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CIIT Rapport du Comité

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MISsion d’Étude en union europÉenne SUR LES AVANTAGES ET DÉFIS D’UN ÉVENTUEL ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL ENTRE LE CANADA ET L’UNION EUROPÉENNE

Introduction

Du 20 au 26 novembre 2010, les membres du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (ci-après le Comité) ont réalisé une mission d’étude en Europe. Cette mission avait deux objectifs principaux : permettre aux membres du Comité de mieux comprendre les avantages et les défis que représentent les négociations en vue d’un accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE) et de souligner les priorités du Canada lors de celles-ci. Afin d’atteindre ces objectifs, le Comité a rencontré des parlementaires européens, des représentants des gouvernements nationaux ainsi que des intervenants européens qui sont impliqués ou qui ont un intérêt dans les négociations.

La décision du Comité de se rendre en Europe s’inscrivait également dans une volonté de renforcer les relations politiques avec l’Europe qui constitue un marché prioritaire dans le cadre de la Stratégie commerciale mondiale du gouvernement du Canada.

Au cours de sa mission d’étude, le Comité a tenu des réunions à Strasbourg afin de rencontrer des députés siégeant au Parlement européen. Ces rencontres ont permis au Comité de se familiariser avec le processus parlementaire européen et le mécanisme de ratification des accords internationaux au niveau européen. Ces discussions ont permis au Comité de mieux comprendre les positions des différents groupes politiques en matière de commerce international et plus particulièrement en ce qui a trait à l’AECG. Plus précisément, le Comité a rencontré la Commission du commerce international du Parlement européen, la Délégation du Parlement européen pour les relations avec le Canada, le Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ainsi que le Groupe des Conservateurs et Réformistes européens.

Le Comité s’est aussi déplacé dans trois pays de l’Union européenne, soit le Royaume-Uni (Londres), l’Italie (Rome) et la Hongrie (Budapest) afin de mieux comprendre les enjeux nationaux des négociations pour l’AECG. Étant donné leur taille, leur position géographique, leur profil industriel et leur influence au sein des institutions européennes, ces trois pays constituaient un échantillon permettant au Comité de juger du soutien des États membres quant à un éventuel accord et des objectifs offensifs et défensifs de ces pays dans le cadre des négociations en cours.

À Londres, le Comité a rencontré le conseiller du Premier ministre en matière de commerce international, le Sous-comité de l’UE de la Chambre des Lords, des membres de la Chambre de commerce Canada-Royaume-Uni et des représentants de l’organisme d’action sociale War on Want. À Rome, le Comité a rencontré des sénateurs du Parlement italien, l’association industrielle Confindustria, un haut fonctionnaire du Ministère du développement et expert en politique commerciale, des représentants du Ministère de l’agriculture ainsi que des représentants de l’Institut italien pour le commerce extérieur. Enfin à Budapest, le Comité a rencontré le Vice-président du Parlement hongrois, des députés du Comité parlementaire des affaires de l’UE, ceux du Comité parlementaire de l’économie et de l’information, des membres du Comité parlementaire des affaires étrangères et du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Hongrie, des experts en matière d’intégration économique et commerciale en Hongrie et à l’échelle régionale, des représentants du Ministère des affaires étrangères ainsi que des gens d’affaires dont des membres de la Chambre de commerce du Canada en Hongrie.

Enfin, le Comité a pu compter sur les séances d’information et le soutien logistique offerts par le Haut Commissariat du Canada au Royaume-Uni, la Mission du Canada auprès de l’UE et les ambassades du Canada en Italie et en Hongrie.

Relations commerciales entre le Canada et l’Union européenne[1]

A. Général

Un des principaux messages que le Comité a entendu lors de sa mission en Europe est que le Canada et l’UE sont l’un pour l’autre des partenaires privilégiés en matière de commerce et d’investissement. En 2009, l’UE était le deuxième plus important partenaire commercial du Canada, tandis que ce dernier constituait le 11e plus important partenaire commercial pour les 27 États membres de l’UE.

Les liens historiques et les relations étroites entre le Canada et l’Europe ont aussi été souvent mentionnés aux membres du Comité qui ont ainsi pu constater qu’un accroissement du commerce entre les deux nations est perçu de façon positive par les interlocuteurs européens rencontrés.

B. Commerce de marchandises

En 2009, le commerce bilatéral du Canada avec les 27 membres actuels de l’UE a totalisé 75,0 milliards de dollars, soit des exportations canadiennes de 29,8 milliards de dollars, et des importations de 45,2 milliards de dollars en provenance de l’UE.

L’UE gagne en importance comme partenaire commercial du Canada. De 2004 à 2009, les exportations vers l’UE ont d’ailleurs progressé au rythme moyen de 5,3 % par année tandis que les exportations du Canada — toutes destinations confondues — ont connu une baisse annuelle de 2,7 % durant la même période.

Les matières premières, marquées par une vigoureuse croissance des exportations d’or et de minerais d’uranium et de fer, constituent une part croissante des exportations du Canada vers l’UE. Les autres principaux produits exportés vers l’UE sont les diamants, les aéronefs et leurs pièces de rechange, les médicaments et le pétrole. Les principales importations du Canada venant de l’UE, quant à elles, comprennent les médicaments, le pétrole brut et les produits pétroliers raffinés, les véhicules motorisés, les aéronefs et leurs pièces de rechange ainsi que le vin.

C. Services et Investissement

En 2008, l’UE représentait le deuxième plus important partenaire commercial pour le Canada dans le secteur des services. Cette année-là, les exportations de services vers l’UE ont totalisé 12,6 milliards de dollars, ce qui correspond à 18 % de toutes les exportations de services du Canada dans le monde entier. Les importations de services en provenance des pays de l’UE ont été évaluées à 15,7 milliards de dollars au cours de la même année, soit 17 % du total des importations canadiennes de services.

En 2009, l’UE était la deuxième plus importante destination pour l’investissement étranger direct (IED) canadien alors que le Canada était la septième plus importante destination pour l’UE. L’IED canadien en UE s’élevait à 148,9 milliards de dollars en 2009, ce qui représentait 25 % du total de l’IED du Canada. La valeur totale de l’investissement direct de l’UE au Canada était légèrement supérieure au cours de la même année, s’établissant à 163,7 milliards de dollars, ce qui correspondait à environ 30 % de l’IED total fait au Canada.

Accord économique et commercial global

A. Général

Tel que mentionné, les membres du Comité ont entendu fréquemment qu’étant donné les valeurs communes et les liens historiques et privilégiés que partagent le Canada et les États membres de l’UE, les négociations pour un AECG entre le Canada et l’UE sont perçues favorablement. Le message transmis au Comité est que le Canada est considéré comme un partenaire commercial stratégique et qu’un accord commercial sera bénéfique pour les deux parties. Le Comité a également appris l’existence d’irritants commerciaux entre le Canada et l’UE et de certains défis et obstacles qui devront être surmontés lors des négociations actuelles. À la lumière des témoignages entendus en Europe et des échanges découlant de ceux-ci, ces obstacles n’apparaissent toutefois pas insurmontables.

La mission du Comité en Europe s’est distinguée par le fait qu’elle a eu lieu alors que les négociations pour l’AECG sont en cours plutôt qu’après la signature de celui-ci. En procédant ainsi, le Comité a pu prendre le pouls des négociations et des principaux enjeux qui font l’objet de discussions et déposer ce rapport avant la conclusion des négociations. Qui plus est, une telle approche proactive a permis aux membres du Comité de faire valoir les intérêts du Canada relativement à certains enjeux qui ne font pas partie des négociations, mais qui pourraient avoir une incidence sur la ratification d’un accord au Parlement européen ou par les parlements des États membres européens. À cet égard, le Comité s’est fait dire que le Canada doit améliorer sa stratégie de communication sur des enjeux politiques comme la chasse aux phoques ou l’imposition de visas aux ressortissants de certains États membres européens. Ces irritants, bien qu’ils ne fassent pas partie du programme de négociations pour un AECG, pourraient influer sur la ratification d’un éventuel accord.

B. Traité de Lisbonne et nouveaux pouvoirs du Parlement européen

Le Comité a appris qu’en vertu de la mise en œuvre du Traité de Lisbonne, le rôle et les pouvoirs du Parlement européen ont été élargis en matière de politique extérieure et d’adoption d’accords commerciaux. Tout d’abord, le Parlement européen doit dorénavant être informé des progrès des négociations visant à conclure un accord commercial tout au long de celles-ci, ce qui lui confère davantage d’influence dans la définition des objectifs de négociations. Deuxièmement, le Parlement européen se voit octroyer un pouvoir de « codécision » (maintenant appelée « Procédure législative ordinaire ») en matière de politique commerciale commune, c’est-à-dire toute législation qui touche le commerce extérieur. Par conséquent, le Parlement européen doit désormais consentir à l’adoption de l’ensemble des accords commerciaux.

L’intégration du Parlement européen au processus d’élaboration et d’adoption des lois sur le commerce signifie également que le processus sera plus long et plus complexe qu’autrefois. Dans le cas où le Conseil de l’UE et le Parlement européen ne s’entendraient pas initialement sur un projet de loi visant à mettre en œuvre un accord de libre-échange, le processus pourrait s’étendre sur une très longue période. À ce sujet, de nombreux participants ont affirmé qu’étant donné la structure du Parlement européen et la diversité de ses députés, la recherche de compromis devient d’autant plus importante lorsque vient le temps d’entériner un projet de loi.

En vertu des pouvoirs accrus du Parlement européen et étant donné les programmes politiques qui diffèrent d’un groupe politique à un autre, certains enjeux qui ne font pas l’objet de négociations dans le cadre de l’AECG pourraient être pris en considération lorsque viendra le temps d’entériner un éventuel projet de loi pour la mise en œuvre d’un accord commercial avec le Canada. L’exemple des normes environnementales a été soulevé lors de rencontres avec des membres du Parlement européen.

C. Rôle et influence des entités sous-centrales dans les négociations

Le commerce international étant une compétence fédérale au Canada, les ententes commerciales internationales sont négociées et entérinées par le gouvernement fédéral. Par contre, comme plusieurs participants l’ont noté au cours du voyage du Comité, l’AECG marque une intégration accrue des provinces et des territoires dans le processus de négociation. Certains interlocuteurs ont reconnu l’importance que les provinces et les territoires soient incluses dans les négociations et qu’elles soient couvertes par un éventuel accord étant donnée que certains enjeux des négociations relèvent, en partie ou en totalité, de ces dernières (p. ex. les marchés publics). À cet égard, un participant a mentionné qu’il reconnaissait la difficulté pour le Canada d’obtenir la coopération de toutes les provinces et les territoires dans les négociations.

L’UE fait face à une dynamique semblable alors que la Commission européenne a comme mandat de représenter les intérêts de 27 pays différents. Tous les représentants des gouvernements nationaux rencontrés lors de la mission ont affirmé être suffisamment consultés par la Commission européenne lors des présentes négociations et que cette dernière a reçu un mandat de négociation approuvé par les 27 États membres. Par contre, les représentants de la société civile européenne se sont toutefois plaints du peu de consultations tenues par la Commission européenne et du fait que leurs opinions ne sont guère considérées dans le cadre des présentes négociations.

Le Comité a appris que la procédure de ratification d’un éventuel AECG avec le Canada dépendra de la portée de l’accord. Dans un cas où un accord inclurait uniquement des domaines dans lesquels l’UE dispose d’une compétence exclusive, la ratification se fera selon la procédure législative ordinaire en vertu de laquelle un projet de loi doit être adopté conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, ce dernier étant constitué de ministres des 27 États membres. Dans le cas d’un accord mixte, c’est-à-dire un accord incluant des domaines dans lesquels les compétences sont partagées entre l’UE et les États membres, en plus de la procédure législative ordinaire au niveau européen, les 27 États membres devront ratifier l’accord individuellement. Les États membres auraient donc une plus grande influence sur l’issue des négociations dans ce deuxième scénario. À cet égard, le Comité a constaté qu’il existe une certaine divergence d’opinion auprès des participants européens quant au processus de ratification des traités internationaux conclus par la Commission européenne au nom de l’UE.

Enjeux des négociations

A. Commerce de marchandises

Puisque les marchandises représentent une partie importante du commerce entre le Canada et l’UE, l’AECG comprend plusieurs mesures visant à augmenter la circulation de biens entre les deux régions, y compris l’élimination des droits de douane. À la lumière des entretiens réalisés dans le cadre de la mission, il semble toutefois que ce soit les barrières non tarifaires au commerce qui constituent la principale entrave au commerce de marchandises entre le Canada et l’UE, devançant ainsi les droits de douane. Plusieurs participants rencontrés ont d’ailleurs mentionné la difficulté pour les firmes de se conformer aux règlementations qui diffèrent d’une région à l’autre.

1. Secteur agricole

Comme c’est le cas dans la plupart des accords commerciaux internationaux, l’agriculture se retrouve au cœur des négociations pour un AECG entre le Canada et l’UE. Au nombre des principaux enjeux qui retiennent l’attention des parlementaires et autres représentants européens, notons l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ainsi que l’application du système d’indicateurs géographiques en Europe (ce dernier sujet sera étudié dans la section portant sur les droits de propriété intellectuelle). Les questions des subventions à l’agriculture, bien que ces dernières ne fassent pas partie des négociations entourant l’AECG, et des modes de commercialisation de certains produits ont également été la source de plusieurs discussions. À cet égard, les discussions ont principalement porté sur la Politique agricole commune de l’UE, ainsi que sur le système de gestion de l’offre du Canada. Les deux parties ont réitéré leur soutien à leur approche respective.

En ce qui a trait à l’utilisation d’OGM, le Comité a pu constater que le Canada et les pays de l’UE diffèrent quant au traitement légal des produits contenant de tels organismes et qu’il n’existe pas de consensus quant à leur utilisation en Europe. Si certains interlocuteurs ont indiqué au Comité qu’ils appuyaient l’utilisation et la commercialisation des OGM, d’autres ont mentionné le danger que ces organismes représentent pour les écosystèmes. Les représentants des gouvernements nationaux rencontrés en Europe ont tous mentionné que la question des OGM était avant tout politique et que l’opinion publique s’oppose clairement à la commercialisation de tels produits pour la consommation humaine. Le Comité s’est fait dire que les OGM doivent être testés scientifiquement et qu’il doit être prouvé qu’ils ne représentent aucun danger pour la consommation humaine avant d’être utilisés.

Il faut préciser que l’UE a récemment ouvert la porte à l’utilisation de quelques OGM (par exemple, les pommes de terre pour la production de fécule utilisée dans la fabrication de papier). Certains participants ont également soulevé les avantages des OGM afin d’assurer la sécurité alimentaire à l’échelle globale ainsi que pour la production énergétique. Par ailleurs, quelques témoins ont démontré une ouverture plus grande envers l’utilisation d’OGM en Europe.

La question du niveau de présence adventice d’OGM (la présence accidentelle on non intentionnelle de tels produits) dans les produits alimentaires destinés à la consommation humaine ou dans les aliments destinés aux animaux, qui est fixé à 0,9% au sein de l’UE, a également fait l’objet de plusieurs discussions. Encore une fois, il n’existe pas de consensus sur cette question, certains jugeant que cette limite était raisonnable; d’autres trouvant qu’elle était trop basse.

Étant donné le caractère controversé des OGM et de certains autres enjeux agricoles, les représentants de la société civile européenne préféreraient voir le secteur agricole retiré des négociations de l’AECG.

2. Secteur non-agricole

Bien que les questions agricoles aient monopolisé certains échanges, les relations commerciales entre le Canada et l’UE dans plusieurs autres secteurs ont été abordées, notamment les secteurs de l’automobile, de l’énergie et de la culture. Le lien entre la culture et la promotion d’une marque de commerce canadienne plus forte a aussi été soulevée.

Dans le secteur automobile, les discussions ont porté sur l’importance du commerce en ce qui concerne les automobiles et pièces d’automobiles entre le Canada et l’UE. Selon les participants rencontrés, l’interdépendance du commerce dans ce secteur et la présence de manufacturiers canadiens en Europe et de constructeurs européens au Canada signalent le désir de maintenir cette relation commerciale privilégiée et de favoriser de nouvelles opportunités d’investissement de part et d’autre.

Le secteur énergétique fut aussi abordé lors des discussions. Le fait que le Canada soit un important producteur de matières premières, de pétrole notamment, n’a pas échappé aux participants européens. Certains parlementaires européens ont partagé le souhait que l’AECG favorise une exploitation responsable de ces matières premières et que les deux parties soient tenus d’assurer un haut niveau de protection environnementale. D’autres parlementaires européens ont ajouté qu’ils font confiance au Canada sur cet aspect en tenant compte de l’évolution des méthodes d’extraction qui sont aujourd’hui plus efficaces et plus respectueuses de l’environnement que dans le passé.

En matière de commerce de biens culturels, la question de l’exemption culturelle dans les accords commerciaux du Canada a été soulevée durant la mission. Le Comité a appris que la question de la culture représente également un enjeu délicat et sensible au sein des pays de l’UE et qu’une sympathie existe quant au désir de protéger les identités culturelles canadienne et européenne. Des représentants rencontrés ont affirmé à ce sujet qu’il est possible de prendre une position offensive ou défensive afin de protéger sa culture et de promouvoir celle-ci à l’étranger. Ainsi, selon ces derniers, les négociations actuelles représentent une occasion de trouver un juste milieu entre les objectifs de chacun en matière de culture.

En Italie, certains interlocuteurs ont mentionné la nécessité de tenir les discussions sur le commerce et l’investissement en considérant les éléments sociaux et culturels de chaque pays. Des participants en Hongrie ont également mentionné que la protection de leur identité culturelle était importante. De plus, il a été mentionné qu’il était important de participer à des échanges culturels entre parlementaires, comme par le biais des associations et les groupes d’amitié parlementaires. Il a été souligné aussi que la culture canadienne sera bien représentée à la biennale de Venise en 2011, où plusieurs artistes canadiens seront présents.

Quoi qu’il en soit, un message qui a été transmis au Comité est que le Canada se doit de promouvoir davantage ses différents produits et services culturels en Europe afin de consolider une marque de commerce lui étant associée. L’exemple de l’Australie et de la promotion de ses produits culturels au Royaume-Uni a été cité comme un exemple à suivre pour le Canada.

B. Commerce des services

Tout comme dans le cas des marchandises, les barrières réglementaires représentent les principales entraves commerciales à la libre circulation des services entre le Canada et l’UE. Par conséquent, c’est sur ce type de barrières que les participants rencontrés jugent qu’un éventuel accord devra se pencher. Le Comité a pris conscience de la grande complexité de l’environnement réglementaire européen et qu’une plus grande harmonisation des normes et règlements entre le Canada et l’UE sera grandement bénéfique au commerce entre ceux-ci.

Dans les accords commerciaux qu’il a conclus précédemment, dont l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le Canada a, pour ses engagements relatifs au secteur des services, fondé sa démarche sur une « liste négative », ce qui veut dire que tous les éléments sont compris sauf ceux qui figurent expressément sur la liste. L’UE n’a jamais adopté cette méthode, s’appuyant plutôt sur une « liste positive », méthode selon laquelle les engagements portent uniquement sur les domaines précisés dans la liste. Au cours de ses réunions, le Comité a appris que l’adoption d’une « liste négative » pourrait représenter un défi à surmonter d’un point de vue européen alors que certains intervenants considèrent qu’une trop grande variété de services seraient ainsi couverts. Cette position contraste avec les propos d’autres intervenants qui militent plutôt pour une plus grande libéralisation dans le secteur des services. Par exemple, le gouvernement du Royaume-Uni milite afin que la Commission européenne soit plus agressive dans ses efforts d’inclure les services financiers et professionnels dans le texte d’un éventuel accord.

C. Investissement

Tout au long de sa mission, le Comité s’est fait dire que l’investissement direct est un aspect important de la relation économique entre le Canada et l’UE et que l’AECG est l’occasion de renforcer cette relation et de s’attaquer aux barrières existantes en matière d’investissement.

Contrairement aux accords commerciaux négociés par le Canada, ceux conclus par l’UE ne comportent pas toujours des dispositions sur la protection des investissements. Plus précisément, il a été mentionné que l’UE n’a jamais, à ce jour, inclus dans ses accords commerciaux un mécanisme permettant de régler les différends entre les investisseurs et les États. Ceci explique pourquoi plusieurs participants rencontrés ont affirmé que l’enjeu d’inclure ou non un tel mécanisme au sein de l’AECG représente un des plus grands défis auxquels feront face les négociateurs canadiens et européens. Bien que la plupart des participants jugent que cette question pourra être réglée de façon convenant tant au Canada qu’à l’UE, les représentants de la société civile rencontrés s’inquiètent de l’inclusion d’un tel mécanisme dans l’AECG, surtout qu’ils jugent néfaste l’expérience avec le chapitre 11 de l’ALENA, qui traite du mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États.

D. Marchés publics

À la lumière des entretiens tenus lors de sa mission, le Comité conclut que l’accès aux marchés publics canadiens est un des principaux intérêts de l’UE dans les négociations actuelles. Plus précisément, la participation et le consentement des provinces et territoires canadiens sont perçus par les participants rencontrés comme des éléments cruciaux des présentes négociations.

À cet égard, la participation des provinces et territoires canadiens dans les négociations pour un AECG est perçue favorablement en Europe puisque ceci signifie que les marchés publics (ou du moins une partie de ceux-ci) de ces ordres gouvernementaux seront ouverts aux compagnies européennes si un accord était conclu.

Les représentants de la société civile européenne ont averti le Comité que l’inclusion des marchés publics des provinces, territoires et municipalités canadiens dans l’accord pourrait accroître significativement le niveau de concurrence auquel font face les compagnies canadiennes et ainsi limiter la flexibilité avec laquelle ces ordres de gouvernements attribuent leurs contrats.

E. Propriété intellectuelle

Contrairement à plusieurs autres accords commerciaux, la protection de la propriété intellectuelle fait l’objet de négociations entre le Canada et l’UE. Bien que la plupart des interlocuteurs européens aient réitéré leur confiance au système judiciaire canadien, certains ont néanmoins fait part de défis qui devront être relevés en matière de protection de la propriété intellectuelle au Canada. Les deux sujets qui sont revenus le plus souvent portaient sur le traitement accordé aux indicateurs géographiques européens pour les produits alimentaires ainsi que sur l’extension de la durée des brevets pharmaceutiques.

1. Indicateurs géographiques

Lors de sa mission en Europe, le Comité a été informé du fonctionnement du système européen d’indication géographique. L’indication géographique précise l’origine régionale d’un produit, laissant entendre que certaines de ses caractéristiques sont attribuables à cette origine. Dès qu’une indication géographique est enregistrée au sein de l’UE, l’appellation est réservée aux produits qui répondent à une liste de critères, incluant la région de fabrication. Le fromage Parmigiano Reggiano, le jambon Prosciutto di Parma et le vin hongrois Tokay sont des exemples de produits bénéficiant de ce type de protection. Tel que mentionné par certains participants en Italie, ces produits alimentaires, tout comme l’agriculture en général, font partie de leur culture et doivent être protégés. Un représentant du gouvernement italien en matière d’agriculture justifie ce désir de protéger les produits bénéficiant d’une indication géographique par le fait que les fermes italiennes sont souvent petites et ne peuvent concurrencer avec les compagnies multinationales.

La recommandation qui a été adressée au Comité est que le Canada, par l’entremise de l’AECG, adopte un système similaire à celui qui prévaut en Europe, soit un système qui assurera la protection des indicateurs géographiques. Dans le même ordre d’idées, un représentant italien a affirmé qu’il souhaite que le Canada adopte des lois prévoyant des pénalités criminelles aussi sévères que celles actuellement en place en Italie pour les compagnies qui contreviendraient aux dispositions de ce système.

Au Canada, les droits exclusifs à l’égard des marques sont protégés par l’enregistrement de marques de commerce. Des participants se sont plaints du fait que des compagnies canadiennes possédaient les droits sur certains noms de produits italiens et que, pour cette raison, les agriculteurs italiens ne peuvent exporter ces produits au Canada sous leur nom traditionnel. Ceci étant dit, les participants rencontrés par le Comité étaient conscients du fait que certains noms de produits sont aujourd’hui trop génériques pour être protégés. Un participant italien a noté que le nom « Mozarella » était connu dans le monde entier et que l’Italie n’avait pas intérêt à vouloir protéger ce nom en particulier, mais plutôt le Mozarella di Bufala Campana, un produit caractérisé par un mode de fabrication particulier. D’autres participants italiens ont d’ailleurs reconnu que les agriculteurs de leur pays n’ont pas la capacité de répondre à la demande mondiale pour tous les produits de type italien.

2. Brevets pharmaceutiques

Le second défi en matière de protection de la propriété intellectuelle soulevé lors de la mission du Comité concerne la durée des brevets pharmaceutiques, qui, selon certains participants, pourrait être prolongée par l’AECG au-delà des dispositions qui prévalent dans l”Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). En effet, certains participants ont soulevé le fait que l’Union européenne souhaite l’adoption de standards plus élevés que ceux inclus dans l’Accord sur les ADPIC.

Selon ces participants, un tel prolongement aurait comme effet de retarder la mise en marché de produits pharmaceutiques génériques moins dispendieux, augmentant ainsi les coûts rattachés aux soins de santé et réduisant l’accès aux médicaments. D’autres participants ont nuancé cette crainte en affirmant qu’il était nécessaire d’atteindre un équilibre entre une protection accrue de la propriété intellectuelle, favorisant l’innovation, et un accès équitable aux produits pharmaceutiques.

F. Mobilité de la main d’œuvre

La mobilité de la main-d’œuvre représente un autre sujet ne faisant généralement pas partie des négociations pour un accord commercial bilatéral typique. À la lumière des témoignages des gens d’affaires canadiens rencontrés au Royaume-Uni et en Hongrie, la reconnaissance mutuelle des qualifications et la réduction des exigences pour le mouvement temporaire des gens d’affaires et des professionnels entre le Canada et l’UE doivent représenter des priorités du Canada dans les négociations actuelles pour un AECG.

Certains participants rencontrés au Royaume-Uni se sont inquiétés du fait que le gouvernement britannique songe à imposer des limites plus strictes quant au nombre de travailleurs et d’immigrants admis en provenance de pays autres que ceux de l’UE[2]. Ceci fait craindre qu’il sera plus difficile pour les compagnies faisant affaires au Royaume-Uni de recruter des travailleurs étrangers. Si le gouvernement du Royaume-Uni devait aller de l’avant avec de telles mesures, un compromis quant au mouvement de travailleurs étrangers à l’intérieur d’une même firme devrait être recherché par l’entremise des négociations actuelles.

Contrairement au Royaume-Uni qui songe restreindre l’immigration de travailleurs étrangers, le Comité a appris que la Hongrie était favorable à inclure des dispositions favorisant la mobilité de la main-d’œuvre dans l’AECG. Des représentants du gouvernement hongrois ont d’ailleurs affirmé que la Hongrie avait un grand besoin de travailleurs qualifiés étrangers pour combler son manque de main-d’œuvre actuel.

Le Comité a aussi entendu lors de sa mission qu’il était difficile d’émigrer au Canada. Plus particulièrement, la difficulté qu’ont les immigrants européens à faire reconnaître leurs qualifications professionnelles ou académiques lorsqu’ils arrivent au Canada a fait l’objet de discussions.

Conclusion

La mission d’information a permis au Comité de recueillir une quantité importante de renseignements quant aux avantages et aux défis que représentent les négociations visant à conclure un AECG entre le Canada et l’UE. Cette mission a fourni une occasion unique d’échanger avec des intervenants européens sur leur perception d’une telle entente. Grâce aux efforts déployés par le personnel diplomatique du Ministère des affaires étrangères et du commerce international, le Comité a pu profiter d’un accès privilégié à divers intervenants européens et ainsi discuter de sujets sur lesquels il est autrement difficile d’obtenir de l’information vérifiable. Enfin, le Comité a pu souligner les priorités du Canada et défendre les intérêts canadiens dans le cadre des négociations actuelles.

À la lumière des entretiens tenus durant cette mission, le Comité peut conclure que le projet d’un AECG jouit d’un appui considérable en Europe, tant de la part des représentants des gouvernements nationaux et des parlementaires que des autres intervenants rencontrés. Les rencontres organisées pour le compte du Comité ont permis de démontrer que les avantages associées à la conclusion de l’AECG sont nombreuses de part et d’autre. Le Comité réalise toutefois que les négociateurs canadiens et européens font également face à de nombreux défis.

Enfin, le Comité a appris qu’en vertu du Traité de Lisbonne, le Parlement européen profite d’une influence et de pouvoirs accrus en matière de politique extérieure et d’adoption d’accords commerciaux. Ces nouveaux pouvoirs des parlementaires européens auront un impact certain quant au texte final d’un éventuel accord et de la décision ou non de ratifier celui-ci. À cet égard, le Comité est d’avis que le gouvernement du Canada et lui-même doivent approfondir leurs relations avec les différents groupes politiques représentés au Parlement européen. Cette mission a représenté un pas dans cette direction.



[1]              Toutes les données de cette section proviennent de Statistique Canada et d’Eurostat.

[2]              De nouvelles mesures visant à limiter l’immigration en provenance de pays hors de l’UE ont été introduites par le gouvernement britannique peu après le voyage du Comité. De l’information plus détaillée est disponible sur le site internet suivant : http://www.ukba.homeoffice.gov.uk/sitecontent/newsfragments/35-t1-t2-annual-limits (disponible en anglais seulement).