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CHPC Rapport du Comité

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L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL ENTRE LE CANADA ET L'UNION EUROPÉENNE

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.1       Mandat du Comité

Le 30 novembre 2010, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes (ci-après le Comité) a adopté la motion suivante :

Que, conformément à l'article 108(2) du Règlement, le Comité invite le ministre du Patrimoine canadien, le ministre du Commerce international ou leurs représentants, la Coalition pour la diversité culturelle et tout autre témoin jugé pertinent à comparaître, afin :

de connaître l'évolution des négociations du traité de libre-échange avec l'Union européenne, particulièrement pour s'assurer que le traité sur la diversité culturelle qu'a promu et signé le Canada y sera respecté;

d'informer le Comité de la position défendue par les négociateurs du Canada dans les négociations sur la signature de l'Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA);

et que le Comité en fasse rapport à la Chambre[1].

Le Comité a tenu des audiences le 31 janvier et le 7 février 2011 durant lesquelles il a reçu l'honorable Peter Van Loan, ministre du Commerce international, et les personnes suivantes du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international : Steve Verheul, négociateur commercial en chef, Canada-Union européenne; Robert Ready, directeur général, Bureau de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle et les services; et Edith St-Hilaire, directrice, Direction de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle. Le Comité a entendu également Charles Vallerand, directeur général de la Coalition pour la diversité culturelle et Daniel Drapeau, avocat au cabinet Smart & Biggar.

Le présent rapport donne un aperçu du projet d'accord économique et commercial global (AECG) que le Canada est en train de négocier avec l'Union européenne (UE), de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et de l'Accord commercial relatif à la contrefaçon (ACRC). La conclusion résume les principaux points soulevés durant les audiences. Dans le chapitre final, le Comité formule cinq recommandations.

1.2       Accord économique et commercial global avec l'Union européenne

En 2009, le Canada et l'UE ont entamé la négociation d'un accord économique et commercial global couvrant le commerce des biens et services, les investissements, les marchés publics et plusieurs autres questions. En janvier 2011, le ministre Van Loan a annoncé que la prochaine ronde de négociations aurait lieu en avril 2011.

Les négociations touchent un vaste éventail de sujets, notamment le commerce des biens et services, l'investissement, les marchés publics, la coopération au niveau de la réglementation, la propriété intellectuelle, l'admission temporaire des gens d'affaires, la politique de concurrence et les questions connexes, le travail et l'environnement[2].

1.3       La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles

En 2005, les États membres de l'UNESCO ont adopté par un vote majoritaire la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Le Canada a été le premier pays à accepter officiellement la Convention[3].

La Convention a pour but de protéger et de promouvoir la diversité culturelle dans le contexte de la mondialisation des échanges. Pour citer le gouvernement du Canada :

Le texte répond aux objectifs fondamentaux du Canada : il reconnaît la double nature, économique et sociale, des biens et services culturels; il confirme le droit des gouvernements d'adopter des politiques à l'appui de l'expression culturelle et il place l'accord sur un pied d'égalité avec les autres traités tout en respectant les obligations existantes. Le texte reconnaît aussi le lien qui existe entre culture et développement[4].

1.4       L'Accord commercial relatif à la contrefaçon

En 2007, le gouvernement a entamé, avec un certain nombre de ses partenaires commerciaux, des pourparlers en vue de la conclusion de l'ACRC et ce, en vue « d'établir des normes internationales pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle, afin de permettre une lutte plus efficace contre le problème croissant que pose la contrefaçon et le piratage[5] ».

Les parties à la négociation de l'ACRC sont l'Australie, le Canada, l'Union européenne et ses 27 États membres, le Japon, le Mexique, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée, Singapour, la Suisse et les États-Unis. La vérification juridique du texte définitif de l'ACRC a été terminée en décembre 2010[6]. Il incombe à chaque pays de décider si et quand l'ACRC entrera en vigueur[7].

L'ACRC se concentre sur trois questions :

  • La coopération entre les parties à l'ACRC en vue de répondre aux enjeux liés au commerce transfrontalier de marchandises contrefaites et piratées;
  • L'établissement d'un ensemble de pratiques exemplaires pour ce qui est de l'application de la loi par les autorités;
  • Un cadre juridique de mesures visant le respect des droits[8].

D'après le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international :

  • L'accord vise principalement la contrefaçon et le piratage de marchandises destinées au commerce. Il y a lieu de penser que les groupes criminels organisés sont de plus en plus actifs dans le domaine de la fabrication, de la distribution et de la vente de produits illégaux.
  • On connaît la contrefaçon et le piratage de biens physiques, mais cela se produit également de plus en plus dans l'univers numérique. L'ACRC ne peut être envisagé comme un accord axé uniquement sur Internet. Il a pour objectif de résoudre le problème de la contrefaçon et du piratage dans son ensemble et de toucher à chacune de ses dimensions[9].

CHAPITRE 2 : RÉSUME DES TÉMOIGNAGES

2.1       Négociation de l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne

Le ministre Van Loan a dit des négociations entourant l'AECG que, « [d]e par leur portée et leur niveau d'ambition, [elles] sont incontestablement la plus importante initiative commerciale qu'ait lancée le Canada depuis la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis[10] ». Il a dit estimer que l'accord aurait un apport annuel de 12 milliards de dollars au PIB et qu'il ferait augmenter de 20 % par an les échanges bilatéraux entre le Canada et l'UE. Il a signalé que la sixième ronde de négociations avait eu lieu en janvier et que d'autres rencontres étaient prévues dans les prochains mois.

Au sujet de la culture, le ministre a rappelé que la signature de l'Accord canado-américain de libre-échange aussi avait suscité des craintes pour la survie de notre culture, mais qu'elles s'étaient dissipées et que notre culture se portait très bien. Il a dit que le Canada a depuis longtemps des relations culturelles avec de nombreux pays.

M. Van Loan a dit également que le Canada était un chef de file quant à l'élaboration de conventions aux Nations Unies, notamment pour ce qui est de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il a ajouté que cette convention « reconnaît l'importance de la diversité culturelle pour le développement économique et social international [et qu'elle] reconnaît aux pays comme le Canada le droit d'adopter des mesures et des politiques pour protéger et promouvoir la diversité de leurs expressions culturelles[11] ». Il a ajouté que les États membres de l'UE sont conscients de l'importance de la culture et du rôle de celle-ci dans la société.

Parlant de la place de la culture dans le contexte de la négociation de l'AECG, le ministre a déclaré :

Je peux donner l'assurance aux membres de ce comité, ainsi qu'à tous les Canadiens, que nous garderons intacte notre capacité respective de poursuivre nos objectifs nationaux en matière de politique culturelle dans tout accord commercial que nous conclurons avec l'Union européenne. Notre gouvernement demeure fermement attaché à la défense de nos intérêts culturels, y compris dans le cadre de nos accords commerciaux[12].

En réponse à des questions, M. Van Loan a répété que le gouvernement souhaitait « assurer la protection de notre culture et de nos industries culturelles, comme nous l'avons fait lors des négociations d'autres accords[13] ». Il a dit que l'UE tenait beaucoup à protéger et promouvoir la culture de ses 27 États membres. Il a dit aussi que le Canada a « cherché à obtenir des exemptions[14] et des protections pour les programmes canadiens, et [que] nous avons cherché à protéger tous les programmes gouvernementaux à venir, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, pourvu qu'ils soient mis sur pied avec l'intention de promouvoir la culture canadienne[15] ». Il a signalé cependant que, comme l'accord négocié est de portée bien plus vaste que l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), on ne peut pas se contenter d'y reprendre les dispositions de l'ALENA[16].

Au sujet de la culture, M. Van Loan a dit que la seule question importante que l'UE cherche à négocier est celle du soutien de l'industrie de l'édition au Canada. Il a dit que le gouvernement du Canada s'efforçait d'obtenir une exemption à l'égard de ces programmes[17].

Au sujet des consultations avec les provinces, M. Van Loan a dit que celles-ci avaient été consultées et qu'elles participent aux négociations. Il a mentionné en particulier le Québec, disant qu'il avait eu la possibilité de faire valoir ses vues sur les questions abordées. M. Van Loan a dit aussi que de nombreuses consultations avaient eu lieu au sein même du gouvernement fédéral, notamment avec le ministère du Patrimoine canadien[18]. Il a ajouté que l'on avait consulté également des groupes représentant les industries culturelles comme l'Association of Canadian Publishers, Magazines Canada et la Conférence canadienne des arts[19].

Pour sa part, M. Vallerand de la Coalition pour la diversité culturelle a signalé que le Canada était le premier pays à ratifier la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO et qu'il participait activement à la mise en ouvre de la Convention.

Pour lui, les négociations entre le Canada et l'UE soulèvent deux questions pressantes, la première étant l'importance d'établir une coopération Nord-Sud et de veiller à ce que les pays du Sud et l'UNESCO disposent des ressources financières voulues pour financer la mise en ouvre de la Convention.

La seconde concerne l'établissement d'une jurisprudence relativement à la Convention. M. Vallerand a dit que « cette négociation commerciale est si importante, puisque le gouvernement canadien a fixé d'entrée de jeu une volonté de voir de façon moderne, large et étendue cette relation commerciale avec un partenaire économique très important[20] ». Il a poursuivi en disant « qu'il serait malheureux que ce qu'on a gagné avec la convention, on le perde ou on le voie affaibli par ce qui pourrait être négocié avec l'accord de libre-échange[21] ». Cependant, il a précisé que la Coalition pour la diversité culturelle était rassurée par l'engagement pris par le gouvernement de négocier une exemption complète pour la culture.

M. Vallerand a parlé des difficultés que présente la négociation d'une telle exemption. Il a dit que les États membres de l'UE avaient une conception différente de l'exemption des industries culturelles et qu'ils demandaient des clarifications pour tenter de comprendre comment celle-ci s'appliquerait sur l'ensemble de l'accord[22]. Il a signalé, par exemple, que les Européens ont une conception plus étroite de ce qu'on appelle « l'audiovisuel[23] ». À son avis, le Canada ne doit pas revenir sur sa position, mais continuer de privilégier une exemption complète[24]. Pour lui,

[C]e qui est vraiment ici l'enjeu, c'est d'établir cette jurisprudence dont je parlais tout à l'heure puisque, en fait, on a assez peu de textes juridiques, assez peu de décisions de cours de justice ou d'instruments de commerce internationaux qui établissent, qui reconnaissent la légitimité, l'existence même de la convention de l'UNESCO qu'on a tant cherché à avoir.

Non seulement la clause doit-elle être étanche, dirons-nous, elle doit peut-être même être modernisée, revue, pour qu'on puisse notamment se pencher sur les nouvelles formes d'industries culturelles, par exemple les nouveaux médias, la convergence[25].

M. Vallerand pense que l'on pourrait établir cette jurisprudence au moyen d'un renvoi à « cette logique qui doit exister entre l'exemption, la convention de l'UNESCO et l'accord commercial[26] », mais il a précisé qu'il faudrait faire étudier sa proposition par des juristes pour s'assurer qu'elle ne risque pas de nuire aux accords commerciaux bilatéraux en vigueur[27].

Pour M. Vallerand, l'objectif premier devrait être d'obtenir l'exemption des industries culturelles. Il a ajouté que toute négociation d'un protocole détaillé devrait faire intervenir des experts de la culture et pas seulement des négociateurs commerciaux[28]. Comme il l'a dit :

[L]e danger est que si on détermine qu'il y a une exemption, mais qu'on ouvre tout de suite une discussion sur le protocole, les gens dont les intérêts ou les projets économiques auraient pu être empêchés par l'exemption pourraient tenter de s'immiscer dans le débat sur le protocole de coopération culturelle. Qu'il s'agisse du fond ou de la forme, on tente de lier l'un à l'autre. Si on obtient l'exemption, c'est une chose, mais si on discute de coopération, c'en est une autre. C'est un autre cadre[29].

M. Vallerand a insisté aussi sur la nécessité d'un financement pluriannuel pour le suivi de l'accord de coopération[30].

2.2       Négociations concernant l'Accord commercial relatif à la lutte contre la contrefaçon

Quand il a comparu devant le Comité, le ministre, M. Van Loan, a parlé de la position du Canada dans la négociation de l'ACRC. Il a dit à ce sujet :

Notre position est fondée sur la législation actuelle et la mesure législative en matière de droits d'auteur dont est saisi le Parlement.

Nous avons participé aux négociations. Elles ont abouti à un accord qui, dans une large mesure, comprend des dispositions qui rendront la coopération plus efficace avec d'autres pays quand viendra le temps de faire respecter les droits de propriété intellectuelle - et ce, je le répète, dans l'intérêt des créateurs. Nous attendons de voir ce qu'il adviendra de notre propre mesure législative avant de procéder à la signature de l'accord, parce qu'il faut d'abord nous assurer, bien entendu, que les lois canadiennes nous permettront de mettre cet accord en application[31].

Au sujet de l'ACRC lui-même, M. Van Loan a dit :

Les négociations relatives à l'accord concernent les intérêts d'un certain nombre de pays qui se considèrent à l'avant-garde, si je puis dire, sur le plan de la protection des droits de propriété intellectuelle et des droits des créateurs. Le problème, c'est que certains pays ne poursuivent pas des objectifs aussi élevés en la matière que des parties comme les pays de l'Union européenne ou le Canada, qui eux accordent une très grande importance à la protection des droits. Nous savons tous que dans certains pays la violation du droit d'auteur est devenue monnaie courante.

Le but visé par les pays qui ont pris part aux négociations était de créer un groupe qui allait relever la barre en ce qui concerne les droits de propriété intellectuelle, particulièrement en ce qui a trait à leur respect. C'est ce qui a motivé l'élaboration de l'accord relatif à la contrefaçon. Bien sûr, nous sommes en faveur de cela. Nous considérons que nous faisons partie des pays qui accordent beaucoup d'importance aux droits des créateurs. C'est pourquoi nous avons participé aux négociations[32].

Parlant de la transparence des négociations, le ministre a dit : « Le Canada a toujours été d'avis [que celles-ci] auraient dû être rendu[e]s publi[que]s, mais pour que cela se fasse, il fallait bien sûr l'accord de toutes les parties. Nous sommes heureux que la majeure partie du contenu ait finalement été rendue publique de sorte que la population a eu l'occasion de formuler des commentaires[33]. »

Interrogé sur ce qui arriverait à l'ACRC si le projet de loi C‑32 (Loi sur la modernisation du droit d'auteur) n'était pas adopté, le ministre a répondu que « si les engagements ou les obligations de l'accord en vigueur ne reposaient pas sur un fondement juridique, nous ne pourrions pas le signer. Nous devrons être en mesure d'assumer les obligations juridiques qui sont envisagées. Le projet de loi C-32, tel qu'il est présentement, satisfait aux obligations énoncées dans l'ACRC[34] ».

Dans son témoignage, Robert Ready, directeur général du Bureau de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle et les services au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, a expliqué que le commerce de marchandises contrefaites ou piratées croissait régulièrement et qu'il était « néfaste pour les industries innovatrices et créatives, l'emploi au Canada, les revenus du gouvernement et des entreprises et, dans certains cas, la santé et la sécurité publiques[35] ».

Il a indiqué que le gouvernement avait réclamé des droits de propriété intellectuelle solides durant les négociations. Il a dit aussi que le gouvernement avait largement sondé l'opinion, notamment en procédant à des consultations en ligne, en organisant des tables rondes et en entendant les autres intéressés sur demande. Au sujet de l'accord même, il a dit qu'il était en cours de traduction dans la langue des diverses parties. M. Ready a conclu en disant :

[L]'ACRC marque une étape importante et concrète dans la lutte contre le commerce illégal des marchandises contrefaites et piratées. En effet, l'ACRC mettra en place un instrument international qui permettra d'améliorer la coopération et d'établir de nouvelles normes internationales visant l'application des mesures assurant le respect des droits de propriété intellectuelle. Ces normes sont complémentaires aux initiatives menées à l'échelle internationale.

La participation du Canada aux négociations de l'ACRC découle du constat que le commerce illégal est un problème croissant et réel qui nécessite une action internationale concertée. Par sa participation aux négociations de l'ACRC, le Canada a pu collaborer à l'atteinte des résultats et exercer son influence sur ceux-ci[36].

En réponse à des questions, M. Ready a signalé que le projet de loi C‑32 « comporte des éléments relatifs à la capacité du Canada de se conformer aux exigences des traités de l'OMPI [l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle]. Cependant, cela ne suffirait pas, à mesure qu'ils seraient transposés dans les dispositions de la loi, si la mesure législative n'était pas adoptée[37] ». Il a dit aussi :

Nous croyons que le cadre de travail créé dans l'ACRC est suffisamment vaste pour prendre en charge les propositions actuellement avancées au sein du comité législatif sur le projet de loi C-32, et suffisamment vaste pour tenir compte des différentes façons qu'ont les États signataires de l'ACRC de régler un certain nombre de ces problèmes, qui ne sont pas les mêmes pour tous.

Nous pensons que l'ACRC offre un cadre de base suffisant qui peut être mis en ouvre au Canada et dans d'autres pays[38].

Au sujet des répercussions éventuelles de l'ACRC, Edith St-Hilaire, directrice de la Direction de la politique commerciale sur la propriété intellectuelle au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et négociatrice de l'ACRC pour le Canada, a dit notamment que l'accord permettrait aux douaniers d'alerter les titulaires des droits et autoriserait la destruction des marchandises contrefaites[39].

En ce qui concerne la responsabilité des fournisseurs d'accès Internet, Mme St-Hilaire a dit que l'ACRC ne changerait rien au cadre législatif actuel, mais habilitera les autorités à ordonner au fournisseur d'accès Internet de transmettre les renseignements qui permettront d'identifier l'abonné qui utilise le service à des fins de contrefaçon[40]. Le fournisseur d'accès Internet fournirait l'information aux titulaires des droits[41]. Elle a précisé qu'il « reviendra à chaque gouvernement de décider quelles seront les répercussions si le fournisseur ne répond pas aux conditions [.] il s'agit de dispositions qui proposent un plancher et les pays vont s'appuyer là-dessus et les adapter dans leur propre loi. Dans certains cas, les conséquences vont être déterminées au plan national et pas nécessairement au sein de l'accord[42] ».

Mme St-Hilaire a dit également que l'ACRC « est un complément de ce qui existe sur la scène internationale, comme l'OMC [l'Organisation mondiale du commerce] et l'Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce[43] ».

M. Daniel Drapeau, avocat au cabinet Smart & Biggar, a dit que la négociation de l'ACRC résultait du fait que l'OMPI était paralysée par un conflit Nord-Sud, le Nord cherchant à protéger la propriété intellectuelle et le Sud voulant avoir accès à la propriété intellectuelle et souhaitant par ailleurs protéger les savoirs et les cultures traditionnelles. En outre, les décisions de l'OMPI ne sont pas contraignantes[44].

M. Drapeau a dit que sur le plan de la lutte contre la contrefaçon, les Européens ont une opinion de nous qui n'est guère meilleure que celle des États-Unis[45]. Il a dit que si la négociation de l'ACRC se déroule à huis clos, « c'est que les Canadiens trouvent moins embarrassant de se faire critiquer en privé qu'en public[46] ». Il a ajouté que certains estiment que l'ACRC a été imaginé pour ramener le Canada dans le rang et que notre système douanier pèche par sa faiblesse à l'égard de la contrefaçon[47].

M. Drapeau a évoqué plusieurs problèmes, signalant notamment que les douaniers ne peuvent ni saisir ni détruire les marchandises et que le Canada n'a pas de système de consignation des droits à la frontière[48]. Il a vivement recommandé que le Canada remédie aux lacunes de son système de lutte contre la contrefaçon[49].

M. Drapeau a aussi parlé de l'absence de dispositions pénales dans la Loi sur les marques de commerce. D'après lui, le recours à des sanctions au civil seulement pour lutter contre la contrefaçon ne fonctionne pas. Il a ajouté :

[D]u point de vue de la dissuasion - ce que je pense être la pire partie de notre système - nous n'avons pas de dommages-intérêts légaux en vertu de la Loi sur les marques de commerce. La pénalité maximale selon la Loi sur le droit d'auteur est de 20 000 $, ce qui est tout à fait incomparable aux profits découlant de la contrefaçon, et depuis 2006, ce montant maximal a seulement été accordé trois fois, dans trois cas où les demandeurs étaient représentés par notre cabinet[50].

Il a fait remarquer par ailleurs que « [l]e droit d'auteur est valable durant toute la vie de l'auteur, soit plus de 50 ans. La marque de commerce, elle, peut très bien être éternelle. C'est pour cela que beaucoup de détenteurs de droits se fondent davantage sur la Loi sur les marques de commerce que sur la Loi sur le droit d'auteur[51] ».

Parlant du projet de loi C-32, M. Drapeau a dit que « l'ACRC est destiné à « responsabiliser » tout le monde, notamment les fournisseurs de services Internet, et à trouver des solutions pour lutter contre les dispositifs anticontournement. À la lecture du projet C-32, on a plutôt l'impression que ce texte est destiné à « déresponsabiliser[52] ». S'il admet que le projet de loi C‑32 serait conforme à l'ACRC, il estime cependant que « nous traînons de la patte, nous ne sommes pas en train de montrer la voie[53] » et que le projet de loi C‑32, qui ne porte que sur le droit d'auteur, n'aborde pas la question des marques de commerce et les problèmes douaniers dans le contexte de la lutte contre la contrefaçon[54].

CHAPITRE 3 : CONCLUSION

3.1       Points saillants des témoignages

Sur la question du projet d'AECG, le Comité a appris que les négociations entre le Canada et l'UE reprendront en avril 2011. Le ministre du Commerce international, M. Van Loan, a dit au Comité que le gouvernement restait déterminé à défendre les intérêts culturels du Canada dans tous les accords commerciaux. Plus précisément, il a dit que le gouvernement cherchait à obtenir des exemptions et des mesures de protection à l'égard des programmes canadiens d'appui de la culture canadienne.

Le ministre a indiqué également que la seule question sur laquelle l'UE cherche à négocier concerne l'appui du Canada au secteur de l'édition et que le gouvernement s'efforçait d'obtenir une exemption à l'égard de ces programmes.

M. Vallerand, de la Coalition pour la diversité culturelle, s'est dit rassuré par l'engagement du gouvernement à négocier une exemption complète pour les industries culturelles, ce qui devrait d'après lui constituer son objectif premier. Il a néanmoins souligné l'importance d'établir la jurisprudence qui renforcerait la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Selon lui, on pourrait peut-être y arriver en renvoyant à la nécessaire logique qui doit exister entre l'exemption, la Convention de l'UNESCO et l'accord commercial, mais il faudrait soumettre cette proposition à des juristes pour s'assurer qu'elle ne risque pas de nuire aux accords commerciaux bilatéraux en vigueur.

Au sujet de l'ACRC, le ministre et les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont dit que le commerce de marchandises contrefaites avait des répercussions fâcheuses importantes sur l'innovation et les industries culturelles. Ils ont fait valoir que l'ACRC favorisera une meilleure collaboration entre les pays au sujet du respect des droits de propriété intellectuelle et qu'il permettra, par exemple, d'alerter les titulaires de droits et de détruire les marchandises contrefaites. En ce qui concerne la violation du droit d'auteur par le biais d'Internet, ils ont signalé que l'ACRC permettra d'ordonner aux fournisseurs d'accès Internet d'identifier les abonnés qui utilisent le service pour commettre des violations du droit d'auteur et que le projet de loi C‑32 appuierait les obligations du Canada aux termes de l'ACRC.

M. Drapeau, avocat au cabinet d'avocats Smart & Biggar, a dit que la négociation de l'ACRC tient en partie à la volonté d'amener le Canada à mieux lutter contre la contrefaçon. Il a dit que les programmes douaniers canadiens étaient faibles sur ce plan et que les douaniers ne pouvaient ni saisir des marchandises contrefaites, ni les détruire. Il a ajouté que le Canada n'avait pas de système de consignation des droits à la frontière.

Il a dit que le projet de loi C‑32 serait compatible avec l'ACRC, mais comme il ne porte que sur le droit d'auteur, il n'aborde d'aucune manière la question des marques de commerce ni celle des pouvoirs douaniers dans le contexte de la lutte contre la contrefaçon.

CHAPITRE 4 : LES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

Le Comité remercie les témoins pour leur contribution à l'étude.

Le 9 mars 2011, le Comité a adopté les recommandations suivantes :

RECOMMANDATION 1

Le Comité demande au gouvernement du Canada de respecter à la lettre les traités sur la diversité culturelle et de réaffirmer son engagement à respecter pleinement ses obligations envers l'UNESCO lors de la négociation de tout accord commercial actuel ou futur.

RECOMMANDATION 2

Le Comité demande au gouvernement du Canada de veiller à ce que, dans le cadre de tout accord commercial actuel ou futur, le Canada conserve le droit de définir ses politiques en matière de culture et de télécommunications, notamment celui d'établir des programmes et des mesures incitatives visant à appuyer ses industries culturelles.

RECOMMANDATION 3

Le Comité demande au gouvernement du Canada de veiller à ce que les politiques nationales en matière de droit d'auteur ne fassent partie d'aucune négociation commerciale, présente ou future; que l'engagement du Canada à l'égard de la mise en ouvre de l'Accord commercial relatif à la contrefaçon (ACRC) se limite à la lutte contre la contrefaçon et le piratage commercial à l'échelle internationale, et que le gouvernement du Canada conserve le droit de maintenir les politiques nationales en matière de droit d'auteur élaborées dans le cadre des engagements pris envers l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et au titre de la Convention de Berne.

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine nos lois sur les marques de commerce et leur application pour veiller à ce que nous disposions des outils nécessaires pour lutter contre la contrefaçon.

RECOMMENDATION 5

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada mène ses négociations de façon à favoriser une transparence accrue et une plus grande participation du public.



[1]              Procès-verbal, Comité, réunion no 33, 30 novembre 2010.

[2]              Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, « Négociations en vue d'un accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne », 8 février 2011, http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/eu-ue/can-eu.aspx?lang=fra.

[3]                     Gouvernement du Canada, La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, 13 août 2008, http://www.canadainternational.gc.ca/unesco/committee-comite.aspx?lang=fra.

[4]              Ibid.

[5]                     Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, Accord commercial relatif à la contrefaçon, http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/fo/intellect_property.aspx?lang=fra.

[6]              Ibid.

[7]              Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, « Accord commercial relatif à la contrefaçon - Fiche d'information », 1er avril 2010, http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/fo/IP-factsheet-fiche.aspx?lang=fra.

[8]              Ibid.

[9]              Ibid.

[10]           Témoignages, Comité, réunion no 37, 40e législature, 3e session, 31 janvier 2011, 1535.

[11]           Ibid., 1540.

[12]           Ibid.

[13]           Ibid., 1545.

[14]           Une exemption culturelle soustrait la culture du champ des négociations commerciales internationales. Voir Affaires étrangères et Commerce international Canada, « Nouvelles stratégies pour la culture et le commerce - La culture canadienne dans le contexte de la mondialisation », février 1999, http://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/fo/canculture.aspx?lang=fra.

[15]           Témoignages, Comité, réunion no 37, 40e législature, 3e session, 31 janvier 2011, 1605.

[16]           Ibid., 1555.

[17]           Ibid.

[18]           Témoignages, Comité, réunion no 37, 40e législature, 3e session, 31 janvier 2011, 1550.

[19]           Ibid., 1600.

[20]           Témoignages, Comité, réunion no 39, 40e législature, 3e session, 7 février 2011, 1530.

[21]           Ibid.

[22]           Ibid.

[23]           Ibid., 1540.

[24]           Ibid., 1530.

[25]           Ibid.

[26]           Ibid.

[27]           Ibid.

[28]           Ibid.

[29]           Ibid., 1550.

[30]           Ibid., 1530.

[31]           Témoignages, Comité, réunion no 37, 40e législature, 3e session, 31 janvier 2011, 1550.

[32]           Ibid., 1555.

[33]           Ibid.

[34]           Ibid., 1605.

[35]           Ibid., 1615.

[36]           Ibid., 1620.

[37]           Ibid., 1625.

[38]           Ibid., 1630.

[39]           Ibid., 1625.

[40]           Ibid.

[41]           Ibid., 1630.

[42]           Ibid., 1650.

[43]           Ibid., 1640.

[44]           Témoignages, Comité, réunion no 39, 40e législature, 3e session, 7 février 2011, 1605.

[45]           Ibid., 1600.

[46]           Ibid., 1610.

[47]           Ibid.

[48]           Ibid., 1620.

[49]           Ibid., 1625.

[50]           Ibid., 1610.

[51]           Ibid., 1615.

[52]           Ibid., 1620.

[53]           Ibid.

[54]           Ibid., 1635.