AGRI Rapport du Comité
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OPINION COMPLÉMENTAIRE DU BLOC QUÉBÉCOIS
LES JEUNES AGRICULTEURS : L’AVENIR DE L’AGRICULTURE
Le Bloc Québécois est généralement favorable aux principaux points soulevés dans le présent rapport puisque certains de ses éléments font partie des revendications du parti depuis de nombreuses années.
Le gouvernement fédéral prétend être préoccupé par l’avenir de l’agriculture mais, comme le soulève le rapport, « il n’existe pas de politique fédérale exhaustive visant les jeunes ou les nouveaux agriculteurs » (par.3). De même, il n’existe aucune définition cohérente et intégrée d’un agriculteur de la relève. C’est pourquoi nous estimons important de faire valoir notre point de vue dans cette opinion complémentaire, non seulement suite aux rencontres que nous avons eues lors de cette tournée sur la relève mais également celles que les député-e-s du Bloc Québécois ont régulièrement avec les jeunes agriculteurs et agricultrices du Québec ainsi que ceux et celles qui aspirent à cette noble carrière mais ô combien exigeante.
Aucun programme fédéral ne permet véritablement à la relève agricole d’avoir accès à un financement adéquat (crédit financier ou garanties de prêts) à cause des critères souvent trop rigides. Quand les jeunes finissent par obtenir l’aide financière requise, ils sont pénalisés par des taux d’intérêt très élevés compte tenu de leur situation d’emprunt précaire. Ainsi, les jeunes agriculteurs et agricultrices considèrent, avec raison, ces programmes comme ayant « été conçus pour des exploitations importantes qui ont suffisamment de capital pour être admissibles » (par.30).
L’exemple du Québec
Lors de la tournée effectuée par le Comité, nous avons pu constater que le Québec avait mis en place plusieurs mesures favorisant la relève, comme en font foi ces programmes gouvernementaux ou carrément instaurés par le milieu lui-même :
- Programme d’appui financier à la relève, géré par la Financière agricole, qui aide les jeunes à s’établir et à acquérir une formation adéquate;
- Programme « capital-patient », conçu pour faciliter le transfert de ferme à de jeunes agriculteurs non-apparentés;
- Programme d’aide au démarrage de nouveaux producteurs d’œufs de consommation, qui vise à aider la relève non-apparentée à se lancer en agriculture;
- Programme d’aide à la relève en production laitière, qui aide les jeunes producteurs à obtenir un quota grâce à un prêt étalé sur 10 ans.
Sans dédoubler ces programmes et tout en respectant les champs de juridiction du Québec et des provinces, le gouvernement fédéral devrait s’en inspirer et mettre en place de véritables mesures ciblant la relève agricole. Dès 2005, le Bloc Québécois a tenu à La Pocatière un colloque, conjointement avec le Syndicat de la relève agricole de la Côte-du-Sud, intitulé « Vers un transfert de ferme gagnant » et dont les recommandations et conclusions sont aujourd’hui tout aussi pertinentes. Le Bloc Québécois a fait siennes ces recommandations dans ses plateformes électorales et a présenté à trois reprises des motions devant le Parlement. On retrouve aussi certaines de ces mesures dans le Rapport sur la mission d’information sur la nouvelle politique agricole et agroalimentaire du Canada, adopté en juin 2007 par le Comité. Ces recommandations se trouvent à la fin de cette opinion complémentaire.
De son côté, la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) a déposé un mémoire intitulé Vers une politique d’établissement en agriculture canadienne au Comité le 10 mai 2010, dans lequel elle propose les mesures prioritaires suivantes en regard de la situation au Québec :
- Le rajout de question sur les intentions des agriculteurs en termes de succession dans le recensement agricole effectué au 5 ans. Il n’existe actuellement aucun moyen de connaître les prévisions de départ des cédants et leur capacité ou non à compter sur une relève. Sans cette information cruciale, il n’est pas possible à l’heure actuelle d’établir une banque de fermes sans relève à mettre en lien avec la relève sans ferme.
- La mise en place d’incitatifs au transfert puissants tel que :
- Un régime d’épargne transfert : permettant au cédant de voir son épargne largement bonifiée dans le cas d’un transfert de son entreprise;
- Le transfert de biens agricoles libre d’impôt dans le cas d’un don ou dans le cas d’un transfert non apparenté.
- La non-imposition des subventions à l’établissement, afin d’aider les agriculteurs qui intègrent des jeunes sur leur entreprise.
Si le Québec réussi à adopter certains programmes intéressant pour la relève agricole, le gouvernement fédéral peut très certainement l’imiter mais il doit absolument se résoudre à respecter les compétences québécoises. Deux recommandations pourraient devenir problématiques à cet égard :
- Recommandation 2,5, qui recommande qu’AAC offre de collaborer avec les provinces, pour examiner la possibilité d’inclure dans les programmes scolaires des cours sur l’agriculture. L’éducation est une compétence strictement québécoise et sous aucune considération le gouvernement fédéral ne se doit de prendre des initiatives dans ce domaine sans la bénédiction du gouvernement du Québec.
- Recommandation 2,6, qui recommande qu’AAC, en collaboration avec les acteurs de l’industrie et les provinces, encourage les campagnes d’achat local partout au pays. De telles initiatives ont été prises par différents gouvernements provinciaux, et par le gouvernement du Québec. Ainsi, il ne faudrait pas répéter le fiasco de l’étiquetage biologique ou celui des « produits du Canada ».
Aussi, le rapport souhaiterait se pencher sur le clivage urbain/rural, notamment en tentant de sensibiliser les citoyens qui voudraient s’établir en milieu urbain à la réalité du monde agricole. En effet, plusieurs familles s’établissent à la campagne, mais ne tolèrent pas le bruit ou les odeurs qui vont de pairs avec les activités agricoles. Il est très évident que ce type de sensibilisation relève des gouvernements provinciaux et du gouvernement du Québec, en lien avec la gestion des terres agricoles. L’objectif est louable, mais il faudrait s’assurer de ne pas contrecarrer les initiatives déjà instituées par ces gouvernements, plus proches de la réalité de ces citoyens.
Faire de l’agriculture, une activité rentable
L’agriculture est en crise… Personne ne peut plus le nier. Or, l’un des points soulevés dans le rapport est le fait que l’agriculture ne peut représenter un mode de vie et un choix intéressant pour de jeunes producteurs agricoles si l’activité n’est pas rentable. Plusieurs solutions sont envisagées, et l’une d’entre elles est la promotion et le développement du système de la gestion de l’offre.
La gestion de l’offre est un modèle préconisé par les producteurs de lait, de volailles et d’œufs du Québec et du Canada et il est défendu et promu par le Bloc Québécois depuis plusieurs années. Son approche basée sur l’imposition d’un prix plus élevé pour de la nourriture de qualité qui permet au producteur de tirer un revenu juste, équitable et raisonnable pour la production de cet aliment. Cette solidarité entre consommateurs et producteurs est à la base de la souveraineté alimentaire et du développement d’une agriculture à dimension humaine.
Outre le modèle de la gestion de l’offre, plusieurs programmes ont été instaurés, notamment à l’intérieur du Cadre stratégique agricole. Lors de la première série de programme, en 2003, plusieurs programmes ont été critiqués et jugés inefficaces (ex. PCSRA). Ainsi, lors de la signature de la seconde série de programme (CSAII), en 2008, les producteurs croyaient que les gouvernements auraient entendu leurs doléances… Malheureusement, ça n’a pas été le cas. C’est ainsi que la recommandation 3,1 s’appuie sur les nombreux témoignages d’agriculteurs, afin de demander la modification des « programmes Agri-stabilité, Agri-Investissement et Agri-Protection afin qu’ils répondent en particulier aux besoins des industries agricoles en situation de crise et des jeunes et nouveaux agriculteurs ».
Le Bloc Québécois profite de cette occasion pour réitérer sa demande au gouvernement d’instaurer, tel que proposé par les producteurs eux-mêmes, un véritable programme Agri-Flex, afin de fournir un soutien adéquat et flexible aux agriculteurs, et pour que cette aide soit adaptée aux besoins régionaux de ceux-ci via le gouvernement du Québec et des provinces.
Finalement, deux autres problématiques ont été soulevées quant à la rentabilité de l’activité agricole. La première est le manque flagrant de soutien pour le secteur de la recherche et du développement. Ce secteur est essentiel au développement d’une agriculture forte et compétitive, notamment dans le secteur des énergies propres, de l’agriculture biologique et des règles phytosanitaires. Justement, de meilleurs investissements en R&D permettraient sans doute une accélération de l’harmonisation des règles phytosanitaires et environnementales, pour garantir une certaine compétitivité aux producteurs d’ici. Il en est de même avec une accélération du processus d’homologation des nouveaux produits ou des produits issus de la biotechnologie.
La seconde problématique est l’accès aux marchés étrangers. Plusieurs témoins sont venus expliquer aux membres du comité l’importance d’une accessibilité plus grande aux marchés étrangers. En effet, il est évident qu’un accès accru à de nouveaux marchés est une bonne nouvelle, mais nous nous réjouissons surtout que le Comité prenne en compte le fait que « les agriculteurs doivent évoluer dans un environnement où les normes commerciales sont plus équitables », et donc que cette libéralisation ne peut pas se faire à n’importe quel prix.
Les 5 propositions du Bloc Québécois
Au Québec, le revenu des producteurs ne croît pas au même rythme que la taille des fermes, ce qui provoque un effet d’endettement. Jumelé au vieillissement de la population agricole; à l’aide gouvernementale insuffisante à la hausse du prix des intrants; et à l’iniquité des règles de commerce international, le coût associé à la prise de possession d’une ferme (achetée ou transmise) freine considérablement la relève agricole.
C’est pourquoi le Bloc Québécois fait sien l’objectif ambitieux de l’Union des producteurs agricoles (UPA) et de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) de maintenir le nombre de fermes sur l’ensemble du territoire agricole québécois.
Le Bloc Québécois propose donc les recommandations suivantes afin de favoriser l’établissement de la relève agricole au Québec, des recommandations qui reposent sur l’amélioration de la fiscalité, l’épargne et la concertation.
Proposition 1 :
Afin d'augmenter le bénéfice de transférer une ferme plutôt que la démanteler, le Bloc Québécois propose d'accroître le montant admissible à la déduction pour gain en capital pour biens agricoles de 750 000 $ à 1 000 000 $ et ce, seulement pour les transactions à la suite desquelles il y aurait maintien de l'exploitation.
Proposition 2 :
Que le gouvernement fédéral étende la règle du roulement à d'autres transferts que les « transferts parents-enfant ». Le Bloc Québécois propose d'étendre la règle du transfert à d'autres membres de la famille immédiate âgés de moins de 40 ans (frère et soeur, neveu et nièce, grands-parents et petits-enfants, etc.).
Proposition 3 :
Que l'on constitue un régime d'Épargne transfert agricole permettant aux producteurs d'accumuler un fonds de retraite à l'abri de l'impôt. Les gouvernements pourraient y apporter une contribution comme pour le régime d'épargne-étude. Cette contribution serait conditionnelle au maintien de la ferme lors du transfert.
Proposition 4 :
Assouplir les règles du régime d'accession à la propriété pour permettre aux jeunes producteurs d'obtenir en tout ou en partie une plus grande part d'une résidence détenue par une société et d'utiliser son REER pour faire l'acquisition d'une entreprise agricole.
Proposition 5 :
Que le gouvernement fédéral transfère une enveloppe récurrente au gouvernement du Québec pour favoriser la relève agricole.
André Bellavance
Député de Richmond-Arthabaska
Porte-parole du Bloc Québécois en matière d’Agriculture et Agroalimentaire
Vice-président du caucus du Bloc Québécois
France Bonsant
Députée de Compton-Stanstead
Porte-parole adjointe en matière d’Agriculture et Agroalimentaire