'Association du Barreau canadien dénonce ce genre de mesure en soutenant qu'elle n'a rien à voir avec la loi et l'ordre, mais tout à voir avec les manoeuvres politiques des conservateurs, et les gens qui travaillent dans le milieu carcéral, notamment dans les pénitenciers, affirment que la suppression du régime de la dernière chance rendrait leur vie plus dangereuse. Aussi, lorsque nous entendons les conservateurs parler des victimes et demander pourquoi nous nous opposons à ces dernières, nous constatons que leurs interventions sont toutes du même registre. Le gouvernement utilise des manoeuvres politiques et des tactiques de vente à pression au lieu d'axer sa position sur la teneur du dossier.
Lorsqu'on se rend compte qu'il s'agit du jeu habituel des conservateurs, on est tenté de se dire que c'est vraiment peu reluisant. Il suffit, entre autres, de jeter un coup d'oeil aux dix-pour-cent et aux attaques personnelles que les conservateurs distribuent. Si les conservateurs qualifient cette mesure de loi renforçant la sévérité des peines d’emprisonnement pour les crimes les plus graves, leur prochaine tactique sera de dire aux Canadiens que leur député s'oppose à ce que la Chambre renforce la sévérité des peines pour ces crimes. Ce sera leur nouvelle attaque politique.
J'estime qu'il faut laisser les conservateurs continuer sur leur lancée. Ils sous-estiment gravement l'intelligence des Canadiens. L'idée de supprimer même le plus petit espoir pour les gens qui purgent de longues peines d'emprisonnement, peines qui sont effectivement imposées au Canada, constitue la meilleure façon de mettre en péril la vie des femmes et des hommes qui travaillent dans nos institutions pénitentiaires. Par surcroît, le genre de peines plus sévères que l'emprisonnement à perpétuité que tentent de faire adopter les conservateurs avec d'autres mesures législatives, à l'instar des Américains, est le moyen le plus sûr de rendre la vie carcérale nettement plus dangereuse pour tout le monde.
Au Canada, nous avons un système équilibré, qui l'a d'ailleurs toujours été, qui repose sur une analyse structurée et judicieuse des véritables besoins de la société. Ce qu'on nous propose ici ne correspond absolument pas à cela. C'est de la pure démagogie, c'est une mesure pour plaire à la base réformiste. Par conséquent, nous voterons fièrement contre cette mesure.
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Madame la Présidente, j'ai le plaisir d'intervenir, au nom de mes collègues du Bloc québécois, au sujet du projet de loi .
D'entrée de jeu, j'aimerais préciser que le Bloc québécois ne votera pas en faveur de ce projet de loi en troisième lecture, bien que nous ayons voté en faveur du principe du projet de loi en deuxième lecture dans le but de le renvoyer en comité afin d'entendre des témoins qui pourraient éclairer le gouvernement sur sa portée et son bien-fondé. Or, il appert que des témoins — mon collègue du NPD, le député d' y a référé dans son exposé —, à l'évidence des témoins majeurs et importants tels que l'Association des avocats de la défense de même que le Barreau canadien, se sont vigoureusement opposés à ce projet de loi. Ayant entendu des témoins et ayant fait un exercice sérieux en comité, le Bloc québécois a décidé de voter contre ce projet de loi en troisième lecture.
Tout simplement, nous jugeons aussi que ce projet de loi n'est pas justifié. On a encore devant nous ce gouvernement conservateur qui utilise la technique de l'écran de fumée ou de la poudre aux yeux pour tenter de faire croire à nos concitoyens, à nos compatriotes, qu'il s'attaque de façon énergique au crime, qu'il est pour le maintien de l'ordre et des bonnes moeurs en société. Il présente une foule de projets de loi dont l'application est vraiment très douteuse. Ce projet de loi en est un cas.
Nous savons que le projet de loi porte sur les crimes les plus graves — notamment le meurtre prémédité —, qui ont les conséquences les plus importantes sur les victimes et qui marquent la population. Nous le reconnaissons. L'emprisonnement à perpétuité est assorti d'une possibilité de demander, selon s'il s'agit d'un meurtre au premier ou au second degré, une libération conditionnelle après un certain temps. Nous reconnaissons que dans la hiérarchie des crimes, il s'agit de crimes très sévères, de crimes importants, de crimes majeurs. C'est pour cela que ces crimes les plus graves méritent les sanctions les plus grandes et ils sont passibles, comme je le disais tout à l'heure, d'emprisonnement à perpétuité.
On a parfois des peines trop peu sévères ou des libérations conditionnelles trop laxistes, comme la libération au sixième de la peine que l'on voit actuellement et dont pourront bénéficier les criminels en cravate parce que ce gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités. Au Québec, nous avons l'affaire Norbourg et l'affaire Vincent Lacroix. Ce dernier sortira au sixième de sa peine avec des sommes faramineuses probablement placées quelque part dans un paradis fiscal, soit à La Barbade, aux Bahamas, dans les îles Turks et Caicos, ou à Trinité-et-Tobago. Il va se couler la vie douce après avoir fait quelques mois de prison et avoir privé d'honnêtes citoyens de leurs revenus. Ce sont peut-être les seules sommes qu'ils auront été capables de mettre de côté, un petit pécule qu'ils auront réussi à accumuler au fil des ans, suite à de durs labeurs. Car ce ne sont pas nécessairement des multimillionnaires que Vincent Lacroix a floués. Pour la plupart des quelque 9 200 dossiers, ce sont des gens ordinaires, des gens qui ont travaillé toute leur vie. On a même vu deux jeunes qui ont hérité de leurs parents décédés dans un accident d'automobile et l'argent qu'ils ont reçu des assurances s'est envolé en fumée à cause du geste malicieux de Vincent Lacroix.
On est d'accord pour dire qu'on ne doit pas avoir de libérations conditionnelles trop laxistes. Entre autres, cela mine la crédibilité du système judiciaire et alimente le sentiment que les criminels sont mieux traités que les victimes. Je veux réitérer que le Bloc québécois est du côté des victimes et non du côté des criminels, car les démagogues qu'on a en face de nous, régulièrement, lorsqu'on s'oppose à un projet de loi, law and order de l'agenda de ce gouvernement, nous accusent d'être du côté des criminels.
On l'a vu dans le cas de l'Afghanistan: on s'est déjà fait accuser d'être du côté des talibans. Ce n'est pas des farces. C'est ce que font les conservateurs. C'est ça, la démagogie, et c'est en cela que ce gouvernement est dangereux. Ce gouvernement tente de manipuler l'opinion publique. Heureusement, les personnes qui nous écoutent sont capables de discerner le vrai du faux.
Ce projet de loi vise à abolir une disposition qui assure à un criminel qui aurait été condamné pour 20 ans ou 25 ans de prison, d'être entendu après 15 ans. Je parle d'un criminel qui serait condamné à la prison à perpétuité, avec possibilité de demander une libération conditionnelle après 15 ans.
Dans le Code criminel actuel, on trouve la clause de la dernière chance. Cette clause donne la possibilité, après 15 ans, de demander à être réentendu. Cela ne se règle pas devant un agent de libération conditionnelle. On doit demander à être entendu par un juge et un jury de 12 personnes, c'est-à-dire 12 citoyens ordinaires qui, en tenant compte du temps de sa détention, d'une preuve caractérielle, de témoignages des psychiatres, des travailleurs sociaux, des experts et ainsi de suite, peuvent juger s'il pourrait être admissible à une libération conditionnelle immédiatement.
C'est cela, la clause de la dernière chance. Les conservateurs, pour montrer qu'ils prônent la loi et l'ordre, veulent abolir cette clause qui fonctionne très bien actuellement. Les avocats de la défense nous l'ont dit en comité. L'Association du Barreau canadien nous l'a dit en comité: le système fonctionne. Elle a dit aux conservateurs que c'est par pur électoralisme et afin de préparer leur programme en vue des prochaines élections qu'ils tentent d'adopter des projets de loi comme cela.
Certains cas sont des succès. Si le projet de loi était adopté, on ne pourrait donc plus être entendu. J'aimerais souligner un cas en particulier parce que je connais l'individu. Il s'agit du cas de l'avocat Michel Dunn, originaire de Chicoutimi, avec qui j'ai étudié au séminaire de Chicoutimi et avec qui j'ai travaillé à l'entretien ménager de l'hôpital de Chicoutimi pour payer mes études. Il a fait ses études en droit à l'Université Laval. Il avait des problèmes financiers liés au monde interlope, et il a assassiné son associé, Me Serge McNicoll, alors que tous les deux pratiquaient le tir au pigeon d'argile sur une plage au bord du lac Saint-Jean, à Saint-Henri-de-Taillon ou à Sainte-Monique-de-Honfleur. Ma mémoire est vacillante.
Il a été condamné pour meurtre. Il a été condamné à la prison à perpétuité avec libération conditionnelle après 25 ans. Après 15 ans, il s'est servi de la clause de la dernière chance pour être entendu, et il a obtenu sa libération. Aujourd'hui, Michel Dunn est intervenant-accompagnateur, et il aide des criminels à réintégrer la société. C'est un exemple de succès. Pendant ses années d'incarcération, il a eu un comportement impeccable. Il était dans un milieu où on ne retrouvait pas des enfants de coeur. Il était dans un milieu très difficile et il a aidé ses codétenus lors de leur détention.
Indirectement, il a aussi aidé nos agents correctionnels qui se dévouent pour faire en sorte que ces gens qui vivent dans un milieu carcéral puissent, dans certains cas, se préparer à réintégrer la société. C'est cela aussi le rôle d'un agent des services correctionnels. J'ai d'ailleurs deux de mes collègues qui ont des pénitenciers dans leur circonscription, soit le pénitencier de Port-Cartier pour mon collègue de et le pénitencier de La Macaza pour ma collègue de .
Trop souvent, on ne rend pas assez hommage aux agents des services correctionnels. J'ai déjà lu de la documentation où les agents des services correctionnels nous disaient qu'eux aussi étaient en-dedans. Ce sont des conditions de travail difficiles. C'est un stress constant. Ils ont à surveiller des gens qui n'ont plus rien à perdre, des gens condamnés pour des meurtres multiples. Tout ce qu'ils leur restent, c'est d'empoisonner l'existence de tout le monde à l'intérieur des murs. Je veux donc profiter de l'occasion pour rendre hommage à nos agents des services correctionnels, aussi bien ceux qui oeuvrent dans le régime fédéral que ceux qui le font dans le régime québécois.
J'aimerais souligner ce que nous a dit l'Association québécoise des avocats de la défense. Vous savez que je suis avocat. J'ai pratiqué pendant seulement un an et demi et je ne me considère pas comme une sommité en droit. Un de mes amis, Me Jean Asselin, de Québec, est membre de l'Association québécoise des avocats de la défense. Dans la communauté juridique, à l'heure actuelle, ils sont littéralement découragés par l'attitude de ce gouvernement conservateur qui rate la cible, qui tire dans une mauvaise direction. L'Association québécoise des avocats de la défense nous a dit être d'avis que ce projet de loi s'inscrit dans une stratégie électoraliste, promettant faussement l'amélioration de la sécurité publique.
D'autre part, si on peut comprendre la réaction de certaines familles de victimes qui sont accord avec ce projet de loi, il n'en demeure pas moins que l'analyse de l'opportunité de l'adopter doit se faire dans un contexte serein où l'émotivité ne doit pas être le guide ultime.
L'Association du Barreau canadien s'oppose à l'adoption du projet de loi parce qu'elle est d'avis que la disposition de la dernière chance est importante dans le cadre du régime global de détermination de la peine, en particulier pour la détermination de la peine pour meurtre.
Je pourrais qualifier ces interventions isolées des conservateurs d'être une approche cafétéria. C'est comme de dire aujourd'hui, je prends une soupe, demain, je prendrai une salade. Je prends du dessert aujourd'hui, je prends une salade de fruits demain. Cette approche à la pièce n'atteint pas la cible, comme je le disais tout à l'heure. Il faut voir le système pénal et le Code criminel dans leur ensemble.
Actuellement, le seul objectif des conservateurs est de trouver des projets de loi où il y a eu des événements, où il y a eu des affaires qui ont fait les médias plus qu'autre chose, et là, tout de suite, d'agir dans un but bassement électoraliste.
Je le répète: quand on n'est pas avec eux, quand on n'a pas la même opinion qu'eux, on passe tout de suite pour être en faveur des criminels, comme ils ont déjà dit qu'on était pour les talibans. Faut le faire!
En conclusion, parce que je vois que le temps file et que je veux avoir du temps pour répondre aux questions, nous sommes d'avis que le Bloc québécois est sur la bonne voie et nous rejoignons en ce sens la position du NPD. J'ose espérer que nos collègues libéraux pourront entendre raison et ne se laisseront pas impressionner par les sirènes ou les chantres du genre qu'on retrouve en face, du côté des conservateurs. Je pense que le Parti libéral a une tradition progressiste et avant-gardiste, comme son nom l'indique.
Je demande à mes collègues du Parti libéral de voter avec le Bloc québécois et le NPD, afin que ce projet de loi inutile et impertinent ne puisse pas franchir l'étape de la troisième lecture.