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FAAE Rapport du Comité

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DROITS ET DÉMOCRATIE : VERS UN AVENIR MEILLEUR

INTRODUCTION

Au début de 2010, le public a pris connaissance d’un différend interne au Centre international des droits de la personne et du développement durable (Droits et Démocratie), un organisme indépendant qui a été créé par le Parlement pour promouvoir les droits de la personne et l’avancement de la démocratie partout dans le monde. Les allégations de part et d’autre sont graves. Le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (ci-après le Comité) de la Chambre des communes a décidé de tenir des audiences sur les événements en raison du rôle unique que joue Droits et Démocratie et du fait que ce dernier a été créé en vertu d’une loi et rend compte au Parlement par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères.

Au cours des quatre audiences qu’il a tenues sur la question au printemps 2010, le Comité a entendu des affirmations et des explications différentes et souvent contradictoires sur les événements qui se sont déroulés à Droits et Démocratie au cours de l’année écoulée. Une partie avance que le conseil d’administration, qui compte de nouveaux membres et présente de nouvelles convictions idéologiques, a commencé à s’immiscer dans la gestion du Centre et à s’ingérer dans les décisions touchant la programmation et les relations de travail. Les témoins de cette partie ont expliqué au Comité que le conseil d’administration, à maintes reprises, a mis en doute le président de Droits et Démocratie, Rémy Beauregard, sapé son autorité, et abouti à un examen du rendement contenant plusieurs allégations erronées et négatives au sujet du travail de M. Beauregard. En résumé, cette partie estime que certains membres du conseil d’administration, et en particulier le président, ont compromis l’indépendance et l’intégrité de l’organisation.

L’autre partie dépeint des employés et un président dont de nombreuses décisions ont échappé à la surveillance du conseil d’administration, de sorte que le financement et la programmation étaient dépourvus de mécanismes adéquats de contrôle et de reddition de comptes. Les membres actuels du conseil d’administration qui ont comparu devant le Comité disent avoir cherché à ramener sous leur gouverne les orientations politiques de l’organisme, ce qui aurait entraîné de vives réactions de la part des employés qui ont également dissimulé des renseignements. Selon eux, en résumé, les allégations des employés voulant que le conseil ait éreinté M. Beauregard et mis de l’avant un programme idéologique servaient en fait à occulter les problèmes de gestion et de responsabilité de l’organisme.

Un comité qui entend en audience des particuliers qui décrivent la dynamique et les décisions internes d’une organisation fait face à des défis particuliers. La tâche a en outre été compliquée du fait que le Comité n’a pas reçu tous les documents nécessaires pour tirer au clair certains éléments de l’histoire : l’examen du rendement du défunt président Rémy Beauregard, ainsi que certains contrats et rapports finaux d’entreprises externes commandés pendant le mandat de 66 jours du président intérimaire, Jacques Gauthier, qui est spécialiste du droit international et membre du conseil. Chacun de ces derniers éléments sera examiné plus à fond plus loin dans le présent rapport.

En gros, le Comité a dû déterminer si la récente crise à Droits et Démocratie est attribuable principalement aux gestes de certains membres du conseil
d’administration — comme l’ont affirmé des ex‑employés et employés actuels ainsi qu’un ancien membre du conseil d’administration —, ou alors aux actions des cadres supérieurs — comme le prétendent les membres actuels du conseil d’administration. Reste aussi une troisième explication possible, soit que la situation est attribuable à une combinaison de ces deux facteurs. En cherchant à reconstruire le fil des événements à Droits et Démocratie, le Comité s’est laissé guider, lors des audiences et de la rédaction du rapport, par le sens de l’équité et le désir de tirer les faits au clair dans leur contexte.

La première partie du rapport décrit l’historique et le fonctionnement de Droits et Démocratie. La deuxième résume la crise actuelle. La troisième analyse les thèmes principaux que le Comité pense avoir cernés d’après les renseignements qui lui ont été présentés par tous les témoins lors des audiences sur la question. Le rapport conclut sur des recommandations à l’intention du gouvernement du Canada et de Droits et Démocratie. Elles visent la situation actuelle, mais préparent également l’avenir.

PARTIE 1 : LE CONTEXTE

L’historique de droits et démocratie

Droits et Démocratie est un organisme non partisan et indépendant doté d’un mandat international qui a été créé par une loi du Parlement en 1988.

Droits et Démocratie est le produit d’une action parlementaire. Au milieu des années 1980, le Comité mixte spécial sur les relations extérieures du Canada, composé de sénateurs et de députés, a effectué un examen exhaustif de l’orientation future de la politique étrangère du Canada. L’examen a notamment porté sur le rôle que pouvait jouer le Canada pour appuyer l’avancement de la démocratie et les droits de la personne à l’échelle internationale. Dans son rapport de juin 1986, le Comité mixte affirmait « que la défense des droits de la personne dans le monde est un élément fondamental de la politique étrangère du Canada[1] ». Il recommandait aussi que « l’avancement à long terme des droits politiques, civils et culturels » fasse partie de l’aide internationale du Canada au même titre que son appui à l’époque « à l’essor économique et social à long terme de certains pays au moyen de son programme d’aide[2] ». Le Comité mixte avait aussi recommandé « que le gouvernement envisage de créer un institut international des droits de la personne et de l’avancement démocratique qui serait régi par des lignes directrices judicieusement élaborées, en vue d’appuyer les efforts déployés par des organisations non gouvernementales[3] ».

Le gouvernement Mulroney a accepté la recommandation du Comité mixte. Il a ensuite désigné, en janvier 1987, deux rapporteurs spéciaux chargés d’examiner comment le gouvernement pouvait procéder à la création d’une institution dont l’objectif serait l’avancement, le renforcement et la promotion d’institutions démocratiques et des droits de la personne dans les pays en développement. Pendant que les rapporteurs terminaient leur étude, l’idée du nouveau centre a également reçu l’aval du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes dans son rapport de mai 1987 sur l’architecture du Canada en matière d’aide au développement international, intitulé Qui doit en profiter? Le Comité de la Chambre a affirmé que la nouvelle entité devait jouir d’une indépendance suffisante pour mener ses travaux. Plus précisément, le Comité recommandait que le centre « soit un organisme indépendant et autonome qui collaborerait étroitement avec les groupes canadiens de défense des droits de la personne et les organisations non gouvernementales[4] ».

Les rapporteurs spéciaux, soit Gisèle Côté-Harper, professeure de droit, et John C. Courtney, politologue, ont présenté leur rapport final au gouvernement en janvier 1988. Conscients qu’il pouvait être délicat pour un pays de faire auprès d’un autre la promotion du développement démocratique, et souhaitant éviter l’éventuelle perception que le Canada voulait exporter un système particulier ou des valeurs précises, les rapporteurs ont préconisé une approche vaste et inclusive en matière d’avancement démocratique. Ils ont écrit : « La notion de démocratie que nous avons adoptée et qui, selon nous, doit définir et inspirer l’aide canadienne dans ce domaine, est tout simplement la participation des citoyens à la prise des décisions qui influent sur leurs vies » [traduction]. Ils ont également formulé des recommandations à l’intention du gouvernement sur le mandat, la structure et la gestion du centre proposé.

En 1988, le Parlement a adopté un projet de loi portant création du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, mieux connu aujourd’hui sous le nom de Droits et Démocratie. Son mandat était directement lié à la Charte internationale des droits de l’homme[5]. Le Centre a ouvert ses portes en 1990 sous la présidence de l’honorable Ed Broadbent, ancien député et ancien leader du Nouveau Parti démocratique. Les fonds parlementaires servant au fonctionnement de base ont été fixés à 15 millions de dollars pour les cinq premières années (ils sont restés à quelque 5 millions de dollars par année jusqu’en 2005).

Rôle du Comité

Au fil des années, le Comité s’est toujours intéressé aux travaux de Droits et Démocratie. D’une part, les représentants de l’organisation ont présenté leurs avis d’experts sur diverses études entreprises par le Comité et le Sous-comité sur les droits internationaux de la personne. Mais surtout, en conformité avec la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, le ministre des Affaires étrangères doit faire procéder à l’examen des activités de l’organisation tous les cinq ans. Le ministre doit ainsi déposer au Parlement un rapport, qui fait ensuite l’objet d’un examen en comité.

Le 15 décembre 2004, les représentants de Droits et Démocratie ont comparu devant le Comité pour discuter de l’examen quinquennal[6]. À la fin de la réunion, le Comité a accepté les recommandations de l’examen et a adopté une motion unanime au Parlement pour que les fonds affectés à l’organisme soient augmentés. Le financement a donc été augmenté, passant du niveau annuel précédent de 4,8 millions de dollars au montant actuel de crédits de quelque 11 millions de dollars.

Le 29 octobre 2009, les représentants de Droits et Démocratie ont de nouveau comparu devant le Comité pour parler du plus récent examen de l’organisme couvrant la période de 2003 à 2008[7]. Parmi les témoins figuraient le président de l’époque M. Rémy Beauregard, maintenant décédé, M. Payam Akhavan, avocat et professeur à l’Université McGill, qui était alors membre du conseil d’administration, et Mme Marie‑France Cloutier et M. Razmik Panossian, qui étaient alors des cadres supérieurs de l’organisme. Quelles qu’aient été les révélations ultérieures, le Comité n’a pas été informé lors de cette réunion des divisions et des différends internes qui, de toute évidence, déstabilisaient l’organisme.

Fonctionnement actuel de droits et démocratie

Le siège de Droits et Démocratie est à Montréal. En vertu du paragraphe 4(1) de la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, le centre a pour mission « d’amorcer, d’encourager et d’appuyer la coopération entre le Canada et les pays étrangers en ce qui touche la promotion, le développement et le renforcement des institutions et programmes démocratiques ou se rapportant aux droits de la personne qui donnent effet aux droits et libertés consacrés par la Charte internationale des droits de l’homme, ces droits comprenant notamment :

  • le droit à un niveau de vie suffisant;
  • le droit de n’être soumis ni à la torture, ni à un traitement ou une punition cruels, inhumains ou dégradants;
  • le droit à la liberté d’opinion et d’expression;
  • le droit de voter et de se faire élire, dans un système politique pluraliste, lors d’élections honnêtes et périodiques ».

De plus, « L’un des objets principaux du Centre est d’aider à la réduction de l’écart considérable qui existe parfois entre l’adhésion officielle des États aux accords internationaux concernant les droits de la personne et les pratiques des États en ce qui concerne ces droits[8]. »

Dans l’accomplissement de ces activités, le Centre peut appuyer des programmes dans d’autres pays, notamment en stimulant la recherche et l’éducation, l’échange d’information et la collaboration entre les citoyens et les institutions, parrainer des services d’assistance technique, des programmes de formation et des services consultatifs, et l’entretien de centres de données, et appuyer la tenue de colloques et d’ateliers. L’alinéa 5(1)a) de la Loi permet au Centre de fournir les ressources financières demandées, directement aux ONG étrangères.

Droits et Démocratie se concentre sur quatre grandes thématiques, en plus de mener des projets spéciaux, dont le Prix John Humphrey pour la liberté et les initiatives que finance le Fonds d’intervention d’urgence et d’occasions importantes[9].

  • Développement démocratique — favoriser les pratiques, les institutions et une culture démocratiques, notamment par la participation de la société civile et la protection des droits de la personne.
  • Droits économiques et sociaux — aider à réduire l’écart entre les pratiques actuelles des États et leur adhésion officielle aux conventions internationales sur les droits de la personne, notamment par la promotion des droits sociaux, économiques et culturels.
  • Droits des peuples autochtones — contribuer à la reconnaissance et à la mise en œuvre complète des droits des peuples autochtones, notamment en appuyant la participation des femmes autochtones dans ce processus.
  • Droits des femmes — faciliter le leadership des femmes et leur participation à la société civile, notamment par leur plein apport aux processus de construction de la paix et dans les systèmes judiciaires en transition.

Selon le site Web de l’organisme, celui-ci se concentre sur des activités dans quelque 13 pays, dont la République démocratique du Congo, le Soudan, le Zimbabwe, l’Afghanistan, la Birmanie et Haïti.

Sources de financement

Tous les fonds que reçoit Droits et Démocratie proviennent du gouvernement canadien. En date de 2008-2009, 78 % des fonds publics étaient affectés au financement de base. La proportion restante de 22 % provenait de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) en vue de projets spéciaux réalisés en Haïti, en Afghanistan, au Soudan et en Birmanie. Les frais administratifs représentent quelque 10 % des dépenses de l’organisme[10]. Le budget total s’élevait à 11,3 millions de dollars en 2009, dont quelque 7,5 millions ont été consacrés aux projets.

La structure de gestion de Droits et Démocratie

Afin d’éviter toute confusion quant aux structures de gestion et aux rôles et responsabilités de divers acteurs de Droits et Démocratie, il convient d’exposer tout de suite en détail les principales dispositions du statut et des règlements administratifs de l’organisme. Ces renseignements serviront de contexte aux discussions examinées au prochain chapitre.

En adoptant la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique[11] (ci-après la loi), le Parlement a institué un organisme indépendant du gouvernement. L’article 22 dispose que : « Le Centre n’est pas mandataire de Sa Majesté. » En outre, le paragraphe 23(2) porte que :

Le président du conseil, le président du Centre, les autres administrateurs, le personnel et les mandataires du Centre ne font pas partie de l’administration publique fédérale.

La Loi prévoit également la structure de gouvernance du Centre en créant un conseil d’administration et le poste de président de l’organisme.

Le président de l’organisme est nommé par le gouverneur en conseil pour un mandat maximal de cinq ans après consultation du conseil d’administration. Sept présidents se sont succédé à la tête de l’organisme depuis 1990, en comptant ceux qui ont occupé le poste à titre intérimaire. Il s’agit des personnes suivantes :

  • l’honorable Ed Broadbent, 1990-1996;
  • l’honorable Warren Allmand, 1997-2002;
  • Jean-Louis Roy, 2002-2007;
  • Jean-Paul Hubert (par intérim), novembre 2007 – juillet 2008;
  • Rémy Beauregard, 7 juillet 2008 –8 janvier 2010;
  • Jacques Gauthier (par intérim), 22 janvier – 29 mars 2010;
  • Gérard Latulippe, 29 mars 2010 –aujourd’hui.

Les attributions du président de l’organisme sont exposées dans la Loi :

15. (1) Le président du Centre en est le premier dirigeant et, à ce titre, il en assure la direction et contrôle la gestion de son personnel. À cet effet, il dispose des pouvoirs et remplit les fonctions qui lui sont attribués par règlement administratif du Centre ou par résolution du conseil.

La Loi établit aussi un conseil d’administration, composé de treize membres du conseil d’administration, dont le président du conseil et le président du Centre. Le président du conseil est nommé par le gouverneur en conseil pour un mandat maximal de trois ans, après que le ministre ait consulté le conseil d’administration. La Loi prévoit les attributions du président du conseil :

14. (1) Le président du conseil dirige les réunions de celui-ci, dispose des pouvoirs et remplit les fonctions qui lui sont attribués par règlement administratif du Centre ou par résolution du conseil.

Les règlements administratifs du Centre donnent plus de précisions au sujet du rôle du conseil d’administration qui « a la charge de fixer les orientations qui régissent les activités du Centre et approuve le budget annuel du Centre[12] ». Un des dirigeants du Centre, le directeur de l’administration et des ressources, assume les fonctions de secrétaire du conseil.

Les autres membres du conseil d’administration sont nommés par le gouverneur en conseil pour des mandats maximums de trois ans, échelonnés de manière qu’ils n’expirent pas tous au cours de la même année. Les membres du conseil d’administration, y compris le président du conseil, ne peuvent servir plus de deux mandats consécutifs. En ce qui concerne le processus de nominations, le paragraphe 7(2) de la Loi dispose que :

Les nominations au titre d’administrateur sont effectuées à la suite de la consultation, par le ministre, du chef de l’opposition et du chef de chacun des autres partis reconnus à la Chambre des communes.

Le président et le vice-président du conseil, le président du Centre et six autres membres du conseil d’administration doivent être des citoyens canadiens ou des résidents permanents. Trois postes de membres du conseil d’administration sont réservés aux ressortissants de pays en développement.

Les paramètres de base entourant l’admissibilité au conseil sont exposés au paragraphe 13(3) de la Loi :

Le conseil doit être au fait de la politique canadienne étrangère et avoir de l’expérience dans le domaine du développement international et du développement des institutions démocratiques, de la promotion à l’échelle mondiale des droits de la personne et du droit international relatif aux droits individuels et collectifs.

Les membres du conseil d'administration actuels ont été nommés aux dates suivantes :

  • Aurel Braun – président – mars 2009;
  • Elliot Tepper – février 2008;
  • Jean Guilbeault – février 2008;
  • Jacques Gauthier – février 2008;
  • Soyata Maiga – membre international – octobre 2008;
  • Brad Farquhar – avril 2009;
  • Marco Navarro-Genie – avril 2009;
  • David Matas – novembre 2009;
  • Michael Van Pelt – novembre 2009.

Le conseil doit se réunir au moins deux fois par année et aux autres moments jugés nécessaires par le président du conseil. Il est autorisé, en vertu de l’article 18 de la Loi, à « constituer des comités consultatifs, de vérification ou autre selon les modalités qu’il peut prévoir par règlement administratif ».

En outre, comme il a été signalé précédemment, la Loi confie au conseil de vastes pouvoirs de prendre des règlements administratifs pour prévoir :

21. a) la délégation de fonctions du Centre au comité de direction et son mode d’exercice;
b) les modalités de constitution des comités visés à l’article 18 ainsi que le traitement et les indemnités pouvant être versés aux membres de ceux-ci;
c) les pouvoirs et fonctions du président du conseil, du président du Centre, des administrateurs, du personnel et des mandataires du Centre;
d) les conditions d’emploi, l’engagement et la rémunération du personnel et des mandataires du Centre;
e) la conduite de ses travaux;
f) l’acquisition, la détention, l’emploi, l’investissement, la gestion ou l’aliénation de biens;
g) de façon générale, l’exercice des activités du Centre.

La Loi prévoit également la création d’un comité de direction du conseil, composé du président du conseil, du président du Centre et d’au moins trois autres membres du conseil d’administration élus annuellement. Ce comité exécute les fonctions que lui confie le conseil par le biais des règlements administratifs, dont copie a été fournie au Comité quand il en a fait la demande. Le comité de direction doit se réunir au moins quatre fois par année. Selon les règlements administratifs du Centre, le comité de direction n’est pas autorisé à donner au Centre des orientations nouvelles ou à modifier celles que le conseil a déjà fixées, à changer le montant du budget autorisé, ou à édicter, à modifier ou à abroger les règlements du Centre[13].

La Loi autorise aussi le conseil à établir des comités consultatifs et de vérification. Les règlements administratifs précisent le rôle du comité de vérification, composé de trois membres du conseil d’administration :

18. (3) Le Comité des finances et de vérification aide le conseil d’administration à s’acquitter de sa responsabilité de contrôle en examinant les données financières et le budget du Centre ainsi que les systèmes de contrôle interne et les rapports de vérification annuelle du vérificateur général du Canada[14].

Les règlements administratifs donnent plus de détails sur les responsabilités exactes du comité de vérification, dont les principales sont les suivantes :

4.1.1 Il fournit une voie de communication ouverte entre le vérificateur général, la direction et le conseil d’administration.
4.1.3 Il a la responsabilité de recommander la tenue de tout travail de vérification spécial lorsqu’il juge qu’un tel travail est justifié.
4.2.1 Il examine les états financiers du Centre et le rapport du vérificateur général pour s’assurer que les états financiers sont complets et cohérents. Il adopte les états financiers et les propose pour adoption par le conseil d'administration.
4.3.2 Il examine et adopte les projets de budget annuel et les propose pour adoption au conseil d’administration.
4.3.3 Il examine la réponse de la direction aux questions soulevées par le vérificateur général après la vérification annuelle[15].

Enfin, les règlements administratifs prévoient la création d’un comité d’examen du rendement de la haute direction, comité qui n’est pas mentionné dans la Loi. Il est composé de trois membres du conseil d’administration, dont le président du conseil, et son mandat est le suivant :

  • revoir et approuver les objectifs fixés pour le président au début de chaque année financière;
  • consulter le conseil et les membres de la direction au sujet du rendement du président;
  • solliciter de la rétroaction de la part d’autres membres du personnel, lorsque’ approprié;
  • évaluer le rendement du président sur une base annuelle;
  • faire rapport sur les conclusions de l’évaluation au Conseil privé;
  • participer à la sélection des membres de la direction;
  • recevoir, commenter et fournir des conseils quant aux propositions du président en ce qui a trait à des changements structurels qui pourraient être requis à certains moments.[16].

PARTIE II : LA CRISE ACTUELLE — RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

La crise à Droits et Démocratie est devenue publique au début janvier 2010 après le décès du président de l’organisme, Rémy Beauregard, qui a succombé à une crise cardiaque dans la nuit du 7 au 8 janvier.

Dans les jours qui ont suivi le décès de M. Beauregard, les employés du Centre ont sommé des membres clés du conseil d’administration — Aurel Braun, professeur à l’Université de Toronto, Jacques Gauthier et Elliot Tepper, professeur à l’Université Carleton, auteurs d’une évaluation controversée de M. Beauregard — de remettre leur démission. Dans les semaines qui ont suivi, d’autres renseignements sont apparus dans les médias, notamment le fait que le Centre avait versé trois modestes subventions à des ONG du Moyen-Orient. Les affirmations qui ont paru dans les médias ont donné l’impression d’une organisation embourbée dans les tensions internes et les différends. Dès février, certains alléguaient que la réputation internationale du Centre était compromise.

Un des membres du conseil d’administration, Jacques Gauthier, a été nommé président de Droits et Démocratie à titre intérimaire le 22 janvier. Une semaine plus tard, trois directeurs, soit Marie-France Cloutier (directrice de l’administration et des ressources), Razmik Panossian (directeur des politiques, des programmes et de la planification) et Charles Vallerand (directeur des communications), ont fait l’objet d’une suspension administrative. Le 19 février, le Centre annonçait que M. Gauthier avait autorisé une vérification juricomptable afin d’examiner les opérations financières entre 2005 et 2009. Au début mars, 24 heures avant que la nomination du nouveau président Gérard Latulippe soit annoncée, les trois directeurs étaient informés par un huissier qu’ils étaient officiellement congédiés, et en mai 2010, ils ont intenté un recours contre Droits et Démocratie pour congédiement injustifié.

Certains témoins qui ont comparu devant le Comité ont laissé entendre que les tensions qui ont contribué à la crise à Droits et Démocratie s’étaient intensifiées au cours de l’année écoulée. Selon d’autres, les problèmes structurels et les facteurs qui sous‑tendent les différends existent depuis plus longtemps. Toutefois, les avis divergeaient concernant la nature exacte de ces tensions sous-jacentes et les véritables causes de la crise.

D’une part, les membres du conseil d’administration Aurel Braun, Jacques Gauthier, Brad Farquhar et David Matas, avocat qui avait déjà siégé au conseil, ont indiqué lors de leurs témoignages que les problèmes de l’organisme existent depuis longtemps et découlent de problèmes liés aux pratiques internes de gestion et de reddition de comptes. M. Braun, le président du conseil, a déclaré au Comité que : « Droits et Démocratie est un organisme dysfonctionnel. Il est possible qu’un organisme dysfonctionnel le soit devenu au cours de plusieurs décennies[17]. » Le vice-président, Jacques Gauthier, qui a été nommé au conseil en même temps que Payam Akhavan, soit en février 2008, a informé le Comité que :

[…] lorsque je suis arrivé à Droits et Démocratie, c'était une période assez inquiétante. Quelques mois plus tôt, en décembre 2007, un rapport avait été présenté par l'inspecteur général du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI. Ce rapport considérait une multitude de demandes et d'attaques contre Droits et Démocratie suggérant que cette institution était mal gérée, qu'il y avait de gros problèmes de nature financière ou de comptabilité. […]
Tous ceux qui ont été nommés au mois de février 2008 étaient très conscients des inquiétudes qui avaient été affichées dans les journaux pendant des semaines et des semaines. On nous a avertis qu'il fallait faire des changements[18].

Rémy Beauregard a été nommé président de Droits et Démocratie plusieurs mois plus tard, au milieu de 2008. Lorsque le rapport confidentiel de 2007 de MAECI a enfin été rendu public, suite à une demande présentée en 2009 en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, M. Beauregard a signalé que toutes les recommandations avaient été mises en œuvre. Il a ajouté, lors d’une entrevue accordée aux médias, que le rapport « n’avait rien révélé de scandaleux, mais […] il y avait néanmoins un certain nombre de procédures qui devaient être améliorées […] J’estime important que la population canadienne ait accès à l’information concernant un organisme public afin de savoir ce qui se passe[19]. »

Par ailleurs, de nombreux témoins ont affirmé que la crise actuelle a pris naissance essentiellement au moment de la nomination d’Aurel Braun comme président du conseil en mars 2009. Dès le début de son mandat, il s’est montré préoccupé par trois subventions à des ONG du Moyen-Orient que le président du Centre avait autorisées, ainsi que par la participation de l’organisation à certaines conférences[20]. Dans les mois qui ont suivi, MM. Braun et Gauthier et d’autres membres du conseil d’administration (dont M. Farquhar) ont continué de réclamer des renseignements sur cette question et des questions connexes, par exemple le bureau de l’organisme à Genève et les fonds qu’il versait au Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Pour le Comité, il ne fait aucun doute que les points de vue divergents sur le conflit au Moyen-Orient constituent un important facteur à la base du différend entre des membres du conseil, M. Beauregard et l’organisme. Du point de vue de M. Braun et de ses sympathisants, le soutien de certaines organisations obéit à une tendance qui consiste à « délégitimiser et [à] déshumaniser une autre démocratie », comme l’a exprimé M. Braun. Du point de vue du président Beauregard, il est clair que Droits et Démocratie jugeait important de soutenir la cause des droits civils en Israël, à Gaza et en Cisjordanie même si cela revenait à appuyer d’importantes organisations de l’État d’Israël. On ne saurait comprendre la profondeur des sentiments sous-jacents au conflit entre membres du conseil d’administration et entre le conseil et de hauts dirigeants de Droits et Démocratie si on ne saisit pas les profondes divergences d’opinion sur cet important sujet.

Alors que les médias se concentraient sur les tensions entre le conseil et le président, Payam Akhavan a déclaré au Comité que les problèmes ont commencé au sein du conseil lui-même, quand une minorité dirigée par MM. Braun et Gauthier a lancé « une offensive de prise de contrôle hostile[21] ». M. Akhavan a déclaré au Comité que : « Le 8 novembre, j'ai écrit à M. Gauthier pour lui demander s'ils avaient l'intention d'obtenir, et je cite, ‘‘une majorité décisive au conseil d'administration qui aura pour effet de museler une fois pour toutes les membres dissidents et qui préparera probablement aussi la voie au congédiement du président et de ses cadres supérieurs[22]”. »

Au début de janvier 2010, de nouveaux membres du conseil d’administration avaient été nommés au conseil qui ont eu une influence sur les votes. Pour la première fois depuis des mois, et dans un contexte d’escalade des dissensions internes, une réunion du conseil a été prévue pour le 7 janvier. Quand il est devenu clair au cours de la réunion que le litigieux examen du rendement de M. Beauregard, qui avait été préparé par un comité du conseil, ne serait pas modifié, et après un vote où l’on a refusé de reconduire la nomination du membre du conseil d’administration bolivien Guido Riveros Franck, ex-député de la Bolivie, tant Payam Akhavan que Sima Samar, membre du conseil d'administration afghane et présidente de la Commission afghane indépendante des droits de la personne, ont démissionné du conseil. Offrant un compte rendu un peu différent, MM. Braun et Farquhar ont déclaré au Comité que la réunion avait en fait été moins acrimonieuse que la précédente, tenue en juin. Ils ont ajouté que M. Beauregard s’était joint à eux pour répudier les subventions controversées[23]. Par contre, Payam Akhavan a déclaré au Comité que : « Ce jour-là, M. Beauregard était visiblement profondément bouleversé, sachant qu’il serait probablement forcé de démissionner et que sa réputation serait ternie[24]. »

Malgré les témoignages contradictoires, plusieurs grands thèmes sont clairs. Le présent rapport ne porte pas sur toutes les questions soulevées par les témoins au cours des réunions. Cependant, il tente de cerner ce que le Comité estime être les principales questions soulevées au cours de ses audiences sur la situation à Droits et Démocratie, et procède à leur examen dans la prochaine partie.

PARTIE III : PRINCIPAUX POINTS ABORDÉS AU COURS DES RÉUNIONS DU COMITÉ

Reddition de comptes et transparence

Au dire de plusieurs témoins, les lacunes en matière de reddition de comptes constituent l’un des principaux problèmes de Droits et Démocratie. Au cours des audiences, le Comité a entendu des points de vue différents sur la nature exacte de ces problèmes.

Des témoins, dont Payam Akhavan, ancien membre du conseil d’administration, ont indiqué que la reddition de comptes et la transparence posaient effectivement problème au Centre, en raison peut-être des activités du conseil d’administration et du président par intérim, Jacques Gauthier. Au cours de son bref mandat, M. Gauthier a autorisé la passation de plusieurs contrats avec diverses entreprises, dont deux cabinets d’avocats, une entreprise de communications, un cabinet d’experts-comptables et une agence d’enquête privée[25]. Des membres du Comité ont remis en question le bien-fondé de ces contrats, le processus d’appel d’offres utilisé pour l’adjudication des contrats aux entreprises en question, les résultats des travaux réalisés par les entreprises et le coût des travaux. Dans son témoignage, M. Gauthier n’a pas donné beaucoup de précisions au sujet de ces contrats. Comparaissant devant le Comité, M. Latulippe, nouveau président, a fourni une approximation du coût des principaux contrats qui ont été accordés au cours du mandat du président par intérim. Il a par la suite précisé quels étaient ces contrats et ces montants dans une lettre adressée au Comité le 27 mai 2010 :

  • 37 392,80 $ à Ogilvy Renault (cabinet d’avocats) jusqu’au 31 mars 2010;
  • 230 743,55 $ à Borden Ladner Gervais (cabinet d’avocats) jusqu’au 31 mars 2010;
  • 6 781,61 $ à Woods s.r.l. (cabinet d’avocats) jusqu’au 31 mars 2010;
  • 14 463,76 $ à Prima Communications jusqu’au 5 avril 2010;
  • 91 983,72 $ à SIRCO (agence d’enquête privée) jusqu’au 31 mars 2010;
  • 120 658,55 $ à Deloitte et Touche (cabinet d’experts-comptables) jusqu’au 1er avril 2010[26].

Dans la lettre qu’il a adressée au Comité, M. Latulippe a indiqué qu’il n’avait pas de copies des contrats passés à Ogilvy Renault et à Woods s.r.l. Il a ajouté que l’enquête de SIRCO n’avait pas été achevée et que, comme le rapport de SIRCO devait être utilisé dans la poursuite judiciaire, il serait « grandement préjudiciable » au Centre si le mandat de SIRCO était communiqué au Comité avant la conclusion du différend. Le produit final de Deloitte et Touche, le rapport de vérification juricomptable, « sera terminé un peu plus tard au mois de juin, après quoi il sera remis au Comité[27] ».

Comme il l’est décrit précédemment, Droits et Démocratie est assujetti à sa loi constitutive et aux règlements administratifs qu’il a établis. Adoptés en juin 2008, ces règlements ont été modifiés par le conseil d’administration lors de la réunion qu’il a tenue le 26 mars 2010[28]. En ce qui concerne les contrats susmentionnés, un changement digne de mention y a été apporté. Dans la version de 2008 des règlements, il est indiqué que toute activité non répétitive de plus de 10 000 $ doit faire l’objet d’un appel d’offres et d’au moins trois soumissions. On y indique aussi « l’obligation de justifier le choix en tenant compte du prix, des services offerts et de leur qualité ».

Les règlements adoptés en mars 2010 comprennent toutefois une nouvelle disposition : « Le présent article sur les appels d’offres ne s’applique pas à la nomination ou à l’engagement d’employés, de mandataires, d’experts et de conseillers par le président ou la présidente du Centre, conformément à l’article 26[29] ». Autrement dit, le président n’aura plus à lancer un appel d’offres pour passer un contrat d’une valeur de plus de 10 000 $ avec une personne ou une entreprise.

On ne sait pas vraiment pourquoi cette modification a été adoptée le 26 mars dernier et si les contrats susmentionnés ont été accordés avec l’approbation du conseil d’administration. On ne sait pas vraiment non plus si le conseil d’administration avait l’intention d’appliquer la nouvelle disposition de façon rétroactive aux contrats accordés entre le 22 janvier et le 26 mars, date de l’adoption du nouveau règlement. Si ce n’est pas le cas, tout contrat passé au cours de cette période serait assujetti à l’ancien règlement qui oblige le président à lancer un appel d’offres pour les contrats d’une valeur supérieure à 10 000 $. M. Gauthier a cependant confirmé au Comité que les contrats n’ont pas été adjugés à d’autres entreprises[30]. Payam Akhavan a pour sa part mentionné au Comité que le conseil d’administration avait modifié le règlement « pour justifier rétroactivement l'octroi de ces contrats lucratifs sans appel d'offres[31] ».

M. Akhavan a également dit au Comité qu’un cas concernant un membre du conseil d’administration posait problème. Un contrat à court terme a été accordé à Marco Navarro-Genie, membre du conseil d’administration et professeur adjoint au Collège universitaire St. Mary, pour réaliser des travaux pour le Centre au nom du président par intérim[32]. Gérard Latulippe, président en titre, a pour sa part affirmé : « premièrement [...] il n'y avait pas de contrat avec M. Navarro-Genie. Deuxièmement, je me suis rendu compte que, dans ces conseils d'administration, il était normal qu'un membre soit engagé à titre de conseiller d'un autre membre. […] Il a été engagé et payé au tarif applicable pour les membres du conseil d’administration, soit 325 $ par jour, et il a reçu 2 925 $[33]. » Interrogé plus à fond sur la nature des travaux exécutés par M. Navarro-Genie pour le Centre, M. Latulippe a mentionné dans sa lettre de suivi du 27 mai 2010 au Comité qu’il n’avait pas les détails de l’affectation[34].

Par opposition aux problèmes exposés précédemment, Aurel Braun, président actuel du conseil d’administration, et d’autres membres du conseil d’administration ont jeté un éclairage différent sur les problèmes de reddition de comptes de l’organisme. M. Braun a laissé entendre que le désir qu’a le conseil d’administration d’améliorer la reddition de comptes est en grande partie à l’origine des tensions qui règnent entre le conseil et les membres du personnel. Il a dit au Comité : « […] cet organisme a dépensé environ 3,5 millions de dollars sous forme de subventions. Nous ne savons aucunement où est passé tout cet argent. Nous savons, par contre, qu'une part beaucoup trop importante de cette somme a été accordée à des organismes qui font semblant d'être voués à la défense des droits de la personne mais qui ne sont en réalité que des organismes de façade [pour des organisations terroristes][35]. » Dans le même ordre d’idées, Jacques Gauthier a dit au Comité que les tensions entre le conseil d’administration et le personnel résultaient des efforts déployés par le conseil pour faire appliquer les principes de reddition de comptes à l’égard des décisions relatives aux programmes et au financement : « les difficultés [...] ont commencé lorsque des membres du comité des finances — c'est-à-dire, moi-même et le président du conseil [...] ont commencé à poser des questions. » M. Gauthier faisait allusion aux questions concernant, par exemple, l’indemnité de départ versée à un ancien employé et l’objet et les résultats de l’octroi de fonds discrétionnaires au Haut Commissariat aux droits de l’homme à Genève. Il a également soutenu qu’il avait été difficile pour les membres du conseil d’administration de vérifier les coûts exacts de l’ancienne organisation Droits et Démocratie à Genève, qui était « complètement contrôlée par des membres salariés » plutôt que par le conseil d’administration[36].

Brad Farquhar, membre du conseil d’administration, a fait savoir au Comité que force lui a été de constater que la culture organisationnelle à Droits et Démocratie « n'est pas prédisposée à la transparence et à la responsabilisation, même vis-à-vis des membres du conseil d’administration ». Il a été « témoin de situations où des membres du conseil d’administration, soucieux de leurs responsabilités, posaient des questions au sujet de projets et de résultats, auxquelles leurs interlocuteurs avaient systématiquement pour habitude de répondre sans vraiment répondre, de s'esquiver et de se faufiler, de prendre un ton dédaigneux ou méprisant et de recourir à des tactiques dilatoires[37]. » M. Gauthier attribuait la « dysfonction » du Centre aux mêmes problèmes qui, espère-t-il, seront pleinement circonscrits grâce aux travaux d’un cabinet d’experts-comptables, Deloitte et Touche, dont les services ont été retenus pendant sa présidence intérimaire[38].

Ce tableau des problèmes liés à la responsabilité ne fait pas l’unanimité parmi les membres du personnel, actuels et anciens; il n’est pas accepté non plus par Payam Akhavan, qui a signalé que le tout dernier examen quinquennal de Droits et Démocratie effectué par le ministère des Affaires étrangères et la vérification financière par le Bureau de la vérificatrice générale et contenue dans l’examen étaient tous deux positifs[39]. M. Longangué, conseiller principal au Centre et président du Syndicat des employés de Droits et Démocratie, et M. Akhavan ont fait mention de cet examen (2003-2008); M. Akhavan s’y est reporté pour mentionner qu’il englobait une évaluation positive du Centre et qu’il confirmait « l'efficacité et la pertinence des activités (de l'organisme) sur le terrain ». M. Akhavan a déclaré : « Le rapport du 9 juin 2009 de la vérificatrice générale était également positif[40]. »

Voici certaines observations formulées dans l’examen et mentionnées par des témoins :

  • « La programmation de Droits et Démocratie a évolué et sa qualité s'est améliorée au cours de la période 2003-2008, tout en demeurant alignée sur la mission principale de l'organisme telle qu'elle est énoncée dans la loi existante. »
  • « Sans s'éloigner d'une démarche non partisane, la programmation de Droits et Démocratie a contribué positivement au rôle du Canada dans le domaine des droits de la personne et du développement démocratique sur la scène internationale. »
  • « La programmation de Droits et Démocratie est gérée conformément aux principes de responsabilisation et aux pratiques de gestion exemplaires pour le secteur. Droits et Démocratie est axée de plus en plus sur les principes de la gestion par résultats. »
  • « Malgré des budgets accrus au cours des cinq dernières années, le pourcentage des frais administratifs par rapport au budget de programme a peu varié et est demeuré dans les normes pour ce genre d'organisation. Le mécanisme financier actuel permet un bon suivi financier des budgets de programme et, de manière plus générale, des secteurs thématiques, mais pas des activités et des projets à l'intérieur de ceux-ci[41]. »

Ces témoins se demandaient comment le Centre pouvait passer pour une organisation sans compte à rendre étant donné les résultats des examens externes. À ce propos, ils n’étaient pas d’accord avec les membres du conseil d’administration qui jugeaient que des normes de responsabilité faisaient défaut au Centre. Le controversé bureau de Genève, selon le personnel, a également fait l’objet d’une évaluation externe positive[42].

Marie-France Cloutier, ancienne employée qui a travaillé à Droits et Démocratie depuis sa création il y a près de vingt ans, a indiqué que « toutes les transactions financières ont été faites en respectant les normes établies, de manière tout à fait légale et selon un processus ouvert et transparent[43] ». D’anciens membres du personnel ont aussi indiqué que l’information demandée par le conseil était fournie avec promptitude et transparence. M. Panossian est même allé jusqu’à décrire un climat de paranoïa qui caractérisait les échanges du personnel avec les membres du conseil d’administration, ces derniers semblant « convaincus, a priori que nous [le personnel] cachions quelque chose[44] ». Mme Cloutier a ajouté que parce qu’il fallait, entre autres, fournir davantage d’information au conseil, « un dépassement de 140 % du budget alloué au fonctionnement du conseil d'administration est prévu[45] ».

Désireux de faire avancer le Centre, M. Latulippe a insisté sur la transparence et la communication nécessaires de la part des employés comme des membres du conseil d’administration.

Dans l’ensemble, le Comité est troublé par les dépenses engagées entre le 29 janvier et le 5 avril 2010 dans la gestion de la crise. Au 5 avril, il n’avait pas encore reçu le détail des dépenses.

Gouvernance

Un autre thème qui a surgi des réunions du Comité est la gouvernance de Droits et Démocratie. Des témoins ont fait état des tensions au sein du conseil même, entre le conseil et le président sortant de même qu’entre le conseil et le personnel. Il sera question de chacune de ces dynamiques dans les lignes qui suivent.

Le premier problème dont il a été question a trait au contrôle du Centre, tant à l’échelon supérieur qu’au niveau opérationnel. Les membres du conseil d’administration actuels qui ont comparu devant le Comité ont indiqué qu’ils sont responsables de l’orientation stratégique générale du Centre, laquelle est ensuite mise en œuvre par le président et par le personnel sous l’égide du président[46]. Autrement dit, le personnel doit suivre l’orientation fixée par le conseil et accepter que les activités du Centre fassent l’objet d’une surveillance de la part du conseil.

Ces témoins ont fait mention de mesures allant dans le sens contraire, par exemple le conseil ignorait, jusqu’au dernier moment avant de comparaître devant le Comité, que le personnel avait signé deux mois auparavant la convention collective qu’il attendait depuis longtemps. Brad Farquhar a dit au Comité : « […] la convention collective conclue avec un syndicat constitue l'un des plus importants contrats pour un organisme, quel qu'il soit, et je trouve donc incompréhensible qu'une convention collective ait pu être définie dans son intégralité sans que le conseil d'administration en soit informé ou donne son consentement, et qu'on ait même cherché à l'empêcher d'en prendre connaissance pendant plus de deux mois[47]. » Le président du conseil Aurel Braun est même allé jusqu’à dire : « […] la convention collective signée à la hâte en janvier 2010 avait pour objet d'utiliser les deniers publics pour payer le personnel syndiqué en échange de l'appui du syndicat pour la campagne menée par les cadres supérieurs en vue d'obscurcir les longs antécédents de ces derniers en matière de dogmatisme et de rejet de la responsabilité[48]. » D’autres témoins ont catégoriquement nié cette affirmation[49]. De l’avis du Comité, il serait normal qu’un conseil d’administration ne soit pas informé de la négociation collective, du point de vue de la gouvernance de l’organisme, mais il serait également normal que le conseil soit informé en temps voulu de la conclusion d’une entente.

Des membres du conseil d’administration ont également rappelé au Comité la lettre rédigée par la majorité des membres du personnel à l’intention du conseil d’administration après le décès de M. Beauregard, dont copie a été envoyée au premier ministre et au ministre des Affaires étrangères et dans laquelle on exige la démission de trois membres du conseil d’administration, soit Aurel Braun, Jacques Gauthier et Elliot Tepper. M. Farquhar a expliqué que les relations avec le personnel étaient pour lui une source de frustration :

Ce que j'ai constaté à Droits et Démocratie, c'est que le personnel semble convaincu que la quasi-autonomie de cette organisation par rapport au gouvernement au pouvoir signifie nécessairement qu'elle doit pouvoir échapper à la surveillance de son propre conseil d'administration. Quand le personnel, face aux questions posées par les administrateurs, réagit en fournissant des réponses qui n'en sont pas, en érigeant des obstacles matériels et divulguant lui-même des informations confidentielles aux médias, cela éveille tout de suite des craintes chez les administrateurs, qui sont alors incités à poser encore plus de questions pour aller au fond des choses. Lorsqu'on prend cela pour du harcèlement, de l'ingérence de la part d'un gouvernement ou une vendetta partisane, il est évident qu'on assiste alors à une tentative éhontée pour politiser quelque chose qui ne mérite pas un tel qualificatif[50].

M. Matas était d’avis que de nombreux points litigieux abordés au cours des audiences du Comité témoignent d’un différend encore plus grand pour déterminer qui, du conseil ou du personnel, est à la barre du Centre. Les témoins ont indiqué qu’ils s’employaient à réaffirmer ce contrôle et à faire en sorte que le personnel respecte le rôle de surveillance du conseil[51].

Le récent congédiement de cadres supérieurs et de représentants syndicaux de Droits et Démocratie laisse supposer que le problème est dû à l’ingérence du conseil dans la direction de l’organisation. En d’autres mots, au lieu de fournir une orientation stratégique de haut niveau, les membres du conseil d’administration se sont engagés dans les activités quotidiennes du Centre, n’hésitant pas à interroger le personnel sur ses activités et décisions[52]. À ce propos, Ed Broadbent, ancien président du Centre, a dit au Comité que les employés rendent compte au président du Centre, en tant que « PDG », et en cette qualité, « [n]i le président du conseil ni tout autre membre du conseil d’administration, n'a le droit de s'arroger en tout ou en partie les pouvoirs du président du centre en ce qui a trait à la gestion du personnel[53]. » De façon analogue, l’honorable Warren Allmand, ancien président, a dit : « Ce n'est pas le rôle du conseil de faire la microgestion du centre[54]. »

Les employés congédiés s’expliquent mal que le président du conseil d’administration se soit ingénié à envenimer les relations entre le conseil et le personnel alors que son rôle aurait dû, d’après eux, l’amener à favoriser la médiation et la conciliation. Au sujet de l’attitude agressive et critique de certains membres du conseil d’administration envers le personnel et le président, Charles Vallerand a déclaré :

Je pense que le premier mandat du président de conseil est d'essayer de concilier les différents points de vue, de trouver des terrains d'entente et, dans un organisme comme le nôtre, de trouver des consensus. Ce n'est pas de sonner la charge, d'arriver, à la première réunion, d'attaquer et d'enfoncer le clou jusqu'à ce que ça fasse mal[55].

Selon M. Longangué, il semble que les communications internes et les mécanismes de résolution de conflits se sont détériorés considérablement si ce n’est complètement durant le mandat de M. Gauthier à titre de président intérimaire. M. Longangué a dit au Comité : « Pendant tout le mandat de M. Gauthier, il n'y a eu aucune communication entre le conseil, le président par intérim et le personnel, aucune[56]. » De plus, comme l’a expliqué Micheline Lévesque, agente de programme du Centre et vice-présidente du Syndicat des employés, au cours de cette même période, le personnel craignait les « représailles » s’il exposait publiquement la situation[57]. Il règne à Droits et Démocratie « un climat de chasse aux sorcières », a-t-elle dit.

En réponse aux arguments formulés par des membres du conseil d’administration selon lesquels le personnel ne respectait pas le rôle du conseil, Razmik Panossian, ancien employé, soutenait que la lettre du personnel exigeant la démission de certains membres du conseil d’administration « n'était pas une rébellion contre l'autorité du conseil ni un refus du droit du gouvernement de nommer les membres du conseil d’administration. Tous, à Droits et Démocratie, savent qu'il s'agit d'une institution publique qui rend des comptes au Parlement et aux Canadiens par l'entremise du conseil d'administration. Nous n'avons jamais nié ce principe[58]. » Par contre, « nous avons perdu confiance envers la capacité et la bonne foi de trois hommes qui contrevenaient à l'article 24 de notre loi constitutive [...][59]. » L’article 24 de la Loi dispose que les membres du conseil d’administration et les dirigeants du Centre doivent, dans l’exercice des pouvoirs et fonctions :

  1. agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts du Centre;
  2. agir avec le soin, la diligence et la compétence d’une personne prudente et avisée;
  3. observer la présente loi et les règlements administratifs du Centre.

M. Akhavan abondait dans ce sens. Il a dit au Comité que pendant son mandat au conseil, les membres du personnel n’ont jamais dit aux membres du conseil d’administration « comment administrer l'organisme ». Le problème n’a pas commencé, selon lui, entre le conseil et le personnel, mais par des désaccords et des tensions au sein du conseil même. « [U]ne minorité des membres du conseil d’administration tentait de dominer et d'éliminer la majorité. C'était ça le vrai problème, et le problème s'est ensuite étendu à nos relations avec les membres du personnel[60]. » Le Comité n’a jamais su pourquoi le mandat de l’ex-membre du conseil d’administration Guido Riveros Franck n’avait pas été renouvelé. Il ne sait pas vraiment non plus pourquoi Donica Pottie, représentante du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et représentante du gouvernement au conseil a « soudainement démissionné sept mois seulement après le début de son mandat de trois ans[61] », comme l’a expliqué M. Akhavan. Fait incontesté, M. Akhavan et Mme Sima Samar, ont tous deux démissionné. Selon M. Akhavan, lui et Mme Samar, qui n’a pas comparu devant le Comité, ont « décidé de démissionner en guise de protestation[62] ».

La plupart des témoins ont parlé des rôles et des responsabilités du président et du conseil d’administration. De toute évidence, on ne s’entendait pas, même à l’intérieur du conseil, sur l’étendue des attributions du président. Les divergences d’opinions portaient, entre autres, sur le pouvoir du président d’approuver des programmes au titre du Fonds d’intervention d’urgence, sur l’approbation des décisions relatives aux programmes par le conseil, sur le droit affirmé du président d’opposer un veto à certaines décisions concernant le financement, sur le niveau de financement à partir duquel le conseil devrait superviser les décisions, sur les rôles du conseil et du président dans l’approbation des rapports annuels du Centre et sur le processus utilisé pour l’étude du plan stratégique quinquennal par le conseil.

Plusieurs témoins ont signalé que l’évaluation de rendement du président Rémy Beauregard, maintenant décédé, avait posé problème. Cette question a donné lieu à un débat sur la manière dont cette évaluation avait été réalisée. Comme il est indiqué précédemment, un comité du conseil est chargé d’évaluer le rendement du président du Centre. Trois membres composaient ce comité : MM. Braun, Tepper et Gauthier. D’après les témoignages, le comité a rencontré M. Beauregard pour discuter de son évaluation en mars 2009. Aucune critique n’aurait alors été formulée, et tous les membres du conseil d’administration se sont dits satisfaits du travail de M. Beauregard lorsque la question a été abordée par la suite au conseil même. Selon Payam Akhavan, « [l]a majorité des membres du conseil d’administration étaient hautement satisfaits du rendement de M. Beauregard, mais le président du conseil d’administration a donné l'ordre au secrétaire de ne pas mentionner ce fait dans le procès-verbal[63] ».

Par la suite, en mai 2009, le président du conseil a fait parvenir au Bureau du Conseil privé (BCP) ce qui semble une évaluation fort négative. M. Beauregard n’a pas reçu de copie du rapport d’évaluation ni n’a pu discuter du rapport avec le comité d’examen du rendement avant que le rapport soit communiqué au BCP. Marie‑France Cloutier, qui était secrétaire du conseil d’administration en tant que directrice de l’administration et des ressources, a dit au Comité : « Cela fait 20 ans que je suis à l'emploi de Droits et Démocratie, et tous les présidents ont été évalués par le conseil d'administration et ont toujours vu leurs évaluations du rendement. Il s'agit d'une pratique normale quand il est question de gestion des ressources humaines[64]. » Les anciens présidents Ed Broadbent et Warren Allmand ont confirmé qu’ils avaient pris connaissance de leurs évaluations de rendement pendant qu’ils étaient en fonction[65]. Mme Cloutier a fait savoir que les règlements administratifs du Centre exigent la communication de l’évaluation du rendement du président au BCP, mais rien n’indique selon elle « que cela doit se faire sans le montrer au principal intéressé[66]. »

M. Beauregard a obtenu une copie de son évaluation après avoir présenté une demande d’accès à l’information. Interrogé par des membres du Comité qui voulaient savoir pourquoi M. Beauregard avait dû procéder de cette façon, David Matas a dit au Comité que le conseil d’administration n’était pas habilité à retirer l’évaluation du rendement après l’avoir soumise au BCP, conformément aux règlements administratifs du Centre[67]. Devant le Comité, MM. Braun et Gauthier se sont montrés peu loquaces à ce propos. Lorsqu’ils se sont présentés devant le Comité avec d’autres membres du conseil d’administration, c’est M. Matas qui s’est chargé d’expliquer au Comité le processus d’évaluation du rendement de la direction, amorcé en mars 2009, même si ce n’est qu’en novembre de la même année qu’il a été nommé au conseil.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles M. Beauregard n’avait pas pu prendre connaissance de son évaluation avant qu’elle ne soit communiquée au BCP, M. Braun a dit au Comité : « M. Beauregard a eu à maintes reprises l'occasion de rencontrer le comité au préalable, mais a refusé de le faire, et aussi de le rencontrer après coup, mais encore une fois, il a refusé[68]. » Suzanne Trépanier, veuve de l’ancien président, a contesté ce témoignage. Elle a indiqué au Comité le nombre de fois où chacun des intéressés a signifié sa disponibilité au secrétaire du comité d’examen du rendement, du 20 juillet au 10 octobre 2009 : « Rémy 44, Aurel Braun 17, Jacques Gauthier 12, Jean Guilbeault 50, Donica Pottie 9,5 et Elliott Tepper 0,5. Vous conviendrez qu'il est faux de dire que Rémy a tout fait pour éviter cette rencontre[69]. » Marie-France Cloutier a également dit au Comité : « personnellement, j'ai essayé de convoquer le comité d'évaluation à la demande du conseil à partir du mois d'août jusqu'au mois d'octobre et aucune des dates que nous avons suggérées ne convenaient à M. Braun ou M. Gauthier[70]. »

Plusieurs témoins ont critiqué la dernière version de l’évaluation du rendement, présentée au Bureau du Conseil privé. Selon M. Akhavan, l’évaluation en question était « remplie d'accusations sans fondement, de demi-vérités et de distorsion qui jetait le discrédit sur son leadership, pourtant positif[71] ». Il s’agissait selon lui de « diffamation ». Mme Trépanier avait une impression semblable au sujet de l’évaluation[72].

Dans l’évaluation, il aurait été question de trois subventions accordées à des organismes non gouvernementaux établis au Moyen-Orient; il en sera question plus loin dans le rapport. Selon M. Matas, la question de ces subventions occupait « une demi-page, alors qu'il s'agissait d'un document de 16 pages[73] ». La participation de M. Beauregard à une conférence au Caire y aurait aussi été mentionnée. D’après certains témoins, des membres du conseil d’administration ont accusé M. Beauregard d’avoir rencontré des représentants du Hamas et du Hezbollah au cours de cette conférence. Au sujet des questions de responsabilité générale du Centre, M. Braun a dit au Comité : « Des milliers de dollars ont été versés pour l'organisation d'une conférence au Caire à laquelle étaient invités les représentants du Hezbollah, qui est considéré comme un organisme terroriste en vertu des lois du Canada et d'autres démocraties[74]. » À propos de cette allégation, Mme Trépanier a dit ceci : « Qualifier le discours de Rémy, prononcé devant plus de 150 personnes dont des délégations gouvernementales, comme étant une réunion avec des terroristes est absurde[75]. » M. Akhavan a expliqué comment M. Gauthier avait remis en question la légalité de ces réunions, invoquant, à la réunion du conseil d’administration tenue en juin, l’article 83.18 du Code criminel du Canada, qui « prévoit que quiconque contribue, directement ou non, à une activité d'un groupe terroriste est coupable d'un acte criminel passible d'un emprisonnement de 10 ans[76] ». M. Beauregard a catégoriquement réfuté ces accusations. À propos de tous ces événements, M. Akhavan a indiqué : « Ainsi, sans la moindre preuve — sans la moindre preuve — un bureaucrate distingué au dossier impeccable était accusé d'être criminel[77]. »

M. Beauregard était de toute évidence irrité par le contenu de l’évaluation et s’y est opposé à plusieurs égards. Il a insisté pour que des modifications soient apportées à ce qui lui semblait des passages inexacts jusqu’à ce que le conseil se réunisse au complet en janvier 2010[78]. En outre, selon M. Akhavan, la majorité des membres du conseil d’administration a songé à désavouer le rapport d’évaluation à la réunion du 18 juin 2009. Il a indiqué qu’en guise de compromis, le comité d’examen avait accepté de modifier le rapport. M. Akhavan a cependant mentionné au Comité que la confiance du conseil avait été « trahie ». « Ils n'avaient aucunement l'intention de respecter cette entente[79]. » Plusieurs témoins ont signalé qu’une réunion du conseil initialement prévue pour le 19 octobre 2009 a été annulée dans un délai relativement court. La question n’a été traitée qu’aux réunions des 6 et 7 janvier 2010. Jusqu’à maintenant, l’évaluation du rendement en question qui a été envoyée au BCP en mai 2009 n’a été modifiée d’aucune façon.

Selon David Matas, les questions soulevées au sujet de l’évaluation du rendement témoignent de désaccords plus grands au sujet de la gouvernance du Centre. Il a dit au Comité :

D'après la documentation qu'il a laissée, je constate que les préoccupations de M. Beauregard concernaient, non seulement le contenu de l'évaluation, mais aussi sa portée. Il estimait que les auteurs de l'évaluation se permettaient des observations sur des questions qui, d'après lui, ne relevaient absolument pas de la responsabilité du comité d'évaluation du rendement. Si ce comité avait de trop grands pouvoirs, cela voulait dire que, pour obtenir une bonne évaluation de rendement, le président devrait se rallier aux opinions du comité à propos de questions sur lesquelles ce dernier n'avait pas à se prononcer, d'après lui, puisque ces questions relevaient, dans son esprit, de la compétence exclusive du président. […] Le désaccord au sujet de l'évaluation de rendement faisait partie d'un différend de plus grande ampleur concernant les responsabilités du personnel par rapport à celles du conseil, et qui avait le droit de décider de l'orientation de cette organisation[80].

Mandat

Plusieurs témoins ont discuté du mandat, du but et de l’orientation future de Droits et Démocratie. Ils ont aussi discuté de degré d’indépendance du Centre par rapport au gouvernement.

Micheline Lévesque a indiqué que la nature unique de Droits et Démocratie est fondée sur trois caractéristiques : l’organisme a été créé par une loi du Parlement; son mandat est directement lié à la Charte internationale des droits de l’homme plutôt qu’à la politique étrangère du Canada; l’organisation a une double mission, celle d’œuvrer au respect des droits de la personne et au développement de la démocratie[81].

Pour ce qui concerne l’indépendance du Centre par rapport au gouvernement, le très honorable Joe Clark, qui était secrétaire d’État aux Affaires extérieures au moment de la création de Droits et Démocratie, a décrit, dans une lettre adressée au Comité, le processus parlementaire qui a conduit à l’établissement du Centre à la fin des années 1980[82]. Il a expliqué que l’organisme a été créé grâce à la collaboration de tous les partis et qu’il était censé être indépendant du gouvernement, tout comme son mandat. La disposition relative au financement public du Centre nécessitait cependant « certaines mesures de contrôle ». M. Clark a écrit : « L’indépendance constituait donc la préoccupation principale, et les mesures de contrôle se devaient d’être aussi limitées que possible pour un organisme financé par des fonds publics. » Il a aussi précisé qu’ « aucune disposition n’indiquait que le ministre devait s’occuper de l’orientation de ses politiques ». Le Centre a bénéficié d’un financement pluriannuel, et l’on devait procéder aux nominations après consultation des dirigeants de tous les partis. Au dire de M. Clark, « [i]l y avait une raison impérieuse au choix de ces dispositions » :

On comprenait que la crédibilité de cette nouvelle institution — c’est‑à‑dire sa faculté d’être prise au sérieux — était tributaire de son indépendance. Pour être utile, cette institution ne devait pas être un autre simple instrument du gouvernement du Canada, ni une sorte de filiale du ministère des Affaires étrangères, de l’ACDI, du cabinet du premier ministre, du Bureau du Conseil privé, ou même du Parlement[83].

Ed Broadbent et Warren Allmand ont également souligné l’importance que revêt l’indépendance du Centre par rapport au gouvernement. M. Broadbent a indiqué qu’au cours des années précédentes, on avait nommé au conseil et à la présidence de Droits et Démocratie des personnes dénuées de visées partisanes qui saisissaient bien le caractère indépendant de l’organisation. Il était clair que le Centre pouvait à l'occasion être « en désaccord avec [le gouvernement] sur des questions liées aux droits de la personne internationaux[84] ». M. Allmand a indiqué qu’en nommant M. Broadbent, alors chef du NPD, comme premier président du Centre, le gouvernement conservateur de l’époque avait « donné l'exemple du respect de ce principe de l'indépendance du Centre[85] ».

Les membres du conseil d’administration actuels ne partagent pas tous ces points de vue au sujet du Centre. Ils estiment plutôt que Droits et Démocratie est une « société à régie partagée ». Par exemple, Aurel Braun a dit que le Centre n’est pas une « organisation indépendante[86] ». « Nous jouissons effectivement d'une certaine autonomie, mais nous ne sommes pas un ONG[87]. » M. Matas abonde dans ce sens et décrit la structure incongrue de Droits et Démocratie en ces termes :

La structure actuelle de l'organisation [...] est entièrement financée par le gouvernement, et les salaires, la syndicalisation du personnel et les objectifs rappellent ceux de la fonction publique. Or, à bien des égards, elle se considère comme un ONG et désire fonctionner comme un ONG du point de vue de ses politiques et de son orientation. Donc, il y a un manque de concordance[88].

M. Latulippe, nouveau président de Droits et Démocratie, a aussi affirmé que le Centre « jouit d’une marge de manœuvre appréciable face à l’appareil étatique fédéral » et qu’il peut travailler dans les pays qu’il choisit[89]. Néanmoins, ce n’est pas un ONG. Il a indiqué que, comme le Centre reçoit des fonds publics, il est comptable au gouvernement et au Parlement. Le Centre dispose d’une marge de manœuvre en raison de son autonomie. M. Latulippe a cependant ajouté : « Les activités de programme de Droits et Démocratie et le financement fourni par lui ne doivent pas être en contradiction avec la politique étrangère du Canada, quel que soit le parti politique au pouvoir. La définition de la politique étrangère relève du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre. » Au sujet de son nouveau rôle, M. Latulippe a dit au Comité qu’il n’était pas là « pour interpréter la politique étrangère canadienne ou en discuter[90] ».

Interrogés au sujet du mandat du Centre, les anciens présidents Ed Broadbent et Warren Allmand ont insisté sur la mention explicite de la Charte internationale des droits de l’homme. M. Broadbent a déclaré que « le Centre n'a pas pour mission de faire la promotion de notre forme particulière de démocratie parlementaire ou de notre Charte des droits et libertés[91] ». De même, M. Allmand soutenait que « [s]a mission première ce n'est pas de mettre en œuvre la politique étrangère du Canada ni celle des États-Unis et certainement pas celle d'Israël[92] ». MM. Broadbent et Allmand convenaient avec M. Clark que l’indépendance du Centre est essentielle à la réputation de celui-ci et à sa capacité d’accomplir son travail de façon crédible sur la scène internationale. Ils estimaient cependant que les récents événements compromettaient l’indépendance du Centre. M. Broadbent soutenait qu’il y avait eu de l’ingérence politique indirecte ou « subtile » dans la conduite des affaires de Droits et Démocratie par suite des récentes nominations au conseil. Selon lui, cette ingérence consistait « à nommer des gens qui, vous le savez à l'avance, mettront en œuvre un tel programme[93] ».

Les membres du conseil d’administration ont tous nié ces allégations d’ingérence politique. M. Gauthier a dit : « Il est tout simplement faux de laisser entendre qu'on nous a donné comme instruction de modifier l'orientation de Droits et Démocratie[94]. » Il a fait valoir que le conseil s’était efforcé de renforcer la transparence des activités et des décisions relatives au financement de même que la reddition de comptes à cet égard[95]. Le nouveau président Gérard Latulippe a indiqué dans ce sens : « Je ne suis pas ici pour changer l'idéologie d'une organisation. Personne au gouvernement ni au conseil d'administration ne m'a rien demandé de tel[96]. »

David Matas estimait qu’il fallait se pencher sur des questions plus profondes. Selon lui, il existe des contradictions dans le mandat actuel du Centre : « l’objectif politique d’apparence de non-ingérence [dans le financement des ONG oeuvrant à l’étranger] ne peut plus être atteint au moyen de structures comme Droits et Démocratie[97] ». M. Matas a signalé que Droits et Démocratie conçoit maintenant ses programmes et trouve des ONG pour les exécuter au lieu de financer des programmes créés par des ONG établis dans des pays en développement, ce qui était, selon lui, l’intention première de l’organisme. Il a terminé son exposé en remettant en question l’existence même de Droits et Démocratie puisqu’il existe d’autres mécanismes qui pourraient offrir des programmes semblables[98].

Le Comité appuie le maintien du mandat de Droits et Démocratie tel qu’il a été établi par le Parlement il y a plus de 20 ans. Dans la prochaine partie du rapport, il sera question de l’indépendance du Centre par rapport au gouvernement au pouvoir.

Décisions opérationnelles

Enfin, le Comité a été saisi des tensions que suscitent, au sein du Centre, des désaccords au sujet des décisions opérationnelles, notamment en ce qui concerne le financement de trois organisations du Moyen-Orient : Al Haq, B’Tselem et Al Mezan. Le président du conseil a été mis au courant de ce financement, octroyé à même le Fonds d’intervention d’urgence avec l’aval du président du Centre, en mars 2009. Lors de sa réunion de janvier 2010, le conseil a finalement répudié les subventions en question, dans un consensus auquel participait aussi le président Rémy Beauregard.

Les activités des trois organisations en question dépassent la portée du présent rapport et nous ne nous y arrêterons donc pas. Nous étudierons en revanche les diverses opinions présentées au Comité quant au degré de préoccupation du conseil au sujet de ces subventions et à leur importance relative. Aurel Braun a dit au Comité que le conseil était « troublé » par l’aspect partisan des décisions concernant ces subventions. Comme on l’a écrit précédemment, il a dit : « C'était ça la position par défaut, pour ainsi dire, ce qui avait très souvent pour effet de délégitimiser et de déshumaniser une autre démocratie, comme si ce genre d'attitude pouvait ne pas être partisane[99]. » M. Matas a affirmé que le problème tenait au fait que le conseil voulait s’assurer que l’action du Centre était juste et équilibrée :

... Droits et Démocratie n'a pas de programmes au Moyen-Orient. Si nous avions, en ce qui concerne le Moyen-Orient, un programme en bonne et due forme qui soit bien équilibré, peut-être conviendrait-il d'y inclure B'Tselem, mais de là à décider d'accorder une subvention à trois organisations qui font partie du même camp et qui font toutes exactement la même chose… C'est hors contexte, ce n'est pas utile, et cela ne marchait tout simplement pas, vu le mandat de l'organisation[100].

Pour sa part, Razmik Panossian, un ancien employé, est convaincu que le conseil s’est servi de ces subventions comme prétexte pour saper l’autorité du président et du personnel. Il a dit au Comité qu’il avait informé le président du conseil d’administration du fait que ces subventions avaient un caractère purement ponctuel et qu’elles ne seraient pas renouvelées. M. Panossian a poursuivi en disant :

Les choses auraient dû en rester là. C'est ce qui aurait été raisonnable. Mais ces subventions ont servi de prétexte tout au long de l'année à un travail de sape contre M. Beauregard et même contre Droits et Démocratie tout au long de 2009. À signaler que ces 30 000 $, le montant total de ces subventions, représentaient 0,27 p. 100 du budget annuel de Droits et Démocratie, 11 millions de dollars. Je vous laisse imaginer le nombre d'heures que le conseil d'administration et le personnel ont dû consacrer à ces subventions qui préoccupaient tant M. Braun, jusqu'à ce qu'elles soient rejetées par le conseil, en janvier 2010[101].

Une autre question semble avoir fait problème, à savoir la participation de Droits et Démocratie à la Conférence d’examen de Durban (Durban II) de 2009 organisée par les Nations Unies pour faire le point sur les progrès accomplis vers les objectifs fixés en 2001 lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée (Durban I). Marie-France Cloutier a dit au Comité que le président Rémy Beauregard avait indiqué sans équivoque au conseil que Droits et Démocratie ne participerait d’aucune manière à la conférence[102]. D’après Mme Cloutier, le président du conseil d’administration Aurel Braun lui aurait demandé avec insistance de modifier le passage du procès-verbal de cette réunion témoignant de la décision de M. Beauregard à ce sujet. Mme Cloutier a dit : « Il [M. Braun] voulait que je modifie le texte pour dire que c'était le conseil qui avait pris cette décision. Or, la décision avait été prise avant la réunion du conseil. Je le lui ai dit[103]. » Pour certains témoins, cet incident témoigne de la manière dont le conseil s’ingère dans le fonctionnement du Centre, sujet qui a été abordé dans la section précédente.

PARTIE IV : LA VOIE DE L’AVENIR

Gérard Latulippe, a admis qu’il avait pris la tête d’une organisation en crise, disant qu’il avait accepté le poste de président » au moment où l'organisation vit un important problème de gouvernance[104] ». Il a dit aussi que « la gestion des ressources et des relations de travail » était « au centre du conflit » et qu’il devait s’y attaquer directement sans tarder, pour rétablir la « cohésion » au sein de l’organisation, ajoutant : « Nous sommes en droit de nous demander combien de temps les contribuables vont accepter de payer pour une organisation qui se déchire sur la place publique, ici, au Canada, alors qu'elle devrait concentrer ses efforts à faire la promotion des valeurs démocratiques dans le monde[105] ».

Au sujet des perspectives du Centre, M. Latulippe a souligné que le Centre s’était doté d’un plan stratégique pour 2010-2015 qui avait été dressé par le personnel et entériné par le conseil d’administration. Qualifiant ce plan d’ambitieux, il a formulé le souhait de diversifier les sources de financement du Centre, d’assurer une distribution le plus équilibrée possible des activités du Centre entre la protection des droits de la personne et le développement démocratique et de mettre l’accent sur les résultats. Il a dit au Comité : « À l'avenir, les décisions sur les programmes, activités et subventions du Centre doivent viser l'obtention de résultats mesurables, suivant les règles de l'art, pour l'amélioration des pratiques démocratiques et des droits humains dans les pays sélectionnés[106]. »

M. Latulippe a terminé sur une note optimiste, disant espérer que, avec le temps, l’organisation réussirait à « combler le fossé qui s'est creusé entre le conseil d'administration et le personnel, de façon à [...] travailler précisément à la réalisation de notre plan stratégique ». M. Latulippe a ajouté que les deux parties s’entendaient « sur le fond des choses » et étaient « sur la même longueur d’ondes[107] ». Qu’on ne s’y trompe pas cependant, les deux camps devront faire preuve d’un esprit de coopération, de compromis et de réconciliation si l’on veut que l’atmosphère s’assainisse et que le plan quinquennal ait des chances de réussir. Le Comité convient que les dirigeants, le président et le conseil d’administration de Droits et Démocratie doivent le plus possible recourir à des mécanismes internes de résolution des différends et travailler dans un esprit de coopération pour assurer le bon fonctionnement du Centre et empêcher les divergences de vues de dégénérer.

Le Comité s’intéresse depuis très longtemps à l’organisation Droits et Démocratie, créée par le Parlement et œuvrant dans un domaine qui relève du mandat du Comité. Le Centre fait rapport au Parlement par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères et est financé par la voie d’un crédit parlementaire. Le Comité sait que l’organisation a connu des difficultés durant ses vingt années d’existence, mais en général, les problèmes ont été réglés, le Centre réagissant aux recommandations et commentaires issus d’examens externes.

Le Comité est convaincu que Droits et Démocratie continue d’avoir un rôle vital à jouer dans la promotion et la protection des droits de la personne à l’échelle internationale et le renforcement des régimes démocratiques dans le monde entier. Il a attesté par ailleurs l’importance de l’aide que le Canada apporte au développement démocratique international par le biais de divers mécanismes dans son rapport de 2007 à ce sujet[108]. Droits et Démocratie est la seule organisation canadienne expressément mandatée pour traiter de ces deux questions qui soit en même temps indépendante du gouvernement et autonome. Compte tenu des événements survenus ces dernières années dans les pays où le Centre est actif — qu’on pense au Zimbabwe, à la Birmanie, à Haïti, à la République démocratique du Congo, à l’Afghanistan ou au Soudan — la raison d’être de ce type d’organisation n’a jamais été aussi forte.

Sa loi constitutive donne pour mission à Droits et Démocratie de contribuer à combler l’écart entre les engagements internationaux des États relativement aux droits de la personne et les principes démocratiques et les pratiques en la matière. La tâche est de taille et, vingt ans plus tard, l’écart est encore grand dans certains États. D’autres, qui sortent tout juste d’un conflit ou qui viennent de se donner un régime démocratique, ont besoin d’assistance pour continuer sur leur lancée. Il ne fait aucun doute que, dans beaucoup de pays, les collectivités locales et les organisations de la société civile qui travaillent sur le terrain ont besoin de l’aide que Droits et Démocratie peut leur offrir. Cet impératif exige que Droits et Démocratie incorpore à toutes ses activités les principes de l’efficacité de l’aide, de l’efficience des programmes et de la gestion axée sur les résultats. Cela fait l’objet de la principale recommandation du Comité sur l’avenir de Droits et Démocratie.

Recommandation 1 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada réaffirme publiquement l’indépendance de Droits et Démocratie et l’importance de sa mission d’appui au respect des droits de la personne et au développement démocratique dans le monde.

Les autres recommandations du Comité visent à renforcer cette importante organisation et à remédier à certains des problèmes à l’origine de la crise actuelle.

Remèdes à court terme

Abstraction faite de l’engagement politique précité, certains témoins ont fait valoir la nécessité d’autres mesures pour remédier à la crise que traverse Droits et Démocratie. Ils estiment important d’intervenir pour régler les problèmes de gouvernance et de reddition de comptes dont il est fait état dans le présent rapport.

Recommandation 2 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada accorde à Droits et Démocratie un financement quinquennal consolidé correspondant au crédit annuel courant pour chacune des cinq années en question après quoi il devrait vérifier l’opportunité de reconduire ce type de financement.

Recommandation 3 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage fortement le conseil d’administration de Droits et Démocratie à inviter le Bureau du vérificateur général à mener une vérification de gestion de l’organisation. À l’avenir, le gouvernement pourrait envisager de remplacer l’examen quinquennal par le ministère des Affaires étrangères prévu dans la loi constitutive du Centre par une vérification de gestion quinquennale effectuée par le Bureau du vérificateur général.

Recommandation 4 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage fortement le conseil d’administration de Droits et Démocratie à modifier ses règlements administratifs de manière que les contrats d’une valeur de plus de 10 000 $ fassent automatiquement l’objet d’un appel d’offres.

Recommandation 5 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage fortement Droits et Démocratie à publier tous les contrats de plus de 2 000 $ sur son site Web public.

Recommandation 6 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage fortement Droits et Démocratie à publier tous les trimestres sur son site Web public de l’information sur les frais de déplacement et les dépenses d’hospitalité engagées par les membres du conseil d’administration.

Recommandation 7 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada envisage de modifier la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique afin d’y ajouter une disposition portant que les nominations au conseil d’administration doivent tenir compte de la nécessité de constituer un conseil dont les membres connaissent bien la question des droits de la personne et du développement démocratique au niveau international ainsi que la gouvernance d’entreprise.

Recommandation 8 :

Le Comité recommande que le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé s’entendent pour offrir une formation poussée sur les règles de fonctionnement des conseils d’administration à tous les membres du conseil d’administration de Droits et Démocratie. Cette formation devrait être obligatoire pour tous les membres du conseil d’administration en poste et constituer une exigence imposée très tôt aux personnes nouvellement nommées.

Recommandation 9 :

Que le Bureau du Conseil privé retire de tous les dossiers l’évaluation de Rémy Beauregard faite par le conseil d’administration de Droits et Démocratie (ainsi que tous les documents liés à l’évaluation).

Recommandation 10 :

Que l’actuel conseil d’administration de Droits et Démocratie présente des excuses à la famille de M. Beauregard pour toute déclaration qui avait entaché sa réputation.

Recommandation 11 :

Que le gouvernement du Canada reconstitue le conseil d’administration, avec un nouveau président.

Recommandation 12 :

Que le gouvernement du Canada autorise le nouveau conseil d’administration à réexaminer la nomination de M. Latulippe.

Recommandation 13 :

Que les membres du nouveau conseil d’administration soient nommés en concertation avec les partis de l’opposition, pour assurer l’indépendance et l’impartialité du conseil (voir le processus ci‑après).

Recommandation 14 :

Que le processus de nomination des membres du conseil d’administration soit modifié afin de prévoir une période d'examen de trente jours de séance pour que le Comité permanent des affaires étrangères puisse étudier toutes les candidatures proposées par le gouvernement.

Recommandation 15 :

Que la loi créant le Centre soit modifiée afin que le président du Centre, le président du conseil d’administration et les cadres supérieurs soient tenus de se présenter sur une base annuelle devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international afin de garantir la transparence de l’organisme et le respect de ses obligations redditionnelles.

Recommandation 16 :

Que la firme Deloitte & Touche et le vérificateur général se présentent devant le Comité pour discuter de leurs derniers rapports de vérification concernant Droits et Démocratie.

CONCLUSION

Le Comité estime que l’organisation Droits et Démocratie, dûment améliorée sur les plans de la reddition de comptes et de la gouvernance, peut encore faire œuvre utile. Certains détails de la récente crise qui a secoué l’organisation sont encore flous et demeurent contestés, mais le Comité s’entend sur un objectif pour l’avenir : l’adoption d’une démarche transparente et coopérative pour que Droits et Démocratie puisse s’acquitter de l’importante mission que lui a confiée le Parlement. Le Comité convient que l’orientation générale de l’organisation doit être déterminée par le conseil d’administration et mise en œuvre par le président et les employés du Centre. Le Comité convient aussi avec le nouveau président et les employés du Centre que le plan stratégique quinquennal constitue une bonne base de départ.

Dans une lettre adressée au Comité, le très honorable Joe Clark, qui était secrétaire d’État aux Affaires extérieures au moment de la création de Droits et Démocratie, a souligné que l’organisation avait été établie dans un esprit de coopération. Il a écrit notamment : « Le processus qui a mené à sa création a réellement été délibératif, consultatif et multipartite. Certains diront même que ce processus nous a montré le Parlement sous son meilleur jour[109]. » Le Comité voit dans cette déclaration à la fois une explication de la genèse de Droits et Démocratie et un objectif pour l’avenir. Abstraction faite des recommandations adressées au gouvernement du Canada et, par son intermédiaire, à Droit et Démocratie, le Comité estime de son devoir parlementaire de soutenir l’organisation et d’entretenir des liens avec elle.



[1]              Indépendance et internationalisme, Rapport du Comité mixte spécial sur les relations extérieures du Canada, juin 1986, p. 107.

[2]              Ibid., p. 112.

[3]              Ibid., p. 114.

[4]              Qui doit en profiter?, Rapport sur les politiques et programmes du Canada en matière d’aide publique au développement, Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, mai 1987, p. 37.

[5]              Aux termes de la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, la « Charte internationale des droits de l’homme » désigne : « a) la Déclaration universelle des droits de l’homme; b) le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; c) le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; d) le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. » Voir la Loi sur le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, 1985, ch. 54, http://laws.justice.gc.ca/fr/I-17.3/text.html.

[6]              Témoignages, réunion no 17, 1re session, 38e législature, 15 décembre 2004.

[7]              Témoignages, réunion no 36, 2e session, 40e législature, 29 octobre 2009.

[8]              Ibid.; paragraphes 4(1) et (2).

[9]              Voir le site Web de Droits et Démocratie, http://www.ichrdd.ca/site/what_we_do/index.php?lang=fr.

[10]           Droits et Démocratie, Rapport annuel 2008-2009, Montréal, 2009, http://www.dd-rd.ca/site/_PDF/publications/annual_reports/rapportAnnuel2008-2009.pdf, p. 17-19.

[11]           L.R., 1988, ch. 54.

[12]           Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Règlement no 1, modifié par le conseil d’administration à sa réunion du 26 mars 2010. Nota : cette disposition est identique à celle qui figurait dans le règlement adopté le 26 juin 2008.

[13]           Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Règlement no 1, modifié par le conseil d’administration à sa réunion du 26 mars 2010. Nota : cette disposition est identique à celle qui figurait dans le règlement adopté le 26 juin 2008.

[14]           Ibid.

[15]           Ibid.

[16]           Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Règlement no 1, tel qu’amendé par le conseil d’administration à sa réunion du 26 mars 2010. Nota : cette disposition est identique à celle qui figurait dans le règlement adopté le 26 juin 2008.

[17]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[18]           Ibid.

[19]           Graeme Hamilton, « Lax spending disclosed; Review tabled in Parliament excludes concerns about ex-rights group chief », National Post, 5 septembre 2009. [traduction]

[20]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[21]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[22]           Ibid.

[23]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[24]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[25]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010 et réunion no 9, 13 avril 2010.

[26]           Témoignages, réunion no 10, 15 avril 2010.

[27]           Lettre de Gérard Latulippe, président de Droits et Démocratie, adressée à la greffière du Comité le 27 mai 2010. Objet : Demande de documents par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de Droits et Démocratie.

[28]           Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Règlement no 1, modifié par le conseil d’administration à sa réunion du 26 mars 2010; Centre international des droits et du développement démocratique, Règlement no. 1, modifié par le conseil d’administration à sa réunion du 26 juin 2008.

[29]           Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, Règlement no 1, modifié par le conseil d’administration à sa réunion du 26 mars 2010.

[30]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[31]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[32]           Ibid.

[33]           Témoignages, réunion no 10, 15 avril 2010.

[34]           Lettre de Gérard Latulippe, président de Droits et Démocratie, adressée à la greffière du Comité le 27 mai 2010. Objet : Demande de documents par le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de Droits et Démocratie.

[35]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[36]           Ibid.

[37]           Ibid.

[38]           Ibid.

[39]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010 et réunion no 9, 13 avril 2010.

[40]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[41]           Affaires étrangères et Commerce international Canada, Examen quinquennal de Droits et Démocratie (Programmes et Activités), août 2008.

[42]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010 et réunion no 9, 13 avril 2010.

[43]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[44]           Ibid.

[45]           Ibid.

[46]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[47]           Ibid.

[48]           Ibid.

[49]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010 et réunion no 9, 13 avril 2010.

[50]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[51]           Ibid.

[52]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[53]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[54]           Ibid.

[55]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[56]           Ibid.

[57]           Ibid.

[58]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[59]           Ibid.

[60]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[61]           Ibid.

[62]           Ibid.

[63]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[64]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[65]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[66]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[67]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[68]           Ibid.

[69]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[70]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[71]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[72]           Ibid.

[73]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[74]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[75]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[76]           Ibid.

[77]           Ibid.

[78]           Ibid.

[79]           Ibid.

[80]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[81]           Témoignages, réunion no 7, 30 mars 2010.

[82]           Lettre de Joe Clark à la greffière du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, datée du 13 avril 2010.

[83]           Ibid.

[84]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[85]           Ibid.

[86]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[87]           Ibid.

[88]           Ibid.

[89]           Témoignages, réunion no 10, 15 avril 2010.

[90]           Ibid.

[91]           Témoignages, réunion no 9, 13 avril 2010.

[92]           Ibid.

[93]           Ibid.

[94]           Témoignages, réunion no 8, 1er avril 2010.

[95]           Ibid.

[96]           Témoignages, réunion no 10, 15 avril 2010.

[97]           Le fin mot de l’histoire, mémoire présenté au Comité par David Matas.

[98]           Ibid.

[99]           Témoignages, réunion no 8, 30 mars 2010.

[100]         Ibid.

[101]         Témoignages, réunion no 7, 1er avril 2010.

[102]         Ibid.

[103]         Ibid.

[104]         Témoignages, réunion no 10, 15 avril 2010.

[105]         Ibid.

[106]         Ibid.

[107]         Ibid.

[108]         Comité des affaires étrangères et du développement international, Renforcer le rôle du Canada dans le soutien international au développement démocratique, 38e législature, 1re session, juillet 2007.

[109]         Lettre du très honorable Joe Clark au greffier du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international datée du 13 avril 2010.