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Monsieur le Président, comme je le disais avant la période des questions, on ne peut prendre ce projet de loi à la légère et il faut répondre à de sérieuses questions.
On ne peut parler de ce projet de loi sans aborder, par exemple, les problèmes de la Colombie au chapitre des droits de la personne. Nous savons tous que, au cours des dernières années, trois millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays. C'est énorme. Le seul pays où plus de gens ont été déplacés est le Soudan. Nous voyons régulièrement des reportages sur le Soudan à la télévision, mais pas souvent sur la Colombie. Nous voyons les barons de la drogue, les forces paramilitaires et tout le reste, mais on ne comprend pas pourquoi on ne nous parle pas des trois millions de personnes déplacées au pays.
Qui sont ces gens? Ce sont des pauvres, des fermiers, des victimes de mauvais traitements. Dans la première moitié de 2008 seulement, 270 000 personnes ont été déplacées. C'est le taux le plus élevé de ces 23 dernières années. Ce n'est pas une tendance encourageante. C'est là quelque chose qui devrait nous préoccuper tous.
Une fois de plus, comme dans tous les conflits dans le monde, les femmes sont particulièrement vulnérables aux déplacements. Les femmes et les enfants sont touchés de plein fouet par les conflits et l'instabilité. Ce n'est rien de nouveau, et c'est la même chose en Colombie. L'histoire se répète. Les chiffres le confirment.
Cette situation se produit dans des régions riches en cultures et en ressources minérales, pétrolières et gazières. Qu'est-ce que cela signifie? Cela veut dire que ce sont des terres ayant énormément à offrir et que les entreprises canadiennes à la recherche de gaz et de minerais se trouveraient en fait dans ces régions. Le développement économique se concentrerait dans ces régions où les habitants ont été chassés de leurs terres et parfois tués.
Des millions de personnes sont déplacées. Il ne s'agit pas que de quelques personnes, mais bien de millions d'individus, ce qui ne veut pas pour autant dire que le déplacement d'une seule personne soit acceptable. Amnistie internationale et Human Rights Watch suivent la situation depuis un certain temps déjà.
Le développement économique dans ces régions se ferait au détriment de millions de personnes qui seraient forcées de quitter leurs terres. Or, bon nombre d'entre elles en ont déjà été chassées. La question est dans une large mesure liée à la justice et aux droits de la personne.
Ce sont des civils innocents, surtout des régions rurales, qui font les frais de la situation. Comme certains d'entre nous le savent déjà, le gouvernement a pris des mesures pour identifier et tuer les paramilitaires et les barons de la drogue. Malheureusement, les résultats obtenus sont de faux positifs. Les militaires colombiens ont tué et continuent de tuer des civils innocents qu'ils font ensuite passer pour des rebelles tués au combat.
Au début, le président Uribe de la Colombie a soutenu les militaires en niant la véracité de telles allégations, mais il a ensuite annoncé que 27 soldats et 3 généraux étaient démis de leurs fonctions suite à 11 meurtres. La situation est horrible. Outre les déplacements, des personnes innocentes sont tuées et faussement présentées comme des paramilitaires.
Il semble que l'armée subisse des pressions énormes pour montrer qu'elle réussit à se débarrasser des paramilitaires et des barons de la drogue, mais le fait de tuer des innocents et de les faire passer pour les indésirables n'est pas la solution. Encore une fois, il s'agit d'une atteinte horrible aux droits de la personne qu'il faut entièrement faire cesser, pas seulement en partie. On compte plus de 1 000 victimes depuis 2003. Nombre de jeunes des régions pauvres ont été victimes de ces tueries et ont été faussement présentés comme des indésirables. J'estime que c'est tout à fait inacceptable. Il faut prendre ces faits en compte lors de l'examen de ce projet de loi sur un accord commercial.
Pendant des années, le président Uribe a nié publiquement l'existence du problème. Pourtant, comme nous l'avons appris, il a congédié des membres de son armée quand il a été forcé d'admettre que cela se produisait et continue de se produire à ce jour, selon Human Rights Watch et Amnistie Internationale.
La corruption est un autre problème de premier ordre. Il n'est pas rare d'entendre parler de politiciens et de militaires liés à des organisations paramilitaires et à des barons de la drogue. Human Rights Watch et Amnistie Internationale parlent aussi des crises dans ce domaine.
C'est pour cela qu'il est essentiel que le gouvernement procède à une évaluation des répercussions sur les droits de la personne avant que cet accord de libre-échange ne soit adopté par la Chambre ou mis en oeuvre. Une évaluation des répercussions sur les droits de la personne est absolument essentielle pour déterminer dans quelle mesure des gens innocents se font tuer, enlever ou déplacer chaque jour au nom de la croissance économique.
Il n'y a rien de neuf dans ces recommandations. Le gouvernement est au courant et, d'ailleurs, tous les ministériels les ont appuyées. Les recommandations tirées du rapport du Comité permanent du commerce international, intitulé Droits de la personne, environnement et libre-échange avec la Colombie, stipulent que la situation relativement aux déplacement de population, au droit du travail et à l’imputabilité des crimes doit s'améliorer et que le gouvernement colombien doit adopter une attitude plus constructive vis-à-vis les groupes de défense des droits présents sur son territoire avant qu'un projet de loi ne soit adopté.
Tous les députés, de tous les côtés de la Chambre, ont appuyé ces recommandations. Pourtant, le gouvernement n'en a pas tenu compte avant de signer son accord, en novembre 2008, soit avant même que le rapport ne soit déposé à la Chambre. Je trouve cela très troublant. C'est justement pour aborder ces questions que le comité permanent a fait tout ce travail. Il faut absolument les régler, sinon nous serons en partie responsables, d'une certaine manière, de ce qui se passe en Colombie.
Examinons un instant la question de la main-d'oeuvre. La Colombie est le chef de file mondial en matière d'assassinats de syndicalistes. Environ 2 600 personnes ont été tuées depuis 1986, 2 600 syndicalistes, dirigeants syndicaux sont morts depuis 1986. Si cela devait se produire ailleurs dans le monde, nous serions horrifiés. C'est pourtant ce qui arrive en Colombie. La plupart de ces assassinats ont été attribués aux groupes paramilitaires qui ont délibérément ciblé les syndicalistes qui se sont placés en travers de leur chemin en donnant des droits à la population, des droits en matière d'emploi. Les groupes paramilitaires ne veulent rien savoir de cela.
Plus de 400 de ces victimes ont été tuées sous le règne du gouvernement d'Uribe. Le massacre se poursuit. Il s'est quelque peu atténué, mais il se poursuit et 60 p. 100 de tous les décès liés au syndicalisme dans le monde entier sont survenus en Colombie l'année dernière. C'est énorme.
En raison des pressions exercées notamment par les États-Unis, certains changements se sont produits en Colombie. C'est justement cette violence qui empêchait le gouvernement américain de signer un accord de libre-échange avec la Colombie. C'est pourquoi la Colombie a fait certains efforts pour freiner l'impunité et améliorer son système de justice. Ces problèmes ont été atténués, mais n'ont pas été réglés.
Encore une fois sous la pression du Congrès américain, la Colombie a été incitée à collaborer avec les organisations internationales vouées à la défense des travailleurs pour améliorer la situation et prévenir les meurtres ou les enlèvements de syndicalistes. Tous ces efforts ont abouti à la nomination de juristes spécialisés au bureau du procureur. Ceux-ci sont chargés de poursuivre efficacement les responsables des assassinats des membres des syndicats.
C'est évidemment une excellente initiative et les choses ont commencé à changer. Cependant, les statistiques démontrent que, dans 97 p. 100 des cas, il n'y a pas eu de condamnation. Les condamnations étaient rares sous Uribe, mais elles ont atteint 43 p. 100 en 2007 et 53 p. 100 en octobre, grâce aux pressions exercées par les États-Unis. Encore une fois, il y avait peu de condamnations les premières années du régime d'Uribe, mais il y en a maintenant davantage. L'insistance des Américains et les pressions exercées par les États-Unis et d'autres pays ont donc un certain impact.
L'entente sur la main-d'oeuvre qui fait partie du projet de loi n'est pas aussi forte que celle que contient l'ALENA. Le gouvernement s'expose à une amende maximale de 15 millions de dollars, mais cela n'aide en rien les travailleurs. Ils n'ont pas voix au chapitre. La main-d'oeuvre ne fait pas partie du mécanisme de règlement des différends et, par conséquent, la situation n'est améliorée en rien. L'entente sur la main-d'oeuvre doit aller plus loin que l'ALENA, pas moins loin. Il faut une évaluation acceptable. Il faut examiner et évaluer l'entente sur la main-d'oeuvre.
Je ne pense pas que le tribunal créé pour régler les différends sera très efficace. Je répète que les travailleurs ne sont pas représentés à ce tribunal. Nous ne pouvons accepter que des amendes soient imposées, mais que le gouvernement prenne les décisions et que la main-d'oeuvre soit tenue à l'écart du processus. La main-d'oeuvre fait partie intégrante de l'entente. Le sort subi par le mouvement syndical en Colombie est tout simplement atroce. C'est une question de droits de la personne. Pour protéger le mouvement syndical, celui-ci doit avoir sa place à la table où se prennent les décisions et l'entente complémentaire doit être renforcée. Autrement, elle restera inutile.
Le président Uribe a déclaré récemment qu'il voulait modifier la Constitution de la Colombie pour pouvoir se présenter pour un troisième mandat, ce qui est un autre élément troublant dans toute cette affaire. Il bénéficie maintenant d'un taux d'approbation se situant entre 70 et 80 p. 100, aussi n'est-il pas impossible qu'il réussisse. Cependant, cela aurait de graves répercussions pour la démocratie. Il est vrai qu'il a le soutien de 70 à 80 p. 100 de la population parce que la violence a diminué dans une certaine mesure, mais cela ne règle pas les questions plus larges que j'ai mentionnées au sujet du grand nombre de personnes déplacées, du mouvement ouvrier et de la corruption.
Il est très perturbant de voir un gouvernement qui arrive en fin de mandat décider de modifier la Constitution pour pouvoir garder le pouvoir. Ce n'est pas là le signe d'une démocratie forte et cela ne fera rien pour stabiliser la situation en Colombie.
À plusieurs reprises, le président Uribe a nié l'existence de problèmes et il n'a agi que sous la pression des États-Unis, lorsque ce pays a constaté qu'il existait un problème, en contraignant les assassins de syndicalistes à faire face à la justice.
J'ai d'autres exemples. Human Rights Watch et Amnistie Internationale ont signalé qu'une entente a été conclue avec les États-Unis selon laquelle des barons de la drogue seraient extradés aux États-Unis pour n'y être accusés que de trafic de drogue et non pas d'atrocités en matière de droits de la personne et de tueries et de meurtres commis par eux en Colombie. Certains d'entre eux ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans d'emprisonnement mais sans être accusés de crimes de guerre.
Voilà qui devrait inquiéter la communauté internationale. Il est important effectivement d'extrader ces gens aux États-Unis pour qu'ils soient accusés de violations relatives aux lois concernant la drogue, mais cela n'est pratiquement rien comparativement au châtiment qu'ils méritent. Ils devraient être traduits devant les tribunaux en raison de crimes contre l'humanité. Il convient de se pencher sérieusement sur cette question et d'en discuter. On doit aborder certains aspects graves relatifs aux droits de la personne et pourtant on ne le fait pas. C'est la raison pour laquelle une évaluation indépendante des répercussions sur les droits de la personne doit être faite avant la signature de tout document. La chose est tout à fait nécessaire. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, le gouvernement conservateur s'apprête à favoriser l'aide liée. Voilà un aspect qui me préoccupe terriblement.
Il semble bien que tout pays d'Amérique du Sud qui souhaite obtenir de l'aide au développement doit signer un accord de libre-échange. Voilà du moins ce que semble être le message du gouvernement. L'aide au développement doit être précédée d'un accord de libre-échange. Or, l'aide ne devrait être liée ni à un accord de libre-échange, ni à la réussite du Canada sur le plan économique. L'aide doit être déliée. Autrement, nous ne sommes que des hypocrites et il vaudrait mieux mettre la clé dans la porte de l'Agence canadienne de développement international. Nous sommes devant quelque chose de tout à fait inacceptable.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement abandonne l'Afrique. En effet, nous n'entendons pas parler d'accords économiques bilatéraux dans les discussions avec l'Afrique.
Diverses questions doivent être posées. L'aide liée est inacceptable. Nous ne devons pas lier notre réussite économique au libre-échange. Nous devrions travailler à l'avantage des pays concernés. C'est l'esprit même de l'aide internationale.
Le gouvernement devrait ralentir le processus d'adoption du projet de loi et effectuer une évaluation des répercussions sur les droits de la personne immédiatement, compte tenu des répercussions sociales qui s'y rattachent. L'accord auxiliaire sur la main-d'oeuvre doit être renforcé. Son libellé actuel n'est pas satisfaisant.
L'ACDI doit faire une évaluation. La Chambre doit recevoir du ministre responsable de l'ACDI un rapport lui expliquant quelle évaluation elle a faite sur le plan du développement et comment elle évalue les répercussions de cet accord commercial sur la population pauvre de la Colombie. L'accord va-t-il nuire à cette population ou l'avantager? Si l'accord commercial est essentiellement néfaste pour la population pauvre de la Colombie, alors le gouvernement et le Parlement ne doivent pas l'approuver.
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Monsieur le Président, d'entrée de jeu, le Bloc québécois est défavorable au projet de loi . Je vais commencer par énoncer les raisons principales pour lesquelles nous sommes contre ce projet de loi et, par la suite, j'en développerai certaines.
Il nous semble que la principale motivation du gouvernement canadien pour conclure cette entente de libre-échange ne concerne pas le commerce — nous verrons pourquoi nous disons cela —, elle concerne les investissements, parce que cette entente contient un chapitre sur la protection des investissements. Elle viendra donc faciliter la vie des investisseurs canadiens, particulièrement dans le domaine minier, et on sait qu'ils sont nombreux à vouloir investir en Colombie.
C'est pour nous la principale motivation, parce que si l'on se fie à tous les accords sur la protection des investissements que le Canada a signés au fil des ans, celui qui lierait la Colombie et le Canada sera mal conçu.
En effet, tous ces accords contiennent des dispositions qui permettent aux investisseurs étrangers de poursuivre le gouvernement local dès lors qu'il adopte des mesures qui diminue le rendement de leur investissement. De telles dispositions sont particulièrement dangereuses dans un pays où les lois relatives au travail ou à la protection de l'environnement sont au mieux aléatoires. Un tel accord, en protégeant un investisseur canadien contre toute amélioration des conditions de vie en Colombie, risque de retarder les progrès sociaux et environnementaux dans ce pays qui en a pourtant bien besoin. C'est cela qui est grave et j'aimerais que cette collègue libérale en parle.
En fait, la Colombie connaît l'un des pires bilans au monde en termes de droits de la personnes, et certainement en Amérique latine. Pour faire progresser la situation des droits de la personnes dans le monde, les gouvernements utilisent — ceux qui veulent le faire, évidemment — la carotte et le bâton. Ils soutiennent les efforts en vue d'un meilleur respect des droits de la personne et se réservent le droit de retirer des avantages si la situation régresse.
Avec la conclusion de cette entente de libre-échange, le Canada se priverait de toute capacité de faire pression. En fait, non seulement il renonce à la possibilité d'utiliser la carotte et le bâton, mais il les donne carrément au gouvernement colombien.
Le gouvernement nous répète, pour nous convaincre qu'il a de bons motifs, qu'il a assorti l'Accord de libre-échange d'un accord parallèle sur le travail et d'un autre sur l'environnement. Or, ces accords sont notoirement inefficaces. On l'a vu lors de la signature d'autres ententes de libre-échange. S'ils ne font pas partie de l'accord de libre-échange, ce qui est le cas, cela fait en sorte que les investisseurs pourraient impunément détruire le riche environnement colombien, procéder à des déplacements de populations pour faciliter l'établissement de leurs mines ou continuer à assassiner des syndicalistes. Ainsi, s'ils ne font pas partie de l'accord de libre-échange, ils ne pourront pas être utilisés contre ces intentions qu'on vient de souligner.
Quant à l'accord de libre-échange lui-même, le Bloc québécois n'accepte pas de troquer la capacité du gouvernement de faire pression en faveur du respect des droits de la personne contre des capacités d'investissements à l'étranger de sociétés canadiennes.
En fait, il faut se poser la question suivante: pourquoi un accord bilatéral de libre-échange avec la Colombie, comme il y en a un avec le Pérou? Je pourrais donner des chiffres, mais pour les gens qui écoutent, je me contente de dire que les données montrent que les échanges commerciaux ne sont pas très importants, même s'ils ont augmenté un peu.
Cette situation est exceptionnelle pour une signature d'accord de libre-échange parce que d'habitude, ces ententes se font entre des partenaires commerciaux privilégiés et que la hauteur de leurs échanges rend intéressante la baisse des barrières commerciales.
Le marché colombien et les échanges avec la Colombie ne sont pas très intéressants. Les principaux produits que le Canada y vend, comme le grain de l'Ouest, n'ont aucune difficulté à trouver preneur ailleurs, surtout en cette période de crise, et les exportateurs du Québec et du Canada ne verraient, au mieux, que des bénéfices limités dans la conclusion de cette entente.
Nous concevons que certaines entreprises canadiennes puissent être alléchées, mais nous voyons mal en quoi les populations du Québec et du Canada y trouveront quelque intérêt que ce soit. En fait, la vérité, celle qu'on cherche et celle qu'on trouve, c'est que cette entente de libre-échange protège les investisseurs et les investissements canadiens, notamment dans le secteur minier. C'est ce qui intéresse davantage les Canadiens qui investissent et le gouvernement, qui est sensible à leurs pressions.
Il est important de dire ici que nous ne sommes pas contre des accords d'investissements, mais nous sommes contre les mauvais accords d'investissements, et il nous semble que celui-ci en est un.
Les investissements indirects étrangers sont en croissance exponentielle. Pour créer un environnement prévisible et s'assurer qu'un investisseur étranger ne se fera pas déposséder de son bien ou nationaliser sans compensation — c'est toujours l'exemple qui est cité, comme cela s'est produit pour le pétrole dans certains cas —, les pays concluent des traités relatifs à la protection des investissements. Nous ne sommes pas contre cela.
L'Accord de libre-échange canado-américain (ALE), le premier, qui comportait un chapitre sur la protection des investissements, le chapitre 16, a été le premier accord au monde à y assortir un mécanisme de règlement des différends auquel les deux pays pouvaient avoir recours. Je rappelle que c'était entre le Canada et les États-Unis, deux pays ayant des échanges extrêmement importants et étant en mesure de négocier pour leur intérêt mutuel.
Il y a eu un mécanisme de règlement des différends auquel les deux pays pouvaient avoir recours. C'est accord a bien fonctionné. Aucune mesure discriminatoire n'a été prise à l'encontre d'un investisseur étranger et aucun cas n'a été soumis au tribunal d'arbitrage. Pourtant, pendant les cinq ans où l'accord a été en vigueur, la valeur des investissement canadiens a progressé de 41 p. 100. Ce n'était donc pas un mauvais accord.
Toutefois, quand il a fallu négocier l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ces trois pays, qui ont été le moteur de cette négociation, ont voulu changer cet accord sur les investissements ayant des craintes exagérées quant aux risques encourus au Mexique par les investisseurs.
En vertu du chapitre 11, les investisseurs étrangers peuvent s'adresser eux-mêmes aux tribunaux internationaux, passant outre au filtre du bien public opéré par les gouvernements. Ce n'est pas rien. Cela veut dire que les compagnies peuvent s'adresser elles-mêmes aux tribunaux internationaux, alors qu'en vertu de l'ALE, les gouvernements étaient les seuls à pouvoir le faire. C'est une grosse différence.
Que la compagnie elle-même ou les États le fassent, les résultats peuvent être totalement différents.
La notion d'expropriation, qui avait un sens précis dans le chapitre 16, en a eu un autre dans le chapitre 11. Cette notion est tellement vaste que toute loi qui aurait pour effet de diminuer les profits d'un investisseur peut équivaloir à une expropriation et générer une poursuite. On a dit que les investisseurs étrangers pouvaient eux-mêmes s'adresser aux tribunaux internationaux. En plus, ils peuvent interpréter la loi de façon à ce que, si le gouvernement du pays en question adopte une loi qui fasse diminuer la valeur de leurs investissements de toute espèce de façon, ils puissent faire équivaloir ces pertes à une expropriation et générer une poursuite. Le montant de la poursuite n'est pas limité à la valeur de l'investissement, mais inclut l'ensemble des profits potentiels dans l'avenir. C'est donc complètement abusif.
Ce chapitre a été décrié par tous. Dès qu'une loi sur la protection de l'environnement diminue les profits d'un investisseur étranger, le gouvernement s'expose à des poursuites faramineuses. Pourtant, Ottawa a conclu plusieurs accords bilatéraux calqués sur le chapitre 11 de l'ALENA au fil des années. Les critiques ont été telles que, et je le dis avec force, les libéraux avaient cessé de conclure de tels accords.
J'en profite pour ouvrir une parenthèse. J'étais de l'élection où Jean Chrétien avait promis de déchirer son linge en ce qui a trait à l'Accord de libre-échange, l'ALE. Or on sait ce qui s'est produit par la suite. Il l'a non seulement signé, mais il en a signé de nombreux autres, et il s'est aussi fait le propagandiste des traités de libre-échange. Avec les conservateurs, Ottawa reprend l'offensive et multiplie la négociation de tels accords. Avec la Colombie, le gouvernement conservateur cède donc aux multinationales le soin de juger du bien commun.
Le Bloc québécois s'oppose donc au projet de loi voulant mettre en oeuvre l'accord de libre-échange parce qu'il contient des clauses calquées sur le chapitre 11 de l'ALENA. Il demande au gouvernement de revenir à la formule antérieure des traités, laquelle ne constituait pas une charte des multinationales, au détriment du bien commun. Nous sommes en faveur du libre-échange, mais pas dans n'importe quelles conditions.
On ne veut pas des conditions qui empireront la vie des citoyens. C'est vrai, surtout lorsque les citoyens, comme les Colombiens, sont sans recours. Ils n'ont presque pas de droits syndicaux ni de droits de défense de la personne, ils sont à la merci — j'en dirai davantage à ce sujet — des investisseurs qui se font accompagner de mercenaires violents et forts qui ne reculent devant aucun moyen de pression pour parvenir à leurs fins.
Plusieurs personnes ici et moi-même avons rencontré ceux qu'avaient désigné les gens des villages assiégés par les multinationales, que ce soit les syndicalistes, les ONG, pour venir nous expliquer la situation.
Il y a des abus au chapitre des droits de la personne. Les conservateurs nous répètent que la situation s'est améliorée, qu'elle est moins catastrophique qu'avant. Or, la vérité est que la situation des droits humains est encore passablement détériorée par rapport à ce qu'on observe ailleurs. Si la plupart des violations sont commises par les groupes paramilitaires, plusieurs groupes de droits de la personne s'inquiètent des liens entre le gouvernement et ces groupes paramilitaires.
J'ai quelques statistiques. En 2008, les crimes commis par les groupes paramilitaires ont grimpé de 41 p. 100 comparativement à 14 p. 100 l'année précédente. La proportion des crimes commis par les forces de sécurité de l'État a pour sa part augmenté de 9 p. 100. Malgré la hausse des crimes commis, l'impunité demeure. Seulement 3 p. 100 des crimes commis ont abouti à une condamnation. Alors, on ne peut pas dire que ce soit une situation qui permet le respect des droits de la personne.
Quant aux droits des travailleurs, on se rend compte que c'est un des pires endroits au monde quant au respect de ces droits. Les syndicalistes sont ciblés en raison de leurs activités. J'en ai rencontré plusieurs. Ils nous disaient qu'ils ne peuvent pas vivre librement. Ils se cachent constamment. Ils ont peur d'être tirés à bout portant. En fait, ce n'est pas une peur vaine parce que depuis 1986, 2 690 syndicalistes ont été assassinés. On peut dire que les meurtres avaient diminué un peu, mais en 2007, il y a eu 39 meurtres de syndicalistes — presque un par semaine — et 46 en 2008. Ce n'est pas une situation où on peut dire que les syndicats vont pouvoir exercer leurs droits de faire pression. En fait, comme le disait un vice-président syndical, des milliers de personnes ont disparu et la persécution syndicale se poursuit.
En ce qui concerne les déplacements de la population en Colombie, ils sont souvent le fruit du conflit qui oppose les forces de sécurité de l'État, les groupes paramilitaires et les guérilleros. Cependant, les déplacements économiques sont de plus en plus fréquents. Dans la grande majorité des cas, les personnes déplacées ne reçoivent aucune indemnisation. Divers moyens sont employés pour déplacer une population d'un endroit déterminé: moyens de pression, menaces, meurtres, inondations des terres. On peut se faire raconter aussi combien de gens habitant de petits villages installés dans des clairières près de sites de mines riches en divers minerais se sont fait chasser de toutes sortes de façons, imaginables et inimaginables, pour libérer l'endroit pour les investisseurs. Il n'y a pas de lieu pour les recevoir. En fait, le Département d'État américain et Amnistie internationale affirment que 305 000 personnes de plus ont été déplacées en 2007. Il y en avait eu beaucoup auparavant. En 2008, plus de 380 000 personnes ont dû fuir leur résidence. En fait, depuis 1985, ce serait près de 4,6 millions de personnes qui auraient été obligées de quitter leur résidence et leurs terres.
Le gouvernement conservateur peut bien répéter à satiété que la situation des droits de la personne s'est améliorée, mais la Colombie est le deuxième pays au monde, après le Soudan, pour ce qui est du plus grand nombre de déplacés intérieurs. C'est quelque chose! C'est peu dire! Le Canada serait-il prêt à signer un accord de libre-échange avec le Soudan?
Oui, bien sûr, il pourrait y avoir des accords parallèles, mais j'ai dit que ces accords parallèles n'avaient aucune efficacité. Je ne vois aucun moyen d'améliorer cette entente sans des changements très significatifs.
Comme on ne les voit se profiler d'aucune façon, nous pensons que l'entente de libre-échange, que l'on présente ici pour sa mise oeuvre, n'aidera d'aucune façon le peuple colombien ni la population du Québec et du Canada.
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Monsieur le Président, en débattant aujourd'hui du projet de loi , qui porte sur l'accord de libre-échange Canada-Colombie, nous nous joignons à d'autres pays et leurs dirigeants qui réfléchissent à la question du libre-échange en général et du libre-échange avec la Colombie en particulier. Compte tenu de l'instabilité qui règne actuellement au sein du système économique mondial et dans les grandes économies du monde, dont la nôtre, il est naturel que nous prenions le temps de réfléchir lorsqu'il s'agit d'accords de libre-échange comme celui dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Bien que nous soyons tentés de nous isoler et de nous enfermer en attendant que la tempête passe, le commerce est au coeur même de la prospérité pour des pays comme le Canada. Le Canada est un pays commerçant et notre croissance économique et notre prospérité dépendent du succès de nos relations commerciales.
Dans des périodes comme celle que nous vivons, il est tentant de se montrer réticent à ouvrir les marchés et de privilégier les politiques protectionnistes. Cependant, rappelons-nous des années 1930 et de l'adoption de la loi tarifaire Smoot-Hawley aux États-unis, loi de nature protectionniste qui a clairement contribué à l'effondrement du système économique mondial.
Je veux simplement dire que le commerce est essentiel pour un pays comme le nôtre et qu'il faut l'encourager.
Les relations de libre-change peuvent être très profitables pour le Canada et pour le développement des économies émergentes avec qui nous signons ces accords.
La question n'est pas seulement l'effet bénéfique des relations de libre-échange, mais les éléments connexes que nous devons prendre en considération avant de signer de tels accords.
La République de Colombie a certainement connu sa part de difficultés depuis sa création, en 1886. Le Panama s'est séparé de la Colombie en 1903. Depuis l'arrivée des premiers explorateurs espagnols, en 1499, jusqu'à l'indépendance de 1819 et la séparation du Venezuela et de l'Équateur de ce qu'on appelait alors la Grande Colombie, la Colombie a connu des périodes de forte instabilité.
Plus récemment, 40 tumultueuses années de guerre civile ont fait entre 70 000 et 100 000 victimes. Et à travers tout cela, la Colombie a tenté de croître économiquement, socialement et politiquement.
Depuis 1970 et pendant près de 30 ans, malgré les conflits internes qui la rongent, la Colombie a maintenu une croissance annuelle moyenne de son PIB de 4 p. 100. La récession de 1999 a mis le pays à genoux pendant plusieurs années, mais la croissance a repris au début du XXIe siècle. En 2007, la croissance du PIB a été de 8,2 p. 100.
Le Fonds monétaire international estimait le PIB de la Colombie à 202 milliards de dollars américains en 2007, ce qui en fait la quatrième économie de l'Amérique du Sud. Il faut toutefois reconnaître que, bien que ces chiffres soient impressionnants, la richesse demeure concentrée dans les mains d'un faible pourcentage de la population. Il faudra que cela change.
Même si ce problème semble récurrent chez les pays en développement, nous devons le garder à l'esprit dans le cadre de nos débats sur le projet de loi et ses retombées éventuelles pour la population colombienne.
Certains secteurs de l'économie colombienne sont en forte croissance et certains aspects intéressants méritent d'être soulignés. Par exemple, 70 p. 100 des fleurs importées par l'immense marché des États-Unis proviennent de Colombie. En 2007, le magazine américain Business Week a qualifié la Colombie de « plus extrême des économies émergentes de la planète ».
L'histoire récente de la Colombie a pris un tournant complètement différent avec l'élection du président actuel en août 2002. Il est évident que le président Alvaro Uribe Velez a grandement changé le paysage politique de la Colombie. Depuis son arrivée au pouvoir, de nombreuses réformes ont été effectuées, des progrès importants ont été réalisés au niveau des conflits internes qui ont ravagé la Colombie, et ce pays a adopté une démarche plus pragmatique afin de faire face aux défis économiques auxquels il est confronté.
Il est important de souligner que des changements doivent avoir lieu à la présidence en 2010, alors que le président Uribe terminera son mandat et ne pourra se présenter à nouveau, compte tenu des limites prévues par la Constitution. Toutefois, si le référendum que le Sénat colombien a approuvé récemment devait avoir lieu, il aurait la possibilité de solliciter un troisième mandat. La plupart des gens espèrent bien sûr que la réforme et la croissance économique se maintiendront quels que soient les changements au niveau politique.
Ce bref survol de la situation politique et économique de la Colombie est important dans le cadre de notre étude du projet de loi , qui porte sur l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie et dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Si les questions d'ordre économique et politique sont d'une grande importance dans tout dossier d'accord de libre-échange, les questions de justice sociale et de respect des droits de la personne le sont également.
Dans le cadre des discussions actuelles sur l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, de nombreuses personnes et organisations ont fait part d'importantes préoccupations, tant à la Chambre qu'un peu partout au pays. Pas plus tard qu'hier, le comité de rédaction du Toronto Star a carrément déclaré que le projet de loi méritait d'être étudié de plus près.
Alors qu'ici au Canada, nous discutons de cet accord de libre-échange, des discussions semblables ont lieu aux États-Unis, et plus précisément au Sénat américain où le processus de ratification du traité signé en 2006 par le gouvernement précédent progresse très lentement.
Le nouveau président, Barack Obama, a dit appuyer l'accord de libre-échange entre les États-Unis et la Colombie. Toutefois, les membres du Sénat s'inquiètent du fait que la situation actuelle en Colombie pourrait retarder considérablement l'adoption de ce traité aux États-Unis. Le représentant commercial du président Obama, Ron Kirk, travaille actuellement avec les sénateurs pour tenter de « trouver une solution ».
Puisque les États-Unis, qui sont notre plus important partenaire commercial, scrutent ce traité à la loupe, nous pouvons être assurés que les mesures que nous prendrons ici au Canada auront à tout le moins un certain impact sur les législateurs américains. Si l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie devait être accepté, les défenseurs d'un accord semblable aux États-Unis évoqueront très certainement le risque que leur pays soit désavantagé commercialement si le Sénat américain fait traîner les choses en longueur.
Dans cette optique, nous devons nous pencher très sérieusement sur l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, à la fois dans la perspective de notre pays et dans celle du Colombien moyen qui pourrait bénéficier de meilleures relations commerciales entre nos deux pays.
Du point de vue économique, le Canada exporte approximativement 703 millions de dollars de marchandises par année. Pour sa part, la Colombie exporte approximativement 643 millions de dollars de marchandises au Canada. Dans le même ordre d'idées, le produit intérieur brut du Canada en 2008 se chiffrait à près de 1,5 billion de dollars. Les entreprises canadiennes ont investi environ 750 millions de dollars en Colombie.
En réalité, la Colombie est en train de se démarquer comme nation émergente et importante en Amérique du Sud, mais les échanges commerciaux entre le Canada et la Colombie demeurent relativement faibles. Cependant, la ratification d'un accord de libre-échange avec le Canada peut avoir non seulement une incidence par rapport à d'éventuels investissements et échanges commerciaux, mais aussi des répercussions indirectes au Canada et sur la scène internationale avec des pays qui pourraient envisager des accords similaires.
À cet égard, quelles préoccupations les groupes et les particuliers au Canada et ailleurs dans le monde expriment-ils? La question des droits de la personne est à l'avant-plan des déclarations de divers groupes.
Par exemple, aujourd'hui, la Chambre basse du Parlement suisse a reçu une lettre signé par 33 organisations non gouvernementales demandant qu'on retarde la ratification d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Colombie jusqu'à ce qu'on ait dissipé leurs préoccupations au sujet de la situation des droits de la personne en Colombie. Les organisations signataires de la lettre font état de violations graves et systématiques des droits de la personne.
Il y a quelques jours à peine, le révérend David Giuliano, modérateur de l'Église Unie du Canada, a écrit que selon lui nos besoins commerciaux doivent être limités par des considérations éthiques, environnementales et morales.
Une des préoccupations émises au sujet du projet de loi vient du mouvement syndical tant au Canada qu'à l'étranger. À cet égard, le directeur national de la section canadienne des Métallurgistes unis d'Amérique a annoncé qu'il recevra cette semaine à Ottawa l'avocate colombienne Yessika Hoyos Morales à l'occasion de la présentation de la position du syndicat sur l'accord de libre-échange Canada-Colombie. Mme Hoyos Morales est la fille d'un syndicaliste assassiné en Colombie il y a huit ans.
De nombreux groupes de défense des droits de la personne à l'échelle internationale continuent d'exprimer leurs préoccupations au sujet des mesures arbitraires prises contre les dirigeants syndicaux et les activités syndicales en Colombie. Des chefs syndicalistes du Canada et du monde entier rapportent que plus de 2 700 des leurs ont été assassinés en Colombie au cours des 10 dernières années.
La question des droits de la personne constitue une préoccupation à l'extérieur du mouvement ouvrier colombien aussi. La guerre civile et le comportement des groupes paramilitaires préoccupent sérieusement de nombreux observateurs partout dans le monde. Pendant la majeure partie de la guerre civile en Colombie, les exécutions d'innocents par des organisations paramilitaires étaient caractéristiques d'un pays gravement perturbé.
Il y a également lieu de s'inquiéter du problème permanent du narcotrafic qui perturbe beaucoup la Colombie et les pays où ces drogues provoquent des problèmes sociaux incommensurables, dont les activités criminelles entourant l'importation de drogues illégales.
Les cartels de la drogue colombiens continueraient apparemment de fournir pratiquement toute la cocaïne consommée illégalement aux États-Unis et seraient les principaux fournisseurs d'autres pays.
Le problème ne se retrouve pas uniquement aux États-Unis, mais aussi au Canada et en Colombie même.
Il faut s'attaquer à ce problème permanent si on veut assurer la stabilité à long terme de la Colombie et si ce pays doit prendre sa place dans le monde, et plus précisément en Amérique du Sud, comme économie émergente.
Il est clair qu'il faut s'occuper de ces questions et que nous, les législateurs, devons en tenir compte en prenant évidemment en considération les grands progrès réalisé au fil des ans, surtout depuis l'avènement du gouvernement Uribe.
Beaucoup soutiendront tout à fait légitimement qu'en concluant des accords bilatéraux et multilatéraux avec des pays comme la Colombie, nous sommes susceptibles de les encourager à participer plus pleinement à la communauté des nations. Ce faisant, nous pouvons les aider à régler beaucoup des préoccupations soulevées dans ces pays eux-mêmes et aussi au palier international.
Il est absolument essentiel qu'au cours de l'étude du projet de loi , nous fassions la part des choses entre les sujets de préoccupation mentionnés et ce qui est généralement reconnu comme étant des progrès majeurs et de grande portée survenus en Colombie ces dernières années.
On admet généralement que le président Uribe bénéficie d'un large soutien parmi les Colombiens parce qu'il a su instaurer une plus grande stabilité dans le pays, ce qui a résulté en une économie plus dynamique et progressiste.
Les nombreuses victoires remportées sur les rebelles des FARC ces dernières années ont donné aux Colombiens l'espoir qu'une plus grande stabilité est possible, avec la croissance économique qui devrait normalement s'ensuivre.
Même si beaucoup des succès enregistrés régulièrement par le gouvernement colombien dans le conflit ne font pas les grands titres sur la scène internationale, ils sont néanmoins bien réels.
En 2008, nous avons été témoins de la libération spectaculaire d'Ingrid Betancourt, ancienne candidate aux élections présidentielles, qui était détenue depuis près de six ans et demi par les rebelles.
Ces dernières années, les enlèvements, qui constituent un problème chronique en Colombie, ont diminué sous un niveau jamais vu depuis 20 ans, grâce au leadership du président Uribe. De même, les terribles actions des groupes paramilitaires de droite entachent depuis longtemps l'histoire moderne de la Colombie.
Ces dernières années, grâce aux négociations et aux mesures coercitives, le gouvernement colombien a réussi à limiter l'action de ces groupes d'extrême-droite.
Malgré le fait que certains problèmes importants n'aient pas été réglés et bien que l'implication récemment mise au jour de certaines personnalités politiques soit troublante, nous devons encourager le gouvernement colombien à prendre les moyens nécessaires pour que ces individus rendent des comptes. Même si c'est difficile, il est important de continuer à aller de l'avant.
En ce qui concerne les conflits criminels et civils, on rapporte que les homicides, en Colombie, ont diminué de 49 p. 100 depuis 2002. Les enlèvements, comme cela a déjà été dit, ont diminué de 85 p. 100.
Nous devions également être préoccupés par les déplacements de personnes touchées par le conflit en Colombie. Il a été rapporté que, depuis le début de ce conflit, plus de trois millions de Colombiens ont été déplacés. Ces chiffres sont troublants, surtout qu'il s'agit d'un pays de 45 millions d'habitants. Il est toutefois important de noter que, de 2002 à nos jours, les déplacements de personnes auraient diminué substantiellement.
Depuis 2002, le gouvernement colombien s'est attaché à améliorer les soins de santé pour la population et l'infrastructure, notamment les routes, qui sont essentielles à l'amélioration du commerce national et international.
Des progrès ont également été réalisés dans le domaine du commerce illicite des stupéfiants. On rapporte que le nombre de plantations de stupéfiants illicites a diminué de 18 p. 100 l'année dernière, après plusieurs années d'augmentation.
Aujourd'hui, mon but était de présenter les préoccupations légitimes d'un bon nombre de groupes et de particuliers, mais également les éléments qui ont été évoqués pour soutenir le libre-échange et, par conséquent, un développement accru pour la Colombie.
En qualité de législateurs, nous sommes obligés de prendre en compte tous les aspects de la réalité en Colombie, autant les problèmes que les succès, en allant de l'avant. Nous voudrons toujours encourager la Colombie à instaurer un environnement propice pour aider tous les Colombiens à réaliser leur potentiel, à vivre dans la sécurité et à participer pleinement à la vie politique, économique et sociale de leur pays.
J'encourage les députés à examiner d'une façon juste et équilibrée tous les éléments du débat sur le libre-échange avec la Colombie, ici à la Chambre et dans l'ensemble du pays.
:
Monsieur le Président, je prends la parole pour m'opposer à ce projet de loi. À la lumière de l'excellent travail réalisé par le député de , nous savons que le projet de loi , comporte de graves lacunes.
Nous avons entendu des députés dire que les néo-démocrates sont contre les échanges commerciaux. Ce n'est pas du tout le cas. Les néo-démocrates ne cessent de réclamer des échanges commerciaux équitables. Lorsqu'il est question de commerce équitable, il est important de parler du fait qu'un tel commerce comprend des règles et des ententes qui favorisent les pratiques durables, la création d'emplois au pays et de saines conditions de travail tout en nous permettant de gérer l'approvisionnement en marchandises, de promouvoir les droits démocratiques à l'étranger et de maintenir la souveraineté démocratique au pays.
Les droits de la personne font partie des saines conditions de travail. C'est sur cet aspect de l'accord que je veux me concentrer aujourd'hui. Nous avons entendu à diverses reprises des députés dire à la Chambre que les choses s'étaient améliorées. J'aimerais citer divers rapports qui affirment le contraire. Le rapport intitulé Aggraver une situation problématique — Analyse du texte de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie est un document exhaustif qui porte sur divers aspects, dont les droits des travailleurs, l'accord auxiliaire dans le domaine du travail, le chapitre sur l'investissement de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, l'accès au marché pour les produits agricoles et l'accord auxiliaire sur l'environnement.
Je tiens à mettre l'accent sur l'aspect des droits de la personne. J'aimerais citer ce rapport, car ses rédacteurs sont également ceux qui ont réalisé le travail. Ils peuvent donc parler avec crédibilité de ce qui se passe actuellement en Colombie. Voici ce qu'ils ont écrit dans ce rapport:
Le commerce peut contribuer au développement et à la réalisation des droits de la personne lorsqu’il profite aux populations vulnérables et qu’il permet aux États qui en ont la volonté de promouvoir le développement et de protéger l’environnement. Toutefois, ni la situation politique en Colombie, ni les modalités de l’ALE Canada-Colombie n’offrent ces garanties. En effet, les Canadiens ont reçu l’assurance que cet accord tenait compte des préoccupations au chapitre des droits de la personne, mais il s’agit en fait d’un accord commercial standard axé sur l’accès aux marchés et assorti d’accords auxiliaires inefficaces dans les domaines du travail et de l’environnement.
La société civile colombienne et les organisations de défense des droits de la personne sont catégoriques: elles ne veulent pas de cet accord. [...]
Cet accord marque un appui politique du Canada à un régime colombien profondément impliqué dans des violations flagrantes des droits de la personne et empêtré dans un scandale politique retentissant en raison de ses liens avec les escadrons de la mort paramilitaires. Sans compter que le processus canadien se déroule dans le plus grand secret et dans le mépris des délibérations du Parlement. [...]
L’ALE nuira aux petits paysans en permettant une concurrence déloyale. De plus, l’accord rendra les peuples autochtones, les Afro- Colombiens et les habitants des milieux ruraux encore plus vulnérables aux prises de possession sauvages pratiquées par les sociétés minières canadiennes. Celles-ci disposant alors d’un pouvoir immense, grâce à leurs nouveaux droits d’investisseurs, n’auront pas à assumer de responsabilités contraignantes.
Dans la conclusion du résumé, les auteurs écrivent ceci:
En 2008, le Comité permanent du commerce international (CIIT) a conclu que le Canada ne devait pas mettre en oeuvre l’ALE avec la Colombie avant que la situation des droits de la personne en Colombie ne s’améliore et que ne soit effectuée une évaluation indépendante exhaustive des répercussions sur les droits de la personne. De plus, il a réclamé la mise en place de dispositions légales sur la responsabilité sociale des entreprises en vue de garantir le respect des normes en matière des droits universels de la personne par les entités canadiennes qui investissent en Colombie.
Jusqu'à maintenant, nous avons entendu des députés déclarer devant la Chambre, en particulier dans les rangs des libéraux, qu'il fallait ratifier cet accord en tenant pour acquis qu'il en résultera un meilleur respect des droits de la personne. Pourtant, le Comité permanent du commerce international a recommandé une évaluation du respect des droits de la personne. Je suis d'avis qu'il faut procéder à cette évaluation avant de ratifier l'accord parce que nous savons ce qui se produit une fois que les accords sont ratifiés. Les mécanismes rattachés aux accords auxiliaires sont souvent insuffisants pour les faire vraiment respecter, que ces accords portent sur les droits de la personne, sur l'environnement ou sur l'agriculture.
Je voudrais parler de quelques domaines clés de l'accord. Il en est question dans Aggraver une situation problématique.
Les mesures importantes de protection des droits des travailleurs font partie d’un accord parallèle plutôt que de l’accord lui-même. La mise en oeuvre de ces droits est entièrement à la discrétion des gouvernements signataires.
Contrairement aux dispositions de l’accord sur les droits des investisseurs, celles qui portent sur les droits des travailleurs ne prévoient aucune sanction commerciale telle que l’imposition de droits compensateurs ou l’abrogation d’un accord commercial préférentiel en cas d’infraction.
Le chapitre sur l’investissement de l’ALE Canada-Colombie n’exprime que des voeux pieux sur la responsabilité sociale des entreprises. En effet, ses dispositions ne font appel qu’aux « meilleurs efforts » purement volontaires, et sont absolument impossibles à faire appliquer.
Nous avons entendu des députés dire que, d'une manière ou d'une autre, ces ententes commerciales vont tout régler; pourtant, nous savons que les dispositions relatives à l'application et à la conformité sont très lâches. Qu'est-ce qui nous permet de croire que les accords parallèles seraient mis en application?
Dans le document d'information Contexte de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, un chapitre est intitulé « Atteinte aux droits de la personne — crimes contre l’humanité ». On y dit que des organismes indépendants de défense des droits de la personne, colombiens et internationaux, affirment catégoriquement que les violations des droits de la personnes demeurent endémiques en Colombie. Au cours des dernières années, certains chiffres ont baissé, par exemple, le nombre de kidnappings, tandis que d'autres ont monté, par exemple, le nombre d'exécutions extrajudiciaires, de déplacements forcés et de disparitions. On a constaté une forte hausse des assassinats de syndicalistes en 2008, l'année dernière. Globalement, le degré d'impunité des infractions est énormément élevé.
Plusieurs organismes indépendants se sont penchés sur la situation en Colombie. Des organismes internationaux et colombiens de défense des droits de la personne parlent de violations graves et persistantes des droits de la personne. Or, on nous demande d'appuyer en principe cet accord.
Nous avons déjà parlé de la responsabilité sociale des entreprises. Dans certains projets de loi d'initiative parlementaire, on demandait à la Chambre d'instaurer des règles de responsabilité sociale pour les entreprise à l'échelle internationale. C'est écrit dans le document:
Le chapitre sur l’investissement de l’ALE Canada-Colombie n’exprime que des voeux pieux sur la responsabilité sociale des entreprises. Selon l’article 816, chaque partie « devrait encourager les entreprises exerçant leurs activités sur son territoire ou relevant de sa juridiction à intégrer volontairement des normes de responsabilité sociale des entreprises internationalement reconnues dans leurs politiques internes ». En effet, ses dispositions ne font appel qu’aux « meilleurs efforts » purement volontaires, et sont absolument impossibles à mettre en vigueur. On trouve également dans le préambule de l’Accord des formulations inefficaces semblables ayant trait à la responsabilité sociale des entreprises.
Une fois de plus on fait appel aux meilleurs efforts volontaires, on prévoit des dispositions volontaires impossibles à appliquer. Cela ne suffit tout simplement pas. Lorsque le Canada signe des accords de libre-échange, il est nécessaire de faire en sorte que les questions entourant le commerce équitable ne soient pas ramenées au plus petit dénominateur commun et qu'on examine les normes environnementales, sociales et humaines que nous voudrions voir respectées de manière générale. Il ne suffit pas de prendre des dispositions volontaires impossibles à appliquer.
Permettez-moi de parler brièvement du rapport intitulé Solidarité toujours: Un rapport des syndicats du secteur public sur la Colombie. En 2008, des chefs syndicaux se sont rendus en Colombie afin de constater de près ce qui se passait. J'aimerais m'attarder un moment sur la question des peuples autochtones.
On nous a demandé d'avoir confiance, que les conservateurs négocieraient un accord qui tiendrait compte des droits de la personne. J'aimerais parler de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le gouvernement conservateur a refusé que le Canada signe cette déclaration. Plusieurs articles de cette déclaration s'appliqueraient directement aux peuples autochtones en Colombie. Je m'en tiendrai à l'article 18 de la déclaration, qui dit ceci:
Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.
Plus loin dans la déclaration, il est question de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Le gouvernement conservateur a refusé de signer la déclaration des Nations Unies. Nous savons qu'en Colombie les peuples autochtones font l'objet de graves violations de leurs droits de la personne. Nous sommes censés croire de bonne foi que le gouvernement conservateur, qui n'appuie pas cette déclaration des Nations Unies, fera les efforts nécessaires pour que les droits de la personne soient inclus dans un accord de libre-échange.
Voici ce que les dirigeants syndicaux ont dit au sujet des peuples autochtones:
Nous avons visité les plus pauvres des familles pauvres chassées de leur foyer par les groupes paramilitaires au profit de sociétés transnationales qui veulent défendre les intérêts de la production agricole, minière et autres. Nous avons appris que plus de 4 millions de personnes, soit 10 p. 100 de la population, ont été déplacées sans aucune indemnisation.
Nous avons rencontré des mères et des grands-mères chefs de famille qui n’ont ni eau potable, ni égout, ni électricité, qui n’ont que peu d’argent pour acheter de la nourriture et dont les enfants n’ont aucune chance d’aller à l’école. Ces citoyens, qui viennent en grande partie de régions rurales, doivent mendier dans les rues de la ville pour survivre.
Pendant deux ans, le Tribunal permanent des peuples a tenu des audiences dans six secteurs de l'économie colombienne, dont le secteur public, à la suite de quoi il a publié un rapport. Voici certaines des choses dont il est question dans ce rapport:
Dans le cas extraordinaire des peuples autochtones, le rapport cite des actes de génocide culturel et communautaire. Vingt-huit groupes autochtones sont en « danger imminent d’extinction physique et culturelle » et 18 de ces communautés comptent moins de dix membres. Elles sont « suspendues entre la vie et la mort ». Le rapport présente également une horrible liste de violations des droits de la personne et du travail qui consterne le monde entier.
Dans la section du même rapport intitulée « Les peuples autochtones décrivent le processus de déplacement », on raconte que le président de l’Organisation nationale des autochtones de Colombie a décrit la lutte des peuples autochtones dans le contexte socio-politique colombien. N’étant lui-même ni pro-gouvernement ni pro-guérilla, il a parlé des revendications des peuples autochtones pour récupérer leurs terres ancestrales et de leur droit au développement. Le rapport parle ensuite du fait que les peuples autochtones ont été chassés de leurs terres par les colonisateurs et qu'ils luttent depuis pour leur survie.
Actuellement, le processus s’accélère. Les peuples autochtones représentent 4 p. 100 de la population, mais 8 p. 100 des gens déplacés. Divers moyens sont utilisés pour les chasser: moyens de pression, menaces et meurtres. Il est clair que le néo-colonialisme est bien enraciné en Colombie.
Les dirigeants syndicaux ont entendu des exposés sur la relation entre les sociétés multinationales et le déplacement de groupes autochtones. Le gouvernement Uribe cède des terres protégées et des parcs à l'industrie touristique internationale afin de mettre sur pied des prétendus sites éco-touristes, ce qui provoque le déplacement de beaucoup de peuples autochtones.
Je pourrais continuer. Ce rapport présente de nombreux cas de peuples autochtones qui ont été chassés de leurs terres. Aucune compensation n'a été offerte, aucune consultation n'a eu lieu et aucune tentative n'a été faite pour protéger leur culture, leur langue et leurs droits.
On veut nous faire croire que cet accord de libre-échange va favoriser les droits fondamentaux des habitants et des peuples autochtones de la Colombie. Pourquoi devrions-nous croire cela alors que le gouvernement conservateur a refusé de signer la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones? Je ferais valoir que, selon une bonne partie de l'information que nous avons reçue, il n'y a aucune raison de croire que les droits de la personne seront protégés ou améliorés grâce à cet accord de libre-échange.
Je voudrais revenir brièvement sur le bilan en matière des droits de la personne. J'ai parlé de la question des Autochtones. Je voudrais parler de ce qu'on appelle les faux positifs. Ce sont des cas où les unités des forces armées ont rapporté que l'offensive qu'elles avaient menées contre des groupes armés illégaux avaient donné des résultats positifs, ce qu'elles définissaient comme des insurgés morts au combat ou à la suite d'autres actions légitimes en vertu du droit international humanitaire. On a appris plus tard, à la lumière de dénonciations de la part d'organismes sociaux, de défenseurs des droits de la personne, de victimes directes ou de leur famille ou encore des médias locaux et internationaux, que ces actions ciblaient des non-combattants civils et représentaient de graves violations des droits de la personne et du droit international humanitaire.
Notre base de données renferme des renseignements dans trois grandes catégories: la persécution politique, l'intolérance sociale et l'abus de pouvoir. Les violations des droits de la personne sont classées selon des méthodes de victimisation précises, entre autres, les exécutions sommaires, les homicides prémédités de personnes protégées, la torture, les préjudices, les menaces à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, les disparitions et l'utilisation de civils comme boucliers humains.
C'est tiré d'un rapport présenté par le Center for Popular Research, Education and Policy, un rapport spécial sur la fin du deuxième semestre de 2008, qui a été publié en avril 2009. Ce rapport laisse entendre que le nombre de cas est à la baisse par rapport aux 149 cas recensés en 2007, mais qu'il s'agit en fait d'une augmentation par rapport aux 68 cas de 2006. On y lit ensuite que, « selon les dénonciations faites par des familles de victimes et des organisations sociales, l'influence que les services officiels ont eue dans la perpétration de ces crimes contre l'humanité fait planer de sérieux doutes sur la légitimité des forces armées et des services policiers au pays ».
Le rapport ajoute que les forces armées et les services policiers sont complices dans la falsification des données sur les disparitions et les meurtres. Le rapport présente des cas bien étayés.
Je veux parler rapidement d'un autre rapport, intitulé Baseless Prosecutions of Human Rights Defenders in Colombia: In the Dock and Under the Gun. Page après page, ce rapport présente des affaires où des gens ont été arrêtés ou détenus alors que l'appareil judiciaire, la police ou les forces armées avaient tout simplement tort de s'en prendre à eux.
Je veux parler d'un cas particulier qui s'est produit en 2008. Le président du comité permanent des droits de la personne a été détenu avec 15 autres chefs syndicaux ou leaders sociaux. Ces gens ont été détenus par la police nationale et d'autres forces de l'ordre. Sandoval, le président du comité, semblait être détenu pour avoir travaillé à la défense des droits de la personne et parce qu'il avait critiqué le bilan du gouvernement sur la question des droits de la personne, notamment au chapitre des détentions arbitraires, des déplacements forcés et des exécutions sommaires.
Ce n'est qu'un seul cas. Il y en a bien d'autres. Je veux mentionner certaines des failles dans les enquêtes, parce que les cas que je rapporte montrent à quel point elles sont graves et répandues. Nous avons entendu des députés à la Chambre dire que les choses s'améliorent, mais cette affaire s'est passée en 2008.
Le rapport fait aussi état de cas survenus en 2007, notamment celui d'un procureur accusé d'avoir été de mauvaise foi et d'avoir agi de façon irresponsable dans le déroulement des procédures judiciaires et d'avoir manqué de respect à l'autorité du tribunal. Les plaintes portées contre ce procureur ont ensuite été jugées non fondées.
Dans une autre affaire, celle relative à l'ancien président de l'association des personnes déplacées, il est précisé que « la seule preuve contre lui consistait en un témoignage accepté postérieurement, selon lequel Torres aurait transmis à la guérilla des informations ayant entraîné la mort de deux personnes ». Cependant, c'était l'une des personnes censément décédées qui était venue témoigner. Or, si l'on exclut la possibilité d'un témoignage d'outre-tombe, je suis convaincue que nous sommes devant un cas de manipulation de témoignage.
J'aimerais souligner d'autres indices de déficiences des enquêtes. Il s'agit d'une affaire concernant des membres de la communauté civile pour la vie et la paix, un groupe de citoyens déplacés qui s'employaient à récupérer leurs terres sans l'intervention de participants au conflit armé. Ils ont été arrêtés en 2006, puis détenus à la suite d'une écoute téléphonique sur laquelle a été fondée une enquête pour enlèvement. La personne arrêtée a été jugée innocente en raison de l'insuffisance des preuves et du fait que Perdomo s'était bornée à offrir des cadeaux à sa soeur, ce qui ne constituait en rien une activité criminelle. De plus, le juge a contesté la crédibilité et la compétence de l'auteur du rapport de renseignement.
En 2006, un avocat et professeur d'université a été arrêté pour rébellion, mais l'ordre d'arrestation a été déclaré nul avant d'être exécuté. Ceux qui se sont penchés sur l'enquête ont constaté que la poursuite n'avait pas avisé Ramirez de l'enquête en cours à son sujet avant son arrestation. Il semble que l'existence de l'enquête ait été niée par les autorités judiciaires lors d'une rencontre avec des représentants du haut-commissaire des Nations Unies aux Droits de l'homme.
Je pourrais être intarissable au sujet des violations des droits de la personne, des enquêtes injustifiées et bâclées, des difficultés des peuples autochtones de Colombie. Au cours des 20 dernières minutes, j'ai parlé des graves violations des droits de la personne qui continuent d'être perpétrées en Colombie.
Le Canada a l'occasion, dans le cadre de sa démarche visant une forme quelconque d'accord commercial avec la Colombie, d'aborder de façon explicite le cadre des droits de la personne à établir pour protéger les Colombiens de disparitions, d'enlèvements et de meurtres.
Le Canada se targue souvent à l'échelle internationale d'être un fier défenseur des droits de la personne. Nous avons devant nous l'exemple d'un cas où la fierté canadienne en matière des droits de la personne pourrait nous inciter à garantir la protection de tels droits dans le cadre de tout accord envisagé par le Canada.
Par conséquent, je souhaite donc proposer le sous-amendement suivant:
Je propose:
que l'amendement soit modifié par un ajout après le mot « question » de ce qui suit: « , notamment après avoir pris connaissance de la vive opposition à l'accord exprimée par les organismes de défense des droits de la personne ».
:
Monsieur le Président, c'est avec une grande joie que je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi .
On a peut-être tendance à croire que le but de cet accord vise au fond à faciliter le commerce entre le Canada et la Colombie. En principe, comme dans tous les accords commerciaux, c'est d'abord pour le commerce que cet accord aurait dû être signé, mais force est de constater — et je l'expliquerai un peu plus loin — que cet accord vise plutôt à protéger de grandes entreprises et de grandes sociétés extractives de produits miniers au Canada, tout comme il vise à établir de nombreuses protections.
D'abord, rappelons qu'en 2002, des discussions se sont amorcées avec des pays d'Amérique latine et avec des pays andins: le Pérou, la Colombie, l'Équateur et la Bolivie. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui qu'on a vu des négociations s'engager avec des pays afin de faciliter le commerce et donc la signature future d'un accord de libre-échange. Plus récemment, le Canada a décidé de mettre l'accent sur deux pays, soit le Pérou et la Colombie. Des discussions et des négociations plus formelles se sont donc engagées entre ces deux pays pour en venir au début des négociations dès 2007 avec la Colombie et le Pérou. C'est en novembre, plus précisément le 21 novembre 2008, que le Canada a signé cet accord de libre-échange Canada-Colombie.
Comme je le disais tout à l'heure, on pourrait croire que le Canada a signé cet accord avec la Colombie avec des objectifs de réduction de tarifs afin de faciliter le commerce entre le Canada et la Colombie. Sauf que lorsqu'on gratte le contenu de l'accord, on se rend compte que c'est plutôt pour protéger de grandes multinationales afin qu'elles continuent à faire des profits tout en ne respectant pas les règles qui sont fondamentales dans les sociétés démocratiques, c'est-à-dire les droits humains, les droits des travailleurs et la protection environnementale.
D'abord, cet accord contient un chapitre, plus précisément le chapitre pour la protection des investissements, qui vise au fond à faciliter la vie des investisseurs canadiens qui investiront en Colombie, particulièrement dans le secteur minier. On s'est rendu compte que cela s'est bien sûr concrétisé par cet Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie.
Cependant, il faut se rappeler qu'il y a plus de 10 ans, on a révisé en profondeur ce qu'on a appelé les codes miniers afin de donner de nombreux avantages fiscaux et réglementaires aux entreprises étrangères qui venaient s'installer dans des pays en développement. Tout cela avait été financé il y a plusieurs années par des organisations internationales, par l'ACDI entre autres, et par la Banque mondiale. On a vu que le Canada n'a pas attendu 2008 afin de donner des avantages fiscaux à des entreprises canadiennes. Par l'entremise de ses tentacules internationaux — la Banque mondiale, mais aussi l'ACDI — on a fait en sorte de financer les changements dans les codes et donc dans les lois que ces pays mettaient en place.
Que ce soit en Afrique ou en Colombie, des deniers publics canadiens ont permis de réviser des lois domestiques afin d'alléger les protections environnementales mais aussi de donner des avantages fiscaux considérables à des entreprises qui s'installent et qui exploitent et explorent des sites miniers.
L'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Colombie apporte donc un avantage important: il vient faciliter la vie aux investisseurs canadiens qui décident d'investir en Colombie dans le secteur minier.
Ce qu'il y a de plus regrettable dans cet accord, c'est que le chapitre sur la protection de l'investissement s'inspire ni plus ni moins du chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui vise à protéger les grands investisseurs et à leur permettre de se mettre au-dessus de lois qui auraient été votées par des Parlements afin de protéger les travailleurs et l'environnement. Voilà ce qui est pervers dans cet accord. Il ne vise pas à faciliter le commerce entre deux pays, mais à protéger les investisseurs et les multinationales. Il leur donne le droit de contester devant les tribunaux des gouvernements qui auraient décidé de mettre en place, par exemple, une législation environnementale ou une loi de protection des travailleurs. C'est inacceptable.
D'ailleurs, le Bloc a toujours prôné qu'il fallait favoriser des accords internationaux en matière de commerce afin de faciliter celui-ci entre les États, mais jamais au détriment des droits des travailleurs, de la protection de l'environnement et encore moins des droits humains.
Cependant, ce n'est pas ce que ce gouvernement a fait. Il aurait pu s'inspirer de certains chapitres inscrits dans l'Accord de libre-échange canado-américain (ALE), comme le chapitre 16 qui faisait deux ou trois choses tout en protégeant les investissements.
Tout d'abord, ce chapitre permettait de créer un mécanisme de règlement. On a pu constater certains résultats qu'a donnés ce mécanisme. Il n'y a eu aucun cas devant le tribunal d'arbitrage. Le chapitre 16 de l'ALE, qui aurait pu inspirer le gouvernement dans l'accord entre le Canada et la Colombie, n'a pas été intégré. Pourtant, ce chapitre de l'ALE a permis d'augmenter de 41 p. 100 les investissements canadiens aux États-Unis. Cela démontre qu'il y a moyen de protéger les investissements tout en se donnant des garanties dans des accords de commerce international.
Le gouvernement, à l'intérieur du projet de loi et de l'accord entre le Canada et la Colombie, a plutôt décidé de s'inspirer carrément du chapitre 11 de l'ALENA. Il l'a fait afin de profiter des ressources inimaginables de la Colombie. Ce sont des ressources minières et énergétiques considérables, allant de l'or au nickel en passant par le charbon. Trente-et-un pour cent de nos importations de la Colombie proviennent des ressources naturelles et énergétiques. On a donc essayé d'extraire les ressources d'un pays qui vit une situation sociale précaire afin d'enrichir des multinationales. Il n'y a rien de plus irresponsable sur le plan social à un moment où l'on parle de plus en plus de la responsabilité sociale de nos entreprises.
On ne peut pas accepter un tel accord. On ne peut pas accepter que le gouvernement se soit inspiré du chapitre 11 qui fait notamment en sorte que dès qu'une loi diminue les profits des investissements étrangers, le gouvernement de ce pays s'expose à des poursuites. Par conséquent, on nivelle par le bas la protection environnementale et celle des travailleurs. On accrédite une situation de violation constante des droits humains. Dans le cas de la Colombie, on accrédite la thèse selon laquelle des paramilitaires ou des groupes organisés peuvent être de connivence avec un gouvernement qui exploite les populations rurales où se trouvent les ressources naturelles.
On ne peut pas accepter cela en tant que formation politique. C'est entre autres pour cette raison que l'on s'oppose à cet accord. On s'oppose à cet accord qui précarise socialement une population dont la situation sociale est déjà précaire.
Simplement en 2006, 47 p. 100 de la population était sous le seuil de la pauvreté; 12 p. 100 de la population et 68 p. 100 de cette pauvreté existaient en région rurale. Pourquoi est-il important de parler de cette pauvreté en région rurale? C'est parce que c'est là où se retrouvent ces ressources naturelles. C'est là que les bras canadiens, que les entreprises canadiennes, particulièrement dans le secteur minier, s'installeront. C'est là où la pauvreté est récurrente, où les groupes organisés viennent exproprier les populations locales, viennent les exclure de leur territoire, là où les peuples autochtones ont cherché à obtenir à maintes reprises des garanties, lorsqu'on a modifié les codes miniers. On dit à des entreprises canadiennes d'y aller, que nous allons appuyer ce type de comportement social. Cela fait en sorte qu'il y a plus de pauvreté, plus de violence, plus d'inégalités, alors que ce dont nous devons parler ici, en cette Chambre, c'est d'un commerce responsable et équitable. Force est de constater que ce gouvernement n'a pas compris ce qu'était le commerce équitable.
Les droits humains sont fondamentaux. Il faut se rappeler qu'en juillet 2007, le a visité l'Amérique latine. Juste avant son départ, les groupes syndicaux, des CTC en passant par Amnistie internationale, lui avaient dit clairement de ne pas oublier qu'il y avait, à ce moment-là, un accord en négociation entre le Canada et la Colombie et qu'il ne devait pas signer cet accord si le prix en était la réduction des droits humains. Le premier ministre s'est quand même rendu là-bas. Il a fait la sourde oreille aux revendications des travailleurs, des travailleuses et des groupes qui oeuvrent dans les pays en développement. Il a quand même décidé de visiter l'Amérique latine et par la suite, en 2008, a décidé de signer cet accord qui, en bout de ligne, se fera au détriment des populations les plus démunies, qui sont aussi victimes de violence.
On sait qu'en 2008, des crimes étaient commis par les groupes paramilitaires, ceux et celles dont je parlais, qui étaient de connivence avec le gouvernement en place, ceux et celles qui poussaient, qui forçaient, qui menaçaient les populations rurales afin qu'elles quittent les terres ancestrales pour pouvoir permettre l'installation, l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles. Contre ces mêmes gens, en 1988, les crimes commis par les groupes paramilitaires ont atteint 41 p. 100, en comparaison à 14 p. 100 l'année précédente. Tout à l'heure, le député de a dit que la situation avait changé en Colombie, que ce n'était plus le cas, qu'il n'y avait plus de violence, que tout allait bien, que tout s'était amélioré. En un an, on a vu les crimes des paramilitaires augmenter jusqu'à 41 p. 100, alors que l'année précédente ils étaient de 14 p. 100. Quelle amélioration y a-t-il eue? Plus de violence, plus de violation de droits humains. Pire encore, les droits des travailleurs sont de plus en plus affectés.
Depuis 1991, plus de 2 000 chefs syndicaux ont été tués, assassinés; 90 p. 100 des chefs syndicaux dans le monde sont assassinés en Colombie. Le député libéral de vient nous dire que la situation s'est améliorée, que tout va bien et qu'il faudrait prendre l'accord, l'étudier en sous-comité et en comité. Il me semble que les chiffres parlent d'eux même. On n'a pas besoin de se rendre en Colombie, comme le dit mon collègue, pour constater qu'il y a des abus sur le plan des droits de la personne. Il n'est pas nécessaire d'étudier plus en profondeur cet accord. La démonstration a été faite: ces violations des droits humains, violations des droits des travailleurs, violations des droits environnementaux: c'est la Colombie.
Ces avantages miniers sont considérables parce que, comme je l'ai dit, ces réformes du code minier ont été réalisées au cours des dernières années. Que visait cette réforme des codes miniers? Au fond, cette réforme visait à donner des conditions favorables aux entreprises des secteurs miniers.
On a pris les lois de 1991 et on les a révisées pour créer des conditions favorables à des entreprises canadiennes afin qu'elles puissent s'installer dans ces pays pour y exploiter et explorer les gisements de nickel, de charbon et d'or, et cela, au détriment des populations rurales. On a pris l'argent des contribuables canadiens. On a notamment aidé le gouvernement colombien par l'entremise de l'ACDI et de la Banque mondiale. On leur a donné de l'argent pour les aider à modifier les lois environnementales afin d'être plus accueillants et plus favorables aux entreprises minières.
Comment? D'abord, on a procédé à une révision des lois en faisant en sorte qu'on puisse accorder un seul permis pour explorer et exploiter les gisements miniers. Deuxièmement, on leur a donné un délai de 50 ans, et ce, renouvelable. Comment a-t-on fait cela? J'invite à lire une étude de cas très intéressante réalisée par l'Initiative d'Halifax. on peut y lire ceci:
Par l'entremise de son projet Énergie, mines et environnement, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) a fourni un soutien financier pour réécrire la loi minière colombienne. Le Code minier 2001 révisé [...], qui a été adopté sans consultation des communautés autochtones potentiellement touchées, crée des conditions d'investissement extrêmement favorables aux entreprises étrangères. Ce code a affaibli un certain nombre de protections environnementales et sociales existantes et a créé des incitatifs financiers considérables, notamment d'importantes réductions des redevances et des impôts miniers.
Les groupes autochtones de la Colombie soutiennent que l'absence de consultation sur cette nouvelle loi contrevient à la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, qui a été ratifiée par la Colombie et adoptée officiellement et inscrite dans la loi nationale en 1991. Ils soutiennent que le code établit des limites au concept de territoire autochtone qui contreviennent à la Constitution colombienne. En outre, la nouvelle loi élimine les exigences préalables à l'effet que les populations locales reçoivent des avantages économiques découlant de l'activité minière.
Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie que le Canada a commencé à réviser les lois et qu'il a financé, avec des deniers publics par l'entremise de l'ACDI, les révisions de lois et des codes miniers préalablement à la signature de l'accord canado-colombien.
Maintenant, après avoir modifié les lois, ils ont créé sur les plans fiscal et réglementaire des avantages fiscaux pour les entreprises minières en place, en faisant en sorte, et je le répète, que « [...] la nouvelle loi élimine les exigences préalables à l'effet que les populations locales reçoivent des avantages économiques découlant de l'activité minière. »
On exproprie donc les communautés locales et les peuples autochtones en leur disant qu'ils ne pourront pas toucher les redevances de l'exploitation en place. On a modifié les codes et les règlements, on a financé cela par des deniers publics et, par la suite, la cerise sur le sundae, on a signé un accord canado-colombien protégeant finalement les investisseurs et leur donnant même un recours pour contester devant les tribunaux des modifications réglementaires qui viendraient protéger l'environnement, les droits humains et les travailleurs.
Ce n'est pas compliqué, le gouvernement canadien a été de connivence avec les entreprises minières et se sont donné un régime blindé, et ce, au détriment des populations locales.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole sur le projet de loi .
Un certain nombre de mes électeurs sont préoccupés par cette entente. Je crois donc important de remettre cette mesure dans son contexte.
Il y a un an, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes déposait son rapport sur la possibilité de conclure un accord de libre-échange avec la Colombie. Par pur respect envers le Parlement, le gouvernement aurait dû répondre à ce rapport. Le comité avait exprimé des préoccupations. Il recommandait notamment qu'on fasse une évaluation complète et indépendante des répercussions de l'accord sur les droits de la personne. Je pense que le gouvernement devrait effectivement fournir une telle étude au Parlement, suivant la recommandation du comité, avant que nous votions sur le projet de loi .
La Colombie est aux prises avec un conflit intérieur depuis des années. Des groupes paramilitaires commettent des actes de violence et enfreignent les droits de la personne dans le cadre de leurs combats incessants avec des organisations impliquées dans la guérilla. Ces combats sont financés dans une large mesure par les narcodollars, c'est-à-dire les profits tirés du trafic de la drogue.
Au cours des dernières années, le gouvernement colombien a fait des progrès importants sous la gouverne du président Uribe en vue d'assurer la sécurité des citoyens de ce pays. Les actes de violence et de non-respect des droits de la personne ont diminué de manière appréciable, le taux de meurtres a baissé de façon spectaculaire et, selon l'International Crisis Group, « depuis 2003, la Colombie a été témoin d'une baisse substantielle des actes de violence et des enlèvements ».
Ce resserrement de la sécurité a entraîné un renforcement de l'économie en Colombie. En effet, de 2002 à 2007, l'économie colombienne a crû en moyenne de 5,3 p. 100 par année. Toutefois, nous savons que, en Colombie, la violence et ses causes profondes, en l'occurrence la pauvreté, les groupes paramilitaires et le narcotrafic, demeurent un problème de taille.
Il incombe au Canada de lutter contre ce problème, et de s'associer au gouvernement colombien à cet égard, par le truchement de sa politique en matière de commerce et d'aide.
Les progrès récemment accomplis en Colombie au niveau économique ont été impressionnants à maints égards, mais le problème n'est pas réglé et la situation demeure fragile. Si elle est fragile, c'est surtout parce qu'elle dépend encore beaucoup de la narco-économie. Pour que la Colombie réalise des progrès durables dans le domaine des droits de la personne, elle doit élargir son économie légitime. Il lui faut une économie légitime forte afin de financer l'infrastructure sociale nécessaire pour s'attaquer aux causes profondes de la violence et pour débarrasser le peuple colombien de la dépendance à la narco-économie.
Il faut poursuivre le renforcement des institutions, tant sur le plan politique et judiciaire qu'administratif. À ce sujet, certains craignent que le président Uribe ne fasse modifier la Constitution afin de pouvoir briguer un troisième mandat consécutif à la tête du pays, ce qui serait un précédent dans l'histoire de la Colombie.
Dans son numéro du 14 mai, The Economist a publié un article intitulé « Uribe s'achemine vers l'autocratie ». Les opposants à l'idée d'un troisième mandat font valoir que les freins et contrepoids prévus par la Constitution sont conçus pour un mandat présidentiel de quatre ans et que l'érosion de la séparation des pouvoirs entamée sous M. Uribe empirerait s'il obtenait un troisième mandat.
Le même article souligne les réalisations passées du président Uribe, notamment le fait que bon nombre de Colombiens reconnaissent que M. Uribe a transformé leur patrie, faisant d'un État au bord de la faillite un État prospère, bien qu'encore marqué par la violence. Le magazine conclut que si M. Uribe ne quitte pas le pouvoir alors qu'il est à son apogée, il pourrait passer à l'histoire comme celui qui a commencé à détruire ses propres réalisations.
Il faut absolument préserver les progrès réalisés jusqu'à maintenant et empêcher que la Constitution soit modifiée. Le respect de la Constitution est primordial pour tout État démocratique.
Des progrès ont été réalisés. La Colombie a entrepris des démarches pour démobiliser les groupes paramilitaires, la situation économique s'est améliorée et les citoyens eux-même disent que le président Uribe a transformé la Colombie, faisant d'un État au bord de la faillite un État prospère, même si la violence reste plus présente qu'ils ne l'avaient espéré.
Nous devons nous assurer, dans nos discussions et nos travaux entourant le projet de loi , que cet accord de libre-échange aide à améliorer le niveau de vie des pauvres, surtout dans les régions rurales. Pour assurer un progrès durable, la Colombie doit offrir des débouchés économiques et des emplois aux Colombiens appauvris, car sinon, ils n'auront d'autre choix que de se rabattre sur les emplois que leur proposent la narco-économie ou les groupes paramilitaires. Nous voyons des exemples classiques de cela en Afghanistan.
Pour aider l'économie légale à croître, nous devons avoir une perspective plus large, et un accord de libre-échange est un aspect important de cela. Le commerce et l'investissement, ainsi qu'un accord de libre-échange adéquat pourraient aider les Colombiens à diversifier et à renforcer leur économie et leur société.
Prenons, par exemple, le travail réalisé par le Canada en Afghanistan. Nous nous sommes rendu compte que le développement est une des façons d'affranchir l'économie de ce pays de la culture du pavot et des talibans. En 2008, le commerce bilatéral de marchandises entre le Canada et la Colombie était évalué à quelque 1,35 milliard de dollars, dont environ la moitié était constituée d'exportations.
Le Canada et la Colombie ne sont pas le plus important partenaire commercial l'un de l'autre. Cependant, en adoptant un accord de libre-échange avec la Colombie, il est possible de mettre en place de solides mesures de protection des investissements. Un accord de libre-échange pourrait signifier à la communauté internationale que la Colombie peut attirer des investissements étrangers légitimes et en tirer parti. Par conséquent, c'est un accord lourd de conséquences pour les Colombiens, et il est important d'envoyer les bons signaux.
Des relations économiques accrues entre la communauté internationale et la Colombie et les pressions politiques accrues susceptibles d'en découler pourraient, dans le cadre d'un accord de libre-échange adéquat, inciter le gouvernement colombien à réaliser d'autres réformes pour accroître la sécurité, protéger les droits de la personne et stimuler la croissance économique. En d'autres mots, un accord de libre-échange bien conçu pourrait aider le gouvernement colombien à promouvoir la paix, la stabilité et la primauté du droit.
Alors que nous discutons de la ratification de cet accord de libre-échange, nous devrions reconnaître le rôle que joue le Parlement et ce que ne contiennent pas les accords commerciaux. En tant que parlementaires, il nous incombe de déterminer si le projet de loi représente vraiment un accord de libre-échange solide et adéquat. Cet accord répond-il adéquatement aux préoccupations légitimes des Canadiens relativement aux violations des droits de la personne, au droit du travail et aux normes environnementales? Les dispositions relatives aux accords parallèles sur le travail et l'environnement sont-elles assez solides?
Nous savons par exemple que l'accord de coopération dans le domaine du travail exige que chaque pays assure la protection de la liberté d'association et du droit à la négociation collective ainsi que l'abolition du travail des enfants, l'élimination du travail forcé ou obligatoire et l'élimination de la discrimination. Nous savons également que l'accord de libre-échange envisagé prévoit un mécanisme de plainte et de règlement des différends.
Ce processus serait-il légitime et responsable? Voilà le genre de question que le Parlement doit examiner.
Le gouvernement affirme que le processus permettrait entre autres à un particulier de déposer une plainte ou une demande d'enquête si le Canada ou la Colombie ne respectait pas les dispositions de l'accord ou en était accusé. Par surcroît, l'accord créerait un groupe spécial indépendant qui pourrait imposer au pays fautif des amendes jusqu'à concurrence de 15 millions de dollars.
Il faut se demander si ces dispositions sont suffisantes. À titre de parlementaires, il nous incombe d'examiner et d'analyser soigneusement cette question.
Lors de l'étude du projet de loi en comité, il faut convoquer des experts reconnus dans les domaines visés pour évaluer l'efficacité des dispositions concernant le travail et l'environnement prévues dans cet accord de libre-échange et dans les accords parallèles.
C'est le gouvernement du Canada, non le Parlement du Canada, qui négocie les accords commerciaux. Par conséquent, c'est le gouvernement, non le Parlement, qui a négocié l'accord de libre-échange dont nous sommes actuellement saisis. Ce n'est pas aux parlementaires qu'il incombe de s'asseoir avec les représentants des autres pays pour négocier les accords de libre-échange. Les négociations commerciales relèvent du gouvernement et de nos fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
En tant que parlementaires, nous avons la responsabilité d'examiner soigneusement les accords commerciaux dont nous sommes saisis pour établir s'ils servent l'intérêt national et si leur libellé reflète les valeurs canadiennes.
Par conséquent, il faut se demander si l'accord de libre-échange Canada-Colombie, tel que le gouvernement l'a présenté, au moyen du projet de loi , sert l'intérêt du Canada. Cet accord reflète-t-il nos valeurs communes, notamment dans le domaine des droits de la personne? Permettra-t-il d'assurer aux Colombiens davantage de paix, de prospérité et de sécurité? Cet accord nous aidera-t-il, en tant que Canadiens, à collaborer avec les Colombiens pour développer et bâtir leur économie?
Les États-Unis, notre principal partenaire commercial, n'ont pas encore ratifié l'accord de libre-échange qu'ils envisagent avec la Colombie. Les Américains pourraient même demander la reprise des négociations. L'administration Obama a en effet manifesté une certaine ouverture à l'égard d'un accord de libre-échange avec la Colombie mais a parlé d'une éventuelle renégociation et de dispositions plus sévères en matière de travail et d'environnement.
Quel effet cela aurait-il sur notre position par rapport à la Colombie et les États-Unis? Devrions-nous reporter notre étude du projet de loi ? Ces questions doivent être au coeur de nos délibérations d'aujourd'hui.
Le gouvernement conservateur n'a toujours pas répondu officiellement au rapport du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes déposé en juin 2008, il y a un an. Le gouvernement doit répondre aux recommandations contenues dans le rapport du comité permanent s'il veut que le Parlement vote sur ce projet de loi. C'est une question de respect envers tous les parlementaires.
La question de la violence en Colombie mérite qu'on s'y attarde précisément et le Comité du commerce international doit mettre ses ressources à profit pour analyser et évaluer les effets attendus de cet accord de libre-échange sur la situation des droits de la personne en Colombie.
Les défenseurs de l'accord disent qu'il sera bénéfique, que donner de véritables débouchés économiques aux Colombiens les aidera à abandonner l'économie fondée sur les stupéfiants, ce qui est essentiel au progrès du pays. Certains adversaires, dont certaines organisations de défense des droits de la personne, disent qu'il ne changera rien. En fait, il aggravera la situation.
Il nous incombe de fouiller les faits et de ne pas nous laisser guider par une idéologie, qu'il s'agisse de chanter les louanges du libre-échange à tout prix ou de rejeter catégoriquement tout accord de libre-échange. Il ne faut pas se laisser guider par une idéologie, mais par les préoccupations bien réelles des organisations de défense des droits de la personne, des syndicats et d'autres et par les préoccupations et l'appui de la communauté agricole et du monde des affaires, qui jugent que l'accord de libre-échange avec la Colombie est une bonne occasion pour le Canada.
Compte tenu de l'évolution de la situation, il serait utile que le Comité permanent du commerce international se rende en Colombie pour constater la situation de visu, rencontrer des représentants du gouvernement colombien et en discuter avec eux. Nous devons discuter plus clairement des modifications constitutionnelles. Les parlementaires doivent avoir l'assurance que cet accord de libre-échange et ses accords connexes auront un effet positif sur les droits de la personne, le droit du travail et l'environnement avant d'appuyer sa ratification et d'envoyer le projet de loi à l'autre endroit.
Dans nos délibérations, nous devons être très attentifs à ne pas confondre les questions relatives au commerce avec l'aide au développement. Il doit être clair pour nous, en tant que députés, que même si le gouvernement du Canada essaie de conclure un accord de libre-échange avec la Colombie, cela n'atténue en rien sa responsabilité qui consiste à fournir à ce pays de l'aide au développement. Nous devons continuer par l'intermédiaire de l'ACDI à investir en Colombie et à aider sa population. Il est important d'avoir à la fois une politique commerciale et une politique d'aide.
Le Canada est un pays qui accorde beaucoup de libertés à ses citoyens, qui sont protégés par des lois qui n'existent pas toujours ailleurs. Alors que nous nous efforçons de protéger les droits individuels des Canadiens au pays, à l'étranger, nous nous contentons de donner l'exemple. C'est par le dialogue que nous convaincrons la Colombie de s'engager sur le terrain des droits de la personne. D'une manière générale, au Canada, on pense que c'est par un dialogue ouvert qu'on peut arriver à inculquer à ces pays et à leur société civile des principes sur les droits de la personne.
Nous, au Parti libéral, nous avons construit notre parti sur la justice sociale et l'égalité. C'est l'état d'esprit qui règne dans notre parti, le parti qui est à l'origine de la Charte canadienne des droits et libertés. En tant que députés, nous devons prendre en considération ces éléments avant de prendre notre décision.
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Monsieur le Président, cela ne justifie pas les mesures préconisées par la députée ou par la Chambre des communes. Ce n'est pas parce que d'autres personnes sont soumises au mal que nous avons le droit de conclure une entente avec un pays où il existe sans contredit de graves problèmes au niveau des droits de la personne et où on mène une campagne bien organisée et bien orchestrée pour intimider les gens qui cherchent à améliorer la société dans laquelle ils vivent et qui l'ont fait d'une façon ouverte et responsable, ce qui leur a causé d'énormes souffrances. J'ai eu l'occasion de poser des questions à certains membres de la délégation colombienne ayant témoigné devant le comité et leurs réponses ne m'ont pas convaincu.
J'ai parlé de quatre dossiers précis portant sur des organisateurs de groupes de défense des libertés civiles. Ils ne faisaient pas partie, par exemple, du secteur minier, où l'on aurait pu s'attendre à un certain niveau d'activisme, ou du secteur agricole, qui a eu des problèmes avec les cartels de la drogue. J'ai soulevé les questions du syndicat des enseignants, de l'association des infirmières et des universités où, même à Bogota et dans d'autres endroits semblables où l'on retrouve une structure similaire, ces gens, qui étaient devenus syndicalistes pour défendre les intérêts de leurs voisins, de leurs amis et des membres de leur famille, ont été assassinés.
La réponse que j'ai obtenue des fonctionnaires de l'ambassade de Colombie était assez particulière. La grande majorité de ces affaires n'ont jamais été soumises aux tribunaux en Colombie, et on a prétendu qu'il s'agissait dans chacun de ces cas de crimes passionnels. Ce qu'ils entendaient par là, c'est que toutes ces personnes entretenaient des relations difficiles et qu'elles avaient été assassinées au cours d'une dispute avec leur conjoint, un partenaire de vie ou une connaissance.
Cette réponse constitue à mon avis un déni de justice, un refus de collaborer avec les membres d'un comité parlementaire qui tentaient d'aller au fond des choses et de faire enquête. Quelle disgrâce que ces affaires n'aient pas été étudiées. Je ne pouvais croire la réponse qu'ils m'ont faite.
Nous devons toutefois prendre un peu de recul par rapport aux commentaires provenant d'ici, du Canada, pour écouter ce que certains Colombiens ont à dire. J'ai ici un témoignage intéressant d'une personne qui a dit:
« Si les Canadiens voulaient bien tenir compte des répercussions réelles d'un accord de libre-échange sur la vie des Colombiens, je crois qu'ils changeraient d'idée sur la pertinence de poursuivre ces négociations, » a dit l'évêque Juan Alberto Cardona, dirigeant de l'Église méthodiste de Colombie.
Comme le gouvernement l'utilise pour justifier son approche et accroître sa crédibilité auprès de la communauté internationale, il poursuit en disant:
« Aussi, naturellement, le gouvernement souhaite désespérément conclure un accord avec le Canada. C'est comme donner son aval. Mais, nous disons que les assassinats de Colombiens innocents doivent cesser, que les paramilitaires doivent être désarmés et que les droits de la personne doivent être protégés avant qu'aucun accord ne soit conclu. »
Étant donné les investissements massifs effectués par le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Canada par l'intermédiaire de l'ACDI dans d'autres genres d'échanges commerciaux, qui sont en fait en cours, on n'en est sûrement pas au point où on n'a qu'à tout accepter sans se poser de questions. Il est important de noter que nous faisons du commerce avec la Colombie et que nous en avons fait à une époque où un nombre record de citoyens étaient assassinés.
Ce que nous disons, c'est que ce n'est pas bien de conclure cet accord de libre-échange commercial maintenant et que nous avons besoin de l'analyse indépendante que le comité a demandée. L'approche raisonnable ici à adopter est de se demander si les lacunes ont été comblées avec succès de sorte que ces questions puissent faire partie d'une structure et d'un plan d'ensemble et qu'elles ne constituent pas des accords parallèles. Les accords parallèles sur l'environnement et les violations des droits de la personne ne sont que cela. Ils montrent les faits, à savoir qu'ils n'ont pas d'importance; en effet, s'ils importaient vraiment, ils feraient partie de l'accord avant toute chose. Ce seraient des modalités au sujet desquelles nous pourrions en fait obliger le gouvernement à rendre des comptes. Nous serions certains que ces gens avec qui nous sommes censés établir une relation seraient défendus normalement et que la primauté du droit s'appliquerait à eux à et à leur famille. C'est d'eux que nous parlons.
L'évêque méthodiste de Colombie avait tout à fait raison quand il signalait que cet accord intéressait en réalité un groupe d'élites parmi les citoyens et les grandes entreprises qui en bénéficieraient.
Le moins que nous puissions faire à cet égard est d'exiger qu'on agisse de façon responsable. Il faut que soit produit le rapport d'évaluation indépendante que nous réclamons depuis plus d'un an.
Je ne voudrais pas être trop dur pour mes amis du Parti libéral, mais les conservateurs continuent de faire l'autruche dans ce dossier. Ils ont complètement rejeté cette approche. Ils ne la considèrent pas comme un moyen raisonnable d'obtenir l'assentiment de la Chambre au sujet de l'accord de libre-échange avec la Colombie. Ils ne veulent même pas faire cette concession au Parti libéral, ce qui n'empêche aucunement les libéraux de les appuyer sans que l'évaluation ait lieu. Les conservateurs manifestent ainsi leur désintéressement total pour la question des droits de la personne, qui est néanmoins prioritaire pour les Canadiens et qui est importante pour les relations commerciales du Canada. Le gouvernement n'aurait pas un gros effort à faire. L'évaluation a été vérifiée par un certain nombre d'organismes, y compris Amnistie Internationale.
Je voudrais souligner que la motivation existe. Une coupure de presse qui a circulé sur la Colline du Parlement aujourd'hui disait que la Colombie accepterait peut-être le boeuf. Le exerce beaucoup de pressions sur la Colombie pour qu'elle ouvre son marché. En 2003, la Colombie a fermé ses frontières aux importations de boeuf en raison de la maladie de la vache folle, ce qui fait que les producteurs canadiens ont perdu l'accès au marché de ce pays. Le gouvernement voit cet accord comme la nouvelle porte d'accès qui permettra au boeuf canadien d'entrer de nouveau en Colombie. Ce n'est pas avant l'été que les importations de boeuf canadien seraient de nouveau permises. La Colombie attend de voir si l'accord sera ratifié. Peut-être que l'accord est une façon d'acheter le silence du Parlement.
Il ne fait aucun doute que nous sommes tous pour le commerce, mais il n'y a absolument rien de mal à respecter la volonté du Parlement exprimée par l'entremise du comité. Il n'y a rien de mal à réaliser cette évaluation indépendante.
Le ministre a parlé d'une approche fondée sur des arguments scientifiques. Si c'était le cas, il y a longtemps que l'accès au marché aurait été rétabli, car aucun nouvel élément scientifique ne s'est ajouté dans ce dossier depuis 2003.
Je voudrais dire un mot sur l'importance de cette question pour la Chambre des communes et pour le comité. Amnistie Internationale a soulevé la gravité du problème dans une lettre au . Je vais vous lire un extrait de cette lettre parce qu'il s'agit d'un problème bien réel. On peut soit y remédier, soit l'aggraver.
Les Colombiens qui ont fait le voyage jusqu'ici pour comparaître devant le comité ont mis leur vie en danger, mais ils souhaitaient changer leur vie et celle de leur famille, ainsi que la situation de leurs collectivités.
Dans une lettre adressée au et datée du 27 mars 2009, Amnistie Internationale a déclaré ceci:
Il y a dix ans, des députés canadiens ont entendu des témoignages convaincants au sujet des conséquences dévastatrices d'un projet hydroélectrique financé à hauteur de 18,2 millions de dollars américains par Exportation et développement Canada pour appuyer une entreprise canadienne engagée dans le cadre de ce projet. Le chef du peuple autochtone Embera Katio, Kimy Pernia Domico, a déclaré à l'occasion d'une audience parlementaire canadienne que les membres de sa communauté, dont l'accès à la nourriture et à un environnement sain avait été mis à mal par la construction du barrage, n'avaient jamais été consultés au sujet du projet, ce qui contrevenait à leurs droits garantis en vertu de la constitution colombienne. Par la suite, Kimy a été enlevé par des paramilitaires appuyés par l'armée. Son peuple continue de vivre dans la peur, de même que d'autres communautés. Le mois dernier, une délégation colombienne de défenseurs des droits de la personne vous a rencontré pour vous faire part de la peur engendrée par l'arrivée de nombreux soldats dans une région où les Autochtones s'opposent à un projet minier étranger.
Monsieur le Ministre, le Canada a le devoir, par respect pour la mémoire de Kimy Pernia Domico, sa famille, sa communauté et tous les Colombiens, de veiller à ce que cet accord ne vienne pas empirer une situation déjà profondément troublante sur le plan des droits de la personne en Colombie.
Il est important de noter que des gens comme Kimy qui ont tenu à comparaître ici au sujet de cette question ont dû subir les conséquences de leur témoignage.
De nouveau, tout ce que nous demandons, c'est qu'une évaluation indépendante soit réalisée sur le terrain.
Ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est qu'il ne s'agit pas d'une occurrence ponctuelle. Il s'agit d'une tendance qui a évolué dans le temps. Le président actuel, M. Uribe, est au coeur de ce problème à maints égards, comme cela a été mentionné par un grand nombre d'intervenants de la communauté internationale.
En 2007, Jairo Giraldo, du syndicat national des travailleurs du fruit, et Leonidas Silva Castro, du syndicat des enseignants, ont été assassinés lors de crimes distincts. Jairo faisait partie d'un syndicat organisé qui voulait résoudre un conflit relatif à la propriété foncière avec des narcotrafiquants. Nous ne sommes pas vraiment au courant de la situation de Leonidas, sinon qu'il a été assassiné dans sa maison. Il était membre du syndicat des enseignants. C'est un élément qu'il est important de noter. En effet, il ne s'agit pas seulement de ceux qui sont en conflit avec le cartel de la drogue. Il y a des preuves accablantes qui relient le gouvernement de la Colombie, celui d'aujourd'hui et d'hier, avec le cartel et avec certains problèmes relatifs à la cocaïne et d'autres types de produits.
Il est intéressant de penser que nous serions tolérants pour ces individus tout en nous targuant, dans notre propre pays, de sévir contre le crime. Cependant, il semble que le crime soit acceptable lorsqu'il se produit chez le voisin.
En ce qui concerne le syndicat des enseignants, il est troublant de penser que des chefs syndicaux d'organismes de la société civile finissent par être tués parce qu'ils représentent les travailleurs de ces organisations. Des associations d'infirmiers et d'autres corps de métiers ont également été touchés.
Des groupes et des organismes, non seulement du Parlement du Canada, mais également du Congrès des États-Unis, se sont rendus en Colombie et ont mis le gouvernement colombien au défi de régler ces problèmes. Malgré cela, il y a encore des meurtres. L'année dernière était une mauvaise année. Les pressions s'accentuent. Selon un article de Reuters publié en février 2008 sous le titre « Une délégation du syndicat des métallurgistes se rend en Colombie pour rencontrer les chefs syndicaux et politiques », 40 syndicalistes ont été assassinés en Colombie l'année dernière, soit plus que dans tous les pays du monde combinés.
Il est incroyable que, par rapport aux autres pays où les syndicalistes font l'objet d'attaques, on retrouve en Colombie, un petit pays au plan géographique, une telle concentration de meurtres. Le simple fait que ce pays pourrait avoir un accord commercial privilégié mérite un bon débat. Définissons ce qu'est cet accord privilégié. C'est l'objet du débat d'aujourd'hui. Il ne s'agit pas de mettre fin aux exportations vers la Colombie. Il ne s'agit pas de réduire ces exportations. Il ne s'agit pas d'essayer d'augmenter les exportations du Canada vers la Colombie. Il s'agit d'une relation commerciale privilégiée que le Canada voudrait avoir avec le gouvernement colombien, un gouvernement qui a toute une réputation au chapitre de la corruption, des cartels et des meurtres qu'il n'a pas vraiment fait l'effort de résoudre. Nous n'avons fixé aucun repère à cet égard dans cette entente commerciale.
En fait, les questions qui reviennent de façon soutenue concernent l'environnement et la main-d'oeuvre. Il est primordial de signaler que l'environnement est aussi en lien avec l'utilisation conflictuelle des terres qui pourrait en fait détruire des collectivités et les gens qui y vivent depuis des générations. Ce sont les accords parallèles.
Il est question de nouer une relation commerciale privilégiée avec un pays qui continue d'afficher un tel bilan. L'article de Reuters dit ceci:
Entre-temps, on continue de proférer des menaces de mort contre des syndicalistes en Colombie: plus de 200 l'an dernier. De même, les dirigeants d'un syndicat avec lequel le syndicat des métallurgistes travaille en étroite collaboration en Colombie, Sinaltrainal, ont fait l'objet de nombreuses menaces de mort l'an dernier, menaces provenant d'un groupe paramilitaire extrêmement violent des AUC, les Aigles noirs.
Des personnes se font tuer parce qu'elles représentent des membres de leurs familles, des amis et des membres de la collectivité, mais il y a aussi d'autres types d'intimidation. Soyons clairs. Lorsque 40 personnes, des syndicalistes, se font tuer en moins de six mois en Colombie, il est facile de s'imaginer les craintes et la peur que 200 menaces de mort peuvent susciter. Ce n'est pas rien.
Je termine...