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AANO Rapport du Comité

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1. APERÇU

1.1       Terres et occupants

Les territoires du Nord représentent environ 40 % de la masse terrestre du Canada[1]; ils comptent une population dispersée de moins de 110 000 habitants[2]. La majeure partie de la population est établie dans les capitales et le reste est réparti dans quelque 140 petites collectivités isolées.

Environ 55 % des habitants du Nord sont des membres des Premières nations, des Métis ou des descendants inuits[3]; les autres sont arrivés au Canada à différents moments. Le Nunavut compte la plus grande concentration d’Autochtones (85 %), suivi des Territoires du Nord-Ouest (50 %) et du Yukon (25 %)[4].

1.2       Principaux secteurs d’activité[5]

L’économie du Nord est largement tributaire des ressources naturelles. En dépit de l’abondance de ressources, dont les métaux, les minéraux précieux, le pétrole, le gaz et les ressources forestières, l’exploitation de ces ressources a toujours été limitée à cause du climat, de l’éloignement des marchés et d’un manque d’infrastructures.

Comme les activités d’exploitation des ressources dépendent en grande partie de la demande mondiale de métaux et de minerais, les fluctuations importantes de cette demande rendent instable l’activité minière dans le Nord. La fonction publique y est relativement importante; outre les services d’administration gouvernementaux, elle offre des services de santé, d’éducation et sociaux à la population des centres urbains et des collectivités isolées. En regard de l’instabilité du secteur de l’exploitation des ressources naturelles, la fonction publique exerce un effet stabilisant grâce à des emplois relativement sûrs et hautement rémunérateurs. Le secteur du détail et des services commerciaux, qui soutient les industries minières et le secteur public, représente une partie importante de l’activité économique globale dans le Nord.

Les Autochtones commencent aussi à s’insérer dans l’économie moderne du Nord. C’est ainsi que de nombreuses sociétés de développement appartenant à des Autochtones contribuent au développement du Nord, en œuvrant par exemple dans les secteurs du transport, de la construction et du tourisme, ainsi qu’en détenant une participation dans des projets d’exploitation pétrolière et gazière.

Les Autochtones jouent également un rôle non négligeable dans le développement économique du Nord par leurs activités traditionnelles que sont la chasse, le piégeage, la pêche, les arts et la culture. Ils s’y adonnent principalement pour approvisionner leurs communautés, mais aussi pour effectuer des échanges commerciaux. Dans une certaine mesure, ces activités les protègent de l’instabilité du secteur minier.

Bien que la valeur de la production dans les territoires, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), soit plus élevée par habitant que celle du Canada en moyenne (respectivement 55 777 $ contre 36 441 $)[6], les habitants du Nord ne tirent généralement pas pleinement parti de l’activité économique dans le Nord. Par exemple, il se peut que les communautés locales profitent de l’augmentation des emplois créés dans le cadre d’un projet minier, et les gouvernements territoriaux et autochtones, de l’accroissement des recettes fiscales et des redevances, mais au dire des témoins, c’est aux grandes sociétés établies dans le Sud que revient la majeure partie du produit de ces activités sous forme de profits, aux travailleurs dans le Sud sous forme de salaires et au gouvernement fédéral sous forme de redevances. Comme l’a mentionné Elisapee Sheutiapik, mairesse d’Iqualuit et présidente de l’Association des municipalités du Nunavut :

La malédiction des ressources fait partie intégrante de l’histoire du développement des ressources dans le Nord. Les profits vont à des investisseurs de l’extérieur, l’activité commerciale va à des fournisseurs de services de l’extérieur, les salaires sont versés à une main-d’oeuvre qui provient de l’extérieur, les revenus publics vont aux gouvernements centraux, et la vaste majorité des gens du territoire ne peuvent participer à l’essor économique en raison de leur faible éducation, des infrastructures déficientes et des services inadéquats[7].

Le Conference Board du Canada établit des estimations et des prévisions de l’activité économique dans les territoires du Nord dans sa publication Territorial Outlook. Dans sa plus récente version, publiée en juillet 2010, il indique :

Les territoires du Canada n’ont pas échappé aux effets de la récession de 2008-2009 et à son contrecoup. La chute du cours des métaux et des minerais à la fin de 2008 a eu un effet dévastateur sur la production et l’exploration minières dans l’ensemble des territoires du Nord[8].

La réduction de l’activité minière s’est toutefois répercutée sur chacun des territoires de différentes façons. Comparativement au reste du Canada, le PIB du Yukon s’est en fait accru de 1,4 % en 2009 par rapport à l’année précédente, tandis que le PIB des Territoires du Nord-Ouest a chuté de 5,9 % et celui du Nunavut de 10,6 %. La vigueur relative du Yukon est en partie attribuable au fait qu’il dépend peu des projets miniers et qu’il peut compter sur d’importants secteurs public et privé. Les effets du ralentissement économique se sont fait sentir plus cruellement dans les Territoires du Nord-Ouest à cause de la baisse des prix et au Nunavut, où s’est terminée la construction de la mine d’or Meadowbank. Comme le montre le tableau 1.1, le Conference Board du Canada s’attend à une reprise de l’activité économique dans les territoires en 2010 parallèlement à la remontée de la demande mondiale.

Tableau 1.1 : PIB en fonction de certains secteurs d’activité, 2010 (en dollars réels par habitant, 2002)

 

Yukon

T.N.-O.

Nunavut

Tous les territoires

Total

44 606

(4,0)

79 187

(4,8)

 36 321

(11,2)

55 777

(5,6)

Mines

3 385

(55,9)

29 244

(19,3)

3 419

(1 180)

13 589

(29,6)

Métaux

2 441

(90,4)

488

(-20,9)

3 141

(…)

1 879

(193,4)

Éléments non métalliques

0

(…)

22 970

(25,9)

0

(…)

9 054

(25,0)

Pétrole et gaz

91

(-4,0)

4 124

(-1,5)

0

(…)

1 654

(-2,3)

Services publics

1 068

(1,6)

1 297

(1,8)

654

(1,8)

1 035

(1,6)

Construction

3 844

(4,3)

6 122

(-24,8)

5 810

(7,5)

5 326

(-10,6)

Transports1

2 788

(1,4)

7 724

(3,5)

1 911

(2,6)

4 473

(2,6)

Services

Privés2

Publics3

17 021

( 2,5)

15 850

(-0,3)

19 198

(2,2)

17 009

(1,2)

9 945

(3,9)

14 798

(-0,8)

15 777

(2,5)

15 995

(0,2)

Source : Calculs établis à partir de données du Conference Board du Canada, Territorial Outlook, juillet 2010; les chiffres entre parenthèses représentent la variation en pourcentage par rapport à l’année précédente.

Remarques

1.     Comprend également les contributions moins importantes des secteurs de l’entreposage, de l’information et de la culture.

2.     Comprend le commerce de gros et de détail; les finances, l’assurance et l’immobilier; les services commerciaux divers.

3.     Comprend les services du secteur public pour la santé, l’éducation et les programmes sociaux, ainsi que l’administration publique.

Yukon

Au Yukon, les services privés et publics représentaient presque les trois quarts de l’activité économique en 2010; l’activité minière se concentrait presque exclusivement sur les métaux. Le Conference Board du Canada s’attend à ce qu’avec le redressement de l’économie mondiale en 2010, le secteur de l’extraction des métaux au Yukon enregistre un taux de croissance de 90 % par rapport à l’année précédente grâce à l’exploitation de trois mines de roches dures; la mine d’or et de cuivre Minto à laquelle se joindront la mine de zinc Wolverine et la mine d’argent Bellekeno. L’activité dans le secteur de la construction devrait également progresser considérablement en raison de projets non résidentiels associés à l’augmentation de l’activité minière. De même, les services commerciaux et de vente au détail devraient reprendre de la vigueur après les réductions qui y ont été apportées pendant la récession.

Par ailleurs, la Société d’énergie du Yukon a entrepris un projet de construction hydroélectrique qui est relié au projet d’expansion de l’installation hydroélectrique Mayo B, grâce auquel le territoire devrait moins dépendre de l’énergie non renouvelable. Il s’agit d’un projet de 160 millions de dollars qui prévoit la construction d’une centrale pouvant produire deux fois plus d’énergie que la centrale de la rivière Mayo, avec la deuxième phase de la ligne de transport d’énergie Carmacks-Stewart, laquelle reliera les deux réseaux de distribution du Yukon.

En raison du ralentissement économique aux États-Unis, le secteur du tourisme a battu de l’aile ces dernières années; 282 874 passages à la frontière ont été enregistrés en 2009, soit une basse de 5,7 % par rapport à l’année précédente. On s’attend à ce que le port de Skagway, en Alaska, accueille beaucoup moins de navires de croisière durant cette saison, d’où la diminution possible des excursions d’un jour au Yukon. Le tourisme au Yukon, via Skagway se ressent des effets d’un règlement de l’Agence canadienne des services frontaliers qui interdit aux touristes canadiens de louer un véhicule aux États-Unis à des fins de tourisme au Canada[9].

Territoires du Nord-Ouest

Le secteur minier devrait représenter plus du tiers de toute l’activité industrielle dans les Territoires du Nord-Ouest en 2010, en raison surtout de l’extraction de diamants. Bien que le marché des diamants ait périclité ces dernières années, on s’attend à une reprise en 2010, les prix augmentant et l’exploitation des mines Diavik et Snap Lake s’intensifiant. Avec la suspension temporaire des activités à la mine Cantung, unique mine métallifère du territoire, le secteur de l’extraction des métaux affichera un recul en 2010 pour la quatrième année consécutive. Le secteur de la construction devrait se contracter dans un proche avenir principalement en raison de la fin de l’expansion des activités souterraines à la mine Diavik, dans lesquelles 565 millions de dollars ont été injectés.

À long terme, le projet gazier Mackenzie pourrait avoir une incidence sur l’économie des Territoires du Nord-Ouest. S’il est approuvé par l’Office national de l’énergie, qui devrait prendre une décision définitive à l’automne, ce projet pourrait s’échelonner sur quatre ans, soit de 2017 à 2020, et augmenterait de 16,2 milliards de dollars l’économie des Territoires du Nord-Ouest, soit environ trois fois sa valeur actuelle. Cet investissement massif devrait avoir des répercussions sur d’autres secteurs d’activité des Territoires du Nord-Ouest. Comme l’Office national de l’énergie n’a pas encore rendu de décision et que le marché des ressources naturelles non renouvelables ne s’est pas encore complètement remis de la récente récession, on ignore pour l’instant si le projet gazier Mackenzie pourra se réaliser et à quel moment.

Nunavut

L’économie du Nunavut est soumise à de grandes fluctuations dues à l’instabilité et à la taille relativement restreinte du secteur minier, mais l’imposant secteur gouvernemental procure une certaine stabilité à la croissance du PIB. En 2010, l’administration publique et les services gouvernementaux devraient représenter au moins les deux cinquièmes de l’ensemble de l’activité économique du Nunavut.

En 2010, seule la mine d’or Meadowbank au lac Baker devrait être en exploitation bien que le Conference Board du Canada indique que « le bassin de ressources minérales en grande partie non exploitées dans ce territoire favorise grandement l’expansion de l’économie ». La production commerciale de la mine d’or Meadowbank a commencé le 1er mars 2010; on s’attend à ce que la production moyenne atteigne 350 000 onces par année. La forte croissance de l’emploi devrait également profiter aux secteurs des services et du détail du Nunavut.

L’investissement résidentiel devrait augmenter cette année, et le secteur non résidentiel devrait engendrer une croissance de la construction au Nunavut. À cet effet, le Conference Board du Canada cite un sondage de Statistique Canada indiquant que les intentions d’investissement sont en hausse de 28 % par rapport à l’année précédente. L’affectation de 11 millions de dollars, par le gouvernement fédéral, à la restructuration de l’Institut de recherche du Nunavut contribue aux perspectives reluisantes du secteur de la construction au Nunavut.

1.3       Obstacles au développement économique

Les décideurs gouvernementaux, les dirigeants des collectivités du Nord, les Autochtones et les gens d’affaires s’intéressent de plus en plus au développement économique des territoires du Nord. En raison de l’abondance de ressources naturelles non exploitées qui s’y trouvent, le Nord canadien pourrait répondre à une partie de la demande mondiale d’énergie et de minéraux à long terme. Malgré ce potentiel, de nombreux obstacles entravent la participation active du Nord au développement économique. Comme il en sera question dans les parties 4 à 8 du présent rapport, où l’on présentera des éléments d’information communiqués par des témoins au cours de l’étude du Comité, les obstacles les plus importants au développement économique des territoires du Nord sont le manque d’installations nécessaires pour faciliter l’exécution de projets de mise en valeur et pour établir un pont avec les marchés du Sud; les pénuries de main-d’œuvre et le faible niveau de scolarité; la santé, le coût de la vie et les niveaux de vie dans les collectivités du Nord; les problèmes de gouvernance.

En ce qui concerne l’infrastructure, il y a un manque apparent de moyens de transport dans l’ensemble des territoires du Nord en raison du coût exorbitant de l’installation de systèmes de transport dans les régions éloignées. L’infrastructure déficiente décourage l’investissement privé dans des projets de développement dans le Nord. L’infrastructure des transports diffère d’un territoire à l’autre. Le Yukon possède le réseau routier permanent le plus développé. Le réseau routier des Territoires du Nord‑Ouest comprend des routes carrossables en tout temps, des routes de glace et divers systèmes de transport par voie navigable[10]. Au Nunavut, territoire le moins développé, la plupart des déplacements entre les collectivités au sein du territoire et vers l’extérieur se font par transport aérien. Vu l’absence d’un réseau routier au Nunavut, les biens essentiels et les marchandises doivent y être expédiés par des navires de ravitaillement en provenance du Sud, pendant les mois d’été où la navigation en mer est possible[11].

La capacité de réaliser des projets de développement dans le Nord dépend également de l’infrastructure de production d’énergie. La production d’énergie au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest provient principalement de projets hydro-électriques bien que ceux-ci soient actuellement limités dans le Nord. Les génératrices diesel sont plus courantes dans les régions éloignées des territoires du Nord et constituent à l’heure actuelle l’unique source d’énergie dans les collectivités du Nunavut. Comme leur coût d’entretien est élevé et qu’elles peuvent avoir des répercussions négatives sur l’environnement, les habitants du Nord envisagent d’autres formes d’énergie plus propres et renouvelables, telles la biomasse, l’énergie éolienne et l’énergie solaire, mais ces formes d’énergie sont encore à leurs balbutiements dans le Nord.

Les pénuries de main-d’œuvre et les faibles niveaux de scolarité ne sont pas rares dans le Nord, surtout au Nunavut. Comparativement au reste du Canada, les résidents des territoires, en particulier les Autochtones, accusent un retard sur le plan de l’alphabétisation, de l’achèvement des études secondaires et de l’obtention de diplômes universitaires. En ce qui concerne l’éducation postsecondaire, les cours offerts dans les universités locales sont limités. En général, les témoins ont signalé que les étudiants, notamment ceux des collectivités autochtones éloignées, ont tendance à ne pas vouloir ou pouvoir quitter leur famille pour faire des études universitaires dans le Sud. Selon certains témoins, une bonne proportion de ceux qui fréquentent les universités dans le Sud soit y demeurent après leurs études pour obtenir un emploi stable plus rémunérateur, soit ont du mal à s’intégrer à la culture du Sud et finissent par abandonner leurs études. Des témoins ont aussi fait remarquer que les Autochtones du Nord manquent d’intérêt pour leurs études primaires et secondaires, notamment parce qu’ils préfèrent s’intégrer au marché du travail ou exercer des activités traditionnelles ou parce que les programmes scolaires sont peu adaptés à la culture et à la langue ancestrales. Par ailleurs, les entreprises privées, les organismes gouvernementaux et les organismes de gestion des revendications territoriales ont mentionné en général qu’ils se font concurrence pour attirer les rares travailleurs qualifiés qui ont fait des études supérieures et qui choisissent de demeurer dans le Nord.

Les normes de santé et le niveau de vie sont inférieurs dans les territoires du Nord en raison surtout des changements sociaux rapides qui obligent généralement les Autochtones à délaisser tant bien que mal leur activités traditionnelles pour les modes de vie du Sud[12]. L’adaptation malaisée à l’influence de la modernisation dans le Nord entraîne généralement des taux de décrochages élevés, de la pauvreté et du chômage, ainsi que des difficultés d’adaptation au coût de la vie relativement élevé dans le Nord[13]. Dans maintes collectivités du Nord, en particulier les collectivités les plus isolées, les problèmes sociaux se traduisent par des taux de criminalité et de suicide élevés. En outre, comme il y a une pénurie de logements adéquats dans le Nord, les logements sont surpeuplés, surtout au Nunavut. Cela peut se répercuter sur l’état de santé et sur le niveau de scolarité des habitants du Nord.

Les problèmes de gouvernance reliés aux différends entre les gouvernements fédéral, territoriaux et autochtones au sujet de la conclusion et de l’exécution des accords sur les revendications territoriales font également obstacle au développement économique des territoires du Nord. La capacité qu’ont les conseils de cogestion de la réglementation de planifier adéquatement l’aménagement du territoire dans le Nord pose problème, car certains conseils n’ont peut-être pas toujours le soutien et la formation nécessaires pour bien s’acquitter de leurs tâches.

Le processus de dévolution et le partage des recettes tirées de l’exploitation des ressources sont d’autres facteurs liés au concept de gouvernance. À l’heure actuelle, le Yukon est le seul territoire disposant d’une entente concernant le transfert des responsabilités pour l’utilisation, la gestion et la jouissance des ressources, incluant les ressources naturelles non renouvelables. Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut n’ont pas encore conclu d’ententes semblables.